Un train Nice-Moscou
Distribué avec
Pourquoi trois heures de vol quand on peut, à l’instar des nobles du XIXème, faire le voyage en deux jours ? P.12
Amoureux des grands ensembles Le Maestro Spivakov prêche la tolérance à la tête d’un orchestre de jeunes
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
P.11 ITAR-TASS
Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 20 octobre 2010
Politique Un règne de 18 ans s’est achevé
Mode La reconnaissance du talent à Moscou ou Saint-Pétersbourg passe par l’étranger
Les défis de la jeune couture russe Lancer une marque de mode en Russie ? Un vrai défi. Il ne suffit pas de réunir un professionnel acharné, un auto-promoteur chevronné et un créateur talentueux, doté d’un concept ultra-solide. OLGA BORTE
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Même en possédant ces qualités, la plupart des couturiers russes auront du mal à s’immiscer sur le marché mondial de la mode, et encore plus chez eux. Ils devront d’abord séduire les amateurs étrangers pour espérer se faire reconnaître par leurs compatriotes. Les jeunes espoirs de
Changement de maire : Moscou dans l’inconnu Le limogeage du maire de Moscou, en délicatesse avec le Président Medvedev, a réveillé la vie politique du pays. Iouri Loujkov laisse derrière lui un bilan mitigé et une communauté d’affaires inquiète.
la haute couture russe font face à d’autres problèmes de taille : la perte du soutien de l’ État et l’absence totale d’une industrie locale de la mode (de la pénurie de tissus et d’accessoires de qualité aux problèmes de distribution). Conséquence de cette bataille quotidienne, le prix par pièce est souvent « plus élevé que prévu ». Sans tarifs préférentiels ni budget de promotion, et manquant cruellement de médiatisation, les jeunes stylistes russes sont souvent les laissés-pour-compte du marché de la mode. Certains ont pourtant percé. Portraits.
ARTEM ZAGORODNOV
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
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RIA NOVOSTI
Alexandre Terekhov habillant un modèle (à gauche). À droite, une robe de Max Chernitsov.
Reportage L’Abkhazie séparée de la Géorgie doit redéfinir ses rapports avec Moscou
juste finie, la Russie a reconnu l’indépendance de l’Abkhazie, dont les habitants se sont sentis soulagés, même si seuls trois pays ont suivi Moscou : le Nicaragua, le Vénézuéla et le micro-État de Nauru. L’immense majorité de la communauté internationale considère la région comme partie intégrante de la Géorgie. Deux années se sont à peine écoulées que la Russie a déjà établi sa présence militaire. Des milliers de soldats et d’agents spéciaux du FSB (Service de sécurité) s’installent sur la base de Gadauta.
ANNA NEMTSOVA
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le monastère du Nouvel-Athos surplombe la côte abkhaze de la mer Noire et ses patrouilles maritimes russes. Enclave montagneuse à la nature sauvage et subtropicale, l’Abkhazie a attiré les empires, des Romains aux Soviétiques. Aujourd’hui encore, c’est une terre contestée. La guerre russo-géorgienne tout
Le territoire abkhaze reste disputé aujourd’hui.
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En attendant la vérité
Il reste des places en or pour les candidats à l’expatriation, mais les bons créneaux sont très disputés.
La Marussia est une sorte de Ferrari « low cost » coûtant 120 000 dollars, soit deux fois moins cher que ses concurrentes.
Quatre ans après le meurtre de la journaliste, les enfants d’Anna Politkovskaïa sont sceptiques sur la conduite et l’issue de l’enquête.
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RUSLAN SUKHUSHIN
Supercar venue de l’Est
PHOTOXPRESS
Gagner des millions à Moscou
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RG
Loujkov était populaire à Moscou, mais agaçait le Kremlin. SUITE EN PAGE 3
DÉBATS ET OPINIONS
Faut-il un million de soldats ? L’armée russe reste enferrée dans des concepts périmés privilégiant la quantité au détriment de la qualité. Ses chefs exigent un million d’hommes sous les drapeaux, alors que les guerres modernes font appel à des forces armées très mobiles et hautement qualifiées.
AP
En quête d’une nouvelle identité Deux ans après la guerre de Géorgie, une forte présence russe a apporté à l’Abkhazie argent et emplois. Mais aussi, pour certains, la crainte d’une perte de souveraineté.
Fin septembre, les trois chaînes de télévision d’ État russes ont diffusé des reportages très compromettants sur le maire de Moscou, Iouri Loujkov. C’était la première fois, à l’ère Poutine, qu’elles étaient « utilisées » pour discréditer une personnalité politique appartenant à la majorité mais très critique à l’égard du Président Medvedev. Aux commandes de la capitale depuis 1992, Loujkov a fini par être accusé de tout, depuis la démolition illégale de bâtiments historiques classés jusqu’à l’octroi controversé de contrats municipaux à la société de travaux publics de son épouse Elena Batourina, la seule femme milliardaire de Russie. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été sa mauvaise gestion de la crise des incendies l’été dernier, alors qu’il passait ses vacances en Autriche. Mais l’ancien maire
avait ses partisans : « il versait les pensions les plus élevées du pays quand nous étions au bord de la famine, il a su garder les rues propres et le chauffage en hiver », proteste Sergueï Danilov, propriétaire d’une petite entreprise, et résident moscovite depuis son enfance. Il est vrai que la capitale a bénéficié des grands travaux entrepris sous le règne de Loujkov : du périphérique en 1995 à la reconstruction, en 2000, de la cathédrale Saint-Sauveur.
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International
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
L’Abkhazie indépendante en quête d’identité ilitariser veulent dém peuple « Ceux qui le e norent qu l’Abkhazie ig e fratrie de guerriers ». un abkhaze est
Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr
L’Abkhazie s’est séparée de la Géorgie
« Notre souveraineté est plus légitime que celle du Kosovo » Sergueï Chamba
PREMIER MINISTRE DE L’ABKHAZIE
ment patronné certains projets. Le Premier ministre supervise la reconstruction de la station balnéaire de Pitsounda, célèbre pour ses pins centenaires. Les riverains l’ont déjà surnommée « Poutine City ». L’ex-maire de Moscou, alors qu’il était encore en poste, avait investi 52 millions d’euros dans la construction de nouveaux projets aux abords de
Gagra. Inévitablement, l’opération a été baptisée « Projet Moscou ». En réalité, la Russie a des intérêts plus stratégiques, en Abkhazie, que les stations balnéaires et l’immobilier. La société pétrolière d’ État Rosneft explore déjà les fonds de la mer Noire. Serguei Klemantovitch, le propriétaire russe d’El Petroleum,
Echanges Réchauffement diplomatique et économique avec Kiev
Moscou reprend pied en Ukraine Six mois après l’arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovytch, les investisseurs russes ont déjà repris des positions solides dans l’économie ukrainienne. EMMANUEL GRYNSZPAN
« L’Ukraine n’est en rien obligée de faire un choix entre la Russie et l’Europe », affirme un ministre russe
L’Ukraine du nouveau président Viktor Ianoukovytch insiste sur sa volonté de s’intégrer davantage dans l’Europe, mais dans les faits, c’est surtout la réintégration de l’économie ukrainienne dans l’espace post-soviétique qu’on observe. Après cinq années de relations diplomatiques glaciales entre Kiev et Moscou, le Kremlin a décidé de réactiver plusieurs projets clés dans des segments stratégiques comme
l’aéronautique (collaboration entre l’ukrainien Antonov et la holding russe UAC), le nucléaire et le complexe militaro-industriel. Les banques russes Sberbank, VTB, VEB et Alfa prêtent de nouveau aux sociétés ukrainiennes et développent leur réseau de succursales dans le pays. Le secteur pétrolier attend une entrée fracassante de Gazprom Neft, qui négocierait le rachat des stations-service et de parts dans la raffinerie de Kremen-
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PAROLE AUX OFFICIELS
tchoug, appartenant au groupe ukrainien Privat. Les rencontres au plus haut niveau s’enchaînent et s’accélèrent. Le 4 octobre, Dmitri Medvedev et Viktor Ianoukovytch se sont retrouvés dans le sud de la Russie pour évoquer la construction d’un pont (pour 1,2 milliards d’euros) enjambant le détroit de Kertch entre la Crimée ukrainienne et le Kouban russe. La veille, le président ukrainien participait au forumYalta European Strategy, l’une des principales instances politico-économiques d’Ukraine, qui n’avait jamais vu autant de hautes personnalités russes : le ministre des Finances Alexeï Koudrine, le très influent Alexandre Volochine, actuellement chargé de faire de Moscou
« On pourrait parler d’annexion si la Russie avait pris notre territoire. Ce n’est pas le cas, à partir du moment où le Parlement russe a reconnu notre indépendance. Les militaires russes peuvent stationner sur notre territoire pour garantir la sécurité, et ils peuvent à ce titre équiper leurs bases militaires. Si c’est cela que l’on appelle occupation, alors on peut aussi considérer que beaucoup d’États européens sont occupés par les États-Unis. L’Abkhazie est plus en droit de prétendre à l’indépendance que le Kosovo, même si, bien évidemment, chaque cas doit être étudié
un centre financier international, et le milliardaireViktorVekselberg. Alexeï Koudrine y a observé « un réchauffement général, y compris dans le monde des affaires » et estimé que l’Ukraine n’est « en rien obligée de faire un choix entre la Russie et l’Europe. Elle doit choisir ses partenaires sur des critères économiques. Nous sommes toujours favorables à l’établissement de lien préférentiels avec l’Ukraine ». Viktor Vekselberg, qui possède de nombreux intérêts en Ukraine, a fait la réclame de Skolkovo, la future technopole moscovite dont il supervise le développement. AlexandreVolochine a eu, lui, plus de mal à intéresser les hommes d’affaires ukrainiens à son projet de « Centre financier international » : « nos clients préfèrent placer leurs actions sur les marchés de Londres et de Varsovie, et il me semble peu probable qu’ils se tournent vers Moscou dans un proche avenir », estime Tomas Fiala, patron de la banque d’investissement kiévienne Dragon Capital. Moscou a déjà reconquis les cœurs ukrainiens, mais la conquête des bourses exigera des efforts supplémentaires…
indépendamment. Contrairement au Kosovo, nous avons libéré notre territoire et créé notre État de nos propres mains. C’est l’OTAN qui a tout fait au Kosovo. Ce n’est pas la première fois que nous sommes une nation distincte : au cours du dernier millénaire, nous avons eu notre État dans le Caucase, qui était alors le plus puissant de la région. Le Kosovo a pour sa part toujours été une terre en transit que l’Albanie et la Serbie n’ont cessé de se disputer. À ce jour, nos pourparlers avec Tbilissi ne concernent que la coexistence pacifique et les relations de bon voisinage. Aujourd’hui, nous prouvons au monde que nous pouvons suivre un développement économique et démocratique ».
