Avec la collaboration et le soutien de l’Espace Pandora 8 place de la Paix 69200 Vénissieux
Avec le concours du Mouvement de la Paix Comité du Rhône S’approprier le Passé Pour changer le Futur En cultivant la Paix au Présent
(Collectif).- Et si on écrivait la paix.- 70e anniversaire du Mouvement de la Paix.Genouilleux, Éditions La passe du vent, novembre 2019 220 p.- 14 x 20,5 cm.- ISBN : 978-2-84562-331-6
ET SI ON ÉCRIVAIT LA PAIX 70e anniversaire du Mouvement de la Paix (1948-2018)
Ouverture Encore l’oiseau de la Paix encore l’oiseau de l’aube finissante encore l’oiseau de la miséricorde encore ces vents contraires ces eaux mêlées la vie hésite rouge aux lèvres besoin d’écume la vie encore flamboie sous un ciel aux souvenirs imparfaits je connais tous les lieux les lieux de l’amour de la justice et de la liberté les lieux de l’amour infatigable nous avons inventé les ailes du paysage la beauté d’un visage et tout ce réel qu’on impose au monde nous avons inventé le vernis des siècles passés nous avons inventé la colombe la rose et l’espérance nous avons inventé la mémoire je connais tous les lieux les usines les champs la mer la forêt et les murs des maisons la peau des routes les nuits du ciel nous avons inventé tous les hommes nous avons inventé tous les temps nous avons inventé l’azur et les nuages les arbres rigides le souffle des vents nous avons dessiné les contours des yeux et de la bouche nous avons dessiné le monde tous les visages du monde –5–
entre le sommeil et l’oubli toujours je ranime les dernières flammes né de l’ombre la plupart du temps je suis ivre de moi-même aujourd’hui je piétine rebelle rebelle encore astre vagabond feu errant sans tribu ni patrie encore l’amour encore la vie encore l’eau fraîche les yeux de l’enfance la bouche qui s’ouvre comme une fleur encore l’amour encore la vie déjà mon cœur léger et renaissant encore l’oiseau de l’aube finissante encore l’oiseau de la miséricorde encore l’oiseau de la Paix
Thierry Renard, poète, éditeur
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Préface 2017, 70e anniversaire du Mouvement de la Paix. Dans ce recueil, ce sont cinquante-cinq auteurs qui nous donnent leur vision de la Paix, célébrant ainsi, mot à mot, la plus ancienne association pacifiste française. C’est au sortir de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) et suite aux bombardements de Hiroshima et Nagasaki, que des personnalités issues de la Résistance, créent en 1948 « Les combattants de la Liberté » qui deviendra par la suite « Le Mouvement de la Paix ». Extrait des Statuts du Mouvement de la Paix : Nous rassemblons des femmes et des hommes aux opinions philosophiques, religieuses, politiques différentes, mais qui sont en accord sur le fait que les menaces pour la paix et la sécurité des peuples s’appellent misère, pauvreté, chômage, injustices, analphabétisme, ignorance, manque de démocratie et qui désirent : • S’opposer aux guerres et promouvoir la résolution politique et pacifique des conflits. • Soutenir les forces de la paix qui agissent au cœur des conflits. • Défendre une conception globale de la construction de la paix au travers de la promotion d’une culture de la paix. Bien des artistes ont œuvré pour la Paix, et si nous avons tous à l’esprit le peintre Picasso, il est bon de se rappeler les mots de certains, membres ou dirigeants du Mouvement de la Paix depuis sa création en 1949, tels que Louis Aragon, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Hervé Bazin, Elsa Triolet, Vercors et tant d’autres. Au fil des décennies, beaucoup d’autres l’ont racontée, peinte, sculptée, chantée… –7–
Cette année, la littérature est à l’honneur au travers d’un appel à textes lancé en mai 2018. C’est ainsi que nous avons regroupé plus de soixante-dix textes d’auteurs ayant à cœur d’exprimer la Paix au travers de l’écriture, sous forme de lettres, fictions, poèmes, histoires vécues etc. Ces auteurs confirmés, ou militants, ou simples pacifistes au quotidien, de dix à quatre-vingts ans, nous livrent par leurs mots, leur volonté d’un monde de Justice, de Paix et de Fraternité. Louis Aragon écrivait Je dis la Paix, ici c’est tous en chœur que vous pourrez la lire.
