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Le borchtch universel
Cinéma
Le cinéma attaque l’histoire Lounguine et Mikhalkov sur les tabous russes Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi, 17 février 2010
Un réformateur sur le terrain IVAN GRANKIN_KOMMERSANT
Les chantiers de la modernisation Un grand défi L’impact de la crise économique a très fortement touché l’ensemble de l’économie russe à partir de l’automne 2008. L’ébranlement ressenti dans toute la population remet en cause un modèle de croissance trop fortemement orienté vers les exportations énergétiques de matières premières. Le tout aggravé par des investissements insuffisants et une trop grande dépendance à l’égard des marchés financiers internationaux. L’Etat n’a pas toujours favorisé une sortie rapide de cette situation. Obsédé par les effets pervers de la rente pétrolière, ne serait-ce que sur le volume des importations et le niveau d’inflation, la politique a cherché à limiter la masse monétaire et pratiqué des taux d’intérêts élevés peu favorables à l’investissement. Depuis mai 2009, le mot d’ordre général, repris comme un leitmotiv par Dimitri Medvedev, est la modernisation du pays. Il s’agit d’un programme à long terme, sur 10 à 15 ans, qui doit impliquer l’Etat, l’entreprise et la société. Les appels au secteur privé ont été multipliés ces derniers mois. Ce sont les années à venir qui diront si cette fois, la Russie, ne se contentant plus de déclarations d’intention, passera à une action concrète pour épouser le XXie siècle.
De militant, Nikita Belykh s’est fait acteur de la démocratie en devenant gouverneur de Kirov. Il a dû relever le défi de travailler loin de Moscou, dans une région économiquement sinistrée, entouré de bureaucrates méfiants et sous l'autorité directe du Kremlin. ANNA NEMTSOVA SPECIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
C’est la journée du nettoyage bénévole et collectif de la ville par les étudiants et le gouverneur de Kirov, Nikita Belykh, a mis les mains dans la poussière, comme tout le monde, rayonnant de bonne humeur. Les jeunes volontaires s’arrêtent de temps à autre pour observer cet homme étrange et énergique, l’antithèse de l’apparatchik de province. Avec sa casquette Yankee et son jean usé, on pourrait presque le prendre pour le cinéaste américain Michael Moore. Belykh, 34 ans, est un étrange phénomène. Ce militant de la démocratie et ancien ennemi du pouvoir a eu maille à partir avec la police, avant d’être récupéré par l’« establishment ».
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Année France-Russie Une grande exposition au Louvre inaugure l'année croisée
PAUL DUVERNET SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
C'est un événement exceptionnel. Pour la première fois de son histoire, le musée du Louvre organise une exposition entièrement consacrée à l'art russe. Les plus grands musées russes s'y sont associés. Les musées du Kremlin, bien sûr, le Musée historique d'Etat de Moscou, l'illustre Galerie Tretiakov, les musées de Vladimir, de Souzdal et de Novgorod, pour ne citer que les plus connus. L'immense majorité des 400 chef-d'œuvres présentés au Louvre n'ont jamais quitté leur patrie. Mais
Icône datant du XVIème siècle.
même les arpenteurs maniaques de la Russie auront droit à de l'inédit au cours de cette manifestation. Les plus fins connaisseurs se précipiteront pour
présentées couvrent près d'un millénaire de l'histoire russe. Les plus anciennes remontent à l'époque de la christianisation, à la fin du Xe siècle. Les objets les plus récents sont contemporains de Pierre le Grand, c'est-à-dire le premier quart du XVIIIe siècle. Ce voyage à travers les âges commence par l'émergence un peu soudaine de ces « nouveaux » Russes dans l'histoire latine et byzantine. Déjà, un soupçon de géopolitique se profile avec l’évocation des rivalités et des luttes d'influence entre Latins,Vikings, Byzantins et Caucasiens. La dimension religieuse de cette histoire sera mise en valeur à travers les premières conversions à la fin du Xe siècle. Déboulent ensuite les hordes mongoles, surgit le génial Andreï Roublev, qui ouvre la voie à l'âge d'or... la suite est au Louvre !
observer les pièces fraîchement découvertes par les archéologues russes ces dernières années. Pièces qui n'ont jamais encore été vues du grand public. Cette collection vient directement du musée d'Etat de Veliki-Novgorod (non loin de Saint-Pétersbourg). Elle comprend 47 objets rares des XIe-XVIIe siècles, notamment des bijoux. Les organisateurs de l'exposition sont tellement chatouilleux à propos de cette collection jamais montrée aux étrangers qu'ils n'ont pas donné à la presse le moindre détail sur le calendrier de son transport vers la France. Fin janvier, les caisses étaient encore jalousement gardées à Saint-Pétersbourg avant leur transfert vers le Louvre, dont l’exposition est la première expérience de coopération entre la France et les musées proviciaux russes. Les amateurs de chiffres précis retiendront qu’un total de 438 objets rares les attendent au Louvre. Les œuvres
Technos françaises Les Russes attendent des transferts de technologie
Gazoducs du futur Le Kremlin consolide son emprise sur les réseaux
Le charme suranné d'une ville secrète Technologies nucléaires au fin fond de la Sibérie
ANVAR GALEEV_RG
Régions
WWW.SUKHOI.ORG
Changer d’image Deux groupes d’experts en communication débattent sur cette tâche ardue consistant à améliorer l’image de la Russie en Occident. PAGE 8
Russie–Ukraine : sans illusions Avant que le verdict des urnes soit connu, la presse occidentale donnait à tort - la Russie pour vainqueur.
L’année croisée sur www.figaro.fr/larussiedaujourdhui
Énergie
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DÉBATS ET OPINIONS
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Économie
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LA SUITE EN PAGE 7
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NIKOLAÏ KOROLEV
L'exposition « Sainte Russie » sera inaugurée en grande pompe le 2 mars prochain au musée du Louvre par le président russe Dmitri Medvedev, dans le cadre de sa visite d'État en France. Elle sera ensuite accessible au grand public du 5 mars au 23 mai.
DIMITRI LOVETSKY _SERVICE DE PRESSE DU MUSÉE RUSSE
« Sainte Russie » se dévoile aux Parisiens
ALEXANDRE GRONSKY
À LIRE EN PAGES 3, 4 ET 5
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Économie
Grande distribution Alors que Carrefour quitte la Russie
Bourse Entrée réussie à Paris
Auchan fait affaire
Rusal : le premier mais sans doute pas le dernier Le géant de l’aluminum Rusal, introduit à la Bourse de Paris et de Hong Kong depuis le 27 janvier dernier, est le premier groupe russe ainsi coté sur le marché européen NYSE Euronext mais pourrait être suivi par d’autres sociétés russes, selon les analystes qui évoquent une capitalisation possible de 20 milliards d’euros. DIMITRI DE KOCHKO
VIKTOR KHABAROV _PHOTOXPRESS
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Auchan possède actuellement 38 magasins en Russie et prévoit d’en ouvrir six autres en 2010.
Les faibles cèdent la place aux forts, c'est la loi de la concurrence. Pendant que Carrefour et Ramenka plient bagage faute d’une bonne stratégie, Auchan continue de se développer à toute vitesse sur un marché non moins dynamique... mais difficile. TIM GOSLING SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
L'annonce en automne dernier du départ de Carrefour a été interprétée par beaucoup comme une preuve supplémentaire de la « fuite des étrangers » causée par les difficultés spécifiques posées par le marché russe. Le groupe, qui étudiait depuis longtemps ce marché, l’avait investi au printemps 2009... au pire moment, alors que la crise financière battait son plein. Carrefour n’est pas le seul distributeur à retirer ses billes de Russie. En 2007, l'allemand Edeka Zentrale AG ferma l’hypermarché Marktkauf pendant que le turc Ramenka pliait progressivement sur deux ans sa chaîne de supermarchés Ramstore. Ce sont en fait les perdants d'une bataille qui a vu le triomphe de plusieurs chaînes russes, mais aussi d'acteurs internationaux qui ont su trouver la bonne stratégie. Auchan a été l’une des entreprises étrangères les plus déterminées à percer le marché russe. Encouragé par un potentiel de142 millions de consommateurs, le géant français a repris les hy-
permarchés de Ramenka et continue de développer ses opérations en Russie (tout comme la chaîne a réussi à le faire en Chine). Très en pointe sur les marchés émergents, où elle a su se forger une bonne réputation, l'enseigne privée d’origine lilloise est entrée tôt dans l’arène russe pour en devenir l'un des acteurs les plus populaires, selon Jacob Grapengeisser de East Capital - un gestionnaire de fonds spécialisé sur l’Europe de l'Est et un actionnaire important de Magnit, la deuxième chaîne russe. Auchan possède actuellement 38 magasins en Russie et prévoit d’en ouvrir six autres en 2010. Jean-Pierre Germain, PDG de Auchan Russie, a déclaré que le groupe « est prêt à s’adapter à chaque marché des différentes régions russes ». Pour preuve : la mise en place des magasins Radouga - un nouveau format « hard discount » - dans des plus petites villes avec moins de 50 000 habitants. Selon Natasha Zagvozdina, de la banque d’investissement Renaissance Capital, l’entreprise française figure sur la liste des cinq plus grands distributeurs alimentaires du pays. Sur cette liste figurent également l’allemand Metro qui a beaucoup investi dans la région et trois autres opérateurs russes. Les distributeurs étrangers occupent désormais les 3e et 4e places du marché russe. Evidemment, c’est aussi la taille et la croissance de ce marché qui rendent la Russie aussi attirante ; Grapengiesser
prévoit que « les chaînes de supermarchés continueront de se développer pendant de nombreuses années ». En fait, selon Zagvozdina, malgré l’attrait que continue d’exercer le marché russe pour les investisseurs extérieurs et les opérateurs indépendants, les magasins alimentaires représentent moins de 40% de part du marché de l’alimentation dans toute la Russie. « Les chances d'expansion en Russie sont énormes », affirme-t-elle. Une vision partagée par Lev Khasis (PDG du n° 1 russe X5 Retail Group) qui déclare que son entreprise espère doubler son chiffre d’affaires tous les trois ans. Auchan n’est donc pas le seul - loin de là - à concocter des plans très ambitieux sur le marché russe. Il n'est pas le seul à avoir vu sa position se renforcer ces deux dernières années. Magnit, par exemple, à l’aide d’une entrée en bourse réussie au mois d’octobre dernier, a pu lever 365 millions de dollars et envisage d’investir 1 milliard dans l’ouverture de 580 nouveaux magasins en 2010 (en plus des 3 228 magasins existants à la périphérie des grandes villes). Le groupe prévoit également de renforcer son infrastructure logistique. La distribution alimentaire russe est depuis quelques années le marché qui connaît la plus forte croissance en Europe. Même avec la crise, le marché russe poursuit sa forte progression, à la différence de la plupart des marchés occidentaux menacés d’un recul d'ici la fin de l’année.
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Techniquement, il fallait à ces groupes mettre leur comptabilité en conformité avec les exigences et les règles des autorités des marchés concernés. Economiquement, les IPO (introduction en Bourse) étaient peu envisageables tant que la crise économique frappait de plein fouet les matières premières. Rusal n’a pu relancer ce projet d’IPO que lorsque ses perspectives de sortir ses résultats du rouge ont été crédibles, grâce à une remontée des prix fin 2009 et malgré la consolidation boursière qui intervenait dans le monde dans ce domaine, au moment même de l’introduction.L’opération a permis à Rusal de rembourser à ses créanciers étrangers et russes 2 143 milliards de dollars, a indiqué le premier producteur mondial d’aluminium et d’alumine sur son site internet. Rusal, contrôlé par le milliardaire Oleg Deripaska et qui ne cache pas son rêve de devenir un conglomérat minier et métallurgique mondial à l’image de l’angloaustralien BHP Billiton, a été très malmené par la crise économique mondiale en raison de la baisse d’activité industrielle de ses clients et s’est retrouvé fortement endetté. Dans une interview quotidien économique Les Echos, M. Deripaska avait expliqué le choix de la Bourse de Paris, au lieu de Londres où de tels groupes miniers sont cotés généralement, en disant qu’il avait fait « le pari de l’Europe continentale.Vous (la France) avez une grande industrie, des compétences avérées et reconnues. Au Royaume-Uni, l’industrie n’est pas en bonne forme », estime-t-il. Ce qui laisse penser à un choix industriel et non purement financier. Le groupe avait obtenu en décembre 2009 un accord avec ses créanciers, principalement le groupe Onexim du milliardaire Mikhaïl Prokhorov, pour restructurer sa gigantesque dette. A l’issue de cet accord, son endettement s’élevait à 14,9 milliards de dollars. Après le versement, rendu possible à la suite de son IPO à l’Euronext Paris et à Hong Kong qui lui a rapporté 2,24 milliards de dollars, le numéro un mondial de l’aluminum doit encore 12,9 milliards de dollars à ses créanciers. Les principaux bénéficiaires du remboursement
annoncé par la compagnie sont les créanciers internationaux du groupe (1,46 milliard de dollars), devant le groupe Onexim du milliardaire Mikhaïl Prokhorov (278 millions) et les autres créanciers russes (Banque du Commerce extérieur exclue) pour 253 millions. Malgré cet endettement, largement dû à la conjoncture, le groupe semble avoir retrouvé la confiance des marchés, notamment grâce à son implication en Asie, ce qui explique le choix de Hong Kong. « Nous croyons à la croissance en Asie », a déclaré aux journalistes l’oligarque russe Oleg Deripaska, 42 ans, dont Rusal le principal actif. Malgré des débuts difficiles aussi bien à Hong Kong qu’à Paris, où l’action est réservée aux investisseurs professionnels, le titre s’est repris au bout de quelques jours. Et M. Deripaska a confié aux Echos qu’il rêvait toujours de créer un conglomérat minier et métallurgique géant avec le russe Norilsk Nickel, à l’image du groupe minier anglo-australien BHP Billiton. « L’idée de la formation d’un BHP Billiton (premier groupe minier mondial coté en Australie et en Grande-Bretagne) reste d’actualité. L’enjeu est la création d’un leader russe global des ressources minérales et des métaux » avec NorNickel, avait-il expliqué au moment de l’IPO sur les marchés boursiers de Paris et Hong Kong. Rusal est le premier actionnaire de NorNickel et avait prévu de fusionner avec ce groupe mais le projet a été abandonné à cause de la crise financière mondiale et à cause de dissensions avec un autre oligarque, qui possède 25% de NorNickel, M.Vladimir Potanine. La question de la fusion des deux groupes ne devrait pas être soulevée à nouveau avant la fin de 2011, selon un accord entre leurs deux dirigeants, qui n’y ont du reste pas intérêt dans l’immédiat en raison de l’endettement de Rusal et de la cotation élevée de NorNickel à quelque 30 milliards de dollars. M. Deripaska insiste néanmois dans son interview sur les « synergies potentielles existant entre nos deux groupes ».
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RUSAL : les chiffres qui donnent du poids RUSAL est le numéro un mondial de l’industrie de l’aluminium. Le groupe représentait en 2008, 11% de la production mondiale d’aluminium et 13% de celle d’alumine. RUSAL emploie plus de 75 000 salariés dans 19 pays sur les cinq continents et vend essentiellement sur les marchés européen, japonais, coréen, du sud-est asiatique et nord-américain.
