ROMAROME

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Rome joue avec sa naissance Rome dévore des cavernes de géométrie variable. L'herbe mangeait la pluie. Signe particulier, signe plus, signe moins. Des équations élèvent l'interrogation jusqu'à l'unité.

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Quelques vapeurs arrivaient de très loin s'inscrivaient méticuleusement. Une absence se rapproche, claire, voyante, écrivant dans l'animé un livre déjà écrit. Rome dit que le soleil est mort elle dit que nous l'avons tué.

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L'existant gravait un nombre provisoire. Entre Rome et demain les jours tranchent, articulent et dĂŠcoupent le silence de sa chute en mille versions ĂŠcrites.

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Rome inventait une histoire. Sa fiction n'est pas mensonge. Rome tue le connu d'un geste. Cette nuit un homme a tué le vieux tilleul, Rome dira : « Un homme a aimé le vieux tilleul » parce qu'ainsi dit il fera plus chaud.

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Sur un rasoir funambule et terrienne Rome met en scène la raison. Murs de voix enmurmurées. Égales déchirures. Gorge radicale. L'adversité agrandit sa raison d'être. Exister à vie, est-ce encore une vie à la fin ?

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Plus d'ailes, Depuis longtemps. Depuis plus de pigeons boulimiques ni de touristes inassouvis. Perles ascensions. Rome monologue sur un demain provisoire mais elle le veut certain. Dans sa bouche est morte une boule mauve pour rien. Pour le plaisir d'une prune engloutie.

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Plus d'ailes. Rome a eu vingt-deux vies, juste pour parler, pour poser des taches joyeuses sur des feuilles trouées. Elle avait pris une minute de repos et tout s'était brouillé. Sa trouvaille unique avait disparu. Il lui faudrait un même demain pour redemander pourquoi.

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Rome hésite. Sur le jour elle ferme ses paupières. Quelqu'un a volé le cœur de Rome puis il l'a vendu pour se distraire et pour éviter la honte. Il lui a laissé les premiers jours du temps où l'on dévorait la vie toute saignante chacun avec sa part d'universelle fatigue. Rome est toujours là.

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Un moment privilégié

Conversation avec Marie Rousset Propos recueillis par Thierry Renard Vénissieux, le 20 juin 2018

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— Chère Marie Rousset, je suis vraiment très heureux de vous retrouver à l’occasion de la sortie de ce livre à notre enseigne, RomaRome, votre plus récent enfant. On peut, je crois, le dire sans aucunement vous trahir, chère Marie : votre écriture s’apparente ordinairement plutôt à une écriture expérimentale. Et, cependant, cet ouvrage qui s’ouvre par Le monde regarde Rome est, à mes yeux, très différent du reste de votre production… Un début de lyrisme, même, s’est introduit dans vos pages. Est-ce un nouveau départ, un changement de cap ou, tout simplement, la moisson récoltée suite à votre séjour à Rome ? — Oui, en premier lieu, c'est bien d'une moisson qu'il s'agit. D'une récolte, celle qui fait qu'on se retrouve face à une grande quantité de quelque chose. Moissonner, c'est aussi recueillir la nourriture nécessaire à la vie et à l'élégance du vivant. Rome, à elle seule, est une formidable citadelle vivante de l'écriture. Dans celle-ci s'amalgament des quotidiens disparates. Le banal, le curieux. L'insolite et le connu copinent avec la vie, qui, elle-même, bavarde avec la mort. Quant au lyrisme, si vous parlez de celui qui se détend et se déploie, juqu'à exprimer la chose la plus familière, alors oui, j'accepte l'idée qu'un peu de lyrisme s'est déplié dans ce texte. D'autre part, le lyrisme exprime un sentiment commun et secret tel qu'on le voit au début de toutes civilisations ( cf. Hymnes religieux des premiers Romains, chorales grecques, légendes nordiques etc.). En ce sens, il ressemble beaucoup à la manière que j'ai de regarder le monde. Je dois rajouter que mon écriture échappe à toute théorie. Elle est vagabonde, elle migre en permanence. Est-ce là qu'est né mon amour du voyage dans le langage ? Je suis étrangère à ma propre langue à la manière d'une exilée, puis réfugiée en elle. — Marie, poursuivons… J’ai cru lire derrière votre formuletitre, RomaRome, est-ce d’ailleurs par pure déformation liée à mon état d’esprit actuel, une réalité bien présente, voire une actualité pressante. 81


