M
je m’en souviens comme si c’était demain
a r
je lis par-dessus ton épaule le vent tourne les pages de nos corps et quand tes yeux jonglent avec les astres je donne ma langue au chat
t i n
L a q u e t
M
artin
L a-
quet jour après nuit
ISBN 978-2-84562-288-3
10
€ poésie
M
artin
L a-
quet jour après nuit
poésie
jour après nuit
les mots de ml, 11 ans et demi
rire et pleurer ils disent que c’est pareil moi je sais bien que non
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l’été est bel et bien fini...
quand on dit que tout finit bien ça veut dire quoi bien ?
10
il vaut mieux Êcrire des grands sentiments avec des petits mots que l’inverse
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tes mots c’est du sang dans mes veines
une page blanche
avec toi couchée dessus
je joue aux échecs
j’aimerais bien que toujours
la vie me gagne
20
les mots manquants
les mots impatients
je m’en souviens comme si c’était demain je lis par-dessus ton épaule le vent tourne les pages de nos corps et quand tes yeux jonglent avec les astres je donne ma langue au chat
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l’impossible est un ciel de traîne les mots sont des ponts d’Avignon ils font danser l’absence larmes en ombres chinoises tapage nocturne du silence futur entrouvert le temps fait l’équilibre
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nuit légère ardeur des vérités temps extrême 1/3 solitude 1/3 mélancolie 1/3 rêverie je m’enivre du cocktail de l’absence
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les mots perdus
On n’a pas le choix ; on n’écrit pas ce qu’on veut. Pierre Bergounioux
Une porte s’ouvre, on ne reconnaît plus rien. Plus personne. Les murs ont des trous. Dans les mots le sens suffoque. La bouche prend l’eau. Au plus intime de l’enfance le doute a planté ses crocs. Quelqu’un a ouvert cette porte. On ne la soupçonnait même pas. La maison semblait immense. On ne retrouve plus le chemin : trop de cicatrices dans la foudre. C’est comme dans un décor, mais sans décor. Juste du vide à contempler. Un envers sans endroit où je vois le jardin gris des jours. L’orage a abattu le plus bel arbre. Le moindre coup de vent fait peur, à présent. Il ne reste que les fenêtres et le seuil des blessures vives. On regarde sans voir. On traverse le jour sans s’inquiéter de la lumière. Tout est noir. Le rien seul brille parmi les miettes du présent. On reste à l’écart. La vingt-cinquième heure. Tout est devenu lointain. Inaccessible. Quelque chose bouge au-delà de moi. Il n’y a que des peut-être. Des si, des gestes lents désaccordés.
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les mots blessĂŠs
Sur le mur l’ombre ne cache pas le mur. Le soleil est une soif brûlante, il déshabille la parole tombant à pic sur nos langues. Nous marchons dans des silences qui se consument, cherchant le souffle des premiers matins jusqu’à la fin du jour, la barque où le voyage commence, l’été des mots imprudents. *** Des mots jeunes dans la vieille ombre fatiguée : il n’y a rien d’autre à chercher. Rien d’autre à découvrir : le feu secret, celui qui rafraîchit. Rumeurs derrière les portes, guettées tout au long du sommeil et du jour sec — je suis là, je regarde l’espace où nos vaisseaux s’attardent dans le présent, virevoltant au bord des paupières, au seuil de l’invisible : étoiles perdues dans le désert aveugle. Pluie monotone : herbes amères, soleil caché dans les soutes, lit défait où les mains façonnent des émois ; j’ignorais le nom de ce fleuve, la destination de ce voyage, qu’importe : tu disais :
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maintenant nos bouches connaissent le goût de l’impatience — je te croyais. Je buvais l’eau de nos éclats, lavé des syllabes de la mort qui collaient à nos joues. *** L’ombre est nue le matin, sans hâte j’avance vers les mots qui viennent à ma rencontre : mes mains butent sur leur peau, cherchent le sillon où devenir une voix meilleure, plus limpide, semblable au chant du verre, caressé. Une bouche à qui confier l’écume bouillonnante de vivre au cœur des chardons, là où l’immensité pique.
Viens, il nous reste des secrets à se dire dans l’obscurité parfaite et le feu des épices. La mer est derrière la fenêtre, pleine de voyages indécis. Larmes intimes offertes au sable. Mes mains se perdent dans la brûlure ouverte où trébuchent et sombrent les oiseaux blessés, les paroles décousues, fil à fil.