Jeux Olympiques Les organisateurs livrent une course contre la montre, la corruption... et les écologistes
L’heure est aux Jeux Olympiques d’hiver de Vancouver mais la Russie se penche déjà sur la préparation des Jeux suivants, dans l'ancienne station balnéaire soviétique de Sotchi. Tout reste à construire et le gouvernement ne recule devant aucun sacrifice pour mener à bien ce chantier colossal. KEVIN O’FLYNN SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Les Jeux de Sotchi de 2014 seront les premiers jeux d’hiver à avoir lieu dans un climat subtropical - oui, ne vous moquez pas - un endroit où, les pieds dans l'eau, les fesses dans le sable, on peut voir les montagnes enneigées. Un peu comme si Nice et Les Arcs étaient des voisins immédiats. Le drapeau officiel de la ville est d'ailleurs très chargé. Y figurent non seulement un palmier et un soleil mais aussi un nuage lâchant des flocons de neiges. Les Jeux jouent sur cette proximité unique entre la neige et la mer avec deux complexes pour les épreuves. L’un, montagnard, à Krasnaya Polyana où les sports dits « de neige » se tiendront et un autre,
en bord de mer, où se dérouleront les sports sur glace. Ces prochains Jeux Olympiques seront les premiers que la Russie accueillera depuis les Olympiades d’été à Moscou en 1980. Leur site est d’ores est déjà le grand gagnant grâce à d’importants travaux de rénovation. Plus de 6,25 milliards de dollars vont être investis à Sotchi pour faire d’une ville provinciale russe à l'infrastructure délabrée une métropole digne des dieux du stade. Les investisseurs privés se faisant attendre, le financement sera assuré par l’Etat et des entreprises publiques. Le chantier est immense. Les installations sportives, quasiment inexistantes, le réseau des transports, inadaptée, et l'hébergement, très insuffisant en capacité comme en qualité pour accueillir un événement de cette ampleur : tout est à reprendre ou entreprendre à partir de zéro. C’est évidemment une aubaine. Selon le Comité d’organisation de Sotchi, les Jeux permettront le « rajeunissement de la ville » et entraîneront une « amélioration significative de la qualité de vie ». Sotchi va également accueillir
SOCHI2014.RU
Sotchi s'offre une cure de rajeunissement musclée
La situation unique de Sotchi conjugue climat subtropical et sommets enneigés.
les Jeux Paralympiques, avec obligation d’être accessible aux handicapés. Un pas en avant considérable pour un pays où, même à Moscou, il est presque impossible de se déplacer en chaise roulante. Les Jeux laisseront derrière eux de nouveaux hôtels, des centres d’affaires, des salles de concerts et autres infrastructures de poids. Un
nouvel aéroport a déjà été construit. Du coup, Sotchi ressemble désormais à un immense chantier au grand dam des habitants qui perdent patience. Certains ont de bonnes raisons de renâcler. En effet, le gouvernement s'est arrogé le droit d'expropriation sans recours ni débats pour les acquisitions foncières nécessaires aux Jeux. Les ré-
sidents de Imeretinskaya – le quartier où le complexe côtier sera construit ont manifesté leur mécontentement. Ils se plaignent de harcèlement, contraints de vendre leurs maisons à des prix bien en dessous du marché. « Ils piétinent les droits des particuliers », se lamente Valery Soutchkov, chef d’une association de quartier qui fait campagne contres les ventes forcées. « Nous sommes des victimes en sursis » Les écologistes s'inquiètent de l’impact sur l’environnement des constructions des pistes de bobsleigh, de luge et du village olympique montagnard... en plein Parc national de Sotchi. Le président Dimitri Medvedev a ordonné une surveillance constante pour prévenir toute dégradation mais des organisations écologiques comme le WWF tirent déjà la sonnette d'alarme. La question de l'utilisation des 6,25 milliards de dollars est également dans tous les esprits. Le président lui-même admet que la corruption en Russie atteint des proportions catastrophiques. Le nouveau risque de détournement des deniers publics que présentent les Jeux va nécessiter un sérieux contrôle...
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Économie
Transferts de technologies Le savoir-faire contre les clés du marché russe
En bref
Les technos françaises bienvenues
Le vin français 30 fois plus cher en Russie
Moscou brûle d’impatience pour obtenir les technologies de pointe nécessaires à la modernisation de son économie. Quitte à exiger bien souvent, des investisseurs stratégiques étrangers, des transferts de technologie en échange de l’ouverture de son marché. MAUREEN DEMIDOFF SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La proposition de la Russie d’acheter un Mistral est accueilie favorablement par la France.
re a créé une « joint-venture » avec le russe NPO Saturn pour la fabrication du moteur. Les coopérations fleurissent également dans le domaine des télécoms avec Alcatel et Rostechnologie, qui font cause commune pour développer les réseaux russes, et elles vont bon train dans le secteur des infrastructures où Vinci a signé avec le russe Rosavtodor le contrat de concession du premier tronçon de l'autoroute à péage Moscou-Saint-Pétersbourg. De son côté, Bouygues a remporté un appel d'offre relatif au contournement autoroutier de Saint-Pétersbourg. Et Alstom a noué un partenariat avec le principal équipementier ferroviaire russe, TransMachHolding, relançant ainsi l'idée de créer une nouvelle ligne à très grande vitesse entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Même dans le domaine ultra-sensible du militaire, la France vend des tech-
nologies de pointe telles que des caméras thermiques ou du matériel de conduite de tir pour chars par le biais du groupe Thalès, travaillant avec des entreprises russes pour produire ce même type d'appareil que la Russie réservera ensuite à son marché d'exportation. La même Russie a manifesté sa volonté d'acheter à la France le navire Mistral, bien qu'elle se considère capable de fabriquer elle-même ce type de bateau pour au moins 80% du prix demandé par Paris. Mais c’est surtout là l'occasion pour les Russes d'acquérir des licences de fabrication relatives au système de navigation et de propulsion qui lui permettra de moderniser leurs chantiers navals. Dans le domaine spatial, Moscou s'intéresse aux technologies que les dirigeants avaient choisi de ne pas développer pendant la période soviétique, comme les procédés à usage civil, les
satellites de cartographie, l'électronique embarquée ou les capteurs pour l'observation de la terre. Mais ici, la France semble peu encline aux transferts, pour des raisons de sécurité. « Il s'agit de technologies extrêmement sensibles. Et entre la France et la Russie, la confiance mutuelle n'est pas suffisante », explique Isabelle Sourbes Verger, spécialiste des transferts de technologie dans le domaine spatial au CNRS. « Aussi les deux pays préfèrent-ils multiplier les coopérations pour que chacun garde sa technologie : on fabrique chacun de son côté, et on assemble les productions à la fin ». Dans ce secteur, les experts s'accordent plutôt à parler de « transferts géographiques » et du besoin « d'apprendre à travailler ensemble », comme pour le partenariat « Soyouz en Guyane », dont le lancement est prévu en 2010, année France-Russie.
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La Russie envisage enfin la création de sa propre COFACE La VnechEkonomBank devrait parrainer la future agence russe d’assurance des exportations, créée sur la base de la RosEksImBank. Selon les experts, cet organisme calqué sur ses pairs étrangers permettra d’augmenter les volumes d’exportation de produits de haute technologie. ARAM TER-GAZARIAN
ALEXANDRE MIRIDONOV_KOMMERSANT
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Faute de financement, une première tentative de créer une telle agence en Russie avait échoué au milieu des années 90. Par la suite, le gouvernement a pris conscience de l’impérieuse nécéssité de soutenir les exportateurs par des mesures différentes, qui prirent la forme de garanties aux exportateurs de produits industriels, de prise en charge d’une partie des taux de crédits export, de crédits export et d’assurances des contrats export contre les risques commerciaux et politiques. Mais l’absence d’un organisme spécifique pour ces aides désavantageait les exportateurs de produits manufacturés russes et continue d’handicaper leur compétitivité. Le contrôle de l’agence doit être condié la banque publique Vneshekonombank
L’agence anti-monopole envisage l’ouverture d’une d’enquête après constat des prix faramineux du vin importé de France dans les magasins russes. Soupçonnant l’existence d’une connivence entre les importateurs, elle va maintenant leur chercher les poux dans la tête. Selon le patron de l’agence Igor Artemiev, une bouteille de vin qui coûte 5 euros en France peut en valoir en Russie jusqu’à 150. Les amateurs de vins français résidant à Moscou constatent amèrement cette anomalie, ce qui pousse nombre d’entre eux à découvrir les vins du Nouveau Monde, dont les prix sont bien plus modestes. Les importateurs se défendent en accusant la douane russe d’extorquer des... pots-de-vin !
700 sociétés françaises prospectent à Moscou DIMITRI LOVETSKY_AP
Présente dès 1998 sur le marché russe, la France était en bonne position pour combler certains déficits technologiques de son partenaire. Les échanges ont porté sur l'efficacité énergétique, l'amélioration des méthodes de raffinage et l'augmentation de la production des groupes pétroliers ou encore la modernisation des centrales thermiques. En 2004, l'Hexagone a senti qu'il avait une carte à jouer dans le secteur de l'énergie, et particulièrement dans le domaine de l'efficacité énergétique en Russie. A cette époque, Paris était disposé à réaliser des transferts massifs de technologie de pointe et avait contracté de nombreux accords, qui sont toujours d'actualité. Le meilleur exemple est celui de Total, qui explore le grand gisement gazier en devenir de Chtokman, prometteur mais lourd de défis technologiques et financiers pour les Français, et révélateur des problèmes auxquels font face les Russes pour augmenter leur production : des problèmes qui ne peuvent être résolus sans un savoir-faire étranger. La France possède, en effet, la technologie permettant de séparer le pétrole du gaz, alors que la Russie n’utilise toujours pas le gaz qu'elle extrait du pétrole. Ces dernières années, les Français ont pris une place de choix dans l'aéronautique. Plus d'un tiers des technologies utilisées pour la conception du Superjet-100, premier avion commercial russe construit depuis la chute de l'Union soviétique, sont françaises. Le russe Sukhoï s’est associé à de grands industriels français comme Thalès et la SNECMA. Cette derniè-
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Publicité encourageant les exportateurs sur fond de palais du gouvernement.
et l’assureur, la Roseksimbank, qui a été fondée à cette fin dès 1994 sur décret du premier président de la Fédération de Russie, Boris Eltsine. L’Etat participera au capital social de l’agence à hauteur de 30 milliards de roubles (1 milliard de dollars environ). L’agen-
ce devra assurer les risques des exportateurs et des banques en leur accordant des crédits, ce qui servira automatiquement à promouvoir les ventes de produits nationaux à l’étranger. Vneshekonombank, qui assurait déjà les crédits à l'exportation contre les ris-
ques commerciaux et politiques, a attendu la fin 2008 pour revenir à l’idée de créer une agence. Avec une bonne année de retard, le gouvernement de Vladimir Poutine s’est décidé à soutenir cette initiative. Pour le porte-parole du premier ministre, Dmitri Peskov. « la nécessité d’une telle agence est évidente. En période de crise et d’aprèscrise, il est très important de promouvoir les exportations, en premier lieu pour assurer le développement des capacités de production ». La stimulation des exportations par une assurance spéciale est depuis longtemps en place dans les grandes économies. Les noms les plus connus sont Ex-Im Bank (Etats-Unis), Hermes (Allemagne), Coface (France) et Département des garanties de crédits à l’exportation (Grande-Bretagne). Les principales missions de ces structures sont d’assurer contre les risques politiques, de mettre en œuvre les stratégies nationales d’exportation et de renforcer le système de d’aide au commerce, y compris les mesures protectrices. Selon le Service fédéral des statistiques, en 2009 le volume des exportations a chuté de 40% en 11 mois, pour redescendre à 270 milliards de dollars. Le premier ministre Poutine avait apparemment anticipé ces résultats, car dès le printemps 2009 il a demandé au ministre des Finances, Alexeï Koudrine, d’accélérer la création d’un outil de soutien des exportations. Le processus est lancé mais le calendrier de sa mise en place reste flou et les exportateurs s'impatientent.
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Dans le cadre de l'année croisée France-Russie, l’agence française pour le développement international des entreprises Ubifrance emmènera, tout au long de l’année, 700 entreprises françaises en Russie sur plus de 25 opérations dont trois événements majeurs : une exposition d’art de vivre à la française dans la salle du Manège de Moscou, une journée des vins et spiritueux français et un forum d’affaires multisectoriel qui réunira plusieurs centaines d’entreprises des deux pays. En septembre 2010, l’agence ouvrira ses propres bureaux à Moscou, SaintPétersbourg et Ekaterinbourg, dédiés exclusivement à l’accompagnement des entreprises souhaitant développer leurs activités sur le marché russe.
Une église orthodoxe au pied de la Tour Eiffel Le Kremlin a acquis début février un emplacement de premier choix dans la capitale française, pour une somme non dévoilée, a révélé Viktor Khrekov, porte-parole de l'administration présidentielle. Moscou projette d’y faire construire une cathédrale orthodoxe et une séminaire. La Russie n’a pas procédé à de semblables acquisitions depuis 1917, a précisé M. Khrekov. Ce terrain, qui appartenait jusque là à l'Institut national de météorologie, se situe entre l'attraction parisienne préférée des touristes russes et le pont Alexandre III construit en 1896 pour célébrer les liens entre la France et la Russie. L'édition russe de l’hebdomadaire américain Newsweek affirme que la valeur du terrain serait d’environ 60 millions d’euros.
Affaires à suivre Salon international de l’agriculture Du 27 février ou 7 mars 2010, Paris Expo Porte de Versailles Invitée du 47e Salon de l’Agriculture, la Russie y présentera une exposition illustrant le dynamisme et les atouts du pays le plus vaste du monde dans l’industrie agroalimentaire et l’avenir de ce secteur. http://www.salon-agriculture.com
Tous les détails sur notre site www.fr.rbth.ru
editor.france@rg.ru
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Transports
Aéroports La bataille fait rage pour attirer les grandes compagnies aériennes
transformation accélérée tant du côté de l’architecture que du service et des systèmes logistiques. L’aéroport Cheremetievo, le deuxième de la ville en nombre de passagers après s'être fait battre à plate couture par le nouvel aéroport privé Domodedovo, a fait la une des journaux l’automne dernier en inaugurant le tant attendu Terminal D. D’ici le printemps, le nouveau terminal desservira tous les vols domestiques et internationaux d’Aeroflot, ainsi que tous les vols de ses partenaires SkyTeam (y compris Air France). Voulant éviter les mêmes problèmes que ceux rencontrés par l'aéroport londonien de Heathrow (30 000 bagages ont
La capitale russe ambitionne de former une plateforme aérienne unique. Celleci pourrait attirer tous les flux commerciaux entre l’Union européenne et la Chine. Mais les onéreuses royalties exigées par la Russie, et la rivalité entre les trois aéroports de Moscou restent de gros obstacles. IRINA SOUKHOVA, VIKTOR KUZMIN SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
« Des files d’attentes interminables, des douaniers perpétuellement de mauvaise humeur, des couloirs sombres et ce stupide dessin sur le toit, c’est le souvenir que j’ai de l’aéroport moscovite typique des années 1990 », rapporte Eugène Ponamorev, un ingénieur informatique russe qui a déménagé aux Etats-Unis en 2000. Pour la grande majorité des étrangers visitant Moscou jusqu'en 2004, cette description convenait très exactement à Cheremetievo et c'était leur première vision - peu attrayante - de la Russie. Exposés aux pressions de l’économie de marché et d’une forte concurrence, les aéroports de Moscou (et Cheremetievo en particulier) sont en phase de
RUSLAN KRIVOBOK_RIA NOVOSTI
Moscou veut relier l’Asie à l’Europe 14 millions de passagers passent chaque année par Cheremetievo, le plus ancien aéroport international de Moscou.
été perdus lors que la mise en service du Terminal 5), la direction de Cheremetievo décida d'entrée de jeu d'utiliser des scanneurs de bagages plusieurs mois avant l'ouverture du Terminal D.
Interconnexion : une solution est à l'étude Le métro vient à la rescousse de l'avion. Selon Vassili Kitchedji, directeur du département Transport et Communications de Moscou : le problème de la distance entre les terminaux pourra également trouver réponse dès 2012. Une interconnexion au niveau du métro devrait être créée pour permettre
aux passagers se rendant dans les aéroports de transiter par une nouvelle station, appelée Kalantchevskaïa. Celle-ci se trouvera à proximité des trois principales gares de la capitale : Leningradski, Iaroslavski et Kazanski, soit à quelques stations des trois autres gares moscovites.
Au terme de la période d'essai, un exercice grandeur nature a été organisé, lors duquel 600 personnes ont joué le rôle de passagers avec 5 000 unités de bagages à traiter. La direction de l'aéroport s'est dite satisfaite du résultat des tests et a adopté illico le système de scannage. On espère que les passagers en seront aussi satisfaits.