Dans Rome, j’entends aussi Roms. Et j’entends donc certaines déclarations du ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini, les concernant. La question des « migrants » demeure elle aussi posée. Vous pouvez, peut-être, nous éclairer à ce propos… — J'ai retenu ce titre parce que j'aime sa musicalité et la façon anodine qu'il a de créer différents niveaux de lecture, de faire émerger une émanation, presque une odeur : L'arôme, la Rome, Les Roms, Ma Rome... Chacun inventera à sa guise. Ce fait mis à part, mon souhait était bien d'évoquer la présence des Roms. Gens que j'aime. Et maintenant que j'entends Matteo Salvini déclarer vouloir recenser la communauté rom pour procéder à leur expulsion ; regrettant de devoir « garder » les Roms italiens, je suis d'autant plus heureuse d'avoir à parler un peu d'eux ici. Et je suis effrayée par la barbarie que représentent les propos de Salvini. Je me souviens d'une intervention en collège où les élèves roms avaient traduit mes textes dans leur langue. C'était joliment musical. Une phraséologie poétique, délicate et sonore, enrichie par un vocabulaire mondial. C'est du global au local que ma pensée s'anime. C'est en mouvements que je regarde le monde. Sur lui, je suis si petite. À l'égal des migrants, je n'appartiens pas à l'ici. Ils sont les inventeurs d'un monde sémillant qui ne cesse de se reconstruire en se déterritorialisant. Un petit pas de côté et tout le monde devrait pouvoir se mettre à table. N'empêche ! J'ai quand même un petit peu peur du monde que nous tissons. Dans ces conditions, et pour parodier un célèbre écrivain : Français, encore un effort pour … !! — Vous avez toujours rejeté le politiquement correct, la novlangue. Votre engagement personnel se retrouve dans vos mots. Je parlais, tout à l’heure, d’écriture expérimentale – pour y revenir… Mais votre écriture est également l’une des meilleures réponses que l’on peut faire à tous ceux qui tentent d’uniformiser la langue, de la rendre moins perméable, moins intuitive, moins sensible, donc… 82


Vous malmenez parfois les mots pour les rendre encore plus libres. Vous placez très haut le langage. Marie, est-ce que je me trompe ? — Cher Thierry, vous ne vous trompez pas. Effectivement, je n'ai pas grand-chose à faire avec la bien-pensance ou le politiquement correct, comme vous dites. Peut-être est-ce le langage qui me malmène et non l'inverse ? Quoi qu'il en soit, quand j'écris, je m'attaque à des puzzles de mots, et c'est bien d'un affrontement qu'il s'agit, presque un corps-à-corps physique. J'explore un chantier. Mes phrases se cassent la tête. Elles se fracassent les unes contre les autres. Parfois, c'est un seul mot qui se déconstruit sous mes yeux. Ce n'est pas exprès. C'est la langue qui fait ça. Elle ne parle qu'en se taisant, tout en ne cessant jamais d'inventer. Il m'est impossible de la fixer. Nous ressentons cela en communiquant avec nos amis. Avec nos ennemis, c'est encore plus discordant. Chaque personne est unique et c'est sa langue qui me le dit. Je me fâche contre elle quelquefois mais surtout contre ceux qui veulent l'enfermer. Ce sont les livres qui contiennent le monde. Qui me contiennent. Je place très haut le langage, dites-vous. Question compliquée. Ce que je tente de saisir, c'est l'effacement, car c'est lui qui m'/écrit. En construisant mon édifice imprimé, je l'appâte tous les jours un petit plus, afin de nourrir les trompe-l'oeil d'un présent audacieux qui se joue de moi. Nul ne survivra au langage. Quand la vie des mots sera morte, la vie sera nue. La vie appartient au monde, aux lèvres qui comprennent le jour. Elles ne taisent pas le paysage sanglant mais n'ont aucun autre pouvoir que les mots pour le dire. Alors, oui, le langage est pour moi ultime. C'est un point extrême au-delà duquel il n'y a plus grand-chose à atteindre. Quand je dis le peuple a perdu, c'est un pléonasme. Voilà ce que fait la langue. Elle dit. Tandis que je ne peux rien dire. Et pourtant je n'ai qu'elle pour être ce que je suis. Je clos mon propros avec cette note de légèreté : Le narrateur du Petit Prince dessine la caisse du mouton et dit : « Ça c’est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans ». Je dis : « Ça c'est une bibliothèque. Tout ce que tu cherches est à l'intérieur ». 83