Magali Picano, Bureau national du Mouvement de la Paix
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ET SI ON ÉCRIVAIT LA PAIX
Amaury Ballet – Cette nuit c’est la saison d’aimer
Cette nuit c’est la saison d’aimer Amaury Ballet « Je suis couché dans un plaid Bariolé Comme ma vie Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle écossais » Blaise Cendrars, Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France
En ce temps-là je n’étais plus en mon adolescence J’avais deux fois seize ans et je ne me souvenais pas de mon enfance, J’étais à quelques lieues du lieu de ma naissance, Le cœur lesté d’une incommensurable solitude je glissais entre chien et loup, Je marchais dans ma ville aux cinquante clochers et aux quelques gares Le long des trottoirs de mes premiers pas, sur les places de mes premières amours Mais je ne reconnaissais ni les silhouettes des femmes, ni le ciel, Et j’étais si mauvais poète que je n’allais pas jusqu’au bout L’écho résonnait de fumées d’usines et de périphériques schizophrènes L’horizon était écrasé par les hommes pressés et les arbres enfermés dans des grilles Les nettoyeurs de vitres dansaient devant la triste lumière des phares Le soir tombait sur les façades en domino de faux-soleil et j’échappais aux autres Les rues pleines me laissaient triste et vide Je voyais des vieillards jouer à redevenir des enfants devant les vitrines et des enfants jouer à devenir des vieillards dans le parc Les rimes des émois adolescents faiblissaient dans des cafés sans amis et sans âme – 11 –
Amaury Ballet – Cette nuit c’est la saison d’aimer
Sur un toit une jeune femme appelait le monde entier : « Toujours et jamais sont des mots qui n’existent pas », criait-elle, Mais le monde entier était déjà couché Et j’aurais voulu être à Moscou, la ville des mille et trois clochers et des sept gares Et je n’en aurais pas eu assez des mille et trois clochers et des sept gares. J’aurais voulu moi aussi le soleil sur la place Rouge et les toits d’or croustillants J’aurais voulu Istanbul, le haschich sur les terrasses et Saigon, les amoureux sous les arcades J’aurais voulu Dakar, les tambours du port et Buenos Aires, les librairies la nuit Alors je longeais les voies ferrées et je songeais au Transsibérien traversant les grandes plaines, à la neige sur les vitres des wagons, au plaid bariolé de Cendrars Je rêvais à des femmes dont les grands yeux changeraient mon horizon, Aux lèvres qui seraient Moscou Istanbul, Dakar, Saigon, Buenos Aires, Aux voix des légendes anciennes, aux lignes des mains caressantes L’horizon tenait à un fil aux portes des maisons closes, je ne comprenais plus rien de ma ville, de ses histoires d’amour manquées, de ses fleuves avec le soleil dedans, de ses immeubles qui abritent les gens et où les gens font l’amour, dorment de sommeil sans rêves et rêvent de sommeils éternels Je ne comprenais rien à ses boulevards où passent les foules philosophiques, à ses bancs publics cadenassés, à ses métros aériens sonores traversant le ciel, à ses pissotières où l’on se came pour imaginer une autre vie, à ses quartiers remplis de bureaux sans fenêtre où l’on travaille à coups de chiffres et de cocaïne J’étais un étranger dans ma ville, Je roulais dans un taxi volé, au milieu des drapeaux, des Marseillaises, des claquements de bottes, des couvre-feux et des ombres menaçantes,
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Amaury Ballet – Cette nuit c’est la saison d’aimer
Des fanatiques de tout bord, en uniformes, en costumes ou drapés de tradition Dealers d’éternité, dealers de morale, dealers d’animaux sauvages, dealers de rires enfant, dealers d’eau potable, dealers de nourriture chimique et d’amours bon marché Les portes se fermaient, les gens avaient peur, les banquiers dansaient dans les rues avec les caporaux et les faux apôtres de Dieu, riant jusqu’au bordel où des femmes squelettiques les accueillaient J’aurais voulu les boxer mais je ne faisais rien, nous étions devenus un cirque d’automates et l’obsession de l’ennemi invisible emplissait l’air De la colline j’essayais de voir au loin jusqu’où le regard porte, Je cherchais les montagnes bleues, les rivières sentimentales et les loups des steppes Et c’est alors qu’un enfant s’est mis à marcher à contre-courant de la marée humaine Seul il a traversé la cité, dessinant sans s’arrêter sur les banques, les casernes, les lieux d’obscurantisme, son sourire illuminant la place et la foule entière retenait sa respiration Sur la grande place l’enfant s’est avancé face aux chars pointés, il était blond, brun, châtain, garçon, fille, noir, blanc, métisse, jaune, rouge C’était Rimbaud, Maïakovski, la petite vendeuse d’allumettes, Barbara, le roi, le mendiant, l’oiseau, Il se mit à chanter, nous étions des milliers de muets mais lui chantait : « Cette nuit c’est la saison d’aimer, cette nuit c’est la saison d’aimer » Alors je me suis souvenu de mon enfance et du lieu de ma naissance, J’ai retrouvé les odeurs de l’automne, mes amours perdus, les places du 1er-Mai aux sons des guitares andalouses, la bière partagée des amis oubliés, mon chien jaune qui me réconfortait, le sourire d’inconnus qui me donnait l’espoir Et alors j’ai su qu’elles seraient chassées, les ombres, comme elles ont déjà été chassées,
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Amaury Ballet – Cette nuit c’est la saison d’aimer
Par nos grands-pères, par nos mères, Missak Manouchian, Rosa Luxemburg, Gabriel Garcia Lorca, René Char, les femmes de la place de Mai, les anciens esclaves, les Indiennes révoltées… Les villes digéreront à nouveau les ombres, les places se rempliront d’amoureux qui feront repousser des arbres, les statues des salopards sauteront des parcs, les rues seront libres et criantes de monde, les murs peints de poèmes, au loin les montagnes chanteront à nouveau Les ombres du passé berceront les contes des enfants de nos enfants, qui joueront à se faire peur le soir, ils viendront du monde entier, des villes et des campagnes, et se mélangeront encore et feront naître d’autres enfants, beaux de liberté et de justice pour le peuple Les passantes forceront les lignes du siècle symétrique et nous boirons du vin à la santé des villes nouvelles Alors je serai toujours mauvais poète mais j’irai à la gare, Je prendrai un train en direction de l’est, Je prendrai ensuite d’autres trains dans d’autres gares, Jusqu’à Moscou, Jusqu’au Transsibérien.
