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Distribué avec

Snob pour snobs À la fois revue et club, Snob vise une nouvelle génération d’intellectuels russes aisés. P. 10

Kolyada ramène ses « Joconde » Cet automne, le dramaturge novateur présente son Hamlet à Paris.

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

P. 11 ITAR-TASS

Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 15 septembre 2010

Éducation Une série de réformes vise à lutter contre une corruption endémique

DÉBATS ET OPINIONS

Grand ménage à l’école Une bonne note au nouvel examen d’entrée à l’université peut s’acheter pour près de mille euros : une tricherie que favorisent les salaires dérisoires des enseignants russes.

Des universités compétitives

La refonte de l’éducation a pour but de voir les diplômes universitaires russes reconnus en Europe.

Une vague de réformes s’est abattue sur l’éducation supérieure. Le gouvernement veut favoriser l’émergence de grandes écoles de stature internationale en stimulant la concurrence entre universités.

GALINA MASTEROVA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le personnage préféré de l’émission comique populaire Nacha Racha (Notre Russie) est une enseignante provinciale. Snejanna Denisovna invente sans cesse de nouvelles combines pour que ses élèves lui rapportent de l’argent, au sens premier : dans l’un des derniers épisodes, elle les oblige à s’habiller en clochards pour aller mendier dans les rues. Bien qu’exagéré, ce personnage évoque une réalité indiscutable du système éducatif russe, miné par la corruption et en mal d’un « coup de balai » radical. Les incarnations bien réelles de Snejanna Denisovna sont moins drôles. La police de Morozovsk (région de Rostov) a pris en flagrant délit une trentaine d’enseignants qui passaient les examens de fin d’études à la place de leurs élèves.

La flotte attend le Mistral Un vif débat divise le complexe militaro-industriel à propos de l’achat de navires « Mistral » à la France. L’opération est pourtant vitale pour moderniser la flotte et ranimer les chantiers navals russes.

KIRILL LAGUTKO

Vive les normes européennes !

SUITE EN PAGE 3

La modernisation de l’économie est ralentie par les normes russes et la paperasserie qu’elles imposent. L’adoption rapide des normes européennes permettrait de faire un bond en avant. PAGE 8

Environnement Forêt menacée par une autoroute : feu rouge du Kremlin

Incendies Le pays évalue les dégâts

Un point pour la société civile

Saison sèche pour l’économie

Quand on arrive à Moscou par l’aéroport Sheremetyevo, juste avant d’atterrir, on aperçoit au sud des pistes une sorte d’oasis verdoyante distincte du délabrement urbain. Mais le massif luxuriant est percé par une entaille, une trouée sur trois kilomètres. Depuis quelque mois, cet abattage est au centre d’une énorme polémique lancée par

PHOTOXPRESS

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TIM GOSLING

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le massif de Khimki a déjà été entaillé sur trois kilomètres.

Montres rétro-futuristes

Améliorer le sort des orphelins

Le nombre d’enfants des rues ne cesse d’augmenter. Le gouvernement cherche de nouvelles solutions.

SUITE EN PAGE 4

La canicule inhabituelle engendre des retombées économiques très négatives. Les répercussions dépassent les frontières avec une flambée du prix des céréales.

Un entrepreneur français remet à l’heure moderne une fabrique de montres de l’ère soviétique pour y créer une marque mondiale. PAGE 7

La Russie était en voie de devenir l’un des plus gros exportateurs mondiaux de céréales, occupant déjà la troisième place mondiale en 2009. C’était sans compter avec les incendies de forêt du mois d’août, qui ont dévasté un quart des terres agricoles. La récolte 2010 ne repré-

Retour au pays pour les Russes blancs

Croisière de retrouvailles douceamères entre des émigrés aristocrates et l’actuelle Russie : pour l’amour de la Patrie. PAGE 9

WWW.FAP.RU

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

virement des autorités, après les plus importantes manifestations enregistrées depuis des années pour défendre des arbres. Personne n’imaginait que le président russe interviendrait. Cette décision a fait renaître l’espoir, chez certains, de voir s’établir un dialogue constructif entre la société civile, y compris l’opposition et les écologistes, et le gouvernement. « Il est clair que les manifestations autour de la forêt Khimki ont entraîné une telle décision », estime Mikhaïl Kreïndline, l’un des dirigeants du mouvement Greenpeace. Et maintenant ?

AP

GALINA MASTEROVA

un groupe de militants originaires de la ville de Khimki, et largement relayée par la presse. Après des semaines de lutte, la déforestation pour la construction d’une autoroute entre Moscou et Saint-Petersbourg a été subitement interrompue. L’arrêt de l’amputation de la forêt de Khimki est le résultat d’une interaction inédite entre le Président Medvedev, un pays en feu et une campagne écologique qui a déclenché une forte mobilisation, depuis la population russe jusqu’à la scène internationale du rock par l’intermédiaire de Bono. Les travaux ont été suspendus sur ordre du président Dimitri Medvedev - un stupéfiant re-

KIRILL LAGUTKO

En août, la Russie était en flammes. En septembre, le président a suspendu un projet d’autoroute controversé, au profit de la renaissance d’une forêt. Pour l’instant...

sentera probablement que 60 millions de tonnes, très loin des 97 millions engrangées en 2009. Depuis que le Premier ministre Vladimir Poutine a décrété une interdiction des exportations à la mi-août, les cours mondiaux des céréales ont augmenté d’environ 25%. En outre, la Russie pourrait être contrainte d’importer des céréales cette année même si le ministère de l’Agriculture rejette cette éventualité - ce qui pousserait encore davantage à la hausse le cours mondial des produits alimentaires. SUITE EN PAGE 6


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Société

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Adoption Un nombre croissant de Russes et d’étrangers se soucient du sort tragique des enfants abandonnés ou maltraités

Qui s’occupe des orphelins russes ? Principaux pays d’accueil des orphelins russes

Durée de la procédure (2008)

4125

1773

Les citoyens russes ont adopté :

904

405

496

DIANA MARKOSIAN RIA NOVOSTI

La communauté des enfants de Kitèje est cachée au fin fond de la province russe, loin de toute civilisation. Constitué de maisons en forme de châteaux, ce village réservé aux orphelins semble sortir d’un conte de fées. Ce n’est pas un orphelinat ordinaire et peu nombreux sont ceux qui ont la chance de grandir ici. Ils ont des parents bénévoles, capables de leur offrir un foyer et de les adopter. Maria Pitchouguina, âgée de 25 ans, est la directrice du centre de Kitèje à Orion, une petite localité à environ 60 kilomètres au sud de Moscou. Elle a passé une grande partie de sa vie dans cet orphelinat car sa propre mère a déménagé à Kitej il y a dix ans, avec ses deux filles pour consacrer sa

1072

2301

1908

5421

en moins d’un an entre 1 et 3 ans entre 3 et 7 ans plus de 7 ans

188

Le nombre d’enfants des rues continue d’augmenter. Des orphelinats modèles privés ont fait leur apparition tandis que les autorités continuent de négliger les solutions de fond.

Les citoyens étrangers ont adopté : 647

235

1184

325

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RIA-NOVOSTI GETTY IMAGES_FOTOBANK

vie aux orphelins russes en détresse. Cette communauté fut créée il y a près de 20 ans par Dmitri Morozov, qui en a fait une alternative aux institutions de l’État. « Dans les années 1990, il y avait beaucoup d’enfants des rues, et personne ne se souciait de leur sort», raconte Morozov. « Les gens étaient trop occupés à survivre. Le gouvernement et la population y étaient totalement indifférents ». Les choses n’ont guère changé depuis. Selon un recensement mené en 2008, la Russie compte 700 000 orphelins. Le système des orphelinats continue de fonctionner sur le modèle soviétique, qui fut créé au sortir de la guerre civile pour faire face à l’apparition d’un très grand nombre d’orphelins. Depuis, c’est l’alcoolisme qui joue le rôle de grand générateur d’enfants des rues. Plus de 80% d’enfants placés dans les orphelinats aujourd’hui sont des enfants issus de familles à problème à forte consommation éthylique. Alors que plusieurs affaires de maltraitance d’enfants d’origine

russe aux États-Unis ont fait récemment scandale, l’attention des médias s’est focalisée sur les pièges de l’adoption internationale en délaissant la question de fond : pourquoi tant d’orphelins en Russie ? Selon Russian Children’s Welfare Society (RCWS), une organisation non gouvernementale basée à New York avec un bureau à Moscou, le nombre officiel d’orphelins est de quatre à cinq fois plus élevé en Russie qu’en Europe ou aux ÉtatsUnis. Environ 30% d’entre eux vivent dans des orphelinats. La plupart sont des enfants abandonnés par leurs parents ou retirés de leurs familles par les autorités. En 2009, il y avait 2 176 orphelinats en Russie. Ce chiffre a plus que doublé au cours de la dernière décennie, selon le RCWS, dont la mission principale est d’aider les orphelins russes. La bureaucratie fut un obstacle majeur pour le système d’adoption en Russie pendant très longtemps. Le diacre AlexandreVolkov a adopté un fils il y a trois ans. La procédure administrative fut

L’EXPÉRIENCE DE DOLORES ET D’ALAIN GAVÉRIAUX

Le sourire sans prix d’Elsa

ALAIN GAVERIAUX

1999 – Nogent-sur-Marne : après 10 ans de vie commune, le désir d’enfant nous pousse vers l’adoption. Mon épouse est slave et nous décidons d’adopter en Russie. 2001 – Vladimir : l’orphelinat, des questions qui nouent les tripes (comment est-elle ? Va-t-elle nous accepter ? Nous aimer ?) Et puis le choc : les cœurs se ser-

rent, Svetlana, 6 ans, s’avance vers nous et se blottit dans nos bras… « Papa, Mama ». Derrière la barrière de la langue, nous lisons tant de choses dans son regard. Puis le déchirement : notre retour en France sans elle, en attendant la date du jugement. Elle pleure et ne mange pratiquement plus. Enfin notre retour à Vladimir, un jugement sans difficulté (c’était possible à l’époque). 2010 – Nantes : une jeune fille de 16 ans marche à nos côtés : Elsa, souriante, épanouie, avec l’envie de réussir sa vie, des projets pleins la tête. Pour nous, le bonheur de la voir grandir et de l’accompagner. Voilà notre adoption, semblable à tant d’autres, tout à la fois extraordinaire et ordinaire. Une histoire d’amour. Tout simplement.

ce qu’il y a de plus difficile, selon lui. Et pour beaucoup de Russes, c’est un engagement qu’ils ne veulent tout simplement pas prendre. « Pendant longtemps, il était très long et complexe d’adopter un enfant. Le système ne l’autorisait tout simplement pas », explique Volkov. Morozov constate tristement un accroissement du nombre d’enfants abandonnés, tandis que les Russes qui désirent les adopter restent peu nombreux. Pour pallier en partie ce problème, l’adoption d’enfants russes par des ressortissants étrangers s’est développée depuis la fin de l’URSS. Il y a eu 3 000 adoptions par des étrangers en Russie depuis 10 ans, dont 288 vers la France l’année dernière. Mais pour Morozov, l’adoption internationale n’est qu’un moyen supplémentaire pour les fonctionnaire d’ignorer les solutions de fond. À lire aussi et en plus sur larussiedaujourdhui.fr

Invalidité Exclus du marché du travail et de la vie sociale, les handicapés russes s’organisent pour faire respecter leurs droits

L’indifférence des pouvoirs publics et de la société envers les handicapés pourrait cesser grâce aux succès sportifs des athlètes russes aux Jeux Paralympiques de Vancouver. CANDICE HUGHES

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Vivre avec un handicap en Russie, c’est livrer quotidiennement un combat épique. Pour quitter son appartement, Liliana Fiodorova doit descendre six marches étroites et raides. À reculons. En fauteuil roulant. Puis il y a le bord du trottoir pour traverser la rue, et le même de l’autre côté. Elle est tombée trois fois, se cognant si fort la tête contre le carrelage qu’elle a dû être hospitalisée. Les handicapés sont confrontés à un vaste éventail de problèmes, dans les domaines de l’emploi, du logement et des soins médicaux. Ils font face à une discrimination ouverte et à l’indifférence générale. Mais l’obstacle majeur, ce sont les problèmes d’accessibilité. Le désir de la Russie de se faire accepter dans l’arène mondiale a suscité des mesures qui, en théo-

rie, apportent des solutions. Les grands centres commerciaux offrent désormais des facilités d’accès pour les handicapés. Et Internet leur a permis de sortir de l’isolement. Mais les progrès sont aussi lents que le trajet de Fiodorova pour sortir dans la rue, et sont souvent le fait d’une volonté personnelle exceptionnelle. « En Russie, la personne handicapée est exclue de la vie, à quelques rares exceptions près », dit- elle. « Si l’État pouvait créer un ghetto et exiler tous les invalides, comme au temps de Staline, il le ferait. Mais comme nous voulons être considérés comme un pays civilisé, nous nous retenons ». Fiodorova avait 27 ans et une fille de 5 ans, quand une opération bâclée d’un disque vertébral l’a laissée paralysée de toute la partie inférieure du corps. Infirmière en chirurgie, elle avait sollicité les meilleurs médecins, mais en vain. « Je suis arrivée à l’hôpital en chaussures à talons, je suis repartie en chaise roulante », racontet-elle. Et tellement désespérée qu’elle avait supplié les médecins

RUSTEM ADAGAMOV/DRUGOI

Sortir dans la rue s’apparente à une épreuve olympique

La plupart des 13 millions d’handicapés vivent cloîtrés chez eux.

de lui injecter une dose mortelle. Un an plus tard, alors qu’elle était toujours clouée au lit, son mari l’a quittée en exigeant la garde de l’enfant. « Il a dit qu’une personne handicapée n’avait pas à élever un enfant ». Le désespoir à laissé la place à la colère. « Je me suis dit : je vais vivre ! » Les handicapés en Russie sont invisibles. Alexeï Naloguine prétend n’avoir jamais vu personne en fauteuil roulant avant d’être lui-même frappé par le destin à 14 ans. Il s’est réveillé paraplégique après une opération ayant mal tourné. Le système a classé son cas, le pari ayant été fait que la victime mourrait jeune. « En Russie, un handicapé est traité comme si sa vie était terminée », explique Alexeï. Les huit années suivantes, il les a passées allongé. Mais alors qu’une porte se fermait, une autre s’ouvrait : Internet. De son lit, Naloguine conçoit des sites Web. Inspiré par des attèles occidentales vues sur Internet, il s’est inventé une attelle intégrale qui permet d’utiliser un fauteuil roulant. Mais comme pour Fiodorova, quitter son appartement reste une course d’obstacles. Fiodorova et Naloguine font partie des 13 millions de Russes atteints de handicaps, dont beaucoup vivent cloisonnés chez eux. Les succès sportifs de l’équipe russe aux Jeux Paralympiques de Vancouver l’hiver dernier pourraient faire évoluer favorablement la situation. « Ils ont

démontré que nous pouvions contribuer à améliorer l’image de notre pays », estime Terentiev, qui a remporté sept médailles paralympiques en 1998, 2002 et 2006, en biathlon et ski. En mal de respect, les handicapés sont aussi exclus de l’emploi. Selon le gouvernement, 40%, soit 5 millions de personnes, sont aptes au travail. Mais moins d’un million sont employées, en dépit d’une loi imposant aux sociétés de plus de 100 personnes de réserver dans

Cinq millions d’handicapés sont aptes au travail, mais moins d’un million sont employés leurs effectifs un quota de 5% aux handicapés. Pour Fiodorova, trouver un travail a été une étape clé. Après avoir obtenu la garde de son enfant, elle a passé un an en rééducation. Puis, en 2002, elle a été engagée par une association de soutien à l’emploi des handicapés : « j’ai commencé à me sentir utile pour la société ». Elle s’est inscrite en fac de droit, première étudiante en fauteuil roulant de son université qui a installé des rampes d’accès exprès pour elle. Fiodorova compte consacrer sa vie à la législation pour les handicapés : « il y a tellement de gens comme moi en Russie ! »


Éducation

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

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Éducation Le Kremlin subventionne l’enseignement musulman responsable

Dans le Caucase, des universités islamiques contre l’extrémisme ANNA NEMTSOVA

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Six jeunes femmes en robe colorée et coiffées d’un foulard attendent leur car ce samedi matin sur leur campus du Centre universitaire islamique d’éducation et de science du Caucase Nord de Makhatchkala, la capitale du Daghestan. Le visage concentré, elles se préparent pour leur premier zairat - une visite chez un cheikh, suivie d’un rituel soufi. « C’est le jour le plus important de ma vie », explique Renata, 18 ans, adepte du soufisme, un courant mystique de l’islam. « Je vais savoir aujourd’hui si je peux devenir mourid de mon maître (son disciple : NDLR). Mon cœur saura la réponse dès que je verrai le cheikh ». L’État russe soutient ouvertement le soufisme, qui représente un islam modéré d’implantation traditionnelle dans le Caucase, contre les courants extrémistes qui prennent racine à une vitesse alarmante dans la région. Le Daghestan est déchiré par une guérilla marquée par des attentats-suicides et des assassinats. Ces actes criminels sont étroitement liés aux conflits ethniques, à la corruption interne, à la pauvreté et au chômage. Pour lutter contre le prosélytisme des fondamentalistes islamiques, qui sont souvent financés de l’étranger, le gouvernement russe favorise

l’éducation des chefs religieux et des enseignants des mouvements islamiques modérés, dans sept universités islamiques à Moscou, au Tatarstan, au Bachkortostan et dans les quatre républiques du Caucase Nord, dont le Daghestan. Le fonds du Kremlin pour le soutien à la culture islamique, la science et l’éducation consacrera environ 10 millions d’euros par an à l’enseignement musulman, à ses bourses d’études et à ses publications.

