Distribué avec
Rolin prend le train Embarqué à bord du Transsibérien, l’écrivain nous confie à quel point la Russie l’a influencé. P 11
ALEXANDER AVERIN
À l’école du Bolchoï Après 10 ans passés dans l’école de danse du célèbre ballet, la jeune danseuse Michelle Willems loue une pédagogie sévère mais qui porte ses fruits.
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
P 10
Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 21 juillet 2010
Art contemporain 63 expositions attirent ce mois-ci à Moscou une nouvelle génération de créateurs venus du monde entier
DANIELA EDBYRG/THE ATOMICS//YOUNGART.RU
Les jeunes artistes sur le « qui-vive »
EMMANUEL GRYNSZPAN SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Sasha Shchednov, 22 ans, débarque un peu impressionné de Voronej, pour participer parmi 600 autres artistes, russes comme étrangers, à cette biennale intitulée « Qui-vive ». Venu avec un simple sac à dos et une grosse
pile d’autocollants – de sa création – il ne rate aucun vernissage et s’efforce de lier connaissance avec autant de congénères que possible. Au vu d’un duo d’artistes allemands aux visages reliés par des fils, exécutant une chorégraphie complexe, il lâche, goguenard : « Ils sont très beaux, mais je ne vois pas bien où ils veulent en venir ». Pourtant, les autocollants d’inspiration dadaïste que Sasha colle un peu partout dans les rues ne coulent pas de source eux non plus.
« En franchissant la frontière » de l’artiste méxicaine Daniela Edburg, évoque l’absurdité des barrières nationales.
SUITE EN PAGE 12
Emploi La crise change le marché
Les travailleurs indépendants ont le vent en poupe Personne ne sait au juste combien d’indépendants travaillent en Russie. Une chose est sûre : le nombre de consultants et d’intérimaires grimpe à toute allure. OLGA RAZUMOVSKAYA THE MOSCOW TIMES
Polina Greus, jeune chercheuse en économie à l’Université d’État de Moscou, est devenue artisante textile indépendante par hasard en entrant dans un magasin de jouets. Elle est tombée sur
une petite annonce proposant des cours de fabrication de poupées. Venue pour acheter quelque chose à son fils, elle est ressortie avec un abonnement à l’atelier indiqué. Aujourd’hui, il lui faut deux semaines environ pour fabriquer une poupée, en travaillant de 9 à 17 h. Enceinte de son deuxème enfant, Polina trouve que son activité de travailleur indépendant complète agréablement ses revenus. « Ce n’est qu’une toute petite fraction de mon salaire à l’uni-
versité, dit Polina. Le travail indépendant est aussi une façon de m’exprimer ». Selon Denis Strebkov, sociologue à la Haute École d’Économie, parmi les 70 millions d’actifs en Russie, ils sont aujourd’hui 500 à 600 000 indépendants à temps plein, soit trois fois plus qu’avant la récession de 2008. Cette proportion de 1% des travailleurs qui considèrent que leur source principale de revenus vient du travail indépendant est minuscule par rapport aux 30% enregistrés aux ÉtatsUnis et en Europe. Selon la Haute École d’Économie ; 50% de tous les indépendants à plein temps gangnent jusqu’à 660 euros par mois, 30% entre 650 et 1300 euros. Enfin, 20% gagnent davantage. Beaucoup se définissent comme des « artistes libres ». SUITE EN PAGE 3
Train pendulaire : le projet d’Alstom sur les rails Le groupe français teste actuellement son train pendulaire sur les voies ferrées russes en prévision de son exploitation sur la ligne reliant Saint-Pétersbourg à Helsinki. PAUL DUVERNET
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Selon Alstom Transport, les essais réalisés jusqu’à une vitesse de 120 km/h se sont révélés concluants. Reste encore à tester la grande vitesse (220 km/h)
SUITE EN PAGE 5
Medvedev n’est pas revenu des États-Unis les poches vides malgré l’affaire des espions.
Le groupe français a avalé un gros concurrent local et se pose d’un coup en numéro 2 sur le marché laitier russe.
L’archipel des îles Solovki a tiré un trait sur son passé tragique et devient une destination touristique très prisée.
PHOTOXPRESS
Rédemption nordique
VOSTOCK-PHOTO
Danone change la donne
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Mollesse en Asie Centrale
sur les voies ferrées russes. Invités à couvrir l’événement par la compagnie des chemins de fer russe (RJD), les médias locaux ne se sont pas fait prier pour relayer l’information auprès de la population. Ce train pendulaire, nettement plus rapide que le matériel classique, va permettre de réduire la durée du trajet de 5h30 aujourd’hui à 3h50 dès qu’il entrera en exploitation, c’est-à-dire en décembre de cette année.
Réchauffement
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DÉBATS ET OPINIONS
Transport La grande vitesse s’installe
L’expert Ilia Kramnik s’interroge sur le refus du Kremlin d’intervenir pour stopper la violence au Kirghizstan. PAGE 8
Bien commun ou liberté Plus de trains pour préserver la justice sociale, ou plus de voitures pour rerspecter la liberté individuelle... la Russie n’a pas encore trouvé sa voie. PAGE 8
WILLIAM BRUMFIELD
La seconde édition de la biennale des jeunes intègre l’effervescente création russe dans la scène internationale et favorise le dialogue de centaines d’artistes entre eux.
SVETOZARA ALEKSANDROVA/YOUNGART.RU
« Track Store », une création de Zara Alexandrova.
02
International
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Relations bilatérales Les intérêts des deux pays se rejoignent
Diaporama sur larussiedaujourdhui.fr
Rapprochés par la crise mondiale et les défis géopolitiques, Moscou et Washington préfèrent taire leur divergences pour débrider les échanges économiques et technologiques. BEN ARIS
BUSINESS NEW EUROPE
Le président russe Dmitri Medvedev n’est pas rentré les poches vides de sa tournée aux ÉtatsUnis en juin dernier. Des entreprises américaines misant sur le secteur de la haute technologie en Russie – l’essence même de la volonté de modernisation de ce pays – lui ont dit ou confirmé leur intention d’y engager d’importants investissements. La Russie pourrait ainsi sceller un partenariat avec la société Cisco Systems. Ce concepteur de réseaux informatiques américain prévoit d’investir plus d’un milliard de dollars dans le parc technologique de Skolkovo, dont Moscou voudrait faire l’équivalent de la Silicon Valley dans les environs de la capitale. « Je confirme effectivement que notre société est en pourparlers à propos du projet Skolkovo », a déclaré Alexander Palladin, un porte-parole de Cisco Systems Russie. « Les détails sont actuellement examinés au siège de la société aux États-Unis ». Depuis sa prise de fonctions, M.Medvedev s’efforce de conduire une révolution tranquille pour faire entrer la Russie dans le vingt-et-unième siècle. La tâche nécessite de profondes réformes s’attaquant notamment à des problèmes aussi solidement enracinés que la corruption et une bureaucratie écrasante.
Avant son voyage, M.Medvedev avait, lors du Forum économique annuel du Kremlin à SaintPétersbourg, fortement critiqué le rôle dominant de l’État dans l’économie : « Les gens pensent souvent que c’est la personne qui récolte les pommes qui fait le plus gros du travail, mais en réalité, la tâche cruciale revient à celui qui plante le pommier », avait-il déclaré dans son discours du 18 juin dernier. « L’État ne doit pas systématiquement récolter seul les pommes. Dans une économie libre, il y a toujours des personnes capables de le faire mieux et plus vite ». Élément clé de la reconstruction
Les deux pays délaissent la diplomatie des bruits de bottes et se concentrent sur leurs intérêts économiques de l’image de la Russie sur la scène internationale, la visite américaine a donné lieu un accueil des plus chaleureux à Washington. Le Président Barack Obama est lui aussi désireux d’actionner le bouton du « redémarrage » de la relation américano-russe. Les deux pays ont abandonné la diplomatie des bruits de bottes pour se recentrer sur leurs intérêts économiques partagés : ce sont désormais les affaires qui dictent l’ordre du jour. La preuve en est fournie par la décision de M. Medvedev de commencer sa tournée par une étape de plusieurs jours en Californie où il a, entre autres, ouvert un compte Twitter et reçu un iPhone 4G
de la part de Steve Jobs, le PDG de Apple. À Washington, les deux chefs d’État ont signé un éventail d’accords dans les domaines de la sécurité, du commerce et de la coopération intergouvernementale. Mais on retiendra surtout le geste du Président Obama qui s’est engagé à soutenir fermement la candidature de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), un dossier vieux de dix-sept ans. Toutefois, juste après le départ de M.Medvedev pour le sommet du G20 au Canada, un événement est venu ternir l’éclat de sa tournée, avec l’annonce de l’arrestation de onze personnes accusées d’espionnage sur le territoire américain pour le compte de la Russie. Washington et Moscou ont aussitôt cherché à minimiser le scandale en affirmant qu’il n’aurait aucune incidence sur les relations entre les deux gouvernements. Certains commentateurs n’ont pas tardé à prétendre que les arrestations avaient été orchestrées dans les cercles washingtoniens par un groupuscule hostile aux efforts de rapprochement avec Moscou entrepris par M.Obama. Pour autant, une avalanche de gros titres dignes de la Guerre froide, au moment où M.Medvedev arrivait à Toronto pour la conférence du G20, ne semble pas devoir entamer le prestige nettement en hausse de la Russie. Timothy Ash, économiste en chef au sein de la Royal Bank of Scotland, estime « évident » que les intérêts de la Russie et de l’Amérique « sont actuellement sur la même ligne ».
PETE SOUZA_AP
L’heure reste au réchauffement malgré les espions
Barack Obama s’est engagé à soutenir la candidature de la Russie auprès de l’OMC.
Espions démasqués et échangés Dix agents travaillant pour les services de renseignement extérieurs russes ont été inculpés, le 27 juin dernier, « d’avoir comploté comme agents secrets aux États-Unis pour le compte de la Fédération de Russie », neuf d’entre eux étant également accusés de blanchiment d’argent. Ces dix agents « dormants » ont été expédiés à Vienne par les États-Unis dans le cadre d’un échange d’espions entre les deux pays, le premier depuis la fin de la Guerre froide. Moscou a de son côté libéré quatre individus détenus depuis longtemps « pour des contacts présumés avec les services de renseignement occidentaux ». « Cette action a été accomplie dans le contexte général de
Matières premières Rivalités internationales
BEN ARIS, TIM GOSLING
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le groupe français Total a déjà manœuvré pour faire échouer un projet du pétrolier russe Loukoil en Ouganda. Le russe discute avec le gouvernement local depuis le début de cette année pour développer cinq champs pétroliers près du lac Albert. Loukoil semble avoir de bonnes chances de décrocher l’affaire. Les entreprises russes bénéficient désormais d’un solide soutien du Kremlin. L’Ouganda négocie parallèlement l’achat de six avions de chasse Su-30 MK2. Un troc avions contre pétrole arrangerait bien Kampala, qui n’a pas les 300 millions de dollars nécessaires.Troc que Total n’est pas en mesure de proposer. Les sociétés russes sont déjà bien ancrées dans l’économie africai-
ne. Loukoil travaille sur quatre projets en Afrique contre trois pour le géant d’Etat Gazprom . Les métallurgistes russes Rusal, Norilsk Nickel et Evraz exploitent déjà des mines dans plusieurs pays africains. Le flot des investissements directs russes a connu un léger tarissement à cause de la crise, mais reprend cette année, comme en témoigne l’achat par Severstal de 16,5% de Core Mining avec une option sur une part de 44% supplémentaire. Ce groupe panafricain possède des gisements de minerai de fer au Gabon et en République démocratique du Congo Brazzaville. La banque HSBC a publié le 30 juin dernier un rapport assez alarmiste sur l’avenir des entreprises occidentales en Afrique. En forme de mise en garde : si les sociétés occidentales commencent à investir et créer des entreprises sur des marchés à évolution rapide, elles courent un vrai risque de se retrouver hors jeu. Certaines élites politique formées à Moscou pendant la décolonisation gardent une grande estime pour le « grand frère » russe, bien qu’il
5,43
MILLIARDS DE DOLLARS Commerce entre la Russie et les États-Unis de janvier à avril 2010. Le commerce avec la France s’élève à 6,25 milliards de dollars.
10,1%
Taux de croissance du commerce entre la Russie et les États-Unis par rapport 2009. Les échanges avec la France ont bondit de 37,9% SOURCE : SERVICE FÉDÉRAL DES DOUANES RUSSES
Douanes L’Eurasie passe au libre-échange
Moscou joue des coudes en Afrique La Russie tente de se frayer un passage sur le continent noir et affronte la forte concurrence des pays occidentaux, mais aussi des asiatiques en quête de ressources naturelles.
l’amélioration des relations russoaméricaines », a déclaré le ministère des Affaires étrangères russe. Pour Moscou, l’incident d’espionnage est désormais clos. Selon Le Kremlin, les liens entre Washington et Moscou pourraient même en ressortir raffermis. Les dix agents arrêtés aux États-Unis ont été soumis, à leur retour, à un interrogatoire des services secrets russes. À Washington, le chef de cabinet du Président Obama, Rahm Emanuel, a indiqué que l’arrestation des espions « lance un signal clair, non seulement à la Russie mais aux autres pays qui voudraient essayer [d’envoyer secrètement des agents], que nous les surveillons ». Voir aussi notre revue de la presse russe en PAGE 9.
CHIFFRES CLÉS
Marché commun des grincheux Le coup d’envoi de la nouvelle union douanière entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan a été donné le 6 juillet dernier. Mais plusieurs questions essentielles restent en suspens. ALEXEI NIKOLSKY, ALENA CHECHEL, MAXIM TOVKAYLO VEDOMOSTI
L’Afrique n’attire pour l’instant que 1,5% des investissements directs russes.
ait été pratiquement absent du continent pendant 20 ans. L’Afrique a attiré un total de 88 milliards de dollars d’investissements en 2008. Chinois et Indiens se montrés les plus agressifs en investissant respectivement 14,4 et 16,7 milliards de dollars. En comparaison, l’Afrique ne représente que 2% des investissements
russes à l’étranger (4 milliards de dollars) contre 10% pour les chinois. Avec l’émergence des appétits chinois et indiens pour les matières premières africaines, le continent noir devient un terrain de batailles féroces entre multinationales anxieuses d’assurer leur base minérale.
