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Distribué avec

Secrets culinaires Les traditions méconnues de la cuisine russe : des spécialités de terroir riches d’histoire et de saveurs P.12

Le Cirque de Nikouline

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

KONSTANTIN STOUKALOV

L’une des troupes russes les plus réputées entame une grande tournée française P.10

Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mardi 27 avril 2010

Cité des sciences La Russie, en quête d’innovations pour diversifier son économie, veut sa « Silicon Valley »

Espace : la Guerre froide est finie, la course aussi

Technopole sur Moskva PAUL DUVERNET

La future technopole russe agite les cerveaux au ministère des Finances. Il s’agit d’assembler le plus beau bouquet de rabais fiscaux pour attirer les investisseurs. D’après les premières fuites du ministère, un florilège sans précédent est à l’étude : jusqu’à 10 années de dispense fiscale ! Sans oublier un accès privilégié aux appels d’offres de l’État. La Commission pour la modernisation de l’économie auprès du Kremlin voit grand. L’État accepterait de se passer de toute une décennie de revenus en taxes foncières et impôts sur les bénéfices, sans parler des abattements consentis sur les charges salariales. Car il s’agit d’attirer des scientifiques qui ont depuis 20 ans massivement choisi d’émi-

ALEXEI FILIPPOV_ITAR-TASS

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La technopole sera située à proximité immédiate de la grande école de commerce Skolkovo

grer en Occident, où leurs compétences sont rétribuées par des salaires bien supérieurs à ceux offerts par les instituts de recherche et les rares entreprises de haute technologie russes.

Attirer les cerveaux est l’un des principaux défis de la future technopole moscovite. « Des bons salaires ne suffisent pas », estime Olga Ouskova, présidente de NAIRIT, un syndicat d’entrepri-

ses du secteur de l’innovation. « Il faut également de bonnes conditions et la formation d’un creuset où hommes d’affaires et scientifiques peuvent se mêler de manière informelle pour échan-

ger des idées, autour d’un café par exemple ». Quoi de mieux qu’un campus ? C’est ce qu’a du se dire Dmitri Medvedev lorsqu’il a choisi de loger la technopole dans l’immédiat voisinage de la future grande école de commerce de Skolkovo. Une école supposée rivaliser avec les plus prestigieuses universités mondiales du genre. 370 hectares offerts aux « start-up » (apparemment les capitaux étrangers seraient également les bienvenus) dans une zone verte proche du quartier des super-riches russes, à l’ouest de la capitale. Sur ce point, Olga Ouskova est moins convaincue. « Il faut trois éléments pour une technopole réussie : le plus important est la proximité d’une université scientifique, ce qui n’est pas le cas de Skolkovo. Ensuite, il faut une infrastructure adéquate, des abattements fiscaux, une bureaucratie minimale et enfin, point fondamental, il est crucial que le coût des logements et des bureaux soit très abordable pour attirer les start-up ». LA SUITE EN PAGE 4

L’homme par qui la bonne vigne prend pied SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Si les mentalités et le marché du vin évoluent en Russie, les Français y sont pour quelque chose. Dans un climat pourtant froid, on produit aujourd’hui un cru de bonne qualité, et en quantité suffisante pour satisfaire environ un tiers de la demande intérieure. Les vins secs ont pra-

vignobles, et dans la production. C’est pendant cette période qu’est née l’habitude d’inviter des spécialistes étrangers. Et les meilleurs dans le domaine sont encore les Français. Franck Duseigneur, responsable de la vinification de la société russe « Château Le Grand Vostock », et Gaëlle Brulon, son épouse, ont été parmi les premiers à participer à ces nouveaux projets communs franco-russes dans la région de Krim à Kouban. Le couple, qui vit depuis déjà sept ans au cœur de cette localité, donne des consultations à ses confrères russes. « En 2003,

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REVUE DE PRESSE

Franck Duseigneur travaille dans la région de Kouban depuis 7 ans

j’ai rencontré en Provence où je travaillais dans une cave, un consultant de Bordeaux qui participait au projet Château Le GrandVostock », raconte Franck Duseigneur. « Il nous a proposé de venir à Kouban pour gérer l’exploitation, construire la cave

et restructurer les vignes. Les terroirs nous étaient inconnus, le projet nous semblait stable du point de vue financier et les ambitions en matière de qualité étaient avérées. » LA SUITE EN PAGE 7

Industrie automobile

La minorité russe ne s’est pas mêlée à la révolution

Internet : Facebook a de la concurrence en Russie – celle des sites locaux

Un oligarque parie sur la voiture « low cost » hybride

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RG

Réseaux sociaux

EPSILON

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Le programme nucléaire iranien divise, y compris à Moscou. Deux experts russes débattent de l’utilité de mettre en place de nouvelles sanctions.

Russes au Kirghizstan

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Début avril, la fusée « Soyuz » a emmené sur la Station spatiale internationale (ISS) trois nouveaux astronautes : deux Russes et une Américaine. Mais la coopération russo-américaine est en pleine reconfiguration, au moment où la NASA fait face au désengagement de l’État fédéral, alors que Moscou retrouve ses ambitions spatiales.

Sanctions : pour ou contre ?

VLADIMIR ANOSOV

ELENA LOUBINETS

tiquement supplanté les vins fortifiés sur le marché. Même les tonneaux sont produits en Russie grâce aux Français, dans la République d’Adyguée, à partir de chêne du Caucase. La province de Krasnodar (anciennement Kouban), l’un des sites du sud de la Russie qui accueilleront en 2014 les Jeux Olympiques de Sotchi, est considéré comme la principale région productrice de vin russe. Ce n’est pas un hasard. Le phénomène remonte à quelques années, lorsque des établissements vinicoles décidèrent d’investir à la fois dans la matière première, en achetant des

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

DÉBATS ET OPINIONS

Viticulture Un Bordelais ouvre la Russie aux techniques françaises

Un vigneron d’origine bordelaise a relevé le double défi de révolutionner les techniques viticoles russes et le goût des consommateurs locaux.

KEVIN O’FLYNN

WWW.NASA.GOV

Moscou peine à convertir ses pétrodollars en hautes technologies. Mais au moins le lieu du mariage forcé entre scientifiques et oligarques a-t-il déjà été trouvé.

Les États-Unis s’appuient sur la coopération avec la Russie pour l’exploration spatiale : l’heure n’est plus à la compétition, mais à la répartition des tâches.

La tragédie polonaise

Le président Lech Kaczynski est mort dans un accident d’avion en Russie en se rendant à la commémoration d’une autre tragédie. Quel avenir pour les relations russo-polonaises ? PAGE 9


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International

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

Kirghizstan La minorité russe regarde passer l’orage

Les 140 000 Russes ethniques (20% de la population de Bichkek et 9,1% de celle du pays) restent à l’écart de la vie politique mais n’en pensent pas moins.

rien fait pour le pays et après le bain de sang, il a montré son vrai visage », assène Vladislav Antonov, un entrepreneur individuel de 45 ans.Vladislav assure ne pas avoir peur pour lui ni pour les siens. « Les événements actuels n’ont aucune base ethnique. C’est la pauvreté et la corruption qui sont en cause. » Son quartier, éloigné du centre, n’a pas du tout été touché par les pillages. L’avenir ? « Je pense que l’opposition sera plus honnête. Ils ont bien vu qu’on pouvait perdre tout en deux jours quand on est trop gourmand », conclut-il. Une opinion loin d’être partagée par tous. Alla Komarova, une négociante en cosmétiques élevant seule ses deux enfants de 13 et 17 ans, se dit outragée au vu des ravages occasionnés par la révolution. « L’opposition a rassemblé des milliers de bons à rien provinciaux, nourris et payés pour semer la zizanie et réaliser leurs objectifs politiques », dit-elle à voix basse pour que les activistes de l’opposition inondant les rues du centre ne l’entendent pas. Alla ne se sent pas en sécurité. Elle habite à deux pas du siège du gou-

Paul Duvernet

Spécialement pour la russie d’aujourd’hui

Au lendemain des sanglantes émeutes (82 morts) qui ont secoué la capitale kirghize le 7 avril dernier, la minorité russe pointait timidement le nez dehors pour observer les stigmates de 48 heures de pillages : rues jonchées de débris et des éclats de verres des centaines de vitrines brisées. Mais les Russes ne se mêlaient pas à la foule des milliers de Kirghizes assemblés sur la place centrale, écoutant les harangues des leaders de l’opposition. Dans leur immense majorité, ils partagent les problèmes des Kirghizes, mais évitent s’occuper des questions politiques. Cela ne les empêche pas d’avoir, en privé, des opinions bien trempées. « C’est une bonne chose que [l’ex-président] Bakiev ait été chassé du pouvoir. Il n’a

vernement, où ont eu lieu les affrontements. « Je n’aurais jamais cru que les armes parleraient. J’étais en train de faire les courses quand j’ai entendu tirer tout près. Pendant deux nuits, nous avons entendu les pillards tout détruire au rez-de-chaussée de notre immeuble. » Cette frayeur n’a fait qu’augmenter son sentiment d’être à la merci de politiciens peu scrupuleux. « Bakiev n’était pas un ange, mais l’opposition est encore pire. Ils s’allient les uns contre les autres et manipulent les gens peu éduqués pour faire des coups de force. » Se sent-elle plus particulièrement vulnérable du fait d’être russe ? « Oui, parce que je ne parle pas le kirghize. Beaucoup ne m’aiment pas à cause de ça. Mais je ne l’ai pas appris à l’école. Ici, à Bichkek, la plupart des gens parlent le russe. » Chose curieuse, Alla n’est guère disposée à faire des efforts pour mieux s’intégrer, et elle avoue que ses enfants ne parlent pas kirghize non plus « car ils sont allés au collège français et n’ont pas envie de vivre ici plus tard. » Pour l’émigration, ce n’est pas gagné : « Aucun pays n’a envie

VYACHESLAV OSELEDKO_afp

La révolution vue de loin, vécue de près

Le Parlement kirghize, cœur battant de la révolution.

d’accueillir une femme désargentée avec deux enfants », se plaint Alla. Elle veut partir, affirme-telle, « parce que l’Etat ne m’a jamais aidée. Je reçois une pension alimentaire risible de mon exmari et n’ai perçu aucune aide pour obtenir un logement. Comment pourrais-je être patriote dans de telles conditions ? » Vladislav Antonov est, lui, fier de son passeport. « Ma patrie est ici, j’aime ce pays, sa culture », se félicite-t-il chaudement, même s’il ne parle pas davantage la langue kirghize. « Elle ne m’a pas été enseignée à l’école », se justifie Vladislav. Encore ce même paradoxe.

Il est vrai que le Kirghizstan est (avec le Kazakhstan) le seul pays d’Asie centrale à accorder au russe le rang de langue officielle. « Je n’ai jamais eu à remplir des formulaires en kirghize. Ils sont tous en russe », se réjouit-il. PourVladislav, ce qui compte, c’est que la tolérance soit préservée. « Il n’y a pas de nationalisme ici, contrairement aux pays voisins [Tadjikistan, Ouzbékistan, Turkménistan], où les autorités empoisonnent la vie des Russes. En plus, les Kirghizes sont solidaires et respectent leurs aînés, contrairement à ce qu’on voit en Russie. » Vladislav a tout de même tenté,

dans le passé, de retourner dans la patrie de ses ancêtres. « J’ai essayé de m’installer à Koursk en 2002, mais avec mes papiers kirghizes, je n’ai pas pu trouver de travail. À plusieurs reprises je me suis fait traiter de “ cul noir ”[l’expression raciste russe visant les nouveaux immigrés venus des anciennes républiques de l’URSS]. Tout ça à cause de mon passeport et de mes cheveux noirs. J’ai pourtant du sang russe et un nom typique », enrage-t-il. L’expérience lui a complètement fait passer l’envie d’émigrer. « Ma mère patrie, c’est le Kirghizstan ! »

Russes et Américains liés à jamais dans l’espace L’Amérique s’appuie de plus en plus sur le programme spatial fédéral russe. Les priorités de leur propre programme n’étant plus les mêmes, les États-Unis vont désormais recourir entièrement à la Russie pour propulser leurs astronautes dans l’espace. La NASA a depuis toujours disposé d’un plus gros budget que l’Agence spatiale russe et travaillé sur un plus grand nombre de programmes. Mais le Président Barack Obama a cassé le rêve d’un retour sur la Lune. Si la Russie et les États-Unis se considèrent aux avant-postes de l’exploration de l’espace, leur position dominante sera contestée dans les dix prochaines années par l’Inde et la Chine. Le gouvernement russe a considérablement augmenté son budget spatial qui, selon Euroconsult, représentait 2,8 milliards de dollars en 2009, en augmentation de 40% pour chacune des cinq dernières années. Pour l’instant, les États-Unis vont compter uniquement sur le programme russe, car la navette spatiale se retire au musée. La NASA a signé un contrat de 306 millions de dollars avec l’Agence spatiale fédérale russe (« Roskosmos ») pour que les as-

www.nasa.gov

suite de la PAGE 1

Américains et Russes font désormais face à la concurrence chinoise

tronautes américains puissent se rendre à la Station spatiale internationale jusqu’en 2012. Alors que certains ont du mal à s’habituer à cette passation de pouvoirs, d’autres soutiennent le nouvel esprit de coopération, très différent du début de la course à l’espace, à l’époque où les vols étaient stimulés par la Guerre froide. L’Amérique tout entière vécut comme un choc le lancement du premier spoutnik dans la série des satellite soviétiques en 1957, puis l’envoi du premier homme,

dans l’espace, Youri Gagarine, en 1961. Les conquêtes spatiales de l’URSS poussèrent les États-Unis à redoubler d’efforts et à multiplier les exploits, qui culminèrent en 1969 avec le débarquement sur la Lune où l’astronaute Neil Armstrong vit, dans le premier pas hésitant qu’il y fit, « un pas de géant pour l’humanité ». La Journée du Cosmonaute, le 12 avril, célebre le premier vol spatial de Gagarine. En 2009, Gagarine a été choisi pour incarner le « Héros du XXe siècle ». Le 50e anniversaire de son exploit sera

commémoré en 2011, proclamée année du Cosmonaute russe. En Russie aussi, l’abandon du programme de vol spatial habité américain vers la Lune a causé une grande déception. Car c’est ce programme, baptisé « Constellation », qui avait poussé le gouvernement russe à engager son projet de nouveau lanceur. À l’époque, il s’agissait d’offrir une réplique à Constellation, mais paradoxalement, le projet russe n’était pas jugé à la hauteur du programme américain, dont il est aujourd’hui appelé à prendre la relève en quelque sorte. La Russie doit elle aussi élaborer des stratégies précises en ce qui concerne son programme spatial, et non pas céder à l’ambition de multiplier les objectifs. « La Russie doit repenser ses priorités », estime Valery Kaboussov, l’ancien directeur adjoint d’« Energiya », la société russe des fusées et de l’espace. « Nous devons redéfinir nos objectifs. Je pense que nous devons réfléchir avant de nous lancer dans de nouveaux vols habités ». L’annulation du programme Constellation survient à un moment où la Russie et les ÉtatsUnis redoutent la Chine et l’Inde, qui ont investi des fonds considérables dans leurs propres programmes spatiaux. Les

Chinois ont effectué un troisième lancement de leur vaisseau spatial ShenzhouVII et leur première sortie extravéhiculaire en 2008, tandis que l’Inde planifie son premier vol habité pour 2014.

« Nous sommes un peu jaloux de la Chine », reconnaît Lissov. « Ils ont un programme très précis et peuvent aller très loin ».

Coopération spatiale franco-russe En juin 2010, La Russie et la France vont signer des contrats pour la livraison de 14 fusées russes « Soyouz ». A l’aide de ces fusées, la France envisage de mettre sur orbite des satellites depuis sa base de lancement de Kourou,

en Guyane. Le projet est déjà entré dans sa phase concrète de réalisation et l’équipement au sol a déjà été installé à 90%. Des travaux d’essai sont en cours, auxquels participent près de 130 spécialistes russes.