Frais de Survol L’émergence de la Chine fait miroiter à Moscou la possibilité de devenir un « hub » majeur pour les flux commerciaux Est-Ouest du XXIe siècle. En 2006, les vols vers la Chine représentaient déjà presque 1/5ème du trafic aérien européen vers l'international.
Un obstacle majeur reste les royalties exigées par la Russie pour le survol de la Sibérie par les compagnies étrangères. Des frais sont ensuite distribués entre des agences fédérales et Aeroflot, la plus grande compagnie aérienne du pays. Les étrangers jugent ces royalties injustifiées et contournent du coup la Russie, revigorant ainsi les « hubs » aériens au Moyen-Orient et en Asie centrale. Par exemple, le Kazakhstan a construit plusieurs aéroports ultra-modernes, y compris dans la capitale, Astana, attirant de la sorte les compagnies qui volaient depuis l’Europe vers l’Asie en passant par la Sibérie. La crise mondiale a enterré visiblement tout espoir de progrès sur ce dossier et
Infrastructure Moscou face à la concurrence maritime de l’ex-URSS
Les ports russes chassent dans les eaux de leurs voisins Fâché de voir une grande partie des exportations russes (y compris les hydrocarbures) transiter par les ports de l'ex-URSS, le Kremlin a concocté une politique à la fois ambitieuse et protectionniste pour rapatrier le transbordement sur ses propres infrastructures portuaires. IRINA SOUKHOVA
La Russie augmentera la capacité de ses ports à 454 millions de tonnes par an.
trouvés entre les mains de pays indépendants. Les ports russes ont fortement souffert de la concurrence de leurs voisins. Dans les années 1990, 60% des cargaisons russes, y compris le pétrole, transitaient par les ports ukrainiens et baltes. Cette dépendance vis-à-vis des pays de transit, propre au marché des matières premières, a compliqué les relations déjà difficiles avec les ex-républiques vassales de Moscou. Désormais, les ports russes se battent avec succès pour reprendre les clients de l’ex-URSS. La politique tarifaire protectionniste des Chemins de fer de
Composition du trafic des marchandises d’exportation des ports russes par principaux types de cargaisons Cargaisons liquides Charbon Métaux ferreux Blé Minerai Métaux non ferreux Engrais minéraux Bois Cargaisons en containers
Trafic des marchandises en 2009 (mln de t.) 230,6 63,9 27,6 21 4,1 4,1 10 5,8 8,3
Evolution par rapport à 2008 (en %) 9,30% 20,40% 14,30% 130,70% 110,30% 3,60% -14,60% -34,70% -4,10%
Russie, visant à soutenir les ports russes, est d'une aide précieuse. Mais d'autres facteurs séduisent les clients, comme les investissements destinés à réduire le retard technologique des ports russes sur leurs voisins. La construction de nouveaux terminaux et la reconstruction de terminaux existants sont effectivement prévues ou sont en cours de réalisation partout dans le pays. Et surtout, cela concerne les terminaux du marché des exportations essentielles de la Russie, à savoir le pétrole et les produits pétroliers. En sept ans,10,5 milliards d’euros, dont 1,2 milliard issus
SOURCE : ASSOCIATION DES PORTS COMMERCIAUX MARITIMES
Malgré la baisse des échanges commerciaux internationaux, les ports maritimes de Russie sont l’un des rares secteurs de l’économie russe à avoir, en 2009, connu une augmentation de leur trafic de marchandises. Mais si la croissance est impressionnante (environ 9,2%), le volume (500 millions de tonnes) reste modeste par comparaison avec les leaders mondiaux. Reste que la tendance porte à l'optimisme puisque si l’on prend l’évolution sur les dix dernières années, le taux de croissance en volume atteint 250%. La Russie vise à reprendre une position de puissance portuaire mondiale. Elle revient de loin. A l’époque soviétique, le développement des ports de la République russe était loin d'être la priorité des autorités. Les efforts se concentraient sur les sites portuaires d’Ukraine et des pays baltes. Du coup, après la chute de l’URSS, les ports construits autrefois par un Etat unique, où la majeure partie du budget était fournie par la Russie, se sont re-
NIKOLAÏ KOROLEV
SPECIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
du budget fédéral, ont été investis dans la construction de nouvelles installations de manutention (304 millions de tonnes), de quais d’accostage (10 km en mètres linéaires), et dans les capacités de rotation des navires(153 bâtiments représentant au total 8,1 millions de tonnes). Une somme colossale pour le secteur. Dans les années 2000, de nouvelles installations de transbordement de pétrole ont été lancées au nord-ouest de la Russie, à Primorsk et Vissotsk, dans la région de Leningrad. Primorsk n’a cessé d’augmenter ses volumes d’exportation de pétrole et est devenu le port le plus important de son secteur au nord-ouest du pays. Novorossiïsk, deuxième port russe pour le trafic pétrolier qui a mis en service en 2009 un nouveau système de contrôle des hydrocarbures, est en train de reconstruire son principal terminal et un quai supplémentaire. En tout, le Ministère du Transport prévoit d’augmenter la capacité des ports russes de 454 millions de tonnes par an. Le montant approximatif des investissements est estimé à 630 milliards de roubles (15 milliards d’euros), dont 182 milliards de roubles (4,3 milliards d’euros) du budget fédéral, soit plus de la moitié des dépenses totales pour les infrastructures de transport. Cet argent servira non seulement au développement des terminaux de produits pétroliers, mais également aux terminaux de charbon (à Oust-Louga,Vanino,Vostotchny, Taman, Mourmansk) et de
Structure du trafic de marchandisesdes ports russes en 2009
conteneurs (Vostotchny, Saint-Pétersbourg, Oust-Louga, Novorossiïsk). Les produits pétroliers passent également par les nouveaux terminaux russes. En mai 2008, le premier ministre russe Vladimir Poutine a indiqué qu'il est « tout à fait possible de faire passer les capacités de transbordement de ce terminal à 24 millions de tonnes contre 8,4 millions de tonnes actuellement, ce qui implique un rapatriement des volumes d'exportation transbordés dans les pays baltes vers les ports russes ». Pour répondre à cet objectif, la construction de nouveaux terminaux de produits pétroliers est prévue à Novorossiïsk, Mourmansk, Kozmino, Touapsé et Oust-Louga. Le port plurifonctionnel d’Oust-Louga jouera un rôle essentiel dans ces projets. Actuellement en cours de construction dans la région de Leningrad, il figure, avec ses quelques terminaux ouverts, dans tous les plans du ministère des Transports. Le plan général initial de 2004 prévoyait que dans la phase finale, le débit d’Oust-Louga serait de 35 millions de tonnes par an seulement. « Le port assurera 25% de tous les besoins portuaires dans la région baltique, devenant ainsi un sérieux concurrent pour d’autres ports baltes, et il pourra attirer des flux de trafic de marchandises, notamment sur la ligne Transsibérienne et la ligne BaïkalAmour, ce qui permettra d’augmenter le potentiel de transit de la Russie », estime le directeur des Chemins de fer de Russie,Vladimir Iakounine. Mais les projets d’Oust-Louga sont aujourd’hui beaucoup plus ambitieux. Aux alentours de 2015-2020, sa capacité devrait passer à 120 millions de tonnes. Soit un peu moins du tiers du trafic des marchandises du port de Rotterdam en 2009, l’un des plus grands ports au monde. Au terme des travaux réalisés actuellement, les infrastructures portuaires de Russie atteindront une capacité de 770 millions de tonnes de marchandises, dont 700 millions de tonnes prévues par le ministère des Transports pour 2016, plus 15% de marge en cas de reprise de la demande globale plus forte que prévue.
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Énergie
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Energie Modernisation du réseau de pipelines
Sus aux pays de transit ! Le Kremlin développe tous azimuts sa « tuyauterie » Un ambitieux programme de modernisation des pipelines se met en place pour assurer la pérénnité du secteur énergétique russe. Les tensions incessantes avec les pays de transit et le vieillissement des « tubes » ont contraint Moscou à redessiner son réseau et à l’étendre. YOURI SOLOZOBOV LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
ANTON DENISOV_RIA NOVOSTI
Bien que le secteur énergétique affiche un fonctionnement dans l’ensemble stable, l’état et le niveau technique des installations opérationnelles deviennent critiques, selon le chef du Conseil des industries pétrolières et gazières de la Russie et ancien ministre des combustibles et du secteur énergétique,Youri Chafranik. Compte tenu de la nécessité pour la Russie de s’affranchir de sa dépendance envers les pays de transit et son intention d’élargir sa présence sur les marchés effervescents d’Asie, Moscou a par ailleurs estimé que la construction de nouveaux pipelines serait plus logique que la rénovation des anciens. Gazprom note que 38% des gazoducs du groupe sont âgés de 10 à 20 ans, et 18% d’entre eux ont plus de 33 ans (la durée de vie moyenne d’un gazoduc est de 30 ans). Au cours de la dernière décennie, l’industrie du gaz russe a procédé à la reconstruction de plus de 10 gazoducs, ainsi qu’au remplacement et à la modernisation des moteurs à turbine des stations de compression. Cependant, il est impossible de rapiécer indéfiniment les ferrailles soviétiques qui commencent à rouiller. Selon Andreï Kobyakov, le plus profi-
Le Terminal D, inauguré cette année, va accueillir les compagnies de Skyteam.
fait figure de point noir dans les négociations pour l'accession de la Russie à l'OMC. Il n'est un secret pour personne qu'Aeroflot compte beaucoup sur cette cagnotte qui lui tombe littéralement du ciel pour enjoliver ses résultats financiers.
L’émergence de la Chine fait miroiter à Moscou la possibilité de devenir un « hub » commercial majeur entre l’Europe et l’Asie.
Une rivalité moscovite L'autre handicap est la concurrence que se livrent les trois aéroports internationaux de Moscou, très éloignés les uns des autres et appartenant à trois propriétaires différents. Domodedovo, le plus grand aéroport russe (20 millions de passagers en 2008) appartient à la compagnie privée East Line. Cheremetievo (14 millions) est contrôlé par l’Etat
et Vnoukovo (8 millions) relève la mairie de Moscou. Grâce au Terminal D, Cheremetievo deviendra sans doute un « hub » international pour l’Alliance SkyTeam dont Aeroflot est membre depuis 2005. L'absence complète de coordination entre les trois aéroports rend l'ambition moscovite fort incertaine...
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table d’un point de vue stratégique pour la Russie est de construire de nouveaux réseaux de tuyauterie, ce qui résoudrait en outre partiellement le problème de la dépendance envers les pays de transit, notamment l’Ukraine, la Biélorussie et la Pologne. Parmi ces itinéraires alternatifs, les projets tels que le Système d’oléoducs de la Baltique (BTS-2), Nord Stream et South Stream sont examinés. Le pipeline BTS-2 amènera le pétrole russe (la capacité du projet est de 50 millions de tonnes) jusqu’à Oust-Louga
Moscou estime que la construction de nouveaux pipelines serait plus logique que la rénovation des anciens où, actuellement, se construit le port le plus important de Russie, avec un trafic de marchandises prévu de 120 millions de tonnes par an (plus de 2/3 de la capacité portuaire de l’Ukraine entière). Les nouveaux projets de gazoducs sous-marins, Nord Stream et South Stream, sont destinés à remplir des fonctions similaires. Ainsi, le Nord Stream devrait passer par le fond de la mer Baltique, depuis la côte russe vers Vyborg jusqu’à la côte allemande à proximité de Greifswald, et le South Stream devrait contourner l’Ukraine de la côte de la mer Noire jusqu’à la Bulgarie ou la Roumanie, puis continuer jusqu’au sud de l’Italie et jusqu’à l’Autriche. Les deux gazoducs, Nord Stream et South Stream, sont appelés
à remplacer totalement le réseau de transport de gaz de l’Ukraine qui, pour le moment, reste la seule et unique voie d’acheminement du gaz russe vers l’Europe. Le débit total des deux gazoducs s’élève à 118 milliards de mètres cubes par an, soit la capacité actuelle du transit du gaz de l’Ukraine. Conformément à sa nouvelle stratégie énergétique, la Russie va seulement développer certains éléments de l’infrastructure existante du secteur énergétique : des gazoducs (Nord Stream et South Stream) et des oléoducs en direction de l’est (l’oléoduc Sibérie orientale - océan Pacifique connu aussi sous l’acronyme russe VSTO), mais aussi l’extension des infrastructures d’exportation du gaz naturel liquéfié (GNL) et des produits pétrochimiques. La stratégie énergétique prévoit également la reconstruction des centres de transbordement maritimes existants et la construction de nouveaux centres de transbordement pour l’exportation des produits pétroliers et du GNL (Extrême-Orient, Primorski kraï et Krasnodarski kraï, régions de Leningrad et de Kaliningrad). La modernisation du secteur énergétique comporte encore un aspect urgent : celui des économies d’énergie. Actuellement, une unité de production en Russie consomme trois fois plus d’énergie que dans les pays occidentaux, et même 1,5 fois plus d’énergie que par le passé, en Union soviétique. Selon les estimations du ministère de l’Industrie, lorsque ce gaspillage sera maîtrisé, on observera une augmentation de la production dans le secteur énergétique de 250 millions de tonnes d’équivalent pétrole par an.
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Énergie Pékin étreint rapidement et sûrement l'Asie centrale avec ses pipelines
Les Chinois grignotent le vieux monopole russe
BEN ARIS BUSINESS NEW EUROPE
Pendant que l'attention du Kremlin était accaparée par ses problèmes avec l'Ukraine, une brèche a été ouverte sur le front de l'Est. La mainmise impériale de la Russie sur les producteurs d’hydrocarbures en Asie centrale - héritée de l’Union soviétique sous forme d’oléoducs et gazoducs... - c'est fini ! Un nouveau gazoduc traversant le Turkménistan, pays riche en réserves de gaz, en direction de la Chine, change la donne en rejoignant un autre gazoduc, issu du Kazakhstan, déjà en marche. Le Kremlin contre-attaque en construisant d’autres gazoducs tournés vers l’Est. Cette vague de nouveaux gazoducs tend à mettre en place de meilleures relations énergétiques entres les continents européen et asiatique. Des routes concurrentes obligeront à la fois l’acheteur et le vendeur à placer les intérêts économiques au-dessus des différends politiques.
L’oléoduc TransAsia change la donne Le 14 décembre le président chinois Hu Jintao s’est joint à son homologue turkmène Gurlanguly Berdymukhamedov pour inaugurer l’oléoduc TransAsia, qui permet à une Chine affamée d’énergie d’exploiter les copieuses réserves de gaz
de l’Asie centrale. Selon Philip H. de Leon, l’éditeur de OilPrice.com, « le nouvel gazoduc marque un changement de pouvoir économique au profit de trois pays de l’Asie centrale, et de la Chine au détriment de la Russie ». Le gazoduc Transasiatique a coûté 6,7 milliards de dollars. C’est le premier en provenance de la région de la mer Caspienne et en direction de l’est, reliant les réserves turkmènes au gazoduc West-East chinois. Désormais, le gaz du Turkménistan peut être acheminé jusqu’à Shanghai ou Hong Kong. Le tuyau véhiculera jusqu’à 40 millards de mètres cubes d’ici 2013, soit la moitié des besoins gaziers de la Chine. L’importance croissante de la Chine dans la région oblige le Kremlin à imiter son initiative. En novembre dernier, Vladimir Poutine a signé un accord qui promet de livrer 68 millards de mètres cubes par an à Beijing à travers deux nouveau gazoducs installés en Sibérie et qui fourniront à la Chine l’autre moitié de gaz dont elle a besoin. Ce nouvel accord russe constitue un brusque volte-face pour le Kremlin, traditionnellement très méfiant vis-àvis de son voisin oriental. Les gazoducs et les oléoducs sont des monstres politiques lors des étapes de planification, mais une fois construits, ils sont l’équivalent géopolitique d’un mariage. Le gazoduc turkmène suit les traces d’un nouvel oléoduc kazakh en direction de la Chine, ce qui donne forme à une infrastructure de transport énergétique à visage oriental. La première étape de l’oléoduc kazakh a été mise en œuvre en juillet dernier et la se-
editor.france@rg.ru
conde phase a pour but d’acheminer les ressources kazakhes de la mer Caspienne vers la Chine.