« La seule solution est le développement d’institutions civiles qui protègent les droits de l’homme »

À l’université où étudie Renata, le rectorat a un objectif clair : la diffusion d’un islam que le gouvernement juge acceptable. Outre les études islamiques, le journalisme, l’économie, l’histoire de la Russie, le droit et la finance figurent également au programme des 1 500 étudiants. « En tant que réformateurs, nous créons des méthodes d’enseignement unifiées pour la formation des futurs enseignants de l’islam », explique Maksoud Sadikov, le recteur du Centre universitaire et président du Conseil russe de l’éducation islamique fondé récemment. « Nous avons besoin de former des imams pour au moins 2 500 mosquées enregistrées au Daghestan, et des centaines d’enseignants pour les écoles pri-

maires islamiques, les madrasas et les universités. Nous organisons également des formations de consultants pour la police et le Service fédéral de sécurité pour aider à combattre l’extrémisme au Daghestan ». Mais l’institution d’un islam « officiel » et la marginalisation de ceux qui ne s’y reconnaissent pas alimentent cet extrémisme au lieu de le freiner, selon les militants des droits de l’homme. « Pour réformer l’islam en Russie, les autorités doivent faire un effort pour écouter tous les chefs religieux, pas seulement ceux qui sont fidèles au pouvoir », estime Tatiana Lokchina, directrice adjointe de Human Rights Watch pour la Russie. « C’est dans le développement des institutions civiles qui protègent les droits

CHIFFRES CLÉS

16

millions de musulmans en Russie, soit environ 11% de la population (estimation officielle susceptible d’être dépassée).

22

millions d’euros. C’est la somme dépensée par le ministère de l’Éducation pour l’enseignement islamique dans tout le pays.

Contenu multimédia sur larussiedaujourdhui.fr

URI KOZYREV

Moscou va dépenser 10 millions d’euros par an pour soutenir les universités islamiques modérées dans le Caucase et casser l’influence montante des fondamentalistes dans la région.

de l’homme que réside la seule solution ». AishaYoussoupova a divorcé pour échapper à la pression de la police sur sa famille, qu’elle décrit comme salafiste, une branche fondamentaliste de l’islam. « J’étais lasse des persécutions subies par mon mari, soupçonné d’avoir aidé les extrémistes », raconte cette femme de 30 ans et mère de quatre enfants. Le divorce n’a pas amélioré les choses, car Aisha reste sous une surveillance constante. « Je suis salafiste », dit-elle, « mais je suis une musulmane pacifique, et je veux qu’ils me laissent tranquille s’ils ne comprennent pas ma foi ». Après la chute de l’URSS, le Daghestan et les républiques voisines du Caucase Nord ont subi l’influence massive d’Arabes répandant un islam fondamentaliste, dédaigneux des traditions soufies locales. « Ils nous ont enseigné l’arabe et livré des camions de littérature wahhabite », se lamente Patimat Magomedova, une institutrice de 37 ans, en se référant au courant fondamentaliste importé d’Arabie saoudite. « Ils ne reconnaissent pas le clergé soufi ». Le financement de Moscou ne fait pas l’unanimité parmi les musulmans du Caucase. À environ 240 km au sud de Makhatchkala, dans la ville de Goubden qui a plus de 5 000 ans

Le Centre universitaire islamique d’éducation du Caucase Nord.

2,5

millions de musulmans résident à Moscou, plus que dans n’importe quelle autre capitale européenne, à l’exception d’Istanbul.

d’histoire, l’islam était enseigné aux enfants dans le secret, à la maison, à l’aide de vieux livres en arabe. Au cours de la dernière décennie, la communauté islamique très conservatrice de Goubden a fait reconstruire la Médersa. Grâce à l’argent des fidèles, les imans ont ouvert plusieurs petites entreprises, qui leur ont permis de maintenir les écoles indépendantes financièrement. Ils possèdent une station d’essence et ont même organisé leur propre service incendie. L’année dernière, l’Université de Goubden a perdu sa licence d’État, mais Akram, le recteur de la Médersa et de l’Université de Goubden, affirme que cela n’a pas empêché ses 500 étudiants de continuer à suivre des cours. « Tout ce que nous voulons de l’État, c’est qu’il nous laisse en paix, qu’il nous laisse tranquilles. Nous avons enseigné l’islam à nos enfants pendant des centaines d’années, nous avons nos vieux livres et nos alims [nos savants : NDLR] pour instruire nos jeunes et pour invoquer Allah », poursuit le recteur en présentant aux journalistes ses élèves - des centaines d’enfants et d’étudiants dans chaque classe de la Médersa de Goubden, assis sur le plancher et se balançant de droite à gauche au rythme des phrases du Coran apprises par cœur. Ce n’est évidemment pas le genre d’enseignement défini à Moscou comme « responsable » que prônent les fonctionnaires de l’éducation du Kremlin. À l’instar de Lokshina, le clerc orthodoxe Iouri Mikhaïlov fait valoir que la pratique des différentes tendances de l’islam doit être tolérée, non pas réprimée : « le Daghestan ne peut pas résoudre ses problèmes uniquement par des méthodes policières. De cette façon, nous ne faisons que pousser les opposants religieux à s’organiser en mouvement de guérilla », estime l’auteur pour qui « les médias libres et la société civile devraient fournir les moyens d’exprimer les émotions dans les différents camps ». Pour en lire plus : larussiedaujourdhui.fr

Grand ménage dans l’enseignement SUITE DE LA PAGE 1

SONDAGES

Selon vous, la réforme remplaçant les examens d’entrée à l’université par le EGE est...

RIA NOVOSTI

Le prix demandé par un professeur pour un bon résultat à l’examen qu’il passe à la place de ses étudiants : mille euros. La police a interpellé et accusé un fonctionnaire local de l’éducation d’avoir organisé un tel examen qui s’est révélé « bidon ». La presse rapporte que les parents mécontents ont même demandé à l’enseignant de les rembourser. Le gouvernement cherche par tous les moyens à mettre fin à ces tricheries. Plusieurs réformes du système éducatif ont été mises en place ces dernières années pour lutter contre la corruption et améliorer l’enseignement dans les lycées russes. Les examens de fin d’études secondaires ont été institués à l’échelle nationale l’an dernier, et à partir de 2011, les universités devront proposer des cursus de quatre ans qui remplaceront le programme d’enseignement quinquennal actuel, moins souple et laissant moins de choix d’options aux étudiants. « On aime bien continuer à croire que le système éducatif russe est très bon, pour ne pas dire le meilleur du monde, tout comme son prédécesseur soviétique », se lamente Masha Lipman, une spécialiste du Centre Carnegie de Moscou. « La vérité, aujourd’hui, c’est qu’il a pris un sérieux retard

Des élèves scrutent avec angoisse les résultats au nouvel examen national EGE.

Objectif : l’harmonisation de l’enseignement russe avec les normes européennes par rapport aux systèmes éducatifs étrangers ». La refonte de l’éducation russe a été élaborée pour correspondre aux normes fixées par les accords de Bologne, un traité qui définit

des normes communes pour l’enseignement supérieur dans toute l’Europe. Une fois les réformes en place, les diplômes universitaires russes seront reconnus dans l’Union européenne. Aujourd’hui, ils ne le sont que dans les anciennes républiques de l’Union soviétique et les pays du bloc de l’Est. « Le fait que les meilleurs étudiants partent faire leurs études à l’étranger est un signe de l’inefficacité du système éducatif russe », estime Masha Lipman.

L’instauration d’un examen national de fin d’études secondaires (EGE), unique et obligatoire pour l’entrée à l’université, constitue le changement le plus controversé, bien qu’il ait, selon Alexandre Adamsky, membre d’un groupe de réflexion favorable aux réformes en cours, « permis d’éliminer la corruption ». Adamsky reconnaît l’existence de problèmes liés au lancement de l’EGE, mais se veut optimiste : « si un système de contrôle continu est ajouté à ces

Grâce à l’introduction de l’EGE, le nombre de pots-de-vin, de passedroits...

SOURCE: LEVADA CENTRE

examens, les résultats seront meilleurs ». De leur côté, les opposants au nouvel examen estiment qu’il dégrade la qualité de l’éducation secondaire, car des questions d’intérêt marginal, du type « Quelle était la couleur des yeux d’Anna Karenine ? » n’en font qu’un test de mémoire. Le système d’examintion précédent était plus exigeant. D’autre part, les fraudes n’ont pas cessé. Hormis le scandale de Morozovsk, le taux de réussite, très

élevé dans les républiques du sud, est très suspect. Les salaires dérisoires des enseignants (200 euros mensuels en moyenne) restent un problème de fond. La réforme reliera leur rémunération aux résultats obtenus par leurs étudiants et augmentera leurs revenus, estime Adamsky. Selon une étude, 36% de parents russes leur ont versé des pots-devin l’an dernier Voir aussi l’avis d’un expert PAGE 8


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Politique

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Forces de l’ordre Les premiers éléments d’une nouvelle loi destinée à restaurer la confiance font l’objet d’un débat public

La réforme qui va « policer » la milice ALEXANDER BRATERSKY THE MOSCOW TIMES

Renommer la « milice » « police » est le changement le plus visible de la réforme. Les bolcheviques avaient créé « la milice des travailleurs et des collectivités agricoles » en 1917 pour la distinguer de la police tsariste, ennemie des révolutionnaires. Le changement de nom aura un coût, pour l’instant non chiffré : il faut acheter de nouveaux uniformes, repeindre les véhicules et remplacer les timbres officiels. Les internautes, qui ont commenté le projet de loi sur le site web du gouvernement, s’intéressent plutôt à la façon dont la police va protéger les citoyens, et non pas au coût du changement de nom. Selon les autorités, ce projet devrait apporter des améliorations notables à la loi actuelle. Il condamne non seulement les policiers responsables d’actes de torture, mais empê-

che aussi les autres de commettre ce genre d’actes. Le projet de loi sur la police vise à rassembler toutes les fonctions et les responsabilités de celle-ci au sein d’une même structure. Actuellement, l’activité des forces de l’ordre est régie par des centaines de lois et règlements supplémentaires, a indiqué le ministre de l’Intérieur Rachid Nourgaliev. Ce projet sera soumis à la Douma d’État à l’automne pour entrer en vigueur le 1er janvier prochain. Lev Ponomarev, chef du mouvement « Pour les droits de l’homme », a salué cette initiative qui inclut de nombreuses idées prônées par les militants des droits de l’homme. Mais il a ajouté qu’il existe toujours de nombreuses possibilités de violations. Il a cité l’exemple d’un article sur le cadre juridique du travail de la police qui mentionne : « Tous les actes d’un agent de police sont légaux, sauf si les procédures judiciaires témoignent du contraire ». Le chapitre concernant l’activité de la police contient une for-

Le projet de loi ne donne pas d’explication claire sur la façon dont le contrôle public sera exercé sur la police.

LEGION MEDIA

Dmitri Medvedev a dévoilé fin août son projet de loi sur la réforme du ministère de l’Intérieur. Mais cette nouvelle législation apporte-t-elle de vrais changements ?

Un sondage réalisé en avril constate qu’environ 70% des Russes ne font pas confiance à la police

mulation vague indiquant que les policiers seraient « beaucoup plus sévères envers les citoyens » par rapport à la loi actuelle. Cette dernière législation prévoit une définition beaucoup plus claire du travail des policiers, selon Edouard Soukharev, avocat en droit civil. Le projet de loi ne donne pas non plus d’explication claire sur la façon dont le contrôle public sera exercé sur la police. Soukharev a ajouté que « de nombreux policiers ne comprennent pas vraiment les textes législatifs actuels qui régissent leurs fonctions ». Alexei Volkov,

La défense d’une forêt fait reculer le Kremlin La route, en travaux depuis des années, était tracée au cordeau, sans détours de Moscou à SaintPétersbourg, sauf là où elle fait subitement un coude, après Sheremetyevo, pour passer par la forêt de Khimki. Le problème, c’est que le massif sylvestre est considéré comme un élément essentiel de la ceinture verte de Moscou, devenu même récemment le poumon de l’une des villes les plus polluées d’Europe. La ceinture verte moscovite est majoritairement composée de pins et de sapins, mais également de chênes, chose désormais rare en Europe. Après un été incandescent - les incendies forestiers et feux de tourbe ont dévasté le pays et la capitale a été recouverte de smog pendant plus d’un mois - le sauvetage de la forêt de Khimki a pris pour beaucoup une dimension symbolique. En soutien, le vétéran de la scène russe du rock, Iouri Chevtchouk, a chanté le 22 août devant quelques milliers de manifestants réunis dans le centre de Moscou. Le plus inquiétant pour les auto-

rités, c’est que cette foule était composée de citoyens ordinaires, et non plus seulement du noyau dur de l’opposition. Avant de chanter, Iouri Chevtchouk a clamé que la forêt de Khimki était un symbole ; si elle était abattue, ses compatriotes ne laisseraient « rien à [leurs] petits-enfants, rien à [leurs] enfants, rien d’autre que des arbres morts ». Trois jours plus tard, lors du premier concert de U2 à Moscou, Bono invitait le chanteur à monter sur scène, pour un Knockin’ on Heaven’s Door en duo. Pour le public, c’était un geste délibéré de soutien à la cause de Khimki. La veille, Bono avait rencontré Dmitri Medvedev. Vingt-quatre heures plus tard, le président arrêtait les travaux, pour engager « des discussions publiques et d’experts », soulignant que la question avait pris une forte résonance. Mais les spécialistes appellent à la prudence : compte tenu des sommes investies dans la construction de la route, la victoire des écologistes est loin d’être garantie. « Un scénario plausible serait

redac@larussiedaujourdhui.fr

de celles-ci sur le budget fédéral. Actuellement, la « milice » russe est divisée en « milice criminelle », financée sur le budget fédéral et « milice de sécurité civile », à la charge des budgets régionaux. La nouvelle loi sur la police n’est qu’une étape intermédiaire proposée par Medvedev dans le cadre d’une réforme plus radicale de la milice russe, considérée comme l’institution d’État la plus corrompue par l’opinion publique. Une enquête du Centre Levada menée en avril constate qu’environ 70% de Russes ne font pas confiance à la police.