EN BREF Concours pour la mascotte des JO Depuis le 4 octobre, le monde entier peut participer à un concours destiné à choisir la mascotte des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2014. Plusieurs milliers de Russes ont déjà envoyé leurs idées. Des personnages de contes de fées aux animaux sauvages en passant par les dauphins, guépards, ours polaires, gallinacés et autres bêtes, les choix ne manquent pas d’originalité. Même les célébrités s’y sont mises. Les
deux dresseurs les plus connus de Russie, les frères Zapashny, ont proposé comme mascotte deux jeunes tigres. Pour connaître les règles du concours et y participer, rendez-vous sur le site talisman. sochi2014.ru. La mascotte de Sotchi 2014 sera sélectionnée au terme d’un vote en ligne mondial le 7 février 2011. Le gagnant se verra remettre deux billets pour la cérémonie d’ouverture aux XXIIèmes JO ou aux XIèmes Jeux paralympiques de 2014.
TALISMAN.SOCHI2014.COM
La Russie a déployé un système de défense aérienne moderne (missiles S-300) sur sa base dans la région de Gali. Jour et nuit, dans un nuage de fumée, des camions orange aux logos militaires livrent du sable et du gravier sur le chantier des casernes à Gali, un centre régional à la frontière géorgienne. Récemment, un train chargé de véhicules blindés et de chars russes s’est arrêté aux abords de Gadauta. « Pas de photos ou nous ouvrons le feu », prévient sèchement une sentinelle. Pour de nombreux Abkhazes, pour l’heure en tout cas, la protection et la bienveillance russes sont tout ce qu’ils demandent. « On nous considérait comme un trou noir, et aujourd’hui, les plus grands investisseurs russes nous tendent la main », dit Astamur Ketsba, le chef de l’administration régionale de Gagra. Récemment encore, l’Abkhazie était un « conflit gelé » postsoviétique. Depuis une guerre courte et sanguinaire avec la Géorgie en 1993, cette région plus exiguë que l’Île-de-France était isolée et en déclin. La pluie et la neige percent les toits des élégants palais du XIXème siècle ; les splendides statues de marbre blanc et les étangs du jardin botanique de Gagra sont recouverts de mousse. Mais aujourd’hui, les autorités locales sont pressées de laisser les acheteurs russes s’emparer des immeubles décrépis pour les restaurer. De son côté, le Kremlin a promis des milliards de dollars pour stimuler l’économie du pays, construire des infrastructures et développer l’armée. De plus, les dirigeants russes, notamment Vladimir Poutine et Iouri Loujkov, ont personnelle-
URY KOZYREV(5)
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se félicite de la sécurité assurée par les militaires de son pays et considère que Moscou n’a pas lieu de se soucier des critiques extérieures sur l’implication russe croissante en Abkhazie. La Secrétaire d’ État américaine Hillary Clinton, lors d’un récent passage à Tbilissi, a qualifié l’Abkhazie de « terre occupée ». Konstantin Zatouline, président d’un comité de CEI à la Douma, la Chambre basse, a confirmé que les investisseurs russes doivent avoir confiance : « Bientôt la frontière entre la Russie et l’Abkhazie sera aussi insignifiante que celle entre la Russie et le Belarus ». Mais les investissements ne font pas l’unanimité. Tamara Lakrba, l’architecte en chef de Gagra et Pitsounda, craint que l’Abkhazie ne soit en fait envahie. Provocatrice, elle compare les deux dernières années d’indépendance à la vie sur le front. Elle fait allusion aux promoteurs russes, pressés de dépasser de quelques étages les hauteurs autorisées sur la côte abkhaze. « Dès qu’ils couperont le premier cèdre centenaire ou construiront des immeubles plus élevés que les trois étages permis à Gagra, chaque Abkhaze descendra protester dans la rue », prédit-elle. D’autres grimpent aux rideaux à l’idée que leur pays se transforme en un État vassal de la Russie. Le ministre de la Défense, le général Mirab Kichmara, rappelle que les officiers abkhazes ont fait couler du sang pour gagner leur indépendance : « Quelle que soit leur force de pression, les députés russes ne verront pas le jour où l’Abkhazie sacrifiera son armée indépendante », affirmet-il. Reconnaissant pour le matériel militaire reçu de la part de la Russie et pour sa présence militaire croissante, il n’en tient pas moins à renforcer l’armée abkhaze. Ainsi va l’histoire : « ceux qui veulent démilitariser l’Abkhazie n’y étaient pas pendant la guerre, et ils ignorent que le peuple abkhaze est une fratrie de guerriers ».
Société
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Le changement de maire soulève des questions
Religion La construction de nouveaux lieux de culte musulmans passe mal Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr
SERGEY MUKHAMEDOV
Illustration de la pénurie de lieux de culte musulmans. Il n’y a que quatre mosquées dans toute la ville.
Une mosquée ravive les tensions ethniques à Moscou KEVIN O’FLYNN
RADIO FREE EUROPE/ RADIO LIBERTY
Sur un espace vert au milieu d’une zone industrielle
Plus de mille personnes résidant dans le district ont signé une pétition contre la mosquée, sous prétexte qu’elle empiète sur un espace vert, dans un quartier parsemé de sites industriels polluants. C’est l’argument qu’invoquent Aleksandr Kouzmitchyov, un concepteur informatique âgé de 55 ans, et ses amis pour justifier leur hostilité à la mosquée : « Elle sera construite sur un espace vert. Ici, c’est un quartier résidentiel et le lieu retenu est
Le Patriarcat évite la polémique.
CHIFFRE CLÉ
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mosquées pour une communauté de 2 millions de musulmans en croissance rapide. Moscou compte 900 églises orthodoxes.
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La popularité de Loujkov (réélu à trois reprises en 1996, 1999 et 2003) s’explique par le paquet d’aides sociales qu’il offrait aux Moscovites grâce au riche budget municipal (presque toutes les grosses sociétés russes payent leurs impôts dans la capitale). Politicien très habile, il faisait abondamment relayer ses déclarations populistes par la chaîne de télévision appartenant à la mairie et par quelques quotidiens à grand tirage dont il avait les faveurs. Sa réputation était toutefois entachée par des projets de construction douteux en plein centre historique de la ville, une gestion calamiteuse de la circulation routière, et par des accusations de népotisme. « Remplacer Loujkov par un réformateur radical serait une erreur », avertit pourtant Andreï Ryabov, du Centre Carnegie de Moscou. « Je ne veux pas faire l’apologie de l’homme, mais il faut reconnaître qu’il savait équilibrer les forces en compétition. Je ne vois personne d’autre dans le paysage politique actuel capable d’accomplir cela ». « Un nouveau maire pourrait être tenté de conduire d’importantes réformes, d’introduire davantage de concurrence, et de remettre de l’ordre dans les fonds de pension et les services municipaux de la ville. Les prestations sociales seraient alors réduites. Nous aurions ensuite des retraités dans la rue, et cette instabilité serait néfaste pour les affaires. Vous ne pouvez avoir de réformes soi-disant libérales uniquement à Moscou. Elles doivent être entreprises à l’échelle nationale, et le Kremlin le sait », conclut Ryabov.
L’Église orthodoxe russe s’est abstenue de soutenir ouvertement les opposants à la mosquée. Un porte-parole du Patriarcat de Moscou, cité par l’agence Interfax le 20 septembre dernier, a indiqué que l’Église orthodoxe ne s’opposait pas à la construction d’une nouvelle mosquée. Mais elle reproche aux autorités municipales de ne pas permettre la construction parallèle d’une église orthodoxe en ce même lieu. Marat-Khazrat Mourtazin, le vice-président du Conseil des muftis de Russie, rappelle qu’en 2008, le Conseil a demandé aux autorités de Moscou de fournir un terrain pour une mosquée et une école religieuse. La Ville a proposé plusieurs sites et le Conseil a choisi Tekstilchtchiki comme emplacement. Pour Mourtazin, la construction d’une mosquée répond indéniablement à une nécessité dans le quartier : « Les musulmans ont besoin d’un endroit pour prier. 500 personnes ont signé la pétition pour s’opposer à ce projet parce qu’elles veulent sortir leurs chiens ou boire leur bière dans le parc. Je ne pense pas qu’avec de tels arguments, elles puissent vraiment faire le poids à côté des 200 000 musulmans qui vivent dans le quartier de Tekstilchtchiki ».
Chris Weafer, de la banque Uralsib, est convaincu du contraire : « lorsque vous avez un changement notoire dans une administration de longue date, les possibilités s’ouvrent pour les investisseurs. Cela s’applique à n’importe quelle grande ville du monde. Quand une nouvelle équipe arrive, de nouveaux joueurs sont en mesure de soumettre une offre et de décrocher un contrat ». Selon Mark Roubenstein, analyste à la banque d’investissement Metropol, « plusieurs solutions existent pour améliorer le climat d’investissement à Moscou. Le changement se fera progressivement, sur plusieurs années. Je ne m’attends pas à des changements notoires à court terme, qui que soit le nouveau maire ».
Sergueï Sobianine succède à Iouri Loujkov Dmitri Medvedev a choisi Sergueï Sobianine comme futur maire de Moscou car ce denier « possède une vaste expérience en tant que dirigeant » qui lui permettra de « résoudre les nombreux problèmes de la capitale ». Sergueï Sobianine, 52 ans, est né en Sibérie. Il a été remarqué en 2000 par Vladimir Poutine, qui l’a nommé gouverneur de la région de Tioumen. En 2005, Sobianine a été promu chef de l’administration présidentielle. Depuis lors, il est considéré comme l’un des hommes les plus proches de Poutine.
ITAR-TASS
En publiant la photo ci-dessus, un magazine local a rappelé aux Moscovites qu’ils vivaient dans une « ville musulmane ». En réalité, les musulmans ne représentent qu’un cinquième des dix millions et demi d’habitants de la capitale russe. Mais cette image montre bien la pénurie de lieux de culte musulmans. Il n’y a que quatre mosquées dans toute la ville. C’est précisément la raison pour laquelle la communauté musulmane prévoit d’en construire une nouvelle, capable d’accueillir trois mille fidèles dans le district de Tekstilchtchiki, au sud-ouest de la capitale. La construction devait commencer en novembre. Mais le projet
a suscité l’opposition des riverains, qui ont demandé à la municipalité d’y renoncer. Nafigoulla Achirov, le co-président du Conseil russe des muftis à Moscou, se dit consterné par la polémique : « Il y a près de 900 églises pour les chrétiens à Moscou. Si les gens sont respectueux de la foi des autres, ils doivent reconnaître que quatre mosquées pour deux millions de musulmans, c’est insuffisant ».
celui où nous sortons nos chiens », résume-t-il. D’autres opposants n’hésitent pas à avancer des arguments de nature xénophobe, craignant un afflux de Tchétchènes et d’autres populations originaires du Caucase du Nord. Le 11 septembre dernier, des centaines de manifestants se sont rassemblés sur le site qui doit accueillir la future mosquée, boulevard Volzhsky. Des représentants de la communauté musulm an e d e M o sc o u é t a i e n t également présents à cette manifestation, qui a été filmée et diffusée sur YouTube. Sur la vidéo, l’interaction entre les deux groupes varie entre hostilité ouverte et un dialogue plutôt constructif. Une femme y relate son opposition à la construction de la mosquée, mais elle dénonce également les contestataires qui profitent de l’occasion pour attiser les tensions ethniques, à ne pas confondre avec « les manifestants venus ici qui ne sont pas contre les musulmans ou contre leur religion mais qui sont contre la réalisation d’une construction sur ce terrain ».