On a ignoré jusqu’au dernier moment si la nouvelle union pourrait fonctionner au grand complet, car ce n’est que la veille de l’accord que le président biélorusse Alexandre Loukachenko a annoncé la ratification des traités relatifs au code douanier. La principale revendication de Minsk était le maintien des avantageux tarifs russes à l’exportation vers le Belarus du pétrole et des produits pétroliers. Loukachenko a fini par taire la question des taxes sur le pétrole importé de Russie, en se limitant à dire que « toute union entre les États proches et fraternels est faite pour le bien de ceux-ci. On avisera par la suite ». L’économie biélorusse dépend très fortement des livraisons énergétiques à des prix bien inférieurs au marché. Autre question à l’origine des divergences mais résolue en faveur
de Minsk : la Russie a accepté de maintenir les taxes actuelles sur les voitures importées de l’étranger par des particuliers. Ces tarifs préférentiels vont rester en vigueur au moins jusqu’au 1er juillet 2011. Les Biélorusses paient des taxes beaucoup plus faibles que les Russes, car le Kremlin veut protéger son industrie automobile, tandis que Minsk (comme Astana côté Kazakhstan) n’a plus rien à défendre sur ce terrain. La ratification du Code douanier ne signifie pas que la Biélorussie a renoncé à ses revendications. Les différends existent toujours, indique Alexei Portansky de l’École des Hautes Études en Sciences économiques : « Ils ont convenu entre eux que le moment était mal choisit économiquement pour une dispute avec la Russie ». Par ailleurs, le règlement de l’union douanière est conforme aux exigences de l’Organisation mondiale du Commerce et le groupe de travail conjoint continue ses démarches en vue de l’adhésion à l’OMC. Mais Moscou se réserve désormais le droit d’accéder en solo à l’organisation, laissant ses compères de l’union se débrouiller tout seuls.
Société
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
03
SOUVENIRS, SOUVENIRS...
Mariage Les contrats prénuptiaux entrent difficilement dans les mœurs
Contrat et contrariétés
Football : nous avons compati à vos souffrances Nikolaï Dolgopolov
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
L
58% des mariages en Russie finissent par un divorce.
Le contrat de mariage s’impose bien plus lentement en Russie qu’en Occident. La faute en incombe au romantisme des Russes, mais aussi au schéma patriarcal de la famille. NATALYA KRAINOVA THE MOSCOW TIMES
KIRILL LAGUTKO
Ce n’est qu’au moment de divorcer qu’Ekaterina, une experte en marketing de 28 ans originaire de Moscou, a signé un contrat de mariage avec son mari. Il s’agissait de partager l’appartement qu’ils avaient acheté avec son argent à elle, mais dont ils étaient propriétaires tous les deux. Son conjoint a fini par lui laisser la totalité de l’appartement, dénouement heureux après des semaines d’inquiétude. « Quand tout va bien, on ne pense pas à ce genre de choses », constate la jeune femme. Selon les statistiques officielles, sur 1,2 millions de couples rus-
ses qui se sont mariés en 2009, 25 000 seulement, soit 2%, ont signé des contrats stipulant les conditions d’une séparation de biens. Pourtant, 58% des mariages russes tournent au divorce. Les contrats vont à l’encontre de la mentalité conservatrice russe, dans laquelle n’entre guère la conclusion d’un marché autour d’affaires de cœur. L’accord prénuptial place les conjoints sur un pied d’égalité, ce qui est totalement inacceptable dans le schéma patriarcal de la famille russe, comme l’explique Kirill Podyachev, sociologue : « Le mariage est une soumission complète de la femme à l’homme. Le devoir de la femme est de céder en tout à son mari. Les Russes considèrent que l’amour et le contrat de mariage sont incompatibles ». Le système législatif n’a introduit le concept de contrat de mariage qu’en 1966. À l’époque soviétique, il n’y en avait nul besoin,
Les citadins plus inciinés au contrat SUR 1 000 PERSONNES INTERROGÉES À MOSCOU, SAINT-PÉTERSBOURG, EKATERINBOURG ET NOVOSSIBIRSK, UNE LARGE MAJORITÉ SE SONT DÉCLARÉES FAVORABLES À LA DIVISION DES BIENS PAR CONTRAT.
parce que les gens ne possédaient pas grand-chose à contester en cas de divorce. Mais aujourd’hui, alors que le niveau de vie augmente, de plus en plus de couples ont intérêt à régler à l’avan-
redac@larussiedaujourdhui.fr
En outre, les sociologues observent que les couples faisant appel à un avocat avant d’échanger leurs vœux n’appartenaient à aucune catégorie d’âge ou sociale précise. Toutefois, la législation est encore imparfaite car elle ne couvre que les droits de propriété, indique l’avocate Olessia Iermolenko. En Occident, ces contrats répartissent aussi les tâches ménagères, les pensions alimentaires et les droits de visite auprès des enfants. Le cabinet d’Olessia rédige des contrats de mariage qui peuvent être signés après l’union. Les affaires fluctuent en fonction des saisons, avec une augmentation en mars, avril, août et septembre. Les couples mariés pensent souvent aux contrats après les fêtes, particulièrement le Nouvel An, quand l’abus de vodka fait tourner les relations familiales... au vinaigre.
Les indépendants ont le vent en poupe SUITE DE LA PAGE 1
Polina Greus, avec une poupée de sa création.
ce une question qui avait jusque-là peu de chances de se poser. En cinq ans, le nombre de mariages à contrats a été multiplié par quatre, soit de 5000 en 2005 à 25 000 en 2009.
Les indépendants ont aussi tendance à être des « êtres nocturnes » car ils travaillent souvent à partir de l’après-midi et jusque tard dans la nuit, notent les sociologues. Ce n’est pas la seule différence observée entre la Russie et l’Occident. Les travailleurs indépendants dans ce pays sont 22% à l’être totalement, alors que 44% continuent à occuper un poste à plein temps, selon l’étude de Strebkov publiée l’année dernière par la
Haute école d’économie en coopération avec freelance.ru. En outre, 18% des étudiants, 8% des entrepreneurs et 5% des femmes au foyer exercent divers métiers complémentaires en indépendants. Mais cette liberté a un prix : l’instabilité des revenus. Même si un projet rapporte beaucoup, les délais de paiement peuvent être longs et les indépendants craignent d’être lésés par leurs partenaires. Contrairement à la France, où les indépendants sont généralement considérés
larussiedaujourdhui.fr/lettres
YULIYA BURULYOVA
LE CHIFFRE - CLÉ
comme des « auto-entrepreneurs » sachant quels impôts et charges sociales leur incombent, les indépendants russes ont du mal à légaliser leur activité. Ils sont peu nombreux à payer leurs impôts, ou à savoir que le système fiscal leur permet de n’être taxés qu’à un taux de 6%. « Même si de nombreux indépendants craignent les autorités fiscales, la plupart ne se déclarent pas, précise Strebkov. Cette peur se nourrit du refus des Russes de perdre du temps avec la bureaucratie ».
a Russie était absente de la Coupe du monde en Afrique du Sud. Céder avec aussi peu de talent face aux Slovènes, mais en ayant fait une belle bringue la veille du match retour dans les bars de Moscou, il n’y avait que notre équipe nationale pour le faire. Pourtant, elle avait tout pour elle : le célèbre entraîneur hollandais Hiddink au riche palmarès, d’excellents joueurs comme Archavine, d’énormes primes promises avec une générosité toute russe pour la seule qualification. Et une élimination à l’arrivée… C’est pourquoi de nombreux Russes, croyez-le ou non, supportaient la France. Zidane, Henry, Anelka, vos gars sont devenus un peu nos gars aussi. Ils sont Européens - les Russes les comprennent - qui plus est de France, ce pays que les Russes ont toujours aimé.
Parfois la fortune nous tourne son dos. Et nous avons pleuré ensemble la défaite des Bleus Et puis les vôtres et les nôtres attendent toujours un miracle. Parfois il advient. Mais parfois la fortune tourne le dos. Et nous avons pleuré ensemble les Bleus, qui ont marqué leur premier et unique but dans la seconde mi-temps du dernier match.Vous n’étiez pas dans le groupe mortel mais avez, comme nous, signé vousmêmes votre arrêt de mort. Cela dit, le foot a un avantage. La condamnation ou la sanction n’est pas définitive. Ne restent que des remords de la conscience et des cicatrices sur le cœur. Et à chaque fois tout recommence à zéro. Notre magnifique gardien de buts Lev Iachine et votre extraordinaire buteur Juste Fontaine regarderont, l’un des cieux, l’autre de sa résidence, la renaissance de nos équipes. Nous avons appelé à l’aide un autre Hollandais, Advokaat, tandis que vous avez sollicité Blanc : vous avez toujours été réticents à l’invasion étrangère. Un seul objectif : participer à la Coupe de monde de 2014, au Brésil, et avant cela, en 2012, à la Coupe d’Europe, en Pologne et en Ukraine. Avec un tel amour populaire pour le ballon rond et la masse de talents qui naissent parmi nous, c’est tout à fait réalisable. La période où l’on se couvre la tête de cendres et se lamente est terminée. Au travail, les amis. J’ai failli écrire « camarades ». Nikolaï Dolgopolov est vice – président de l’AIPS (presse sportive) et rédacteur en chef adjoint de Rossiyskaïa Gazeta.
Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Agroalimentaire L’acquisition d’un concurrent russe place le groupe français en position de force dans la « guerre du lait »
Bond en avant pour la chaîne hôtelière Accor
(en kg/personne)
SOURSE : WIMM-BILL-DANN
Le groupe Danone change la donne
EN BREF
Consommation de produits laitiers en 2009
France
Russie
France
Yahourts et desserts
Produits laitiers traditionnels
PART DE MARCHÉ DES PRINCIPAUX ACTEURS EN VOLUME
Wimm-Bill-Dann Après une décennie de présence et d’observation sur le marché, le groupe agro-alimentaire français a pris d’assaut l’industrie laitière russe en rachetant son concurrent local Unimilk. NATALIA FEDOTOVA
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le rachat par Danone le mois dernier de la compagnie laitière Unimilk a braqué les projecteurs sur l’une des sociétés les plus rentables et les plus compétitives du secteur agroalimentaire russe. Le pays offre un très vaste marché avec plus de 142 millions de consommateurs. Mais en restant l’un des plus complexes de l’économie, le secteur de la transformation alimentaire est aussi l’un des plus sous-développés dans le pays. La Russie importe toujours près de 40% de ses produits alimentaires et jusqu’à 60% des stocks des supermarchés moscovites sont alimentés par l’importation. Avec l’acquisition que vient de réaliser Danone, c’est une véritable « guerre du lait » qui s’annonce, car après cette transaction, il ne reste plus que deux grands groupes sur le marché laitier. Danone va maintenant se retrouver face à Wimm-Bill-Dann, le plus gros producteur de produits laitiers du pays. Au cours des dix dernières années, le géant français de l’agro-alimentaire avait tenté de prendre le contrôle de Wimm-Bill-Dann, mais n’a
pu aller au-delà de 18,6% du capital. L’acquisition du concurrent Unimilk signifie un renoncement aux ambitions sur Wimm-Bill-Dann. Danone devrait logiquement revendre sa participation dans ce groupe mais refuse de s’exprimer sur ce point. En attendant,WimmBill-Dann affirme être prêt à racheter ses propres parts. « Nous serions heureux de reprendre la participation de Danone », explique Sergueï Plastinine, président du Conseil de surveillance, « mais pour l’instant nous ignorons les intentions du groupe français ». La guerre va donc inéluctablement éclater entre les deux géants du marché russe. Mais pas tout de suite, car la croissance du secteur est telle que la progression de la demande en produits laitiers va dépasser la capacité de production des deux groupes. Il y a largement assez de place pour tout le monde. L’année dernière, les ventes de Danone en Russie arrivaient en neuvième place en volume des ventes, mais après l’acquisition d’Unimilk, la Russie va devenir le deuxième plus grand marché européen du groupe, derrière l’Espagne. La crise de 2008 a durement frappé l’économie russe, mais le secteur du commerce de détail n’en a pas vraiment pâti. Grâce aux mesures prises par le gouvernement pour soutenir la consommation et un plan de relance mas-
Russie
LE CHIFFRE - CLÉ
1,5
md d’euros
Volume des ventes prévu à l’issue de la fusion de Danone et Unimilk en 2013.
Unimilk Danone Molvest
autres SOURSE : UNIMILK
Aval probable des autorités russes Pour être effective, la fusion doit encore recevoir l’approbation du Service anti-monopole russe, ce qui est loin d’être toujours évident. La décision sera rendue publique en août, mais le patron du service a déjà tenu des propos encourageants. Globalement, l’acquisition semble avoir été bien accueillie par les sourcilleuses autorités russes, ce qui ne fut pas le cas lors de la tentative sur Wimm-Bill-Dann. Selon le premier Vice-Premier ministre Viktor Zoubkov, cette fusion est le signal que le marché agro-alimentaire russe s’ouvre complètement aux investissements étrangers. L’officiel s’est aussi félicité que Da-
none apporte au secteur russe son immense expérience : « C’est un bon projet qui nous aidera à moderniser le secteur de l’industrie nationale de la transformation alimentaire ». Unimilk a été créé en 2002 et regroupe des actifs industriels sur les territoires russe, ukrainien et biélorusse. Son catalogue de produits comprend des marques bien connues sur les marchés de l’exURSS, comme « Bio Balance ». Unimilk appartenait jusque-là presque exclusivement à ses dirigeants. Seuls 10% du groupe sont détenus par le fonds de capital-investissement chinois CIPEF.
Total affiche un immense appétit pour le GNL russe sif, aucune grande entreprise russe n’a fait faillite. Les revenus réels en Russie ont continué à augmenter en 2009. En effet, les chaînes de supermarchés fortement présentes en province, comme Magnit, ont fait des bénéfices record et n’ont presque pas connu de ralentissement dans les ventes. Le principal changement dans la consommation, ce fut le passage des produits importés à prix élevés vers des produits de fabrication locale meilleur marché. C’est l’une des raisons principales qui ont poussé Danone à racheter Unimilk. Pour Pavel Isaev, membre du conseil d’administration d’Unimilk, « il y a de fortes chances que la société française devienne le leader du marché des produits laitiers dans la CEI et surtout en Russie, même si, aujourd’hui, elle ne contrôle que 21% du marché russe ».