Fédéralisme Débat autour d’un titre Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

Des républiques sans « président » ? Une proposition consistant à réserver le titre de « président » au locataire du Kremlin divise les élites régionales. OLGA BOLDINA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

ITAR-TASS

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directeur adjoint du comité de la Douma d’État sur la sécurité publique, se plaint d’imprécisions de ce projet de loi sur la police, qui risquent de saper les efforts du Kremlin pour combattre la corruption. Une proposition plutôt radicale a été avancée par des militants des droits de l’homme, qui ont proposé d’introduire les élections des chefs des commissariats locaux, ce qui, selon eux, permettrait aux policiers d’avoir un soutien plus important du public. À l’inverse, le projet de loi propose de centraliser les forces de police en finançant l’ensemble

Tchirikova, leader du Mouvement pour la défense de la forêt de Khimki.

qu’ils attendent que les manifestations se calment, que quelques discussions aient lieu, puis ils reprendront les travaux d’après le plan original », craint Nikolaï Petrov, analyste politique du Centre Carnegie de Moscou. D’ailleurs, Evguenia Tchirikova, la leader du Mouvement de défense, rapporte que les autorités de Khimki ont déjà forcé les habitants à signer une pétition en faveur du tracé forestier.

CHIFFRE CLÉ

8 mds

d’euros. C’est l’investissement total dans le projet d’autoroute payante entre Moscou et SaintPétersbourg. Le français Vinci est l’un des principaux investisseurs.

larussiedaujourdhui.fr/lettres

Toujours le premier à flatter le Kremlin, le président tchétchène, Ramzan Kadyrov, a proposé que les dirigeants à la tête des républiques au sein de la Fédération russe renoncent à leur titre de « président ». Selon lui, « en Russie, un seul personnage du pouvoir » y a droit. M.Kadyrov estime qu’il faut mettre fin à « la parade des présidents régionaux » dans le pays. Dès le lendemain, les présidents des répub l i qu e s d u C a u c a s e o n t commencé à préparer une lettre commune à la Douma, demandant que soit examinée la proposition du président tchétchène au niveau fédéral. Parmi les 83 composantes de la Fédération russe se trouvent 21 républiques, chacune ayant à sa tête un président. Les autres (régions, territoires et districts) sont dirigées par des « gouverneurs ». Quelques jours après l’initiative tchétchène, l’ancien président du

Tatarstan, Mintimer Chaïmev, a déclaré que les membres du parlement ne réviseraient pas la Constitution afin d’entériner ce changement. « Si certaines républiques prennent l’initiative de changer le nom du plus haut responsable officiel sur leur territoire, c’est leur droit exclusif », a-t-il indiqué. Le Tatarstan est notoirement chatouilleux sur les questions de souveraineté et résiste à toutes les tentatives visant à réduire son autonomie. L’actuel président tatare, Roustam Minnikhanov, n’acceptera de changer de titre que s’il a la garantie de conserver l’intégralité de ses prérogatives. Le nom de la fonction des dirigeants régionaux est à ce jour déterminé au sein même des entités composant la Fédération. Il est ainsi écrit dans la Constitution du Tatarstan que le pouvoir dans la république est « exercé par le président, le conseil d’État, le cabinet des ministres et les tribunaux ». Le président tatare se permet de résister car il bénéficie du soutien des élites locales. Cependant, si cette loi fédérale est adoptée, son exécution sera obligatoire pour tous sans exception.


Énergie

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05

Nucléaire Moscou attend avec impatience que Sofia finalise le montage financier pour lancer la construction de Béléné

Une centrale dans les starting-blocks ASE multiplie les efforts pour relancer la construction de la centrale nucléaire de Béléné, dans le nord de la Bulgarie. Le changement de gouvernement bulgare l’année dernière et le départ de deux partenaires occidentaux (voir encadré) ont ralenti la progression du projet en dépit de l’important déficit d’électricité dans la région des balkans. Englué dans des difficultés budgétaires, le gouvernement bulgare est désormais prêt à réduire à 30% voire 20% sa part dans le projet contre 51% jusqu’ici. Il est à la recherche d’un investisseur de préférence européen. La centrale nucléaire comporte deux tranches de 1 011 MWe (mégawatts électriques) chacune. Le raccordement au réseau était au départ du projet prévu pour 2014-2015, mais selon une source chez ASE, le retard déjà pris fait que l’exploitation ne sera possible au plus tôt qu’en 2016 en raison du manque de clarté du côté bulgare sur le montage

« Cette centrale a d’excellentes chances d’exporter de l’électricité au-delà des frontières bulgares même si l’électricité produite suffira à peine à satisfaire la demande intérieure »

Réseau électrique des Balkans

Holding Électrique Bulgare EAD

Centrale nucléaire de Kozlodouï

Le Holding Electrique Bulgare EAD est la société d’État contrôlant le réseau électrique du pays ainsi que la centrale de Kozlodouï et d’autres actifs de production d’électricité.

Deux réacteurs nucléaires VVER-1000 d’une capacité totale de 2000Mwe La centrale opère depuis 1974 et couvre environ 40% de la consommation domestique bulgare.

La centrale sera équipée de réacteurs VVER 1000/V-466 (à eau légère) de troisième génération évolués. ATOMSTROIEXPORT

Délais : le facteur politique

IL L’A DIT

Dan Belenki D’ATOMSTROÏEXPORT

«

Hormis AtomStroïExport, d’autres sociétés ont participé à l’appel d’offre bulgare, comme le tchèque Skoda ou l’anglo-américain Westinghouse. La victoire du projet russo-européen a été obtenue à l’occasion d’une compétition ouverte aux conditions transparentes, grâce aux avantages concrets de notre proposition. À la liste des avantages de ce projet, on peut ajouter un haut degré de préparation à la fabrication de la structure de la station, un point auxquels les investisseurs potentiels seront particulièrement sensibles ».

Centrale nucléaire de Béléné Deux réacteurs nucléaires VVER 1000/V-466 d'une capacité totale de 2022Mwe La centrale sera opérationnelle à partir de 2016 au plus tôt.

Principales lignes de haute tension 400 KW 220 KW 110 KW

Potentiel régional

Intérêts européens La construction de Béléné ne répond pas seulement aux intérêts russes, mais représente aussi un marché pour les leaders européens du nucléaire. Les intérêts français sont concernés en premier lieu puisque Areva est chargé par ASE de plus de 20% du travail sur la centrale et apparaît comme le principal sous-traitant étranger du groupe russe. Areva est chargé de fournir les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation classés sûreté : le contrôle-commande de sûreté et le contrôle-commande opérationnel, ainsi que les systèmes électriques. AREVA fournira égale-

ment des équipements de sûreté comme les recombineurs d’hydrogène. Siemens, qui est entré dans le projet en même temps que son ex-partenaire français, doit fournir des équipements essentiels qui représentent autour de 10% du chantier. ASE est en pourparlers avec d’autres entreprises majeures du secteur, comme Alstom (fourniture d’un générateur diesel), l’allemand NUKEM (transformation des déchets radioactifs liquides) et GNS (containers pour le transport du combustible). De leur côté, les soustraitants bulgares se partageront entre eux 30% du travail.

Centrale nucléaire Centrale électrothermique Centrale hydraulique

CHIFFRES CLÉS 2x1011 MWe de capacité installée 2000 MWe de déficit d’électricité dans la région 4 mld d’euros d’investissement 2016 : début d’exploitation de Béléné (prévision) 71,8% des Bulgares favorables au projet (sondage) 20% des travaux réalisés par Areva 10% des travaux réalisés par Siemens léné. Sans la centrale, le déficit grossira encore de 2 000 MWe ». La centrale sera idéalement exposée à la croissance des économies balkaniques, et pour longtemps puisque les réacteurs ont une durée de vie de 60 ans. La forte croissance de la demande pour l’électricité s’est traduite cet été par deux grosses coupures d’électricité causée par la surcharge du réseau. Un problème qui va s’accentuer alors que l’Union européenne impose à la

par la crise mondiale. Également associée au projet, la banque française BNP-Paribas avait monté un prêt de 250 millions d’euros et menait un travail d’estimation des risques financiers. Et ce, en dépit du fait que 71,8% des Bulgares sont favorables à la construction de la centrale, selon un institut de sondage indépendant Sova Haris. Ce qui laisse de nouveau ASE et NEK seuls pour chercher un partenaire financier européen mieux accroché.

PETAR PETROV_AP

La Bulgarie est traditionnellement un pays exportateur d’électricité dans la région des Balkans, grâce à ses nombreuses centrales thermiques. La situation géographique de la centrale nucléaire de Kozlodouï et de la future centrale de Béléné (dans le nord-ouest du pays, juste à la frontière de la Roumanie) prédispose ces capacités à l’exportation d’électricité.

financier du projet. Le russe ASE, qui s’est spécialisé dans la construction et la commercialisation de centrales nucléaires dans le monde entier, estime le coût de la centrale à 4 milliards d’euros, plus une clause d’enchère indexée sur l’inflation, comme stipulé dans le contrat. La centrale sera équipée de réacteursVVER 1000/V-466 (à eau légère). Ce sont des réacteurs de 3ème génération évolués sans équivalent à ce jour dans le monde, hormis les réacteurs de la centrale de Flamanville, qui ne sont pas encore en exploitation. Le projet Béléné a d’ores et déjà reçu la certification de l’EUR, une organisation regroupant les principaux opérateurs du marché de l’électricité européen. Cette validation par les pairs correspond à une marque de confiance envers l’industrie nucléaire russe et lui donne un avantage concur-

L’alternance gouvernementale l’an dernier a eu pour conséquence que le nouveau cabinet est moins bien disposé envers Moscou que le précédent. L’absence de réponse claire et définitive à la question « construire, ou pas ? » a entraîné le départ d’un investisseur étranger. Le grand producteur d’électricité allemand RWE, qui avait acheté 49% du projet en 2008, a jeté l’éponge fin 2009 à cause des difficultés financières rencontrées par le projet, causées en partie

PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL

ATOMSTROIEXPORT(2)

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Bulgarie de fermer ses très polluantes stations thermiques au charbon à partir de 2012. Autre argument avancé par ASE vers les financiers, la rapidité du retour sur investissement qui est minimale grâce au plus faible prix de construction et d’exploitation du marché. Ceci à condition que le chantier ne soit pas ajourné. Soit dit en passant, ASE a déjà proposé une solution de financement jusqu’à 80% de Béléné, mais l’actuel gouvernement bulgare est réticent et préfère attirer des investisseurs européens afin de préserver un équilibre tant économique que politique. Sofia réalise parfaitement que le pays ne peut se passer de projets énergétiques russes. Outre Béléné, Moscou est présent dans les projets d’oléoduc Bougas-Alexandroupolis et de gazoduc South Stream. La réalisation de projets avec la Russie est devenue le thème de débats favori des journaux bulgares. « Béléné est un projet extrêmement important pour nous » estime le président de l’Assemblée Nationale bulgare Tsetska Tsatcheva. Selon elle, cette seconde centrale (la 1ère étant Kozlodouï) aidera considérablement au développement du Nord du pays. « Je suis certaine que la construction de Béléné va continuer », pense Tsatcheva. Il y a déjà quatre ans, en 2006,

ASE avait remporté l’appel d’offre pour la construction de Béléné et signé dans la foulée un accord avec le NEK (groupe public d’électricité bulgare) afin de remplir la première étape du projet. Après le départ de l’investisseur stratégique RWE et afin de revigorer le projet, le nouveau gouvernement bulgare a lancé cette année un appel d’offre pour trouver un nouveau consultant financier sur le projet dans l’optique d’organiser un nouvel appel

d’offre destiné aux investisseurs. Ces deux processus mis bout à bout vont entraîner un délai supplémentaire de deux à trois ans. Du côté russe, on estime qu’il faut trouver une solution le plus rapidement possible. « Attendre va entraîner des coûts supplémentaires à cause de l’inflation constante sur ce type de projet. D’autre part, la Bulgarie et le marché de l’électricité régional souffrent déjà d’un déficit criant d’énergie. Plus la formation d’un pool d’investisseur se fera rapidement, mieux s’en portera le projet », estime une source à la direction de la compagnie. La solution pour faire avancer les choses ? « Il suffit de créer dès demain une co-entreprise entre NEK, ASE et un pool d’investisseurs européens », indique une source chez le groupe russe. Reste à espérer que le message sera bien reçu.

AP

IOULIA KOUDINOVA

rentiel sur les futurs marchés. ASE, qui a déjà préparé le terrain et posé les fondations, se dit en mesure de démarrer la construction immédiatement et attend avec impatience le feu vert des autorités bulgares. Sergueï Kirienko, le patron de RosAtom (corporation d’État chapeautant l’ensemble de l’industrie nucléaire russe) croit fermement au potentiel économique du projet. « Cette centrale a d’excellentes chances d’exporter de l’électricité au-delà des frontières bulgares. En même temps, l’électricité produite à Béléné suffira à peine à satisfaire la demande intérieure, bien que le projet soit conçu pour avoir une dimension régionale ». Et d’ajouter que selon « toutes les prévisions, on s’oriente au minimum vers un déficit se situant entre 1 500 et 2 000 MWe dans les Balkans, et cela en tenant compte de la réalisation de Bé-

REUTERS/VOSTOCK-PHOTO(3)

Sofia cherche activement des investisseurs européens pour la construction de Béléné. La réalisation du projet a été confiée à la société russe AtomStroïExport, qui a gagné l’appel d’offre en 2006.

Sécurité : un argument en béton Bénéficiant d’une riche expérience en matière de conception, de construction et d’exploitation dans le monde entier, ASE a mis les bouchées doubles sur la sécurité. Le corpus des réacteurs est d’une solidité sans équivalent dans le monde, puisqu’il est capable de résister à la chute d’un avion long courrier. Une qualité requise désormais en raison du risque d’attaques terroristes. En outre, le projet de Béléné a reçu l’approbation l’Union européenne. Le plan de réalisation technique élaboré par ASE a reçu la certification EUR le 24 avril 2007. Le document stipule que la conception des réacteurs à eau légère

VVER AES92 élaborée par ASE a franchi avec succès tous les tests techniques. EUR est une organisation regroupant les principaux opérateurs du marché de l’électricité européen. Son but est d’établir des critères de qualité stricts pour la construction de centrales nucléaires. Le label EUR a été décerné non seulement à ASE mais aussi à ses sociétés sous-traitantes sur le projet Béléné, comme les russes Gidropress, l’Institut Kourtchatov, RosEnergoAtom et AtomEnergoProekt, le responsable de la conception d’ensemble. Selon Sergueï Kirienko, le projet respecte à la lettre les exigences de l’AIEA et de l’Union européenne.