De quelques mythes vivaces C’est peut-être parce qu’on leur a si souvent menti que les Russes adorent les secrets et les complots. Et l’espace a toujours été un des domaines privilégiés pour tous ceux qui ont une imagination fertile. Lorsque la chienne Laïka a été envoyée sur orbite, les scientifiques savaient parfaitement qu’elle ne reviendrait pas vivante sur Terre. Mais ils se sont bien gardés de le dire aux Soviétiques. Ils n’ont jamais fait mention non plus des autres cosmonautes à quatre pattes qui ont péri dans la course

à l’espace avant elle. Le scientifique Alexander Serebrov a démystifié de nombreuses « vieilles lunes » relatives à l’exploration spatiale, en particulier celles qui ont trait aux premiers « alunissages ». Il adore expliquer pourquoi le drapeau américain planté sur le sol lunaire ondulait en l’absence de vent dans l’espace. Mais ce que Serebrov préfère, c’est s’amuser à convaincre du contraire les Russes qui affirment que les Américains... ne sont jamais allés sur la Lune !


Société

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

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Portrait Ancienne interprète auprès de l’ambassade de France, elle travaille aujourd’hui dans l’humanitaire

en bref

Les trois casquettes d’Irène Z

Le Bolchoï descend dans les salles obscures

Elle a participé à tous les événements majeurs de la dernière décennie concernant la France à Moscou. Aujourd’hui, Irène Zaïontchec, poursuit une autre et triple mission. Kirill Privalov

Irène Zaïontchec a été pendant 12 ans interprète de l’Ambassadeur de France en Russie. Elle y a aidé les présidents, les premiers ministres, les ministres et les ambassadeurs à mieux comprendre les « réalités russes ». Depuis, elle est restée vivre et travailler à Moscou en rejoignant les rangs des « Français russes » pour devenir l’un des membres les plus en vue de leur communauté. « J’ai actuellement trois casquettes », raconte Irène Zaïontchec. « Je suis Présidente du SAMU Social Moskva. Je participe à un journal pour les francophones de ce pays. Je suis consultante du Club France, qui regroupe des hommes d’affaires français en Russie ». Elle parle russe sans le moindre accent. C’est « ce que Dieu voulait » pour Irène Zaïontchec, comme disaient autrefois les nobles émigrés. Elle est en effet descendante d’une ancienne famille aristocratique russe dont la noblesse remonte au moins au milieu du XVe siècle. « Mes ancêtres Zaïontchec se sont mis au service de la Russie, à commencer par le général de division Joseph Zaïontchec », explique Irène. « La vie de celui-ci pourrait faire l’objet de plusieurs romans d’aventure… Imaginezvous un général de l’armée polonaise, mon aïeul, qui a combattu à la fin du XVIIIe siècle

anna artemieva

spécialement pour LA russie d’aujourd’hui

Irène Zaïontchec est Chevalier de l’Ordre de l’Amitié des peuples et Chevalier de la Légion d’honneur

sous le drapeau des insurgés de Tadeusz Kosciuszko. Ses troupes ont été vaincues par l’armée du tsar. Il a participé à la défense de Varsovie contre les Prussiens. Après la reddition de la capitale, il a fui en Galicie et a été fait prisonnier de guerre par les Autrichiens. Après avoir retrouvé la liberté, il est parti en France où il est entré au service de l’armée française en 1795…» Irène de poursuivre : « Notre famille a vécu à Saint-Pétersbourg, où mon grand-père était médecin militaire. Il a été envoyé dans le Caucase. Par la suite, tous mes proches ont quitté Batoumi pour

d’employée d’ambassade était une chose, c’est maintenant une tout autre histoire », précise Irène : « la première chose que rencontre un Français venu à Moscou sans papiers diplomatiques, c’est l’arbitraire administratif.‘Bureaucratie’ est certes un mot d’origine française, mais la bureaucratie russe, cupide et impudente, n’a probablement pas d’équivalent dans le monde. Si l’étranger ne sait pas donner de pots-de-vin bien ‘gras’, il ne tiendra pas longtemps en Russie… Au début, j’avais l’impression que chaque fonctionnaire de Moscou dont dépendait mon titre de séjour en Russie ne s’intéressait

Constantinople, sauf mon grandpère qui a été exécuté par les bolcheviks. Nous nous sommes installés dans le sud de la France où je suis née. » Ayant travaillé plusieurs années au ministère français des Affaires étrangères, Irène Zaïontchec n’a pourtant jamais fait partie du corps diplomatique. Née à Cannes, elle a fait ses études à l’université d’Aix-en-Provence et s’est finalement installée à Nice, travaillant pour le Quai d’Orsay et les Nations Unies. C’est pourquoi elle n’a eu aucun mal à rester à Moscou à la fin de son nouveau contrat. « Être en Russie avec des papiers

qu’à ce qu’il y avait dans ma poche ». Le leitmotiv d’Irène est le suivant : « Hâtez-vous de faire le bien ». Elle est heureuse, car elle a réussi à mettre en œuvre ses principes. Elle dirige aujourd’hui le SAMU Social, une organisation non gouvernementale à vocation philanthropique dont les effectifs sont modestes, à peine 20 employés et des bénévoles. Les ressources financières de l’ONG proviennent essentiellement de dons privés. Quelques « brigades », chacune constituée de trois personnes – un médecin, un psychologue et un chauffeur – font le tour des lieux les plus sordides de Moscou : gares ferroviaires et routières, centres commerciaux… Selon le SAMU Social, près de 8 000 enfants vivent dans les rues de la capitale. « Nous essayons d’aider tous les jeunes que nous pouvons, sans faire appel à la police et sans les amener aux centres d’accueil des orphelins. Non ! Souvenez-vous des paroles de l’écrivain Mikhaïl Boulgakov : on agit « non par la force, mais par la douceur »... Nous mettons en place une première aide pour ces jeunes gens perdus et nous essayons de les ramener, si ce n’est sur la bonne voie, au moins celle de la légalité. Car la majeure partie de nos protégés n’ont aucun papier, ce qui les prive complètement de tout droit. Nous leur obtenons des passeports, nous tentons de les réinsérer. Ceux qui ont des familles convenables, nous les renvoyons chez eux. Nous leur proposons une première aide médicale et essayons de nouer des relations de confiance. Si un jeune t’écoute et te croit, alors il peut encore être sauvé. »

Les amateurs de ballet russe pourront bientôt satisfaire leur passion dans... les salles de cinéma. Dans le cadre de l’Année Croisée France-Russie 2010, le théâtre du Bolchoï a décidé d’établir un pont vidéo en direct depuis Moscou. Les spectateurs pourront vivre sur grand écran plusieurs spectacles à partir du 26 septembre prochain. Un responsable du Bolchoï a précisé que 200 salles de cinéma françaises pourront ainsi diffuser en direct les images (et le son) du « Lac des cygnes », de « Casse-Noisette », « Coppelia », « Don Quichotte » et « Giselle ». Un test a déjà été effectué avec succès le 31 mars dernier avec la représentation des « Flammes de Paris » dans 150 salles de plusieurs villes de France et d’Europe.

Moins d’adoptions d’enfants russes ? L’agence américaine WACAP, spécialisée dans l’adoption d’enfants russes, a vu sa licence suspendue après un incident survenu début avril. Les parents adoptifs d’un garçon russe de sept ans l’ont placé dans un avion, direction Moscou, avec une lettre dénonçant des troubles psychiques qui les obligeaient à se séparer de l’enfant. L’affaire a fait grand bruit en Russie, où l’opinion demande un durcissement des règles d’adoption par des parents étrangers. 1 600 enfants russes ont été adoptés l’an dernier par des parents américains.

Expatriation Hier c’était Katmandou, aujourd’hui c’est Goa. Le rêve d’une vie paisible captive de plus en plus de Russes surmenés

Les Moscovites fuient en masse la frénésie de leur ville pour se réfugier à Goa en quête d’une vie plus agréable. Mais l’invasion russe crée des remous sur les plages de l’Océan Indien. Anna Nemtsova

SpÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Il y a cinq ans, la vie de Ioulia Solovieva n’était en rien différente de celle de n’importe quelle jeune femme active, venue de province pour se lancer dans une carrière à Moscou. « J’avais l’impression de vivre dans une cage », raconte la jeune femme, détendue, dans sa maison à Goa, assise en lotus. « Nous fumions cigarette sur cigarette, constamment stressés. Je n’imaginais pas élever des enfants dans cet environnement moscovite agressif ». À l’instar de milliers d’autres Russes insatisfaits, elle a pris la route de la province indienne de Goa comme avant elle la génération des hippies. Partie pour un voyage en Inde, elle n’est ja-

mais rentrée à la maison. L’exode russe vers ce pays prend la dimension d’une tendance. Le nouveau mode de vie séduit, avec ses promesses d’existence paisible, quand les journées de travail courtes, les massages et le yoga remplacent les tracas de la vie urbaine. Des vols charter quotidiens à bas prix transportent des milliers de Russes vers Goa, cette ancienne colonie portugaise réputée pour ses plages et son ambiance décontractée. Le mari de Solovieva, Timofeï, préfère décrire la vague russe qui déferle sur Goa comme un mouvement d’« élévation spirituelle » plutôt qu’une fronde d’« objecteurs de croissance », selon la formule consacrée en Occident. Les deux enfants du couple sont nés à Goa, un fils Om, et une fille Uma, comme la femme du dieu Shiva. Il y a déjà deux Uma dans une communauté russe en expansion - et en plein « baby boom » ces dernières années. Comme beaucoup de leurs compatriotes, les Soloviev ont monté leur propre affaire. « Quand nous

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avons créé un centre de retraite de yoga russe il y a cinq ans, le concept était inédit à Goa. Nombre de nos amis, et d’amis de nos amis, nous ont suivis ici ». Des dépliants en russe agrafés au tronc des palmiers proposent séances de yoga ou de massage, musique indienne traditionnelle et cours de danse pour les visiteurs. Alla Duhl a découvert qu’elle pouvait vivre en Inde avec 500 dollars par mois, même en louant un atelier d’artiste et une chambre dans une maison avec un jardin tropical. « Peut-être qu’une Française trouverait cet endroit peu confortable, mais nous avons l’habitude des bus bondés et des rues sales, et nous nous sentons comme chez nous à Goa », explique Alla. L’an dernier, 80 000 Russes se sont envolés pour Goa. Cet afflux inquiète les Indiens. Un nombre croissant de touristes restent au-delà des limites du visa. Au début du mois de février, les autorités indiennes ont limité les visas à un mois, au lieu

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Aller simple pour l’Inde

Les Russes se plaisent tellement à Goa qu’on a pu observer un « baby boom » dans leur communauté !

de trois ou six comme avant. Selon l’ambassade de l’Inde à Moscou, 1 400 Russes ne sont pas rentrés chez eux l’an dernier. « Certains ont même brûlé leur passeport russe pour rompre tout lien avec la mère patrie ». Sanjeet Jha, président de l’Association des Indiens en Russie

note que l’Inde a raccourci la durée des visas pour les Européens également. Il ajoute que certains individus liés aux attentats terroristes de Mumbai avaient utilisé des visas touristiques pour séjourner longuement dans le pays. « Les règles ont changé pour tout le monde,

pas seulement les Russes », ditil. En rentrant dans le froid russe, les adeptes de l’Inde rapatriés cherchent à préserver leur shanti. Les clubs de yoga se multiplient dans les grandes villes de Russie. Si l’expatriation n’a pas marché, reste qu’on peut faire de l’Inde son métier !


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Économie

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

Cité des sciences La Russie veut construire sa « Silicon Valley »

Entretien Le patron de Microsoft Russie, Nikolaï Prianichnikov, voit grand

En bref

« Nous considérons la Russie comme un marché stratégique »

Partenariats Public - Privé : c’est parti !

Vladislav Kouzmichev

Technopole sur Moskva suite dE la PAGE 1

Son scepticisme est compréhensible. La Russie n’en est pas à sa première tentative de création de technopoles. Toutes les précédentes ont échoué. Toutes se sont transformées en espaces de bureaux standard, car la demande existe en la matière, ce qui n’est pas le cas des produits de l’innovation russe. Olga Ouskova souligne que les critères devront être très judicieusement définis pour la sélection des projets admis à Skolkovo. Sinon, « le creuset de l’innovation pourrait se transformer aussitôt en paradis fiscal à domicile. » Les bureaux ont été envahis par les entrepreneurs copinant avec les officiels, tandis que les innovateurs sont restés à la porte… La sélection des start-up invitées à Skolkovo sera opérée par la Commission pour l’innovation, directement placée sur l’autorité de Dmitri Medvedev. Ce dernier a nommé fin mars l’oligarque Viktor Vekselberg (Renova

Group) comme directeur du projet. C’est lui qui s’attachera à attirer et présélectionner les projets. Ce choix n’est pas un hasard. Vekselberg est précisément le premier oligarque à convertir ses pétrodollars (il est actionnaire du pétrolier TNK-BP) en nouvelles technologies, appliquées à ses projets dans les nanotechnologies en coopération avec Oerlikon. L’homme d’affaires supervisera également le financement de la technopole, tandis que le prix Nobel de physique Jaurès Alfiorov dirigera le panel scientifique. Dans l’industrie informatique, l’initiative du Kremlin fait naître des espérances. Pour Vladislav Martynov, président de la division ex-URSS chez SAP (n°1 de la conception de logiciels en Europe), Skolkovo a de bonnes chances d’être l’incubateur de l’innovation. « Il faut dire qu’on part de très bas », précise Martynov. « En Russie, l’investissement dans les technologies de l’information ne représente que 1% du PIB contre 3% en Chine

et au Brésil. Aux Etats-Unis, ce taux est de 6% ! Je pense que grâce à Skolkovo, il remontera cette année en Russie. » Bien que les Russes aient depuis longtemps envoyé des délégations en Californie pour étudier la Silicon Valley, modèle de toutes les technopoles, on voit aujourd’hui plus de différences que de ressemblances. Le Président Dmitri Medvedev aurait pu choisir pour son implantation une région au climat stimulant, comme la station balnéaire de Sotchi sur les bords de la mer Noire, ainsi que le suggéraient certains experts. Mais non, ce parc technologique sera situé à proximité de la capitale. Les oligarques russes, vivement encouragés à s’intéresser au projet Skolkovo, n’ont pas nécessairement besoin d’aller aussi loin que la Californie pour voir à quoi ressemble une technopole. Leurs lieux de villégiatures se situent en effet à un petit parcours de golf de Sophia Antipolis, la réponse française à la Silicon Valley…

Quels sont les axes d’activité prioritaires pour Microsoft en Russie ? La création de centres de formation continue pour la population. En trois ans, nous comptons former un million de personnes. Le deuxième axe est le soutien aux entreprises innovantes. Microsoft leur offre gratuitement des logiciels. Ce programme couvre déjà 1 000 sociétés russes. Le troisième axe est le centre technologique que nous avons ouvert à Moscou. Est-ce que Microsoft va participer à la « Silicon Valley » russe ? Pour le moment, nous n’avons pas reçu de propositions concrètes. Ce projet n’est pas aussi facile à réaliser qu’on peut le penser. Le secteur de la création informatique actuel est très complexe et les sociétés choisissent le lieu de conception des produits prioritairement en fonction de la présence de ressources professionnelles qualifiées, de méthodes et de processus métier dans le domaine. Le gouvernement devrait-il prendre des mesures particulières ? Le fait que Dmitri Medvedev ait lancé la modernisation de l’économie russe est très positif. Mais il reste à analyser l’évolution des dépenses d’informatisation prévues par le budget fédéral. Que pensez-vous du marché de l’informatique (IT) et de la lutte contre le piratage ? Le niveau du piratage a baissé et le marché IT s’élargit, même s’il reste loin derrière les marchés développés. Il est important que des sociétés IT naissent et prospèrent en Russie et que toutes les entreprises investissent davantage dans ce secteur. Si l’on analyse la structure du marché IT russe, on s’aperçoit que l’équi-

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la RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le marché russe : en progrès mais peut mieux faire.

pement représente 80% tandis que les services et les logiciels ne pèsent que 20%. Dans les pays développés, ces trois segments sont équivalents. Est-il exact que les informaticiens russes sont très doués ? Les Russes sont doués, mais peu nombreux sont ceux qui savent comment faire des affaires et tirer profit de leurs dons. D’une façon générale, les informaticiens sont des techniciens qui savent écrire un code, créer un logiciel, mais ne savent pas créer une entreprise. Le second problème se situe dans le refus de recourir à l’externalisation. Souvent, les spécialistes IT russes pensent qu’ils sont les plus malins et qu’ils réussiront à tout faire tout seuls. Et au final, la qualité et le nombre de produits sont inférieurs à ceux de leurs collègues qui externalisent. Avez-vous noté une amélioration du climat d’affaires depuis votre arrivée sur le marché russe ? On constate une amélioration générale du climat d’affaires, ainsi que des signes de bonne volonté de la part du gouvernement. Mais il reste beaucoup à faire pour améliorer la transparence et les lourdeurs bureaucratiques.