Le Front Occidental tient encore Les deux gazoducs chinois défient la Russie dans le jeu énergétique et ont cassé le monopole russe de transport d’hydrocarbures depuis la région de production vers les pays consommateurs de l’Europe occidentale. Cependant, la concurrence croissante
oblige le Kremlin à réagir et à défier à son tour la Chine en renforçant son infrastructure de transport existante. En outre, contourné par les pays clients, Moscou se venge en contournant les pays de transit. D'où NorthStream et SouthStream, qui feront la nique à l'Ukraine, tout en affrontant la concurrence de Nabucco. En empruntant quasiment la même route, ce dernier acheminera le gaz de l’Asie centrale en contournant la Russie. Or, la demande existante ne
justifie qu’un seul gazoduc. C'est soit Nabucco l'européen, soit le russe SouthStream Moscou n'est pas trop mal placé, car TransAsia ne va en fait qu'absorber l’excédent du gaz turkmène que Gazprom n'aurait pas, de toute façon, voulu transporter. Toutefois, en matière d'énergie, il ne faut jamais dire jamais... Des rebondissements sont à prévoir. Certains acteurs pourraient radicalement changer la donne en construisant de nouveaux pipelines.
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Une fois construits, les gazoducs et oléoducs sont l'équivalent géopolitique d'un mariage
NIKOLAÏ KOROLEV
Alors que Moscou tente avec succès de bloquer les tentatives européennes d'accéder directement au gaz d'Asie centrale, la Chine perce le front de l'Est de l'ex-empire soviétique avec un gros gazoduc qui fait l’effet d’un pied-de-nez et porte un coup aux intérêts russes.
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Régions
Zelenogorsk Perdue au fin fond de la Sibérie, cette ville conçoit des technologies nucléaires du dernier cri
Le charme suranné des villes secrètes NIKOLAÏ KOROLEV (7)
Cachée dans les collines de la région de Krasnoïarsk, au cœur de la Sibérie, la ville de Zelenogorsk est un microcosme du développement économique de la Russie. Vingt ans après la chute du rideau de fer, la ville est toujours isolée et n’évoque en rien le centre majeur de technologies renouvelables qu’elle est appelée à devenir. Pourtant, les experts russes espèrent qu’elle deviendra un maillon essentiel du développement de l’énergie durable. ARTEM ZAGORODNOV LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
« Nous n'étions qu'une boite postale », m’explique le guide du musée historique de Krasnoïarsk, une jeune femme sobrement vêtue mais étrangement charmante, en faisant allusion au nom soviétique de la ville, Krasnoïarsk-45. Pendant la Guerre froide, ce genre de villes, généralement construites autour d’une unique usine spécialisée dans l’armement, n’étaient indiquées sur aucune carte, bien qu’il en existât des dizaines sur tout le territoire de l’ex-URSS. Notre visite est liée à un événement de portée internationale : Michael McMurphy, directeur de l'amont du géant d'Etat nucléaire français Areva, conduit une délégation pour l’inauguration du premier complexe commercial en Russie destiné à la reconversion et le stockage d’uranium appauvri. C’est aussi la première exportation de cette technologie française dans un autre pays. A trois heures de bus de la capitale régionale de Krasnoïarsk, le visiteur n’est autorisé dans la périphérie de Zelenogorsk qu’après un sérieux contrôle au « check-point » du Service de sécurité de l’usine. Le feu vert obtenu, il parcourt alors des kilomètres parsemés de datchas. Nombreux sont les résidents de l’agglomération employés directement ou indirectement par l’usine électromécanique de Zelenogorsk (où fut dévoilé le nouveau complexe), entourée d’une barrière supplémentaire de sécurité. La ville de 70 000 habitants abrite également des garderies, des écoles, des banques et un sanatorium. La place centrale de Zelenogorsk, où se dresse une statue de Lénine, ressemble à toutes celles des villes de province russes, quoi qu'un peu mieux entretenue. Le visiteur est immédiatement frappé par une vision quasiment figée dans le temps : les allées spacieuses et l’absence d’étrangers dans les rues. Au restaurant « Iolka » (sapin), on bai-
gne dans une musique des années 1980. L'amabilité des serveurs sort tout droit des films soviétiques et complète avec perfection le mobilier désuet.
Enfermée dans le passé Zelenogorsk fut fondée au milieu des années 1950 pour devenir centre d’enrichissement d’uranium, à l’aube de l’âge nucléaire. La situation géographique avait été choisie au hasard, avec pour seul impératif l’éloignement des frontières. Les ingénieurs qui l’ont conçue ont dû jurer d’ en garder le secret jusqu’à la fin de leur jours. Bien qu’isolés (ou plus exactement parce qu'isolés) du monde extérieur, les habitants des villes fermées, comme Zelenogorsk, bénéficiaient d’un niveau de vie et de consommation bien au-dessus de la moyenne soviétique. C'est Daria Ozerova, l'attachée de presse d’Atomenergoprom, la holding fédérale regroupant toute l’industrie nucléaire civile de la Russie, qui est chargée de répondre précautionneusement à nos questions. Elle attribue la baisse de la demande d’uranium enrichi, survenue au moment de la chute de l’URSS, à la vague des privatisations qui priva l’industrie nucléaire russe d’investissements. A cette époque, le marché mondial d’ura-
nium enrichi ne s’était pas encore développé et les résidents de Zelenogorsk durent chercher d’autres sources de revenus lorsque les commandes d’État cessèrent brutalement. « Au milieu des années 1990, contrairement à la plupart des ville fermées, nous n’avons jamais connu les retards de paiement des salaires », raconte le guide du musée en s’arrêtant fièrement devant une télévision. Afin de survivre à la chute de la production, Zelenogorsk s’est reconverti en producteur de biens de consommation, développant sa propre marque d’appareils électroménagers. En 1992, le président Boris Eltsine signa un décret autorisant les villes fermées à utiliser les appellations historiques de leurs régions. Même si leur existence n’est plus niée officiellement, leur avenir demeure incertain. 42 villes fermées sont répertoriées en Russie aujourd’hui, la plupart sont administrées par le ministère de la Défense et les autres, comme Zelenogorsk, par l’Agence fédérale d’énergie atomique Rosatom. « Les années 1990 furent difficiles », se souvient notre guide personnel, Serguei. « Différents hommes politiques venaient de Moscou, nous promettaient de l’aide. Mais seuls nos gouverneurs ici, sur place,
ont tenu leurs promesses ». Les choses ont commencé à s’arranger après la signature du programme « Mégatonnes vers mégawatts » en 1993, dans le cadre des accords de non-prolifération entre les États-Unis et la Russie. Depuis 1995, 375 tonnes d’uranium enrichi ont été retraitées (soit l’équivalent de 15 000 ogives nucléaires).
Des clients américains C'est la conception et l’exploitation des centrifugeuses à enrichissement d'uranium qui maintient Zelenogorsk dans son statut de ville fermée. Les ingénieurs qui l’ont conçue (dans une usine de la région de Vladimir, à des milliers de kilomètres de là) sont à ce jour encore interdits de sortie du territoire russe. Alors que les réacteurs atomiques requièrent de l’uranium faiblement enrichi (contenant de l’oxyde d’uranium avec 3-5% d’U 235), pour l’armement nucléaire, on utilise de l’uranium hautement enrichi (à environ 90% d’U 235). Les centrifugeuses de Zelenogorsk ont été utilisées pour appauvrir l’uranium à destination de l’industrie nucléaire civile américaine. Depuis 1995, cet uranium a servi de combustible pour des centrales qui ont généré 10% de l’électricité des États-Unis.
Ces technologies qui incitent les autorités à fermer Zelenogorsk La technologie d'enrichissement d'uranium opérationnelle à Zelenogorsk consiste en une cascade de centrifugeuses du dernier cri. Leur vitesse de rotation est de 1 500 tours par minute permettant de séparer les isotopes U-235 et U-238 sur la base de leur minuscule différence de masse. Au terme du processus de séparation, l'U-235 reste au centre de la centrifugeuse tandis que l'U-238 tapisse les parois externes de la machine. Le produit extrait du cœur de la centrifugeuse est ensuite stocké dans des cylindres gazeux et finalement transformé en une poudre oxydée.
Résoudre la crise énergétique A l’issue de discussions au bureau central de l’usine, nous sommes montés dans un car LAZ, de fabrication ukrainienne, pour visiter les espaces en plein air du site, sous l’œil sévère d’un garde militaire. On pouvait apercevoir, par la fenêtre, l’étendue du délabrement résultant des catastrophiques années 1990. La plupart des immeubles et des routes semblaient ne pas avoir été entretenus depuis l’époque soviétique. Areva développe à Zelenogorsk son propre complexe pour convertir et stocker l'uranium appauvri. Il s'agit plus précisément d'un isotope de l'uranium (l'U238), un combustible particulièrement intéressant parce qu'il peut être utilisé dans un cycle complètement fermé. Une centrale nucléaire pourrait ainsi théoriquement fonctionner uniquement grâce aux résidus de l'enrichissement. « C’est comme si nous avions une source d'énergie éternelle », n'hésite pas à affirmer Ozerova. Selon Randy Beatty, chef de projet sur les nouveaux réacteurs et cycles du combustible nucléaires de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), « de telles technologies appartiennent à un futur éloigné. Au-delà des coûts astronomiques, des problèmes persis-
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Faits sur les villes « fermées »
Un réformateur sur le terrain
1.
Les villes fermées n'avaient pas de nom et se cachaient derrière des codes comme Sverdlovsk-45, Tcheliabinsk-70, Krasnoïarsk-26...
2.
Après l’officialisation des villes fermées en Russie, on a vu apparaître trois Jeleznogorsk, deux Zelenogorsk, Zaretchny, Krasnoznamensk, Mirny et Fokine.
3.
A quelques kilomètres de la capitale russe se trouvait la ville de Moscou-2, qui était un centre secret de conception de l'arme nucléaire.
4.
Ces villes fantômes En 1994, un décret spécial du Conseil des ministres de la Fédération de Russie a établi les noms géographiques officiels des villes fermées. Officiellement, les habitants de ces villes n'existaient pas. Lors des recensements, ils étaient disséminés dans d'autres agglomérations ou rajoutés à la population des grandes villes. Ce n'est qu'en 1995 que fut obtenu pour la première fois la levée du secretdéfense sur le nombre d'habitants des 19 villes et 18 communautés urbaines dites « fermées ».
La ville la plus secrète de Russie C’est en 1949 à Sarov que furent créées la première bombe atomique russe puis, en 1953, la première bombe à hydrogène. En 1961, on testa, sur le terrain d'essais de la Nouvelle Terre, une bombe à hydrogène de 100 mégatonnes, la plus puissante au monde. Plus tard baptisée « Kuzkina mat »* par les journalistes, cette bombe a été larguée d'un avion et a explosé à la moitié de sa puissance, à une altitude de 4,5 km. L'onde de choc a fait plusieurs fois le tour de la terre. * Littéralement, « la mère de Kuzma ». Cette expression idiomatique russe a fait sensation en 1960, après l’incident à la session de l'Assemblée générale de l’ONU, quand au cours de son intervention, Nikita Khruschev, alors président du Conseil des ministres de l'URSS, martela la tribune de sa chaussure tout en s'adressant vivement à la délégation américaine dans son langage fleuri : « Vous allez voir la mère de Kuzma », ce qui signifie en russe : « On va vous apprendre à vivre ».
Quelques semaines à peine ont séparé sa dernière détention au poste de police (pour avoir dirigé des manifestations anti-Kremlin devant l’Hermitage à Saint-Pétersbourg)... et sa nomination surprise, en décembre 2008, par le président Medvedev, au poste de gouverneur de Kirov, un immense territoire à 800 km au nord-est de Moscou dont la ville du même nom est le chef-lieu. L’ex-contestataire passé de l’autre côté de la barrière a un ambitieux programme de réforme : le développement, économique, social et démocratique d’une région déprimée. « Je ne vais pas ordonner les changements, comme l’attendent certains », avertit le gouverneur. « J’essaie de susciter des initiatives locales, aux gens de prendre le relais et d’agir indépendamment de moi ». Belykh ne semble pas perturbé par ce que certains ont appelé « un calice empoisonné » : les Kiroviens voient déjà des signes de progrès, et un gouvernement ouvert qui les change du clientélisme étatique. La région de Kirov, 1,5 millions d’habitants, n’a ni gaz ni pétrole, des routes dans un état lamentable, un chômage chronique, et peu d’espoir pour la population en déclin. Les jeunes essaient de partir dès qu’ils sortent du lycée. L’an passé, 15 000 professionnels ont quitté Kirov à la recherche d’un meilleur emploi. Maria Gaïdar, 27 ans, ancienne activiste de l’opposition, a fait le chemin inverse en prenant un poste de responsable des dossiers sanitaires et sociaux dans l’administration de Belykh. Celui-ci a bien besoin de se constituer son équipe à lui. Mais par où commencer ? « Ce que je peux faire, c’est réformer la société par le bas. Il est temps que les gens cessent d’attendre des instructions de l’État, et commencent au contraire à nous demander des comptes, nous les bureaucrates », dit Belykh. A peine avait-il pris ses fonctions qu'il renversait les pratiques ancestrales gangrenant Kirov et toutes les régions en Russie. Il autorise les manifestations urbaines de toutes sortes, interdites jusqu’alors. Les populations locales choisissent leurs représentants dans les services publics. Les médias sont libres de critiquer le gouverneur, et Belykh a instauré des rencontres hebdomadaires avec divers groupes d’intérêt de Kirov, notamment des organisations non gouvernementales et des syndicats, afin de favoriser le libre échange d’idées. Du jamais vu en province. Pour attirer les entreprises, il a poursuivi en justice les monopoles et promis aux investisseurs une zone débarrassée de la corruption. Pour établir un lien direct avec ses mandants, il a ajouté des milliers de noms à son réseau en ligne. Et il a ranimé une tradition soviétique « civique », selon laquelle les dirigeants locaux nettoient les rues avec les citoyens. De son activité politique passée il a gardé des relations dans tous les secteurs, y compris parmi les oligarques. Belykh les
« Nous sommes une nouvelle génération de politiciens. Notre temps est venu et rien ne nous arrêtera ».
a tous invités à venir lui prêter main forte pour réformer sa région. « J’ai fait circuler le message que Kirov est une zone politique et économique exemplaire, ouverte et transparente : venez, investissez votre argent, payez vos impôts, et je vous rendrai personnellement compte de chaque clôture ou de chaque logement construit grâce à votre argent », dit-il. Au printemps, Belykh avait invité le président Medvedev à visiter Kirov. « Cela semblait peu probable que le président se déplace dans un endroit aussi inintéressant d’un point de vue stratégique », se souvient le gouver-
soutien de certains magnats du pays. Alexandre Lebedev, le milliardaire qui possède en partie Aeroflot, est venu à Kirov pour signer des contrats. Ami de longue date de Belykh, Lebedev, lui-même réformiste bon teint qui ne craint pas de tancer le Kremlin au besoin, va construire des immeubles de deux et trois étages. Le géant Gazprom, entreprise d’Etat, a de son côté accepté de faire venir le gaz naturel jusque dans les plus petits villages, au prix d’énormes financements difficiles à rentabiliser dans une campagne défavorisée. Au cours de l’année à venir, Gazprom prévoit d’investir 1 milliard d’euros dans les gazoducs régionaux et dans la construction d’une piscine (Kirov n’en a jamais eue). Des routes sont en construction entre les villes de la région, jusqu’à présent reliées par des pistes bonnes pour des tracteurs. La plus grande fierté du gouverneur, c’est son programme original de transférer la collecte d’impôts aux collectivités locales. « Nous essayons de faire en sorte que les autorités soient contrôlées par les citoyens sur chaque kopek du contribuable qu’elles dépensent », dit Belykh. Des 360 districts de la région de Kirov, 90 ont voté en faveur de l’imposition locale. Destinée à donner plus d’indépendance aux autorités municipales, cette réforme doit aussi les inciter à soutenir le développement des petites et moyennes entreprises. Mais elle se heurte à la réticence de fonctionnaires habitués à répartir les budgets. « Malheureusement, la plupart d’entre eux se tournent encore les pouces en attendant mes instructions. Mais je ne suis pas Pierre le Grand qui forçait les boyards à raser leur barbe. Comme si depuis 300 ans la mentalité n’avait pas changé d'un poil », ironise Belykh. Il admet traverser des périodes de doute, se dit parfois que des méthodes dictatoriales seraient plus efficaces... « Mais en général je suis heureux. Nous sommes une nouvelle génération de politiciens. Notre temps est venu, rien ne nous arrêtera ».