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Fabienne Morandière – Aux enfants de la paix
Aux enfants de la paix Fabienne Morandière J’aurais aimé te dire « j’ai mis fin à la guerre » Mais comment le pourrais-je ? Je ne suis qu’une femme. Si j’enfante demain, je veux qu’aux meurtrières Du château familial on élève une flamme. Des lumières aussi longues que soixante-dix années Où les hommes célèbrent le fait d’être vivant Ensemble, sur la planète qui aura tant donné D’espoir taché de larmes aux yeux des combattants. Si mon enfant a faim, aux portes de l’Afrique Je veux qu’il puisse atteindre les côtes du secours Qu’on lui ouvre les bras sans lui parler de fric Que son bateau d’escale ne soit jamais trop lourd. Si mon enfant a froid sur les pavés de France Je veux que les maraudes s’acharnent à le trouver Et qu’elles me ramènent son sourire en errance Pour que je berce encore son cœur qui a morflé. Que m’importe qu’il soit féminin, masculin Ses droits ne sont liés aux détails de son corps Que pour s’unir à l’être qui comble son destin Il n’y a pas d’esclave que désigne le sort. Il aura la couleur de l’amour partagé. Elle aura le curieux besoin de découvrir. Ils n’auront d’autre force que celle de s’aimer Et aucune frontière n’apprendra à mourir. – 15 –
Fabienne Morandière – Aux enfants de la paix
Mes enfants auront bien toutes les langues en poche Pour traduire à deux mains que plus demain ne cesse. Faits de ciel et de lune que leur rêve décroche, Franchissant les frontières sans qu’un regard s’abaisse. Si la Terre repartait un jour en tremblements Je veux que tout le monde se lève au pied des tombes Pour dire aux disparus qu’on prend l’engagement De chasser les vautours qui vivent d’hécatombes. Ils ont soixante-dix ans de paix dans leur histoire Et ils ne veulent plus qu’on leur parle de bombes Sinon pour dire aux vieux « merci pour vos mémoires », Gardez dans vos paupières le chant frais des colombes.
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Michel Jarrié – El Djenanet 57
El Djenanet 57 Michel Jarrié Mai 2000 Le premier été du siècle se profile et pour Jean-Baptiste, la dernière montée en alpage en compagnie de Petit Jules, fils de Joseph et de Marie, sa plus proche voisine. C’est le fiston qui prendra tout seul la grimpette l’an prochain. Jean-Baptiste était sans souci, Petit Jules lui ressemblait. L’école c’était pas leur truc. Sitôt le certificat en poche, tous deux passèrent le plus clair de leur vie en alpage. Jean-Baptiste vivait seul, une fois les troupeaux repartis, c’était repos pour lui et son chien Boulou, repos relatif car à la campagne il y a toujours de l’occupation. Il était toujours resté fidèle à son coin, hormis ces trente mois passés sous les drapeaux. Les soirées d’hiver il les passait chez les Beurlet. Joseph était comme son frère. Du même âge, ils étaient partis le même jour à l’armée, Jo dans l’artillerie et le berger dans l’infanterie coloniale. Libérés, ils reprirent leurs activités. Ni l’un ni l’autre ne parlaient de leurs souvenirs de troufion. Jo avait pris la sale habitude de picoler, ce qui le rendait désagréable et colérique. Qui plus est, ces mois passés dans le djebel avaient affecté sa santé mentale. Il se maria néanmoins, une union de circonstance, avec Marie la fille unique de ses patrons, honnêtes fermiers. Brave Marie ! Certes elle n’avait rien de très aguichant, mais bah !
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Solide campagnarde, c’est elle qui, avec le bourricot, montait approvisionner le berger, et mon Dieu, elle y allait de quelques gâteries avec Jean-Baptiste. Aucun des deux n’y voyait vice, pour l’un, un peu du plaisir était bon à prendre et pour l’autre ça l’aidait à supporter son poivrot de mari. Il y eut un moment d’angoisse quand Marie se retrouva enceinte, par bonheur quand Petit Jules mit son nez à la fenêtre tout le monde trouva le tarin aux mêmes dimensions que son père à l’état civil. C’est à l’été 1975 que Jean-Baptiste et Petit Jules gagnèrent ensemble la pâture. Le travail ne manquait pas. Marie venait toujours à la semaine, il y avait toujours prétexte à éloigner le jeune, le temps que... Joseph ne sortait plus guère si ce n’est pour s’occuper du volailler et du clapier. C’est souvent que Jules turlupinait Jean-Baptiste pour qu’il lui parle de ses souvenirs d’armée, lui arrachant quelques confidences… − Dis, tu en a tué combien là-bas ? – Je vais te surprendre, à mon avis aucun ou alors je l’ai pas fait exprès ! Tu sais, pour moi l’essentiel était de retrouver le pays sur mes deux jambes. – Tu as dû t’en voir quand même ! – Ah ! Oui ! Le seul que j’ai envoyé à l’hosto c’est cette ordure de Frédo le Parigot. Je me souviens encore le nom du bled : El Djenanet. Figure-toi qu’entendant des cris, je fonce dans un gourbi et je tombe nez à nez avec lui alors qu’il était en train de violer une gamine sous les yeux de sa mère et, je suppose, sa grand-mère. Il m’a injurié en hurlant de me tirer, je lui ai foutu un coup de crosse derrière le crâne. il a pas fait un pli.