Finance Le secteur du capital-investissement reste largement sous-développé en Russie par rapport à l’Europe

Ces terres fertiles en placements mais laissées en friche La crise a placé un point d’orgue sur l’activité de capitalinvsetissement. Phénomène paradoxal, alors que c’est en Russie que ce secteur offre les meilleures performances. Ben Aris

Business new europe

Richard Sobel, chef de Alfa Capital Partners, travaille et investit en Russie depuis 1991. Au bout d’une vingtaine d’années, il fait toujours référence au secteur du capital-investissement comme à un marché « jeune ». Le secteur russe du « private equity » a décollé pendant les

années du boum économique. Avant la crise, la Russie pouvait se vanter de 40 milliards de dollars de fonds de capital-investissement, selon Michael Calvey de Barings Vostok Capital Management. Sur cette somme, près de 5 milliards de dollars étaient constitués par des fonds institutionnels. Le reste, c’était l’argent des oligarques, investi dans un secteur différent de celui où ils avaient fait fortune. En 2007, les oligarques sont devenus plus sophistiqués et se sont mis à embaucher leurs propres gestionnaires de fonds. Cependant, la crise a touché les

plus riches et l’argent des oligarques s’est évaporé. Le fonds de Sobel possède 611 millions de dollars d’actifs sous gestion. La plupart des actifs sous gestion restants appartient désormais aux institutions financières comme la SFI, ou la BERD. « Le marché du capital investissement russe est certes jeune, mais à chaque cycle il se renforce », explique Sobel. « Le ralentissement actuel était prévisible ... et l’extrémité des cycles de la Russie exacerbe ces flux ». Pour la plupart des sociétés et des fonds, 2009 a été une année de survie. « Même si votre entreprise restait rentable, la ges-

tion des remboursements des dettes devenait très ardue », ajoute Sobel. « Toutefois, la plupart des banques étaient prêtes à négocier une restructuration. Il y a eu relativement peu de ventes forcées ». Certains gestionnaires de fonds ont pensé qu’ils étaient capables de dénicher de bonnes affaires en pleine crise financière. Les valorisations ont bien résisté au départ, car les propriétaires étaient réticents à vendre. Mais lorsque l’argent liquide a commencé à se raréfier, certains propriétaires ont changé leur fusil d’épaule. « En 2009 nous avons vu les valorisations des fonds descendre lentement au début, puis commencer à chuter très vite », explique Sobel. Aujourd’hui, le pire de la crise économique est passé, et les investisseurs reviennent. KPMG prévoit, selon un rapport récent,

que le volume des fusions et acquisitions va atteindre 70 milliards de dollars. Toutefois, le même rapport précise qu’il faudra cinq ans avant que le record de 2007 ne soit atteint de nouveau. Cette année-là, les fonds investis s’étaient élevés à 125 milliards de dollars. « Faire une liste des risques, auxquels vous serez confronté en Russie, c’est facile », poursuit Sobel. « Ils y sont tous - tous les risques, auxquels vous pouvez penser. Donc, vous ne pouvez pas avoir de mauvaises surprises. » De quoi dissuader n’importe qui d’investir. Mais Sobel souligne que les risques sont grassement récompensés. L’investissement dans le capital-risque russe a rapporté 7,2%, 24,1% et 15,6% au cours des trois, cinq et dix dernières années respectivement, ce qui en fait le marché le plus performant du monde.

Vladimir Poutine a signé le 30 mars un décret permettant de fournir des garanties d’ État sur les obligations émises par les sociétés privées engagées dans la levée de fonds pour des grands projets infrastructurels. La décision concerne directement deux groupes français qui ont déjà des contrats en poche. Il s’agit de Vinci, qui construit avec un partenaire russe une section de l’autoroute Moscou - Saint-Pétersbourg (un projet à 1,6 milliards d’euros financé pour un bon tiers par l’ État russe). L’autre groupe est Bouygues, qui participe à la construction d’une rocade avec un consortium de sociétés européennes (Hochtief, Strabag et Egis). Un projet estimé à 5,4 milliards d’euros qui doit être achevé en 2015.

La voie est libre pour Sanofi

Cianfaglione & Gravereaux Architectes

Vladimir Poutine a donné son feu vert le 13 avril pour l’acquisition par le groupe français Sanofi-Aventis de 74% du laboratoire d’insuline BiotonVostok, situé à Oriol dans l’ouest de la Russie. Le premier ministre russe s’est félicité du fait quel le troisième groupe pharmaceutique mondial participe à la modernisation de l’industrie russe. Le patron de l’agence antimonopole Igor Artemiev, qui a supervisé la transaction, a assuré que les Français investiront plusieurs centaines de millions d’euros dans le laboratoire afin de produire des seringues pour injection d’insuline. Le montant de l’acquisition n’a pas été dévoilé.

Affaires À SUIVRE pour en savoir plus, notre site

www.fr.rbth.ru

HeliRussia 2010, salon des industries de l'Hélicoptère Du 20 au 22 mai 2010 Crocus Expo, Moscou

Conférence franco-russe sur la collaboration dans la construction et l'exploitation d'hélicoptères, avec des ateliers sur les normes d'aviation américaines et européennes, ainsi que sur les innovations. Ce salon accueillera un pavillon français. ›› http://www.helirussia.ru

fr.rbth.ru/expert


Internet

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

05

Internet Ces réseaux sociaux russes qui tiennent tête aux géants

Google, Facebook, Twitter font craquer les internautes dans le monde entier. Sauf en Russie où « RuNet » possède ses propres codes. Les géants y ont raté leur entrée. Denis Terekhov

spÉcialement pour LA russie d’aujourd’hui

« Mais c’est impossible ! Comment se fait-il que Facebook ait si peu de succès en Russie ? »Voilà ce qu’on a pu entendre au forum Communication on Top de Davos, qui s’est déroulé dans la foulée du Forum économique mondial. L’une des discussions les plus passionnées portait en effet sur les communications Internet et notamment sur l’expérience russe. Nombre d’experts étrangers de la publicité et du marketing ont découvert que les sites Internet les plus populaires dans les pays occidentaux occupaient des positions fort modestes dans un pays où « l’autre voie » de la Russie, invoquée comme un mantra par les conservateurs slavophiles russes, s’est pour une fois concrétisée. Le domaine de l’Internet est évidemment considéré comme un produit occidental.

Dans la seconde moitié de février, le Département d’État américain a envoyé à Moscou les directeurs de grands groupes de la « nouvelle économie » comme Ebay et Twitter. Officiellement, cette visite avait pour but de chercher à utiliser les sites Internet pour améliorer les relations entre la Russie et les États-Unis. Les experts furent unanimes à remarquer que la vraie raison de cette visite n’avait rien à voir avec la politique, estimant qu’en réalité, il s’agissait d’une tentative de pénétration de l’Internet russe pour s’y imposer à terme. Mais on ne saute pas dans un train en marche. Actuellement, le paysage Internet russe est le suivant. L’attention des internautes se partage essentiellement entre deux réseaux sociaux, Vkontakte et Odnoklassn i k i , l e s qu e l s c o m p t e n t respectivement 60 millions et 45 millions d’utilisateurs. L’audience de ces sites est très fortement concentrée dans la tranche d’âge des 20 à 35 ans. Les plus jeunes internautes préfèrent le siteVkontakte et les plus âgés, Odnoklassniki. Pour information, les modèles occidentaux sur lesquels ces projets

ont été calqués sont des milliers de fois moins fréquentés. Le site russe de Facebook (dont Vkontakte a copié jusqu’à l’interface) compte 600 000 utilisateurs.Y at-il un nombre d’utilisateurs russes statistiquement significatif dans le réseau Classmates.com (dont Odnoklassniki est l’équivalent russe) ? La question reste ouverte. En ce qui concerne les journaux intimes en ligne ou les blogs, tout est également différent en Russie. Le site Twitter, plébiscité dans le monde entier, n’a pu y rassembler pour le moment qu’entre 80 000 et 100 000 usagers. Avec 2 millions de blogs russes dont un million de blogs actifs, LiveJournal. com est désormais le principal hébergeur de blogs en Russie. Cette popularité est la cause et non la conséquence du fait qu’il a été racheté par la société russe SUP. Le Président Dmitri Medvedev a d’ailleurs suivi la tendance en ouvrant son blog sur LiveJournal. Et si l’on ajoute à cela les milliers de blogs d’adolescents sur LiveInternet et les groupes rassemblant des milliers de personnes sur Blogs.Mail.ru, il apparaît clairement que le secteur russe des blogs connaît une effervescence aussi

LiveJournal - Twitter

Mamba - Match

LiveJournal est le plus populaire des outils de réseaux sociaux et de microbloggage à tous les niveaux de l’administration. Depuis que le Président Dmitri Medvedev a créé le sien sur LiveJournal, la mode est aux blogs chez les gouverneurs, maires et ministres.

Depuis quelque temps, le site de rencontre international Match. com a bloqué l’accès des Russes à la création de comptes. Son administration motive cette décision par le fait que les utilisateurs de ce pays font beaucoup trop d’annonces à caractère publicitaire. Mamba, un site de rencontre russe populaire, a décidé que si l’on ne pouvait pas endiguer l’invasion de la publicité, il fallait donc la gérer. Mamba s’est donc lancé dans la création de projets publicitaires spéciaux. D’autres réseaux populaires russes ont choisi la même stratégie, comme le site Odnoklassniki.

Nombre de pesonnages politiques russes ont une expérience du blog supérieure à celle du président. Les journaux en ligne des gouverneurs de Permski kraï et de la région de Kirov connaissent une popularité égale à celle du chef du Kremlin.

Professionali - Linkedin Le réseau Linkedin, populaire parmi les hommes d’affaires occidentaux, a une version russe qui s’appelle Professionali.ru. Malgré sa jeunesse et son nombre d’utilisateurs modeste (450 000), il est

allé, du point de vue des affaires, beaucoup plus loin que son modèle. Le site Professionali.ru est devenu un instrument de recherche de nouveaux partenaires, de discussions sur des projets, etc.

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Le pays où Facebook et Google mordent la poussière

L’Internet russe connaît une efferverscence largement indépendante des grands sites mondiaux

exceptionnelle qu’indépendante. Même l’omniprésent Google n’a pu s’imposer en Russie. La première position est occupée de très loin par le moteur de recherche national Yandex. En effet, 80% des pages de démarrage en Russie sont réparties entre les moteurs de rechercheYandex et Rambler, ou encore le site de messagerie Mail.ru. Y a-t-il une voie spécifiquement russe pour l’Internet ? Difficile à dire. Cette situation est en partie due au fait que les géants de l’Internet ont longtemps négligé la Russie, rangée parmi les pays du tiers-monde. Ils s’imaginaient que si leurs sites étaient populaires chez eux, ils le seraient d’office sur le territoire de l’ex-bloc soviétique. Personne n’a pensé à positionner ses sites. Personne n’a pensé au contexte local. D’ailleurs, Twitter « ne parle toujours pas russe ». Et MySpace a fini par fermer son bureau de Moscou. À la fin de l’année passée, j’ai donné une consultation d’expert pour une importante agence internationale de consulting stratégique. L’un de ses clients (l’un des grands réseaux sociaux) voulait comprendre comment « prendre le dessus sur le réseau Vkontakte » et devenir leader de l’Internet russe. Le seul conseil pratique que j’ai pu donner était d’acheter le siteVkontakte. Car il

n’existe actuellement aucun moyen de rassembler un auditoire aussi fourni ex-nihilo. Tout nouveau réseau social créé en Russie ou dans n’importe quel autre pays doit considérer que les utilisateurs ont déjà plusieurs de comptes sur comptes sur différents réseaux. vkontakte.ru Qu’est-ce qui leur ferait créer un compte de plus ? Pourquoi retenir un nouveau duo « nom d’utilisateur/mot de passe » ? Surtout si ce nouveau réseau vous parle dans une langue étrangère. comptes sur Selon des données difféfacebook.com rentes, il y a entre 35 et 40 millions d’internautes en Russie, soit plus de 30% des plus de 16 ans. Presque 100% de ces personnes ont des pages dans des jeune homme vêtu d’un pantalon réseaux sociaux ou des blogs. C’est de sport blanc et de baskets pour justement pour cet auditoire que un mariage, puis d’un mystérieux se battent les plus grandes mar- monstre marin à tête de poulpe ques mondiales dont les budgets et, enfin, d’un dessin d’ours branpublicitaires et de marketing évo- dissant les pattes. « Vous savez qui luent d’une année sur l’autre en c’est ? », ai-je demandé. La salle faveur de l’Internet et des médias a éclaté de rire. « Ce sont des persociaux. En Russie, le succès ap- sonnages parmi les plus populaipartiendra à ceux qui compren- res de l’Internet russe : voici dront les premiers que l’Internet Tchoumazik, Témoin de Friazino, local ne ressemble pas à l’Inter- Ktulkhu et Medved. Ils ont des net mondial. Ceci vaut aussi bien millions de fans. Comment penpour le support de communica- sez-vous conquérir l’Internet russe tion que pour le contenu. si vous ne les connaissez pas ? ». Au forum Communication on Top de Davos, j’ai présenté des dia- Denis Terekhov est directeur et positives d’un homme ivre au vi- partenaire de l’agence « Reseaux sage couvert de boue, puis d’un Sociaux »

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600 000

E-Commerce Les conditions très difficiles du commerce sur l’Internet russe ne laissent la place qu’aux projets les plus ambitieux

Une « start-up » Internet promet d’éliminer le piratage

Deux entrepreneurs concoctent une vaste bibliothèque payante destinée à séduire un marché de 65 millions d’usagers dans l’ex-URSS. Ne reste plus qu’à trouver les fonds ! Ben Aris

En Occident, il est difficile de faire rapidement d’un site internet une réussite commerciale. En Russie, c’est encore plus complexe. Le Britannique Simon Dunlop et son associé russe Alexei Ostroukhov ont pourtant la foi. Leur idée est de lancer une plateforme de téléchargement de musique, de livres et de films, en répondant à la demande potentielle de 65 millions de clients en ligne à travers toute l'exUnion Soviétique. Selon Dunlop, il n'y a que cinq personnes dans tout le pays qui ont investi dans les TMT (technologies, médias et télécommunications).

photoxpress

Business New Europe

Les fournisseurs de contenu payant évitent encore le marché russe

Vu que seul un Russe sur quatre possède un compte bancaire, et que les possesseurs d’une carte de crédit sont encore moins nombreux, comment faire payer un

tel service ? D’autant que le piratage est loin d’avoir disparu... du coup, aucune grande maison de disque ne veut investir le moindre kopek.