Sur un des sites proposés par la municipalité
ITAR-TASS
Pendant la fête du Ramadan, la presse moscovite a beaucoup glosé sur les foules musulmanes priant dans la rue faute de place dans une Grande Mosquée pleine à craquer.
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Sobianine est juriste de formation comme Medvedev.
Éducation 25 000 Russes possèdent un diplôme français grâce au Collège Universitaire Français de Moscou
Resserrer la collaboration intellectuelle MACHA FOGEL
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
« La démocratie, c’est comme une orange. Tant que tu n’y as pas goûté, tu n’en as pas envie. Il faut donner envie à notre jeunesse de manger des oranges ». Voilà comment Andreï Sakharov, l’intellectuel soviétique dissident, exhorte l’écrivain français Marek Halter, un beau matin de la fin des années 1980, à venir à Moscou instituer la première grande université occidentale de l’Union soviétique. Marek Halter relève le défi. Le collège universitaire de France (CUF), où l’on enseigne les sciences humai-
nes, voit le jour en 1991. Presque vingt ans plus tard, la ministre française de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, est venue assister, jeudi 7 octobre, à la remise symbolique du 25 000ème diplôme à un étudiant en droit. Elle a rencontré son homologue russe, Andreï Foursenko, à qui elle a fait part de l’intérêt de la France pour le projet d’une Silicon Valley à la russe, le fameux Skolkovo. Valérie Pécresse a participé à une table ronde avec des chercheurs français en Russie. L’objectif selon elle : « une meilleure intégration intellectuelle de nos deux économies ». Car les étudiants russes formés chez les Français, futurs directeurs en Russie d’Yves Rocher ou d’Auchan, potentiels responsables de médias ou, même, entrepreneurs énergétiques, constitueront de bons partenaires.
ITAR-TASS
Fondé par l’écrivain Marek Halter en 1991, le Collège Universitaire Français de Moscou permet aux jeunes Russes d’avoir accès au système occidental d’enseignement.
400 accords existent entre les universités françaises et russes. 4 500 étudiants russes s’inscrivent dans des instituts français chaque année – dans l’autre sens, beaucoup moins de Français semblent tentés par un séjour en Russie. Quant au 25 000ème diplômé du CUF, Artem Solochen-
Valérie Pécresse : « Je ne veux pas laisser l’Allemagne devenir le seul partenaire de la Russie »
La France a une carte à jouer auprès des étudiants russes.
kov, il a obtenu une bourse pour étudier le droit à Paris II. Élégant dans sa chemise blanche, il accepte de « donner envie aux jeunes Français de venir étudier en Russie », comme le lui demande le vice-recteur de l’Université d’État de Moscou, le
MGU, où est installé le CUF. Derrière lui, la ministre française acquiesce avec un sourire : elle-même a effectué son stage d’études, lorsqu’elle suivait les cours de l’ENA, à l’ambassade de France à Moscou. « Le développement des liens entre la France et la Russie me tient à cœur », conclutelle : « je ne veux pas laisser l’Allemagne devenir le seul partenaire de la Russie ». Pour l’heure, l’orange de la démocratie n’a certes pas remporté la bataille des idées. Les collèges universitaires de Moscou et de Saint-Pétersbourg, qui organisent régulièrement des débats entre universitaires et des membres d’organisations représentatives de la société civile – l’un des derniers, houleux, portait sur la justice dans les pays en transition – savent sans doute interpeller la conscience de leurs étudiants.
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Expatriés
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Salaires Gagner des millions à Moscou
RACHEL MORARJEE
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Selon un sondage réalisé par la banque HSBC, les expatriés les plus riches du monde vivent en Russie. Ils seraient environ 36% à gagner plus de 170 000 euros. Mais rejoindre le club fermé des « expats millionnaires » est devenu difficile. Il y a 15 ans, les jeunes expatriés ayant la tête sur les épaules et des bases raisonnables de russe pouvaient trouver des postes en or. Grâce à une croissance économique plus vive qu’en Occident, ils pouvaient vite se retrouver catapultés à la direction d’une entreprise. Aujourd’hui, qu’elles soient locales ou internationales, les compagnies privilégient les gestionnaires russes. Les expatriés sont dorénavant embauchés sur des postes de spécialistes. Les chances inopinées s’offrant aux jeunes diplômés n’existent plus et les étrangers accèdent désormais à ces postes en passant par une procédure « à la russe », ce qui sous-entend parler la langue, vivre en Russie et renoncer aux avantages liés à l’expatriation classique, explique un homme d’affaire. « Je suis sceptique quant au recrutement des expatriés en Russie », déclare Bernard Sucher, un des fondateurs de Starlight Diner et de la banque d’investissement Troika Dialog. « Que ce soit dans l’investissement ou la restauration, nous avions l’habitude d’une relation fiable et plus dépendante envers les expatriés pour comprendre quelle devait
être la finalité de tel ou tel projet ». Or, ce n’est plus le cas. Les consommateurs russes étant devenus plus exigeants, ils sont à même d’être à l’écoute de leurs clients, faisant le bonheur des chasseurs de têtes en quête de dirigeants russes ayant soit travaillé à l’étranger, soit en Russie pour des firmes étrangères. Igor Klimov, directeur général de l’entreprise de recherche Acuris, laisse entendre qu’il serait plus facile pour les Russes d’établir la confiance avec leurs employés, mais aussi avec les entreprises étrangères. « Dans le domaine de la gestion d’actifs financiers, les expatriés ont encore la cote, mais dans l’économie réelle, les gestionnaires expatriés sont peu demandés », remarque-t-il. Pour Sucher, les Russes les plus
Les expatriés restent en forte demande dans des niches comme le droit international ou l’informatique recherchés sont ceux qui ont travaillé à l’étranger car ils comprennent l’exigence du marché international et savent négocier sur un terrain qu’ils maîtrisent. Bien que la crise économique ait durement frappé les pays occidentaux, les Russes vivant à l’étranger hésitent à rentrer dans leur pays. Un facteur qui ouvre la voie aux expatriés en Russie dans certaines niches. Du droit international à la gestion de projets informatiques, les profils occidentaux expérimentés sont encore très demandés. « Une petite société qui souhaite passer au rang
Les postes d’expats sont désormais réservés à ceux qui parlent la langue et renoncent aux avantages classiques.
D’où viennent les expats ?
Les amendements à la loi sur le statut légal des citoyens étrangers en Russie sont entrés en vigueur le 1er juillet 2010. Ils facilitent l’admission en Russie des spécialistes hautement qualifiés. La loi s’applique spécifiquement aux étrangers ayant une expérience professionnelle et des compétences dans des domaines précis, et rémunérés un minimum de 2 millions de roubles par an (50 000 euros environ). C’est à l’employeur d’évaluer
d’entreprise de taille moyenne cherchera l’expérience d’un patron expatrié, qui a déjà réussi cette conversion, et qui aura les compétences pour renouveler l’opération », commente Sucher.
Une valeur nominale
Pour les entreprises russes en quête de respectabilité sur les marchés internationaux, le recrutement des expatriés est toujours bon pour rassurer les investisseurs étrangers que la société n’est pas gangrenée par la corruption. Avant 2008, les entreprises russes qui cherchaient à lever des fonds via un placement en bourse ou en vendant des obligations avaient besoin d’avocats spécialisés dans le droit anglais pouvant dialoguer
L’AVIS D’UN EXPATRIÉ
Le mirage de la simplification Ghislain Vathelot
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Un vent de changement paraît souffler sur le régime actuel des visas pour les expatriés, que le gouvernement russe a manifesté l’intention de simplifier pour les employés étrangers. Le nouveau régime concernera-t-il beaucoup de citoyens français et serat-il vraiment efficace ? Rien n’est moins sûr. D’abord, la limite de salaire est relativement élevée (4 200 euros mensuels). Or, nombreuses sont les entreprises locales qui paient une large partie des salaires au
noir. Les sociétés concernées seront par conséquent surtout les étrangères, qui envoient des expatriés en Russie. Ensuite, comme toujours en Russie, les modalités d’application du système ne sont pas claires. Le régime des quotas est-il toujours valable ? Un visa sera-t-il encore valable si l’employé change d’employeur ? Il est toujours bon d’attendre un peu pour comprendre comment les changements seront mis en œuvre avant de se risquer. En outre, le coût des formalités à entreprendre est inconnu. Celui des visas risque d’être élevé et la Russie vient d’augmenter les tarifs de tous les types de
redac@larussiedaujourdhui.fr
Travailler en Russie devient plus simple
visas. Enfin, la procédure simplifiée... ne simplifie pas le régime très compliqué, long et coûteux, d’obtention des quotas relatifs à l’embauche des étrangers. Le coût d’un visa de travail normal s’élève aujourd’hui à 1 500-2 000 euros en moyenne. Certes, les modifications annoncées sont une bonne chose, mais entre un projet de loi et son application, l’écart est tel que des surprises sont probables. À titre personnel, je ne prévois pas de recruter d’étrangers à court terme, ce que j’aurais pourtant souhaité. Seule la suppression des visas reste à mes yeux un axe de progrès nécessaire... mais pour ça, il faudra encore beaucoup de temps.