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–Quand même ! –Tu sais là-bas, la vie d’un homme... Le pitaine a été mis au courant et c’est tout juste s’il m’a pas décoré pour l’avoir débarrassé de ce fumier ! –Et la fille ? –Avant de partir je leur ai laissé tout mon barda, le manger, l’argent et tout le toutim, tellement j’avais honte de l’autre. –Et après ? –Il y a pas eu d’après ! Tu sais on ne restait jamais au même endroit ! Savoir ce qu’elles sont devenues, j’ai jamais voulu me poser la question. Ce fut la seule et unique fois que Jean-Baptiste s’épancha. Nous revoilà en cette année 2000. La vie de Jean-Baptiste n’est pas bouleversée tant que ça. Joseph est en fauteuil roulant depuis sa récente attaque. Marie a bien vieilli, elle a encore de bonnes jambes pour aller avec l’âne jusqu’en pâture, bref, une retraite tranquille. Ce jour-là le facteur était porteur d’une lettre. Jean-Baptiste pensa qu’il s’agissait d’un courrier administratif mais non. Ce timbre, ce tampon avec des lettres arabes ! Il ouvrit avec empressement et lut avec stupeur. Cher Monsieur Jean-Baptiste. Voici quelque temps, maman m’a remis un document qu’elle gardait depuis son enfance, une photo plus exactement. Un
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jeune homme y figurait dessus et au dos on pouvait encore lire : Jean-Baptiste Marin, Saint-Eustache, Hautes-Alpes. Ayant contacté votre mairie, j’ai eu votre adresse. Je me présente, je suis Djamila fille de Fatima, j’exerce le métier de professeur et écrivaine à mes heures, ma mère celui d’institutrice. Vous devez vous rappeler dans quelles circonstances tragiques vous avez secouru maman. Vous savez ou pas qu’il nous est très difficile d’obtenir des visas aussi nous serions tellement heureuses de vous recevoir. J’ai pu savoir que vous étiez bien valide et libre de famille si vous pouviez venir jusqu’à nous. Vous ne pouvez refuser ce bonheur à maman. Ne vous souciez de rien. Je fais le nécessaire pour vous transmettre les documents et billets. Vous pourrez passer en mairie, la secrétaire est au courant de tout. C’est ainsi que notre montagnard, l’automne venue, retrouva à soixante-six ans El Djenanet pour une deuxième campagne d’Algérie. Reviendra-t-il dans ses montagnes, sûrement ! Sera-t-il seul ? Après de telles émotions, laissons-les savourer cette merveilleuse aventure ! *
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El Djenanet 2001 Eh oui ! Je viens de retraverser la grande bleue une deuxième fois, à quarante ans de distance ! Après avoir lu cette lettre de Djamila, je me suis gratté la tête en me disant : « Eh maintenant Jean-Baptiste, tu fais quoi ? Quitter ta montagne pour partir Dieu sait où ? D’un autre côté c’est tentant. Soixante-six berges mon vieux c’est maintenant ou jamais. Bien sûr tu as ta bicoque, ton clébard et tes voisins avec Petit Jules qui est un peu comme ton fiston, tu vas tondre quoi là-bas ? Tu y connais personne ! Ces deux femmes ? C’est gentil de leur part mais là-bas dans ce trou perdu avec des gusses qui ne parlent pas ta langue. Finalement c’est le Joseph qui m’a décidé, il m’a dit : – Regarde-moi, je suis à deux doigts de crever, par ma faute et la faute de là-bas, j’ai flingué ma vie et celle des miens. Fous le camp là-bas, fais-le pour moi, je veux partir en te rêvant en pacha te prélassant le nombril au soleil, sûr, ça m’aidera. La décision prise, je suis monté à l’alpage avec Marie qui, bien sûr, paraissait avoir le cœur gros, j’ai confié Boulou à Petit Jules et en plus un téléphone portable pour avoir des nouvelles du pays et puis ça a été le grand saut... Je me dois de dire que ce coin-là, traversé une seule fois, ne m’avait pas marqué, je l’ai découvert, certes un peu vieillot mais non sans charme, et puis il y avait ces deux merveilleuses femmes qui d’emblée m’ont sauté au cou. Au fil du temps j’ai tout su d’elles. Tout d’abord, toutes deux me dirent qu’elles tenaient plus que tout à leur indépendance et que tout le bled connaissait mon comportement pendant les événements. Fatima, après l’agression,
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avait rejoint son grand frère dans la rébellion et à l’indépendance elle avait épousé un enseignant laïque qui quelques années plus tard avait été victime des « barbus ». Entre-temps Djamila était née. Elles avaient voulu reconstruire leur modeste maison sur les lieux mêmes du gourbi que j’avais connu. Enseignantes toutes deux au pays, la mère à l’école communale et Djamila au collège Mouloud Ferraoun en tant que professeur de français. J’avais des nouvelles du pays, la première fut pour m’annoncer la fin de Joseph. Mes bienfaitrices parties au travail, j’assurais de petites besognes dont l’entretien du jardinet de quelques volailles. C’est ainsi que je me liais avec Mouloud, ancien dirigeant de wilaya. C’est fou la facilité qu’on a à se trouver des identités de vue avec celui qui vous aurait pu vous bousiller des années auparavant, histoire de démontrer si besoin était, l’absurdité des conflits et la nullité des gens que souvent nous portons au pouvoir. Mon nouvel ami vivait, comme moi auparavant, au milieu de son troupeau, lui c’était moutons et chèvres. Il n’avait pas à se déplacer, les maisons étant au milieu de la nature. En lui donnant la main je repris un peu du service. Souvent nous échangions et bien sûr la conversation revenait sur la condition humaine. Tu vois pas comme on est fou, nous les hommes, regarde ce mouton noir, il vit au milieu des autres, quand il s’accouple personne ne