Pourquoi jouer aux Don Quichotte ? Parce que l’Internet russe présente d’immenses perspectives et connaît une croissance exponentielle. Le site littéraire bookmate.ru a déjà été lancé et sa plateforme de téléchargement des films sera opérationnelle l'an prochain. Et le site musical phare zvooq.ru suivra dans quelques mois, ce qui sera un moment crucial pour l'entreprise. Dunlop et Ostroukhov n’ont pas l’air d’être les mieux armés pour l’aventure. Ostroukhov n’a pas vraiment fait d'études : il est tombé amoureux de l'informatique au début des années 1990, peu après la chute du Rideau de fer, et est aussitôt devenu « hacker ». Dans les années 1990, une compagnie britannique le démasque et le persuade de se joindre à son équipe de lutte contre les pirates pour les grandes sociétés. Il n'avait que 17 ans à l'époque, et actuellement,

il est l'un des informaticiens les plus expérimentés du pays. Dunlop a une histoire tout aussi originale. En 1992, il fut envoyé à Moscou par la société britannique Lonrho avec le tout premier conteneur de cigarettes Marlboro légalement importé, et avait pour mission d'établir en Russie une société de distribution. Il lui a fallu une semaine pour vendre toute la marchandise et obtenir des commandes nécessitant 60 autres conteneurs. Au cours des années qui suivirent, il aida la compagnie Philip Morris à développer le commerce de distribution de cigarettes, qui représente plusieurs milliards de dollars. Le concept du site zvooq.ru, c'est de déplacer tout le contenu textuel, musical et vidéo du disque dur de l'ordinateur sur le serveur, en se débarrassant de tout intermédiaire technologique. Chacune des trois plateformes

de téléchargement possède des dizaines de milliers de titres qu'on peut choisir d'écouter, de regarder ou de lire. « Ce n'est pas un magasin de musique en ligne dans le sens traditionnel du terme. Il s'agit plutôt d'une bibliothèque où vous payez l'entrée, et une fois que vous êtes à l'intérieur, vous pouvez y rester aussi longtemps que vous le souhaitez et prendre tout ce que vous voulez », résume Dunlop. Celui-ci espère désormais séduire les grandes maisons de disque internationales, qui n’ont pas encore établi une stratégie cohérente pour venir à bout du piratage. « Le site sera une révolution pour l'industrie de la musique, car les labels musicaux auront pour la première fois un moyen légal de distribuer et promouvoir leurs produits dans l’ex-URSS. Les artistes sont ravis, car avec ce site nous démocratisons le commerce musical ».


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Économie

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

Industrie automobile Une révolution se prépare sur le marché des voitures à moins de 9 000 euros, chasse gardée de Lada

Entretien Le patron de Troika Dialog souligne les potentialités du marché russe

Optimisme et Un oligarque parie sur la réalisme voiture « low cost » hybride Fondateur de la principale banque d’investissement russe, Ruben Vardanian se définit comme un incurable optimiste qui a aussi son franc-parler. Anastasia Dmitrieva

Êtes-vous encore optimiste à propos de l’économie russe ? Je suis toujours optimiste pour le court terme. D’ici un an, nous pouvons nous attendre à une baisse de l’inflation et du chômage, avec une monnaie stable et une croissance de 5%. Dans cinq ans, la Russie va devoir faire face à de nouveaux défis. Il y aura un déficit démographique. Le système de retraite va subir une sévère pression, le prix des carburants va chuter si Shell continue à développer ses champs pétrolifères et nos ressources naturelles vont perdre leur rôle prédominant dans l’économie mondiale.

Mikhaïl Prokhorov convoite la niche occupée par Renault et son compère Avtovaz (Lada), à l’image des constructeurs chinois, allemands et italiens. Place à un véhicule hybride : l’« Eco ». Nikita Afanasyev

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

L’oligarque Mikhaïl Prokhorov a présenté son nouveau projet au premier ministre et au président russes. Le constructeur de camions de Saint-Pétersbourg, Yarovit, y sera le partenaire du groupe « ONEXIM ». Le prix de la voiture qui en sortira serait de l’ordre 8 888 euros. Le véhicule devrait être équipé

d’un groupe-moteur hybride. Et il n’est pas exclu qu’en plus des accumulateurs soit prévu un système à essence ou au gaz naturel dont les ressources ont récemment augmenté de près d’un tiers en Russie grâce à une nouvelle technologie d’extraction du gaz de houille. Prokhorov a l’intention d’investir dans ce projet jusqu’à 100 millions d’euros, sans compter la création de l’outil industriel. Le lancement de la production des voitures de classe C (10 000 unités par an au départ) est prévu pour 2012 . Selon le ministre de l’Industrie, Victor Khristenko, le retour sur investissement sera atteint à partir de 600 000 véhicules vendus. Présenté sous le nom d’ « Eco »,

le nouveau véhicule hybride atteindra une vitesse maximale de 120 km/h et la puissance du moteur sera de 70 chevaux. L’ambition de Prokhorov, qui vise à promouvoir en Russie une véritable voiture électrique, étonne les experts : l’exploitation d’un tel véhicule repose sur un réseau et une infrastructure développés, comprenant notamment des stations service de recharge dédiées. En outre, de nombreux pays envisagent pour les propriétaires de voitures électriques des réductions substantielles sur les autoroutes à péage et dans les parkings, ainsi qu’une baisse des taxes de transport. Rien de tel n’est prévu en Russie. Autre défi : la maintenance technique et l’entretien, qui

ne peuvent être assurés de façon cohérente que dans des centres agréés. Et la création d’un réseau de garages demandera d’importants investissements supplémentaires. Les experts soulignent d’autres points faibles du projet. « Deux ans, c’est un délai trop court pour la création d’une automobile, même avec des technologies innovantes », remarque Pavel Lyamenkov, adjoint au directeur des ventes du concessionnaire « GK Torgmach. « En outre, les seuls frais de construction de la plate-forme automobile s’élèvent à près d’un milliard de dollars, sans parler des autres éléments du véhicule, de l’organisation de la fabrication, des tests et des ajustages correspondants. »

Marché obligataire Moscou achève son « road show » aux quatre coins du monde

Les emprunts russes font leur retour en fanfare sur le marché

Paul Duvernet

SpÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Dix ans après la grosse frayeur financière de 1998, la Russie revient sur le marché international de la dette avec une offre qui devrait séduire les investisseurs. Le ministère des Finances a démarré le 13 avril à Francfort la présentation de son placement d’euro-obligations, bouclé le 21 avril à NewYork. Ce premier emprunt visait à lever entre 3 et 5 milliards de dollars. Les experts s’attendent à ce que les émissions souveraines russes totalisent 10 milliards de dollars cette année. La conjoncture est idoine pour la Russie, avec un fort rebond de

la croissance. « Nous nous attendons à un succès », a affirmé la banque d’investissement Renaissance Capital, sur la même ligne que le consensus des analystes. « Le coût de l’emprunt sera certainement moins cher que la moyenne. » La banque table sur un rendement compris dans une fourchette de 4,375% et 4,625% par an. Pour faire oublier les mésaventures passées, la Russie fait valoir que son taux d’endettement souverain extérieur est très conservateur comparé à la plupart des pays développés, avec seulement 2,3% du PIB. « Avec un niveau de dette domestique de 5,4% du PIB, la Russie est également mieux placée que ses pairs émergents », remarque Renaissance Capital. Le ministère des Finances allèche les investisseurs en mettant en avant que la Russie a affiché une très solide croissance de 6% en moyenne sur la décennie de 1999 à 2008. Les réserves en devises du pays ont été multipliées

Pensez-vous que la tendance à nationaliserdeplusenplusdesociétés en Russie nuise à l’économie ? Je crois qu’il s’agit ici d’une évolution naturelle. Depuis 2004, la diversification économique est principalement promue par l’État qui a soutenu un certain nombre de « champions nationaux », dont les résultats n’ont finalement pas été particulièrement impressionnants. Je ne doute pas que des sociétés d’État

Ruben Vardanian, Troika Dialog

vont être privatisées dans les trois années à venir. Ce grand jeu n’est-il pas réservé à de très gros investisseurs ? Les marchés financiers russes continuent à se développer et ont connu dans le passé une grande volatilité. Si vous comparez les marchés russe et chinois en 2000, le retour sur capital investi est de 700% en Russie contre 170% en Chine. Malheureusement, si le marché chinois a eu une croissance stable sans subir de facteurs de stress, le marché russe a eu des hauts et des bas significatifs. Les investisseurs de taille moyenne doivent être patients et adopter une politique d’investissement à long terme. Pourquoilesétrangersentreraientils sur un marché aussi opaque ? Les marges sont plus élevées ici qu’en Chine. Plus de 80% de notre production de bière est sous contrôle étranger. Le secteur bancaire ne connaît aucune restriction. Ces secteurs sont plus petits que celui de nos ressources naturelles, voila pourquoi les gens en parlent moins. Mais il y a beaucoup d’exemples de réussites de groupes étrangers. Nombreux sont les hommes d’affaires étrangers qui pensent que les règles du jeu sont plus claires en Chine qu’en Russie : ils préfèrent donc se lancer dans le business en Chine. Voilà la différence. Le problème de la Russie, c’est que le pays compte beaucoup de groupes d’intérêt différents et que les règles du jeu y sont moins claires. Ce n’est donc pas une question de corruption ou de non-corruption de l’État, mais plutôt de définition claire des règles.

IPO : avis de raz-demarée cette année Paul duvernet

SPécialement pour la russie d’aujourd’hui

Associated Press

Après une décennie d’absence, Moscou revient sur le marché de la dette, à la recherche de 5 milliards de dollars. Il s’agit de combler un déficit budgétaire creusé par le plan de relance massif en réponse à la crise.

Que pensez-vous du programme de modernisation préconisé par le Président Medvedev ? Cette modernisation est l’une des tâches les plus importantes. Notre éternelle dépendance envers les ressources naturelles ne permettra plus au pays de fonctionner. Nous devons être prêts à relever de nouveaux défis. Ma préoccupation majeure en ce qui concerne la Russie est que nous perdons du temps alors qu’il faut aller de l’avant pour être plus ambitieux, plus ouverts, plus créatifs et mieux préparés à prendre des risques. Nous avons besoin de ce changement pour devenir concurrentiels à l’échelle mondiale. Dans les années à venir, notre principal avantage compétitif résidera dans nos ressources humaines, pas nos ressources naturelles.

kommersant

spÉcialement pour la russie d’aujourd’hui

Le succès de cette émission d’euro-obligations paraissait acquis

par 35 dans le même temps, tandis que la vieille dette soviétique a été totalement liquidée. Toutefois, le ministère avertit les investisseurs que des risques significatifs pèsent sur son programme d’euro-obligations. Ils sont bien connus de tous : ce sont les fluctuations importantes du cours du pétrole, les chocs économiques extérieurs et la dépréciation du rouble comme facteurs

de risque majeurs. Avec un cours du baril de pétrole dépassant désormais les 80 dollars, loin au-dessus des 58 dollars calculés pour le budget russe, les risques à moyen terme paraissent faibles. Les pétrodollars vont à nouveau remplir les coffres de l’État, qui prévoit de revenir dès 2012 à un déficit budgétaire très raisonnable de 3% du PIB.

Dans le sillage du géant RusAl, c’est au tour du groupe d’aquaculture « Rousskoïe More » (Mer Russe) d’aborder la bourse avec une cible à 170 millions de dollars. Cette année, plus de 20 milliards de dollars devraient être levés par des sociétés russes actives dans les domaines les plus divers, à la faveur d’introductions en bourse (IPO). Le secteur de la consommation est en pointe, avec Kopeïka (distribution) et Protek (pharmacie) qui cherchent à lever respectivement 500 et 400 millions de dollars tous deux sur le marché russe. Kopeïka affiche un chiffre d’affaires de 2 milliards de dollars en 2009 et offrira une entrée à son capital vers la fin de l’année afin

d’alléger son endettement. Non moins attendue est l’entrée du moteur de recherche Yandex à la bourse Nasdaq de New York. En vendant entre 10 et 15% de ses parts,Yandex espère trouver le moyen de résister à l’attaque du géant américain Google. Côté ressources naturelles, Polyus Zoloto, n° 1 russe du secteur aurifère, envisage de lever des fonds à Hong Kong où il espère trouver 555 millions de dollars contre une part de 5,7% de son capital. Mais le clou pourrait bien être l’arrivée sur les marchés étrangers de Transneft. Le monopole d’État des oléoducs, voit déjà une minuscule portion de son capital s’échanger à Moscou, et il n’a plus d’autres sources de financement que la bourse. Les rumeurs d’une future introduction enflent de semaine en semaine.


Régions

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

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Viticulture Quelques aventuriers misent sur l’introduction des techniques viticoles françaises dans une contrée hostile au bon vin...

Convertir les vignerons russes au goût français « C’est pourquoi ma femme et moi avons décidé de venir travailler sur ce projet exceptionnel. J’avais à l’époque 26 ans. Je descends d’une famille de vignerons français ayant vécu en Algérie. J’ai appris ce qu’est le vin et comment le produire pendant mes études à l’ENITA de Bordeaux, ainsi qu’au cours de mon expérience professionnelle en Provence. Gaëlle, ma femme, vient de Paris ; nous avons fait nos études ensemble ». La cave de Kouban qui a accueilli le couple Duseigneur a été créée à l’image d’un château français dans la région de Krim, au sud de la province de Krasnodar. À ce jour, elle possède 500 hectares de vignes adultes et 35 hectares de vignes jeunes. Les pieds pour les nouvelles plantations ont été importés de la pépinière française Mercier. On y cultive également des cépages russes et géorgiens, ainsi que des hybrides. Le merlot de Bordeaux pousse ainsi à proxi-

mité du Rkatsiteli géorgien et du Krasnostop russe. « Nous avons non seulement dû acclimater les plants et les technologies aux conditions russes, mais également nous adapter nous-mêmes », se souvient Franck Duseigneur. « Kouban, malgré sa végétation splendide, ne ressemble pas aux paysages français. Le climat et les terroirs y sont différents. Le cycle végétatif est plus court qu’en France et les contrastes sont plus forts : au printemps et en automne, les jours chauds et froids alternent brusquement ». À Kouban, qui promettait des possibilités illimitées, tout n’a pas été aussi facile que prévu, tempère Franck Duseigneur. Car au début des années 2000, les lois changeaient souvent et la sécurité des investissements n’était pas garantie par les autorités locales. « Nous sommes en effet venus en Russie avec le désir de reproduire exactement ce qu’on faisait en France, dit Franck Duseigneur. De plus, on a dû faire face à l’inertie d’un secteur blo-

La région de Krasnodar

qué par les vestiges de l’économie contrôlée. On a dû attendre longtemps pour mettre les innovations en route ». Les spécialistes français ont su non seulement aider leurs collègues de Kouban à améliorer la qualité de leur produits, mais également à changer la réputation du vin russe. Aux yeux de nombreux consommateurs, c’était le vin le moins cher, le plus banal. Et pour cause. En Europe, les vins secs sont les plus demandés. En URSS, la première place était traditionnellement réservée aux vins fortifiés. Dans la province de Krasnodar, où l’on cultive la moitié des vignes russes, la part des vins fortifiés était de 70%, les 30% restants revenant aux vins secs. De nos jours, la situation a beaucoup changé : les vins de table naturels représentent 90%, contre 10% de vins fortifiés. « On a essayé de nous convaincre que les Russes aimaient les vins forts et sucrés à cause du climat froid », se souvient Franck, « mais selon moi, l’origine du vin fortifié et doux en Russie tient à un manque de ressources et de maîtrise technologique plutôt qu’à une adaptation des produits à la région. En rajoutant de l’alcool, vous les stabilisez et en les sucrant vous masquez l’acidité. Ainsi, vous obtenez une soupe aux fruits alcoolisée, qu’on peut boire, mais qui n’a rien à voir avec leur homologues catalans ou portugais. Nous avons réussi à faire changer d’avis les producteurs de vin locaux ». L’usine de la région de Krim où sont produits les vins a été conçue par le célèbre architecte français Philippe Mazières. Les équipements ont également été importés de France. « Au Château Le Grand Vostock, on a recréé pour la première fois pour les Russes les technologies de production