Agriculture La Russie ambitionne de devenir le premier exportateur mondial de blé
À l’Est, un nouveau grenier du monde Moscou restitue massivement les terres à l’agriculture (de 42 millions d’hectares au début des années 2000 jusqu’à 48 millions aujourd’hui) et investit dans l’infrastructure. VLADISLAV KOUZMITCHEV LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La Russie pourrait dépasser les États-Unis pour l’exportation du blé d’ici à neuf ans, affirme à La Russie d’Aujourd’hui le président de l’Union céréalière russe Arkadi Zlotchevski. Si, en 2002, les exportations de blé se limitaient à cinq millions de tonnes, ce chiffre est aujourd’hui multiplié par six (30 millions de tonnes) et continue de croître. C’est un vrai retournement de situation. L’URSS dépendait entièrement des importations de blé et vendait son pétrole, son gaz et son or pour nourrir ses propres citoyens. Les chefs du Parti communiste passaient souvent d’un extrême à l’autre : tantôt ils discutaient sur le détournement de rivières pour l’irrigation des champs de coton d’Asie centrale, tantôt ils plantaient du maïs un
peu partout. Selon les pronostics de l’Institut de recherche sur le marché agricole national, en 2019, la Russie pourra récolter environ 125 millions de tonnes de blé, dont 45-50 millions de tonnes seront exportées (les exportations annuelles des ÉtatsUnis s’élevant à environ 30 millions de tonnes). Cependant, en raison des intempéries, le ministère de l’Agriculture russe a dû revoir à la baisse ses prévisions concernant la récolte brute de blé pour l’année en cours, soit 85 millions de tonnes (contre 108 millions il y a deux ans). Mais même ce chiffre-là dépasse largement le niveau de consommation en Russie (72-73 millions de tonnes). Les pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient sont les principales cibles du blé russe. D’ailleurs, comme le remarquent les experts, la Russie a presque fait disparaître le blé français du marché égyptien. Les principaux concurrents du blé russe sur ses marchés traditionnels sont les États-Unis, l’Union européenne (UE) et le Canada. Selon Zlotchevski, l’UE importe seulement
Quatre hôtels Ibis et un Novotel vont bientôt s’ajouter au parc d’Accor en Russie. Ils seront tous construits dans des grandes villes de province et totaliseront 750 chambres. Les institutions financières BERD et IFC ont annoncé la semaine dernière leur participation dans la construction de ces hôtels gérés par Accor pour un groupe d’investisseurs turc. Les deux banques ont conjointement levé 50 millions d’euros, dont 5,4 millions pour l’acquisition d’une part minoritaire dans le projet, le reste étant financé par l’emprunt. Accor estime que la gamme la plus prometteuse en Russie est Ibis parce qu’elle n’a pas de concurrent dans le segment bon marché. Opérateur sans être propriétaire, Accor travaille sur 25 projets supplémentaires en Russie. Aujourd’hui, le groupe exploite déjà huit hôtels pour un total de 1 840 chambres.
Principaux importateurs et exportateurs de céréales
JACQUES BRINON_AP
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Christophe de Margerie a confié à Vladimir Poutine que Total convoite désormais une part de 25% dans un futur projet GNL en plus de Chtokman, dans lequel Total est déjà engagé à hauteur de 25% avec Gazprom. Total repasse à l’offensive en se portant acquéreur d’une part entre 20 et 25% dans le projet GNL de Yamal (Grand Nord russe). Le gisement gazier en question, Tambeïskoïe-Sud, est contrôlé à 51% par Novatek, plus important groupe gazier indépendant russe. Le gisement contient 1200 milliards de m3 de gaz, ce qui équivaut à huit années d’exportations de gaz russe vers l’Europe au rythme actuel. Total a fondé l’an passé une coentreprise sur un autre gisement gazier avec Novatek, dans lequel Gazprom détient 19%. Les 21% restants appartient à Guennadi Timtchenko, l’actionnaire principal du négociant pétrolier Gunvor.
Règles simplifiées pour les expatriés
500 000 tonnes/an de blé russe. La Russie exporte essentiellement du blé de catégorie 4, soit du blé alimentaire de basse qualité. « C’est la plus demandée sur le marché mondial », précise Zlot-
chevski. Selon lui, on utilise souvent en Europe des compléments alimentaires différents, qui permettent de fabriquer du pain même à base de blé de basse qualité. Les catégories supérieures
sont utilisées dans la production des pâtes et de la pâtisserie. « La Russie a du blé de toutes qualités et nous sommes capables de répondre à toute demande », affirme Zlotchevski.
Les entreprises qui embauchent des spécialistes étrangers pour travailler en Russie ne seront plus obligées de faire une requête auprès des autorités pour obtenir les quotas de permis de travail et de visa. La nouvelle réglementation n’oblige plus à soumettre des diplômes prouvant la qualification des candidats. Ces nouvelles règles s’appliquent uniquement si l’employeur est une entreprise russe ou une filiale locale d’une société étrangère, et le salaire annuel de l’employé dépasse les 51 000 euros. Les permis de travail et les visas seront accordés pour une durée maximale de trois ans, alors qu’actuellement ils sont délivrés pour un an seulement.
Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
RIA NOVOSTI
Le ministre des Finances se bat seul contre tous
Alexeï Koudrine (au centre) a déclenché une polémique en proposant de relever l’âge de la retraite.
Sa défense du libéralisme économique combinée avec une grande rigueur budgétaire ont fait de l’indéboulonnable Alexeï Koudrine le souffre-douleur du gouvernement. Ben aris
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Sa proposition, faite à la mijuillet, de relever l’âge de la retraite pour combler le déficit de la caisse des pensions, a provoqué la colère et les insultes de la part de l’opposition comme de la majorité. Quelques députés de la Douma ont même promis de lui « arracher la tête », après sa proposition, devant la Chambre basse du Parlement, de garder le contrôle sur les dépenses de l’ État pour réduire le déficit budgétaire à moins de 3% du produit intérieur brut d’ici à 2013. Depuis près d’une dizaine d’années, Alexeï Koudrine, ministre
des Finances, se bat, parfois tout seul, pour le libéralisme économique, en prônant la prudence budgétaire. Sa position s’est avérée judicieuse, car la somme de 600 milliards de dollars qu’il a réussie à maintenir dans la réserve fédérale lui a permis de sauver l’économie russe de l’effondrement l’année dernière. Mais il lui reste encore moult batailles à mener. Koudrine insiste sur le fait que, pour avoir des effets à long terme, la grande mission de modernisation de la Russie doit être soutenue par l’investissement privé. « Si nous soutenons la demande avec des plans de relance considérables, cela ne pourra soutenir la croissance qu’à court terme Et au bout de deux ou trois ans, cette politique va a au contraire ralentir la croissance économique », a déclaré le ministre à l’agence Reuters. « Cela va pro-
Les 600 milliards de dollars qu’il a mis de côté ont sauvé l’économie russe de l’effondrement en 2009 voquer de l’inflation, l’augmentation du taux de change, celle des emprunts de l’État et donc une réduction des prêts aux entreprises. Il nous faut de la sorte réduire le déficit au cours des prochaines années ». Le mois dernier, la prudence de Koudrine était déjà critiquée par les dirigeants politiques. Le Premier ministre Vladimir Poutine a annoncé que le budget national serait basé sur le prix du baril de pétrole, qui s’élèverait à 75 dollars, suggérant ainsi que les retraites et les salaires allaient augmenter dans un avenir proche.
La Russie connaît actuellement une reprise économique stable, mais sa croissance reste cependant assez timide. Et avec le prix du pétrole qui se maintient à plus de 70 dollars par baril, il y aurait une tentation d’augmenter les dépenses, surtout que les élections à la Douma (2011), et à la présidence (2012) approchent. Miser sur 75 dollars par baril de pétrole irait à l’encontre des prévisions très prudentes observées ces dernières années. N’ayant pas réussi à convaincre les députés, Koudrine a donc fait une dernière offre pour décourager les attentes le mois dernier, en tentant de fixer la limite à 70 dollars par baril. Mais cela n’a pas marché non plus. Malgré tout, le ministre continue son combat. Il a à nouveau averti, la semaine dernière, que les réserves du gouvernement seraient réduites à zéro par le déficit d’ici à la fin de l’année. C’est pourquoi le pays a besoin d’agir d’une façon significative sur le niveau de la dette pour couvrir les déficits au cours des prochaines années. Avec un déficit égal à 5,4% du PIB cette année, le gouvernement prévoit de retirer 1.4 trillions de roubles (soit 45 milliards de dollars) du fonds de réserve et d’emprunter 1,1 trillion de roubles pour le couvrir. Ce fonds représentant près de 40 milliards de dollars à la fin juin, la Russie aura donc besoin d’emprunter pour financer son déficit au cours des trois années à venir, avec pour objectif de ramener le déficit à 2,9% du PIB d’ici à 2013. Koudrine a averti que cela va représenter plus du double du coût la dette de l’État, à savoir 19 milliards de dollars d’ici à 2012. « À partir de l’année prochaine, c’est uniquement en empruntant qu’on pourra pour couvrir le déficit », a affirmé le ministre des Finances à la Chambre basse. « Le coût de la dette passera de 280 milliards de roubles cette année à 587 milliards de roubles en 2012, même si nous réduisons le déficit à 2% d’ici à 2013 ». Le dirigeant du Parti communiste Guennadi Ziouganov a fait part de ses objections populistes habituelles. Il a accusé Koudrine de saboter le programme de modernisation du Président Dmitri Medvedev. En soulignant que c’est aux dépenses publiques de définir la voie à choisir, Ziouganov a déclaré qu’« à la place du président, je lui aurais arraché les oreilles et la tête ».
Alstom teste son train pendulaire en Russie suite de la PAGE 1
Conçu pour s’incliner dans les courbes de façon à compenser la force centrifuge, le train pendulaire se situe entre les trains à grande vitesse classiques et les trains traditionnels. Il peut rouler à 220km/h sur des voies normales. Chaque rame comporte 7 wagons pour une capacité totale de 344 passagers. Alstom a livré quatre trains baptisés « Allegro » à la RJD et espère convaincre les Russes d’équiper d’autres lignes en trains pendulaires de sa marque. Mais le directeur d’Alstom en Russie, Patrick Pascal, se veut prudent. « Il est encore trop tôt pour dire sur quelles lignes nous
allons pousser nos projets. Vous savez qu’en Russie, il faut d’abord faire ses preuves. Ce qui est important pour nous, c’est de réussir avec Allegro ». Astom n’est pas le seul à convoiter l’immense marché russe. RJD exploite le plus vaste réseau ferré du monde (85 500km) après celui des États-Unis et est courtisé par deux autres constructeurs : l’allemand Siemens et le canadien Bombardier. Pressé de renouveler une flotte vieillissante, RJD est aussi très demandeur de nouvelles technologies occidentales. « Il y a beaucoup de place sur ce marché », assure Patrick Pascal. « Il y en a pour Siemens, pour nous, voire pour Bombardier ». Et d’ajouter avec réalisme : « si
l’on nous offrait tout le marché russe, nous n’aurions pas les moyens de satisfaire une telle demande ». Alstom a bien avancé en acquérant une part de 25% dans TransMachHolding, le principal constructeur russe pour une somme non dévoilée. Le groupe français a déjà remporté un contrat de 450 millions d’euros pour la livraison de 200 locomotives EP20. Siemens n’est pas en reste, puisqu’il a déjà vendu ses trains rapides Sapsan à RJD, qui sont exploités sur la principale ligne du pays, Moscou – Saint-Pétersbourg, et doit dans les prochains mois démarrer son exploitation sur la ligne Moscou – Nijni-No-
vgorod. En outre, le géant allemand a conclut la semaine dernière un accord d’une valeur de 2,2 milliards d’euros pour la livraison de 240 trains Siemens Desiro sur 10 ans. Une nouvelle qui n’angoisse pas Patrick Pascal : « à la différence de Siemens, nous nous sommes alliés àun très gros partenaire industriel, TransMachHolding. Un partenaire d’une telle taille peut causer quelques lenteurs, mais en revanche, nous bénéficions de capacités industrielles plus solides. En outre, Siemens exploite des techniques en fin de vie alors que nous allons construire avec TransMachHolding des locomotives utilisant les dernières technologies ».
Investissements Moscou abaisse le bouclier
ilya pitalev_ria novosti
Budget L’apôtre de la rigueur encaisse les coups sans broncher
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Dmitri Medvedev remplit sa promesse de libéraliser l’économie.
Portes ouvertes aux capitaux étrangers Le président russe Dmitri Medvedev a annoncé que le Kremlin comptait réduire de 80% le nombre d’entreprises dites « stratégiques », inaccessibles jusque-là aux étrangers. Ben Aris
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UralSib. « Cependant, les lobbyistes et les puissants bureaucrates du secteur industriel ont finalement réussi à obtenir ce qu’ils souhaitaient ». En réalité, Medvedev ne fait que réaliser les promesses qu’il avait déjà faites à la fin de 2009. Le nombre d’entreprises stratégiques sur la liste a baissé, passant de 208 à 41. Par ailleurs, 71 entreprises fédérales unitaires (celles qui gèrent et exploitent les actifs d’État) ont été liquidées, ce qui fait que le nombre total d’entreprises stratégiques sur la liste s’établit à 159. Comme l’affirment les analystes de Rye, Man & Gor Securities, parmi les entreprises les plus attrayantes qui ont été rayées de la liste, il y a de nombreuses sociétés spécialisées dans le transport et les infrastructures, notamment 14 aéroports et 22 ports maritimes. Ils devraient être vendus par l’État à partir de novembre. Malgré la réduction du nombre de sociétés « interdites », la quasi-totalité des plus grandes entreprises russes restent sur cette liste – et en particulier celles du secteur pétrolier, gazier et bancaire. Les investisseurs qui souhaitent acquérir les parties les plus savoureuses de l’économie russe, telles que Gazprom, Rosneft ou Sberbank, seront obligés de solliciter l’autorisation du gouvernement russe.