06

Économie

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Saison sèche pour l’économie En outre, les incendies ont retardé les semis des cultures d’hiver, qui permettent d’obtenir une récolte une fois et demie plus importante que la récolte d’été. C’est pourquoi la production devrait continuer à diminuer, et on parle déjà d’une possibilité de répétition du choc des prix alimentaires, qui a touché les marchés mondiaux en été 2008. Il est vrai qu’on n’en est encore qu’au stade des estimations de l’impact de la sécheresse. Les chiffres exacts ne seront connus qu’à la fin de l’année. Les choses sont plus claires sur le front des incendies. Le gouvernement a promis d’utiliser des fonds publics pour reconstruire les maisons et les infrastructures détruites par les feux de forêt. Le total des réparations et des indemnisations est estimé à 305 millions d’euros, a annoncé le ministre des Situations d’urgence Sergueï Choïgou. Certains analystes avancent pour leur part des chiffres d’une tout autre échelle. Selon des estimations, la vague de chaleur aurait provoqué une baisse du PIB (produit intérieur brut) de 0,5% à 1%, soit des pertes allant jusqu’à 11,7 milliards d’euros. En effet, les entreprises réduisent les heures de travail et gèlent les plans d’investissement à cause de la canicule. Le ministère de l’Économie a revu à la baisse sa prévision de croissance, de 4,7% en début d’été à 4%. Les agriculteurs encaissent davantage que les autres. À peine remis de la crise économique, ils se retrouvent désormais surendettés à cause de récoltes insuffisantes. Les analystes estiment

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Selon les premières estimations, la vague de chaleur aurait provoqué une baisse du PIB de 0,5% à 1%.

que près de 3,23 milliards d’euros de crédits agricoles – soit 15% du total des crédits du secteur bancaire – nécessitent une restructuration. Les banques publiques Sberbank et Rosselkhosbank sont les plus exposées à ce problème. L’État a déjà promis de débloquer 267 millions d’euros pour subventionner les taux d’intérêt des agriculteurs en 2010 et 2011. Les producteurs de l’agroalimentaire et les détaillants sont coincés entre le marteau et l’enclume. Ils subissent la hausse des prix des fournisseurs, quand dans le même temps, le gouvernement,

Le spectre de l’inflation réapparaît La hausse rapide des prix des denrées alimentaires a fait changer les pronostics concernant l’inflation. Désormais, certains ajoutent 3% aux prévisions officielles maximales de 7% pour l’année 2010. Fin août, le ministère de l’Économie a revu à la hausse ses prévisions – qui étaient les plus basses depuis plus d’une décennie. Il est déjà certain que la progression de 8,8% observée en 2009 sera dépassée. Le retour de

l’inflation porte un nouveau coup à l’économie, surtout que les taux d’intérêt sont devenus supérieurs à la montée des prix. Ce symptôme du retour à une économie « saine » est une première depuis la fin de l’URSS. Si les taux restent réels, cela permettra à la Banque centrale d’avoir les mécanismes nécessaires pour contrôler l’économie. Malheureusement, cette éventualité risque de filer rapidement entre les doigts du Kremlin.

Énergie Premier groupe pétrolier russe privé, Lukoil se tourne vers l’offshore

Extension du domaine de forage Lukoil a démarré en avril l’exploitation de son premier gisement pétrolier et gazier en mer Caspienne. ARTYOM AMELIN, TIM GOSLING SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le géant pétrolier est à la fête : il vient d’obtenir du Kremlin les allégements fiscaux qu’il réclamait depuis longtemps afin de se lancer dans le développement de cinq champs pétroliers dans les eaux russes. Écarté des gisements de Sibérie orientale, Lukoil doit impérativement élargir sa zone de production pétrolière en mer. La mer Caspienne est une réserve énergétique vitale pour les pays asiatiques. La Russie est en concurrence avec l’Azerbaïdjan et le Turkménistan pour les contrats d’approvisionnement de ces pays. L’extraction en mer Caspienne est également une priorité pour le gouvernement russe, alors que les espoirs de développement d’un grand gisement pétrolier en Sibérie orientale s’amenuisent. Au 1er juillet dernier, les abattements fiscaux ont été supprimés pour

les gisements d’hydrocarbures sibériens. Le patron de la firme, Vaguit Alekperov, a indiqué à La Russie d’Aujourd’hui que le champ pétrolifère Filanovsky était le plus grand gisement découvert en Russie au cours du dernier quart de siècle, avec près de 4,5 milliards de tonnes d’hydrocarbures sous les fonds marins. « C’est autant que les réserves pétrolières de l’Azerbaïdjan, et le double des réserves du Turkménistan », assure M. Alekperov. Et

Filanovsky est le plus grand gisement découvert en Russie au cours du dernier quart de siècle de préciser que l’exploitation de ces réserves nécessitera des investissements colossaux. Lukoil va dépenser 8,6 milliards d’euros pour construire vingt-huit plateformes de forage et plus de 1 000 km d’oléoducs au cours des dix prochaines années. La firme compte sur cet inves-

qui tente désespérément de maîtriser l’inflation, les menace d’amendes en cas de hausses de prix « injustifiées ». Résultat, les conflits commerciaux se multiplient. Plusieurs usines à pain ont déjà été condamnées pour abus sur les prix, tandis qu’une querelle sur les prix a éclaté entre la chaîne des supermarchés Sedmoï Kontinent et le producteur de lait Wimm-Bill-Dann. Les compagnies de transport russes vont également ressentir les retombées de la chaleur estivale si les exportations de céréales cessent. Avec l’arrêt des exportations pour cette année, le volume total du blé exporté (principalement vers les pays du Moyen-Orient) ne dépassera pas 4,5 millions de tonnes en 2010, comparé à 21,5 millions de tonnes l’an dernier. En juillet, la production industrielle était en hausse annuelle de 5,9%, avec un investissement fixe de 0,8%. Mais les deux indicateurs ont baissé de 10% par rapport à juin. Olga Sterina, de la banque russe d’investissement Uralsib, s’inquiète du fait que « les investissements ont diminué de plus que prévu et les données du mois d’août risquent d’être encore plus négatives ». Alors que les analystes espèrent que le choc économique sera temporaire, on craint que les prix des denrées alimentaires n’alimentent l’inflation et détruisent les chances d’une croissance soutenue en Russie. Le bon côté de la crise mondiale pour la Russie fut la fin d’une bataille de deux décennies contre l’inflation (voir encadré). Mais à peine la fumée des feux était elle dispersée que les vieux démons de l’économie russe ont ressurgi...

AFFAIRES À SUIVRE

EN BREF Moscou-Nice en train, comme avant 1917 ! Les Chemins de fer russes (RJD) remettent sur les rails la ligne mythique des aristocrates. À partir du 23 septembre, un train circulera à un rythme hebdomadaire entre Moscou et Nice pour 50 heures de trajet. Un peu préoccupé par la durée, RJD promet de la ramener dans le futur à un jour et demi. « Notre train roule à une moyenne de 75km/h entre Nice et Moscou. Ce n’est pas mauvais, mais nous avons un matériel capable de rouler à 200km/h », admet Mikhaïl Akoulov, viceprésident de RJD. Le train comprend 12 wagons, dont 2 wagons restaurant. L’itinéraire traverse le Belarus, la Pologne, la Tchéquie, l’Autriche et l’Italie avant d’atteindre Nice.

La voie maritime arctique est ouverte

RIA NOVOSTI

Deux tankers ont inauguré en cette fin d’été les premières livraisons commerciales par la voie arctique. Le gazier russe Novatek et le norvégien Nordic Barents ont traversé les eaux glaciales avec succès. Le réchauffement climatique et le pullulement de pirates dans l’océan Indien poussent les sociétés de fret à envisager l’exploitation commerciale de la route arctique, qui longe la côte nord de la Sibérie.

TOUS LES DÉTAILS SUR

LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

RENCONTRES RUSSIE 2010 COLLOQUE SÉNATUBIFRANCE

Les banquiers véreux cloués au pilori

21 ET 22 OCTOBRE, SÉNAT, PARIS

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tissement pour enrayer la baisse de la production, qui a diminué d’environ 1% par rapport à la même période de l’année précédente. En exprimant leur « préoccupation que la société soit incapable d’inverser la tendance au déclin », les analystes d’Alfa Bank considèrent que « l’exploitation à pleine capacité en Caspienne peut résoudre ce problème ». Alexandre Burgansky, de la banque d’investissement Renaissance Capital, souligne que les gisements de la mer Caspienne sont pour Lukoil « la seule zone de croissance importante en Russie, représentant 13% de la production totale du pétrole brut russe d’ici 2015 ».

Toutefois, pour l’instant, le seul à être exploité pleinement est le modeste gisement Iouri Kortchaguine. On estime que le gisement pétrolier Filanovsky sera mis en service en 2014. Cependant, à la lumière de la récente catastrophe dans le golfe du Mexique, les forages en mer sont non seulement devenus un défi technique et financier, mais ils posent de sérieux problèmes de sécurité à des entreprises russes inexpérimentées. Alekperov a sa réponse : « Lukoil va ouvrir le premier centre de formation spécialisé pour plateformes offshore. Cette formation insistera beaucoup sur la sécurité ».

Elvira Nabiullina, la ministre russe de l’Économie et Anne-Marie Idrac, secrétaire d’ État au Commerce extérieur français, participeront à ce rendez-vous annuel des entreprises françaises actives sur le marché russe. › www.ubifrance.fr

FORUM D’INVESTISSEMENT KOUBAN 2010 DU 16 AU 19 SEPTEMBRE, SOTCHI

Il s’agit, avec celui de Saint-Pétersbourg, de l’un des deux plus importants forums d’investissements en Russie. Vladimir Poutine préside l’événement, qui offre l’occasion aux participants de côtoyer les plus hautes autorités russes et un vaste panel d’entreprises locales. › www.forumkuban.com

ITAR-TASS

La plus grosse banque russe, Sberbank, a pris l’initiative fin août de révéler publiquement le nom de ses employés licenciés pour pratiques malhonnêtes. C’est une première dans la lutte que livrent les autorités russes à la corruption. La liste comprend 426 noms d’individus que Sberbank « ne veut plus voir travailler dans le système bancaire ». Cette initiative ne fait pas l’unanimité.VTB24, une autre banque d’État, estime que « tout le monde doit avoir droit à une seconde chance ».

MEDIA LEGION

LES EXPATS ONT LA VIE BELLE EN RUSSIE, MAIS LES PLACES SONT CHÈRES

www.larussiedaujourdhui.fr/expert


Économie

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07

Entreprises Derrière leurs façades soviétiques décaties se cachent parfois des fabriques au riche potentiel commercial

Un Français met une marque russe à l’heure mondiale

On a vu Poutine et le Patriarche Kirill arborer des montres suisses très onéreuses. Les verra-t-on un jour avec une Raketa au poignet ? Pour beaucoup de Russes, Raketa a été la première montre qu’ils ont portée. Je ne serais pas surpris

Depuis deux ans à la tête de l’Usine de Petrodvorets – Raketa, le Français Jacques von Polier, 35 ans, ambitionne de constituer la première marque russe reconnue mondialement.

Il y a 15 ans, les Russes étaient anti-patriotes. Ils ne voulaient que des produits importés. Les choses ont changé

La Russie d’Aujourd’hui

Pourquoi se lancer dans une telle aventure ? Je viens de la finance, mais au fond, je suis un créatif. Ce projet me permet d’exprimer cette créativité, puisque je suis à la fois le Président du Conseil d’administration et Directeur créatif de Raketa. La banque était une erreur de parcours qui m’a servi à amasser un certain capital et m’aide aujourd’hui beaucoup pour trouver des investisseurs. Quels sont les atouts de la marque Raketa ? Raketa est aujourd’hui la seule marque russe à fabriquer des montres de A à Z. Rien à voir avec les marques qui se contentent de poser leur boîtier sur des pièces sous-traitées ailleurs. Notre usine de Saint-Pétersbourg fabrique les 250 pièces nécessaires. Il n’y a que 4 ou 5 marques suisses qui font la même chose.

chiffres -clés Employés : 80 Chiffre d’affaires 2009 : 500 000 euros Chiffre d’affaires 2010 (prévision) : 2 000 000 euros Nombre de montres fabriquées en 2009 : 12 500 15 modèles commercialisés à partir de novembre 2010 Fourchette de prix : de 200 à 600 euros Qui sont vos clients aujourd’hui ? Presque la totalité de notre production est destinée aujourd’hui à satisfaire les commandes d’État. C’est grâce à elles que l’usine a continué à fonctionner depuis 20 ans. Ce sont des commandes de l’armée, du FSB, du ministère des Situations d’urgences, etc. Cette clientèle nous donne une bonne image, mais ne nous permet pas de réaliser des bénéfices. Nous voulons désormais inverser la tendance et séduire le grand public. Investir dans une marque de montres russe paraît très risqué… Il y a 15 ans, les Russes étaient anti-patriotes. Ils ne voulaient que des produits importés. Les choses ont changé. Il existe une volonté de consommer russe et nous capitalisons là-dessus. Nous voulons

faire émerger la première marque grand public russe. Il existe ailleurs des Coca-Cola, LuisVuitton, Gucci, etc. Chaque pays a ses grandes marques, sauf la Russie. Les Russes sont-ils des grands consommateurs de montres ? Quelle clientèle visez-vous ? La montre est devenue inutile aujourd’hui avec tous les appareils électroniques qui nous entourent. Mais il reste une vraie demande en Russie parce que la montre indique un statut social, et les Russes aiment qu’il soit visible. La montre est un accessoire de mode très prisé, c’est pour les hommes le dernier objet de grande valeur qui reste sur votre corps quand la voiture est restée sur le parking. Mais il faut être réaliste, Raketa ne peut pas rivaliser avec

Internet Le haut-débit sans fil est déjà une réalité dans 5 villes

La société russe Yota a bâti en à peine un an l’un des plus vastes réseaux au monde d’internet sans fil 4G. Entretien avec son directeur général Denis Sverdlov, 32 ans. Paul duvernet

Vous avez étendu votre réseau à une vitesse record… Oui, nous n’avons qu’une seule année d’existence, mais notre

alexandr miridonov_kommersant

La russie d’aujourd’hui

« La densité de population est cruciale pour nous ».

réseau s’étend déjà à 5 villes russes, avec 1 000 stations-bases rien qu’à Moscou. Aucun opérateur 4G n’a bâti aussi rapidement que nous son réseau. Vous vous lancez sur des marchés a priori peu attractifs comme le Pérou, le Nicaragua et le Bélarus… La densité de population est cruciale pour nous. Or, 50 millions de personnes sont concentrées

Le comte Jacques von Polier pose avec au bras des modèles de la collection Raketa, qui seront commercialisés à partir de novembre.

gies sans fil. C’est pourquoi nous recevons un soutien colossal dans ces pays-là.

Yota bondit d’une technologie à l’autre

Vous venez d’équiper la ville de Kazan en technologie LTE. Qu’estce qui a motivé votre passage du standard WiMax au LTE ? Nous n’abandonnons pas le WiMax. Dans les villes déjà équipées en WiMax, nous gardons ce standard. Nous allons encore en installer 1000 stations base WiMax cette année. Par contre, toutes les futures villes seront équipées en LTE. Nous sommes satisfaits de WiMax, mais ce standard ne fonctionne pas bien sur les téléphones mobiles. Les fabricants de téléphones portables (Samsung, Apple, Nokia) ne veulent pas du standard WiMax. Le passage au LTE est un choix de l’industrie, ce n’est pas le nôtre.

d’apprendre que ç’ait été le cas pour Poutine, d’autant qu’il est originaire de Saint-Pétersbourg, où la marque était particulièrement populaire. C’est vrai qu’après le scandale des montres suisses, certains auront envie d’en arborer de plus modestes et patriotiques.

kirill lagutko(2)

Paul Duvernet

les grandes marques suisses. Nous visons la gamme moyenne.

en Amérique centrale. Même dans les pays pauvres, il y a un bon pourcentage de la population - 10, 15 ou 20% - qui peut s’offrir l’internet sans fil. Les gouvernements de ces pays sont pressés d’attirer les investissements étrangers et savent que les télécommunications sont un secteur clé pour leur développement. Comme ils n’ont pas d’argent pour développer les infrastructures classiques, ils sont intéressés par les dernières technolo-

Qui sont vos actionnaires et d’où viennent les fonds qui vous ont permis de croître aussi rapidement ? Le fonds de placement Telconet, contrôlé par l’homme d’affaires russe Serguei Adoniev, détient 74,9%. « Technologies russes » en possède 25,1%. Au départ, et assez typiquement pour ce genre de projet basé sur les nouvelles technologies, ce sont nos propres actionnaires qui ont apporté le financement parce qu’ils y croyaient. Dès que nous avons vu en octobre 2009 les ventes dépasser les dépenses et, parallèlement, notre renommée devenir importante, nous avons reçu des propositions de grandes banques, y compris des françaises et des britanniques. Quelle est la structure de votre dette ? Vos bénéfices sont-ils suffisants à ce stade pour rembourser en temps et en heure ? Notre société est déjà rentable à l’heure actuelle. Nous sommes dès à présent capables de rembourser sans problème une dette importante simplement à partir de nos bénéfices. Nous avons une dette de 200 millions de dollars envers nos actionnaires, plus 100 millions de dollars envers les banques, soit un total de 300 millions de dollars. Nous prévoyons des revenus de 300 millions de dollars en 2010, et grâce à cette somme nous serons en mesure d’éponger nos dettes.