« Nous avons du acclimater à la Russie les plants, les technologies... et nous-mêmes ! » raconte Franck Duseigneur

vladimir anosov

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des bordeaux et bourgognes. On a pu créer des marques propres. Les technologies françaises ont été appliquées en partie pour la culture des vignes et la vendange, pour la fixation des taux de sucre et d’acidité, ainsi que pour les subtilités du traitement de la matière première », dit Franck. Actuellement, Gaëlle, son épouse, contrôle la qualité des produits. Lui s’occupe pour sa part de la gestion quotidienne des travaux dans les vignes et à l’usine. Depuis 2006, en plus de cette activité, on lui a proposé la gestion de la totalité du projet. Les spécialistes français jouissent désormais d’une liberté totale et

ont le droit de prendre les décisions finales. Les autorités locales ont également soutenu le projet. Elles ont organisé toute une campagne de promotion de la culture de la boisson dans les media. Un programme de soutien des vignerons locaux sous forme de subventions, locales et fédérales, a été mis en place et il fonctionne depuis déjà deux ans. Des fonds sont également consentis pour l’acquisition d’équipements de pointe et pour la plantation de vignes. Les vignerons français restent plutôt optimistes. « Le secteur s’oriente vers la qualité. Les vins

de Kouban sont déjà vendus dans les plus grands restaurants et boutiques de Moscou et de SaintPetersbourg, ce qui n’était pas le cas avant », affirme M. Duseigneur. « Mais nous sommes convaincus que les producteurs français eux-mêmes viendront vendre plus de vins en Russie, car il y a de belles perspectives. En effet, dans certains segments de produits haut de gamme, la concurrence des vins français par les vins russes et étrangers est encore faible ». Diaporama à consulter sur www.fr.rbth.ru

Environnement Une récente étude révèle que les forêts boréales russes ont une importance clé dans l’équilibre planétaire

Réserves d’oxygène contre réserves de carbone Le Grand Nord russe, c’est bien plus qu’un lieu de répit naturel. On sait désormais que cette vaste région va jouer un rôle déterminant dans la lutte contre le réchauffement climatique. Christopher Pala

Spécialement pour la russie d’aujourd’hui

Les scientifiques ont compris que les magnifiques forêts russes, décor de tous les contes populaires, retiennent des quantités énormes de carbone qu’elles ne relâchent pas dans l’atmosphère. Une étude récente a révélé que la moitié du carbone mondial est stockée sur terre, dans la région du permafrost, dont les deux tiers sont en Russie. Mélange fabuleux de conifères et de sapins recouvrant d’anciens glaciers, les forêts boréales seraient la meilleure défense de notre planète. La forêt retient le carbone, mais la déforestation risque de le libérer. « Cela veut dire que cette zone est très vulnérable », dit l’un des auteurs de l’étude, Josep Canadell. « Si le permafrost fond, nous dégagerons 10% de plus de carbone par an pendant plusieurs siècles, plus que ce que nous envisagions. Réduire d’autant nos émissions coûtera beaucoup d’argent, mais les dommages seront

encore plus importants si nous ne le faisons pas. » Selon les prévisions actuelles, la planète se réchauffant de 3 à 4 degrés d’ici un siècle, les températures des régions boréales vont augmenter de 8 à 12 degrés et 90% du permafrost devraient fondre, libérant du coup le carbone dans l’air. Une autre étude a montré que la région abrite 1 672 milliards de tonnes métriques de carbone organique, à plusieurs mètres de profondeur, soit presque 50% des stocks estimés de carbone souterrain. Sebastiaan Luyssaert, biologiste à l’Université d’Anvers, expliquait dans un article publié en 2008 dans la revue Nature que les forêts anciennes continuent d’accumuler le carbone, contrairement à ce que l’on croit. Même si les incendies et les insectes en détruisent des milliers d’hectares, elles retiennent plus de carbone que les catastrophes naturelles n’en libèrent. « Raison de plus pour protéger les forêts boréales russes », qui absorbent 500 millions de tonnes de carbone par an, ou 1/5 de l’absorption sur la planète, souligne Canadell, directeur exécutif du Global Carbon Project, basé à Canberra. « Il faut garder le plus de carbo-

Forêts boréales de l’hémisphère nord

ne possible dans les forets maintenant », insiste Luyssaert : « si nous voulons éviter des processus irréversibles comme la fonte du permafrost ou l’inversion des courants océaniques, nous devons absolument contrôler nos émissions au cours des prochaines décennies ».

La forêt boréale C’est une région biogéographique nordique subarctique dans laquelle la flore est principalement composée de sapins et autres conifères à feuilles persistantes.

« Les forêts boréales lointaines ne semblent pas réellement menacées à l’heure actuelle », assure Nigel Roulet, un spécialiste des cycles du carbone à l’université McGill de Montréal. « Nous n’exploitons qu’une infime partie des ressources de ces zones. Mais je suis convaincu que la pression va augmenter à mesure que le climat se réchauffe et que le travail devient plus facile dans ces régions. En outre, ces ressources vont gagner en valeur à mesure que les autres s’épuiseront. Il est donc important de fixer des lois dès aujourd’hui. » C’est ce qu’ont fait trois provinces canadiennes et le gouvernement fédéral, s’engageant à protéger la moitié de la région boréale du pays (1 006 000 km²) et gérer l’autre moitié de manière à minimiser les émissions de carbone. Mais aucune loi de ce genre n’existe en Russie. Des 4,6 millions de km² de forêts boréales russes, l’abattage est interdit sur seulement 620 000km², et limité sur 934 000 km², selon Anatoli Chvidenko, un ancien forestier russe qui dirige désormais l’Institut international d’analyses de systèmes appliqués en Autriche. Le long des frontières avec la Finlande et la Chine, qui ont un grand appétit pour le bois de construction, les restes des incen-

dies volontaires représentent la moitié de la moisson légale. Selon la loi russe, une zone protégée qui a brûlé (les gros troncs sont généralement intacts) peut être exploitée commercialement. « Il ne faut pas attendre de lois restrictives importantes sur l’abattage en Russie dans un futur proche », acquièsce Olga Krankina, une écologiste forestière de l’université d’Oregon. « Dans la mesure où les espaces protégés sont déjà très vastes, il est plus important pour le gouvernement de faire respecter les règles existantes, y compris dans les forêts où l’abattage commercial est autorisé ».

Chiffres à retenir

4,6

millions de km² : c’est la surface des forêts boréales russes, où l’abattage est interdit sur seulement 620 000 km², mais limité sur 934 000 km²

500

millions de tonnes de carbone : c’est le volume absorbé chaque année par par les forêts boréales russes


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Débats et Opinions

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

Sondages

DE LA NECESSITÉ DES SANCTIONS CONTRE L’IRAN

La menace iranienne aux yeux de l’opinion publique russe Levada-Centre a mené en mars 2010 deux enquêtes auprès d’un groupe de 1 600 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatives de lapopulation russe. Il leur a été demandé ce qui constituait à leurs yeux la menace la plus sérieuse pour la sécurité de la Russie.

dessin de victor bogorad

Deux experts russes en relations internationales s’expriment sur les mesures envisagées pour contraindre l’Iran à abandonner son programme d’enrichissement de l’uranium. Leur divergence de vues reflète l’hésitation du Kremlin à s’associer au durcissement des sanctions prôné par les Occidentaux.

intégration, oui un nécessaire isolement, non. durcissement Sergueï Markedonov

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’attention des hommes politiques et des experts du monde entier se focalise aujourd’hui sur la République islamique d’Iran. Avec la guerre d’Afghanistan et l’interminable conflit israélo-palestinien, le programme nucléaire iranien s’est retrouvé en tête des grands sujets de politique internationale. Cependant, la « question iranienne » est beaucoup plus large et complexe que le désir de posséder une « bombe nucléaire islamique ». D’un côté, l’Iran reste « l’exportateur de la révolution islamique » qui soutient nombre de groupements terroristes à caractère islamiste. C’est aussi un ennemi acharné des États-Unis et d’Israël. Téhéran souhaite avoir un rôle dominant non seulement parmi les chiites, mais également dans le monde islamique dans son ensemble. Il en découle un soutien politique et financier du Hezbollah chiite comme du Hamas sunnite. D’un autre côté, l’Iran reste l’un des pays les plus démocratiques du monde islamique, à l’exception de la Turquie laïque. On y organise régulièrement des élections présidentielles et parlementaires qui donnent lieu à une vraie concurrence et dont le résultat final n’est pas pré-déterminé. Il n’est donc pas simple de dresser un tableau cohérent et non linéaire du pays. Sans l’Iran, impossible de résoudre les problèmes du ProcheOrient (Liban, Palestine, Irak) et de la sécurité en Afghanistan, en Asie centrale et dans le Caucase. La réalisation de cet objectif passe par la prise de conscience du fait que la politique de Téhéran n’est pas uniquement basée sur une idéologie. L’Iran associe à l’agressivité et au triomphalisme de ses gouvernants, des éléments de pragmatisme et de retenue. La République islamique a montré à de nombreuses reprises que ses intérêts nationaux étaient pour elle plus importants que la pureté religieuse. Les relations fructueuses entretenues pendant des années entre Téhéran et Erevan le prou-

vent. Pour l’Arménie, l’Iran (comme la Géorgie) constitue pratiquement une deuxième « fenêtre sur le monde » dans le contexte du blocus turco-azerbaïdjanais. Autre exemple intéressant qui illustre les contradictions de la politique iranienne : celui des relations entre Moscou et Téhéran. La capitale iranienne dit et répète que le radicalisme religieux au NordCaucase russe est non pas chiite, mais salafiste et sunnite. En même temps, les groupements islamistes radicaux soutenus par l’Iran (comme le Hezbollah) considèrent que la Tchétchénie fait partie du « Djihad mondial » et font des extrémistes religieux du Nord-Caucase des « militants pour la Foi ». C’est bien cela qui rend la coopération stratégique entre Téhéran et Moscou problématique. La politique extérieure de l’Iran est donc complexe. Sous la rhétorique belliqueuse se cachent des raisons pragmatiques. Le recours exclusif à une politique de sanctions ne peut donc être efficace

La pression extérieure des sanctions risque surtout de cimenter les Iraniens sur une base d’idéologie patriotique. car il existe à l’intérieur du pays un consensus sur le désir d’indépendance géopolitique. L’idée qui unit conservateurs et libéraux modérés, c’est de faire du pays une superpuissance régionale. La pression extérieure (américano-européenne, ou celle des États-Unis, de la Russie et de l’UE collectivement) risque surtout de cimenter les Iraniens sur une base d’idéologie patriotique. Donc, la stratégie, qui consisterait à intégrer l’Iran dans des projets internationaux majeurs, sera plus efficace. La reconstruction de l’Afghanistan semble l’objectif le plus actuel et le plus évident. Une telle « intégration » permettrait d’un côté de mieux contrôler les agissements de l’Iran et de l’autre, de stimuler des transformations internes. Sergueï Markedonov, politologue, spécialiste du Caucase.

Evseev Vladimir

spÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La raison officielle des sanctions américaines contre Téhéran est de contrer le développement menaçant de son programme nucléaire et son soutien à de nombreuses organisations terroristes. Mais à l’origine, le véritable motif de ces sanctions résidait dans le fait que l’Iran avait commencé à ouvrir son secteur énergétique aux investissements étrangers, ce qui menaçait les intérêts des États-Unis. En 1996, les mesures ont pris la forme d’un « Pacte de sanctions contre l’Iran et la Lybie », qui limitait les investissements étrangers dans ces pays et établissait des sanctions contre les entreprises qui tenteraient d’enfreindre les restrictions. Quand elle a renoncé à concevoir sa propre arme nucléaire, la Libye a été, de fait, libérée des sanctions américaines. Celles-ci ont été maintenues contre l’Iran et le délai de validité de ces pénalités économiques a été prolongé une nouvelle fois en mars 2010 par Barack Obama. L’opinion assez répandue, selon laquelle les sanctions américaines contre l’Iran seraient trop clémentes, ne correspond pas à la réalité. Tout d’abord, ce genre d’action est entrepris dans le cadre du concept de sanctions ciblées qui prévoit de focaliser la pression sur le régime en place, en limitant ainsi les effets néfastes sur le niveau de vie de la population locale. Deuxièmement, les grandes compagnies étrangères comme Total (France), Royal Dutch /Shell (Angleterre, Hollande, États-Unis), Lukoil (Russie), Statoil (Norvège) et Repsol (Espagne) ont dû quitter le marché iranien (et y cesser toute activité). Certes, le déploiement de sanctions contre l’Iran va à l’encontre du droit international. Mais Washington a su obtenir une légitimité de la part de l’Union Européenne et du Conseil de Sécurité de l’ONU, lequel a imposé des sanctions internationales contre l’Iran. On peut juger de l’efficacité des

sanctions contre l’Iran à la lecture des rapports du Fonds monétaire international, selon lesquels le système bancaire et la circulation financière de la République Islamique d’Iran ont été fortement affectés. En même temps, l’économie iranienne n’est pas tombée en ruines. C’est essentiellement dû au fait que la recette annuelle des exportations pétrolières de Téhéran s’élève à 65 milliards de dollars environ. En outre, le gouvernement iranien a pris de nombreuses mesures qui ont permis de rendre son économie plus autosuffisante et moins vulnérable vis-à-vis de l’extérieur. Bien entendu, il n’est pas de sanctions qui pourraient empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique, si les politiciens iraniens décident de suivre cette voie. Mais les sanctions peuvent réduire considérablement les moyens de l’élite religieuse locale, qui s’assure la loyauté des Iraniens en redistribuant les bénéfices pétroliers

Les sanctions peuvent réduire consirérablement la capacité de l’élite religieuse à s’assurer la loyauté des Iraniens sous forme de produits alimentaires et de consommation courante pour les couches sociales les plus démunies. Car c’est bien le pétrole qui assure la stabilité du régime iranien. En cas de réduction considérable de ses exportations, ce qui est inévitable dans un contexte de sanctions internationales, Téhéran sera obligé de chercher des voies de conciliation avec les pays occidentaux. Par conséquent, un durcissement des sanctions contre l’Iran est nécessaire. Mais on doit proposer en même temps à Téhéran des arguments financiers, économiques et politiques qui prendraient en considération son rôle historique dans Le Grand Proche-Orient. Vladimir Evseev est chargé de recherche à l’Académie des Sciences de Russie.

Si la tension autour de l’Iran atteignait son apogée et si un conflit militaire éclatait entre les ÉtatsUnis et ce pays, 38% des personnes interrogées estiment que la Russie devrait intervenir comme médiateur et chercher à obtenir un règlement pacifique du conflit. Elles sont 24% à penser que la Russie ne devrait pas se mêler au conflit, et une proportion équiva-

lente (23%) à suggérer que Moscou devrait louvoyer entre Washington et Téhéran pour préserver ses propres intérêts. Un petit nombre de sondés (4%) considèrent qu’il faut soutenir l’Iran et ils sont presque autant (3%) à se prononcer pour un soutien envers les États-Unis (8% des personnes sollicitées n’ont pas pu ou n’ont pas souhaité répondre).

Le tandem est là pour longtemps La majorité des russes pensent que Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine vont tous deux poursuivre leur carrière politique au-delà de l’élection présidentielle de 2012.

La majorité des Russes estiment que le véritable pouvoir politique est équitablement réparti entre Medvedev et Poutine (51% des personnes interrogées). 28% des sondés considèrent que la totalité du pouvoir est entre les mains de Poutine et 13%, entre celles de Medvedev. Selon une majorité de Russes (55% ), Dmitri Medvedev

poursuit essentiellement la ligne politique de Vladimir Poutine, 24% pensent qu’il la poursuit entièrement, et 14% sont persuadés qu’il change progressivement l’orientation générale du pays. Ils ne sont que 3% à croire que Medvedev mène une politique entièrement nouvelle. Sondage réalisé en mars 2010 par le Centre Levada.

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Perspectives

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Reportage Les vétérans de la Seconde Guerre mondiale retournent à l’école

Ces sacrÉS FRANçAIS

Notre victoire, c’est la mémoire !

De l’art de reconnaître les Russes de loin

Ciment du patriotisme russe, le récit de la guerre aux enfants par les vétérans est un moment incontournable. Une rencontre à fort contenu émotionnel pour que le souvenir se perpétue.