« Je compte réduire de 4/5ème la liste des entreprises stratégiques. Je viens de signer un décret à cet effet aujourd’hui », a déclaré Medvedev dans son discours du 18 juin au Forum économique de Saint-Pétersbourg. Avec ce renversement de position, le Kremlin tente de transformer la Russie en une destination attrayante pour les investisseurs étrangers. Ceux-ci étaient soumis à d’importantes restrictions dans 42 secteurs industriels depuis 2007, en vertu de la loi des secteurs stratégiques. À l’époque, le gouvernement était « enivré par les prix du pétrole », affirme Jim O’Neill, directeur de recherche chez Goldman Sachs. L’État ne voyait pas la nécessité d’autoriser les investissements étrangers dans les secteurs clés de l’économie. Du coup, la Russie enregistre une piètre performance en matière d’investissements directs étrangers (IDE) comparé aux autres pays du BRIC. (Brésil, Russie, Inde et Chine). Mais la crise de 2008 a brutalement révélé des faiblesses structurelles de l’économie, qui s’est contractée de 7,9% en 2009, renversant de manière spectaculaire la tendance à la croissance de plus de 6% par an des cinq années précédentes. La loi sur les secteurs stratégiques fut finalement adoptée, après une bataille de quatre ans entre les factions libérales et conservatrices au sein du gouvernement. Les libéraux ont perdu : initialement, il y avait 295 entreprises opérant dans 42 secteurs, part de l’État et les investissements étrandans les comgers dans ces compagnies pagnies cotées étaient limités à 25%, à moins d’obtenir une autorisation spéciale du gouvernement. « Guerman Gref, le ministre du Développement économique et Alexeï Koudrine, baisse des IDE le ministre des Finances en 2009 de l’époque, insistaient sociétés tous les deux sur le fait désormais que la liste ne devait comaccessibles prendre que 16 entreprises », rapporte Chris Weafer, le responsable de stratégie chez
Investissements : les chiffres clés
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Économie
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Caucase Les autorités russes tentent de faire repartir l’économie sinistrée par la guerre et la corruption
Du pétrole et des stations de ski
Max_novikov
Un nouveau projet promet la création de 400 000 emplois, la construction d’un complexe pétrolier en Tchétchénie et plusieurs de stations de ski. Nabi Abdullaev
The Moscow Times
Le Premier ministre Vladimir Poutine a dévoilé le 6 juillet dernier un ambitieux programme de développement pour la région du Caucase du Nord. Mais il s’est montré discret sur la façon dont le gouvernement compte lutter contre la corruption généralisée et le népotisme qui étouffent le développement des entreprises et sont un obstacle à l’équilibre de cette région instable. Dans son discours, le chef dugouvernement a annoncé des investissements de 27 milliards de dollars dans le développement du Caucase du Nord, ce qui permettra de créer 400 000 emplois
dans la région au cours des dix prochaines années. « Le chômage chronique est sans doute la plus grande et la plus grave catastrophe sociale et psychologique du Caucase du Nord », a déclaré Poutine, précisant qu’un cinquième de la population de la région ne peut pas trouver d’emploi. Après plusieurs années d’un calme relatif, une série d’attentats l’an dernier a fait revenir le Caucase du Nord au rang de p ro b l è m e n u m é ro u n d u Kremlin. Alexandre Khloponine, nommé à la tête du district fédéral de la région par le Président Dmitri Medvedev cette année, a proposé au cabinet de Poutine le mois dernier un vaste programme de développement pour la région sur 15 ans. Le Premier ministre a déclaré qu’un réseau de stations de ski – le projet favori de Khloponi-
ne – va s’étendre « de la mer Caspienne à la mer Noire ». « Ces stations pourront accueillir jusqu’à 100 000 touristes à la fois et permettront de créer environ 160 000 emplois dans la région », a indiqué Poutine, qui a qualifié ce plan de « projet économique réaliste et vivant », précisant qu’il pourra également attirer les investisseurs privés russes et étrangers. Jusqu’à présent, les investisseurs privés étrangers étaient réticents quant à l’idée de s’impliquer financièrement dans le Caucase du Nord, où les forces de l’ordre et les militants islamistes s’affrontent presque tous les jours, dans une sorte de guérilla de faible intensité. Poutine a annoncé que 65 millions de dollars seraient alloués au projet de construction des stations de ski cette année. Une raffinerie de pétrole, ouverte récemment par la compagnie
Poutine a minimisé les problèmes de la sécurité dans la région, affirmant que les militants sont en train de « dégénérer » en bandes criminelles, dont « le temps est compté »
Immobilier La classe moyenne russe prête à emprunter, mais...
En raison des taux d’intérêt à deux chiffres proposés par les banques, l’accession à la propriété reste onéreuse pour les ménages russes, confrontés à une procédure tatillonne. Ben Aris
ivan Shapovalov_kommersant
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Les taux d’intérêts oscillent entre 16 et 20% contre 3% en France.
au travail. Ils n’imaginaient pas que les soucis de santé les conduiraient à revenir à Moscou. Se refusant à louer, ils se sont donc mis en quête d’un appartement à acheter, ce qui fut assez facile. Trouver l’argent fut beaucoup moins évident : bonjour les tracasseries bureaucratiques. Sherbakova a eu de la chance, car sa clinique était en règle en
tournante du transport naval russe. En fixant ces objectifs ambitieux, Poutine a minimisé les problèmes de la sécurité dans la région, affirmant que les militants sont en train de « dégénérer » en bandes criminelles, dont « le temps est compté ». Il a également affiché sa méfiance envers la société civile. Il s’est attaqué une nouvelle fois aux groupes de défense des droits de l’homme, qui critiquent souvent sa politique dans le Caucase du Nord. « Nous avons besoin d’un dialogue constant et substantiel avec les organismes de défense des droits de l’homme », a dit le Premier ministre. « Évidemment, parmi eux, il y a un grand nombre de personnes qui reçoivent un financement de l’étranger ». Politique à part, Moscou mise indéniablement sur le développement économique pour neutraliser l’agitation qui profite du marsame actuel.
Tourisme Grand ménage dans les étoiles
Crédit : le parcours du combattant
Victoria Sherbakova voulait déménager à Moscou pour donner à sa fille un meilleur avenir. Âgée de 3 ans et malvoyante, la petite Sasha n’avait pas la possibilité de se faire soigner dans la capitale sans y résider. « Les hôpitaux de Moscou sont les meilleurs, mais il faut habiter la ville même pour y avoir accès », raconte Sherbakova, 36 ans. « Nous avons donc décidé de revenir dans la capitale », explique cette femme, médecin dans une clinique privée moscovite. Il y a quelques années, elle avait décidé avec son mari de déménager en banlieue à la recherche d’une meilleure qualité de vie. L’époux travaille dans la même clinique et le couple gagne 4 000 euros par mois - soit près de quatre fois la moyenne nationale. Mari et femme faisaient quotidiennement la navette par le train de banlieue pour se rendre
d’État Rosneft en Tchétchénie, fera de cette république de Caucase du Nord un nouveau centre de l’industrie pétrolière russe, selon le Premier ministre. La raffinerie devrait entrer en service en 2014, et le gouvernement prévoit d’investir 550 millions de dollars dans ce projet, a-t-il déclaré. Le gouvernement compte également donner des garanties d’État pour un maximum de 70% des prêts relatifs aux projets de développement dans le Caucase du Nord, ce qui va coûter 200 millions de dollars au budget fédéral, a estimé Poutine. Le Premier ministre russe a ajouté que cette région devrait faire partie d’un corridor de transport intercontinental, reliant l’Europe aux États du golfe Persique et aux pays d’Asie centrale. Dans ce but, le port maritime de Makhatchkala, la capitale du Daguestan, va devenir une plaque
ce qui concerne les papiers administratifs de ses employés (chose rare) et se disait prête à fournir au couple tous les documents nécessaires pour prouver ses revenus. De nombreuses entreprises travaillent encore « au noir » en Russie et ne déclarent officiellement qu’une infime partie du salaire de leurs employés dont une partie est payée par vi-
rement bancaire, le reste étant versé en espèces pour éviter les impôts. Cela pose des problèmes souvent insurmontables pour les acheteurs de biens immobiliers, car ils ne peuvent fournir de preuves officielles et réelles de leurs revenus. Ensuite, Sherbakova s’est lancée à la recherche d’un crédit immobilier libérant la somme sollicitée en l’espace d’un mois. Son choix s’est arrêté sur Kreditmart, le seul courtier en crédit russe, qui revend des hypothèques à une dizaine de banques commerciales du secteur. Pour l’achat d’un appartement en Russie, l’accompte demandé par les banques reste également une étape délicate à négocier. Dans le cas de Sherbakova, la société de prêt, qui appartient à l’État, demandait un accompte de 40% sur un prêt 153 000 euros. « Nous avons réussi à mettre de côté environ la moitié de cette somme, et comme nous travaillons dans le milieu médical, et que nous avons la possibilité de gagner de l’argent supplémentaire, ce n’était pas très compliqué de réunir le reste », assure Sherbakova. « L’immeuble a été construit en 1970 et nous avons un concierge et un jardin d’enfants à proximité. C’est parfait pour Sasha », poursuit-elle. « Bien sûr, l’appartement n’a que deux pièces et est beaucoup plus petit que notre ancienne résidence. Le trajet jusqu’à mon travail me prend plus de temps maintenant, mais Sasha peut être soignée dans un bon hôpital ».
Les hôtels montrent patte blanche En vue de l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de 2014, Moscou a dû mettre en place un classement rigoureux pour les hôtels, les plages et les stations de ski. Olga Kalashnikova The Moscow Times
Les hôteliers russes n’achèteront plus leurs étoiles sur le marché aux puces. Le ministère du Tourisme a déclaré le 29 juin que l’obtention de la certification pour les complexes hôteliers serait obligatoire et non plus « volontaire » comme c’était le cas jusqu’ici. La Russie compte 471 hôtels certifiés, soit seulement 10% du chiffre total. À Moscou, seuls 31 hôtels possèdent des étoiles. Principal problème : l’absence de normes internationales. Trente systèmes nationaux de classification d’hôtels existent, et aucune homogénéisation n’est en vue, se désole Sergueï Korneev, membre de l’Union russe de l’industrie touristique. Moscou a choisi de s’inspirer des systèmes européens et délaissé la classification soviétique. La
nouvelle méthode prend en compte tous les critères possibles et propose cinq catégories. Les catégories des hôtels seront évaluées par un comité spécial, composé de représentants de l’Agence fédérale du tourisme et d’autres ministères. Le classement sera payant, et la certification obligatoire devrait coûter moins que la « classification volontaire » qui, selon les données de l’Agence russe de droit et d’information judiciaire, coûte actuellement environ 1 500 dollars pour des hôtels à trois ou quatre étoiles avec moins de 100 chambres. Obtenir un statut correct dans la nouvelle grille ne sera pas à la portée de tous. « Les nombreux hôtels situés dans des bâtiments anciens seront contraints d’investir des fonds considérables dans la reconstruction et l’équipement supplémentaire pour obtenir le nombre d’étoiles qu’ils désirent », indique Evguenia Toutchkova, consultante immobilière. De leur côté, les pouvoirs publics devront veiller à ce que le processus de classification ne soit pas entaché de corruption.
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FAVORIS
Régions
www.rferl.org/content/ Will_Russians_Go_This_Far_To_Gamble_Dont_Bet_On_ It/2034412.html Radio Free Europe/Radio Liberty
Le « Las Vegas russe » peine à convaincre les fous du jeu
Reportage Des mines de charbon meurtrières
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Valery Kozelskikh est maintenant retraité avec une grande carrière de mineur derrière lui. Il a passé 34 ans de sa vie sous la dure terre de Sibérie, dans un endroit très sombre : Raspadskaïa - la plus grande mine de charbon en Russie. Un trou noir qui est aussi le gagne-pain de toute une région. En Russie, être mineur, c’est héréditaire. Kozelskikh a perdu son neveu âgé de 21 ans dans un accident à la suite d’un coup de grisou en 2002. « Après cette tragédie, nous avions peur de redescendre dans la mine. Mais peu à peu, on s’y habitue », dit-il. La catastrophe qui s’est produite dans la mine de Raspadskaïa le 8 mai dernier a coûté la vie à 90 mineurs. Elle a remis en question la sécurité dans les mines russes et, plus précisément, celles des environs de Kemerovo. Située dans la région du Kouzbass, l’un des plus importants bassins charbonniers du monde, la mine de Raspadskaïa fournissait près de 10 % du charbon à coke en Russie. Désormais, elle est fermée pour une durée indéterminée. Une étude réalisée
Bienvenue au casino d’Azov City !
Diaporama sur larussiedaujourdhui.fr
Mine à ciel ouvert de Kedrovski, non loin de la ville de Kemerovo. REUTERS_VOSTOCK-PHOTO(2)
NATALYA FEDOTOVA
quelques mois avant l’explosion avait révélé à quel point ce gisement était devenu une véritable bombe à retardement souterraine au contact des brusques émanations de méthane qui s’y multipliaient. Pendant tout le mois de mai, à la place des mineurs émergeant de la mine dans la nuit, ce sont leurs proches qui s’en dégageaient, lors de veillées où ils brûlaient à la mémoire des morts des bougies dont la lumière perçait à peine les ténèbres. Des mineurs en colère ont même attaqué la police locale avec des pierres, selon l’agence Reuters, et 28 d’entre eux ont été arrêtés par les forces de l’ordre. Il suffit de marcher dans une des rues de Kemerovo pour se faire une idée de l’économie locale, ou de ce qu’il en reste. Nombre des bâtiments de la ville semblent ne pas avoir été restaurés depuis plusieurs décennies. Les principales industries manufacturières ont fermé dans les années 90, et les habitants locaux sont devenus encore plus dépendants des mines de charbon. Or, la production charbonnière du Kouzbass n’a pas été affectée par la crise économique mondiale. Au cours des deux premiers mois de 2010, elle a augmenté de 17%. Mais les mineurs ne voient pas d’amélioration de leurs conditions de travail et ils ont fait manifesté leur indignation en descendant... dans la rue cette fois. En 1991, Kozelskikh s’était déjà
SERGEY VENYAVSKIY_RIA NOVOSTI
Prime au rendement égale mépris du danger Une série d’explosions dans des mines de charbon sibériennes ont rappelé les conditions de travail déplorables des mineurs, encouragés à prendre des risques.
Mineurs de Kemerovo conduits à la mine en autobus.
Le secteur du charbon n’a pas été touché par la crise, mais la condition des mineurs ne s’est pas améliorée
rendu à Moscou pour rencontrer les responsables gouvernementaux au nom de ses collègues. Aujourd’hui, 19 ans après, il regarde les dernières manifestations à la télévision. « L’attitude envers le travail des mineurs doit changer dans les administrations. L’extraction du charbon est une activité très lucrative, et la direction devrait en tenir compte lors du calcul des salaires », estime Kozelskikh. « Les mineurs font toujours de leur mieux pour respecter le plan
de production : c’est dans leur intérêt, car leur rémunération se compose du salaire mensuel et des primes, qui dépendent directement de la réalisation du plan ». Les bonus peuvent doubler les salaires, explique-t-il. Salaires qui varient entre 500 et 1 000 euros par mois. Selon les experts du secteur, la tendance à forcer la production pour accroître les primes favorise les catastrophes. Une chose est certaine : ne pas atteindre l’objectif fixé se traduit par des pénalités financières pour les mineurs. L’un d’eux, Boris Refko, a récemment déclaré à Radio Free Europe que dans son travail, il est dans l’obligation de violer systématiquement les règles de sécurité au nom du rendement dont dépendent les primes. Malgré les tragédies, génération après génération, les mineurs du Kouzbass continuent à descendre sous terre. Evgueni, le fils de Kozelskikh, est mineur, et n’envisage pas d’autre avenir pour son propre fils : « Je veux que lui aussi devienne mineur. C’est un vrai travail d’homme, honnête et stable ».