« Ce que je peux faire, c’est réformer la société par le bas. Il est temps que les gens cessent d’attendre des instructions de l’État, et commencent au contraire à nous demander des comptes, nous les bureaucrates », dit Belykh.
neur. Mais Medvedev est venu inspecter le travail de celui qu’il a investi à la tête d’une région faisant déjà figure de test de l’action présidentielle elle-même en faveur de la modernisation de la Russie. Le jour de sa visite, le président promit au gouverneur de l’aider à affronter les problèmes sociaux et économiques les plus complexes. Tous les soirs, Belykh rentre dans une maison vide (sa femme et ses trois fils sont restés à Moscou) et écrit les nouvelles du jour sur son blog personnel (livejounal.com). Il anime aussi une émission hebdomadaire, « Le journal du gouverneur », sur Écho de Moscou, sorte de radio-réalité des réformes touchant le quotidien des Russes. Des changements positifs sont déjà visibles aujourd’hui, et Belykh jouit du
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Maria Gaïdar : « Je veux des résultats tangibles, ce qui contredit la logique du fonctionnaire » Comment ont réagi vos camarades de l’opposition quand vous êtes passée au service de l’Etat ? On m’a critiquée pour avoir eu des propos violents à l’égard de Nikita Belykh, et puis d'avoir rejoint son administration. Mais aujourd’hui, on m’envie, parce que j’ai vraiment la possibilité de travailler. Mais vous devrez attendre avant de voir des résultats. Les fonctionnaires ne sont-ils pas justement ceux qui bloquent le développement du pays? Si, bien sûr. À l’échelle fédérale, n’importe quelle initiative peut être bloquée. Mais ici, on à l’impression d’être proche des gens, de pouvoir les aider. Et qu’en est-il de la méfiance des habitants locaux ? Après tout, vous êtes une
Moscovite, une parachutée… C’est ainsi que me perçoit l’élite locale. Mais ça n’a pas d’importance pour moi. Dans les villages, les gens sont très ouverts. Le courant passe immédiatement, ou pas du tout. Ne vous faites-vous pas des illusions ? Ne craignez-vous pas un manque d’expérience ? Je veux obtenir des résultats tangibles, ce qui est en contradiction avec la logique du fonctionnaire. Comment ai-je trouvé un directeur pour le département de santé ? Je n’ai pas cherché parmi mes camarades de classe. J’ai choisi quelqu’un du cru, qui ne m’était pas acquis. Et cette personne travaille très bien. Je n’ai pas besoin de gens qui me soient loyaux. KOMMERSANT, « OGONIOK »
SERGEÏ KOUKSINE_RG
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Kirov Opposant au Kremlin hier, gouverneur aujourd’hui
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Les villes « fermées » sont apparues et se sont développées dans l'aprèsguerre, avec le début de la Guerre froide.
Un avenir « fermé » Actuellement, le salaire moyen d’un ingénieur de Zelenogorsk s’élève à 790 euros par mois, en plus d’un vaste éventail d’avantages sociaux et médicaux. Pas si mal pour la province russe, mais misérable en comparaison des collègues occidentaux. Les annonces récentes faites par l’État russe sur des milliards de dollars d’investissements imminents dans l’énergie nucléaire suffisent à entretenir l’optimisme. « On peut déjà obtenir des crédits à la consommation dans les banques ici, comme dans n’importe quelle ville », raconte Sergei, alors que nous passons devant un pâté de maisons fraîchement construites. Ces maisons, avec un jardin à l’arrière et des garages pour deux voitures, semblent transplantées d’une banlieue verte américaine. On ne peut s’empêcher de se demander où vont cette ville et ses habitants, qui doivent concilier au quotidien des réalités en apparence incompatibles, comme le secret et l’ouverture, l’ancien et le neuf. De manière ironique, l’histoire ici a toujours été façonnée par les forces géopolitiques mondiales. En octobre 2009, la Russie et la France ont proposé de produire de l’uranium enrichi pour l’Iran, dans le cadre d’un accord préparé par l’Agence internationale pour l’énergie nucléaire, afin de convaincre Téhéran d’abandonner son propre programme d’enrichissement. A la question de savoir si Zelenogorsk pouvait servir à enrichir de l’uranium pour le très controversé réacteur iranien, Ozerova répond que toute information de ce type est hautement confidentielle. Toutefois, « en théorie, oui ». Officiellement, l’accord n’a pas été conclu, et l’Iran semble déterminé à poursuivre son programme avec des objectifs, on le craint, militaires. Mais peut-être y a-t-il encore de la place pour des discussions, et il est impossible de savoir ce qui se passe en coulisses, y compris derrières les portes fermées de Zelenogorsk. Comme les activités de la ville demeurent secrètes, il est vraisemblable que sa prospérité économique ne pourra être maintenue qu’au prix d’un isolement permanent. La nuit, quand l’obscurité et le froid glacial sibérien s’installent, un calme mystérieux descend sur la ville. Bien souvent, le seul bruit est celui de la neige qui crisse sous les pas, ou le vent qui souffle dans les arbres. Debout au milieu de cet amalgame saugrenu - solitude et sérénité, uranium enrichi, un paysage saisissant, une surveillance constante, la chaleur humaine et la camaraderie -, on est absorbé par l’esprit tout aussi énigmatique de la Russie.
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ALEXANDRE GRONSKY
tent, comme la nécessaire fabrication de métaux plus résistants à la corrosion. Qui plus est, un tel réacteur devrait être manœuvré à distance, à cause du niveau de radiation très élevé des produits de fission dans un réacteur rapide ». Cela n’a pas empêché les spécialistes internationaux de s’y intéresser. « La Chine est le pays qui a manifesté le plus d'intérêt », explique Ozerova. « Un réacteur nucléaire supplémentaire est en construction en ce moment à Beloïarsk. Les Chinois veulent l’acheter. Outre nos instituts, ils sont parmi les principaux investisseurs dans la recherche et le développement dans ce domaine », ajoute-t-elle.
Régions
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Débats et Opinions
RUSSIE ROUGE PUIS RUSSIE COOL
Sondages Qui va moderniser le pays?
SOURCE: WWW.WCIOM.RU
La majorité des Russes ne savent pas quels sont les groupes sociaux qui pourraient devenir la force motrice de l’innovation (59%), et 23% pensent même qu’il n’y en a pas. D’une manière générale, les Russes ne peuvent pas non plus désigner les forces sociales qui ne s’intéressent pas aux innovations (64%). Les autres désignent l’Etat (6%), les oligarches et les hommes d’affaires (3%), etc. Sondage effectué auprès de 1 600 personnes.
Le président ukrainien préféré... des russes LES RUSSES ESTIMENT QUE LA VICTOIRE DE VIKTOR IANUKOVITCH AUX PRÉSIDENTIELLES EN UKRAINE EST UNE BONNE CHOSE POUR LES INTÉRETS DE LA RUSSIE.
SOURCE: WWW.LEVADA.RU
Sondage effectué auprès de 1 600 personnes.
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ANDREJ KRICKOVIC ET STEVEN WEBER THE MOSCOW TIMES
À l’instar de nombreux pays, la Russie fait des efforts considérables pour améliorer son image et sa réputation à l’étranger, mais sans grand succès. Peut mieux faire, mais comment ? Le premier pas serait d’admettre que les nations, comme les entreprises ou les individualités, ont besoin d’une identité, d’une image de marque ou d’un « label », bref, de signes distinctifs qui renvoient à un « signifié » particulier et universellement reconnu. Une nation, précisément parce qu’elle est un assemblage hétéroclite de composantes humaines, historiques, culturelles et politiques, se doit de faire passer un message unifié, immédiatement reconnaissable et uniformément compréhensible, une caractéristique qui la « raconte » dans l’imaginaire collectif des peuples. Les entreprises l’ont compris depuis toujours. Qui dit Apple dit « innovation ». Qui dit Warren Buffet dit « investisseur avisé ». Qui dit « American Express » dit « haut de gamme ». Aucune des marques ne capte dans sa totalité la richesse et la complexité du sujet qu’elle désigne, mais toutes déclenchent une réaction affective qui conditionne les comportements. L’Italie fait immanquablement penser à la gastronomie et la dolce vita ; la Chine, à « l’atelier du monde ». Et la Russie ? Quelle importance accorder, à l’heure de la mondialisation qui efface les particularismes nationaux, à l’existence ou à l’absence d’une image de marque quelconque ? Mais inversement, dans un monde de plus en plus uniformisé, l’image de marque est un « plus » indispensable. Prenons ce que les Américains appellent le « soft power », ou le pouvoir d’influence : il s’agit d’utiliser la force du modèle pour donner envie aux autres de faire ce qu’on souhaite qu’ils fassent. En économie, cela se traduira par la capacité d’un pays à susciter l’intérêt des chefs d’entreprise, des investisseurs et des innovateurs internationaux qui engageront leurs capitaux, leur créativité, leurs technologies et leur savoir-faire chez vous plutôt que chez le voisin. Aujourd’hui, l’image de marque de la Russie est totalement négative. Nous avons mené une enquête auprès des étudiants de l’Université Berkeley de Californie, qui a débouché sur une base de données imparfaite mais fort utile. Nous leur avons demandé d’associer des mots à différents pays. Pour la Russie, les associations étaient massivement péjoratives : communisme (28%), froid (13%), vodka (7%) et corruption (7%) sont arrivés en tête de liste, la plaçant derrière les quatre autres pays du sondage (les États-Unis, la Chine, l’Italie et la Grande-Bretagne). La bonne nouvelle, c’est que l’image de marque peut changer. Au XIXe siècle, l’Allemagne était perçue comme le pays de l’idéalisme romantique et la France, comme une puissance militaire. Peu nombreux sont ceux qui feraient les mêmes rapprochements aujourd’hui. Le Japon, l’Espagne, l’Allemagne, Singapour et, plus récemment, la Grande-Bretagne ont tous enregistré une amélioration spectaculaire de leur image de marque. Nous avons également découvert que nos sondés pensent à la Russie presque aussi souvent qu’à la Chine. La Russie retient l’attention, ce qui ouvre
DESSIN DE VICTOR BOGORAD
DE QUI DÉPEND SURTOUT LE SUCCÈS DE LA MODERNISATION, C’EST-À-DIRE DU PASSAGE D’UNE ÉCONOMIE BASÉE SUR LES MATIÈRES PREMIÈRES À UNE ÉCONOMIE BASÉE SUR LES INNOVATIONS?
donc des perspectives d’évolution de la perception que l’on en a. Dans les années 1990, la Grande-Bretagne a troqué son image de bastion de la décadence impériale (« Rule, Britannia ! »), pour celle d’un centre d’innovation et de créativité, branché et multiculturel, « Cool Britannia ». L’une des clés
L’image de la Russie soit s’appuyer sur un nouveau discours reflétant les valeurs profondes dans lesquelles son peuple se reconnaît et que le monde peut lui envier de ce succès, c’est que la Grande-Bretagne avait réellement changé. Il y avait un fossé entre la réalité et la perception qu’un effort de promotion d’image de marque pouvait combler en toute honnêteté. La Russie peut et doit faire le même effort pour transformer son image. Or, les Russes sont engagés aujourd’hui dans des débats passionnés sur l’identité de leur pays et la vision qu’il projette. Le fossé est immense entre la réalité de la Russie d’aujourd’hui et la perception que l’on en a à l’étranger. Si le pays est confronté à des problèmes intérieurs pressants, il a fait beaucoup de progrès depuis la chute du communisme et le chaos des années 1990 qui a suivi. Les Russes doivent cesser de ressasser leur passé. Le monde n’a désormais que faire de Pierre le Grand, de Joseph Staline ou de la Guerre froide. La Grande Bretagne n’a pas changé son image en obtenant que ses anciennes
colonies pensent différemment le XIXe siècle. Elle a réussi parce que les gens ont une idée différente de la Grande Bretagne du XXIe siècle. Un discours novateur sur la Russie devrait mettre en valeur les atouts suivants : • La Russie multiculturelle. C’est une société multiethnique qui a su gérer sa diversité. • La Russie écolo. C’est une société aimant profondément la nature ; les datchas, les vastes forêts épaisses et l’étendue territoriale sont plus que des symboles nationaux : ils reflètent un style de vie respectueux de l’environnement. • La Russie « résiliente ». Le peuple russe gère avec succès l’instabilité, répond aux chocs, encaisse les crises sans broncher, et survit. L’histoire de la résistance russe est profondément humaine, tout le monde peut s’y retrouver et en tirer une leçon. Parmi les éléments susceptibles d’influencer positivement leur opinion de la Russie, les étudiants de Berkeley ont cité les réussites environnementales et multiculturelles. L’avenir, c’est la solution aux problèmes actuels par les partenariats. Il ne suffit pas de « communiquer » par le biais des grands médias internationaux, anciens ou nouveaux, pour changer une image de marque. Il faut aussi donner aux populations des raisons de parler différemment de la Russie. En fin de compte, une marque qui a du succès n’appartient pas à l’entreprise ou au pays qui la revendique, mais au consommateur.
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Andrej Krickovic est chercheur à l’Institut d’Études internationales de Berkeley en Californie. Steven Weber est professeur de management et chercheur au Centre de recherche d’infrastructures à l’École de gestion Skolkovo à Moscou.
COMMUNICATION... OU « BARATIN » ? IAN PRYDE, ADAM FUSS ET LAURA MITCHELL THE MOSCOW TIMES
Depuis que Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev ont accédé à la présidence, on parle beaucoup de changer l’image de marque de la Russie. Dans leur article (ci-dessus), Andrej Krickovic et Steven Weber ont, à juste titre, souligné les efforts totalement vains du pays pour améliorer son image et sa réputation à l’étranger. Mais leur proposition de redessiner une image de la Russie axée sur l’écologie, le multiculturalisme et le caractère « résilent » des Russes reste basée sur une vision obsolète des relations publiques. Dans la Communauté des États Indépendants (CEI), ce que l’on appelle « relations publiques » n'est en fait qu'un héritage de la propagande communiste. La Russie n’en fait qu’à sa tête en politique intérieure et extérieure, puis utilise les médias nationaux fidèles à l’État et des agences de communication à Washington, Bruxelles, Berlin et Londres, pour essayer de réparer sa réputation ternie. La Biélorussie et le Kazakhstan ont aussi testé cette stratégie, mais ce ne furent que des mesurettes non coordonnées et n’obéissant à aucune stratégie sur le long terme. L’impossibilité d'obtenir des résultats immédiats entraîne invariablement une déception chez les clients étatiques bornés. Parfois, on a vraiment l’impression qu’ils font exprès de créer une mauvaise image. L’approche américaine et européenne de la communication, qui consiste à accomplir de grandes choses puis à s’en vanter, n’a guère été suivie en CEI, parce que personne ne la comprend.