« Tu veux savoir à quoi ressemble une Française ? Regarde, celle-là qui est pressée sous son parapluie, toute menue, nerveuse, insaisissable. Une Française typique. » Manque de pot, c’est moi qui passais rue de Grenelle. Je courais justement à la conférence de presse du Russe qui venait de prononcer ces mots. Je soulevai mon parapluie en riant. Au comble de l’étonnement, il s’écria : « Natacha ?... et moi qui faisais de toi une pure Française…» Mon concitoyen peut parfois se méprendre, s’il ne reconnaît pas un visage familier. Mais en réalité, il est fort rare aujourd’hui qu’on nous confonde avec d’autres. Il est encore bien trop tôt pour parler du charme discret de la bourgeoisie russe. C’est réservé au futur lointain. En attendant, le cri à travers tout le terminal 2E de Roissy -« Eh Zina, t’as trouvé ton sac ? » reste notre marque déposée. Et la paire de Louboutin aux pieds ne trompe personne. Alors que la gamine tire sa mère par la manche : « Maman, crie pas » Les enfants sont différents. Notre jeunesse se fond totalement dans la foule parisienne. Elle ressemble par son comportement, son pas assuré, les muscles du visage détendus, une négligence dans l’accoutrement. Les adultes n’ont pas cette expression et ça ne changera pas. Pas plus qu’ils ne possèdent cette facilité de communiquer, même lorsqu’il possèdent parfaitement la langue.. Un jour, mon fils est venu me

Natalia Gevorkyan

Spécialement pour la russie d’aujourd’hui

Veronika Dorman

Sur le terre-plein inondé de soleil, tout est prêt pour le « meeting ». Des bancs alignés pour les invités d’honneur, vétérans et assortiment de fonctionnaires locaux. Le monument au maréchal Tchouïkov, le général glorieux de la 62e armée qui a tenu le siège de Stalingrad avant de marcher sur Berlin, et dans laquelle ont servi tous les anciens combattants présents aujourd’hui, est flanqué de deux cadets en uniforme et orné de fleurs. Un orchestre militaire répète. Pour ce jubilée – les 65 ans de la Victoire – des lycéens venus de Volgograd, Riazan, Koursk, Odessa, prennent place sous une banderole rouge : « PERSONNE N’EST OUBLIÉ, RIEN N’EST OUBLIÉ ». S’il y a un élément fédérateur de tous les Russes, sacré et surchargé émotionnellement, c’est bien le sacrifice du peuple entier dans la Seconde Guerre mondiale, ou « Grande Guerre patriotique », et la victoire héroïque de l’URSS sur les nazis. Leur souvenir a été activement entretenu et célébré avec panache pendant 65 ans, et c’est peutêtre le seul chapitre de l’histoire du XXe siècle que tout écolier russe connaisse vraiment. Tout le monde en Russie peut entonner une marche militaire ou une chanson patriotique. Chaque ville a sa flamme au soldat inconnu. Et chaque école son lot de manifestations annuelles. Les discours exaltés se succèdent, ponctués de poèmes lus par les élèves, et conduits par le très emphatique directeur de l’établissement, Boris Mogerman, qui remercie au nom de l’assemblée « ceux sans qui nous ne serions pas là ». En réponse, Edouard Pertsov, bardé de décorations, salue les écoliers et les enseignants : « Vous faites une grande œuvre ! Vous semez la bonne mémoire de notre armée héroïque dans le cœur des jeunes, et élevez de véritables patriotes. À vous les jeunes, nous passons le flambeau. Il est temps pour nous de partir, et pour vous de vivre,

victor bartenev_itar-tass

spécialement pour La russie d’aujourd’hui

L’histoire de la Seconde Guerre Mondiale est au coeur de l’enseignement scolaire.

rans fredonnent des airs qui, pour eux, ne sont pas du folklore. De temps en temps, ils sont sollicités pour raconter une anecdote. « Ces fêtes pour nous, c’est l’occasion de nous rappeler notre jeunesse. Nous étions comme ces adolescents sur scène. Nous écoutions cette même musique, nous dansions, et nous partions au combat en chantant ces mêmes mélodies », commente, émue, Marina Faustova, née en 1922, radiotélégraphiste à Stalingrad. En coulisses, Ania, Dacha, Ksioucha, de jolies fillettes de douze ans, sont surexcitées par le succès de la représentation : « Les vétérans sont venus nous écouter et nous

raconter leurs histoires. Ils nous apprennent des tas de choses. Nous sommes fiers d’eux. » Elles ont chacune un arrière grand-père qui a fait la guerre. « Moi, j’ai appris aujourd’hui qu’un vétéran, ça sait nager », s’émerveille Macha, à qui Marina Faustova vient d’expliquer comment les soldats s’entraidaient pour traverser des rivières. « C’est important de se souvenir », concluentelles en chœur. Elles le voudraient, qu’elles ne pourraient pas oublier. L’histoire de la Seconde Guerre est au cœur de l’enseignement scolaire et des discours identitaires de la Russie post-soviétique. Des concours de rédaction régionaux et nationaux sont organisés tous les ans. « Vous n’imaginez pas les mots que les jeunes trouvent pour parler de la guerre », s’exclame Rasim Aktchourine, le directeur du Centre d’éducation militaire et patriotique au ministère de l’Éducation, « ce n’est pas vrai que notre jeunesse est indifférente à son passé. Il faut juste travailler avec elle, lui consacrer du temps. » Après les festivités à l’école, les vétérans vont se retrouver dans un restaurant, pour lever leur verre à la mémoire de leur victoire et se souvenir, pour la 65e fois, de leur héroïque jeunesse. En toute simplicité, loin des défilés pompeux sur la Place Rouge, où la plupart d’entre eux n’ont d’ailleurs pas été conviés.

Nouvelle Katyn

la malédiction russe

du politique et de l’humain

Vedomosti

polit.ru

novaïa gazeta

C’est une nouvelle épreuve pour les peuples polonais et russes. C’est l’un des épisodes les plus déchirants de l’histoire de leurs relations tragiques. Le malheur peut rapprocher mais peut diviser à jamais. Le sentiment anti-russe en Pologne peut être ravivé et s’accentuer, et le gouvernement russe peut succomber à la tentation de se vexer à nouveau. Il y un risque que nous nous tournions le dos définitivement, mais une chance aussi pour une réconciliation historique. Pour surmonter le symbolisme sinistre du passé, il faut être patient et attentionné.

Dans une logique diabolique, c’est comme si la catastrophe était survenue pour convaincre les plus indifférents et les plus obtus de la réelle tragédie que fut le massacre de Katyn. Les relations entre la Pologne et la Russie vont-elles s’améliorer ? Les faits parlent en ce sens. Mais, d’un autre côté, Katyn est devenue pour la seconde fois dans l’histoire un lieu de trépas massif de Polonais sur la terre russe. Et chez nous, la tragédie n’a pas dégrisé tout le monde, « on ne va pas non plus s’excuser pour le brouillard », peut-on entendre ici ou là.

Nous n’avons pas l’habitude que notre pouvoir réagisse de manière adéquate. Et pourtant : un deuil national décrété à temps ; une parfaite coordination entre enquêteurs russes et polonais ; l’annulation immédiate du régime des visas pour les familles des victimes. Et puis il y a ce que l’on ne peut pas simuler par stratégie diplomatique. La télévision, qui présente toujours nos deux leaders comme une paire de machos insensibles, a montré pour la première fois des hommes sincèrement bouleversés, affligés, compatissant avec l’immense malheur d’un peuple.

guidés par la mémoire et l’amour de la Patrie. »

Leçons de courage

Ce sentiment est inculqué méthodiquement depuis cinquante ans à tous les élèves de l’école n°479 du nom du Maréchal Tchouïkov. En guise de cours d’éducation civique, « des leçons de courage » sont dispensées par des vétérans, des héros nationaux et autres spécialistes patriotes. « Les leçons de courage nous apprennent que nous devons être comme eux, intrépides. C’est difficile, mais il faut essayer », disserte Pacha, 13 ans, qui n’aime pas beaucoup toutes ces solennités, car « on n’a pas vraiment le temps de discuter ». Ces ateliers se tiennent dans le musée militaire de l’école, fondé dans les années 1970 : plus de 500 m² dédiés aux combats dans la Grande Guerre patriotique, aux sièges, aux batailles. Exposition de photos, d’armes, de lettres, de documents, d’uniformes, de cartes et de maquettes, c’est la grande fierté de l’école. Ce jour de fête est l’occasion d’inaugurer une nouvelle salle, « le Hall de la mémoire », entièrement consacré à Stalingrad, et d’alourdir les poitrines de cinq vétérans d’une énième médaille commémorative. Contrairement à Pacha, la plupart des élèves participent de bon cœur au cérémonial. « Ils ne sont pas obligés de venir, c’est leur

choix », assure Lidia Petrovna, professeur d’anglais, en embrassant d’un œil satisfait une salle comble. Le clou du programme - un spectacle dans la plus pure tradition scolaire soviétique - : des images d’archives projetées en toile de fond, accompagnées au piano, tandis que collégiens et lycéens dansent, chantent et récitent la guerre et le sacrifice, le courage et l’amour de la Patrie. Au premier rang, les vété-

« Il est temps pour nous les vétérans de partir et de passer aux jeunes le flambeau de la mémoire »

lu dans la presse katyn : le lien tragique entre la pologne et la russie. Le président Lech Kaczynski et de nombreux membres de l’élite polonaise ont péri dans un accident d’avion, en se rendant à Katyn pour commémorer les officiers polonais exécutés par Staline. Cette nouvelle tragédie, surchargée symboliquement, rend incertain l’avenir des relations russo-polonaises, qui semblaient avoir pris un nouveau tour.

Préparé par Veronika Dorman

Éditorial

Andrei Kolesnikov

Andreï Lipsky

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rendre visite, de Moscou, avec ses amis. Ils m’ont prévenue qu’ils allaient manger des huîtres dans un bar à Montparnasse. J’ai promis de les rejoindre. Cette joyeuse bande, quel spectacle ! L’un avec un piercing, l’autre avec un « tunnel » dans le lobe, le troisième avec un tatouage... Dans le Marais ou à Bastille, ils ont l’air de parfaits autochtones. Ici, parmi les habitués de ce restaurant traditionnel, on aurait dit des extraterrestres. À mon arrivée, la compagnie bariolée s’était déjà installée sur la terrasse spacieuse, mais mal chauffée, alors qu’il y avait des tables vide à l’intérieur. Un couple de Français sympathiques, d’un certain âge, s’était joint à eux. Je compris plus tard que la direction du restaurant avait cherché à se protéger contre l’invasion des extraterrestres en déclarant que toutes les tables étaient réservées. Les Français, arrivés en même temps, avaient essayé de défendre les Russes. On finit par leur concéder la terrasse. Pour remercier les Français de leur soutien, les jeunes les invitèrent à dîner. Maintenant, ils débattaient en riant de la différence entre le Plateau Prestige et le Plateau Royal. - Ils ne vous ont pas trop effrayés, mes jeunes ? demandai-je. -Vous pensez ! Notre petit-fils ressemble exactement à ça. - Mais ceux-là sont russes. Et s’ils se saoulaient et commençaient à faire n’importe quoi ? La dame, parée d’un merveilleux collier de perles, sourit : « Il n’y a que nous qui ayons pris du vin pour l’instant. Eux sont à l’eau et au coca... » Natalia Gevorkian, correspondante à Paris du journal Kommersant.

ces sacrés Russes

De l’art d’éviter certains restaurants à Sushi... François Perreault

Spécialement pour la russie d’aujourd’hui

Deux semaines qu’il est à Moscou, et Jean-Pierre n’a toujours pas savouré les plaisirs de la gastronomie locale. Mais ce soir, c’est l’occasion ou jamais d’inviter la vaporeuse Miroslava, dont les faux cils battent au rythme des passages de notre ami à travers le bureau. Jean-Pierre a choisi Sushimaki, dont la publicité assure qu’il s’agit du centième restaurant japonais à ouvrir ce mois-ci. Dès l’entrée, un premier obstacle : il faut passer l’épreuve de l’okhranik, personnage patibulaire à la fois sécurité et porte-manteau. Impossible de passer sans laisser son perfecto : Jean-Pierre vide ses poches, et c’est donc les mains pleines qu’il accompagne son Envoûtante dans la salle sombre où l’on diffuse en boucle la finale Miss Hong-Kong de l’année dernière. Une dizaine de couples occupe déjà les lieux, dans une configuration russe : madame et monsieur, côte-à-côte sur la banquette, se roulent des galoches tandis que les chaises qui leur font face sont inutiles. Le têteà-tête à la russe, c’est plutôt un gauche-à-droite. Après 20 minutes d’attente, l’une des dix serveuses de l’établissement (qui compte trente couverts) estime qu’il est l’heure de s’enquérir du choix de nos tourtereaux. Après avoir hésité entre les makis californiens (on n’en

a plus), les brochettes japonaises (une heure d’attente) et la soupe aigre-douce (seulement demain), Jean-Pierre opte pour les sushis de saumon. Côté bière, entre la Leffe (dont le fût doit être changé) et la Blanche (on n’en a plus), notre camarade choisira finalement une bonne vieille Simiorka – il faut bien encourager le commerce local. La discussion agréable permet d’oublier l’attente. De toute évidence, les douze serveuses (j’en avais oublié deux, à droite) sont en rodage, tout comme les quatre cuisiniers vaguement japonisants, originaires de Kirghizie, les six femmes de ménage originaires du Tadjikistan et l’okhranik originaire du ministère de l’Intérieur. La patience a payé. Voilà les mets qui arrivent, dans l’ordre habituel : les sushis sont servis en même temps que le cheese-cake du dessert, tandis que la petite soupe miso vient, elle, au moment où Jean-Pierre termine le gâteau, avec la seconde bière qu’il avait commandée à l’arrivée des sushis. Son Amante a reçu en premier la soupe, mais puisqu’il n’y avait finalement plus de sushis, elle a dû attendre un peu avant de recevoir les makis californiens, portés disparus mais visiblement retrouvés, qui feront passer le café servi avec la soupe. Repus, heureux, le couple se retire pour une nuit torride qui n’aura cependant pas lieu : c’est vrai qu’il avait quand même une drôle de tête, ce saumon. François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.


Culture

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

Cirque L’une des troupes russes les plus réputées entame une grande tournée française

billet de l’amitiÉ

Des numéros muets pour un humour spectaculaire Maureen demidoff

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

Pas de nez rouge, pas de coups de pied aux fesses, sous le chapiteau du cirque Nikouline : les Mikos ne sont pas des clowns traditionnels. Leur univers burlesque transporte les spectateurs dans un monde sans parole, composé uniquement de gestes et d’expressions. Baptisés « les gentlemen de l’humour » au Festival du Cirque de Demain, les Mikos sont des bouffons qui tentent d’accepter le monde tel qu’il est et tel qu’il est perçu avec le regard de l’enfance qu’ils ont adopté. « Leur numéro est un apprentissage pour voir le monde autrement », explique Joëlle Berrebi, directrice de Balagan International. Les artistes puisent leur inspiration dans l’observation des faits et gestes quotidiens… le banal un caprice d’enfant, la démarche d’un vieillard - est récupéré puis poussé à son paroxysme jusqu’à l’absurde. Les Mikos, c’est « l’art du dynamitage systématique des situations les plus invraisemblablement anodines », résume Dominique Mauclair, fondateur du Festival mondial du Cirque de Demain. Lorsque Nikolaï Bereza et Sergueï Davydov créent Les Mikos en 1991, ils sont rapidement rejoints par deux complices. Seul un des quatre clowns avait une formation artistique : les trois autres étaient ingénieurs ! Pourquoi Les Mikos ? Simplement parce que « leurs grandmères étaient plus drôles que leurs grand-pères. Et les initiales de leurs prénoms permettent de composer ce nom ». Depuis 1991, les rois de l’absurde ont sillonné la Russie, de Moscou à Vladivostok. Leurs spectacles se construisent et se renouvellent autour des deux personnages principaux : le premier est un esthète snob qui veut tout régenter, le second est un vieux clown sage, qui pardonne tout à tout le monde. Le troisième larron endosse un rôle différent et vient constamment s’interposer entre les deux rivaux pour que tout le monde s’entende. Tout au long du spectacle DAVAÏ, les clowns transmettent, à travers des thématiques universelles, la dimension culturelle russe : « Les clowns russes sont des porteurs d’âme qui véhiculent leurs traditions », explique Madonna Bouglione, qui a fait découvrir en France l’art du clown russe.