Voyage Le célèbre archipel de la mer Blanche tire un trait sur le goulag et devient une destination touristique
Les îles Solovki vous offrent la rédemption
WILLIAM BRUMFIELD
Des pèlerins à la recherche de sérénité et des voyageurs attirés par des destinations alternatives, voire mystiques, visitent chaque été les Îles Solovki, autrefois lieu de terreur. STEFANIA ZINI
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Il semble qu’une étrange atmosphère règne dans ces îles et s’empare de l’âme du visiteur. Seraitce parce qu’aux Solovki, le voyageur s’identifie aux destins, parfois tragiques, de tous ceux qui y ont vécu au fil des siècles, souvent contre leur volonté ? Les lointaines Solovki attirèrent l’attention de l’homme dès les temps les plus reculés : de nombreuses traces laissées par des pêcheurs et des chasseurs de passage et plus de 30 mystérieuses constructions en forme de labyrinthe en embellissent le paysage. Peutêtre s’agissait-il de lieux de culte où les païens antiques accomplissaient leurs rites propitiatoires, comme le soutiennent la plupart des archéologues. Dans un pays où c’est le plus souvent au bon sens qu’il faut se fier dans le choix de l’endroit où s’arrêter pour passer la nuit, il est très conseillé d’emporter son sac de couchage et sa tente. Un beau matin, j’ai pris le large dans le brouillard, à bord d’un bateau se dirigeant vers le nord. Sous
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Les Solovki sont imprégnées d’un sentiment de calme et de compréhension presque surnaturels.
une couverture, j’ai sombré dans un profond sommeil réparateur. Quand je me suis réveillée, j’étais déjà sur une île ! Sept jours aux Solovki, c’est exactement ce qu’il me fallait ! Je n’ai pas ménagé mes efforts : longues randonnées à pied, excursions organisées, promenades en bateau et des dizaines de kilomètres parcourus à vélo toutterrain. Aucun doute, les Solovki sont une destination ultra-touristique : bondées le week-end et même bruyantes pendant les fêtes. En août, par exemple, lors
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du Festival de la chanson à texte, la Grande Solovetski se retrouve envahie par une foule d’auteurs-interprètes barbus qui racontent en chantant les histoires du passé pendant que les pèlerins récitent des psaumes et prient. Vous seriez comme loi sidéré de voir à quel point le microcosme des Solovki est imprégné d’un sentiment de calme et de compréhension presque surnaturels, typiquement nordiques, capables de tranquilliser les tempéraments méridionaux les plus agités... comme le mien !
Des ermites aux touristes Sur une carte, l’archipel Solovki (également nommé Solovetski) ressemble à une simple poignée de cailloux éparpillés dans la mer Blanche, tout près du Cercle polaire arctique. Ces îles ne furent habitées qu’à partir du XVème siècle, à l’origine par des anachorètes. L’archipel devint rapidement un important centre spirituel, culturel et économique du nord de la Russie et le
resta pendant plus de 500 ans. Devenu riche, le monastère des Solovki participa au XVIIIème siècle à des opérations de défense de la partie occidentale de la mer Blanche et continua de remplir cette fonction significative d’avant-poste militaire pendant près de deux cents ans, jusqu’à ce qu’il soit fermé par les bolcheviques. De centre spirituel, il devint en 1922 le premier goulag soviétique.
La « roulette » et le « bandit manchot » ont été bannis de Russie. Seule une zone résiste, sur la côte de la mer d’Azov, où un casino se dresse... dans l’isolement total. Enquête. KEVIN O’FLYNN
RADIO FREE EUROPE/RADIO LIBERTY
Trois heures de route défoncée sur des chemins tortueux pour arriver de la ville la plus proche jusqu’à cet avant-poste solitaire, au milieu d’une steppe aride. Les visiteurs se déplacent sur des planches en bois jetées par-dessus des crevasses, parmi des palmiers fluorescents. Un bâtiment, trapu et moche, est festonné de lumières criardes. Deux chiens errants sont roulés en boule à l’entrée, cherchant refuge contre le vent hurlant de la mer d’Azov. Bienvenue au Las Vegas russe ! Iouri Pojarov est le directeur de l’Oracle, premier site de jeu légal construit depuis qu’une loi anti-casinos a exilé les salles de jeux et les machines à sous dans quatre zones spéciales, aux confins de la Russie. Depuis son ouverture, raconte-t-il, Oracle accueille entre 150 et 400 personnes par jour, des gens du coin et d’ailleurs. L’an dernier, les parieurs russes ont été choqués d’apprendre que les jeux d’argent ne seraient plus autorisés dans la majeure partie du pays. L’interdiction a réduit au chômage des centaines de milliers d’employés de casinos et menacé de priver les coffres de l’État d’un milliard de dollars de taxes. Vladimir Poutine a invoqué un impératif moral qui évitera aux familles modestes de perdre leurs derniers kopeks. En échange, le Kremlin a désigné des zones de jeu légales dans l’extrémité est du pays, à Kaliningrad, dans l’Altaï en Sibérie et sur la côte de la mer d’Azov. Le plan doit injecter des revenus dans des régions déprimées tout en sauvant le reste du pays. Néanmoins, un an plus tard, les investisseurs restent sceptiques. Azov City, à l’embouchure du Don dans le sud de la Russie, est la seule zone qui ait réussi à lancer un casino. La société Royal Time affirme qu’un second casino devrait ouvrir cet été, et un troisième avant la fin de l’année, assortis d’hôtels et d’un parc aquatique. Même si certains visiteurs ne parviennent pas à imaginer une ville champignon s’élever au milieu de ce terrain vague, les locaux gardent espoir. Ludmilla, du village voisin, dit que sa maison n’aurait toujours pas l’électricité, ne fussent les exigences d’Oracle en matière d’infrastructures. « C’est bien pour nous », se réjouit-elle. « Ils nous ont donné le gaz, l’électricité, l’eau. Nous avons du chauffage au gaz maintenant. Mes fils ne vont pas au casino et disent qu’ils n’y iront jamais. Ils ont peur de se faire aspirer par le jeu ». Copyright (c) 2010 RFE/RL Inc. Reproduit avec la permission de RFE/RL
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Débats et Opinions
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aveu de mollesse en asie centrale Ilia Kramnik
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RIA NOVOSTI
es événements survenus au Kirghizstan dans le sillage du coup d’État d’avril 2010 ont mobilisé l’attention du monde entier. En Russie et dans les républiques de l’ex-URSS, cette attention est amplifiée par le fait que ces troubles constituent la première épreuve sérieuse traversée par l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), candidate au rôle de principale organisation militaire de l’espace postsoviétique et principal contrepoids à l’OTAN. Le renforcement de l’OTSC a permis à l’organisation de se convertir ces dernières années en un bloc militaire à part entière sous le leadership de Moscou. Il s’agit d’un des principaux succès russes dans le domaine de la politique étrangère, et constitue l’une de ses priorités absolues. La mise en place de l’OTSC a été longue et douloureuse. Le traité signé en 1992 sur les ruines de l’URSS est resté lettre morte pendant de longues années. Après 2000, au moment où la Russie commençait à restaurer son influence sur l’Asie centrale, le traité a pris une forme concrète. Sur la base de ce document, une organisation dotée d’une structure permanente a vu le jour en 2002. Cette époque était caractérisée par la rivalité d’influence entre la Russie et les États-Unis sur l’Asie centrale où, après 2001, des bases américaines appuyant les activités du contingent de l’OTAN en Afghanistan ont été déployées. L’influence et la réputation de l’OTSC et de la Russie, en tant que leader de cette organisation, constituent un actif politique de premier plan. Par contraste, la réaction à la catastrophe huma-
nitaire kirghize laisse perplexe en raison de sa mollesse. En effet, la Russie s’est limitée à renforcer son contingent déjà présent au Kirghizstan, sans lever le petit doigt pour mettre fin au massacre de la population ouzbèke (bilan officiel : 313 morts mais 2000 selon d’autres sources, NDLR). Ni même pour déclarer de façon claire et nette son intention de défendre la population russe, également menacée (en sous-entendant par Russes les ressortissants de la République socialiste fédérative soviétique et leurs descendants), ce qui a beaucoup choqué en Russie. Pourtant, l’OTSC possède les moyens nécessaires afin de mener des opérations de paix. À l’heure actuelle, le renforcement des forces collectives de déploiement rapide en Asie centrale se poursuit. Ces forces comprennent dix bataillons : trois russes, deux kazakhs, les autres pays de l’OTSC étant représentés par un bataillon chacun. Il convient toutefois de relever l’attitude particulière dans cette affaire des Biélorusses, qui refusent d’envoyer leurs troupes où que ce soit au-delà de leur territoire. Au total, les forces collectives comptent près de 4 000 hommes. La composante aéronautique (10 avions et 14 hélicoptères) est déployée au Kirghizstan, sur la base aérienne militaire russe de Kant. Ces forces ont été formées dans le but de remplir des missions multiples, avant tout pour réprimer les attaques de mouvements terroristes et radicaux, ce qu’elles peuvent mener à bien de façon tout à fait correcte. L’utilisation opportune de ces forces, avec l’accord du gouvernement provisoire du Kirghizstan (qui de toute évidence ne contrôle pas le pays) et des autres pays membres de l’OTSC, permettrait au moins de réduire l’ampleur de
La Russie n’a pas levé le petit doigt pour tenter de mettre fin aux violences contre la population ouzbèke
la violence, à défaut d’y mettre définitivement un terme. Car il n’est pas exclu que les pays frontaliers du Kirghizstan et la Russie elle-même se voient entraînés dans une guerre semblable à celle d’Afghanistan en cas d’aggravation du conflit. Bien entendu, on peut comprendre la réticence des autorités russes à prendre des mesures radicales. En acceptant le rôle d’arbitre dans les affaires de ses voisins, proches ou lointains, la Russie n’a jamais obtenu d’avantages : au contraire, de telles initiatives lui ont apporté maints ennuis. Il est donc évident que dans la situation actuelle, Moscou n’acceptera de mener des opérations militaires qu’en bénéficiant du consensus international le plus large possible. Dans l’idéal, avec le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU. Toutefois, une prudence aussi louable peut s’avérer lourde de conséquences. La réputation de leader dans une région sensible et explosive s’acquiert au prix d’une détermination sans faille et de la ferme volonté de défendre ses intérêts et les principes de coexistence déclarés. Si la Russie ne possède pas cette détermination, d’autres prétendants ne tarderont pas à se présenter afin de prendre sa place. Ilia Kramnik est expert militaire auprès de RIA Novosti.
Un bien commun qui ne profite à personne Maxime Troudolioubov
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vedomosti
’écrivain Friedrich Dürrenmatt, se livrant à une parabole, a comparé les systèmes politiques aux moyens de transport. Dürrenmatt fait coexister deux pays : dans le premier, celui de la justice, tout le monde se déplace en train ; dans le second, celui de la liberté, on ne circule qu’en voiture. Puisqu’au pays du chemin de fer, c’est la justice qui gouverne, on trouve obligatoirement une gare devant chaque immeuble, devant chaque porte. La marche à pied y est interdite car les uns se déplacent plus rapidement que les autres, ce qui est considéré comme injuste. La prolifération des stations et des gares ralentit donc la circulation des trains et des tramways au point que les gens se voient obligés de passer d’un wagon à l’autre ou de marcher sur les toits des trains pour arriver à bon port. Au bout du compte, le pays est bloqué. Au pays de la liberté et des automobiles, ce sont les accidents qui deviennent le fléau national. Le code de la route – une atteinte à la liberté - n’y est en effet pas plus respecté par les autorités que par les citoyens. À chacun son véhicule, et les embouteillages deviennent terribles. Du coup, ici aussi, tout se bloque. La morale de cette histoire est
Un pays a autant besoin de liberté que de justice, l’une ne doit pas exclure l’autre simple : un pays a autant besoin de liberté que de justice, l’une ne doit pas exclure l’autre. Bloqué dans les embouteillages moscovites, je m’en suis souvenu plus d’une fois en me disant que nous formions tout de même une nation libre et qu’en choisissant la liberté avec nos 200 voitures pour 1 000 habitants (presque 300
pour 1 000 à Moscou), nous allions atteindre à notre tour les niveaux des autres peuples libres. Dans les pays d’Europe les plus développés, la norme est en effet de 600 voitures pour 1 000 habitants. Mon raisonnement était naïf. Quand le monopole des chemins de fer russe a mis en service les trains à grande vitesse, nous avons découvert que la justice en tant que principe était toujours d’actualité. En Russie, la demande en trains est énorme. Dès que leur fréquence diminue, la mémoire génétique de nos concitoyens reprend le dessus et le modèle de comportement propre au désar-
roi de l’après-guerre ressurgit : ils prennent d’assaut les toits des trains. En cas de perturbations, il ne leur vient même pas à l’esprit de demander aux Chemins de fer un dédommagement. Dürrenmatt le visionnaire ne soupçonnait pas que ses scénarii absurdes puissent se réaliser et encore moins que trains et voitures puissent s’arrêter de circuler simultanément dans un même pays. Il est aujourd’hui impossible de savoir vers quel modèle tend la société russe, celui de la liberté ou celui de la justice. Pour jouir d’une véritable liberté, il faut en effet non seulement des voitures, mais aussi des routes. Pour bénéficier de la justice, il faut des trains qui respectent les horaires. Après l’effondrement de l’URSS, la construction des routes et l’organisation des transports en commun sont passées de mode. Après des décennies de vie en communauté, la société russe a éprouvé un désir de propriété privée. À chacun son espace propre, sa maison, sa voiture. Dans le monde, la voiture est le moyen le plus simple de s’affirmer. L’affirmation de soi par la propriété est également importante pour les fonctionnaires qui considèrent la production du bien commun comme un fardeau. L’argent destiné au bien « commun » est extorqué aux oligarques au motif qu’il convient de les forcer à la responsabilité sociale. Quant au budget de l’État, il sert à tout sauf à bâtir quelque chose pour la société. Le conflit profond entre le commun et le privé n’est toujours pas résolu et explique les difficultés rencontrées dans le développement des transports en commun. Ces problèmes disparaîtront dès que ce qui est « commun » cessera de n’être « à personne ».