Allez- vous d’abord lancer la marque en Russie ? Non, nous allons démarrer simultanément à l’international. Nous allons lancer notre nouvelle collection en novembre, et je prépare actuellement toute une série de manifestations pour faire connaître la marque. Nous sommes d’ores et déjà en négociations avec Harrod’s à Londres, une adresse sur les Champs-Elysées, des boutiques prestigieuses de Moscou et le leader russe de la vente par correspondance. NataliaVodianova nous a promis son concours pour le style de la ligne féminine des Raketa, afin de mettre un peu d’eau dans notre vin militaire…

Chimie Fusion entre Silvinit et Uralkali

Des engrais consolidés pour mieux conquérir Une nouvelle ressource naturelle russe émerge rapidement après le pétrole et le gaz. Le marché des engrais va connaître des bouleversements, et pas seulement en Russie. TIM GOSLING

BUSINESS NEW EUROPE

En août, l’oligarque et député Souleiman Kerimov a pris une participation dans les deux plus grandes mines de potasse russes, Uralkali et Silvinit, qui lui en garantit le contrôle. La potasse est le composant majoritaire des engrais. La Russie abrite les secondes réserves mondiales de ce minéral naturel, et la co-entreprise deviendra le second producteur mondial de potasse après le canadien PotashCorp. Kerimov agit avec la bénédiction du Kremlin, toujours ravi de voir l’émergence de « champions nationaux » russes capables de rivaliser avec les plus grandes multinationales de chaque secteur. Les prix en forte hausse des céréales ont aiguillonné la frénésie de fusions-acquisitions dans

le secteur des engrais. Durant la dernière semaine d’août, le groupe anglo-australien BHP Billinton a lancé une OPA hostile de 39 milliards de dollars sur PotashCorp. Les effets de la consolidation du secteur et de la hausse des prix agricoles se font déjà sentir sur le marché des engrais, après l’augmentation par Uralkali de son cours au comptant d’environ 10% au 1er septembre. Une offre similaire avait été contrecarrée en février par une réaction agressive et une indiscipline des actionnaires de Silvinit. Kerimov cherchera probablement à étendre son groupe à la Biélorussie, qui détient les troisièmes réserves mondiales de potasse. Début août, le premier vice-premier ministre biélorusse Vladimir Sematchko a reconnu que Kerimov allait probablement tenter une offensive sur BelarusKali. Ce dernier aurait déjà proposé 7,5 milliards de dollars pour 51% du groupe. Kerimov trouvera toutefois sur son chemin des rivaux chinois et indiens prêts à se battre pour Belaruskali.


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Débats et Opinions

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

universités : pour une vraie compétition

passons aux normes européennes

Igor Fedioukine

Vladislav Inozemtsev

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

VedoMosti

L

a vague des réformes s’est violemment abattue sur les universités. Certaines de celles-ci sont destinées à devenir des institutions phares, d’autres deviendront des facs techniques. Le gouvernement russe veut des grandes écoles renommées mondialement. Mais d’abord, il doit introduire le concept de différenciation dans l’enseignement supérieur, et stipuler que toutes les universités ne sont pas de qualité égale. Or, en Russie, comme dans d’autres pays d’Europe, la tradition égalitariste reste profondément enracinée. Le ministre de l’Éducation et de la Science, Andreï Foursenko, en a choqué plus d’un en déclarant qu’il fallait reconnaître qu’il y avait une première division dans les universités comme dans les clubs de foot. Suivant l’exemple de la Chine et de l’Allemagne, le gouvernement russe met en œuvre un programme ambitieux d’amélioration et de modernisation d’une poignée d’universités triées sur le volet. Deux douzaines de vainqueurs reçoivent déjà des fonds supplémentaires et le droit de créer leurs propres cursus. En retour, ces institutions phares sont censées parfaire leur gouvernance, attirer les jeunes doctorants, recycler leur corps enseignant et, en fin de compte, produire une recherche de meilleure qualité, afin d’acquérir une visibilité mondiale. Cette réforme est urgente. C’est le manque de compétition entre universités qui a sapé l’enseignement supérieur des années postsoviétiques. Pour commencer, il y a peu de mobilité académique. Les universités locales jouissent toujours de marchés captifs. La population estudiantine a été multipliée par deux. Cette croissance découle du fait que nombre d’étudiants financent leur entrée à la fac aux dépens d’étudiants boursiers plus méritants. Beaucoup, en outre, optent pour des études supérieures afin d’échapper au service militaire.

P

De leur côté, les universités acceptent autant de candidats que possible pour récolter davantage de subventions, le tout au dépend de la qualité. Au début des années 2000, nombre de facs étaient devenues des usines à diplômes avec pour conséquence une dévaluation extrême de leur valeur. Cette situation va changer. La compétition sera introduite par le marché lui-même, tandis que l’enseignement supérieur russe entre dans une période de vaches maigres. En raison du déclin démographique, le nombre de candidats potentiels d’ici trois ans sera divisé par deux. Ce qui forcera enfin les établissements à rivaliser pour attirer les étudiants et améliorer la qualité de leurs programmes. La mise en place d’un examen d’État unique (équivalent du bac) va aussi stimuler la concurrence en facilitant l’évaluation comparative du niveau des étudiants.

Enfin, les labels tels que « recherche fédérale » et « nationale » fourniront un repère de qualité, forçant les autres universités à se mettre au niveau ou risquer de perdre leurs meilleurs éléments. Le principe est désormais de concourir pour des financements supplémentaires au lieu de recevoir des sommes déterminées par la taille du cheptel. Les universités seront notées en fonctions de critères internationaux, un anathème pour la communauté universitaire russe habituée à se réfugier derrière le « modèle unique d’éducation nationale » pour écarter toute comparaison avec les universités étrangères. Naturellement, le défi est immense. À commencer par le fait que peu de professeurs russes savent personnellement ce qu’est une université de niveau mondial. Un sondage des recteurs révèle qu’un seul d’entre eux posséde une expérience dans une université étrangère.

mistral gagnant sur tous les fronts Rouslan Poukhov

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

L

’épopée de l’achat des navires militaires français « Mistral » par la Russie semble toucher à sa fin. Le ministère russe de la Défense a lancé un appel d’offres pour l’acquisition de navires de cette classe, dont les résultats devraient être connus à la fin de l’année. La communauté des experts est unanime : malgré la participation formelle de candidats espagnol, hollandais et sud-coréen au projet, le très grand favori reste le Mistral. Si le nom du vainqueur du concours crée le consensus, l’acquisition d’un tel navire a suscité un débat très acerbe à Moscou. Les opposants à l’acquisition estiment que la flotte russe n’a pas besoin de bâtiments de projection et de commandement. Du

moins pas pour le moment. Après vingt années de vieillissement et de dégradation du matériel, la flotte a davantage besoin de navires de type corvette ou frégate et de bâtiments chasseurs de mines, et non de moyens de projection des forces. C’est la capacité de la marine russe à exploiter correctement des technologies étrangères qui suscite tout particulièrement le scepticisme des experts. Et les anti-Mistral de citer l’exemple des destroyers de classe Sovremenny. Ces bâtiments puissants et modernes ont plombé la flotte en raison du manque de moyens pour les exploiter correctement, et de la mauvaise formation des équipages. Enfin, on avance également que si la flotte veut s’équiper de ces navires, elle peut les concevoir elle-même et construire des navires russes. Justifiant leur intérêt pour le Mistral, les militaires avancent qu’ils n’ont pas seulement besoin d’un navire amphibie, mais d’une unité

multifonctionnelle qui associe les fonctions de transport de guerre, d’hôpital mobile, de caserne flottante et de point de contrôle des forces hybrides de la flotte. Contrairement à une idée reçue selon laquelle le Mistral serait principalement affecté à la mer Noire, c’est avant tout en Extrême-Orient que la marine nationale russe a besoin de tels navires, là où les infrastructures militaires sont particulièrement délabrées. Selon toute vraisemblance, au minimum deux des quatre navires de projection et de commandement devraient rejoindre la flotte du Pacifique. Les deux autres devraient être basés dans le Nord, voire à Kaliningrad. Les achats de frégates et de corvettes, qui font vraiment défaut à la flotte russe, n’empêchent pas - au contraire - l’acquisition de navires de projection et de commandement. Pour assurer la protection des Mistral, le ministère

Vingt-deux des vingt-quatre recteurs sondés ont fait leurs études dans l’université qu’ils dirigent aujourd’hui... Dès lors, certains projets paraissent irréalistes, comme celui qui consisterait à rattraper le niveau de Stanford (Californie) en quinze ans. Néanmoins, le paysage de l’enseignement supérieur russe va changer dans un futur proche. Des universités vont se réformer et rejoindre la table des grandes écoles internationales, où la Russie n’est à ce jour représentée que par deux institutions. D’autres seront reléguées au rang d’établissements technique. Mais surtout, il faut espérer que les futurs bacheliers russes pourront faire plus facilement la distinction entre les diplômes qui méritent investissement en argent et en temps, et... les autres. Igor Fedioukine est directeur des études politiques à la Nouvelle école d’économie..

de la Défense sera contraint de construire des destroyers. Ces navires seront très probablement des frégates de classe Talwar, six de ces bâtiments ayant déjà été commandés par la Russie à la marine nationale indienne. La construction d’hélicoptères embarqués a bondi, avec 70 à 100 commandes d’appareils. Dernier argument : le recours à un constructeur étranger est déterminé par le fait qu’on y construit plus vite et moins cher que sur les chantiers russes. Cela ne signifie pas que les chantiers navals russes ne recevront rien. Au contraire, la commande stipule que les chantiers russes doivent construire jusqu’à 30% des blocs dès la première série de navires, 60% pour la seconde, tandis que la construction des troisième et quatrième séries devrait être entièrement localisée en Russie. En outre, cette coopération forte entre les chantiers russes et étrangers ne peut que servir l’industrie nationale, qui a pris un gros retard tant sur les technologies que sur les processus commerciaux. Rouslan Poukhov est directeur du Centre d’Analyse Stratégique et Technologique.

endant qu’on débat sur la modernisation, l’économie russe évolue graduellement. Non pas grâce aux programmes gouvernementaux, mais malgré eux. Ces dernières années, PSA Peugeot-Citroën, Mitsubishi etVolkswagen ont implanté en Russie des usines d’assemblage, Siemens a ouvert une usine de transformateurs et des investisseurs occidentaux ont créé de nombreuses entreprises agroalimentaires. Les entreprises russes développent également leur activité. L’usine métallurgique de Magnitogorsk, par exemple, a installé une nouvelle ligne de traitement de tôle. Les investissements augmentent dans le raffinage du pétrolier et chimique. Tous ces projets se sont faits sans aucune aide de l’État. Malgré les déclarations tapageuses sur l’engagement du gouvernement, de sérieux doutes existent quant à l’intention réelle des autorités de moderniser le pays. Les entreprises en construction ou en phase de modernisation n’utilisent pas de matériel russe. L’équipement métallurgique a plus de chances de venir de la firme allemande SMS Siemag ; la compagnie finlandaise Konecranes fournit l’équipement de levage ; les fours à briques sont faits par Burton en Allemagne ou Ceratec en France ; les fraiseuses viennent de Krupp et les imprimantes de Heidelberg. Tout est importé car l’industrie russe ne produit pas de biens d’équipement. La plus grosse difficulté réside dans l’obligation de certifier l’équipement et de l’adapter au normes techniques russes. Dans la plupart des cas, l’étude officielle de la documentation d’un projet prend des mois et dévore l’énergie des investisseurs. Il faut également traduire un grand nombre de documents, travailler avec des fournisseurs pour changer des mécanismes et assemblages spécifiques, afin d’obtenir la certification russe. Même durant la période difficile de 2008-2009, la Russie a importé des équipements industriels pour une valeur de 159,9 milliards de dollars. Avec 52,2% du total des importations, c’est la principale catégorie de biens importés. Dans ces biens importés, 62,2%, soit 99,4 milliards de dollars, vien-

nent de l’Union européenne. Environ 17% viennent de Chine. Au total, 45% sont produits par des sociétés européennes ayant des entreprises en Chine et 35% de ces biens sont fabriqués par des firmes chinoises qui exportent en Europe. Donc, plus de 75% de l’équipement industriel russe est de facto conforme aux normes de l’Union européenne. La question qui crève les yeux, c’est donc : pourquoi ces biens doivent-ils sauter sans fin d’un bureau à l’autre, un processus de plus en plus difficile et onéreux, pour obtenir la certification et l’agrément russes ? La solution pourrait être aussi simple qu’efficace : supprimer les exigences fort lourdes imposées aux biens fabriqués dans l’UE pour obtenir certificats et autorisations en Russie ou conformément aux normes de l’UE et pour les travaux de construction réalisés par des entreprises basées en Europe.

Les entreprises qui se montent ou se modernisent n’utilisent pas de matériel russe

Le système de certification russe sert surtout à garnir les poches d’officiels corrompus Cette décision permettrait de réduire drastiquement les coûts hors fabrication que rencontrent les entreprises qui optent pour la modernisation. La Russie devrait commencer par lever les barrières à l’importation de biens étrangers de haute qualité et glisser graduellement vers une plus grande harmonisation des normes et plus de coopération avec le monde des affaires européen. Moscou éliminerait par la même occasion les obstacles à la modernisation créés au nom de « l’ordre » et la « sécurité », des obstacles qui ne servent qu’à gonfler une bureaucratie grossissante et à garnir les poches d’officiels corrompus. Vladislav Inozemtsev est professeur d’économie et directeur du Centre pour les études post-industrielles à Moscou. Il dirige la revue Svobodnaïa Mysl.

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Perspectives

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

CES SACRÉS RUSSES

Émigration Retrouvailles douce-amères entre les émigrés aristocrates et l’actuelle Russie

Retour dans une patrie méconnaissable

Notre camarade expat François Perreault

J

90 ans après la fuite tragique, 67 familles de Russes blancs reviennent sur le territoire à l’occasion d’une croisière organisée par le Kremlin et destinée à renouer les liens. ANNA NEMTSOVA

WWW.FAP.RU

ANNA NEMTSOVA

Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

Lors de l’évacuation de Sébastopol le 14 novembre 1920 devant l’arrivée des troupes bolcheviques, 150 000 réfugiés, dont 6 000 blessés graves, se sont entassés sur une poignée de navires.