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trouve à redire. Toi quand on te traite de mouton noir c’est que tu es pestiféré ! Alors, c’est qui les bêtes ? Les mois défilèrent. J’appris que Léon, mon conscrit garde-chasse, avait secouru Marie qui avait pris un malaise en montant la biasse à Jules, depuis elle est hospitalisée à la ville. L’idée me vint de revenir au pays mais Jules m’en dissuada : – T’en fais pas, Léon m’approvisionne et me remplace le temps que j’aille voir la mère qui va pas fort. Tu sais, je crois que la saison finie je raccroche, je vais bazarder les terres, le maire a dit à Léon qu’il aurait besoin d’un cantonnier, alors ! Le mois suivant je suis rentré au pays, je pouvais pas laisser partir Marie seule, il y avait eu trop d’intimité entre nous. Aux condoléances il y avait tous les gens du coin, le maire serra la main à Jules avec un air gêné. Léon, fou de colère faillit lui sauter dessus et pour cause, c’est le fils de l’adjoint au maire qui eut la place de cantonnier. Je restais quelque temps avec Jules, mon chien Boulou ayant, lui aussi, sauté la barrière. – C’est quand que vous revenez, Jean-Baptiste ? – Bientôt c’est promis, mais en ce moment je reste un peu avec mon filleul, je peux pas le laisser tout seul. – Vous avez raison, mais il y aurait peut-être une solution ?... Mouloud, du coup, a agrandi son troupeau, tout en nous disant en riant :
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– Vous êtes deux Français, c’est bien, mais maintenant basta ! Parce que on vous connaît si on vous laisse faire on sera à nouveau plus chez nous ! Nos bienfaitrices sont aux anges ! Mais surtout n’allez surtout n’allez pas croire qu’il y ait quoi que ce soit entre elles et nous pour l’instant. Je vous demande seulement de faire l’effort de le croire.
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Viviane Parseghian – Miroir
Miroir Viviane Parseghian
Un souffle d’air un murmure une larme perdue C’est une fille Elle était Noire Indienne aussi un peu trop grosse pas très jolie Chinoise ici Blanche de peur elle et ses sœurs Esclaves un jour Pauvres d’amour … Elle a cillé des yeux Calumeté son âme Y’avait trop de colères Et des mondes à l’envers Au-delà des murs Par-dessus ses prières Elle a tendu ses mains à des mains démunies Elle était désarmée désarmante et touchante Si on l’avait blessée il y a bien longtemps
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Viviane Parseghian – Miroir
Si on l’avait meurtrie juste là maintenant elle a brûlé sa peine Son passé malheureux Bitumé dans son cœur elle l’a gommé soudain Elle a tout pardonné et tatoué ses jours d’un brin doux de rameau Le pardon c’est un pas une porte qu’on ouvre Et il faut du courage pour ne pas l’effrayer Ce qu’elle veut c’est Se Lever Et Vivre mieux C’est une fille un souffle d’air un mot qui rit un ciel tout bleu Riche d’amour C’est une reine et elle est belle Elle porte les couleurs de sa peau Lève le soleil Déploie ses ailes Libre d’Aimer et de Donner . « Alors, vivre... »
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Viviane Parseghian – Promesse
Promesse Viviane Parseghian Ne pliez pas mes rêves J’ai des rayons de couleur à effacer tous les gris Sur un fil, un dé à coudre j’ai crocheté le soleil comme un fruit tout mûr tout doux J’en avais besoin Ma terre était sèche et les larmes des hommes ne la guérissaient pas le sang avait coulé d’hier à aujourd’hui sur les mots des poètes Un enfant Tout petit Un enfant de la vie m’a prise par la main Distillant ses sourires il a sourcé mon âme d’un espoir à grandir
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Viviane Parseghian – Promesse
C’est Lui cette promesse d’un monde bien meilleur où l’on prendra le temps des battements de cœur Demain au petit jour on parlera d’amour et on regardera les coquelicots tout blancs étoiler les saisons d’un ciel à respirer... « Demain »
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Frédérique Panassac – À la croisée des chemins
À la croisée des chemins Frédérique Panassac
Louise claqua la porte de la chambre et donna un tour de clef rageur. Elle venait d’apprendre que Vincent allait repartir pour une mission – une de plus à son actif et au passif de son couple – pour « couvrir » la guerre en Syrie. Cette fois c’en était trop. Trop d’angoisse, trop de nuits à chercher le sommeil, trop de palpitations chaque fois que son téléphone sonnait, ou que les courriels de Vincent tardaient trop à arriver dans sa messagerie. Louise se pelotonna sur le lit trop grand pour sa solitude, et se laissa aller à la crise de larmes longtemps retenue. Elle entendit Vincent refermer la porte de leur pavillon puis perçut le ronronnement du moteur de la voiture. Pourquoi avait-elle encore réagi avec cette colère qui lui coupait le souffle et lui tordait le ventre ? Quand Vincent, agacé par ces scènes à répétition s’abattant sur lui aussi sûrement que l’orage après la canicule, allait-il lui dire que c’en était fini de leur mariage ? Vincent était passionné par son travail de photographe de guerre. Les missions s’enchaînaient aux quatre coins de notre planète meurtrie par les conflits qui ensanglantaient tant de pays naguère pacifiques, et fournissaient aux professionnels de la mort tant de cadavres à enterrer.