Sondage Espions ou manipulation ? Les russes sont majoritairement d’accord avec le président medvedev pour estimer que l’affaire des espions est une provocation américaine.
source: levada
Sondage effectué par le Centre Levada auprès de 1 600 Russes entre le 2 et le 5 juillet dernier. Une autre question faisant partie du même sondage révèle que 59% des personnes faisant partie de l’échantillon étaient au courant du scandale des espions Russes contre 41% qui n’en avaient pas du tout entendu parler.
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Persprectives
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Justice La Russie reconnue propriétaire de la cathédrale de Nice
Emprunts russes : vers une relance de l’affaire ? Une décision de justice redonne espoir aux centaines de milliers de porteurs français spoliés en 1918 par un décret de Lénine, qui ne reconnaissait plus les « dettes tsaristes ». dimitri de kochko
Au lendemain de la Révolution, Lénine avait signé un décret ne reconnaissant plus les « dettes tsaristes ».
Russie ne sont plus exigibles, pourquoi la propriété d’un bien immobilier de l’État russe d’avant 1917 lui serait-elle reconnue, alors que ses obligations ne le seraient pas ? Si l’association n’obtient pas gain de cause, demandera-t-elle la saisie du terrain de Météo France acquis par la Russie ? Moscou arguerait qu’il y avait de quoi rembourser les petits porteurs depuis longtemps.
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La reconnaissance en janvier dernier de la propriété russe sur l’église St-Nicolas de Nice, et l’achat au printemps du terrain de Météo France à Paris pourraient relancer le sinistre feuilleton des « emprunts russes ». Compte tenu de ces nouveaux développements, l’AFIPER (Association fédérative internationale des porteurs d’emprunts russes), qui représente quelque 400 000 porteurs de titres obligataires russes d’avant 1917, ne renonce pas aux possibilités d’une action en justice pour tenter de récupérer une partie des biens de ses mandants. Mais contre qui et auprès de qui ? Les tribunaux français, y compris le Conseil d’État, tout en reconnaissant le droit des personnes spoliées à se plaindre, n’examinent plus leurs plaintes. La Justice s’appuie sur l’accord diplomatique franco-russe de 1996 réglant la question des dettes antérieures à 1945 (voir encadré). Les associations de porteurs, qui n’ont pas été consultées, critiquent notamment le montant de la « soulte » compensatoire. Elles n’ont pas été suivies par la Cour européenne des droits de l’homme qui, en mai 2001, a estimé qu’un épargnant devait assumer les risques inhérents à tout placement financier. Il ne reste aux porteurs de titres qu’à se tourner vers les tribunaux russes, mais sans appui diplomatique français, car l’accord de 96 l’empêche et permet aux tribunaux russes de renvoyer les plaintes aux français… C’est là que l’affaire de St-Nicolas peut permettre à ces associations de rebondir car la Justice française a reconnu que la Fédération de Russie était propriétaire de la cathédrale de Nice, construite sous les tsars. Le Tribunal de Grande Instance de Nice a rejeté l’argument de l’Association cultuelle de cette ville qui utilise la cathédrale depuis 1923. Son bail arrivé à terme, elle voulait faire reconnaître son titre de propriété au motif de l’occupation durable du bien. Pour les porteurs, l’intérêt est dans la reconnaissance par un tribunal français d’un litige sur une question de propriété antérieure à 1917, car si les dettes d’avant 1945 entre France et
kirill lagutko
la russie d’aujourd‘hui
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La somptueuse cathédrale orthodoxe de Nice a été consacrée en 1912.
L’accord de 96
Locomotives dorées En 1880, Alexandre III propose des titres cautionnés en or à Paris pour financer ses chemins de fer. Après la défaite de 1871, la France recherche des alliés solides. En 1888, quatre emprunts de 500 millions de francs or sont émis et couverts. Ils seront suivis de bien d’autres grâce à l’alliance franco-russe. Par patriotisme, autant que par intérêt pour des obligations qui garantissent une bonne rente. Ils sont 1,6 million de porteurs à avoir acquis pour 12 milliards de francs or en 1914 (soit 19 milliards d’euros actuels). Selon le professeur Vladlen Sirotkine, spécialiste des avoirs russes à l’étranger, en 1914, le ministère russe des Finances a retiré en urgence les avoirs de Berlin pour les placer à Paris. Mais on ignore toujours où est cet or. Selon le professeur, les Romanov ont expédié des lingots, via le Japon, en France et en Angleterre. C’est cet or qui a servi de mon-
naie d’échange à Gorbatchev pour conclure un accord avec Londres et indemniser dès 1986 les porteurs anglais d’emprunts russes… La Révolution d’octobre 1917 avait poussé le nouveau pouvoir à signer la paix de Brest-Litovsk et à verser 47,5 tonnes d’or aux Allemands. Or pris par les Français après 1918. Après déduction anglaise, il avait été confié « provisoirement » à la France par le Traité de Versailles et n’a jamais été restitué à la Russie. Pendant la guerre civile, le chef des armées blanches de l’Est, l’amiral Koltchak, a envoyé au moins 11 tonnes d’or à des banques françaises. Selon Sirotkine, les autorités françaises disposaient en 1923 « d’au moins 93,5 tonnes d’or » qui leur auraient permis d’indemniser les petits porteurs. Une autre voie a été choisie : faire retomber la responsabilité sur les « bolcheviques au couteau entre les dents ».
La France et la Russie ont signé l’accord du 26 novembre 1996 pour régler « définitivement » le contentieux. Le document prévoit non pas un remboursement mais la compensation des créances réciproques entre les deux pays et le versement par la Russie d’une « soulte » (une différence) de 400 millions de dollars. Ainsi, les dettes des institutions et des banques françaises vis-àvis de la Russie sont aussi prises en charge de fait par de l’argent destiné aux petits porteurs français d’emprunts russes (25 milliards d’euros, selon l’APFER). La Russie a renoncé à demander la restitution des 47 tonnes de Brest-Litovsk. Les Français ont pris la responsabilité de régler les contentieux en France. La façon dont s’est passé le recensement des ayants-droit en est un.
le slip de james bond
on échange ?
agents anonymes
moskovsky komsomolets
itogi
La voiture, la maison et les comptes en banque, telle était l’occupation principale de nos agents. Ils faisaient des rapports, bien sûr, mais de telle manière qu’après sept ans de filature on manquait de preuves tangibles pour les accuser d’espionnage. Doit-on reprocher aux inculpés de s’être passionnés pour les affaires et les parterres de fleurs ? Plus personne ne travaille pour des idéaux. Mais c’est quand même vexant. C’est comme si James Bond avait ouvert sa super-valise pour n’y trouver qu’un slip et du poulet enrobé dans de l’alu.
Il y a des raisons de se réjouir : les deux parties ont fait preuve d’un esprit d’ouverture et d’une capacité de s’entendre incroyables. L’échange d’espions montre que la relance des relations russo-américaines est un fait. Chacun est obligé de faire de sérieux compromis, d’aller contre ses principes, parfois contre sa propre loi. Mais le jeu en vaut la chandelle. Ce n’est pas le scénario d’un grand thriller, certes, plutôt une parodie comique. Mais la comédie, c’est mieux qu’un film de guerre. Au moins quand il s’agit des relations entre deux puissances atomiques.
lu dans la presse l’échange inégal : quatre espions contre dix clowns Le feuilleton d’espionnage qui s’est achevé par un échange d’agents secrets sur le tarmac de l’aéroport de Vienne a suscité autant de colère que de rire. À Moscou, on a d’abord crié à la provocation, avant de s’interroger sur le professionnalisme des espions qui n’ont même pas réussi à se faire accuser d’espionnage par le tribunal américain. Préparé par Veronika Dorman
Ekaterina Deeva
Andreï Vladimirov
vedomosti
Le ministère des Affaires étrangères soupçonne les États-Unis d’avoir choisi « élégamment » le moment pour arrêter les espions : la fin de la visite de Medvedev à Washington, pour en gâcher l’impression et ralentir la relance. Sans aucun doute, il y a des gens dans l’« establishment » américain qui sont hostiles à la Russie et ne veulent pas d’une relance des relations. Il se peut que le scandale ait été organisé par eux, mais très mal préparé. De toute évidence, l’affaire est aussi préjudiciable à l’administration d’Obama qu’à celle de Medvedev.
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Ces sacrÉS FRANçAIS
Le tango des vieux amants Natalia Gevorkyan
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Spécialement pour la russie d’aujourd’hui
out à coup tu te retrouves seule, parce que c’est l’été, les amis sont partis en vacances, Paris s’est vidée, et toi, tu croules sous le travail, qui n’a que faire de l’été. Cette accalmie inattendue, qui coïncide avec celle de la ville arrachée à sa course folle, est l’espace créatif, affranchi des rendez-vous professionnels et autres obligations personnelles, dont tu rêves toute l’année. Tu deviens plus attentive aux détails du paysage parisien allégé par l’été. Le jogging du soir sur les quais de la Seine se transforme en aventure. Plus besoin de musique dans les oreilles, cette cloison sonore entre toi et la rumeur pesante de la ville. La cité s’apaise et tu commences à entendre sa résonance. Les sons du tango retentissent plus fort. Il suffit de descendre des quais supérieurs vers la Seine. Plus près de l’eau. On y tangue dans le soleil couchant. Hallucinant ! En chaussures à talon et en baskets, en jupettes et en jeans, dos nu ou vêtu d’un simple t-shirt. Peut-être que grâce à Bertolucci, le tango à Paris est différent, surchargé émotionnellement. Ou alors ce n’est que moi qui l’entends de la sorte. À Moscou, dans le parc Neskoutchny, on danse la salsa, le rock n’roll ou les danses de salon, et parfois même des danses populaires. Avec toute l’énergie de la jeunesse et le sentiment joyeux d’avoir un public. Quel que soit le rythme de la musique, tu sens le tempo de l’époque. Les adultes passent en souriant, ou s’arrêtent pour applaudir. À Paris, chacun danse pour soi. Et ça se voit. Les gens sortent sur la piste improvisée pour se faire plaisir
avant tout. Des jeunes et des moins jeunes, et des plus jeunes du tout dansent le tango, cette danse superbe où l’erreur est impossible. Aucune envie de continuer sa course. En revanche, tracer dans l’air cet élégant zigzag avec son talon et s’appuyer sur la main attentive du partenaire… Les uns dansent le tango-light, de manière approximative, les autres exécutent chaque pas avec zèle et exactitude. Tout est parfait et totalement froid. Et tout à coup, un couple d’un certain âge apparaît sur la piste. Lui est vêtu de noir, elle de blanc. Ils s’emboîtent, main dans la main, comme les détails d’un mécanisme parfaitement ajusté. S’immobilisent pour quelques instants, puis… Je ne comprends plus ce qui se passe. Leurs mouvements ont la retenue des rythmes d’un siècle passé. Elle le touche sans le toucher. Sa tête à lui est légèrement inclinée vers le bas, vers elle. Une impression d’improvisation dans chaque mouvement. Tu te figes, parce qu’on est train de te raconter une histoire, et ce récit discret contient tellement de passion, que ça te met mal à l’aise, tu ne voulais pas épier cette vie étrangère. Ces deux-là sont comme seuls sur les quais, avec leurs propres souvenirs, leur histoire. Deux corps qui ont trouvé et n’ont jamais perdu l’harmonie, qui ont survécu à la vanité de l’impeccabilité et ont acquis cette classe qui transforme une série de mouvements en essence du tango. C’était la danse d’un amour inépuisé, d’une attraction réciproque qui a résisté au temps. Cela ne s’apprend pas. Et il faut le danser ici, dans le soleil couchant et au couchant de la vie, qui se reflètent tristement dans la Seine rose et grise. Natalia Gevorkyan, correspondante à Paris du journal Kommersant.
ces sacrés Russes
Voyage au bout de la nuit François Perreault
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Spécialement pour la russie d’aujourd’hui
epuis le temps, ça fait plaisir. Exilé depuis un petit moment dans la capitale russe, l’ami Jean-Pierre reçoit enfin la visite de quelques potes parisiens en mal d’exotisme. L’arrivée de Grégoire et de Thierry, c’est l’occasion de s’encanailler un peu dans les tripots de luxe de la capitale. Encore faut-il que les deux touristes s’adaptent un tant soit peu aux codes de conduite locaux. La première soirée aura donc été un échec. Les tongues (de marque) de Grégoire, si elles lui valent moult compliments dans l’Hexagone, procurent au contraire un haut-le-c œur aux videurs. Le t-shirt (griffé) de Thierry, tout autant. Rendez-vous est donc pris le lendemain dans les chics boutiques de la ruelle Stolechnikov, histoire de faire bonne figure et quelques emplettes. Paré d’une chemise (d’un mauvais goût sans nom),Thierry est irrésistible. Les chaussures croco à bouts pointus siéent à Grégoire à la perfection. La deuxième soirée sera la bonne. La neuvième discothèque les accepte. Jean-Pierre est acclimaté, les deux autres un peu moins. « Tant de prostituées de 15 ans, c’est étonnant ! », lâche Grégoire, l’ œil tournant comme un stroboscope. Une erreur de débutant rapidement corrigée par notre vieil ami : il
s’agit simplement de jeunes russes vaguement majeures en habit traditionnel moscovite. On entend très mal avec cette mauvaise musique impulsée par un DJ prétendument « international ». L’affiche le dit berlinois, c’est à coup sûr un Allemand de la Volga. Sirotant leurs cocktails à vingt euros, matant les filles jusqu’au torticolis, les trois héros seront néanmoins rapidement identifiés dans une foule à forte prédominance féminine. Qu’on vous présente Macha, Ksioucha et Dacha, 18 ans aux fraises, qui viennent s’asseoir à leurs côtés : minijupes fluos, maquillage à la truelle, talons himalayens – un classique du genre. Le sabir russo-anglais du sextuor est incompréhensible, la discussion, périlleuse, mais les bouteilles de champagne soviétique qui s’accumulent sur la table délient les langues. La légère ivresse se transforme en monstrueuse murge. Champagne et cocktails, la messe était dite : notre trio de choc n’aura pas remarqué le départ des belles, qui se sont esbignées à l’heure du premier métro. Rien de tel cependant qu’une facture de bar pour dégriser JeanPierre, qui connaît davantage le cours du rouble. De toute façon, les ronflements de Grégoire indiquent qu’il a oublié jusqu’à la couleur de l’euro. Notre vaillant ami s’acquitte donc de la douloureuse, non sans grimacer. Mais que sont 700 euros, quand on vient de passer une belle soirée ? François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.