Marina Chidlovskaïa trouve intéressante l’idée de faire rentrer les émigrés au pays : leurs enfants, sinon eux-mêmes, pourraient être l’espoir de la réconciliation et de la réintégration dont rêve le Monde russe. Son fils Dimitri est l’un des rares descendants blancs venus travailler à Moscou cette année. Un autre

enfants de l’ancienne et de la nouvelle Russie. Les contradictions sont apparues avant même le début du voyage, quand les Moscovites ont proposé de nommer le programme Deux destins pour un seul peuple. Les émigrés aristocrates ont protesté : « Nous n’allons pas nous réconcilier avec les rejetons de Lénine ! ». L’événement a dû être baptisé « Voyage en mer ». À bord, le courant ne passe pas bien. Les nobles invités parlent français pendant les repas. Les chansons rock des années 1990, bien aimées par leurs hôtes, ne disent rien aux jeunes princes et comtes nés en France. Eux entonnent de vieux chants mi-

litaires russes, nostalgiques de la dévotion manifestée par leurs arrières-grands-pères au Tsar et à la Patrie. « Nos visions historiques sont différentes : nous considérons que la Révolution d’octobre est le plus grand crime contre le peuple russe, mais son guide est encore au Mausolée sur la Place rouge », dit la princesse Tamara Choukhovskoï, avec émotion. Avant de partir en voyage, Tamara Choukhovskoï, écrivain, a lu dans les carnets de son grand-père l’histoire de sa fuite de Sébastopol ; la violence dont ils ont tous été témoins ; les enfants qui mouraient d’affreuses épidémies sur l’île de Lemnos ; le courage et le dévouement des officiers blancs sur le chemin de l’exode de l’élite russe. Au cours du voyage, autour des nombreuses tables rondes et pendant les pauses cigarette sur le pont, les activistes moscovites du « Monde russe » (ou Russkiy Mir, un mouvement soutenu par le Kremlin) ont fait de leur mieux pour tenter d’expliquer à leurs invités que tous les Russes n’ont pas la même compréhension de l’histoire soviétique ; que certains participants de la croisière avaient aussi perdu leurs proches dans les purges staliniennes des années 1930. Résidant aujourd’hui à Paris,

L’ÉTAT Y TROUVERA SON COMPTE QUOI QU’IL ADVIENNE

BALIVERNES POUR UNE FORÊT

LE ROCK N’EST PLUS CONTESTATAIRE

GAZETA.RU

MOSKOVSKY KOMSOMOLETS

NEZAVISIMAYA GAZETA

En vertu des lois non écrites d’un État-corporation, le gouvernement ne peut pas annuler la construction : ce serait priver ses « amis » de prime et se laisser tenir en bride par l’opinion. Quelle que soit l’issue de l’histoire, il est clair que le pouvoir retournera la situation en sa faveur. Accepter la position des défenseurs de la forêt est dangereux, ce serait créer un précédent menant à d’autres protestations. En revanche, désormais le pouvoir pourra faire traîner l’affaire en longueur, en attendant de trouver des compensations pour ses partenaires commerciaux.

Les défenseurs de la forêt n’acceptent que l’alternative du tunnel, malgré les risques écologiques. L’explication est simple : à la tête des défenseurs, Tchirikova n’est pas qu’une politicienne, mais aussi une femme d’affaires. Elle est actionnaire de deux sociétés de construction de tunnels. La forêt n’est pas défendue par les vrais écologistes, ni par les habitants de Khimki. Il s’avère que les activistes de la défense ne résident pas, pour la plupart, à Khimki, mais à Moscou, où ils préfèrent manifester, d’ailleurs. La forêt n’est qu’un prétexte.

Les actions de l’opposition, sous le slogan douteux de « Nous vivons tous dans la forêt de Khimki », n’ont attiré l’attention que grâce à la participation de Chevtchouk. Mais le musicien a fait un mauvais calcul de marketing. La politique à la place de la musique, ça effraye. L’ère du rock’n’roll engagé est révolue. Et le concert gratuit de Chevtchouk place Pouchkine en est un exemple criant : les centaines de participants sont un succès pour l’opposition, mais, il faut l’admettre, un fiasco pour une star du rock qui remplissait il y a peu des stades entiers.

C’est le gouvernement rouge de Moscou qui avait ordonné l’expulsion des Blancs hors de Crimée en 1920 ; cette année, ses successeurs, les chefs actuels du Kremlin, ont organisé et financé le retour des descendants des Blancs. Mais la tâche de « construire des ponts » s’est avérée la plus difficile pour les

Le Kremlin bolchévique a expulsé les Blancs ; le Kremlin actuel organise et finance le retour de leurs descendants

« Nous pourrions aider la Russie renforcer sa société civile. C’est le rôle dans lequel nous nous voyons » prince,Vladimir Troubetskoï, va commencer en septembre ses études à l’Institut des relations internationales de Moscou. Son père, le chef de la communauté des Gardes blancs à Paris, le prince Alexandre Troubetskoï, a expliqué qu’à l’instar de son père à lui, il a essayé de transmettre à ses fils une dévotion profonde pour la Russie et la culture russe. « Nos quatrième et cinquième générations se sentent attirées par Moscou et rêvent de rentrer », dit Troubetskoï. « Nous pourrions aider la Russie à s’attaquer au problème majeur de la faiblesse de la société civile. C’est le rôle dans lequel nous nous voyons ».

LU DANS LA PRESSE « TOUCHE PAS À MA FORÊT » : DE L’ÉCOLOGIE À L’IDÉOLOGIE Le combat pour sauver la forêt de Khimki, menacée par la construction d’une autoroute, s’est transformé en bras de fer entre le pouvoir et l’opposition, soutenue par des centaines de gens ordinaires et chantée par la star du rock Youri Chevtchouk. Les travaux sont suspendus, mais l’incertitude règne sur le tracé final de l’autoroute. Préparé par Veronika Dorman

ULLSTEINBILD/VOSTOCK-PHOTO

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Dans la brume bleutée du petit matin, un paquebot de croisière de sept ponts glisse dans la rade de Sébastopol. Quelques passagers somnolents se tiennent côte à côte sur l’un des ponts, savourant la beauté paisible du port de la mer Noire. Une dame en châle fin et son compagnon coiffé d’un canotier fixent le quai, après un long voyage. Quatrevingt dix ans après leur exode, les émigrés russes, nobles et aristocrates, rentraient enfin au pays. Les Troubetskoï, Souvorov, Koutouzov, Chakhovskoï, Golovine et autres familles de Russes blancs ont pris le chemin inverse de l’exil de leurs parents et grands-parents. Ils sont partis deVenise vers la Tunisie, la Grèce et la Turquie, jusqu’au point de départ de leurs aînés, le quai Grafski de Sébastopol. Ils se sont arrêtés dans des lieux mémorables, anciens camps de réfugiés et cimetières, pour prier avec plus de 200 hommes politiques, entrepreneurs et historiens russes, pour la mémoire des Gardes blancs - ou Armée blanche, comme ils préfèrent dire - massacrés lors de la Guerre civile. « Je n’avais qu’un an, quand mes parents ont fui de Sébastopol. Toute ma vie, j’ai attendu le jour où je reverrai le quai Grafski », soupire le plus âgé des passagers, le nonagénaire Rostislav Don. Le 14 novembre 1920, le général Piotr Wrangel, dernier commandant en chef de l’armée russe, est venu inspecter 125 paquebots chargés des familles de ses officiers, qui attendaient de fuir la Russie. Les navires militaires britanniques, français et russes utilisés pour l’évacuation n’offraient guère de cabines confortables. Pour survivre, les 150 000 réfugiés, dont 6 000 officiers et soldats grièvement blessés, durent occuper chaque centimètre carré dans les cales et sur les ponts. Le lendemain, le général Wrangel partit pour la Turquie à la tête de ce qu’il restait de son armée jadis glorieuse. Juste à temps : les Rouges s’emparaient de Sébastopol le jour suivant. Toujours imprévisible, l’Histoire a fait volte-face de nouveau.

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SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

ean-Pierre l’avait lu au détour d’une ballade sur Internet : une manifestation aura lieu dans quelques jours pour dénoncer l’arbitraire du régime politique russe. Jugeant le Premier ministre Vladimir Poutine peu amène, et se remémorant avec nostalgie ses années de cégétisme, Jean-Pierre décide d’apporter sa pierre à l’édifice. La veille au soir, notre ami concocte une affiche gentillette (« vive la démocratie » - ce n’est pas très fin, mais l’intention y est) et consulte sa carte : rendez-vous est donné Place Trioumfalnaïa. Jean-Pierre se demande quel est le triangle Répu-Bastille-Nation, version moscovite. Peut-être descendrontils jusqu’à la Place Rouge par l’avenue Tverskaïa ? On ne la fait pas à Jean-Pierre, habitué des manifs parisiennes : il faut arriver à l’avance, pour ne pas être noyé par la foule. À 17 heures, une heure avant l’heure, le voici sur la place. Première surprise : il y a bien 80 cars de CRS, mais pas un seul manifestant en vue. Mieux vaut attendre les camarades avant de déployer l’affiche. 17h45 : toujours pas de manifestants sur place, c’est de plus en plus bizarre. Douze policiers remontent néanmoins d’un passage souterrain, pour embarquer violemment dans un panier à salade deux militants

pour les droits de l’homme. 17h54 : La manifestation va commencer ! Enfin, pour la petite trentaine de ce qui semble être des manifestants, et dont la moyenne d’âge frise les 75 ans bien tassés. Jean-Pierre se glisse timidement parmi eux, en se frayant un chemin entre les dizaines de journalistes étrangers qui assistent à l’étonnant spectacle. 17h59 : c’est de plus en plus incompréhensible. Les policiers hurlent dans leurs haut-parleurs et demandent d’évacuer la place. Les vingt manifestants (dix ont été arrêtés) sortent des affichettes, Jean-Pierre fait de même. Les 500 policiers sont étonnamment nerveux et regardent d’un œil torve les vieillards qui scandent des appels à la démocratie. 18h04 : la manifestation est terminée. Les caméramen étrangers rangent leur matériel, les passants circulent à nouveau sur la place, regardant avec indifférence le petit cirque qui s’estompe sous leurs yeux. 21h12 : Jean-Pierre sort enfin du commissariat. L’exercice démocratique était intéressant, les manifestations russes sont décidément étranges, mais c’est toujours agréable de pouvoir comparer deux cultures, c’est tout l’intérêt de l’expatriation, nom de nom ! Ne reste plus qu’à trouver une escalope bien froide pour mettre sur son œil gauche, qui est vachement gonflé. Et espérer que la côté fêlée, qui rend la respiration difficile, va mieux se porter demain. François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.

CES SACRÉS FRANÇAIS

Pas si fous du volant Natalia Gevorkyan

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SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

ue t’arrive-t-il ? Tu conduis comme une folle ! On a tout notre temps ! Mon amie parisienne me regarde avec inquiétude. Dans ma tête, j’étais encore à Moscou. Pas eu le temps de m’acclimater. D’habitude, cela prend une semaine. Le temps de me détendre, d’évacuer le stress, de transformer une conduite moscovite trop nerveuse en une maîtrise du volant légère, aérienne. Paris en voiture, c’est aussi ne pas dépasser les 30-50 km/h, parce qu’il n’est généralement pas possible de rouler plus vite, et surtout, parce que c’est sévèrement puni. Là-bas, je suis toujours pressée, je change de file en permanence, je démarre au quart de tour lorsque le feu passe au vert, faute de quoi, je suis sûre de subir un lynchage sonore. De ma conduite dans ces deux villes, un seul comportement commun : je m’arrête pour laisser passer les piétons. Un geste pas souvent approuvé par les conducteurs moscovites. À Paris, je suis la patience incarnée en voiture. À chaque coin de rue, un camion peut s’arrêter pour décharger des tableaux dans une galerie d’art. Au moins 10 minutes d’attente. À Moscou, c’eût été l’hystérie collective. En tous cas, impossible de se faufiler entre les rues étroites de la capitale, à moins d’être en deux roues. Ah, les motards (et les cyclistes) ! À Moscou, ils sont encore rares. La seule fois où j’ai vu un automobiliste parisien perdre son sang froid, c’était justement à cause d’un motard. À un tournant sur le quai de la rive gauche, un motard avait déboulé, me coupant la route. Prenant le virage à trop grande vitesse, son

engin l’avait entraîné dans une chute, juste sous mes roues. Dieu merci, le motard s’en est sorti sans une égratignure, mais il a essuyé la colère des automobilistes témoins de l’accident. Jamais on ne m’avait défendue avec autant d’ardeur ! Une anecdote révélatrice de la tension qui règne entre quatre et deux roues. À Moscou, il s’agit surtout d’être attentif aux chauffards qui reçoivent leur permis dans une pochette-surprise, et qui se pavanent dans des voitures de marque sans savoir conduire du tout. À Paris en revanche, le danger vient plutôt des personnes âgées qui conduisent comme si elles étaient seules sur la route. En Russie, il est désormais interdit de boire au volant. Pas une goutte. Mais même sans cela, les Russes se comportent en voiture comme s’ils avaient bu un litre de vodka. Le parking, à Moscou, c’est où tu veux, quand tu veux, et c’est le plus souvent gratuit. À Moscou, si vous êtes sur la voie la plus à gauche et que vous devez tourner à droite à la prochaine, vous risquez l’accrochage. À Paris, on assiste à un comportement placide des automobilistes. On freine, parfois on klaxonne, et le plus souvent, on laisse passer. Une chose unit les deux villes : la peur du gendarme. La différence, c’est qu’à Moscou le problème se règle souvent sur place, en liquide et cela revient moins cher. À Paris, c’est plus long, plus coûteux, et pour les pots-de-vin, tintin ! Pourtant, à la vue d’un policier russe, étrangement, je me fige, mon pouls bat plus vite. En France, aucune accélération cardiaque, même lorsque je suis en faute. Un Moscovite peut prendre l’habitude de conduire à Paris. Pour un parisien, l’expérience moscovite est formellement déconseillée ! Natalia Gevorkyan est correspondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.


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Culture

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

Tendances Une presse « haut-de-gamme » émerge avec pour cœur de cible les intellectuels aisés

Revue de bonne compagnie Tel un XXI et son blog, mais version glamour intello chic, le site snob.ru et sa revue Snob voudraient rassembler et façonner les nouveaux Russes du XXIème siècle.

vitch, Frédéric Mittérand) ; les écrivains en vogue - Andreï Guelassimov ou Zakhar Prilepine composent des nouvelles inédites ; des chroniqueurs donnent des nouvelles de Paris, New York ou Londres. Chaque mois, quatre nouvelles personnalités, « représentants les plus brillants de notre auditoire cible », invitées à adhérer au club (l’ancien président de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev ou le réalisateur Pavel Lounguine), se prêtent à une séance photo et à un questionnaire. Sans équivalent dans la presse française, Snob lorgne vers un Vanity Fair qui aurait rencontré le New Yorker. Aucune position idéologique affichée, mais la sensibilité démocrate libérale de Snob se démarque notablement de celle des principaux médias russes. Le site et la revue se caractérisent pour l’instant par une grande liberté de ton, ne s’aventurant pas pour autant sur des terrains trop glissants. On n’y lira pas d’analyse sur les fondements du pouvoir poutinien ni d’enquête sur les origines des fortunes des oligarques (le projet est financé par le milliardaire Mikhaïl Prokhorov). Snob n’en est pas moins très présent sur les manifestations de l’opposition, couvertes en temps réel. Le numéro d’avril 2010 rendait hommage à la grande dame de la dissidence russe, Lioudmila Alekseeva, tandis que le mouvement des « seaux bleus », qui dénonce les privilèges des hautsfonctionnaires, a pris de l’ampleur en partie grâce à l’activisme de la rédaction. Gessen glisse : « Nous n’irons pas organiser une manifestation, mais nous n’excluons pas le fait qu’à l’issue d’un débat qui se tiendra sur notre site, une action civile puisse se mettre en place ».