GhislainVathelot est Partenaire chez ACCENTIS CIS
avec les banques d’investissement aux États-Unis et en Grande-Bretagne, note Nikita Prokofiev, associé chez Odgers Berndtson. Malgré une baisse sensible des placements russes sur le marché mondial, les compagnies tendent à se conformer aux normes internationales et continuent à employer des avocats étrangers. « Le ralentissement économique a laissé des entreprises en proie à des conflits sociaux, on recherche désormais des avocats russes ayant une expérience internationale », explique Prokofiev. Dès que le marché des capitaux retrouvera son élan, la demande en avocats formés à l’étranger reprendra, et l’ascension professionnelle reste plus rapide ici que chez eux. « Je connais de nombreux vocats qui évoquent une concurrence plus rude dans leur pays d’origine. Les meilleurs postes sont déjà occupés, tandis qu’ici, je suis une star, me disent-ils », confie Prokofiev. Autre domaine de prédilection des expatriés, la gestion de projets informatiques. La Russie dispose de nombreux programmeurs hautement qualifiés, mais elle manque de chefs de projets et d’entreprises disposant de plus de 10 ans d’expérience. Elle peut se permettre le luxe d’avoir les expatriés les mieux payés, mais ces derniers, de leur côté, connaissent bien le pays et la langue, ou offrent des compétences rares. Klimov, de la firme Acuris, note qu’en se développant à l’international, les entreprises russes auront un besoin croissant de cadres étrangers. D’ici là, ceux qui voulaient échapper au « métro-boulot-dodo » londonien ou parisien devront patienter.
larussiedaujourdhui.fr/lettres
le niveau de compétence de son employé étranger. La durée maximale des visas et permis de travail a été prolongée d’un à trois ans, assortie de plusieurs renouvellements, chacun pour une durée maximale de trois ans. Le temps de traitement des dossiers de candidature a été aussi raccourci. Lisez davantage sur larussiedaujourdhui.fr
Gastronomie nordico-italienne Antonio Rizzi, 46 ans, est heureux en Russie et particulièrement à Vologda, au milieu des forêts glacées du grand Nord. EMMANUEL GRYNSZPAN SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le restaurateur s’est installé dans cette ville moyenne à 450 km au nord-est de Moscou huit ans après son arrivée dans la capitale en 2000. Il y a ouvert trois restaurants et une boîte de nuit qui emploient 200 personnes. Il qualifie ses deux premiers projets (une pizzeria et une brasserie aux prix abordables) de « très rentables », tandis que ses deux derniers, un restaurant de luxe et la boîte de nuit, réservés à une clientèle fortunée, sont « encore en phase de lancement ». Mais qu’est-ce qui a donc pu convaincre cet Italien issu d’une famille aisée à quitter les bords paradisiaques du Lac de Côme pour la mystérieuse Russie ? « Le goût de l’aventure et les chances d’y faire des affaires », répond-il sans hésiter, car « c’est une région très riche pour le tourisme ». Nature, écologie et gastronomie font bon ménage. « Comme tout chef, je me dois de mettre en valeur les produits du terroir. Ici, on a des rivières poissonneuses, d’excellents produits laitiers, des champignons fabu-
IGOR AKSENOVSKY
Un tiers des expatriés travaillant à Moscou gagnent en moyenne plus de 250 000 dollars par an. Vous êtes partants ?
REUTERS/VOSTOCK-PHOTO
Il reste des places en or, mais la compétition est acharnée
leux en profusion, et du gibier. Je vais moi-même le chasser ». Il concède : « Bien sûr que j’avais peur d’aller en Russie, mais pas davantage que d’aller à Palerme. Le racket existe partout dans le monde. Ici, c’est plutôt calme ! Le plus gros problème, ce sont les gens qui arrivent ivres le matin ». La clé pour réussir dans ce milieu spécifique ? « Trouver les bons partenaires russes. Ce sont eux qui se chargent de faire interface avec les autorités ». Détail important : ce sont les partenaires russes qui sont propriétaires des murs. « Ils ont investi très gros, ils ont tout construit. Moi je n’ai qu’une part dans l’affaire elle-même ». Une part à laquelle il tient beaucoup : « Je suis très content ici. Je ne suis pas du tout prêt à vendre cette affaire ! »
Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
en bref
Cosmétiques Le groupe français installe une unité de production sur un marché en forte croissance
Couleur locale pour L’Oréal Le géant des cosmétiques vient d’inaugurer une fabrique de produits capillaires en Russie. Ce sera l’une de ses cinq plus grosses usines dans le monde. Paul Duvernet
La russie d’aujourd’hui
Après plus de 20 ans de présence sur le marché russe, L’Oréal s’est finalement décidé à y implanter une partie de sa production. Le succès de ses produits en Russie l’y a poussé : les ventes de L’Oréal ont crû de 18% depuis le début de l’année, tandis que le reste du marché connaît une relative stagnation. L’investissement annoncé reste modeste : 26 millions d’euros couvrant l’achat du terrain et la construction de l’usine mais pas les équipements de production. La taille de l’usine en impose avec sa forme de vaste carré d’un blanc virginal barré d’une ligne bleu azur. La modestie de l’investissement s’explique par le fait qu’une seule chaîne de fabrication fonctionne actuellement. Le groupe pense monter en puissance parallèlement à la reprise de la consommation. Selon une source au sein de l’administration régionale, L’Oréal va investir au total 45 millions d’euros dans la nouvelle usine. Le groupe prévoit d’achever l’installation des équipements de production en juin 2011. Les effectifs actuels sont de 60 employés mais devraient à terme aller jusqu’à 300 personnes. La nouvelle usine produira des shampoings, des après-sham-
poings et des colorations pour cheveux sous les marques L’Oréal Paris et Garnier. Sa production initiale s’élèvera à 120 millions d’unités par an et « ce chiffre pourra être multiplié par deux, voire plus, en fonction de l’évolution de la demande », annonce un communiqué de L’Oréal. Ce même communiqué établit un plafond à 300 millions d’unités par an. « Pour L’Oréal, la Russie est le huitème marché mondial en terme de ventes et l’un de ceux qui se développent le plus vite », a déclaré le patron du groupe en Russie Pekka Khouttounen lors de l’inauguration, le 23 septembre dernier. La production de l’usine sera écoulée non seulement sur le marché russe, mais aussi dans les pays voisins de l’ex-URSS et en particulier l’Ukraine. L’Oréal cherche à réduire ses coûts de production et à profiter au mieux d’un marché de 143 millions d’habitants représentant entre 3 et 4% de ses ventes globales, un marché toujours très friand de teintures pour cheveux. L’Oréal Russie, qui a réalisé 563 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009, a enregistré une croissance de ses ventes de 17,6% au premier semestre 2010. L’usine se situe à Vorsino, à 85 km au sud de Moscou, dans la région de Kalouga, qui fait un malheur parmi les investisseurs étrangers. Un cluster automobile accueille déjà des usines d’assemblage de PSA-Mitsubishi, Volkswagen et Volvo. Un autre cluster, pharmaceutique, est en gestation, également avec l’ob-
Dixième usine en Russie pour Saint-Gobain itar-tass
L’usine se situe à Vorsino, à 85 km au sud de Moscou, dans la région de Kalouga.
jectif d’attirer des étrangers intéressés par la proximité de Moscou. Les deux principaux concurrents de L’Oréal en Russie sont Procter&Gamble et le russe Kalina, qui a vu ses ventes exploser de 20% durant la crise alors que les recettes des groupes étrangers stagnaient à cause de la dévaluation du rouble. Un autre concurrent sérieux, le suédois Oriflame, a posé la première pierre de son usine le 7 sept e m b re d e r n i e r, p o u r u n investissement estimé entre 125 et 175 millions d’euros.
chiffres clés
le mot du directeur
26
Jean-Philippe Blanpain
millions d’euros déjà investis par le groupe français. Un chiffre qui pourrait être presque doublé à terme.
300
millions d’unités par an. C’est le maximum de la nouvelle usine en terme de capacité de production.
Larisa Savelieva
La Russie d'Aujourd'hui
Deux nouveaux géants de la grande distribution envisagent de débarquer prochainement sur le marché russe : Carrefour (qui pourrait tenter une troisième fois de s’implanter) et Wal-Mart. Cependant, le président du Conseil des directeurs d’Auchan Russie, Ludovic Oligné, ne craint pas leur concurrence. Il se méfie plus de ses rivaux russes. « Les chaînes X5, Magnit, O'key, Lenta sont de très sérieux concurrents. Ce sont de bons hypermarchés, qui
Auchan devance la concurrence en termes de profit au mètre carré.
se perfectionnent en permanence. Ces dernières années, ils ont nettement augmenté leur niveau de service ». L’année dernière, Auchan avait laissé derrière lui son dernier concurrent étranger, la chaîne Metro. Ne restent plus que deux russes devant : X5 Retail Group et Magnit. Mais selon Retailer Magazine, Auchan gagne environ 14 000 dollars par an au mètre carré tandis que Magnit plafonne à 5 300. Une nouvelle loi réglementant les rapports producteurs/distributeurs pourrait toutefois jouer contre la chaîne. Ludovic Oligné affirme qu'Auchan travaille déjà dans le cadre de ces nouvelles lois. Mais le mois dernier, le service fédé-
ral anti-monopole lui a intenté un procès pour « abus de position dominante et d'atteinte à la liberté de concurrence ». Les victimes sont neuf fabriques de pain, auxquelles Auchan aurait imposé des conditions de livraison entraînant une hausse des prix. Une question très sensible à cause de l’inflation galopante provoquée par la sécheresse estivale. L'année prochaine, la chaîne prévoit l'ouverture de six nouveaux magasins en Russie. C’est le seul pays où l’enseigne n’a pas réduit ses investissements durant la crise. À la direction du groupe, on pense que ce sont les marchés russe et chinois qui ont sauvé Auchan des effets de la chute des ventes européennes.
Chimie Nouvelle usine du groupe français
Alstom ouvre un second front contre Siemens en Russie
Air Liquide investit à Nijni-Novgorod
Allegro, le train pendulaire d’Alstom, a été inauguré le 7 octobre sur la ligne entre SaintPétersbourg et Helsinki. Julia Koudinova
LA russie d’aujourd’hui
« Avec Allegro, nous avons mis le pied dans la porte, maintenant nous allons l’ouvrir », jubile François Lacôte, directeur technique d’Alstom Transport et père du TGV français. Contrat encore modeste, Allegro consiste en
quatre trains de sept wagons vendus à RZD (la SNCF russe) pour 100 millions d’euros. Selon Lacôte, « la Russie offre des perspectives formidables pour nous, aussi bien en technologie pendulaire qu’en très haute vitesse ». Alstom est prêt pour la première fois à décliner son pendulaire en version couchette, car la règle russe veut que les trains en soient équipés sur des trajets de plus de six heures. Les lignes vers Samara, Ekaterin-
Le nouveau projet du leader mondial des gaz industriels s’inscrit dans un effort global allant jusqu’à 1 milliard d’euros. Paul Duvernet
La russie d’aujourd’hui
Benoît Potier, PDG d’Air Liquide, était à Moscou le 7 octobre pour faire part au public du démarrage d’une nouvelle usine représentant un investissement de 60 millions d’euros non loin de Nijni-Novgorod. Cette future unité de séparation d’air pose un nouveau jalon après l’usine de Tcherepovets avec Severstal,
photoxpress
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L’usine russe reflète l’engagement de L’Oréal à implanter sa production au plus près des marchés clés. Ceci afin de réagir plus efficacement à la croissance de la demande.
Transports La très haute vitesse, c’est pour bientôt bourg et Sotchi vont s’équiper en haute vitesse. Alstom affronte la concurrence de Siemens, déjà présent avec son Sapsan, circulant entre la capitale russe et les deux autres plus grandes villes russes, SaintPétersbourg et Nijni-Novgorod. Mais le match le plus intéressant va se jouer sur la très haute vitesse. Vladimir Poutine a promis une ligne de ce type avec rails spéciaux entre Moscou et Saint-Pétersbourg en 2015. « Ils veulent du 400 km/h et notre produit est idéalement placé », estime Pierre Schwing, directeur commercial chez Alstom. Mais le financement s’annonce lourd pour les autorités russes : 15 millions d’euros le kilomètre. Soit une facture autour de 10 milliards d’euros pour MoscouSaint-Pétersbourg.