Cela dit, même cette approche ne serait pas efficace en CEI. A l’ère de la communication mondiale instantanée, quels que soient les endroits d'où surviennent les mauvaises nouvelles, elles sont répandues partout en quelques secondes, souvent accompagnées de vidéos filmées sur des téléphones portables, comme l'ont découvert I’Iran et la Chine. Reste que la Russie semble ne toujours pas comprendre que l’on ne peut pas créer une image, une marque et une réputation de standing mondial à partir de mauvaises nouvelles. Et malheureusement, des mauvaises nouvelles, la Russie en fournit en pagaille. Les principaux médias mondiaux vont continuer à pointer du doigt le clientélisme qui règne dans le milieu des affaires russes et ses relations étroites avec le Kremlin. En dépit la starification des super-riches russes dans des magazines comme Forbes, pas une seule compagnie russe n’a encore créé de marque mondiale et peu, s’il en est, sont connues en dehors du cercle des familiers de la Russie. Aucun oligarque russe, aucun, n’a donné lieu à un « culte de la personnalité » à l’instar du patron de Apple, Steve Jobs, ou du fondateur de Virgin, Richard Branson. Cette mauvaise image est la conséquence de problèmes systémiques. Des fonctionnaires ont été arrêtés pour négligence suite à l’incendie dans la boîte de nuit de Perm, mais la même négligence fut à l’origine d’un autre incendie fatal dans une maison de retraite, avec des barreaux aux fenêtres et des sorties condamnées. Les problèmes de la Russie sont avérés et largement connus dans le monde. Par conséquent, les
tentatives de créer une nouvelle image de marque d’un pays écolo seront immédiatement sapées par un dossier environnemental catastrophique. Un pays « multiculturel » ne passera pas non plus, compte tenu des données négatives sur les attaques contre les non-Russes, surtout les ressortissants du Caucase et d’Asie centrale. Enfin, une Russie endurcie, qui a du caractère, c’est faire le grand écart. L’image extérieure sera le même cliché d’un peuple russe qui souffre, d’une société sclérosée socialement et économiquement. Engager des agences occidentales de communication et de lobbying prestigieuses, mais qui ne connaissent ni la langue, ni le terrain, n'est pas une solution. Enfoui profondément dans le discours à la nation de Medvedev en novembre, il y avait cet aveu, passé inaperçu : « Rien ne changera en Russie tant que nous ne changerons pas nous-mêmes ». Les Allemands disent « PR ist Chefsache » (la communication, c'est le boulot du chef). Dans une société aussi verticale que la société russe, il n’y a qu’une seule personne, peut-être deux, qui peuvent régler le problème. Poutine (et Medvedev) doivent mener le combat pour changer sérieusement et avec professionnalisme l’image du pays. Et c’est seulement à ce moment-là que l’on pourra fabriquer une nouvelle marque.
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Ian Pryde est le fondateur et PDG de Eurasia Strategy & Communications (ESC) à Moscou. Adam Fuss est vice-président de ESC North America. Laura Mitchell est directrice générale de ESC North America.
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Débats et Opinions
KIEV : LE KREMLIN SANS ILLUSIONS
Ces sacrés Français... La panne et la «démerde»
ALEXANDRE MITYAEV SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Avant même que les Ukrainiens n'aient voté, les médias occidentaux répétaient déjà d’une seule voix que le vainqueur du scrutin serait... Moscou. Au Kremlin, on acquiescerait volontiers, sauf que l’on ne sait que trop bien que rien ne changera fondamentalement entre Moscou et Kiev : l’Ukraine continuera à s’aligner sur l’Europe. « Il est évident que la défaite du président sortant, qui s'est positionné en nationaliste antirusse, aura pour conséquence un rapprochement entre l'Ukraine et la Russie », commente le Wall Street Journal.« Le premier tour n'a pas permis de trancher qui sera le président d'Ukraine. Une chose est sûre : les deux candidats sont très sceptiques quant à l'entrée de l'Ukraine dans l'Organisation du traité Atlantique Nord (OTAN), et tous deux militent pour de bonnes relations avec la Russie voisine. Moscou à gagné à Kiev », écrit le Spiegel allemand. En Occident, on considère que Ianoukovitch, comme d'ailleurs Timochenko, sont pro-russes, contrairement au pouvoir précédent. Si l’on entend par là l’aspiration déclarée des deux candidats à améliorer le dialogue avec le Kremlin, c’est en effet une différence nette d’avec l’ancien président Iouchtchenko. En réalité, c’est sa rhétorique antirusse qui a empêché Iouchtchenko de récolter plus de 5% des voix. Avec aussi, bien sûr, les effets de la crise économique, qui a durement frappé le pays. Même si le Kremlin se satisfait de l'échec de la réthorique antirusse, il ne se fait plus d’illusions sur son influence à Kiev. Même avec Ianoukovitch, l’Ukraine continuera son cheminement vers l’Union européenne (UE) et l’OTAN. Les pas les plus importants pour l’adhésion de l’Ukraine à l’UE ont été accomplis pendant que Ianoukovitch était premier ministre, d’abord sous Koutchma, puis sous Iouchtchenko. L’Alliance nord-atlantique a déjà pris les devants : dès le début de l’année 2010, l’Ukraine s’est vue proposer une participation à la Force de réaction de l’OTAN en 2015-2016, ce qui donnerait lieu à un réarmement éclair en quelques années (en 2008, l’Organisation avait refusé l’entrée de l’Ukraine en arguant d’un niveau insuffisant de préparation militaire). C’est une question épineuse, car le Kremlin redoute de voir les troupes de l’OTAN stationner aussi près de Moscou. Kiev doit désormais avant tout régler les problèmes de développement et de survie économique. Compte tenu de la dépendance économique envers la Russie, beaucoup de compromis sont au programme. En premier lieu, il s’agit du sort de la flotte de la mer Noire. Conformément aux accords entre les deux États, les navires russes doivent quitter Sébastopol en 2017. La Russie va faire des propositions pour conserver sa base, et l’Ukraine aura à choisir entre deux options : marchander pour des conditions plus avantageuses ou exiger un départ définitif, ce qui ne va pas manquer d'enrager Moscou. Une majorité de Russes estime que la Crimée est un territoire russe improprement transféré sous l'autorité de la République Socialiste Soviétique d'Ukraine en 1954 par décision de Nikita Khrouchtchev. La question reste donc ouverte... et politiquement chargée. Seconde question : le désir de Moscou que le russe acquière le statut de seconde langue officielle en Ukraine. La moitié de la population du pays ne parle pas le russe, considéré comme langue maternelle, ni dans les écoles ni dans les
NATALIA GEVORKIAN SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI DESSIN DE DMITRÏ DIVIN
hôpitaux. La situation devient absurde quand à l’est du pays et en Crimée, les gens parlent russe dans la rue, mais sont obligés de regarder des films en ukrainien dans les cinémas. Pendant cinq ans, Ianoukovitch promettait de régler cette question. Mais, majoritaire à la Rada, son parti n’a pas levé le petit doigt. Timochenko est opposée à cette réforme, se positionnant avant tout comme une « politicienne ukrainienne nationale ». Ensuite, Ianoukovitch devra régler la question de l’Union douanière, créée le 29 novembre 2009 par les présidents de Russie, de Biélorussie et du Kazakhstan. En vertu des documents signés, l’espace douanier unifié des trois pays commencera à fonctionner le 1er juillet 2010. La Russie souhaite que l’Ukraine rejoigne l’Union afin d’augmenter le volume des échanges entre les pays. Comme de nombreux produits russes et ukrainiens ne sont pas compétitifs sur le marché mondial, les voisins ont encore besoin l’un de l’autre en tant que partenaires de commerce extérieur (l’Ukraine a représenté 5,4% des importations russes en 2008, et la Russie 23,3% des ukrainiennes). Pour toute une série de marchandises, il existe une dépendance réciproque. Par exemple, les usines automobiles en Ukraine utilisent des engins et des mécanismes fournis par la Russie, alors qu’une grosse partie de leur production, en retour, est utilisée dans l’industrie pétrolière russe, l’exploitation forestière et la construction. En outre, Kiev mise beaucoup sur un projet commun avec la Russie: la fabrication de l’avion Antonov An-148, à laquel-
prétexte, dixit le propriétaire. Las ! Pour 1200 euros, c’est – il faut le reconnaître – une bonne affaire, mais qui défonce le budget limité de Jean-Pierre. Les visites suivantes auront raison de sa pingrerie. De retour au premier appartement, il négocie habilement: 1 050 euros plutôt que 1 200, en échange de cours de français pour le fils du proprio. Aujourd’hui, il a caché le papier peint déchiré par une bibliothèque, et viré la moquette. Ne lui reste plus qu’à comprendre le fonctionnement tortueux de la gazinière soviétique. D’ici à quelques semaines, ça devrait être chose faite.
J’en étais sûre. Ma voiture ne veut pas démarrer. Normal : elle n’a pas roulé depuis deux mois et, même garée dans un parking souterrain chauffé, elle ne veut rien savoir. C’est la batterie. Plus morte que morte. Surtout qu’elle a au moins quatre ans. Résignée, j’allume une cigarette, en essayant de me souvenir de ce que j'aurais fait à Moscou dans la même situation. Il aurait fallu pousser la voiture pour essayer de la faire partir. Mais cela ne marche que si le moteur donne des signes de vie, aussi infimes soient-ils. Ou alors il aurait fallu appeller au secours des amis automobilistes, pourqu'ils débarquent avec leurs câbles, leurs pinces... pour qu'ils branchent la batterie morte à une batterie vivante, et hop. Ici, au troisième sous-sol du parking du Marais, il n’y a ni la place ni les candidats pour pousser. En soi, c’est un espace particulier, ce parking. Durant ma première année à Paris, quand il fallait entrer ou sortir, mes genoux commençaient à trembler. Tout est calculé au centimètre près, et il semble impossible de passer sans racler les murs. D’ailleurs, les éraflures sur les parois dans les passages les plus compliqués prouvent bien que tous les conducteurs n’y arrivent pas. Après les grands espaces russes d’où les parkings souterrains sont quasiment absents, garer ma voiture à Paris était devenu une épreuve quotidienne. Aujourd’hui, je peux faire la manœuvre les yeux fermés. Je reçois un appel d’un ami de Moscou. En m’écoutant pleurnicher au sujet de ma voiture qui ne veut pas démarrer sous terre, il remarque, philosophe, « Je te comprends. Pas envie de faire des efforts ». « Les efforts », c’est une promenade de cinq minutes jusqu’au premier minuscule garage, qui fait aussi station-service. Le patron m’ouvre grand ses bras et je me jette sur sa poitrine en espérant le salut, qui suit immédiatement. Outre l’essence que je viens lui acheter régulièrement, nous partageons, avec le patron, l’amour des cigares. C’est-à-dire qu’il les aime, et moi, quand j’y pense, je lui rapporte quelques bons cubains du « duty free » de Cheremetièvo. Nous parlons aussi politique. Ou débattons des prix raisonnables des ressources énergétiques et du rôle de la Russie dans cette affaire. L’assistant du patron attrape un petit appareil, enfourche sa mobylette, moi derrière, et nous descendons allègrement dans le souterrain. Deux minutes plus tard, mon moteur pousse un grognement et se met en marche. Le gars m’escorte jusqu’au garage. Sur le tableau de bord, s’allume le mot « service ». Normal : s’il y a des problèmes, autant qu’ils surviennent tous d’un coup. Samedi midi. J’ai vite fait mon calcul selon les standards moscovites : peut-être que mardi aprèsmidi, je pourrai récupérer ma voiture. - Bon alors, je passe mardi ?, dis-je avec précaution. - Ou mercredi ou jeudi, si t’as pas besoin de ta voiture à ce point. Et la batterie, va falloir la changer tout de même. - C’est ce que je me suis dit. Bon, je passe quand alors ? - Dans une heure et demie... disons deux heures maxi. Deux heures plus tard, je roule dans ma propre voiture en direction de la maison de campagne de mes amis, avec juste un peu de retard. Et mentalement, je calcule à combien revient la commodité de l’existence parisienne. Deux heures et trois cents euros pour une batterie neuve, un contrôle technique et écologique et un réservoir rempli à ras bords. A Moscou, j’aurais appelé mon ami, il aurait redémarré ma voiture gratis avec ses pinces, je n’aurais pas changé la batterie, j’aurais remis le contrôle technique à un avenir indéfini, pris moins d’essence, et oublié le contrôle écologique. Bref, j’aurais, sans frais, repoussé les problèmes à plus tard. Et puis, pour la même somme, j’aurais eu, à un moment ou à un autre, à les résoudre un par un aux différents bouts d’une ville immense, immobilisée par les bouchons. Et tout ça parce qu’à Moscou, il n’y a pas, à deux pas de chez moi, de petit garage privé, compact et accueillant, capable, même pour 12 000 roubles, de résoudre des problèmes techniques certes routiniers, mais de nature à jeter dans le désarroi même les femmes les plus endurcies.
François Perreault, expatrié à Moscou depuis quatre ans
Natalia Gevorkian est correspondante à Paris du journal Kommersant
le participent 34 entreprises ukrainiennes. Du point de vue technique, l’avion régional de la nouvelle génération n’a rien à envier à ses analogues mondiaux, il en surpasse même certains en qualité et résistance. Le revenu global sur la construction de 80 avions déjà commandés s’élèvera à 590 millions d’euros. Annoncé l’an dernier pour le trajet Moscou-Saint-Pétersbourg, l’An-148 est le premier des six avions de ligne commandés par la compagnie aérienne Rossia. Il existe aussi un programme commun de mise en orbite de satellites, le « Sea Launch », sur la base des véhicules porte-satellites « Zénith-3 », « Cyclone » et « Dnipro », ainsi que la fabrication d’avions de transport An-225 Mriya et An124 Ruslan. Enfin, au cœur des relations entre les deux États : le gaz. En janvier, l’Ukraine a payé une facture de 396 millions d’euros à la Russie, soit deux fois moins que ce qui était prévu dans le contrat. Gazprom n’a pas voulu aggraver la situation pendant les élections, mais l’attitude future du géant gazier russe dépend aussi de la manière dont vont se régler les questions qui « préoccupent » Moscou. Le Kremlin ne peut pas laisser à l’Ukraine le contrôle des gazoducs. Kiev est catalogué pour longtemps parmi les partenaires problématiques. Par conséquent, la stratégie russe continue de reposer sur un contournement de l’Ukraine.
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Alexandre Mitiaïev est un journaliste indépendant qui a longtemps collaboré avec le quotidien The New Times.