Veronika dorman

Dans le paysage médiatique russe, « Snob » est un ovni. Ce projet onéreux, au nom si connoté, cible un auditoire aux contours incertains. Pour son rédacteur en chef, Vladimir Yakovlev, ce sont les « global Russians » ; ou les « Russes qui se perçoivent comme des citoyens du monde », explique Macha Gessen, rédactrice en chef adjointe ; soit « une communauté de professionnels accomplis qui vivent partout dans le monde, mais qui pensent en russe, unis par des intérêts communs, une ouverture aux idées nouvelles et le désir d’en débattre », clame le site. Ce sont surtout des gens qui sont prêts à payer 12 euros pour un numéro et 330 euros par an pour être invités aux événements exclusifs du club. Par sélection naturelle, ce snob-là a des ambitions intellectuelles et les moyens financiers de les assouvir. Les concepteurs du projet assument cette méthode de tri, arguant qu’il faut être prêt à débourser pour un produit de qualité. Le jeu en vaut la chandelle, puisque, selon eux, lire Snob rend intelligent ! Macha Gessen est catégorique : « Nous parlons au lecteur comme s’il était plus cultivé qu’il ne l’est en réalité. C’est le seul moyen de relever le niveau ». C’est-à-dire que le lecteur de Snob doit faire preuve de snobisme, pour son propre bien. « Certes, le titre n’est pas très heureux », se défend Gessen, « mais nous espé-

arseniy neskhodimov

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

Le financier Alexeï Karakhan, l’actrice Alissa Khazanova et le businessman David Baumann se retrouvent au cours d’une soirée privée réservée aux membres de « Snob ».

« Notre produit, c’est moins l’article, que la discussion qu’il va engendrer. L’étalon du succès, c’est le débat » rons que les gens saisissent aussi l’ironie : le snob est fier de ses accomplissements et méprise ceux qui n’y sont pas parvenus, tout en ayant conscience que sa condescendance est un peu ridicule ». « Snob » apparaît surtout comme une tentative de combler un vide dans la sphère sociale et médiatique russe : créer un espace de débat de haut niveau sur les différents aspects de la vie, l’art, la culture, un peu de science, de la

politique, ce « babillage cultivé » qui est le propre, en Occident, des classes éduquées urbaines et sophistiquées. « En Russie, nous n’avons pas cette culture, nous manquons même de vocabulaire », explique Gessen qui a longtemps vécu aux États-Unis. Le projet multimédia « Snob », lancé en 2008, a été conçu comme un produit à multiples facettes et résolument moderne. Pour épicentre, un site internet, www.snob. ru. C’est une plateforme d’information et de débat structurée comme un blog tentaculaire animé par des « modérateurs », qui remplacent les rédacteurs, désuets, et suivi par des « participants », au lieu de lecteurs passifs. Puis il y a la revue Snob, qui a des airs de

beau livre : plus de 200 pages au style léché, des signatures prestigieuses, agrémentées de pubs élégantes. Enfin, un réseau social, un club sélect et fermé : soirées privées, avant-premières et « snobtalks » (conférences de célébrités) réservées aux membres. Snob sera aussi bientôt un lieu dans un quartier branché de Moscou. Si la revue n’est pas considérée comme l’essentiel du projet, elle en cristallise la substance. Sur un papier luxueux, des plumes aiguisées publient des articles-essais de haute voltige sur des thèmes qui inquiètent (« En quoi Hitler est-il pire que Staline ? », « La mémoire est-elle éternelle ? »), des interviews exclusives de personnalités étrangères (John Malko-

Exposition Des chefs-d’œuvres de la galerie Tretiakov présentés à Paris

L’art russe au temps de Gogol et Pouchkine se révèle plus passionné que jamais dans le cadre d’une expositon au Musée de la Vie romantique à Paris. MACHA FOGEL

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

C’est dans la puissance du romantisme qu’un art russe proprement national a vu le jour. On le découvre au Musée de la Vie romantique de Paris, qui accueille à partir du 28 septembre quatre vingts toiles prêtées par la galerie Tretiakov de Moscou, l’un des plus importants musées d’art du monde. Le musée parisien donne à découvrir l’existence russe aux temps du romantisme, précieuse dans les intérieurs des maisons nobles, sauvage sur les chevaux de combats cosaques. Loudmila Markina, directrice du département des Peintures des XVIIIème et XIXème siècles de la Galerie Tretiakov, explique le caractère particulier de ces œuvres : « Au lendemain de l’assassinat de l’empereur Paul Ier en Russie, le jeune tsar Alexandre laissait espérer de grandes réformes. La foi dans un monarque juste fit naître chez les Russes un sentiment de fierté et d’allégresse. Le terme de “romantisme”,apparu dans la presse russe des années 1810, était étroitement associé au concept de “patriotisme” ». Après des années marquées par

La galerie d’État Tretiakov à Moscou a été fondée en 1856 par Pavel Tretiakov, industriel et grand amateur d’art. Le musée possède l’une des plus importantes collections au monde : plus de 130 000 œuvres d’artistes russes.

ria novosti

galerie Tretiakov

La traversée du Dniepr par Nikolaï Gogol, (Ivanov, 1845).

l’attirance de Pierre le Grand pour l’Occident, le début du XIXème siècle annonce le désir russe de se donner les outils artistiques d’une identité nationale.Voyageant à travers l’Europe, les artistes de l’Empire peignent

ses paysages à leur manière, avec une grande force émotionnelle, comme l’explique le critique d’art Emmanuel Ducamp : « Peut-être est-ce là, l’apport profondément original des artistes russes au paysage esthétique européen de

Tous les détails sur notre site

www.larussiedaujourdhui.fr 21ème Festival International de Géographie pays invité : la Russie 7-10 Octobre, Saint-Dié-des-Vosges

Le festival sera consacré à l’étude de la forêt, cet « or vert des hommes » : gestion, protection et exploitation durable. Au programme : un Salon de la Géomatique, des expositions scientifiques, des Salons du livre et de la Gastronomie, des remises du prix et des évocations de géographes connus. ›› www.saint-die.eu

Au Service des Tsars : La Garde impériale russe, de Pierre le Grand à la Révolution d’Octobre 9 Octobre 2010- 23 janvier 2011, Musée de l’Armée – Hôtel des Invalides, 129 rue de Grenelle, Paris

Le musée de l’Armée et l’Ermitage de Saint-Pétersbourg s’associent pour cette exposition consacrée à l’histoire de la Garde impériale russe. 150 objets exceptionnels : des peintures, des uniformes, des armes et des objets d’arts. Les pièces du musée des Cosaques de Courbevoie évoquent les armées de la Garde après 1917 et l’exil de grandes familles russes à Paris. ›› www.invalides.org

Contemporain Rendez-vous de galéristes

Collectionneurs du présent « Art Moskva », la foire d’art contemporain de Moscou, ouvre ses portes le 22 septembre. Pendant cinq jours, les galeries du monde entier chassent artistes et collectionneurs. Paul duvernet

La russie d’aujourd’hui

La scène française sera représentée par Iragui, qui a ouvert deux galeries, l’une à Paris et l’autre à Moscou. Ekaterina Iragui montrera (entre autres) aux visiteurs de la foire l’œuvre de la sculptrice française Nadine Blandiche. La galériste se réjouit que, pour cette édition, les organisateurs aient fait appel à une directrice artistique [Christina Steinbrecher] « qui mettra un peu d’ordre, parce qu’on a vu un peu tout et n’importe quoi ces dernières années ». Il est exact que l’événement, unique en son

genre à Moscou, attirait parfois des galeries aux choix esthétiques discutables. « Art Moskva a souffert de la commercialisation de l’art », estime Ekaterina Iragui. Il faut toutefois rendre à César ce qui lui appartient. C’est par Art Moskva que tout a commencé. Avant d’exploser brutalement sous l’afflux de pétrodollars il y a cinq ans, la scène de l’art contemporain russe était animée par un petit cercle de galéristes passionnés (Guelman, Regina, Aïdan) qui formaient le noyau dur de cette foire. Depuis 14 ans, c’est le rendez-vous des professionnels de l’art des 20ème et 21ème siècles et du grand public. Des créateurs de toutes tendances s’y côtoient alors que l’évolution artistique a occasionné des schismes esthétiques et la formation de clans.

www.art-moscow.ru

Âme et poésie slaves en peinture

la première moitié du XIXème siècle. Ils exaltent en particulier la nature humaine, sa vérité et son authenticité avec une intensité toute slave ; ils affirment leur révérence à une nature qui les nourrit spirituellement ». Parmi les portraits de Karl Brioullov et les paysages de Maxime Vorobiev, l’exposition présente, entre autres œuvres, La traversée du Dniepr par Nikolaï Gogol, tableau d’Anton Ivanov peint en 1845. La forêt sur les rives du Dniepr est immense, le soleil disparaît derrière les confins du monde. La flamme tranquille qui anime la discussion des trois personnages sur la barque, en chemise russe et chapeau occidental, est perceptible. Leur reflet est comme l’âme inquiète de leurs paroles. Nikolaï Gogol n’a sans doute jamais effectué cette promenade, et le peintre Ivanov, né serf et fils et de serf, connaissait mieux la Volga, pour y avoir navigué, que le Dniepr. Mais cela n’a pas d’importance. Son tableau allie les sortilèges du romantisme aux règles du classicisme, que les romantiques russes se devaient d’apporter à un art naissant pour la première fois hors du giron de la Cour et de l’Église. La période romantique est aussi l’heure d’une proximité franco-russe particulière. Alexandre Pouchkine, qui puisait sans complexe dans son propre folklore national - quand tant de ses compatriotes le dénigraient - possédait également une maîtrise éblouissante de la langue française. Son portrait, gravé par Nikolaï Outkine, est la représentation la plus célèbre du prince de la littérature russe.

À l’affiche de l’Année Croisée 2010

Sergueï Tchilikov : « Avant la pluie ».


Culture

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Théâtre Cet automne, le dramaturge novateur présente son Hamlet

Nikolaï Kolyada ramène ses « Joconde » à Paris WWW.KOLYADA-THEATRE.UR.RU

RIA NOVOSTI

Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

LES GRANDES ÉTAPES 1982 - écrit sa première pièce, « Une maison en centre-ville ». 1994 - organise le festival du théâtre « Kolyada Plays », à Ekaterinbourg, avec la participation de 18 théâtres russes et étrangers. 2001 - fonde son propre théâtre, le Théâtre Kolyada.

« Le plus important sur scène, ce sont les émotions, les larmes, le rire... »

Le dramaturge et metteur en scène Nikolaï Kolyada parle du théâtre en Russie et de son spectacle qui sera présenté au Festival d’automne de Paris, du 7 au 16 octobre prochains. DARIA KÉZINA

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Comment avez-vous commencé à travailler en France ? Il y a quelques années, un critique français bien connu, JeanPierre Thibaudat, est venu à Ekaterinbourg découvrir de « nouveaux talents ». Il a visité

le Kolyada-Théâtre en compagnie de six directeurs de théâtres français. Ils ont particulièrement apprécié Le Roi Lear, Hamlet et Revizor. Ils ont ensuite invité ma troupe au festival international du théâtre Passages 09 à Nancy. Après cet événement, ils nous ont proposé de jouer dans leurs théâtres respectifs. Les théâtres russes qui ne sont pas financés par l’État ont du mal à survivre en province. Pour financer votre festival, vous avez hypothéqué votre propre appartement.

Littérature Déjouer les pièges linguistiques

Traducteurs de tous les pays, unissez-vous ! Pendant deux jours, la Bibliothèque nationale de Moscou s’est transformée en Tour de Babel, accueillant le 1er congrès international de traducteurs du ou vers le russe. VERONIKA DORMAN

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

« Les traducteurs sont les chevaux de poste de l’instruction ». C’est sous cette citation de Pou-

chkine que les plus grands traducteurs de la littérature russe et mondiale ont défilé pendant deux jours pour répondre à des questions aussi éternelles qu’urgentes : peut-on et doit-on tout traduire en littérature ? Y a-t-il de la poésie intraduisible ? Comment prendre acte de l’évolution d’une langue en échappant aux anachronismes ? Comment traduire des termes dont le concept n’existe pas dans

Croyez-vous qu’en France, le travail aurait été plus facile ? L’organisation du théâtre en France diffère radicalement. En France, il n’existe pas de troupes permanentes sauf, peutêtre, celle de la Comédie française.Voilà pourquoi les artistes cherchent eux-mêmes des projets théâtraux et passent les castings. En Russie, tout est absolument à l’inverse. Chez nous, dans chaque ville ou presque, il existe au minimum un théâtre, et même le plus souvent plusieurs, qui ont des troupes permanen-

tes d’au moins une cinquantaine de personnes. Mes collègues français pensent que ce système conservateur est hallucinant et trop lourd. J’ai l’impression que presque tous les théâtres français ne sont que des salles où des metteurs en scène différents montrent un certain nombre de spectacles et repartent ensuite. J’ai entendu dire que ces théâtres ont du mal à remplir leurs salles et ne donnent que cinq ou six spectacles par mois. Je ne juge pas ce système, il est tout simplement différent.

d’autres langues ? Comment enseigner l’art subtil de la traduction? Heureux de se retrouver tous ensemble pour parler du plus difficile et du plus beau des métiers, les traducteurs ont partagé avec humour et tendresse leurs aventures linguistiques. Dawei Tian, qui a traduit Les âmes mortes de Gogol et L’Archipel du Goulag de Soljenitsyne en chinois, recommande de chercher les solutions aux problèmes aporétiques dans la vie et non dans les dictionnaires. Son collègue Mitsuyoshi Numano confirme, en avouant qu’il s’est cassé la tête pendant vingt ans pour traduire en japonais « Douchetchka », de la pièce éponyme de Tchékhov, et qui signifie en russe « la petite chérie, la douce, la mignonne ». Mais il ne trouvait aucun équivalent dans la langue japonaise jusqu’à ce que le jargon des adolescentes

des années 2000 lui fournisse une solution satisfaisante. À l’issue du congrès, tous les participants ont adopté une résolution proposant la création d’un Institut de la traduction, au service des traducteurs de la

LE BON MOT DE... Ekaterina Genieva

DIRECTRICE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE

"

Une réunion de cent cinquante personnes venues de vingt-cinq pays différents prouve bien que la littérature est traduisible. Même si nous vivons dans un village global, que la communication est instantanée, nos traducteurs sont ravis à l’idée de pouvoir se retrouver tous dans la même pièce ».

Pourtant,vousvousêtesbienadapté à ce système, à en juger aux salles remplies... Les producteurs français nous ont avoué qu’ils ne s’attendaient pas à un tel succès financier. Ils se préparaient psychologiquement à une perte totale. Mais tout a été différent pour deux raisons. Premièrement, en France, à la différence de la Russie, la critique théâtrale a énormément de prestige. Le goût d’un critique du Monde, tout le monde lui fait confiance. C’est en tout cas l’impression que j’ai. Si un critique de ce journal écrit que tel spectacle est nul, il argumente son point de vue et décortique la mise en scène dans le moindre détail... Donc, Le Monde a publié une critique très positive sous le titre Un théâtre sauvage venu de Sibérie (alors que nous ne venons pas du tout de Sibérie, mais de l’Oural). Les spectateurs ont fait confiance au journal et sont venus au spectacle ! Deuxièmement, et c’est le plus important : la place prépondérante dans nos spectacles qu’occupe l’acteur. Le spectateur européen, d’après ce qu’il me semble, est fatigué par la machinerie et les excès de nouveautés techniques sur scène. Or, le plus important sur scène, ce sont les émotions, les larmes, le rire, les tourments et les passions. Je pense que c’est ce que les Français ont aimé dans nos spectacles. C’est tout particulièrement le cas dans Hamlet, où l’on met sur scène une cinquantaine de portraits en négatif de la Joconde, une sorte de symbole national pour les Français, comme Lénine ou la Place Rouge pour nous. Au Louvre, ce chef-d’œuvre se trouve derrière une vitre blindée, on ne peut l’admirer qu’à distance. Dans la pièce Hamlet, les barbares dansent au son de l’accordéon d’une manière si violente que les murs de leur fragile palais en tremblent, ils crachent à la face de la Joconde, lui crèvent les yeux, lui cousent le sourire de fils rouges... Le public français y a vu un sens particulier.

littérature étrangère en Russie et de la littérature russe vers les autres langues, en collaboration avec toutes les parties intéressées : auteurs, traducteurs, éditeurs, instituions publiques et fondations privées. C’est un projet qui tient à cœur à Ekaterina Genieva, la directrice de la Bibliothèque de littérature étrangère qui organise le congrès. « Parmi les spécialistes du russe de par le monde, certains ne sont jamais venus en Russie. Cet Institut serait leur asile ici », commente-t-elle. Sophie Benech, qui traduit l’une des grandes dames de la littérature russe contemporaine, Loudmila Oulitskaïa (également présente, venue à la rencontre de ses nombreux interprètes), se réjouit : « C’est ce qui nous manque, à nous les traducteurs du russe : une résidence. Nous avons besoin de dialoguer pour avancer ».