L’Élysée défend la viande française
L’Oréal
Auchan ne craint que la concurrence russe evgeny dudin_kommersant
Le géant français du verre s’allie avec le turc Sisecam pour construire une usine à 184 millions d’euros au Tatarstan, un projet où sa part sera de 30% contre 70% pour la société turque. Saint-Gobain espère « tirer parti des marchés en forte croissance en Russie ». L’usine comprendra une unité de fabrication de verre plat, une ligne de production de miroirs et une ligne magnétron pour la fabrication de verre à couches. Saint-Gobain cherche justement, grâce à cette nouvelle usine, à équiper de vitres et pare-brises quelque 500 000 voitures par an. La production de verre plat, destiné au bâtiment comme à l’automobile, démarrera au dernier trimestre 2010.
Directeur général des Opérations de
Grande distribution Le groupe français creuse l’écart avec ses concurrents étrangers dans l’alimentation
L’hypermarché figure dans le trio de tête parmi ses rivaux russes et prévoit six nouveaux magasins l’an prochain.
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construite en 2007. Les clients d’Air Liquide appartiennent cette fois au secteur chimique. Il s’agit de RusVinyl et d’autres industriels de la région de Nijni-Novgorod. La capacité de la nouvelle usine sera de 350 tonnes d’oxygène par an. Potier a estimé à 150 millions d’euros les investissements déjà réalisés. Une broutille par rapport aux 850 millions d’euros qu’Air Liquide compte investir d’ici 2015 pour s’attirer le gros des besoins en gaz de l’industrie russe. La croissance dans ce secteur pourrait atteindre 15% par an.
Le Président Nicolas Sarkozy a demandé début octobre à son homologue russe Dmitri Medvedev de renoncer aux mesures douanières pénalisant les exportateurs français de viande bovine. Le chef de l’ État français déplore que les autorités russes imposent aux exportateurs de son pays des contraintes relatives à l’âge des animaux en se fondant sur le risque lié à la maladie de la vache folle, désormais « parfaitement maîtrisée en France » : « ces mesures dirigées contre les éleveurs et hommes d’affaires français ne nous semblent pas justifiées. Leur base scientifique est contestable ».
Affaires à suivre Tous les détails sur
larussiedaujourdhui.fr
rencontres russie 2010 colloque sénatubifrance 21 et 22 octobre, sénat, paris
Elvira Nabiullina, la ministre russe de l’Économie et Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État au Commerce extérieur français, participeront à ce rendez-vous annuel des entreprises françaises actives sur le marché russe. ›› www.ubifrance.fr
Journée des vins et spiritueux français 27 octobre, 14.00-18.00 h 13-15 VETOCHNIY PÉrÉOULOK, MOSCOU
Une occasion unique pour communiquer sur l’ensemble des vins français et susciter l’intérêt des Importateurs par une dégustation de grande ampleur à l’intention des professionnels. ›› www.ubifrance.fr
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Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
Industrie automobile Moscou présente une rivale pour Lamborghini et consorts
Infrastructures Trop chères, trop rares
Une première Grand Sport venue de l’Est La Marussia est une sorte de Ferrari « low cost » à environ 120 000 dollars, deux fois moins chère que la concurrence à performances égales. Qui veut frimer à la russe ?
Derrière l’énigme des routes inachevées Aucune route ne relie le pays d’un bout à l’autre. Le prix de construction d’un kilomètre dans le plus vaste pays du monde est loin d’être une petite pierre d’achoppement.
Une « supercar » à la portée des bourses européennes sur les 300 voitures produites par an, Fomenko ne prévoit d’en vendre que 150 en Russie. l’Europe est l’autre marché des B1 et B2 qui seront exposées dès l’année prochaine à Londres, Monaco, Berlin et Francfort.
Tim gosling
business new europe
Ben Aris
Business new europe
ruslan sukhushin
« Dans l’avenir, les conducteurs de Lamborghini seront conduits à courir à bord d’une Marussia »
il l’a dit
Nikolaï Fomenko
«
C’est très ambitieux [de mettre au point quatre modèles en ces temps], mais je veux que Marussia soit une source de montagne, pas un marécage. J’espère que nous réussirons sur les trente prochaines années ».
Les multiples facettes de Fomenko ruslan sukhushin
Fin 2008 en Chine, Nikolaï Fomenko, chanteur, acteur et animateur TV, mais aussi pilote de course automobile, abîmait son bolide, une Aston Martin, lors de la course de qualification du championnat FIA GT. Dans la nuit, les partenaires de l’équipe chinoise parvenaient à remplacer phares, ailes et pare-chocs de son véhicule pour seulement 250 dollars. Assis dans un petit bureau du nord de Moscou, les yeux de Fomenko brillent lorsqu’il raconte qu’en Angleterre, « cela aurait coûté 7 000 dollars ». La vitesse et le coût de production furent une révélation, à l’origine de sa troisième carrière. Presque immédiatement, Fomenko crée Marussia Motors, premier constructeur automobile russe de voitures ultra sportives, et 18 mois plus tard, ses premières supercars, Marussia B1 et B2, sont fièrement exposées à moins de 100 mètres du Kremlin. Marussia est une production haut de gamme à petit tirage. Tournant seulement à 300 voitures par an, Fomenko ne prévoit d’en vendre que 150 en Russie. Pourtant, grâce aux 2 200 assemblages fournis par une nouvelle filiale belge à partir d’avril, l’Europe est le principal marché des élégantes B1 et B2. Fomenko compte bien, à partir de l’année prochaine, disposer de salles d’exposition à Londres, Monaco, Berlin et Francfort. Il y a quelque chose de faussement timide lorsque, questionné sur les autres brochures que les clients de Marussia auront l’occasion de parcourir, le constructeur répond : « Nous nous fichons de la compétition, nous serons nous-mêmes ». Avant d’admettre que ce sont les supercars
Nicolaï Formenko est né le 30 avril 1962 à Léningrad. Il est diplômé de théâtre, de musique et de cinéma. Il a créé le groupe de
musique Sekret, qu’il a quitté en 1996. Acteur de théâtre et de cinéma, il a notamment joué dans les films L’Orpheline de Kazan (1997), Luna Papa (1999), Vieilles carnes (2000), Douze Chaises (2005), Le Jour de la radio (2008) et dans les spectacles Cœur de chien, L’Opéra de quat’sous et Une Fortune exorbitante. En tant que pilote de course, il a participé au championnat international FIA GT. En 2008, il a présenté au public le projet de voiture de sport Marussia. Le premier magasin d’exposition Marussia Motors a ouvert le 10 septembre dernier à Moscou.
L’agence Ria Novosti a publié en octobre une étude comparative des coûts de construction routière entre Moscou, les autres régions de Russie, l’Union européenne, les États-Unis et la Chine. Les écarts sont frappants. C’est en Chine que les routes coûtent le moins cher : 2,2 millions de dollars au kilomètre. Les États-Unis et l’UE viennent en deuxième position avec près de 6 et 7 millions de dollars respectivement. Le coût de construction des routes en Russie est parmi les plus élevés d’Europe, chaque kilomètre revenant à 17,6 millions de dollars. Mais cette somme n’est pas grand-chose en comparaison du tarif dans la capitale : 51,7 millions. « En Occident, on calcule le coût du kilomètre en fonction des matériaux utilisés et du travail fourni. En Russie, le coût réel comprend l’achat du terrain et la reconstruction de l’infrastructure et des services publics sur ce terrain », explique Maxime Bakchinski, directeur général adjoint pour le développement de la société de travaux publics Mosto-
ria novosti
Lamborghini, Ferrari et McLaren que Marussia espère devancer. Esquissant un large sourire, Fomenko ose même une hypothèse audacieuse, suggérant que « dans l’avenir, les conducteurs de Lamborghini seront conduits à courir à bord d’une Marussia ». Toutefois, la société ne compte pas séduire le marché intérieur de Lamborghini tant que le partenariat F1 et Virgin Racing ne sera pas bien assis. Mis à part le prix (selon ses dires, celui des voitures au détail sera un peu moins de 120 000 dollars, soit la moitié du prix de ses concurrents), Fomenko assure que la vitesse grand V avec laquelle Marussia conçoit ses autos de luxe constitue un autre atout de poids. Les deux modèles lancés en septembre ont été motorisés depuis la conception sur le papier jusqu’aux finitions en à peine un an. Mais si en termes de plans tout roule pour la société sur les douze mois à venir, quelques questions de trésorerie demeurent en suspens. Fomenko assure pourtant que Marussia présentera six modèles lors du Salon automobile de Francfort l’année prochaine, dont deux 4x4.
trest. « Les clients qui commandent la réalisation d’une nouvelle route doivent embaucher un entrepreneur qui effectuera non seulement les travaux de construction, mais prendra également en charge tous les aléas administratifs pour réaliser ce projet « clés en main ». Et dans Moscou, à tout cela s’ajoute le prix du terrain, qui est très élevé », poursuit Bakchinski. La capitale russe représente aujourd’hui un enchevêtrement de tuyaux, de fils électriques et de lignes téléphoniques dont les responsables sont souvent différents. Et la bureaucratie russe n’a jamais facilité les procédures : « il faut reloger des dizaines de propriétaires, démolir les bâtiments, et dévier les tuyaux d’égout, de gaz et des lignes téléphoniques enfouies sous 20 mètres sous de terre. Le coût de notre dernier projet moscovite s’est élevé à 2,2 milliards de dollars pour 5 km de route ». Même si la mairie aide l’entrepreneur à acheter les terrains à des prix raisonnables, c’est à ce dernier de mener des négociations avec les propriétaires et effectuer les démarches kafkaesques pour le transfert de la propriété vers le compte de la mairie. D’une certaine manière, le coût trop élevé de la construction routière illustre tout ce qui ne va pas en Russie aujourd’hui.
Coût moyen de construction pour un kilomètre de route
source : ria novosti
Quand il ne suffit pas de chasser les autres marchands du temple Le renouveau religieux a provoqué un boum dans la fabrication et le commerce des objets de culte. Avant la crise... Oleg Panine
spécialement pour la russie d’aujourd’hui
Sophrino est aujourd’hui la plus grande entreprise de Russie (et probablement du monde) spécialisée dans la fabrication des objets de culte. Son usine est née d’un projet remontant à la pé-
riode soviétique. En 1972, les autorités communistes décident, à la demande du patriarche Pimène, d’allouer à l’Église un terr a i n e n t re M o s c o u e t l e monastère de la Trinité SaintSerge pour y construire une unité de production. En 1980 les travaux sont terminés et les 350 ouvriers, jusqu’alors dispersés dans des ateliers aux quatre coins de la capitale, sont regroupés dans l’usine. Mais c’est avec la perestroïka et
le retour en force de l’orthodoxie que l’entreprise se développe réellement. « Notre mérite est de concentrer en un même lieu la production de tous les objets de culte. Auparavant, il fallait courir d’un monastère à l’autre pour trouver ornements sacerdotaux, cierges, icônes », explique le recteur de l’église située dans le périmètre de l’usine. À l’heure actuelle, environ trois mille personnes travaillent pour
Sophrino. La grande majorité sont de confession orthodoxe. L’assistance aux offices n’est pas obligatoire mais recommandée... Quant aux salaires, ils sont modestes : si certains orfèvres hautement qualifiés gagnent 1 500 euros, le salaire mensuel moyen ne dépasse pas 600 euros. Quant aux avantages sociaux, portant généralement sur la médecine gratuite, les colonies de vacances et les maisons de repos, ils sont inexistants.
sergey pyatakov_ria novosti
Commerce Sophrino exerce un quasi-monopole sur la production d’objets de culte mais subit les conséquences de la crise
L’usine produit des ornements sacerdotaux et des icônes.