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Frédérique Panassac – À la croisée des chemins
Parfois ce n’était pas l’envie qui lui manquait de raccrocher sa caméra et de ranger son stylo. Les nuits sans sommeil, il connaissait aussi. Chaque fois qu’un photographe ou un reporter était victime des affrontements dont il devait garder la trace dans sa carte-mémoire numérique ou témoigner par écrit, Vincent remettait en cause ce à quoi il avait voué sa vie. À quoi bon aider les autres, les étrangers, les minorités souffrantes, en montrant au monde entier les horreurs que tel ou tel régime dictatorial leur infligeait ? À quoi bon être à des milliers de kilomètres de sa femme et de ses enfants pour que le public sache ? À quoi bon sacrifier sa vie privée à des causes qui le dépassaient largement, à des événements sur lesquels il n’avait aucune prise ? Le découragement l’étreignait alors et il était à deux doigts de démissionner de son poste très bien rémunéré dans cet hebdo célèbre pour ses reportages sur le terrain. Il allait téléphoner sans attendre à Louise et lui annoncer que c’était fini, que c’était sa dernière mission. Et puis quelques heures de sommeil durement gagnées, après s’être écroulé rompu d’épuisement sur une couche sommaire à la belle étoile ou dans le lit king size d’un hôtel de luxe, effaçaient ses doutes et le remettaient à pied d’œuvre pour la prochaine aventure. Au fond d’elle-même, Louise le savait. Elle l’avait accepté en lui disant oui vingt ans auparavant, et après tout, c’est vrai, elle devait bien reconnaître que Vincent avait été présent à la naissance de Léo et de Clara, leurs deux enfants nés à deux ans d’intervalle. Mais c’était de plus en plus difficile à mesure que le temps passait. Les enfants, ah parlons-en, des enfants, ressassait maintenant Louise, seule dans la grande maison cossue d’une ville de l’Ouest parisien.
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Frédérique Panassac – À la croisée des chemins
Leur équilibre psychique avait souvent été mis à mal par les disputes qui émaillaient les jours précédant chaque nouveau départ de leur père. Léo, qui allait passer son bac, avait besoin de concentration et de la présence de ses deux parents pour le soutenir. Il visait une classe prépa scientifique, son dossier avait par chance été accepté d’emblée par la plateforme pourtant assez diabolique du nouveau Parcoursup. Tout semblait donc bien s’annoncer mais ce n’était pas le moment pour qu’un grain de sable vienne gripper les rouages si bien huilés de ses projets d’avenir. D’autant que sa petite amie Mathilde, elle, était encore sur la corde raide, son choix d’orientation pas encore validé par le logiciel. Léo stressait à mort pour elle et plus qu’elle, apparemment. Clara, depuis son passage en seconde, se refermait comme une huître. Impossible de communiquer avec elle, les repas se déroulaient dans le mutisme le plus complet ou au contraire au milieu des cris et des hurlements quand le couvercle de la marmite explosait. Louise avait bien besoin de son mari pour calmer le jeu lorsque mère et fille commençaient à se chercher comme chien et chat avides d’en découdre. Chaque départ de Vincent marquait un nouveau degré de renfermement sur elle-même suivi de dérapage incontrôlé pour la pauvre Clara placée entre le marteau et l’enclume. Tout cela tournait en boucle dans la tête de Louise qui finit par sombrer dans un sommeil agité, interrompu à point nommé par le retour de Vincent qui était allé passer ses nerfs dans son club de sport et rentrait d’excellente humeur, comme si rien ne s’était passé. Elle avait à nouveau fait ce cauchemar. Vincent otage de Daech, faisant la une des journaux, son cadavre décapité, pudiquement recouvert d’un drap, dans la combinaison orange dont par dérision
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Frédérique Panassac – À la croisée des chemins
les bourreaux de l’E.I. affublaient leurs victimes pour mieux les humilier. Parfois c’était pire. Les terroristes obscènes la forçaient à regarder en boucle la vidéo de son mari hurlant de terreur, brûlé vif dans une cage comme ce malheureux soldat jordanien en 2015. Calme-toi, se dit Louise. Ça n’arrivera pas. Et elle respira un grand coup. Elle n’allait pas continuer à gâcher les deux jours qui restaient avant l’envol de Roissy de Vincent. Elle allait l’aider à préparer ses bagages, lui acheter des livres pour les soirées solitaires, ce qui faisait sourire Vincent plus porté sur des discussions animées avec des confrères, fût-ce à portée de tirs d’artillerie, que sur les heures de lecture. Mais il embarquerait quand même les livres. Vincent passa en revue mentalement, ce soir-là, les missions qui l’avaient le plus marqué : la Bosnie, le Kosovo, le Koweït, l’Irak, plus récemment la Crimée, l’Ukraine et, les dernières années, le Kurdistan et la Syrie. Toutes les occasions où il avait frôlé la mort, et le souvenir de trop de copains tombés caméra en main, pour le simple fait d’avoir voulu témoigner des combats. Il ressortait de ces terribles moments plus vivant et plus déterminé que jamais. Il tenait à son boulot, ruminait-il. Elle n’avait pas le droit de le priver d’un gagne-pain qui était en même temps sa passion. Louise pensait exactement la même chose au même moment. Les pensées parallèles des deux époux encore amoureux au bout de vingt ans de mariage allaient-elles défier les lois de la géométrie et se rejoindre pour n’en former qu’une, tout comme leurs deux corps fougueusement enlacés cette nuit-là après le retour de Vincent ?