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Culture
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Portrait Une Française parmi les Russes
Parfaire ses entrechats à l’école du Bolchoï Michelle a intégré l’école du Bolchoï à sept ans. En dix ans, cette danseuse française russophone s’est parfaitement intégrée à la culture chorégraphique russe. Maureen Demidoff
spéCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le dos bien droit, la nuque dégagée et les pieds en première position, Michelle Willems danse comme elle respire. Le goût de son art lui est venu toute petite, après avoir assisté à un ballet classique. En sortant de la salle de spectacle, c’était décidé : elle serait danseuse. S’ensuit une rencontre décisive avec son premier professeur de danse, Katia Anapolskaïa, qui lui propose de la montrer au Bolchoï. Un rêve inouï pour cette jeune Française. Alors que les conditions d’admission dans la prestigieuse école requièrent le passage de trois examens pour évaluer les aptitudes (écarts, positions, « endehors »), la morphologie selon les critères du Bolchoï (« longues jambes, longs bras, petite tête ») et le style, Michelle Willems est invitée à faire une démonstration devant un professeur, lors d’un cours avec des enfants de son âge. « Mon intégration au Bolchoï ne s’est vraiment pas passée de façon habituelle », raconte-t-elle. « J’ai échappé aux trois examens d’entrée et on m’a prise directement en deuxième année ». Débutent alors dix années d’internat pour l’unique Française de l’école, considérée très vite comme russe par les enseignants et les élèves. À dix sept ans, la jeune danseuse s’est aguerrie, et adaptée à la psychologie des professeurs sans se laisser intimider ni par leurs méthodes pédagogiques, ni par la discipline de l’école : « Pour que tu travailles davantage, les Russes te disent que tu n’as pas le niveau. Certains professeurs nous ont beaucoup fait pleurer mais ils nous aiment et ils sont durs pour nous forcer à donner le meilleur de nous-mêmes. Je préfère mille
fois être grondée qu’ignorée ; j’aurais l’impression de ne pas intéresser », explique Michelle. En janvier 2010, à l’occasion du Gala Pestov organisé pour le jubilé du grand professeur, Michelle Willems est choisie pour danser avec le corps de ballet, sur la scène du Bolchoï, la Valse des fleurs de Casse-noisette. Les ballets dont les scénarios mettent en scène des enfants sont autant de chances pour les élèves de
« Pour que tu travailles plus, on te dit que tu n’as pas le niveau. Certains professeurs nous font pleurer mais ils nous aiment. Ils sont durs pour nous forcer à donner le meilleur de nous-mêmes » participer à des spectacles. Michelle rapporte comment elle a « également dansé au Kremlin dans le Corsaire de Grigorovitch dont la chorégraphie offre des rôles pour petites filles. J’étais en quatrième année et j’en garde un souvenir étrange car j’ai failli rater mon entrée en me prenant les pieds dans les fils du décor ». En répétition, il faut comprendre et mémoriser rapidement sous peine d’être écartée du spectacle. La vitesse de travail reste une marque distinctive de l’école russe, qui peut mettre en place un ballet en un temps très court. « Nous avons monté la Valse des fleurs en une semaine, c’est seulement sept jours de répétition avant la scène », explique la jeune Française. Et d’ajouter : « Danser sur la scène du Bolchoï [nouvelle scène], c’est beaucoup de joie, de trac et la tristesse que tout se termine rapidement ». Le regard parfois critique sur les chorégraphies jugées trop académiques, la jeune danseuse se réjouit de voir des mises en scène plus contemporaines investir la scène du Bolchoï, à l’instar de l’Opéra de Paris. Elle
« Danser sur la nouvelle scène du Bolchoï, c’est beaucoup de joie, de trac et la tristesse que tout se termine rapidement ».
aspire à des rôles de soliste et à un large répertoire pour danser des adagios et surtout des œuvres de caractère, qu’elle affectionne particulièrement. Michelle Willems terminera ses études dans deux ans, en sachant qu’elle ne pourra pas travailler au Bolchoï, car elle n’est pas de nationalité russe. Lucide, elle confie qu’elle « ne le regrette pas vraiment car au Bolchoï il y a beaucoup de talent, jusque dans le corps de ballet, donc il est très difficile de devenir soliste. Dans un autre théâtre, les danseurs ont certainement plus de chance d’y parvenir. Le diplôme du Bolchoï ne m’ouvrira pas toutes les portes mais c’est un diplôme prestigieux, qui comptera ».
Alexander Averin(2)
« Grand » théâtre Le Théâtre du Bolchoï (« Grand Théâtre » en russe) incarne mieux qu’aucune autre institution le sens du faste des Russes. Il fut construit en 1824, brûla en 1853 puis fut reconstruit avec une capacité portée à 2 000 places et une très vaste scène accueillant dès lors les grandes vedettes internationales. On y privilégie depuis toujours les voix très puissantes et les danseurs au physique athlétique. Fermé en 2005 pour travaux, le théâtre devrait rouvrir en 2011. Une « nouvelle scène » un peu plus petite accueille actuellement les spectacles du répertoire.
Exposition Un vaste panorama de la photographie russe actuelle exposé à Paris
Des clichés et des signes de liberté
Jean-Eric Desalme
spécialement pour la russie d’aujourd’hui
Le stalinisme et ses héritiers avaient tenté de réduire l’entité géopolitique et l’homme russes à un seul corps. L’exposition « Photographie de la nouvelle Russie, 1990-2010 », panorama de la photo contemporaine russe, nous montre des réalités totalement opposées. Sur le versant documentaire, on retiendra entre autres Serguei
Tchilikov et son odyssée à travers les « régions », entre 1993 et 1995, efficace exploration d’une Russie s’étendant bien audelà de Moscou et souvent inédite. Igor Mukhin, le très prolifi qu e p h o t o g r a p h e d e l a jeunesse urbaine russe, sensibilise à l’intrusion brutale du capitalisme dans la société postsoviétique. On s’arrêtera aussi sur les témoignages poignants des guerres récentes menées par la Fédération de Russie (Boris Koudriavov, « Miroir de la guerre », Grozny, 1996), mais aussi simplement sur les visages et les corps de dizaines de femmes, d’hommes (et de nombreux enfants) dans les sobres portraits
de familles en noir et blanc, réalisés par Vladimir Mishukov. Du côté des « plasticiens », au sens large du terme, la poésie délicate d’un Leonid Tishkov, créant un personnage qui promène un énorme croissant de lune incandescent dans la ville et jusque dans son lit, ou encore le collectif AES+F, mettant sans concession en scène certains rapports de domination et d’aliénation inhérents à toute société, sont autant de signes d’une liberté et d’une impertinence qui n’ont rien à envier aux artistes du monde autrefois dit « libre ». mdf
Les plus beaux discours ne pourront rendre compte de l’effervescence russe avec autant de fidélité que les images exposées à la Maison européenne de la photographie.
Boris Koudriavov « Le miroir de la guerre », cliché pris à Grozny.
Maison européenne de la photographie, jusqu’au 29 août. www.mep-fr.org
« Le diplôme du Bolchoï ne m’ouvrira pas toutes les portes mais c’est un diplôme prestigieux, qui comptera ».
À l’affiche de l’Année Croisée 2010
jeune art ruSse 19-23 août 2010, CANNES
Musique, traditionnelle et classique, et peinture au programme de ce festival mettant en contact de jeunes artistes russes et la création locale cannoise. Avec la participation de l’Ensemble chorégraphique Moïsseïev et de l’Ensemble Folkorique Les Gousliars.
Îles solovki - Merveilles du nord de la russie du 2 au 16 août au Centre de Russie pour la Science et la Culture à paris
Cette exposition photo présente la beauté de l’archipel des Solovki, situé dans la mer Blanche arctique, à proximité du cercle polaire. Elle fera découvrir un patrimoine naturel, historique et spirituel unique, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle offrira aux visiteurs des clichés des magnifiques paysages et du célèbre monastère des îles – lieu de pèlerinage pour les Russes et destination privilégiée des touristes étrangers (après avoir accueilli le Goulag - voir notre article par ailleurs). La création de ce monastère, il y a plus de cinq cents ans, dans les conditions difficiles du Grand Nord, a donné naissance à un patrimoine exceptionnel. ›› www.russiefrance.org, ›› www.infos-russes.com Tous les détails sur notre site
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Culture
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Portrait L’écrivain Olivier Rolin se livre à l’occasion d’un voyage à bord du Transsibérien
« Le Goulag est essentiel à ma constitution intellectuelle »
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CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Un « thriller russe » en noir sur blanc
Olivier Rolin connaît la Russie depuis longtemps. À bord du train des écrivains Blaise Cendrars, il raconte comment ce pays ne cesse de le fasciner. VERONIKA DORMAN
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La Russie et vous, c’est une vielle histoire… Elle a commencé il y a 25 ans. En 1985, un éditeur a décidé de m’envoyer en Russie pour en tirer un livre (En Russie, Quai Voltaire 1987). C’était encore l’Union soviétique, un pays que l’on connaissait mal. J’ai appris le russe sur le pouce, juste de quoi me débrouiller. Je suis parti deux fois, seul, d’abord en hiver : Leningrad, Moscou, le Transsibérien. Puis en été, autour de la mer Noire. Je voulais voir de quoi était fait le quotidien des Russes.
Justement, que représente pour vous, ancien révolutionnaire de la gauche radicale, le Goulag ? Si je suis allé à Magadan, c’est parce que j’avais lu Chalamov et Evguenia Ginzbourg. Pour moi, le Goulag est une des grandes bornes tragiques du XXème siècle. Même si je suis français, c’est mon histoire. Dans ma jeunesse j’ai été très révolutionnaire, sous la forme un peu absurde du maoïsme. Nous étions beaucoup dans ces mouvements, mais nombreux aussi à nous désengager. Nous nous sommes auto-dissous en 1973, et c’est ce qu’on a fait de mieux, à peu près à l’époque de la parution en Europe de l’Archipel du Goulag. Notre raison première était notre désenchantement, nous devenions crétins en demeurant des militants fanatiques. Ce constat a coïncidé
TADEUZS KLUBA
Ce n’était que la première de vos innombrables aventures russes ? Je n’ai jamais cessé de revenir depuis. À Leningrad pour une revue ; à la fac d’Irkoutsk, pour animer un séminaire sur la poésie française ; à Tomsk pour parler de Port-Soudan. Puis Vladivostok, le Kamtchatka, Magadan pour voir l’endroit où l’on débarquait les déportés de la Kolyma. J’ai passé une quinzaine de jours dans le grand nord, dans l’estuaire du fleuve Khatanga, pour écrire une série pour Le Monde sur un type qui extrayait des mammouths de la glace. C’est la Sibérie qui m’a toujours fasciné le plus, ses terrae incognitae, et la charge de douleur qu’elle porte.
ÉDITIONS DES SYRTES TRADUIT PAR ANTONINA ROUBICHOU-STRETZ
Olivier Rolin avait déjà pris le Transsibérien lors de son premier voyage en Russie, en 1986, jusqu’à Khabarovsk.
Je suis allé à Magadan parce que j’avais lu Chalamov. Le Goulag est une borne tragique du XXe siècle. Je ne suis pas un grand admirateur de Dostoïevski, je n’aime ni son style ni ses idées. Alors que Tolstoï est un peintre remarquable, le plus grand romancier de l’histoire de la littérature.
Olivier Rolin, le mot au poing Né le 17 mai 1947 à BoulogneBillancourt, Olivier Rolin a passé son enfance au Sénégal. Diplômé de philosophie et littérature, normalien, il a été membre dirigeant de la Gauche prolétarienne et chef de sa branche armée, la Nouvelle Résistance populaire. Grand voyageur, il est surtout écrivain et essayiste, journaliste à ses heures
perdues, et éditeur de longue date aux éditions du Seuil. Son quatrième roman, Port-Soudan (Seuil 1997) a remporté le prix Femina, mais son plus grand succès à ce jour reste Tigre en papier (Seuil 2002), où il revient sur ses rêves et désenchantements de jeune révolutionnaire. Il vient de publier Bakou, derniers jours (Seuil).
avec le surgissement massif du Goulag sur la scène intellectuelle française. J’ai engagé alors une réflexion un peu mélancolique sur la révolution en général, russe mais aussi française, ce qu’il y avait de grand et de sinistre dans son histoire, à partir de mon expérience personnelle et de Soljenitsyne. Le Goulag est essentiel à ma constitution intellectuelle.
Pelevine, que je suis très fier d’avoir publié. La mitrailleuse d’argile (Seuil, 1997) est un très grand livre qui a eu beaucoup d’éclat. L’auteur que j’aime vraiment, que j’aurais aimé rencontrer, c’est Tchékhov. Les grands écrivains russes sont parfois effrayants. Je n’ai jamais eu une envie folle de discuter avec Dostoïevski. Tolstoï est terrifiant à sa façon. Les grands Russes parlent souvent du peuple, mais ils en étaient assez éloignés. Alors que pour Tchékhov, le peuple n’est pas une abstraction.
Quelle est votre relation à la littérature russe ? Je ne connais pas très bien la littérature contemporaine. Sauf
Loisirs Les Russes plébiscitent leur résidence secondaire
Rien ne vaut la datcha pour se remettre au vert ! LEGION MEDIA
L’attachement à maison de campagne est tel que même au cœur de l’été, nombreux sont ceux qui ne vont pas plus loin. La datcha est plus que jamais enracinée dans la culture russe. SVETLANA ALEKSEEVA
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
C’est un exode rituel. Les voitures s’extirpent des grandes villes chargées de jeunes et de moins jeunes, de chats et de chiens, de vieux vêtements, frigos, matelas et tout ce qui peut servir loin de la civilisation. On fuit la pollution et la grisaille pour un retour à la nature hebdomadaire.
Diaporama sur larussiedaujourdhui.fr
La datcha, c’est le ballon d’oxygène des citadins russes.