Sophrino a habilement manœuvré pour parvenir à une situation de quasi-monopole sur le marché des objets de culte dans le pays, et peut donc imposer ses prix. Il y en a pour toutes les bourses, de la petite croix de baptême à la chasuble en soie brodée à la machine et la panoplie complète d’un archevêque. Reste que l’entreprise n’a pas été épargnée par la crise. Paroisses et même archevêchés n’ont pas toujours honoré leurs dettes, qui sont supérieures à la somme que l’entreprise verse chaque année au Patriarcat. Le PèreVadim s’en désole : « Nous avons été contraints de réduire le personnel de surveillance pour ne pas diminuer les salaires de nos ouvriers ».
media legion
Se mettre au vert ? La Russie face aux défis environnementaux
www.larussiedaujourdhui.fr/expert
Régions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
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SE RENDRE À IAROSLAVL
En train depuis Moscou, compter environ 4 heures. Le billet coûte 600 roubles (15 euros). Sur place, la ville dispose d’excellents transports urbains. Possibilité de s’y rendre en bateau pendant la saison estivale.
SE LOGER
L’hôtel 4 étoiles Ring Premier Hotel se situe entre la gare principale et le centre-ville. Il propose des chambres standard à 100 euros la nuit. Pour le même prix, l’hôtel Volga Pearl, situé directement sur la Volga, offre des chambres plus exotiques.
Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr
PHOTOXPRESS
SE RESTAURER
Iaroslavl possède un large choix de restaurants de qualité inégale. Le Vanilla Sky propose une cuisine savoureuse à des prix abordables. Au menu, le sandre grillé aux champignons sauvages pour 10 euros. Plus simple, le Tai Tai café propose un déjeuner d’affaires à 2,50 euros.
Tourisme sur la Volga Une ville historique offre une richesse architecturale à faire pâlir d’envie Moscou, sa cadette devenue capitale
Iaroslavl fête son millénaire PHOEBE TAPLIN
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Ville de passage développée par les marchands au XVIIème siècle, puis par l’industrie lourde au XXème, Iaroslavl est devenue la plus importante des anciennes cités princières qui forment aujourd’hui « l’Anneau d’or ». Édifiée en 1010, Iaroslavl s’était activement préparée à célébrer, en septembre dernier, son millénaire. Pelouses artificielles, pétunias et autres plantations avaient embelli et embaumé les rues de la ville.Vitres, façades et bâtiments avaient été soigneusement remis à neuf. Véritable joyau du début du XVIème siècle, la cathédrale de la Transfiguration a été fraîchement repeinte de blanc et d’or. Un spectacle somptueux y attend les visiteurs tant les murs de l’enceinte fortifiée regorgent de représentations diverses,
d’icônes dorées à la feuille, de céramiques vernissées. Le site offre aussi l’occasion unique d’admirer, depuis le clocher de la cathédrale, la vue sur la ville et ses deux fleuves. Située à la jonction de la Volga et de la Kotorosl, l’ancienne ville fortifiée a soudain pris des airs de « Parc du millènaire », agrémentée de décorations florales et d’un parterre fleuri en forme d’ours, devenu le symbole de la ville. On célèbre aussi une vie culturelle florissante. Sur la rive de la Volga, le Musée de l’histoire accueille une nouvelle exposition retraçant mille ans d’histoire au travers des Archives nationales, tandis que le Musée d’art célèbre « L’Âge d’or » de la ville. À cet effet, la collection privée « Musique et temps » de John Mostoslavsky a apporté une note de singularité à cette exposition en faisant partager sa passion pour les objets d’art et les antiquités : cloches de troïka ancestrales, boîtes à musique, horloges et phonographes, où tic-tacs et autres carillons font résonner un passé fastueux.
Non loin de là, en longeant le fleuve, rivalisent quelques-unes des plus belles églises de la ville. SaintNicolas, avec ses fresques bleues et or, ou encore l’église Saint-Elie, aux peintures murales et aux carreaux de faïence multicolores, rendent compte de l’héritage précieux et authentique de l’architecture russe. Une ville que son maire décrit comme à la fois « ancienne et éternellement jeune ».
À l’endroit même où Iaroslav le Sage fonda jadis la cité princière, se dresse la nouvelle cathédrale de l’Assomption. Reconstruction magnifiée d’une ancienne église, cet édifice compte parmi les nombreux sites qui ont permis à la vieille ville d’entrer au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2005. Outre la nouvelle cathédrale, de nombreux projets d’envergure ont été
La cité princière s’est toujours positionnée comme un centre majeur du savoir et de la culture
Jumelage avec Poitiers
GETTY IMAGES_FOTOBANK
Il y a tout juste mille ans, au confluent de deux grands fleuves, le prince russe Iaroslav le Sage abattait un ours sacré de sa seule hache et y fondait la ville éponyme de Iaroslavl.
Les bords de la Volga, un lieu de promenade privilégié.
Les deux villes sont liées depuis 30 ans. Une Maison de l’amitié « Iaroslavl-Poitiers » propose des cours de français. Y sont aussi organisées des expositions et des tables rondes avec des invités poitevins dans le cadre d’une coopération constante. Plusieurs écoles entretiennent des liens d’amitié avec celles de Poitiers, offrant des échanges d’enseignants-linguistes. À Poitiers, le russe est enseigné dans certains établissements.
lancés à l’occasion du millénaire : centres culturels, zoos, terrains de golf, hôtels. Iaroslavl s’est toujours positionnée comme un centre du savoir et de la culture. Ainsi, le monastère de la Transfiguration accueillait autrefois le premier séminaire du nord-ouest de la Russie. C’est également dans sa bibliothèque que fut découvert l’unique manuscrit « Dit de la Campagne d’Igor », le plus ancien récit de la Russie kiévienne. Fondé par l’acteur Fedor Volkov, le premier théâtre public de Russie ouvrit ses portes en 1750. Sur la vidéo de promotion, Iaroslavl est présentée comme une ville-star, le « cœur de la Russie … Là où l’histoire s’est écrite ». Le millénaire est donc aussi une formidable chance de « faire fructifier les investissements ». En ces temps de crise, que les efforts aboutissent ou non, Iaroslavl restera de toute façon un lieu touristique. C’est une hôtelière, Paulina Chernobaeva, qui l’affirme : « lorsque vous marchez dans les rues de cette ville, vous sentez l’histoire, vous la vivez».
Diversification de l’économie Quand la crise incite les autorités régionales à rechercher des solutions « traditionnelles »
Vologda croit plus que jamais au Père Noël Un parc d’attraction sur le thème de Ded Moroz (la version russe du Père Noël) est chargé de soustraire l’économie régionale à sa dépendance excessive envers la sidérurgie. EMMANUEL GRYNSZPAN LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La région de Vologda s’agite pour dissiper la fumée âcre du combinat sidérurgique de Severstal. Elle vient d’organiser un voyage de presse pour montrer au monde extérieur un visage plus attrayant : forêts profondes, lacs à l’eau pure, splendides monastères et même un site enchanteur où le Père Noël russe a élu domicile. L’heu-
re est venue de miser sur la diversification. Après tout, Severstal n’occupe qu’une fraction de la superficie régionale, représentant un quart de la France. Le combinat sidérurgique n’en est pas moins impressionnant. Construit à l’époque soviétique, Severstal est la colonne vertébrale et le poumon de l’économie régionale. La sidérurgie représente les deux tiers du produit régional brut. Mais Tcherepovets, une ville de 311 000 habitants encerclée par le combinat, respire mal. Et lorsque la crise mondiale a fait brutalement chuter en 2008 la demande d’acier et son prix, c’est la région tout entière qui a failli étouffer. Deux
ans plus tard, la grosse frayeur a fait naître la volonté déterminée de diversifier l’économie à l’échelle de toute la région. « 92% de l’industrie sont concentrés dans le district de Tcherepovets », explique Leonid Iogman, premier adjoint du gouverneur. « Mais la situation change rapidement. C’est un cliché de dire que notre région, c’est Severstal et de vastes forêts. Nous constituons actuellement deux autres pôles industriels [Cheksna et Sokol] et nous avons déjà attiré l’attention de groupes étrangers comme le français Thalès, qui fabrique ici avec un partenaire russe des appareils optiques de très haute techno-
logie ». Des multinationales comme Air Liquide, Nestlé, Ikea, Greif et Arcelor ont également réalisé ou acheté des actifs industriels dans la région. Mais c’est avant tout dans ses richesses naturelles et culturelles que cette région voit son plus grand potentiel de diversification économique. Un potentiel naturel et renouvelable qui permettra aux futures générations de mieux respirer. Dans l’imaginaire russe, Vologda est paradoxalement un havre écologique recouvert de forêts et de lacs, nourrissant le pays de bons produits laitiers (le célèbre beurre deVologda) et fabriquant de magnifiques dentelles pour les plus fortunés. Mais c’est aussi, selon une légende ancestrale, le berceau de la version russe du Père Noël « Ded Moroz ». Depuis 1998, la région de Vologda s’est associée à la Mairie de Moscou pour concevoir un parc à thème basé sur cette légende de Ded Moroz, désormais réincarné près de la ville deVeliki Oustioug,
Composition du secteur industriel
Métallurgie Industrie chimique Production et distribution d’énergie électrique, d’eau et de gaz Industrie alimentaire Industrie automobile et de biens d’équipement
aux confins orientaux du territoire régional. Un investissement de 40 millions d’euros a produit un ensemble qui comporte plusieurs hôtels, la vaste et haute maison en bois du Père Noël et un parcours ludique pour les enfants. Le parc emploie environ 10% de la population locale et sa fréquentation connaît une hausse constante, les 205 000 visiteurs en 2009 représentant 8,5% de plus qu’en 2008. Reste un problème : la situation géographique du site, fort mal desservi par les transports ferroviaires et aériens, qui met à rude épreuve la foi en Ded Moroz. Autres Transformation du bois et fabrication de pièces en bois Production de pièces métalliques finies Industrie verrière Industrie textile et confection
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Débats et Opinions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
DÉMOGRAPHIE : LA QUALITÉ D’ABORD
Le mythe du million de soldats
Artem Zagorodnov
Alexander Golts
la russie d’aujourd’hui
The Moscow times
L