À l’affiche de l’Année Croisée 2010

pour en savoir plus : notre site

www.fr.rbth.ru

MikhaÏl ChvydkoÏ

SpÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Elle avait pour titre « Pékin Amour Paris » : l’exposition itinérante des photographies de Charles Vapereau a été présentée pour la première fois dans la capitale française en 1894, à l’issue d’un voyage de 112 jours depuis la France jusqu’en Chine. Avec un peu d’imagination, on peut penser que le mot central, « amour », désigne Moscou, puisque le périple du photographe passait forcément par l’Empire russe. Il va de soi que ce n’est qu’une présomption, mais elle est aussi agréable que vraisemblable.Toujours est-il qu’en avril et mai, la collection deVapereau effectue une tournée russe, de Perm dans l’Oural jusqu’à Rostov-sur-le-Don et Moscou. Simultanément, le ballet de Lyon sillonne le pays avec « Giselle » revisitée par le Suédois Mats Ek, adulé du public russe. En avril également, trois exposition se font écho : à l’Hermitage de Saint-Pétersbourg, la « Collection de la Manufacture de Sèvres : XXe-XXIe siècles » ; à Moscou, « Paris vu par les peintres russes de la première partie du XXe siècle » ; et à Paris, « Nés en URSS, élevés en France ». Tout le monde sait que la capitale française a attiré les peintres russes, avant et après la révolution de 1917. Ces expositions d’artistes aussi célèbres que Chagal, Annenkov ou Soutine ne manquent pourtant pas de surprendre en ce qu’elles révèlent de nouvelles dimensions dans leurs œuvres et prouvent que l’on pouvait être russe et français à la fois, et participer des deux cultures en unissant leurs richesses. La collection de Sèvres, véritable découverte,

Tournée du cirque : - à Bordeaux du 8 au 16 mai - à Avignon du 22 au mai au 2 juin - à Paris le 12 juin (fête nationale russe sur les Champs de Mars) - reprise de la tournée en septembre Plus d’infos sur www.balagan-international.info

« Leur particularité est qu’ils ne donnent jamais l’illusion, ils ne font pas semblant, ils ne miment pas : ils font les choses. C’est la grande spécificité des clowns russes », ajoute la grande dame du cirque. Maxime Nikouline, directeur de la troupe, nourrissait depuis longtemps le désir de faire connaître le cirque russe en France. L’année croisée France-Russie l’a motivé. Créé pour un public européen, le spectacle DAVAÏ est une œuvre inédite qui allie la technique circassienne russe à la culture française, un mélange, explique Emilie Corbier, chargée de projet, entre « une forte tradition et un nouveau cirque épuré, des artistes au savoir-faire incroyable et d’autres qui tentent d’échapper aux contraintes techniques, la rencontre du monde des pleins et de celui des déliés ».

Konstantin Stoukalov( 2)

Le célébrissime cirque Nikouline de Moscou arrive en France pour présenter son spectacle DAVAÏ, dont la bouffonnerie des clowns Mikos constitue le clou.

En choeur, haut et fort !

La petite histoire de Nikouline représentation sous sa forme traditionnelle a lieu le 13 septembre 1985. Le bâtiment est ensuite détruit pour insalubrité (seule la façade est préservée). Youri Nikouline prend la direction de l’établissement et une ère nouvelle commence pour le cirque du Boulevard Tsvetnoï, avec une programmation rajeunie, plus innovante que jamais. En 1998, la direction générale du cirque, qui bénéficie du soutien de la Ville de Moscou, passe aux mains de Maxime Nikouline, le fils du « père » de la version moderne.

« Russie-Russia » au Jardin d'Acclimatation

quatrième édition de l’Univers de la Création

Foire Internationale de Bordeaux

Jusqu'au 16 mai, Jardin d’Acclimatation, Paris

Du 30 avril au 25 mai, Château du Clos Lucé, Amboise

8-17 mai, Parc des expositions de Bordeaux lac, Bordeaux

Le premier parc de loisirs parisien invite ses visiteurs, dans le cadre de l’Année France-Russie 2010, aux nombreux spectacles qui se succèdent chaque jour sur sa grande scène en plein air : danses tsiganes ou cosaques, musiques de l’Oural ou de la Volga, orchestres folkloriques jouant des instruments traditionnels (gusli, volynka et balalaïka), chœurs et chants populaires, cirque et numéros de clowns.

L’exposition met à l’honneur 25 maîtres d’art français et 14 artisans créateurs renommés de Moscou et Saint-Pétersbourg. Héritiers d’un savoir-faire ancestral, ces professionnels d’excellence associent la mémoire du geste aux techniques les plus innovantes. Facteur d’instruments de musique, tourneur sur bronze, feutrier ou plumassier, ces métiers parfois oubliés surprennent par la modernité des œuvres présentées.

La Foire internationale de Bordeaux met le cap sur la Russie pour son édition 2010. Immersion assurée en territoire russe, entre opéra et fête populaire, gastronomie de luxe et artisanat traditionnel, entre métropole branchée de Saint-Pétersbourg et nature sauvage du Transsibérien… Pièce maîtresse du Pavillon russe, l’exposition « Voyage en Russie », orchestrée par l’Opéra national de Bordeaux.

›› http://www.jardindacclimatation.fr

›› http://www.vinci-closluce.com

›› http://www.foiredebordeaux.com

Michail Chvydkoï est Comissaire du Comité d’organisation pour la Russie de l’Année France-Russie et ancien ministre de la Culture.

Le bonheur de Zakhar

L’illustre troupe des Kovgar, considérée comme l’une des plus grandes troupes de bascule de tous les temps

C’est le plus ancien cirque en dur de Russie, fondé par le grand artiste Albert Salamonski le 20 octobre 1880. Nationalisé en 1919, le Cirque de Moscou (sous son ancien nom) devient le premier cirque d’État. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ses spectacles se poursuivent sans interruption et tournent en dérision l’ombre noire du fascisme. Au début des années 60, Youri Nikouline se rend célèbre dans son rôle de clown. En 1983, il est nommé producteur en chef du vieux Cirque de Moscou, dont la dernière

présente l’étroite collaboration des maîtres russes (Boulatov, Steinberg, Poliakov) dans l’art de la porcelaine, et démontre une fois de plus que nos cultures sont définitivement complémentaires. C’est ce que confirme aussi le programme musical, théâtral et littéraire du mois d’avril dans les centres régionaux français. Le Festival Pouchkine à l’Opéra de Lyon présente « Eugène Onéguine », « La Dame de Pique » et « Mazeppa » de Tchaïkovski. Strasbourg et Rosheim se sont mises au russe : semaine du cinéma, soirées littéraires et musicales, journées de la cuisine russe. Le point d’orgue de cette programmation est le spectacle « Le Rêve de l’oncle de Dostoïevski », mis en scène par l’immense Temour Tchekhidze, dans la plus pure tradition du théâtre psychologique russe. La troupe merveilleuse du Grand Théâtre dramatique de Saint-Pétersbourg, guidée par ses coryphées, Alissa Freindlich et Oleg Bassilachvilli, présente un monde d’illusions et de leurres, aussi drôles que tragiques, comme toute vie humaine, en somme. Le mois de mai en Russie et en France promet d’être tout aussi riche en manifestations culturelles dans l’une comme dans l’autre. Tous se dérouleront à l’aune de notre fête commune, les 65 ans de la victoire sur le nazisme. Pour la première fois dans notre histoire d’après-guerre, les soldats français défileront sur la Place Rouge aux côtés des militaires russes, ceux d’autres pays de la CEI et du bloc antihitlérien. Pour nous rappeler que c’est grâce à cette victoire remportée ensemble que nos Muses parlent en chœur, haut et fort.

Chronique LitTÉraire

Éditions des Syrtes

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TitRe : Le Péché AUTEUR : Zakhar Prilepine Éditions des Syrtes

« Je me sentais heureux à la folie jusque dans mon sommeil. » Zakhar est heureux. N’allez surtout pas en déduire que la vie est belle ! la vie n’est pas belle, elle est précieuse, chaude et fragile comme un matin d’été avant le départ pour la guerre, comme la nuque duveteuse d’un enfant endormi, comme le sommeil de la femme qu’on aime. Le Péché est un « roman en nouvelles » qui retrace des moments de la vie de Zakhar. Ici, l’enfance, avec ses jeux, la perte irréparable de l’ami, l’adolescence et les premiers émois amoureux ; là, le père de famille comblé, plus loin encore, le célibataire trentenaire, sérieux compagnon de bouteille, tantôt videur de boîte de nuit, tantôt fossoyeur, soldat ou journaliste comme le fut en son temps l’auteur. Écrivain à la réputation sulfu-

reuse, Zakhar Prilepine s’efface ici devant son héros, Zakhar (qui porte son nom, en fait son pseudonyme), faisant de nous les témoins attendris de sa perception de la vie, de son bonheur d’autant plus vif que la mort lui fait pendant et qu’il n’est pas toujours donné de lui échapper. La vie palpite, elle bouillonne comme le sang dans la blessure ouverte. Et, tandis que le héros clame comme un leitmotiv son bonheur, la mort veille, toujours prête à ravir la vie de l’adolescent insouciant qui part à la guerre, de l’ivrogne frôlé par les roues du train, du conducteur distrait qui échappe à l’accident, du soldat qui tombe dans l’embuscade. Même si Le Péché s’appuie largement sur des faits vécus par l’auteur, ce n’est pas pour autant un texte autobiographique. Plus qu’un prétexte pour mettre en scène son bonheur ou l’analyser, le choix de la fiction offre à Prilepine celui d’affirmer dans la prose et la poésie son goût de l’écriture et, par son travail d’écrivain, de « gagner un espace inondé de soleil tiède et blond comme une bière, où est offerte à chacun une gloire de son vivant, où il est promis l’amour posthume peut-être pas éternel, mais suffisant pour qu’on ne l’oublie pas, ne serait-ce que le temps d’un repas funèbre. » Avec Le Péché, Zakhar Prilepine peut être rassuré, il a déjà sa place au premier rang des écrivains russes. Préparé par Christine Mestre


Culture

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Entretien Iouri Avvakoumov milite contre la destruction du patrimoine architectural de la capitale russe

Les « Architectes de papier » au secours des chefs d’œuvre en péril du vieux Moscou Observez-vous un intérêt de plus en plus vif pour l’avant-garde russe ? En quoi les œuvres de ce mouvement sont-elles toujours d’actualité ? Dans les années 1980, j’étais le seul architecte qui revendiquait l’utilisation des styles constructiviste et suprématiste dans mon travail. Récemment, lors d’un concours des plus beaux bâtiments de Russie, le premier prix fut décerné à une école d’enseignement général moscovite qui semble entièrement d’influence constructiviste. Si l’indéboulonnable maire de Moscou, Iouri Loujkov, ne s’y était pas opposé, Moscou serait aujourd’hui une ville constructiviste.

Nora FitzGerald

SpÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

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Pouvez-vous décrire le mouvement des « Architectes de papier » en Russie, l’ambiance sociale qui régnait à cette époque et ce contre quoi ces architectes luttaient ? L’architecture de papier était un genre d’architecture conceptuelle en URSS dans les années 1980, il s’agissait de plans qui n’ont jamais vu le jour, de « projets de projets ». Historiquement, la formule « architecture de papier » était une expression péjorative qui est apparue à la fin des années 1920 et désignait des idées absurdes éloignées des exigences vitales. Pour nous, c’était l’occasion de présenter nos projets dans des concours internationaux à l’étranger en contournant les restrictions imposées par les censeurs soviétiques. Nous formions également un groupe de jeunes architectes utopiques diplômés de l’Institut d’Architecture de Moscou.

Projet « Matriochka » conçu par Avvakoumov en 2004.

Quel est l’état de l’architecture russe aujourd’hui ? Le secteur de la construction, en Russie comme partout ailleurs, est en crise, et ceci est une bonne chose ! Car la rapidité avec laquelle les bâtiments historiques de Moscou sont rasés et remplacés par des centres commerciaux et des immeubles de bureaux pendant les années fastes de la promotion immobilière est sans précédent. Les architectes, comme l’a montré le dernier Festival russe d’architecture, travaillent maintenant davantage sur des projets sociaux.

Architecture Les Moscovites réalisent que la silhouette de leur ville change... pour le pire

Halte à la défiguration de la capitale

Au cours des deux dernières décennies, Moscou a perdu plus de 1 000 bâtiments historiques. Les défenseurs du patrimoine peinent à se faire entendre des autorités.

deux dernières décennies, parmi lesquels plus de 200 monuments classés. Le mouvement pour la sauvegarde du patrimoine architectural s’est fait connaître dans les années 1970 en s’opposant à la démolition à grande échelle du Moscou historique, avant de se joindre au combat des écologistes dans les années 1980. Il a luimême livré un combat acharné en 2004, année maudite pour trois des bâtiments les plus en vue de Moscou, près du Kremlin : un feu détruisit la galerie d’exposition « Manège » datant du XIXe siècle, tandis que la municipalité fit raser l’Hôtel Moskva ainsi queVoentorg, un grand magasin militaire édifié en 1910. Le groupe passa alors à l’action, lançant son site Internet Moskva.kotory.net, alias « Le Moscou qui n’existe plus », avant de créer « Archnadzor », qui regroupe divers mouvements de sauvegarde disparates.

Kevin o’flynn

De nombreux visiteurs étrangers ne connaissant pas Moscou aiment à se rendre au Café Pouchkine, une demeure surdécorée transformée en restaurant à partir du début du XIXe siècle. Or tout y est factice. Le Café Pouchkine est un pastiche tout droit sorti d’une célèbre chanson de Gilbert Bécaud. Il n’irritait guère les défenseurs du patrimoine architectural de Moscou, jusqu’au jour où son propriétaire s’est emparé du bâtiment voisin pour y ouvrir un restaurant de cuisine fusion asiatique, en sacrifiant le style de la construction. Telle est, depuis une quinzaine d’années, la triste histoire du patrimoine architectural de Moscou, où l’on a vu des bâtiments historiques démolis, brûlés ou défigurés sans scrupules. Une exposition qui vient de se terminer au Musée d’architecture Schussev de Moscou a mis en opposition la capitale telle qu’elle apparaissait en 1993 et telle qu’elle est devenue. « Moscou a subi des changements d’une ampleur phénoménale », selon le conservateur Alexander Mozhayev. La Moscow Architecture Preservation Society (MAPS), une organisation non gouvernementale créée par un groupe d’architectes et de journalistes, estime à plus de mille le nombre de bâtiments d’intérêt historique disparus au cours des

Le Café Pouchkine n’est qu’une reconstitution au nom d’un passé romantisé mais si peu respecté... Le mouvement de sauvegarde attire un grand nombre de bénévoles, des avocats, des architectes mais aussi des étudiants qui travaillant côte à côte. Il a récemment touché une corde sensible en mettant sur pied un cortège funéraire derrière un faux cercueil, en direction du site d’un bâtiment historique de Moscou

mikhail klimentiev_epsilon

spÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Aux activités éducatives et aux manifestations s’ajoutent des initiatives juridiques pour changer les lois et inscrire des bâtiments sur des listes de monuments historiques. Certaines des propositions auraient été retenues par la ville de Moscou.

Le coeur historique de Moscou est défiguré par d’éternels chantiers.

qui n’existe plus. Cette manifestation fut réprimée par des unités antiémeute tout au long de son parcours. Les villes provinciales sont également exposées à une promotion immobilière effrénée et à l’invasion des centres commerciaux. MAPS a récemment produit un rapport sur Samara, une ville d’affaires qui présentait autrefois un mélange éclectique de styles architecturaux contrastés, alliant de charmantes izba en bois à de beaux exemples de constructivisme. Selon le rapport, Samara était menacée de « destruction aussi dévastatrice que le bombardement des villes européennes pendant la Seconde Guerre mondiale ». En réponse, les autorités locales ont promis d’aider l’association à restaurer un bâtiment en bois du XIXe siècle : de quoi créer un précédent bienvenu dans la préservation du patrimoine architectural russe.