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Frédérique Panassac – À la croisée des chemins
Les deux jours passèrent comme deux secondes. Louise prépara un bon repas dominical « comme autrefois », poulet rôti et frites maison, on ne change pas une équipe qui gagne, comme disait Léo toujours la blague aux lèvres. Même Clara fit des efforts surhumains, ne pianota pas sur son smartphone en mangeant, et s’abstint de provoquer sa mère, miracle dû certainement à l’autorisation de sortir en soirée arrachée de justesse pour le samedi suivant, moyennant un retour à « une heure décente ». Mais quelques jours plus tard c’en était bien fini du calme avant la tempête... La convocation arriva sur le téléphone de Clara en pleine pause déjeuner, au self de son entreprise. « Vous êtes priée de vous présenter avec votre fille au bureau de Monsieur le Proviseur jeudi à 17h » disait laconiquement le texto. Qu’a-t-elle encore fait, se demanda Louise, habituée aux frasques de sa fille souvent taxée d’insolence par ses professeurs. Louise préféra ronger son frein que d’en parler à Clara avant la date du rendez-vous. Elle redoutait un problème de harcèlement dont Clara aurait pu être la victime, ou pire, l’auteur, car elle surfait sur les réseaux sociaux et Louise la savait hélas influençable. Le jour dit, Louise constata à nouveau la joyeuse humeur dont faisait montre sa fille depuis quelques jours. Ça ne peut pas être si grave, se dit-elle. Clara arborait même un petit sourire en coin. Le sourire intrigua sa mère, qui se garda bien d’en demander la cause. Ne pas s’exposer à une réponse ironique était plus prudent. Dans ses petits souliers, Louise entra dans le bureau du proviseur. Celui-ci, mine avenante, avait tombé la veste à cause de la chaleur dans la pièce non climatisée.
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Frédérique Panassac – À la croisée des chemins
« Je tiens à vous féliciter et à vous apprendre de vive voix la bonne nouvelle, Madame », dit le chef d’établissement, content de son petit effet. Louise ouvrit des yeux grands comme des soucoupes, tandis que Clara avait du mal à ne pas pouffer de rire. « J’ai le plaisir de vous annoncer que Clara est l’une des quatre lauréates du concours départemental de nouvelles illustrées par des photos, sur le thème de l’exil et de l’accueil des réfugiés, organisé au niveau des classes de seconde de nos établissements scolaires. À ce titre Clara, qui a remporté le premier prix, a gagné un appareil photo numérique professionnel, ainsi qu’un stage d’été à la rédaction du journal Le Quotidien qui décrypte l’actualité pour les enfants. Elle pourra y développer son goût pour la photographie de témoignage, ainsi que les qualités rédactionnelles dont elle a fait montre dans sa nouvelle. Peut-être cette activité débouchera-t-elle sur une orientation vers les métiers de l’image. Vous savez comme moi qu’il existe une très bonne école de journalisme dans le secteur ». Louise blêmit... puis se ressaisit aussitôt. Il ne fallait pas doucher les espoirs de sa fille (qui tout de même, la coquine, avait bien caché son jeu en gardant le silence sur cette activité) « Ah, il ne manquait plus que ça, ma fille journaliste ! », s’exclamat-elle d’un ton badin. Clara ne savait si c’était du lard ou du cochon... Et en plein bureau du proviseur et à la barbe de celui-ci, médusé, la mère de l’enfant prodige bondit de sa chaise et claqua deux grosses bises sur les joues de Clara qui, ne sachant plus où se mettre, serait volontiers rentrée dans un trou de souris. Ses joues prirent une belle teinte cramoisie. Elle lui revaudrait ça !
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Gladys Miel – Pacem in Terris
Pacem in Terris Gladys Miel
La paix sur terre, voilà vers quoi nous tendons, les hommes et femmes de cœur. À la guerre, nous préférons Un bon Morgon comme celui de 2015 Quelle cuvée mon amie Il m’apporte la délivrance Et mon cœur déborde d’amour Pour l’humanité Celle qui souffre Il me délivre du carcan Du quotidien de la vie. Je souffre de savoir Que tu souffres mon ami (amie) Love amour, l’amour pas la guerre Des pays abandonnés Comme l’Érythrée Et nous impuissants Désespérés, nous entendons Les nouvelles terribles Tous ces peuples Embarqués, émasculés Couple, enfants séparés Partout cette misère Ajoutée à la misère LA GUERRE
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Britille Bricourd – Paix
Paix Britille Bricourd Une colombe volait dans le ciel de juillet, Elle enveloppait des pays entiers de ses ailes et instaurait le respect. Elle s’appelait la Paix. Les nuages, la pluie, les balles, sur son passage, s’écartaient Elle avait à peine le temps de se poser que la guerre éclatait, répit, elle répandait son amour partout où elle allait. hommes la regardaient hébétés, et, momentanément, le feu cessait.
Sans Les
La colombe admirait du haut la Terre, là où il n’y avait plus de frontière, Les enfants insouciants, que la société n’avait pas eu le temps de changer et les mains colorées qui se liaient. Un soir de décembre, lors de sa tournée journalière, Exténuée par la Grande Guerre, Elle s’assoupit sur un vieil olivier. Deux soldats adversaires tirèrent, Des yeux de l’oiseau coulèrent de fines larmes d’eau, de vie Les poilus se regardèrent, Ils prirent l’animal au plumage écarlate, comme un trésor et la posèrent, Ensemble, au milieu du no man’s land. De chaque côté les ennemis sortirent de leurs tranchées et s’embrassèrent comme de vieux amis, Et le temps d’un Noël, instaurèrent la paix.