a Russie est confrontée à une grave crise démographique, ne cessent de répéter les observateurs. Récemment, la BBC titrait sur une « Russie en train de mourir rapidement », affirmant que le déclin démographique affaiblirait considérablement la position du pays sur la scène internationale, et pourrait même conduire à une modification significative de ses frontières. Si l’on en croit le Bureau du recensement des États-Unis, la population mondiale devrait atteindre entre 8,5 et 10 milliards d’habitants d’ici à un demi-siècle. Une croissance qui s’accompagne d’une diminution des ressources naturelles. Sauf percée technologique miracle, j’en déduis que les pays comptant le moins - et non le plus - de bouches à nourrir, tout en possédant de vastes réserves de pétrole et d’eau potable, se retrouveront en position de force. La Russie est riche en ressources naturelles : un vaste territoire, de l’eau (le lac Baïkal représente 20% des réserves d’eau douce de la planète), des forêts à perte de vue, une industrie agricole en plein essor, du pétrole et du gaz. C’est aussi un état doté de l’arme nucléaire, moyen de dissuasion efficace, et un pays garant d’un libre accès à l’éducation. À ce titre, la Russie pourrait bien faire partie des nations les mieux placées pour faire face à la crise environnementale. Pour autant, selon les spécialistes, le problème ne réside pas tant dans le nombre d’habitants par kilomètre carré que dans la pénurie de main d’œuvre, qui risque de nuire à la croissance économique du pays dans les décennies à venir. Le gouvernement, sous l’impulsion de Dmitri Medvedev, vise à inverser les tendances négatives
T
et à stabiliser la population, notamment en diminuant le taux de mortalité prématurée. Il s’agit de renforcer la sécurité routière, de lutter contre les excès d’alcool ainsi que d’accroître les investissements dans la santé et la prévention. Mesures qui ont déjà donné des résultats probants. En 2009, pour la première fois depuis 15 ans, la Russie a vu sa population augmenter. L’espérance de vie des hommes s’est allongée de près de deux années depuis 2005, selon le service fédéral russe des statistiques. Depuis 2007, l’État a également remis des bons d’une valeur d’environ 12 000 dollars aux mères de plus d’un enfant à charge afin de stimuler la natalité. Reste au gouvernement à se concentrer sur l’amélioration des conditions de vie des salariés, dont la productivité n’atteint que 16% de la moyenne de l’Union européenne, selon Capital Partners. Quelques initiatives permettraient de renforcer singulièrement la po-
sition de la Russie dans le monde. En voici des exemples. - Tendre la main à la diaspora russe. De nombreux jeunes Russes nés à l’étranger craignent d’aller en Russie, pays où ils risqueraient d’être arrêtés dans la rue et envoyés à l’armée pour deux ans. Il faut d’urgence modifier la législation en matière de conscription pour attirer une main d’œuvre qualifiée, possédant la double nationalité. - Développer l’aide aux 730 000 enfants orphelins, pour qu’ils soient en mesure de devenir citoyens à part entière. Selon le site Web Iorphan.org, seuls 10% des orphelins s’intègrent pleinement. La grande majorité d’entre eux sombrent dans la drogue, la délinquance ou le suicide. - Favoriser des programmes d’éducation et une politique d’intégration des personnes handicapées. Le vaste projet de modernisation de l’économie comprend le développement à moyen terme des réseaux de
l’innovation ralentie par les freins Étatiques Vladislav Inozemtsev
Izvestia
L
’attribution du prix Nobel de physique à deux chercheurs d’origine russe, Konstantin Novoselov et Andre Greim, a relancé une série de débats sur la capacité de la Russie à innover. Mais ces discussions ignorent toute distinction entre la recherche fondamentale (récompensée par un Nobel) et l’innovation, axée sur l’application industrielle de la science. La formulation d’un objectif clair est la clé d’une percée technologique. Plus l’énoncé est précis,
plus la probabilité du succès est grande. Ce qui permet de déterminer rapidement l’ensemble des outils nécessaires, et rend les spécialistes capables de résoudre le problème posé. Les différents organes du gouvernement russe travaillent selon une approche diamétralement opposée. Les idéologues de Skolkovo, la future Silicon Valley russe, se chamaillent déjà sur le profil des candidats qui feront partie du quota étranger. Mais il serait plus approprié de déterminer en premier lieu les objectifs que doit poursuivre l’État. Aujourd’hui, comme chacun sait, la nanotechnologie, c’est bien, la biotechnologie, c’est mieux. Mais savonsnous quels sont les domaines les
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plus prometteurs, où il faut investir pour l’avenir ? Le point de départ se situe dans les évaluations des plus grands spécialistes mondiaux, leurs observations quant à la manière dont une percée technologique peut être réalisée, et la définition des obstacles. Ensuite, il faut faire le point sur l’état des technologies, et identifier les « points de repères » réalistes à atteindre. C’est alors seulement qu’il sera possible de fixer de véritables objectifs en matière d’innovation technologique, et d’annoncer les ressources, les fonds et les spécialistes requis pour mener à bien le programme. On évitera ainsi de spéculer inutilement sur l’auteur ou les auteurs de l’« invention » d’hier.
transports, de centres d’innovations et autres cités de l’avenir : des projets qui doivent s’accompagner de dispositifs destinés à faciliter l’accès des personnes à mobilité réduite. Enfin, garantir une connexion Internet haut-débit aux handicapés, leur assurer un enseignement universitaire en ligne et des emplois depuis leur domicile dans les domaines de la recherche et du développement, ainsi que dans les nouvelles technologies de la communication et de l’information (NTIC) : autant de démarches désormais possibles en Russie. S’ils sont couronnés de succès, les efforts de modernisation du Président Medvedev modifieront les paramètres du débat sur la démographie en Russie. Car, en définitive, la quantité est moins déterminante que la qualité ! Artem Zagorodnov est le rédacteur en chef des suppléments internationaux de Rossiyskaya Gazeta en anglais.
Les autres méthodes à suivre sont connues depuis la fin de l’ère soviétique : un minimum de contrôle bureaucratique, une concurrence indispensable entre plusieurs groupes de chercheurs, la satisfaction de toutes les demandes d’installation des équipements et d’organisation de la production. En déclarant qu’il souhaite favoriser l’innovation, l’État russe a beaucoup à faire lui-même. Abandonner toute langue de bois et formuler des objectifs limpides. Oublier la matraque, tolérer un chaos limité, et protéger les chercheurs contre les services secrets. Réaliser, enfin, que l’argent ne résout pas tout, et qu’il faut un minimum de compétence et de liberté intérieure. Si tout se passe bien, nous recevrons d’abord de nouvelles technologies et ensuite, un État d’un type nouveau. Vladislav Inozemtsev est directeur du Centre d’études de la société postindustrielle
ALEXANDRE GORBENKO : DIRECTEUR GéNéRAL, VLADISLAV FRONIN : RéDACTEUR EN CHEF. TOUTE REPRODUCTION OU DISTRIBUTION DES PASSAGES DE L’OEUVRE, SAUF à USAGE PERSONNEL, EST INTERDITE SANS CONSENTEMENT PAR éCRIT DE ROSSIYSKAYA GAZETA. ADRESSEZ VOS REQUêTES à redac@larussiedaujourdhui.fr OU PAR TéLéPHONE AU +7 (495) 775 3114. LE COURRIER DES LECTEURS, LES TEXTES OU DESSINS DES RUBRIQUES “OPINION” OU “COMMENTAIRES” RELèVENT DE LA RESPONSABILITé DES AUTEURS OU DES ARTISTES. LES LETTRES DESTINéES à êTRE PUBLIéES DOIVENT êTRE ENVOYéES PAR éMAIL à redac@laRussiedaujourdhui.fR OU PAR FAX (+7 (495) 775 3114). LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI N’EST PAS RESPONSABLE DES TEXTES ET DES PHOTOS ENVOYéS. PARTENAIRES MéDIA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI ENTEND OFFRIR DES INFORMATIONS NEUTRES ET FIABLES pour UNe MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA RUSSIE.
ous les ans au mois d’octobre, quand le froid humide s’installe, c’est l’heure de l’appel d’automne des nouvelles recrues. L’objectif est d’enrôler 278 000 jeunes gens avant le 31 décembre, mais cette année, l’armée est censée instituer de nouvelles mesures pour humaniser le service militaire obligatoire. Par exemple, les parents peuvent désormais assister au conseil de révision et sont autorisés à accompagner les futurs soldats jusqu’à leurs unités d’affectation, une étape lors de laquelle de nombreuses irrégularités sont d’ordinaire commises. En outre, les conscrits ont désormais le droit de garder leur téléphone portable pour communiquer avec famille et amis, et ils peuvent dénoncer des malversations. Les autorités s’efforcent de leur faire faire leur service plus près de chez eux. Et pour la première fois, les appelés devraient bénéficier de weekends de permission. L’objectif est de transformer l’armée actuelle, quasi carcérale, en une sorte de « colo sportive ». C’est une excellente nouvelle. Malheureusement, ces mesures n’auront aucun impact sur le niveau de préparation au combat des forces armées. Le ministère de la Défense a hélas rejeté le modèle militaire du XXIème siècle : constituer une force professionnelle compacte hautement qualifiée. Deuxièmement, comme l’appel a lieu deux fois par an, à l’automne et au printemps, et parce que le service militaire a été réduit à une seule année, les conscrits les plus expérimentés ne totalisent à chaque période que six mois de service, ce qui suffit à peine pour un entraînement de base. Résultat : un niveau de préparation lamentablement bas, alors que les guerres modernes nécessitent une formation pointue en communications et en systèmes d’armement sophistiqués. L’humanisation est une mesure qui s’impose, mais l’efficacité et la préparation au combat des forces armées ne s’amélioreront pas tant qu’elles ne seront pas assorties d’une modernisation des forces elles-mêmes et d’une compréhension de l’art de la guerre au XXIème siècle. Je demande souvent aux partisans du service obligatoire à quoi sert une armée de conscrits si le pays n’envisage plus de mobiliser des millions de réservistes en temps de guerre. Il est évident que l’immense réserve de recrues faiblement qualifiées servira de chair à canon. Dans tout débat sur la conscription, ses défenseurs insistent immanquablement sur la nécessité de disposer d’une armée d’un million de soldats. Ce nombre a acquis une dimension mystique. Au cours de la dernière décennie, chaque responsable politique ou militaire a averti que si le nombre descend sous le million, la capacité de défense de la
Russie sera considérablement affaiblie. L’explication la plus courante, et la moins convaincante, est que l’immense territoire du pays et ses longues frontières ne peuvent être défendus par moins d’un million de soldats. En réalité, seules des forces armées plus réduites, hautement qualifiées et très mobiles peuvent garantir la protection du pays. Les dépôts d’armement lourd doivent se situer dans les zones où la menace potentielle est la plus sérieuse, et des troupes prêtes au combat doivent pouvoir être rapidement déployées dans ces zones si la menace se concrétise. Les stratégies de défense de la Russie en sont restées à l’époque napoléonienne, où la victoire était censée pencher du côté des plus « gros bataillons ». Deux cents ans plus tard, en 2003, les États-Unis envahissaient l’Irak. L’armée de Saddam Hussein, forte de 400 000 hommes, était écrasée par seulement trois divisions : deux américaines et une britannique. L’issue s’est jouée sur l’utilisation d’équipements de surveillance et de communications de pointe, qui permettent d’identifier les mouvements des troupes ennemies, et d’armes de grande précision pour les détruire.