L'auteure


Marie Rousset Marie Rousset est née en 1954 à Clermont-Ferrand. Lorsque elle était enfant, le langage des adultes la déconcertait. L'écriture, tout naturellement, vient accompagner sa première défaite d'enfance. Après diverses formations, dont celle d'éducatrice spécialisée puis celle de l'EDAV. (École départementale d'architecture de Volvic), et quelques voyagesrésidences à l'étranger : Angleterre, Portugal, Italie, Espagne, toute sa vie retourne alors vers la (les) littérature(s), la lecture, l'écriture. Elle obtient du Centre national du livre, en 2002, la bourse de la découverte ; en 2009, la bourse pour une résidence et, en 2013, la bourse pour la création. Marie Rousset anime des ateliers d'écriture en collège, lycée, avec de jeunes autistes, en centre de détention, et autres publics. Par ailleurs, elle collabore à la revue CCP-CIPM (Cahier Critique de Poésie de Marseille), en tant que chroniqueuse. Elle vient de terminer un ouvrage dont le titre est Cadastre et géraniums, à paraître. Une recherche sur le mot culture, entamée il y a deux ans, vient de se concrétiser. Trente et une personnes l'ont suivie dans cette aventure. Depuis quatre ans, elle accompagne un prisonnier dans la rédaction de son autobiographie. Cette activité est bien avancée. Enfin, elle continue ses travaux en cours qui, à ce jour, se nomment : Amor fati et À partir d'un point de refus (poème-fleuve sur la prison).

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Quelques-unes de ses publications Revue Espace(s) du CNES (Centre national d'études spatiales), mars 2018 http://observatoire-leseditions.cnes.fr/Collections/1/Ouvrage/34 http://www.le-capital-des-mots.fr/search/marie%20rousset/

Mars 2018 – Grammaires d'un tourment, Éditions Le Frau, OdileFix, 2016 – Conversation avec les plis, Éditions de l'Attente, Franck Pruja, 2013 (sélectionné pour la manifestation 2018 du CRL Poitou-Charentes de Fabriquez-un-poème :

http://livre-poitoucharentes.org/developpement-de-la-lecture/ fabriquez-un-poeme

– Vibration des silences, Éditions Le Frau, Odile Fix, 2012 – Bobcat, journal de résidence à Grigny (Rhône), Éditions Color Gang, Yves Olry, 2010 – Un extrait de « Conversation avec les plis » in : revue Ligne 13, Sébastien Smirou et Francis Cohen, 2010 – Petit f n'est pas grand F, Éditions de l'Attente, Franck Pruja, 2009 Exposition Des jours étranges, dans le cadre de la résidence de Dompierre-sur-Besbre/ Catalogue par Marie Rousset, Éditions Un, Deux, Quatre, 2007 – Publication d'un extrait de Petit balai dans l'Anthologie de poésie française contemporaine, bilingue françaischinois, Éditions Laureate Book-Taïwan, sous la direction de Jean Lewinski, 2006 – Il y a les bovidés et les imagidés, Éditions sur le vif (édition internet), Jean-Marc Baillieu, 2005 – Petit balai, Éditions de l'Attente, Franck Pruja, 2005 91


poésie SERGIO ATZENI

Deux couleurs existent au monde. Le vert est la seconde (traduit par Marc Porcu)

SAMANTHA BARENDSON

Machine arrière

PATRICE BÉGHAIN

Poètes à Lyon au 20e siècle

MARC BLANCHET

L’Incandescence

KATIA BOUCHOUEVA

Équiper les anges – et dormir, dormir

LIONEL BOURG

L’immensité restreinte où je vais piétinant

JEAN-BAPTISTE CABAUD

Fleurs suivi de Baby fleur

JEAN-BAPTISTE CABAUD

Nouveau Noum (bilingue français-anglais)

SHU CAI

Le ciel se penche sur nous

JEAN-PIERRE CANNET

Mordre la falaise

STANI CHAINE

L’Homme ridé

ANTOINE CHOPLIN

Debout sur la terre

COLLECTIF

Figurines (bilingue français-italien)

COLLECTIF

Blues du requin — Tubarao blues (bilingue français-portugais)

COLLECTIF

L’Heure injuste

COLLECTIF

S’il fut un premier jour

COLLECTIF

Voix de la Méditerranée – Lodève 2011

COLLECTIF

Voix de la Méditerranée – Lodève 2012

COLLECTIF

Voix de la Méditerranée – Lodève 2013

COLLECTIF

Voix de la Méditerranée – Lodève 2014

COLLECTIF

À partir d’un rien – Semaine de la poésie 2012

COLLECTIF

Jusqu’au printemps des mots (Roger Dextre, Patrick Laupin et Marc Porcu)