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Laëtitia Chendri – Catastrophe naturelle
Catastrophe naturelle Laëtitia Chendri Cataclysme, tant de mots qui provoquent inondation, sécheresse, famine... Sous le hurlement du vent qui se déchaîne, coulée de boue balayant tout sur son passage, réduisant à néant des vies. Aucune chance, aucun espoir, d’échapper à ces désastres, toute fuite est vaine, sous le feu nourri de terre mère nourricière qui dans un ultime appel à l’aide, hurle au désespoir. Humains, prenez garde à mon courroux éternel, moi, votre mère nourricière qui vous ai vus naître. Mes océans sont souillés, mes forêts sont décimées, mon air est pollué, mon sol est contaminé, un jour, vous vous repentirez de vos méfaits et maudirez ce jour où vos ancêtres – 212 –
Laëtitia Chendri – Catastrophe naturelle
se sont appropriés mon être au détriment de mes bienfaits. Je vous apporte de quoi vous sustenter, soyez reconnaissants, car un jour ce paradis terrestre deviendra un enfer sur Terre causé par votre égoïsme et votre ignorance. Tous dispersés, l’espèce humaine s’est égarée. Dans un dernier souffle, j’implore à l’unité, afin que vos enfants puissent connaître un futur, loin des malheurs qui les attendent.
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Table Page Ouverture Encore l’oiseau de la Paix Thierry Renard 5-6 Préface Magali Picano 7-8 Amaury Ballet Cette nuit c’est la saison d’aimer
11-14
Fabienne Morandière Aux enfants de la paix
15-16
Caro L. En avant
17-18
Michel Jarrié El-Djenanet 57
19-26
François Duvernois De l’autre côté
27-31
Viviane Parseghian Miroir 32-33 Promesse 34-35 André Page L’« Intelligence » Le parc
36 37-39
Emmanuelle Rabu Souffrance 40-41 Festin 42-45 Frédéric Gramazio Stéry Box Love
46-48
Page Dolotarasse L’Étranger 49-50 97, 98, 99, pan 51-53 Annick Piève Les enfants de la Paix Terry Omø Violence intérieure
54 55-58
Gaspard Collal Eiréné 59 Roland Voegele Noé 60-62 Le jeu 63-66 L. C. À quoi bon la guerre
67
Christophe Auberthier Main de paix
68-69
Sylvie Franceus Deux petits cactus J’aurais pu
70-73 74-76
Frédérique Panassac Trois valeurs à chérir À la croisée des chemins
77 78-83
Éric Vial-Bonacci Dong 84-91 Alain Derenne Ou est la ligne dans la bande de Gaza ?
92
Alexandra Le Moal Paix 93-99 Page
Irisyne Un instant de silence
100-103
Arlette Cavillon Le cauchemar Trinquons à la Paix
104 105
Laurent Barcelo Paix 106 Dominique Hilloulin Rosie et Jean
107-108
Ange Beuque Les hyènes et les singes ricaneurs
109-111
Mariama Khalli L’homme pour l’humanité
112-114
Madeleine Givord-Jorand Ensemble cultivons la paix…
115-116
Georges Lauteur Prosper 117-123 Natalia Vikhalevsky Le voisin du deuxième étage Je n’ai pas encore dit mon dernier mot Patricia Lefebvre-Voignier dite Zouzou Dans tous les états Francis Pornon « Bougnoule » Lola Victor-Pujebet Espoir de paix Julien Storez Enfants de la guerre
124-126 127-129 130 131-135 136 137-138
Page Muriel Vaillant La guerre est finie, quand donc sera la paix ?
139-145
Jenny Guillaume Petit-Tigre et ses soldats
146-149
Valérie Caro Monde Divers-cités
150
Jean-Philippe Sedikhi Le temps arc-en-ciel
151
Francine Picano-Nacci J’avance
152
Virginie Adam Vertige ultime L’enfant du monde
153-154 155-156
Arnaud Vendes Une résolution rend libre
157-159
Ansermin Georges Elles 160-162 Léo Liodab Dans mes souliers
163-168
Kaal Green À l’ombre de la paix
169-170
Sloane Cerco La Paix
171
Maëve Démange La Paix dans tous ses états
172
Serge De Bono Harrisson 173-179 Fanny L. Leçon de vie
180-185
Page Zohra Gried Espoir de paix Ogr3 Les mille grues Acid Eiffel !
186 187 188-192
Naomi Odzna Ubuntu 193-196 Krystele Fragues Aujourd’hui 197-198 Y a comme un hic 199-204 Jenny Guillaume Lettre à ma colombe Gladys Miel Pacem in Terris Margue Ma première impression de ce monde
205-207 208 209-210
Britille Bricourd Paix 211 Laëtitia Chendri Catastrophe naturelle
212-213
Illustration de couverture © DR Maquettes et mise en pages Myriam Chkoundali Relecture et corrections Michel Kneubühler
Ouvrage composé avec la police AGaramond, corps 11, sur papier Bouffant Premium Ivoire (Salzer), 80 grammes ; couverture sur papier Couché Satiné/ Mat – Blanc, 300 grammes
Achevé d’imprimer par Pulsio.net — UE Dépôt légal – novembre 2019