Ces sacrés Russes...
s’agit d’une erreur, l’appartement n’est pas dans la base. Ni les autres d’ailleurs. Vous cherchez quoi ? 40 000 roubles pour habiter au centre-ville : au bout du fil, l’agent s’étrangle. Mon pauvre monsieur, c’est impossible. Mais je te rassure, l’histoire se termine bien, parce que l’aimable agent promet de le tenter, l’impossible. (Ici, Jean-Pierre a deux choix : soit il est suffisamment riche pour se laisser guider par l’agent, qui lui prendra au passage une commission de 800 euros; soit il est modestement fortuné, il cherchera lui-même dans les méandres de l’immobilier moscovite... et l’agent du propriétaire lui prendra au passage une commission de 800 euros). Volontaire, Jean-Pierre l’a toujours été. Fissa, il stabilote les pages du journal. Première visite, un petit deux-pièces presque central dans un bâtiment presque sans âme: exit le zinc dans la cuisine; la moquette fut probablement épaisse, mais elle ne sentait pas alors le tabac froid; le lit consiste en deux canapés brejnéviens côte-à-côte. Le papier peint à fleurs est déchiré (ici, tu vois, regarde), et le buffet du salon est rempli d’un service de dix couverts de mauvais goût, qu’il-ne-faut-enlever-sous-aucun-
DESSIN DE DMITRÏ DIVIN
Course au logement : les mirages de Moscou Pas une année sans qu’on te la fasse : Moscou est l’une des villes les plus chères au monde, dixit les grands cabinets d’audit. Ce n’est pas faux, mais les petites choses du quotidien restent à portée de bourse. Sauf évidemment si tu as l’idée saugrenue de vouloir dormir ailleurs que sous un pont. Prends Jean-Pierre. Fraîchement débarqué de Clamart (Hauts-de-Seine) avec pour tout bagage un contrat raisonnable et une base de russe, l’animal habite dans l’un de ces appartements loués hors de prix à la journée, le temps de trouver la perle rare. Un coup d’oeil sur les petites annonces et il glousse. Pour 40 000 roubles (926 euros), on lui propose photos, à l’appui, tout un tas d’appartements ultramodernes, de quoi te faire chialer dans ton deux-pièces minable au métro Ourcq. La cuisine est séparée du salon par un zinc de bar scintillant; le lit est inspiré du dernier succès porno-chic. 70 mètres carrés au pied du métro... Jean-Pierre tapote déjà sur son téléphone. C’était sans compter sur la malice de l’agent immobilier. Jean-Pierre est ramené à la réalité: il
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Perspectives
Seconde Guerre mondiale L'auteur entend défendre la mémoire de ceux qui ont combattu Hitler
La Russie face à son héritage idéologique Quelque chose a changé dans l’esprit de la société russe. Vingt ans après l’effondrement du pays et de toutes les valeurs de l’ancienne société soviétique, et après vingt années de silence, les Russes sont de nouveaux en quête de valeurs et d’idéaux. Et voilà que le sujet de la guerre se retrouve inopinément au centre de l’attention publique. Il ne s’agit pas seulement de ses aspects factuels, qui restent importants eux aussi, mais surtout de son esprit, qui se résume à la question des valeurs au nom desquelles on a combattu. ALEXANDRE MEKHANIK
L’anniversaire du pacte Molotov-Ribbentrop a catalysé cette tendance. Mais on ne s’est pas limité à une réprobation. L’Eglise orthodoxe russe hors frontières a pris la défense du général Vlassov, Gavriil Popov a publié un article sur les trois étapes de la guerre où il justifie également les actes de Vlassov et Daniil Granine a écrit que Staline avait dû arrêter notre armée à la frontière polonaise pour laisser l’Europe résoudre ses problèmes internes. Et quand des vétérans de la guerre se sont sentis outragés de voir un restaurant-grill prendre le nom d’« Antisovietskaya », le journaliste Alexandre Podrabinek s’est déchaîné contre eux, les traitant de défenseurs des crimes staliniens. On a découvert soudainement que nous avions non seulement une approche différente de l’histoire de la Russie, mais également une attitude différente visà-vis des valeurs sur lesquelles elle s’était construite, du moins au XXe siècle. Cet antagonisme de valeurs risque d’ailleurs d’affecter toutes les couches de la société. Et notamment l’Église orthodoxe de Russie. Il serait étonnant que l’ensemble du clergé et des fidèles accepte l’idée que Vlassov n’était pas un traître, mais un personnage tragique, combattant pour la Russie démocratique, comme le disent notamment les auteurs proches des dirigeants de l’Eglise orthodoxe à l’étranger dans leur histoire de la Russie en deux volumes. Le général Vlassov se retrouve au centre de cette polémique simplement parce que si l’on admet que le pouvoir soviétique était un régime tyrannique caractérisé par la misanthropie et l’athéisme militant, alors tout est permis contre lui. Vlassov, et tous les citoyens de l’ex-URSS et des anciens pays socialistes qui ont combattu aux côtés des nazis, sont dans ces conditions des figures tragiques de la résistance contre ce régime. Autant parler de mission libératrice des nazis vis-àvis du régime stalinien criminel... (surtout que ce régime fut effectivement criminel). C’est une mission dont les
ITAR-TASS
EXPERT MAGAZINE
La majeure partie de nos concitoyens ont incontestablement combattu simplement pour la Patrie, sans trop se soucier d'idéologie.
victimes furent ceux qui portaient un nom comme Podrabinek, ou autre patronyme similaire. Les mouvements de « libération nationale » en Ukraine et dans les pays Baltes ont bien aidé les nazis en cela. A ce propos, Podrabinek écrit dans son article que les vétérans indignés par le nom du restaurant-grill ont dû être des « vertoukhaï » (gardiens) dans les camps staliniens. Sans faire précisément référence à ces vétérans-là, je voudrais noter qu’effectivement de nombreux vétérans, surtout des officiers de guerre blessés, n’ont pas été démobilisés à la fin de la guerre mais ont été transférés dans les troupes du ministère des Affaires intérieures, y compris dans les camps. Ceci ne signifie rien pour ces derniers, mais illustre la complexité et la tragédie de notre histoire, où les crimes et la Victoire sont liés, quand les mêmes personnes pouvaient être en même temps le héros et le méchant, souvent contre leur gré.
Mise en perspective On peut dire qu’il y a actuellement en Russie et dans le monde deux points de vue sur la Seconde Guerre mondiale, qui ne sont pas toujours énoncés, mais qui sont clairement sous-entendus. Le premier, qu’on peut considérer comme traditionnel, prétend qu’en dépit du caractère incontestablement tyrannique du régime stalinien, la guerre était néanmoins menée pour des valeurs humanistes et pour la liberté. Et l’Union soviétique a effectivement contribué à la victoire de ces valeurs et de ces idéaux, malgré le fait qu’elle-même n’en a pas offert un bon exemple dans la pratique. Le deuxième point de vue, qu’on pourrait appeler révisionniste, est le suivant : en réalité, la Seconde Guerre mondiale aurait caché deux guerres différentes, l’une sur le front ouest pour les idéaux de démocratie et de liberté, l’autre sur le front est pour le droit des tyrans à opprimer et asservir les peuples.
Un célèbre politologue russe a écrit qu’alors que les alliés combattaient en Europe occidentale pour des valeurs démocratiques, en URSS la majeure partie de nos concitoyens ne comprenaient pas bien ce qu’étaient le nazisme et la démocratie, et c’est pourquoi ils combattaient tout simplement pour la Patrie. Et encore, on a pris le temps réfléchir avant de commencer le combat, car on en avait tellement « ras le bol » du régime stalinien que beaucoup étaient prêts à se rendre tout simplement. Ceci explique notamment le fait qu’on ait perdu le début de la guerre, que des millions de nos soldats se soient retrouvés en captivité et que beaucoup d’entre eux, ainsi que des civils, se soient vite mis au service des Allemands. Que la majeure partie de nos concitoyens aient combattu simplement pour la Patrie, sans trop se soucier d’idéologie, est aussi incontestable que le fait que la dans coalition antinazie,
la population et les résistants ont pour la plupart combattu pour la même cause. Et il est tout aussi incontestable que le début de la guerre a été perdu par tous les adversaires de l’Allemagne et du Japon. Telle était en effet la nature de la Seconde Guerre mondiale, qui donnait un avantage certain à l’attaquant. Si l’on parle de ceux qui se sont rendus à l’ennemi et qui sont passés sous ses ordres, cela ne fut-il pas le cas de la majorité de la population de tous les pays européens ? Faut-il rappeler les traumatismes nationaux nés des souffrances, des blessures et des divisions causées par l’occupation allemande ?
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Nous poursuivrons ce débat dans le prochain numéro. Lisez la suite sur notre site www.fr.rbth.ru
Lu dans la presse
L’OTAN est-il le principal ennemi ? Nouveaux mots, vieilles menaces Alexeï Nikolskiï
La nouvelle version de la doctrine militaire, entérinée par le président Dmitri Medvedev, ne présente pas de différences fondamentales d’avec le texte de 2000, mais suscite le mécontentement de l’OTAN, désigné comme le principal ennemi.
Le président Medvedev a entériné une nouvelle version de la doctrine militaire, censée remplacer l’ancienne, qui date de 2000. Elle dresse une typologie des menaces modernes et des mesures générales que doit prendre la Russie pour les neutraliser. Sur la question clé des conditions dans lesquelles l’arme nucléaire peut être utilisée, la doctrine reprend l’ancienne position. La Russie s’octroie le droit au recours à l’arme nucléaire en cas d’agression nucléaire et non nucléaire, contre elle-même ou contre ses alliés, lorsque « l’existence même de l’État est menacée ». Parmi les menaces militaires extérieures, au premier rang « la volonté de l’OTAN de mondialiser ses fonctions, rapprocher des frontières russes l’infrastructure militaire des pays mem-
bres de l’OTAN, notamment par la voie de l’élargissement du bloc ». Sont également cités le développement d’un système stratégique anti-missiles et d’armes stratégiques conventionnelles, les conflits locaux, le terrorisme.
point de vue de l’ONU, direct ou indirect, par un Etat contre la souveraineté et l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre état ou peuple. L’agression n’est plus définie dans la doctrine.
Tu ne frapperas pas le premier
Doctrine anti-militaire Olga Bojieva
Aliïa Samigoullina Olga Bolotova
Dans le projet du document à la disposition de Gazeta.ru, la position permettant à la Russie de recourir à l’arme nucléaire non seulement en cas d’agression, mais également « en réponse à une menace de recours à l’arme nucléaire » a disparu. Désormais, la Russie ne s’autorise à avoir recours à l’arme nucléaire qu’en cas d’agression. Dans le même temps, la définition du terme « agression » a également disparu. Ce mot désignait tout recours à la force armée illégal du
En affirmant que nous pouvons avoir recours à l’arme nucléaire même lorsque des armes conventionnelles sont utilisées contre nous, nous reconnaissons ne pas posséder l’armement adéquat pour résister à une attaque non nucléaire. Nous ne serions capables de retenir l’agresseur qu’en le menaçant sans cesse. Beaucoup voient dans une telle interprétation l’agressivité d’une Russie « qui se relève ». Mais pour les spécialistes, il s’agit plutôt de la preuve de notre faiblesse, y compris dans la sphère de la
stratégie nucléaire. L’ingénieur nucléaire Petr Belov, expert du Comité de la défense à la Douma, insiste que « nous ne pourrons faire ainsi peur à nos agresseurs potentiels que jusqu’en 2015-2017. Notre système d’armes de destruction massive se dégrade, alors que croissent les possibilités de déploiement d’un système antimissile américain, et nous n’aurons pas les moyens de faire peur aux États-Unis, car leur potentiel sera deux à trois fois supérieur au nôtre ». En outre, alors que l’OTAN était désigné comme notre principal ennemi dans la doctrine, le président Medvedev donnait son accord définitif pour l’achat du porte-hélicoptères français Mistral. Ne serait-il pas plus juste de classer un tel « ennemi », avec lequel on prévoit de collaborer à la fabrication de matériel de guerre, dans la rubrique « priorités de la coopération politique, technique et militaire » ? Préparé par Veronika Dorman
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Culture Billet d'humeur Un symbole de foi
Cinéma Lounguine et Mikhalkov se risquent à filmer les tabous russes
Le cinéma attaque l’histoire
MIKHAIL SHVYDKOI
Le juge Mikhalkov A Moscou, dans un tribunal de quartier, douze jurés s’enferment pour décider du sort d’un adolescent tchétchène, accusé d’avoir assassiné son père adoptif, un officier de l’armée russe. Au début de la séance, tous s’accordent sur la culpabilité du gamin. Tous sauf un… VERONIKA DORMAN LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
LUNGINSTUDIO.RU
On a reproché à Nikita Mikhalkov d'avoir pris des libertés injustifiées avec le scénario de Douze hommes en colère, de Sidney Lumet. On l'a accusé d'avoir fait un mauvais « remake », qui enlève tout sans rien apporter à l'histoire originale. On lui en a voulu d'avoir dressé non un portrait mais une caricature de la société russe, à travers sa galerie de personnages aux contours trop grimaçants. Et pourtant. Mikhalkov n'a jamais prétendu proposer une nouvelle lecture d'une histoire ancienne, ni même remettre à la sauce russe une fable profondément américaine. Son intention était de s'appuyer sur une œuvre célèbre pour dresser un état des lieux de la société russe, en affirmant son crédo : la compassion (le cœur), est au-dessus de la loi (la raison), et sau-
tsars. Ainsi furent créés les deux tsars nommés Ivan mais représentant un même personnage à double facette. Le nouveau a contribué à noircir le tableau : l’Ivan le Terrible de Lounguine est un psychopathe « fole-en-Chist » squi se délecte de scènes d’exécutions massives et de torture. Les trahisons, les complots et les guerres, à l’arrièreplan, sont un prétexte à de nouveaux bains de sang. Lounguine fait d’Ivan le Terrible la source de tous les maux historiques de la Russie, se disant « convaincu » qu’il « a brisé la Renaissance russe. La spirale ascendante d’une société… s’est transformée en manège, et depuis nous tournons en rond...» La réaction à la nouvelle version tourne également en rond. Les partisans de la canonisation immédiate ont brandi des parchemins anciens selon lesquels Ivan Vassilievitch n’aurait jamais tué le métropolite Philippe Kolytchev, mais l’aurait au contraire vénéré. Et il n’aurait pas tué son fils non plus, quoi qu’en suggère le tableau d’Ilya Répine («Yvan le Terrible tue son fils » 1885).. Que son sadisme serait donc une légende... On peut ainsi tourner en rond à l’infini car il n'est pas question de laisser sa dépouille aux seuls historiens...
Le film « Tsar », de Pavel Lounguine, a ranimé en Russie un vieux débat sur la double identité d’Ivan le Terrible, tyran fou ou libérateur du joug tatare et orthodoxe pieux. Rien de surprenant à cela. La Russie continue à ce jour d'avoir une attitude ambivalente à l’égard de ses tyrans. D’APRÈS VLADIMIR TIKHOMIROV KOMMERSANT
Ivan s'est dédoublé au début du XIXe siècle. Les enfants de la noblesse, sous le choc de la guerre patriotique et de l’intervention de leur idole française Bonaparte, civilisateur progressiste devenu envahisseur abhorré, se sont alors tournés vers l’histoire russe et les valeurs nationales. On s'est mis à faire d'Ivan un orthodoxe pieux qui a mis à genoux toutes les hordes tatares et autres opritchniks, effaçant du même coup leurs actes sinistres... Ceux-ci sont ensuite réapparus dans le « Chant du tsar Ivan Vassilievitch, du jeune opritchnik et de l’audacieux marchand Kalachnikov » de Mikhaïl Lermontov, où l’auteur fait d’Yvan un opritchnik hypocrite. Le public progressiste y vit un hymne à la lutte contre la tyrannie des
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SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
vera la Russie. En réunissant à l'écran les meilleurs acteurs, Mikhalkov a offert au talent de chacun le temps et l'espace pour révéler les travers, les angoisses, les espoirs et les désespoirs, la médiocrité et la grandeur de l'homme en général, du Russe en particulier. Mais malgré le souffle tragique qui balaie ce magistral huis-clos, en dépit d'un jeu virtuose et d'un texte puissant, nonobstant quelques plans-séquences véritablement remarquables, le film s'abîme dans une fin qui n'en finit pas de finir. Écueil plus grave : certes, c'est la compassion, que chacun des jurés découvre au fond de lui à force de confidences enflammées et de jeux de rôles éprouvants, qui sauve l'adolescent innocent; mais c'est à l'armée russe que le petit Tchétchène doit sa survie, in fine. Une première fois, alors que ses parents ont été sauvagement assassinés, il est recueilli par un officier devenu l'ami de la famille. Une seconde fois, suite aux délibérations. En effet on découvre que le peintre discret (joué par Nikita Mikhalkov) n'est autre qu'un officier lui aussi, vétéran de la guerre de Tchétchénie. Il a tiré toutes les ficelles et recueillera le gamin disculpé. Morale : à l'armée russe le peuple tchétchène reconnaissant.