De préférence pendant la belle saison. Qu’est-ce qu’une datcha traditionnelle ? Un lopin de 600 m2, situé entre 50 et 200 km du domicile urbain, avec quelques buissons, des pommiers et un potager, une maison en bois sans téléphone ni eau courante, et des toilettes à l’extérieur. Il est vrai que pendant la dernière décennie, de fastueuses résidences secondaires ont été érigées dans les secteurs à datchas, avec des colonnades, balustrades et autres fastes, mais ces constructions n’ont plus rien à voir avec les datchas traditionnelles. Pour « l’homo sovieticus », la datcha était sa propriété privée dans un pays où celle-ci était niée. C’était le seul moyen d’échapper momentanément au contrôle total sur la société. « J’étais à la datcha » justifiait une longue absence, une sorte d’émigration interne. La datcha met aussi du baume sur les chamailleries familiales, c’est le lieu du consensus. Elle
Vous dirigez depuis un an un programme littéraire en Russie… « Aimer la littérature ». Avec l’aide du Centre culturel, tous le deux mois, pendant une semaine, à Moscou, Saint-Pétersbourg et Ekaterinbourg, je présente un écrivain français, qui lit et commente un écrivain qu’il aime dans la littérature française. Emmanuel Carrère a lu Romain Gary, Pierre Michon à présenté Victor Hugo, Jean-Christophe Bailly a lu des poètes modernes. J’avais moi-même essuyé les plâtres en lisant des textes de Chateaubriand. Vous venez de recevoir le prix Paul Morand de l’Académie française, vous y attendiez-vous ? Je l’ai appris en me réveillant à Oulan-Oude. J’étais stupéfait. Audelà de l’aspect matériel (45 000 euros), c’est un honneur. Je ne vais pas faire de fausse modestie. Que des gens reconnaissent votre travail, c’est extrêmement flatteur. Mais comme a dit Dominique Fernandez, je me suis toujours moqué de l’Académie française. C’est vrai. Et je continuerai.
offre un bouquet d’activités qui met tout le monde d’accord. « Nous allons à la datcha », et tout est dit. Le mari plante des clous, la femme des tomates, les enfants et les chiens sont lâchés en liberté... La datcha nourrit aussi ses occupants, ce qui n’était pas rien à l’époque soviétique où le déficit chronique de produits dans le commerce était compensé par les légumes récoltés sur son lopin de terre et mis en bocaux (voir la recette en p.12). Les concombres marinés à la maison ou la confiture faite avec les framboises du jardin restent imcomparablement plus savoureux que ce que l’on achète en magasin. C’est aussi le lieu idéal du rituel des brochettes (chachlik), la dégustation de viande prisée dans toute l’ex-URSS. Et comme le chachlik, c’est meilleur en groupe, il fournit une bonne raison d’inviter des amis. La vie à la datcha est telle qu’on ne se rend pas compte qu’il est déjà temps... de retourner en ville.
Comme son illustre prédécesseur John le Carré, Alexandre Zviaguintsev est un homme de terrain. Procureur général adjoint de Russie, il met en scène dans un « thriller » volumineux et foisonnant un monde terrifiant qu’il connaît bien. Sélection naturelle présente une fresque de la Russie des années 90, où se succèdent trahisons, attentats, rapts, assassinats et trafics en tout genre, orchestrés par d’anciens apparatchiks du parti ou d’ex-agents du KGB reconvertis dans des affaires véreuses. C’est ce pays que retrouvent le héros Skif et ses compagnons, lorsque, après des années de guerre en Afghanistan et en Serbie, ils débarquent clandestinement chez eux et découvrent une nouvelle Russie : renouveau religieux, voitures de luxe, SDF, vieillards et enfants abandonnés ; une Russie « devenue un peu pute, qui couche avec n’importe qui contre des billets verts ». Ici, la sélection naturelle ne répond pas aux lois darwiniennes, mais à celles d’une mafia affairiste qui livre une lutte impitoyable pour une place dans la curée permise par l’incurie des politiques. Ce n’est pas le plus fort qui survit, mais le plus corrompu et le plus veule. Skif se lance à la recherche de sa femme Olga, avec laquelle il a passé tout juste un mois en Afghanistan où elle était venue le rejoindre sur le front. Une petite fille est née. Olga est devenue présentatrice vedette à la télévision et, croyant Skif mort, a épousé un homme de main de son père. Skif se trouve très vite confronté aux assauts d’un clan mafieux inspiré par son propre beau-père, surnommé le Python, en raison de son insatiable appétit d’argent et de pouvoir. Skif, le loup solitaire, dépositaire des valeurs d’honneur et de probité des cosaques, se lance dans un nouveau combat pour reconstruire, en dépit du chaos ambiant, sa propre vie. « Tant qu’il y aura des gens comme Skif... la nation russe survivra. Tous ceux qui la dénigrent, la corrompent et la pillent finiront par se briser contre l’homme russe, comme les vagues de la mer contre les rochers » dira l’Inquisiteur, général du FSB qui porte la voix de l’auteur. D’une écriture très cinématographique, Sélection naturelle a donné lieu à une série télévisuelle à succès en Russie. Christine Mestre Découvrez d’autres chroniques sur larussiedaujourdhui.fr
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Culture
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Art contemporain La Justice inflige des amendes à deux commissaires d’exposition
La liberté artistique en jeu Les parodies de Lénine ne choquent plus les Russes. Mais ajoutez le Christ au postiche, et le portrait s’avère criminel. Les intégristes s’appuient sur les tribunaux dans leur guerre contre la liberté artistique.
Concombre masqué contre « œil de Moscou » Jennifer Eremeeva
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
NORA FITZGERALD
ALEXANDR FOMIN_PHOTOXPRESS
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le commissaire d’exposition le plus respecté du milieu de l’art contemporain, Andreï Erofeïev, et l’ancien directeur du musée Andreï Sakharov, Youri Samodourov, l’ont appris à leurs dépens. À l’issue d’un long procès aux accents surréalistes qui s’est achevé la semaine dernière, les deux hommes ont été reconnus coupables d’incitation à la haine. Parmi les œuvres incriminées figuraient entre autres un Mickey déguisé en Jésus et une icône de laVierge recouverte de caviar. Ces œuvres faisaient partie de l’exposition « Art interdit-2006 », conçue par Erofeïev et Samodourov pour dénoncer la censure exercée sur l’art. Le procureur avait requis trois ans d’emprisonnement. Les accusés ont finalement écopé d’une amende de 9 000 euros au total. Certains pensent que le Kremlin est intervenu en leur faveur, pour leur épargner l’incarcération. À la veille du verdict, les deux conservateurs ont fait l’objet d’un déluge de témoignages de sympathie. Un groupe d’artistes russes, dont des avant-gardistes de renom tels que Ilya et Emilia Kabakov, Erik Boulatov et Vladimir Yankilevski, ont adressé une lettre ouverte au Président Dmitri Medvedev afin qu’il in-
RECETTE
Cette installation pour l’exposition « art interdit » souligne la difficulté de défier la morale dominante.
tervienne pour « mettre un terme aux persécutions ». « Un verdict de culpabilité serait une sentence à l’encontre de l’ensemble de l’art moderne russe, et un pas supplémentaire vers l’instauration d’une censure ouverte ou masquée », ont-ils écrit. L’exposition « Art interdit-2006 » présentait une vingtaine d’œuvres, dont des parodies d’images religieuses, cachées par des panneaux. Les visiteurs étaient contraints de monter sur un escabeau et de regarder à travers un judas : tout un symbole soulignant la difficulté actuelle d’ex-
poser des œuvres défiant la morale dominante. Des militants religieux et un groupe ultra nationaliste contre-attaquèrent aussitôt en portant plainte. Andreï Erofeïev compte parmi une poignée de conservateurs russes de grand talent et de renommée internationale. Il a su attirer l’attention de directeurs de musées et de collectionneurs internationaux sur des artistes comme le collectif « Blue Noses », adepte de la farce provocante parodiant Pouchkine, Poutine ou le Christ. Mais la position très ouverte de ce commissaire d’ex-
position lui a valu des ennemis dans les milieux officiels. Il a déjà été limogé de son poste de conservateur à la prestigieuse galerie Tretiakov. Avant le verdict, le collectionneur américain d’art contemporain russe Mark Kelner, avait prévenu : « Il faut être naïf pour considérer la politique et l’art comme deux choses séparées en Russie. Si Erofeïev et Samodourov sont reconnus coupables, une épée de Damoclès sera suspendue au-dessus de quiconque s’avise de susciter la moindre controverse ».
Je suis captivée par le scandale brûlant de cet été caniculaire : le cercle des espions russes dormants coincés aux États-Unis. Empêtrés dans de beaux draps jusqu’au cou, ces hommes et ces femmes ont été capables d’accomplir la tâche difficile de se faire passer pour des Américains ordinaires (mais quid de leurs enfants ?) pendant dix ans, et ça, ça m’impressionne. Je n’y serais jamais arrivée, moi. Malgré deux décennies en tant qu’Américaine à Moscou, je ne me ferais jamais passer pour une Russe, sauf peut-être en cuisine, où je peux exécuter une imitation un tant soit peu crédible. L’été est calme à Moscou et le moment idéal pour des projets culinaires ambitieux. Je n’ai pas à aller loin pour trouver de l’inspiration. D’énormes bocaux de 5 litres, des brassées d’aneth, de feuilles de chêne et de mûres, et des montagnes de concombres sont au premier plan de tous les étalages sur le marché : c’est la saison du cornichon malossol ! L’art de la conserve est arrivé en Russie de Chine, via les turco-mongols. Aujourd’hui, les concombres marinés font autant partie de la culture culinaire russe que la vodka. D’ailleurs, ces deux aliments de base font sou-
vent équipe pour ouvrir l’appétit pendant la longue étape des hors-d’œuvre. Le malossol est aussi un accompagnement classique de nombreux plats traditionnels, comme le bœuf Stroganoff. Et ce que le malossol est au début d’un dîner, la saumure ou « rassol » l’est au lendemain matin : pour de nombreux Russes, c’est le meilleur remède à la gueule de bois. La période de pousse en Russie est brève mais intense, surtout pendant les nuits blanches, quand le soleil ne se couche jamais. Voilà des conditions idéales pour faire pousser des concombres. À cette époque de l’année, ils sont bon marché, abondant et disponibles à tous les coins de rue. Le problème, c’est qu’une fois cueillis, les concombres périssent vite. Pour quel type de conservation opter ? Mon bon ami et connaisseur en concombres marinés, Zachary, 8 ans, trouve que les cornichons au vinaigre sont trop acides. Voici une solution à ce problème : des malossols demi-sel, de loin la conservation la plus simple à préparer, qui préserve le croquant du concombre fraîchement cueilli, en ajoutant le piquant de l’aneth, du sel et de l’ail. La préparation est très simple, mais il faut absolument s’assurer que tous vos ustensiles sont stérilisés ! STOCK FOOD_FOTOBANK
Carrefour de la jeune création SUITE DE LA PAGE 1
JANA UND JS/WWW.ARTPLAY.RU
Pour la grande majorité des artistes sélectionnés, il s’agit de leur première participation à une biennale d’envergure internationale. Le génie des organisateurs est de ne pas s’être contenté de proposer une série d’expositions, aussi passionnantes soient-elles, mais d’en avoir fait un vaste forum informel d’échanges entre les jeunes artistes. Une amusante aventure interculturelle, sociale, mais pas intergénérationnelle. Bien sûr, les adultes du monde de l’art, les curateurs, les collectionneurs ont financé, encadré, sélectionné, donné leur avis. Mais l’effervescence venait du mélange des jeunes. Certains s’angoissaient de savoir si tel ou tel ponte du milieu était passé devant son œuvre et avait lâché un commentaire élogieux. Dans leur majorité, les artistes étrangers ont profité de l’occasion pour découvrir Moscou. L’atmosphère de chaleur et de liberté totale a surpris la plu-
Contenu multimédia sur larussiedaujourdhui.fr
Autoportrait visuel du couple franco-autrichien JANA und JS.
part. Parfois des questions subsistent. « On trouve très peu d’œuvres questionnant directement la sexualité, et la représentation du corps reste rare, comme si les organisateurs avaient peur de quelque chose », s’étonne Guillaume Le Moine, venu de Lyon pour présenter « Un nouveau Monde », disque
de silicium lithographié par faisceaux d’électrons, associant technologies et utopie. Y a-t-il eu une autocensure ? « Pas du tout », rétorque Daria Kamychnikova, l’un des deux principaux commissaires d’exposition de la biennale. « Les seuls critères sont la qualité des œuvres et l’âge des artistes
[moins de 35 ans]. Nous avons choisi une grande part des œuvres [avec Daria Pyrkina, l’autre commissaire principal], et nous avons aussi choisi des commissaires d’exposition chargés de sélectionner leurs propres artistes ». Daria reste vague sur ses critères. « J’ai retenu ceux qui incarnaient le mieux le rejet des frontières [la frontière étant le thème général de la biennale] ». A-t-elle dû faire face, paradoxalement, à des limites ? « Seulement financières », assure Daria. « Nous avons juste refusé quelques installations pour des questions budgétaires ». La semaine des vernissages est terminée, et Sasha s’apprête à regagner sa provinciale Voronej où il a irrité les autorités avec une série de collages humoristiques mettant en scène Vladimir Poutine. Sasha ne s’en fait pas. Grâce à la biennale, il est rentré dans la grande famille cosmopolite des artistes. Il salue chaudement ses nouveaux amis et les invite à revenir dans deux ans, pour la prochaine biennale.
Ingrédients :
Plongez-les dans un large saladier d’eau glacée. Portez à ébullition les 5 litres d’eau et dissolvez-y le sel. Vous avez votre saumure. Laissez refroidir jusqu’à température ambiante. Placez une botte d’aneth au fond d’une mijoteuse puis disposez les concombres, bien serrés, à la verticale. Versez la saumure tiède sur les concombres, jusqu’à les recouvrir complètement. Ajoutez la moitié des ingrédients sur les concombres. Placez une seconde couche de concombres par-dessus et ajoutez le reste des ingrédients. Versez le reste de la saumure sur les concombres, assurez-vous qu’ils sont bien recouverts. Recouvrez la mijoteuse avec un torchon puis placez-la sur des cales en bois, ou sur une étagère en fer forgé pour que l’air puisse circuler sous la Préparation : mijoteuse. Nettoyez et stérilisez tous les usten- Les malossols seront prêts dans deux siles, récipients et surfaces. Lavezjours ! vous les mains. Découvrez d’autres Préparez les concombres : lavez-les recettes sur soigneusement, enlevez ceux qui larussiedaujourdhui.fr sont abîmés, et coupez les bouts. 5 litres d’eau 2-3 kilos de petits concombres 2 grosses bottes d’aneth frais 1 tasse de gros sel (casher ou marin) 15 gousses d’ail coupées en fines tranches 5 clous de girofle 1 cuiller à thé de graines de moutarde 1 cuiller à thé de graines de coriandre Des feuilles vertes de chêne, cassis ou cerise, si disponibles. Sinon, remplacez par de l’estragon ou de la coriandre frais 5 feuilles de laurier 1/8 de tasse de poivre en grains NB : si vous aimez vos cornichons un peu épicés, ajoutez du raifort ou quelques petits piments épépinés.
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Julia Golikova golikova@rg.ru Tél.: +7 (495) 775 3114