Biographie

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Les « Architectes de papier », un groupe non conformiste né au temps de l’Union soviétique, élaboraient à l’époque des projets condamnés à ne pas être réalisés. Aujourd’hui, c’est ce qui existe qui est menacé...

Iouri Avvakoumov est architecte, artiste et conservateur. Né à Tiraspol en 1957, il a obtenu en 1981 un diplôme de l’Institut d’Architecture de Moscou. Depuis 1982 il organise des expositions d’art et d’architecture, auxquelles il participe également. Il est l’un des membres fondateurs du groupe des « Architectes de papier » et il a créé en 1988 le studio AGITARCH.

Quel est votre bâtiment préféré à Moscou ? Mes bâtiments préférés à Moscou sont ceux qui risquent à présent d’être démolis : le « Monde des enfants » d’Alexeï Douchkine, l’imprimerie d’Ogonyok d’El Lissitzky, la Maison centrale des Artistes de Nikolay Sukoyan.

le et aussi pour la simple raison que toute destruction porte atteinte à notre environnement. Le futur imaginé dans le roman de Ray Bradbury, « Fahrenheit 451 », c’est ce qui se déroule actuellement, à la différence près qu’en Russie ce ne sont pas les livres qui sont brûlés mais les immeubles.

Pensez-vous que les Russes devraient davantage se préoccuper de la conservation des bâtiments modernistes ? Je ne diviserai pas l’architecture en différents styles afin de déterminer ce qui doit être conservé et ce qui ne doit pas l’être... Les bâtiments devraient être conservés en tant que monuments de la culture matériel-

Qu’espérez-vouspourl’architectureetlepaysageurbaindeMoscouau cours de la nouvelle décennie ? Il n’y a pas d’espoir d’amélioration, il n’y en a jamais eu et il n’y en aura jamais. Mais je ne peux pas m’y résoudre. Je rêve que je vais me réveiller demain matin et que la banque qui, aujourd’hui, me cache la vue du Kremlin aura disparu...

Cinéma Les studios russes subventionnés à hauteur de 50 millions d’euros

Le Kremlin renoue avec le grand écran Finies les années de vaches maigres ! Les huit principaux producteurs du cinéma russe viennent d’obtenir de l’État une aide de 6,3 millions d’euros chacun pour mieux résister au cinéma américain. ALEX ANISHYUK

THE MOSCOW TIMES

L’an dernier, alors que les films russes continuaient à céder les premières places du box-office aux blockbusters hollywoodiens, le ministère de la Culture avait été critiqué pour l’inefficacité de son soutien, certains films financés par l’État n’étant même pas sortis sur les écrans. La leçon a été retenue. Parmi les producteurs bénéficiaires des subventions annoncées en mars : la compagnie « Trite » du réalisateur Nikita Mikhalkov, la société de production d’Igor Tolstounov, Art-Pictures, dont le réalisateur Fiodor Bondartchouk est l’un des cofondateurs ou encore Bazelevs, de Timour Bekmambetov. En novembre 2008, le premier ministre Vladimir Poutine avait fustigé en ces termes le secteur cinématographique lors d’une réunion gouvernementale sur le sujet : « Il me semble que les problèmes que connaît l’industrie du cinéma russe ne concernent pas le montant des fonds ou les avantages fiscaux dont elle bénéficie. Le vrai problème, c’est la gestion de ses ressources, sa capacité de créer un produit compétitif pour conquérir le public russe et étranger ». Le gouvernement a décidé d’augmenter le financement du secteur cinématographique de 55 %

en 2010. Le ministère de la Culture dispose de 849 millions de roubles (21,6 millions d’euros) pour subventionner le cinéma pour enfants, le cinéma d’art et d’essai et le cinéma expérimental, 300 millions de roubles (7,6 millions d’euros) étant par ailleurs réservés pour récompenser les films attirant plus d’un million de spectateurs. L’argent restant ira à la production de films ayant une « fonction sociale importante ». Ce système fonctionnera pendant deux ans, et par la suite, de nouveaux bénéficiaires seront choisis en fonction des critères approuvés. Pour l’attribution des aides, « nous devons nous concentrer sur des critères précis, sans faire place à la subjectivité. Ces critères doivent être transparents pour tout le monde », a déclaré le vice-premier ministre russe Alexandre Joukov à l’agence Interfax. Sont pris en compte les audiences en salle et à la télévision, la participation aux principaux festivals de cinéma, les prix et les récompenses obtenus et l’expérience des sociétés de production. Mais les recettes du boxoffice ne seront pas retenues car le nombre de salles de cinéma varie au fil des années, a indiqué Oleg Ivanov, le directeur de la société Movie Research qui a établi les critères de sélection. L’an dernier, les recettes pour 78 films produits en Russie ont représenté 131 millions d’euros dans la Communauté des États indépendants (CEI), en baisse de 16,8 % par rapport aux 165,5 millions d’euros en 2008, selon les chiffres du magazine Russian Film Business Today.


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Gastronomie

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Traditions Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es : la cuisine est une culture

RECETTE

Des spécialités de terroir qui gagnent à être connues

Pelmeni : patience sibérienne

La cuisine russe est abusivement considérée comme monotone. En réalité, nombre de recettes n’ont simplement jamais franchi ses frontières... pour cause d’étrangeté ! MAKSIM SIRNIKOV

La cuisine d’un peuple reflète son territoire. Le terrtoire de la Russie est vaste mais sa terre peu fertile et la rigueur du climat en interdit la culture pendant la majeure partie de l’année. En revanche, le pays a toujours été riche en forêts. Les forêts de feuillus et la taïga conifère pouvaient fournir aux Russes le combustible nécessaire à l’utilisation quotidienne de l’élément central d’une maison traditionnelle russe, le poêle. Servant à la fois de chauffage et de four, le poêle russe a, selon les critères techniques modernes, un coefficient de rendement très faible, qui ne dépasse pas 30%. Il est si vaste qu’un adulte peut y pénétrer, par exemple pour s’y laver pendant les grands froids. Pour atteindre la température nécessaire à la cuisson du pain, il faut y mettre au moins une dizaine de bûches, presque un arbre de petite taille. Mais quand un bon poêle est chaud, on peut y préparer en même temps plusieurs plats demandant une longue cuisson, faire du pain et des tartes pour une grande famille. C’est justement ce lent refroidissement permettant de maintenir la chaleur à l’intérieur du four jusqu’à 8-12 heures après l’allumage, qui a permis aux Russes de créer leur cuisine nationale. La cuisine traditionnelle n’a jamais connu la cuisson à feu vif : tous les plats mijotent pendant des heures dans le four, sans

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SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AJOURD’HUI

ajouts de graisse ou de beurre. C’est-à-dire dans leur propre jus. La soupe russe la plus connue et la plus populaire est sans aucun doute le chtchi. Les étrangers ont du mal à en saisir la saveur. Ainsi, au XVIIe siècle, l’ambassadeur d’Italie à Moscou écrivait-il : « s’ils organisent un grand festin, ils préparent un

brouet avec de la nourriture et quelques feuilles de chou découpées. Si ce plat ne s’avère pas à leur goût, alors ils y ajoutent beaucoup de lait fermenté ». En fait, il existe plusieurs variantes du chtchi. Et le penchant national pour les soupes a fait que la cuisine russe en compte 115. La choucroute était le légume principal consommé pendant

TROIS GRANDS CHEFS FRANÇAIS JUGENT LA CUISINE RUSSE

Ils y ont goûté, mais ne se sont pas tous resservis... Kamel Benamar

CHEF DES RESTAURANTS VANIL ET BOLCHOÏ

Je pratique la cuisine russe en l’aménageant au goût français. J’essaye d’alléger les recettes traditionnelles, en les affinant, débarrassées de mayonnaise, de gras. Le champ n’est pas infini, mais il y a des choses intéressantes. Je fais une salade Olivier au saumon par exemple, ou une côtelette à la Kiev au foie gras. J’ai été surpris par la grande variété des soupes, chaudes, froides, acides, amères, à la betterave, au kvas. J’aime beaucoup le borchtch. Le problème, c’est qu’il n’y a pas vraiment de culture gastronomique en Russie.

Patrick Chonavey

CRÉATEUR DE RECETTES

J’aime beaucoup la cuisine russe, je la respecte et ne suis pas chauvin. Je trouve qu’elle ressemble à la cuisine européenne dans son ensemble, et j’en suis souvent consommateur moi-même. Mon plat préféré est la soupe solianka. En ce moment, mon travail consiste à imaginer des sandwiches et des salades « européens », mais avec des produits typiquement russes. Je fais aussi des expériences consistant par exemple à prendre le grand classique qu’est le pelmeni, et le fourrer au foie gras, qu’il faut importer.

Eric le Provos

CHEF DU CARRÉ BLANC

La seule tradition gastronomique que la Russie ait jamais connue, c’est la cuisine française importée avant la Révolution puis perdue au temps de l’Union soviétique. Aujourd’hui, c’est une cuisine faite pour manger, pas pour déguster. Les plats les plus savoureux sont empruntés aux ex-républiques du sud. La cuisine russe obéit au concept du banquet. Les plats sont servis simultanément sur la table, on mange pendant des heures. D’où les salaisons, la viande cuite longuement. Mon plat préféré, c’est le kholodets.

l’hiver et le printemps, car elle se conservait facilement. De plus, ce mode de préparation du chou accroît la quantité de vitamines. L’oignon et l’ail sont également utilisés depuis la nuit des temps, à l’inverse de la salade verte qui n’a jamais eu de succès en Russie où elle était considérée comme de « l’herbe ». D’une façon générale, la salaison des légumes et des champignons, et la fermentation lactique ou « aigrissement », est une partie importante de la cuisine russe. La saumure des cornichons et du chou a jadis joué dans notre cuisine nationale le même rôle que la sauce de soja dans les pays du Sud-Est asiatique. Il y eut une époque où l’on faisait beaucoup de salaisons de canards et d’oies. Et les poissons les plus nobles sont encore aujourd’hui abondamment et différemment salés. Dans « Domostroï », un traité du XVIe-XVIIe siècle sur la morale et l’économie domestique qui a marqué son temps, on trouve 10 méthodes de salaison du poisson. Et n’oublions pas le fameux caviar noir. Le lecteur contemporain sera probablement surpris d’apprendre qu’il y a quatre cents ans, dans certaines villes de l’Oural, pendant les années maigres on ajoutait du caviar d’esturgeon séché à la farine en tant que substitut le moins cher. Enfin, on utilise du poisson pour préparer des sortes de tourtes qui ne sont connues qu’en Russie : koulebiaka, rybnik, rasstiagaï. « On peut de tout faire une tourte », dit-on chez nous. Il y a une grande variété de farces, de types de pâtes et de tourtes proprement dites : ouvertes ou fermées, au fromage blanc doux ou aigre (vatrouchki), sucrées ou salées. La pâtisserie demeure le fer de lance de notre cuisine nationale. Il faut également mentionner les incontournables okrochka et botvinia, ces soupes froides à base de kvas de pain, la boisson nationale fabriquée avec du malt ou de la farine. Il semble que l’okrochka soit le seul plat laissant sceptiques - et c’est un euphémisme - les étrangers les plus intrépides. S’y accoutumer n’est pas chose aisée. Il vaut mieux y avoir trempé ses lèvres depuis sa plus tendre enfance avec le kvas préparé par mamie... Certains ont toutefois réussi à briser la barrière culinaire. Théophile Gautier, au terme d’un voyage en Russie au milieu du XIXe siècle, a conclu que le temps était un facteur clé pour apprécier la cuisine locale : « Après un séjour de quelques mois, on finit par prendre goût aux ogourtzis, au kvas et au chtchi, le potage national russe... ». Maksim Sirnikov est l’auteur de plusieurs ouvrages culinaires

Jennifer Eremeeva

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Voilà mon amie Suzanne qui me demande si j’ai une recette de pelmeni sibériens. Seule la plus grande ingénuité a pu lui mettre en tête de se lancer dans une entreprise aussi éreintante ! « Mes filles avaient une nounou russe qui leur cuisinait d’extraordinaires raviolis à la viande », se justifie-t-elle, « et après son départ, nous n’avons rien trouvé qu’elles aiment autant ». Je n’arrive pas à imaginer Suzanne, une productrice de télévision intelligente, élégante et au sens artistique très développé, couverte de farine et de la farce à pelmeni des pieds à la tête. Ni qu’elle puisse consacrer une journée et demie au processus. Pour dire les choses simplement, les pelmeni et Suzanne ne semblent pas faits les uns pour l’autre. La vie de Suzanne n’a rien à voir avec celle des femmes des anciennes tribus finno-ougriennes. Bien qu’elle soit très active, elle ne transporte pas ses provisions sur son dos. Peu lui importe que la pâte du ravioli dissimule l’odeur de la viande et n’attire pas les dangereux prédateurs

des forêts nordiques. Le climat dans lequel vit notre Londonienne de Suzanne n’est pas assez froid pour permettre la congélation instantanée, bonheur des ménagères sibériennes, qui se rassemblaient autour de l’animal abattu pour former une chaîne d’assemblage à rendre jaloux Henry Ford : elles jonglaient avec la viande fraîche et la pâte simple pour fabriquer des centaines de pelmeni délicieux, qu’elles enfouissaient ensuite dans la neige, pour préserver instantanément leur fraîcheur et stocker des provisions pour le long hiver sibérien. Chère Suzanne, si tu peux faire une pause de deux jours dans ta vie frénétique, tu trouveras ci-dessous la recette des pelmeni. Quant à vous, chères lectrices (ou chers lecteurs), suivez le dicton russe selon lequel, si vous avez décidé de vous donner tant de mal pour fabriquer des pelmeni, autant en faire beaucoup. Surtout, prenez votre temps, parce que les pelmeni ne supportent pas d’être bâclés. Et prenez exemple sur les villageoises sibériennes : embrigadez quelques amis patients, et faites-en une entreprise collective !

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Ingrédients :

Pour la pâte : 750 g de farine 1 cuiller à café de sel 3 œufs entiers 8 cl d’eau chaude Pour la farce : 250 g de bœuf 250 g de porc 1 oignon 1 cuiller à soupe de sel Poivre noir en grains Une pincée de marjolaine ou des épices à votre goût (à noter que les pelmeni sibériens classiques ne sont pas épicés du tout, et le goût dépend de la garniture, alors que la version balte inclut de la marjolaine, et je pense que c’est une bonne idée).

Préparation :

La pâte : mélangez la farine et le sel dans un grand saladier. Percez un puits et ajoutez les œufs et l’eau. Pétrissez la pâte sur une surface farinée jusqu’à ce qu’elle devienne homogène. Couvrez avec un bol et laissez reposer une heure. Mélangez la viande, l’oignon, le sel et les épices à l’aide d’un robot jusqu’à l’obtention d’une mas-

se homogène. Couvrez et laissez de côté. L’assemblage : utilisez un rouleau à pâtisserie. Roulez la pâte jusqu’à ce qu’elle devienne très fine, pas plus de 2 mm. En utilisant un moule à tartelettes ou un verre, découpez des disques de 7 cm de diamètre environ. Au centre de chaque disque, placez une boulette de viande. Pliez le disque en demi-lune et enfermez la viande en pinçant les bords. Puis joignez les deux pointes du croissant et pincez encore pour former le ravioli final. La cuisson : portez à ébullition une grosse casserole d’eau salée. Ajoutez une cuiller à soupe d’huile, puis plongez les pelmeni, un par un, en veillant à ne pas trop remplir la casserole et à ce que les pelmeni ne collent pas les uns aux autres. Laissez cuire pendant 4-6 minutes, ou jusqu’à ce que les pelmeni remontent à la surface. Égouttez. Servir les pelmeni : les Sibériens les mangent avec du vinaigre acide et de la moutarde forte, les Russes de la Russie occidentale les enduisent de beurre fondu ou de crème fraîche. On sert souvent les pelmeni dans un bouillon. Dans ce cas, on les plonge cuits dans du bouillon chaud et on sert immédiatement.

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Julia Golikova golikova@rg.ru Tél.: +7 (495) 775 3114


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