DESSIN DE DMITRI DIVINE
Le dernier film de Pavel Lounguine, Tsar, ne raconte pas tant le destin d’Ivan le Terrible, dont la figure a fasciné peintres, écrivains et cinéastes russes, de Repine à Eisenstein, que l’opposition entre pouvoirs laïc et ecclésiastique. Beaucoup ont été outrés par l’humble résignation des serfs face à la cruauté arbitraire d’Ivan le Terrible et des ses opritchniki. Les tenants de la poigne de fer, qui voient dans Staline un écho d’Ivan, ont critiqué l’interprétation de Piotr Mamonov : le tsar ressemble davantage à un fol-en-Christ qu’au dompteur implacable de Pskov, Novgorod, Kazan, et, au passage, de son propre peuple. Bref, en Russie, ce film a déjà provoqué d’âpres débats, moins esthétiques qu’historiques et politiques. Mais il semble que tous aient oublié, ou manqué de noter la base historique du film. En tant qu'ancien directeur de l’Agence fédérale de la culture et du cinéma, qui a financé en partie le projet de Lounguine, j’ai assisté à la conception de Tsar. J'ai noté que le réalisateur avait demandé et obtenu la bénédiction du Patriarche Alexis II. L’opposition entre Ivan et le métropolite Philippe n’est pas qu'un conflit entre deux personnages historiques hors du commun. Tsar est une tentative réussie d’aborder l’un des thèmes les plus sensibles de l’histoire russe. Le conflit entre l’Église et l’État marque presque toutes les étapes de l’histoire de la Russie. Les seigneurs laïcs ont prétendu non seulement au pouvoir sur la vie sociale et physique de leurs sujets, mais aussi sur les cœurs et les esprits. Le principe « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » n’a jamais été suivi par les souverains russes. Pierre le Grand s’est même intronisé à la tête de l’Église, en révoquant le Patriarche. Le système patriarcal n’a été restauré qu’au lendemain de la révolution de 1917... pour subir la répression des bolchéviques. L’Église orthodoxe russe n’est devenue libre que dans la Russie nouvelle d’après 1991, tout comme les citoyens de Russie. Ils ont entre autres obtenu la liberté de conscience, qui n’est pas déterminée par les nécessités d’État. La liberté de chercher la vérité et la foi. Le film de Pavel Lounguine montre à quel point ce chemin est tragique.Hier, aujourd’hui, toujours.
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TRITE.RU
Ivan rend « schizo »
Codes culturels Tout sur les rapports entre l'histoire et le style vestimentaire
« Russian Style » retrace les révolutions du costume russe
Dans l’histoire russe, les révolutions vestimentaires ont toujours coïncidé avec les plus grands changements politiques : de Pierre le Grand à la révolution de 1917 puis à la perestroïka de Gorbatchev. Rendus célèbres dans le monde par les collections « à la russe » d’Yves SaintLaurent et les Ballets, les éléments principaux de la mode russe contemporaine sont le résultat de réformes spectaculaires.
Paru en 2009 en français, « Russian Style » d’Evelina Khromtchenko est un abécédaire des codes et des symboles culturels.
Le premier révolutionnaire de la mode fut Pierre le Grand, qui habilla les Russes à la mode de l’Occident. Les hommes rasèrent leurs longues barbes, s’es-
sayèrent au pantalon, pendant que les femmes se débarrassaient des foulards qui leur couvraient les cheveux, et exposaient dumême coup leur décolleté. L’aristocratie russe des XVIIIe-XIXe siècles s’habillait exactement comme ses homologues français et prussiens, mais au tournant du XXe siècle, le style traditionnel de la Rus moscovite - tissus lourds, broderies élaborées d’or et de pierres précieuses, « kokochniki » (coiffure féminine en demi-lune) - est revenu en force pour conquérir l’Europe avec les Ballets russes de Serge Diaghilev. Présentés au Grand Opéra et à Covent Garden, « L'oiseau de feu » et « Petrouchka » de Stravinski, au côté du « Coq d'or » de Rimski-Korsakov, ont révélé la complexité de la mode d'avant Pierre. Dès leur grande entrée sur la scène européenne, les Ballets ont façonné la représentation de la mode russe qui était offerte au public européen, image indélébile d’une culture vestimentaire extravagante, bariolée et criarde. La révolution de 1917 a obligé la mode
à s’adapter aux nouvelles normes communistes qui condamnaient tout ce qui était « bourgeois » et tape-à-l’oeil. A ses premières heures, l’État soviétique introduisit l’égalité entre les sexes et les classes, ce qui eut des conséquences immédiates sur le vêtement, radicalement simplifié. Inventives, les femmes russes réussirent à se préserver du style « imposé », même dans les pires moments, quitte à copier les robes de Jackie Kennedy. Mais ce n’est qu’avec l’épouse de Gorbatchev, Raissa, que la mode russe réapparut dans l’arène mondiale. Raissa en vint à symboliser l’esprit libre de la perestroïka. A une époque de grands changements, son sens du style apporta une nouvelle vague d’optimisme. Et bien que l’industrie de la mode en Russie soit encore jeune, le succès d’Alena Akhmadullina, de Denis Simachev et d’Igor Chapurin sur les podiums internationaux prouve bien que la mode russe est de retour, dans toute sa magnificence et ce que les Américains appellent « glamour ».
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Littérature :
MARIA AFONINA
KSENIA GALOUCHKO SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
NIKOLAÏ KOROLEV
L’un de écrivains russes contemporains les plus marquants, Viktor Pelevin, a dit un jour que l’histoire russe était, d’une certaine manière, une histoire de la mode. Le décor et les costumes des protagonistes peuvent changer, mais l’essence des processus profonds demeure la même. On peut ne pas être d’accord, mais en ce qui concerne la mode russe, c’est indéniablement vrai.
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Prix pour les russophones Le 4ème « Prix de la Russophonie », une distinction réservée aux meilleures traductions de textes russes en français, a récompensé le 30 janvier dernier deux lauréates d'un coup. Sophie Benes a été couronnée pour sa traduction du Conte de la Lune non éteinte de Boris Pilniak tandis que la poétesse, artiste et traductrice Christina ZeitounianBelous a été honorée pour sa version française du poème Premier rendezvous d’Andreï Bely. La remise du prix a eu lieu au Kremlin-Bicêtre (dans la banlieue de Paris), à l’occasion du Festival Russenko des cultures russophones au début de l’Année de la Russie.
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Pour en savoir plus sur le festival RussenKo et le Conte de la Lune non éteinte, consulter le site www.fr.rbth.ru
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Culture
Cuisine Le borchtch universel
Théâtre Après 30 ans, les retrouvailles parisiennes d’un joyau de la scène
Le grand retour de l’Opéra de Perm
JENNIFER EREMEEVA
L’Opéra de Perm occupe une place particulière dans le monde du théâtre et de l’art lyrique russes. Il doit son ouverture (il y a presque 140 ans) en grande partie à la famille Diaghilev dont est issu Sergueï Diaghilev, le grand promoteur de l’art russe dans le monde. entier), qui avait largement participé au financement de la construction du bâtiment en pierre de l’Opéra.
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
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Magnifique borchtch ! Telle une carte téléphonique de la Russie : soupe violette, unique en couleur et en goût, infinie dans ses manifestations, œcuménique par son appartenance, elle est servie brûlante avec des pommes de terre par les orthodoxes d’Ukraine, et glacée avec de la crème fraîche, les jours de grosse chaleur, par les épiciers juifs de New York. Tant que vous avez l’ingrédient essentiel, la betterave, peu importe ce que vous y ajoutez, cela reste du borchtch. Mais ceci n’empêche pas les gens de débattre passionnément des détails de la recette. Une terrible guerre du borchtch fut déclenchée en 1994, à la veille de la visite en Russie de la reine Elizabeth, qui avait gracieusement précisé qu’elle voulait goûter à la cuisine russe. Branlebas de combat à Saint-Pétersbourg. Un éminent chef européen, dans le seul hôtel cinq étoiles de l’époque, trima sur une version « nouvelle-cuisine » de la fameuse soupe : de la betterave jeune et de petites carottes délicatement pochées dans un bouillon clair et léger, qui tournait au rose délicat quand on y ajoutait une cuillère de crème fraîche maison. Lors d’une séance de dégusta-
ELENA FEDORENKO
À l'affiche de l’Année Croisée 2010
« Une journée d’Ivan Denissovitch »
de laquelle des camps pour prisonniers politiques ont existé jusqu’en 1986. Mais dans l’esprit du metteur en scène Gueorgui Isaakian, la représentation lyrique dépasse le thème de l’emprisonnement pour inviter à une réflexion sur la solitude, la liberté et sa perte, des notions qui parlent à tout le monde. Le spectacle est déja nominé pour le plus grand prix de théâtre russe, le Masque d’or, dans sept catégories. L’école de ballet a été créée à Perm « grâce » à la Seconde Guerre mondiale et, plus précisément, pendant le repli à Perm du Théâtre Mariinsky. Cette période a été tellement fructueuse que de nos jours, Perm est considérée comme la troisième Mecque du ballet russe après Moscou et Saint-Pétersbourg. L’une des
initiatives les plus brillantes de son Opéra a été d’inclure à son programme les ballets de Balanchine. Selon Gueorgui Isaakian, « l’histoire intitulée « Ballet de Balanchine » a été ignorée en Russie ; Perm a donc décidé de combler cette lacune ». Le théâtre s’est adressé au Fonds Balanchine et a reçu les originaux des mains des anciens danseurs de «Mister B» (à prononcer à l’américaine, « bi »). Le « Ballet imperial », connu pour la complexité de ses rythmes et de sa technique, a été interprété par les danseurs de Perm avec une telle originalité que les chercheurs étudiant le patrimoine de Balanchine ont introduit une nouvelle notion, celle de « Balanchine dans la version de Perm ». Le néoclassicisme et la poésie de la chorégraphie ayant été totalement maîtrisés, le théâtre de Perm peut dorénavant piocher librement dans Balanchine pour alimenter son répertoire. C’est ainsi qu’à mille lieues des scènes de la capitale, une ville de province a conduit la Russie vers la « balanchisation totale ». « Sérénade », « Concerto barocco », « Thème avec variations », et « Somnambule » (le dernier et l’un des rares exemples de ballet à thème chez Balanchine) s’inscrivent sur un terrain déjà labouré. Les novices intégrant le corps de ballet dansent désormais Balanchine au même
titre que leur cher (Marius) Petipa. Les danseurs de Perm transmettent avec un lyrisme profond les poses nettes, la vitesse new-yorkaise et les arrêts palpitants, inspirés de « Mister B ». Créé il y a dix ans, le Festival international « Les saisons de Diaghilev : Perm– Saint-Pétersbourg–Paris » est actuellement le label de la ville. La portée multiculturelle et multi-genres du festival (premières théâtrales mondiales et russes, concerts, présentations de créations musicales, colloque scientifique, séminaires des critiques, expositions, Nuit des musées, forums cinématographiques, présentation de nouveaux livres, défilés de mode) tient à une hardiesse débridée, à un flair artistique sans faille et à une propension à s’attaquer à tout à la fois, toutes qualités qui étaient propres à Diaghilev. Et cela, sans oublier le Concours ouvert d’artistes de ballet de Russie, « Arabesque », qui a pour directeur artistique Vladimir Vassiliev. Ainsi que le projet « Chorégraphie contemporaine » sur la scène de Perm, grâce auquel, l’année prochaine, la ville recevra une nouvelle fois des chorégraphes du monde entier venus y présenter leurs spectacles. Située à des centaines de kilomètres de Moscou et de Saint-Pétersbourg, Perm pourrait aujourd’hui leur disputer le titre de « capitale culturelle ».
Sainte Russie – L’art en Russie des origines à Pierre le Grand 5 mars-23 mai, Musée du Louvre, Paris
Chefs-d’œuvre de la collection du Musée national Picasso 24 février-23 mai, Musée Pouchkine/ Prechistenka 12/2, Moscou
Festival « Drougoï Théâtre de France » 24 février-4 mars, Centre Meyerhold/ Novoslobodskaïa 23, Moscou
Pour la première fois de son histoire, le musée du Louvre organise une exposition consacrée à l’art russe, en association avec le musées du Kremlin, le musée historique d’Etat de Moscou, la Galerie Tretiakov, les musées de Vladimir, de Souzdal et de Novgorod, etc. Près de mille ans d’histoire de la Russie seront retracés : depuis sa christianisation à la fin du Xème siècle jusqu’à l’époque de Pierre le Grand, dans le premier quart du XVIIIème siècle.
Le Musée national Picasso présentera à Moscou puis à Saint-Pétersbourg 200 chefs d’œuvres (peintures, sculptures, dessins) du fondateur du cubisme. Cette exposition illustrera, de la mort de Casagemas en 1901 aux musiciens hiératiques de l’été 1972, le génie créateur d’une des personnalités les plus marquantes de son siècle.
Le projet « Drougoï Théâtre » est né de l’envie de présenter au public russe un théâtre de petites formes mais de grande créativité, mêlant avec beaucoup d’esprit différents arts scéniques et visuels. A l’affiche : le « Projet RW » par le Collectif Quatre Ailes, « Gaff Aff » par la compagnie Zimmermann & de Perrot et « A notre insu » par Turak Théâtre. Une présentation du Centre culturel français de Moscou et du Théâtre des Nations.
Le premier théâtre russe à mettre en scène les opéras suivants : — « Cléopatre » de Massenet ; — « Lolita » de Chtchedrine : — « Orphée » de Monteverdi ; — « Alcina » de Haendel ; — « Le Christ » de Rubinstein ; — « Vague des jours » de Denisov.
http:// www.louvre.fr
http:// www.pushkinmuseum.ru
Tous les détails et bien davantage sur notre site www.fr.rbth.ru
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Son histoire contemporaine est liée au metteur en scène Gueorgui Isaakian, directeur artistique du théâtre. Ce gestionnaire mais surtout visionnaire a su propulser l’établissement sur la scène internationale. Il a su, le premier, donner au théâtre de province plusieurs missions simultanéess : à la différence de la capitale où chaque institution occupe une niche particulière, l’Opéra de Perm, sans conservatoire dans un rayon de 400 km, est un créateur et producteur de spectacles dictés à la fois par la baguette d’un chef d’orchestre et le génie d’un metteur en scène. Son programme est l’un des plus riches dans le pays avec des spectacles, produits à un rtyhme effréné, appréciés du profane comme de l’initié : de six à huit premières dans la saison, plus de 50 opéras et ballets, soit au total un cocktail d’œuvres classiques, russes et européennes, mêlant traditions et accents contemporains. C’est à Perm qu’a été, pour la première fois, mis en scène l’opéra «Lolita» de Rodion Chtchedrine, d’après le roman de Nabokov. Le metteur en scène a retrouvé des partitions longtemps considérées comme perdues, comme cela avait été le cas de l’opéra « Tchertogon» de Nikolaï Sidelnikov, une adaptation de la nouvelle de Nikolaï Leskov. L’une des dernières « premières » à venir promet d’être un véritable événement, pour l’opéra russe et pour de nombreuses scènes mondiales. Gueorgui Isaakian a eu l’audace de mettre en scène « Une journée d’Ivan Denissovitch », adapté du roman d’Alexandre Soljenitsyne, sur une musique du compositeur contemporain Alexandre Tchaïkovsky. L’auteur était tout d’abord sceptique à l’idée de raconter la vie d’un prisonnier du goulag en des termes dévolus à l’art lyrique, mais il écrira plus tard que l’opéra est peut être le seul genre théâtral apte à traiter ce sujet délicat, particulièrement sensible à Perm, une ville dans la région
SERVICE DE PRESSE DE L’OPÉRA DE PERM
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Borchtch classique
tion par le haut personnel, les Russes se révoltèrent. Quelqu’un alla chercher sa babouchka à la datcha, avec sa célèbre recette : une potée épaisse, presque gélatineuse de viande, un léger film de gras ajoutant du lustre au bouillon violet, exhalant l’ail et l’aneth, avec des morceaux de chou flottant entre les patates et les carottes. Le chef menaça de poser sa démission par principe. La trêve fut difficilement obtenue : on dilua le bouillon de la babouchka et on ajouta les betteraves et carottes jeunes du chef. Ou bien ce fut l’inverse ? Peu importe, Sa Majesté envoya ses compliments à la cuisine. Il n’y a vraiment qu’un seul secret au bon borchtch « babouchka » : une tasse de « rassol », ou saumure de cornichons russes au sel, qui crée ce goût acidulé et pétulant, et stabilise la couleur violette de signature. Il faut savoir être imaginatif avec le « rassol » : le jus du chou mariné fera l’affaire, aussi bien que la saumure de cornichons français. Au pire, utilisez 1/3 de tasse de vin rouge ou de vinaigre de pomme.
http://www.meyerhold.ru Lisez la recette du borchtch sur le site www.figaro.fr/larussiedaujourdhui
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Julia Golikova golikova@rg.ru fax +7 (495) 988 9213