Musique Compositeurs français et russes s’écoutent et s’inspirent mutuellement depuis plus de deux siècles

Une symphonie d’influences croisées En cette « Année croisée », le calendrier musical de la rentrée parisienne réserve une large place aux œuvres et compositeurs russes : retour sur le mariage de deux traditions créatrices. Entre la France et la Russie, la musique a souvent joué un rôle de catalyse. Témoin la place privilégiée des compositeurs français (Boeldieu et Liszt notamment) à la fin du XVIIIème siècle à Saint-Pétersbourg. Au début du XIXème, la musique russe trou-

ve sa propre voix. Glinka, premier compositeur russe à se rendre en Occident, présente en 1845 à Paris son opéra Une vie pour le tzar où, bien que fidèle aux formes classiques de la musique occidentale, il puise aux sources populaires du monde slave. Sa rencontre avec Berlioz allait déboucher sur une multiplication des échanges entre les deux pays. C’est à Paris que SaintSaëns découvre Anton Rubinstein, qu’Alexandre Siloti lance les « Premières russes » qui ins-

pireront les Fauré, Dukas, Ravel et autres Debussy, que Diaghilev commande à Stravinsky l’Oiseau de feu pour les Ballets russes et bien d’autres. L’influence croisée des deux cultures révolutionnera l’expression artistique du XXème siècle. Une très riche histoire contée dans tous ses détails par Agathe Amzallag sur notre site Internet. À lire intégralement sur larussiedaujourdhui.fr

À l’affiche Du 12 octobre au 23 janvier, Cité de la Musique : exposition « Symphonies d’octobre, musique et pouvoir en Russie soviétique, 1917-1953 ». Le 14 octobre au Théâtre du Châtelet : « Un rêve russe », œuvres de Tchaïkovski et Rachmaninov. Les 22, 23 et 24 octobre au Théâtre des Champs-Élysées : cycle Rachmaninov.

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CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Droit de réponse à un génie

ÉDITIONS DES SYRTES TRADUIT PAR CHRISTINE ZEYTOUNIAN - BELOÜS

Lorsqu’il écrit La Sonate à Kreutzer, Tolstoï est en pleine crise spirituelle. Tourmenté par les remords d’une jeunesse de débauche, il se tourne vers une foi avide d’absolu et, assimilant la femme à la tentation et au vice, le mariage à la « prostitution légalisée », dresse dans son ouvrage un réquisitoire cruel qui prône l’abstinence et interdit la procréation (le couple a eu treize enfants !). Sophie est blessée, humiliée. Pire, elle comprend qu’elle est définitivement écartée de tout compagnonnage sur la voie spirituelle de son époux. Deux ans plus tard, elle achève À qui la faute ?, sous-titré « réponse à Léon Tolstoï ». Sophie Tolstoï expose sa version de la genèse d’un malheur familial qui repose sur un malentendu : elle rêve « d’un amour reposant sur un idéal commun, une affinité particulière », lui de la « commodité d’une épouse jeune, belle et bien portante »... Elle se donne corps et âme, il se détourne, sitôt ses fins atteintes. Elle est belle, intègre, dévouée, exigeante. Il sera donc suspicieux et jaloux. Elle est engluée dans le matériel, gère le domaine, copie et corrige les manuscrits de son époux, porte et élève les enfants, les veille lorsqu’ils sont malades ; lui, dévoré par sa quête spirituelle, est indifférent devant l’enfant malade et ne montre que dégoût devant le nouveau-né. À qui la faute ? Sous entendu, « à lui ! » ...Vibrant contrepoint au réquisitoire implacable de Tolstoï, À qui la faute ? est l’exposé des aspirations d’une femme blessée. Une femme intelligente, talentueuse, qui revendique un autre statut que celui d’objet de désir ou d’intendante et le droit d’aspirer elle aussi à l’élévation spirituelle. À qui la faute ? ne verra le jour en russe qu’en 1994. Ultime sacrifice, Sophie avait accepté de ne pas le publier à la demande des proches. Cette année qui est celle du centième anniversaire de la mort de son illustre époux, l’édition française, par une étrange ironie, propulse Sophie sur le devant de la scène. La parution de À qui la faute ? simultanément chez Albin Michel et aux éditions des Syrtes propose une autre lecture de La Sonate à Kreutzer. La publication de Ma vie, l’imposante et passionnante autobiographie de Sophie, est, elle, prévue le 7 octobre. Christine Mestre

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Culture

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RU COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

RECETTE

Gastronomie Le très novateur Anatoly Komm réédite les classiques russes

Délices de l’ancien et du moderne MARIA TCHOBANOV

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Durant la Semaine de la Gastronomie russe, le chef cuisinier Anatoly Komm a fait la démonstration de sa virtuosité au restaurant « Les Ambassadeurs », à l’hôtel de Crillon. Pionnier de la cuisine moléculaire en Russie, Komm est réputé pour ses choix contrastés associant invention et tradition. Il explique que « les produis alimentaires constituent mon outil de travail, comme les couleurs pour un peintre, les notes pour un compositeur. C’est à travers les ingrédients que je fais passer ma philosophie et que je partage ma vision du monde. La haute gastronomie ne répond pas à un besoin animal vital, elle affecte l’esprit, le cœur et l’âme ». Pour confectionner ses plats, ce chef fait venir des produits depuis les quatre coins de la Russie. Pour lui, l’art culinaire à base

de produits du terroir est une « arme stratégique » qui permettra, à terme, de renforcer la présence de la Russie dans le monde. « L’évolution de la haute cuisine russe dépendra de notre capacité à faire renaître la production agricole artisanale de notre pays », affirme Komm. En attendant, les Saisons de la Gastronomie russe ont fait leur entrée dans les cuisines françaises. Elles ont su dévoiler au public le potentiel gastronomique de la Russie. « La Semaine de la haute cuisine russe a été conçue comme une plateforme pour faire découvrir des chefs cuisiniers de Russie absolument méconnus en Occident. Nous voulions montrer que l’art culinaire se développe en Russie de façon tout aussi dynamique que dans les domaines de l’économie ou de la culture », a précisé Natalia Marzoeva, Directrice du projet. En novembre, ce sera au tour de Lyon de goûter aux délices des spécialités russes revisitées. En retour, le talentueux Christopher Hache, chef du Crillon, fera une tournée à Moscou en octobre, dans le cadre du Festival gastro-

Jennifer Eremeeva

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

MARIA TCHOBANOV

Les « Saisons russes » ont ouvert leurs portes début septembre à Paris. Cette fois, il ne s’agit pas de ballets, mais de l’art d’accommoder des ingrédients alléchants.

Petit pain porte-bonheur

Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

Anatoly Komm (à g.) et Chrisopher Hache en cuisine au Crillon.

nomique de Moscou. Très attendu en Russie, le jeune chef français reconnaît ne s’être jamais rendu dans ce pays et ignorer tout de sa cuisine : « je suis sûr que je trouverai de nouveaux éléments de création, et ce sera un plaisir d’apprendre de mes collègues russes. Je sais que les Russes apprécient beaucoup l’originalité et l’extravagance en cuisine, ils aiment les assemblages complexes avec des ingrédients variés. Je pense que c’est justement ce qui explique le succès de Komm », explique-t-il. En 2011, les Saisons de la Gastronomie russe comptent devenir accessibles à tous en s’affichant au menu des brasseries et bistrots franciliens, pour s’éten-

dre par la suite aux autres régions de France,. Pour la plupart des Français, la cuisine russe est souvent associée au borchtch, aux pirojki, ou à de grands classiques comme les blinis, le caviar et la vodka. Rares sont les restaurants russes offrant à leurs visiteurs une cuisine authentique révélant les saveurs des plats traditionnels. En Russie, la restauration de luxe est un des premiers secteurs à avoir explosé avec l’avènement de l’économie de marché. Depuis, elle continue d’attirer des investissements. Une tendance nouvelle se dessine, privilégiant les produits régionaux et qui marque le renouveau de l’art culinaire en Russie.

Jamais un ingrédient plus versatile et plus délicieux que le gingembre n’a encore échoué sur ma planche à découper. J’aime tout ce qui contient du gingembre : le ginger ale (soda aromatisé), la soupe de carottes et gingembre, les nouilles asiatiques épicées au gingembre et à l’ail. Et bien sûr, les prianiki : ces figurines en pain d’épices russes, synonymes de virées hors de Moscou, dans des villes plus petites et plus calmes, ceintes de murailles médiévales et coiffées de bulbes dorés qui surplombant le paysage urbain. Durant les années maigres du début de la perestroïka, il m’était impossible de mettre la main sur du gingembre frais. J’ai même poussé un petit cri triomphal en 1999 en tombant sur un nœud de racines de gingembre, à la mine mauvaise et asséchée, bâillonné avec un film alimentaire dans une barquette en plastique. Je voyais bien qu’il désirait ardemment être délivré et râpé, pour libérer enfin son odeur acidulée de propreté épicée et, ajouté à du poulet, des lentilles ou des nouilles, les faire chanter ! Le gingembre était réputé, dans les temps anciens, pour ses vertus médicinales et culinaires. Il fut introduit en Europe au XIIe siècle par les Croisés rentrant d’Orient. À cause de l’absence de routes commerciales fiables entre l’Occident et l’Orient, le gingembre était un produit de

luxe et seules les communautés monastiques aisées ou les grandes maisons nobles pouvaient se permettre d’en utiliser quotidiennement. Le gingembre était allié au miel, le principal agent sucrant de l’époque, pour fabriquer des gâteaux épais et de texture souple, souvent en forme de petits personnages et décoré en sucre glace pour dessiner les attributs des saints ou des héros, pour les fêtes. Aux propriétés curatives et protectrices du gingembre, les Européens ajoutèrent bientôt celle d’un porte-bonheur puissant contre les mauvais esprits. D’où les contes de fées : Hansel et Gretel mangent la maison en pain d’épices de la sorcière, et leurs homologues russes, dans un conte similaire, se munissent de gâteaux pour aller affronter leur méchante grand-mère, Baba Iaga. Les prianiki russes sont encore fabriqués dans les centres traditionnels, à Viazma, Arkhangelsk et surtout Toula. Chaque ville a sa propre recette secrète, une forme et un style décoratif particuliers pour ces gâteaux parfumés et souples qui se marient si bien avec une tasse de thé russe par un froid après-midi d’automne. Et on ne sait jamais quel mauvais esprit peut fureter dans le coin ! Les prianiki traditionnels sont fabriqués avec des moules et des tampons spéciaux, mais leur absence ne doit pas vous arrêter : des emporte-pièces à gâteaux feront parfaitement l’affaire, de même qu’un verre renversé.

Ingrédients :

dients secs, pour obtenir un pâte épaisse. Couvrez de plastique et réfrigérez une heure. Préparez le glaçage : mélangez le sucre glace, le jus et le zeste de citron jusqu’à l’obtention d’une masse homogène. Laissez de coté. Préchauffez votre four à 190°. Placez la grille à mi-hauteur. Beurrez ou huilez deux plaques à pâtisserie. Étalez la pâte, 1 cm d’épaisseur, sur une surface saupoudrée de farine. Découpez des gâteaux de 5 cm de diamètre environ. Placez les gâteaux sur les plaques à 5 cm d’intervalle. Laissez cuire pendant 9 minutes ; intervertissez les plaques et laissez cuire encore 9 minutes (18 minutes au total, ou jusqu’à ce que les gâteaux soient dorés). Laissez-le refroidir deux minutes hors du four puis transférez-les sur une grille de refroidissement pour 20 minutes au moins. Enduisez les gâteaux de glaçage.

Photographie Lever de rideau sur l’exposition « Moscou-Paris : l’œil qui rapproche »

La photographe Lioudmila Zintchenko capture l’atmosphère contrastée des capitales russe et française avec une technique inédite. FEDOR KLIMKIN

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

En utilisant un procédé proche des inventeurs de la photographie, Lioudmila Zintchenko arrive à un résultat surprenant,

mettant en parallèle les plus beaux lieux des capitales russe et française. Ces images ont été obtenues à l’aide de la caméra obscure, ancêtre de l’appareil photo, qui dispose d’un petit trou à la place de l’objectif. Sur le support, les couleurs ont quelque chose de pâle et étouffé, avec un léger effet de brume floue. Elles exhalent une dimension mystérieuse et métaphysique,

tout en reflétant fidèlement l’atmosphère claire et paisible des deux métropoles. « Il ne s’agit pas d’une comparaison directe entre les deux capitales. C’est mon regard qui capte soudain une ambiance réunissant des paysages à première vue incompatibles », explique Lioudmila. « Dans un couple émotionnel inattendu peuvent se réunir, par exemple, le Jardin des Tuile-

LEGION MEDIA

Mystérieux retour vers la chambre obscure

ries à Paris et Lobnoïe Mesto à Moscou, ou encore le Musée d’Orsay et la Place Rouge ». Tout le superflu, l’instantané, tout ce qui se meut rapidement, s’évapore en un seul temps de pose long, sur un vieil appareil photo en bois. Des paysages urbains, se cristallise alors l’essentiel. En fait, l’artiste ne peut ni prévoir, ni contrôler le résultat de ses travaux. Le bon cadre est recherché de façon intuitive, en choisissant avec soin le juste équilibre entre ombre et lumière. L’exposition se déroule du 13 au 23 septembre, au Centre de Russie pour la science et la culture à Paris, et est présentée en coopération avec le supplément La Russie d’Aujourd’hui.

3 tasses de farine • 1 c. à café de levure chimique • 1 c. à café de gingembre séché • ½ c. à café de cannelle moulue • ½ c. à café de cardamone moulue • ½ c. à café de noix de muscade moulue • 1 grosse pincée de sel • 2 gros œufs • 1 racine de gingembre frais finement râpée • 1 tasse de sucre semoule • 1 tasse de miel • 1 ½ d’extrait de vanille ½ tasse de sucre glace • 2 c. à soupe de jus de citron • 3 c. à soupe de zeste de citron

Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

LIOUDMILA ZINTCHENKO(2)

Préparation :

Le Jardin des Tuileries à Paris et Lobnoïe Mesto à Moscou, tous deux captés par le « trou » d’une caméra obscure.

Mélangez farine, levure, gingembre, cannelle, cardamone, noix de muscade et sel. Battez les œufs et le sucre dans un grand saladier à l’aide d’un batteur électrique, à grande vitesse, jusqu’à l’obtention d’une masse épaisse et pâle. Réchauffez doucement le miel et le gingembre frais au bain-marie. Incorporez le miel et la vanille à la mixture d’œufs, puis les ingré-

Autres recettes sur larussiedaujourdhui.fr

NSERVER ! CE COUPON EST À CO lture e pour la Science et la Cu

Centre de Russi Présentez ce coupon au Paris) (61, rue Boissière 75016 10 à 19h30 20 bre tem sep 16 pour assister le au vernissage de

L’EXPO PHOTO ko de Lioudmila Zintchen

IL QUI RAPPROCHE » « MOSCOU – PARIS : L’Œ . e pour deux personnes Le coupon est valabl

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Julia Golikova golikova@rg.ru Tél.: +7 (495) 775 3114


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