COLLECTIF

Je fais un rêve

LOUIS DARMET

Près du piano fermé suivi de Le Sourire voilé

PAUL DE BRANCION

Rupture d’équilibre

MARC DELOUZE

T’es beaucoup à te croire tout seul

MARC DELOUZE ET LES PARVIS POÉTIQUES

Des poètes aux parvis


MARC DELOUZE

14975 jours entre Poésies en phase terminale (2011) et Souvenirs de la Maison des mots (1971)

MARC DELOUZE

Yeou – Piéton des terres

GIOVANNI DETTORI

A varia luna errando – Au gré des lunes errant (bilingue italien-français, traduction Marc Porcu)

ROGER DEXTRE

L’Obscur soudain

LAURENT DOUCET

Au sud de l’Occident

BRUNO DOUCEY

L’Emporte-voix

MOHAMMED EL AMRAOUI

Récits, partitions et photographies

CARINE FERNANDEZ

Les Routes prémonitoires

ALAIN FISETTE

La beauté est incurable

DINU FLAMAND

Inattention de l’attention

LAURENT FOURCAUT

Du vent

MICHAËL GLÜCK

Rouge

FANNY GONDRAN

Depuis ces lieux épars

FANNY GONDRAN

Traverse

FRÉDÉRICK HOUDAER

Angiomes

FRÉDÉRICK HOUDAER

Engeances

STÉPHANE JURANICS

Dans l’écrit du monde

STÉPHANE JURANICS

La Chute libre du jour

AHMED KALOUAZ

D’un ciel à l’autre

CATHERINE LALONDE

Corps étranger, poésie érotique, coédité avec Québec Amérique

MARTIN LAQUET

Jour après nuit

PATRICK LAUPIN

Impasse de l’azur

LA TRIBUT DU VERBE – SLAM

Château de cartes

YVON LE MEN

Vingt ans


poésie JOYCE LUSSU Inventaire des choses certaines (traduit par Marc Porcu) JIDI MAJIA

Paroles de feu

THIERRY MARICOURT

Miel de neige

ABED MANSEUR

La Cendre des larmes

EMMANUEL MERLE

Pierres de folie

RAPHAËL MONTICELLI

Mer intérieure

LAURE MORALI

Orange sanguine

MAYA OMBASIC

Étrangers au coin du pourpre

MAYA OMBASIC

Cantique des Méridiens

ROBERT PICCAMIGLIO

Mille plaines, mille bateaux

PAOLA PIGANI

Indovina suivi de Ailleurs naît si vite

JEAN-MICHEL PLATIER

Quarantaines

CHRISTIAN POIRIER

Le Bonhomme

MARC PORCU

En filigrane sur la nuit

MARC PORCU

Ils ont deux ciels entre leurs mains

FRANCIS PORNON

Par-delà le grand fleuve

JACQUES ROMAN

La Chair touchée du Temps

MARIE ROUSSET

Romarome

ÉRIC SARNER

Éblouissements de Chet Baker

SERGE SAUTREAU

Le Sel de l’Éden

PIERRE SOLETTI

Le Silence, ses rebords

JEAN-PIERRE SPILMONT

Cinéma muet

JEAN-LUC STEINMETZ Les Poètes de l’Île verte FABIENNE SWIATLY

Ligne de partage des eaux

ROLAND TIXIER

Un temps d’hiver

ARTURO USLAR PIETRI

L’homme que je deviens

MATTHIAS VINCENOT

Le Bonheur, rappelle-toi


Coordination : Thierry Renard Relecture : Thierry Renard et Michel Kneubühler Maquette, couverture et mise en page – Myriam Chkoundali d’après une création originale de Beau fixe – Manufacture d’images avec la collaboration et le soutien de l’Espace Pandora 8 place de la Paix 69200 Vénissieux © Éditions La passe du vent, 2019 La Callonne, 01090 Genouilleux http://www.lapasseduvent.com isbn 978-2-84562-335-4 14 x 22 cm – 96 pages

Ouvrage composé avec la police Helvetica New, corps 11 sur papier Bouffant Hellefoss Creamy – crème 80 gr, couverture sur papier Couché Condat Silk/Mat – 300 gr.

Achevé d’imprimer par Pulsio.net – UE 2019



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