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ailleurs est un mot comme un autre
on ne dit pas une ville on dit une sensation, des petites choses entrevues au coin d’une rue le sourire d’une passante la couleur d’une façade ou ce joli cahier dans la vitrine dans les cafés on croise d’autres solitudes on reste là, un peu maladroit si imprécis à écouter les rumeurs de cette langue à laquelle on ne comprend que couic on noircit des pages est-ce un plaisir, une nécessité ? juste une façon de marcher peut-être
mais que voit-on d’un pays à peine si on les passe ces frontières puisqu’il n’y a plus de poste plus de képi comme si on allait juste maintenant un peu plus loin que le bout de la rue
et toutes ces photos qu’on ne prend pas, diraient-elles mieux ce qu’on voit, alors que le plus important est ce qui se passe dans la forêt cachée par l’arbre ? On cherche toujours midi à quatorze heures dans ces boutiques qui vendent de tout en vrac des stylos du shampooing et des flasques de rhum on va, n’importe où, on va au hasard des routes il suffit d’ajouter une pincée de fiction qui rend toute chose émouvante à l’heure où disparaît le dernier soleil on boit une bière, ou deux en feuilletant le journal local pour voir la météo aux quatre coins du globe on aime l’ennui, aussi, sur ces routes on passe la Váh, on la repasse on roule dans le jour bleu on marche les mains dans les poches
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et sur la place du village on regarde ces petites qui se prennent pour des grandes
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Un moment privilégié
Conversation avec Martin Laquet Propos recueillis par Thierry Renard, Vénissieux, le 8 juin 2016
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— Mon cher Martin, nous nous connaissons presque depuis toujours, c’est à dire (pour rester dans le poème) depuis la nuit ou le jour des temps... Tu as commencé très tôt, chez toi, à Ambérieu-en-Bugey, par organiser des rencontres avec des poètes, des expositions, divers événements. Tu peins, tu écris... Tu avances tes pions sur l’échiquier de l’existence — et de l’expression artistique. Mais nous nous étions un peu perdus de vue ces derniers temps. Puis tu m’as envoyé ce manuscrit, jour après nuit, et nous avons tout de suite décidé de le retenir pour notre Nouvelle collection de poésie. Peux-tu nous relater les quelques étapes décisives de ton parcours ? — Oui, déjà enfant, j’étais entouré de livres. Mais surtout, je vivais dans une maison à la porte toujours ouverte. A tout le monde. On faisait des rencontres, on s’amusait, on partageait beaucoup. Mon goût pour se faire rencontrer les gens vient de là, je pense. Je n’ai pas vraiment fait d’études artistiques. Même si je suis un faux autodidacte, puisque j’ai quand même connu l’ennui de la fac de Lettres, puis fait un passage aux Beaux-Arts. Mais ça m’a plutôt conforté dans ce que je ne voulais pas faire. C’est presque par hasard que j’ai publié mon premier livre : j’avais envoyé quelques pages à Paul Vincensini, un poète qui avait connu Alain Borne ! J’étais jeune, je voulais juste avoir un retour, un regard sur mes tentatives... C’est sa femme qui m’a répondu ; son mari était mort depuis dix ans. Elle m’a donné l’adresse d’un éditeur, m’a conseillé d’envoyer mes textes... Et voilà, c’était le début de l’aventure...
— Martin, tes poèmes parfois ressemblent à des chansons, légèreté et gravité mêlées. Il y a, chez toi, une manière presque artisanale d’écrire. On t’imagine à ta table, ou encore debout, devant ton ouvrage en cours. Il y a du travailleur « manuel » derrière tout ça. Partages-tu cette opinion ? Est-ce la peinture (l’acte de peindre) qui t’influence ? Comment travailles-tu ? Avec ton cerveau ? Avec tes mains ? Avec les deux réunis ? 99
L’auteur
Martin Laquet Né à la fin des années 1970. A commencé plusieurs fois des études. Écrit la nuit et peint le jour, rarement l’inverse. Nombreuses lectures et nombreuses expositions. A organisé des lectures-rencontres (Poésie Vive) pendant cinq ans, et s’est occupé d’une galerie, le memory lane. A reçu le prix Arthur Rimbaud – en 1999, déjà. Vit à la campagne, mais près d’une grande ville.
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Coordination : Thierry Renard Relecture : Thierry Renard et Michel Kneubühler Maquette, couverture et mise en page — Myriam Chkoundali
d’après une création originale de Beau fixe — Manufacture d’images avec la collaboration et le soutien de l’Espace Pandora 7 place de la Paix
69200 Vénissieux © Éditions La passe du vent, 2017 La Callonne, 01090 Genouilleux http://www.lapasseduvent.com isbn 978-2-84562-288-3
14 x 22 cm — 112 pages
Ouvrage composé avec la police Helvetica New, corps 11,
sur papier Bouffant Hellefoss Creamy - crème 80 grammes
couverture sur papier Couché Condat Silk/Mat - Blanc 300 grammes
Achevé d’imprimer
par Pulsio.net – UE Octobre 2017
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je m’en souviens comme si c’était demain
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je lis par-dessus ton épaule le vent tourne les pages de nos corps et quand tes yeux jonglent avec les astres je donne ma langue au chat
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ISBN 978-2-84562-288-3
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