Le raisonnement date de l’époque napoléonienne, où la victoire penchait du côté des gros bataillons Or l’armée russe est toujours paralysée par la mentalité militaire fondamentalement erronée et périmée de ses chefs, qui confondent la qualité et la quantité. Ce qui explique pourquoi en haut lieu, on tient à une armée numériquement égale à celle de la Corée du Nord (une population de 24 millions et une armée active d’1,1 million de membres). Mais contrairement à ce pays, la Russie ne peut atteindre le million magique qui l’obsède tant. D’abord et surtout, à cause du fort déclin démographique : le nombre de garçons arrivés à l’âge de 18 ans a chuté et n’est plus que de 800 000. Par ailleurs, une corruption largement répandue permet à des milliers de jeunes gens d’être exemptés du service militaire. Résultat : les appels à la conscription semestriels ne parviennent à rassembler que 564 000 soldats. Si l’on y ajoute 150 000 officiers et 100 000 soldats contractuels, on n’obtient pas plus de 800 000 personnes actives dans l’armée. Mais les dirigeants russes continuent de rêver jour et nuit à leur million d’individus sous les drapeaux, condamnant les forces armées à être aussi mal préparées au combat moderne que celles de la Corée du Nord. Alexander Golts est rédacteur en chef-adjoint du journal en ligne Iejednevny Journal.
Le courrier des lecteurs, les opinions ou dessins des rubriques “Débats et Opinions” et “Perspectives” publiés dans ce supplément représentent divers points de vue et ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction de La Russie d’Aujourd’hui ou de Rossiyskaya Gazeta. merci d’Envoyer vos commentaires par courriel : larussiedaujourdhui.fr
Perspectives
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
Affaire Politkovskaïa Quatre ans après, mystère sur le meurtre de la journaliste Les promesses des enquêteurs
reuters/vostock-photo
Les enfants d’Anna attendent la vérité, sans illusions Le fils et la fille de la célèbre journaliste assassinée nous confient leurs souvenirs et leur scepticisme sur la manière dont l’enquête est menée par les autorités russes. Macha fogel
spécialement pour la russie d’aujourd’hui
Ilya et Véra savaient que leur mère craignait pour sa vie.
dangereux. Ma mère parlait ouvertement du risque d’être assassinée. Elle m’avait montré où se trouvaient les documents importants dans la maison, ‘au cas où’, comme elle disait ». Aujourd’hui, surmontant sa tristesse,Véra place ses espoirs dans la lutte pour la démocratie, sans illusions : « Je suis quelqu’un de réaliste ». Évoquant l’enquête toujours en cours, elle ne s’attend pas à connaître l’identité du responsable avant très longtemps : « quand cela n’aura plus de conséquences pour personne, alors peut-être saurons-nous la vérité ». Jusqu’à présent, trois hommes ont comparu pour le meurtre d’Anna Politkovskaïa. Ils ont tous été acquittés. Ilya, le frère, la trentaine lui aussi, nous a donné rendez-vous sur son lieu de travail (il collabore avec une grande entreprise russe de relations publiques). « La politique ? Ce n’est pas dans mon caractère. Le journalisme ? Non, je ne veux pas passer ma vie dans l’ombre de mes parents ». Ilya se montre plus optimiste sur les avancées de l’enquête. Il espère du nouveau au cours des mois à venir. « L’enquête avance du côté des exécutants, mais pas du commanditaire. Nous n’avons aucun élément pour dire qu’il s’agit de Ramzan Kadyrov. Il est certain que le gouvernement n’a pas participé à l’assassinat. Mais il crée une atmosphère d’autoritarisme telle qu’il n’est pas mal vu d’assassiner un journaliste ou un défenseur des droits de l’homme. C’est une question d’ambiance », conclut-il amèrement. La Russie se classe au cinquième rang des pays présentant le plus de risques pour la sécurité d’un reporter, selon International Press Institute. Trentecinq journalistes y ont été tués entre 2000 et 2009.
Bon vent, Loujkov !
Débarrassés du joug
maire bouc émissaire
KOMMERSANT
GAZETA.RU
MOSKOVSKI KOMSOMOLETS
L’amour peut être dangereux. Il peut rendre une femme distinguée et raffinée. Ou en faire une sorte de grosse dinde en survêt’, les yeux boursouflés de cupidité. Moscou a subi le second sort. Mais l’amour de Loujkov était sincère. Il lui offrait des colliers d’autoroutes, des diamants de gratte-ciels. Sans se soucier de la qualité, il voulait que ça fasse riche. Il adorait les chantiers, se mêlait de tout. Passionnément. Le malheur, c’est que tout ce qu’il touchait se dégradait. Il ne respectait pas l’avis des autres, il aurait préféré d’ailleurs qu’il n’y ait pas d’architectes.
La collusion du pouvoir et du business à Moscou a triomphé dans l’union de « l’administrateur robuste » et de la « businesswoman à succès ». Ils travaillaient souvent ensemble : dans le conseil d’administration d’une entreprise, Loujkov représentait la Ville, sa femme Batourina, le secteur privé. C’est pourquoi la fin sans gloire de Loujkov fait naître en nous un espoir : c’est peut-être le début d’une véritable lutte contre la corruption, contre le péculat ou la concussion pratiqués par les fonctionnaires, aussi bien que le vol dans le secteur privé.
Même si tout ce qu’on reproche au maire était vrai, ce sont des bagatelles, comparées aux complots entre le pouvoir fédéral et les oligarques qui ont pillé le pays. En outre, les accusations sont inventées de toutes pièces. On a l’impression que la bête de somme est chargée de tonnes de fumier informationnel. Le choix de la cible n’est pas surprenant. Le changement du maire de Moscou est seul à même de modifier la situation dans le pays. Mais c’est ouvrir la voie à une révolution de velours, à une euphorie trompeuse à laquelle les Russes n’ont pas encore goûté.
Tapis tendus aux murs dans l’entrée de l’immeuble, ascenseur hors d’âge. En-haut, l’antichambre froide, puis l’entrée, bien chauffée. Véra Politkovskaïa, longue personne aux cheveux courts, la trentaine, ouvre la porte sur une cuisine claire. Elle est journaliste, comme ses deux parents. Elle voulait devenir musicienne et avait terminé ses études au conservatoire de Moscou, quand un stage à la radio l’a persuadée qu’elle avait hérité du gène journalistique. Quatre ans après le meurtre de sa mère, Véra est encore sous le choc : « Nous savions tous qu’elle enquêtait sur des sujets
« Quand cela n’aura plus de conséquences pour personne, alors peut-être saurons-nous la vérité »
svetlana privalova_kommersant
« L’appartement était en travaux ; on préparait la naissance de notre enfant. En attendant, j’habitais chez ma mère depuis une semaine. Ce n’est pas moi qui l’ai découverte ». Lorsqu’Anna Politkovskaïa est assassinée, le 7 octobre 2006, sa fille, Véra, est enceinte d’une petite fille. Celle-ci naîtra en mars, cinq mois après le meurtre de sa grand-mère ; elle s’appelle Anna. Sa grand-mère prévoyait de quitter son dangereux métier de reporter de guerre et de journaliste d’investigation, elle qui enquêtait sur la guerre en Tchétchénie ou encore sur les circonstances de l’attentat du Nord-Ost, tristement célèbre prise d’otages dans un théâtre moscovite par des terroristes tchétchènes. Elle voulait une vie plus tranquille, s’occuper de sa famille. Elle n’en a pas eu le temps. C’est dans un appartement typiquement moscovite que nous reçoit Véra : celui qui était en travaux à l’époque du meurtre.
Le directeur du comité d’enquêtes russe, Alexandre Bastrykin, a ordonné « de dresser rapidement une analyse de tous les cas criminels dans lesquels les victimes ont été des journalistes », selon son porte-parole, Vladimir Markin. Alexandre Bastrykin a rencontré les membres du Comité de protection des journalistes. La décision de reprendre toutes les investigations a été prise en raison de la découverte de « nouvelles informations », selon Vladimir Markin. Les enquêtes criminelles closes avant l’établissement en 2007 d’un comité général d’enquêtes en Russie seront également rouvertes.
lu dans la presse le limogeage controversé du maire de moscou Iouri Loujkov a été destitué par le Président Medvedev après 18 ans de règne sur la politique et les affaires de la capitale. Accusé de népotisme, d’incapacité à gérer la saturation du transport et surtout d’avoir mis le secteur immobilier en coupe réglée avec son épouse, la milliardaire Elena Batourina, l’ex-maire laisse l’opinion publique très partagée. Préparé par Veronika Dorman
Grigori Revzine
Alexandre Lebedev
Iouri Kovelitsyne
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ces sacrés Russes
Le bouchon de l’amitié François Perreault
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Spécialement pour la russie d’aujourd’hui
epuis le temps qu'il voyait les Russes le faire, Jean-Pierre se sentait un peu gland. Aujourd'hui, avec ses amis français venus lui rendre visite, il va se risquer : notre homme va négocier un « tchasnik », un de ces automobilistes moscovites qui font le taxi pour améliorer leur ordinaire. Sur le bord de la route, à peine Jean-Pierre amorce-t-il un mouvement du bras vers le haut que trois voitures risquent de se télescoper pour saisir la bonne affaire. Notre ami s'adresse au premier, au volant d'une Lada antédiluvienne : « Place Rouge, pour deux cents roubles ! ». Zourab, qui est géorgien comme 95% des tchasniks qui ne sont pas ouzbeks, fait la moue : « Vous êtes trois, ça consomme plus », ditil avec l'assurance d'un vétéran. Qu'à cela ne tienne, trois cents, ce n'est pas plus mal. Puisque la porte arrière droite ne s'ouvre plus, un léger bouchon prend forme derrière la bagnole. Surtout que JeanPierre, qui a claqué la porte un peu fort, provoque la chute de la fenêtre, que Zourab doit remonter. Ne reste plus qu'à régler le GPS qui fait la fierté de Zourab sur « Place Rouge », et c'est parti ! La pop géorgienne qui crache ses cent décibels enjolive le voyage, et fait oublier la suspension inexistante. Zourab ignore superbement les recommandations de son GPS et s'obstine à tourner à droite lorsque la voix métallique lui
conseille la gauche. « Pour éviter les bouchons », dit le chauffeur avec un clin d'oeil. Un coup de volant magistral lui permet d'éviter le piéton qui traversait, tout en grillant le feu rouge. Manque de bol, un bouchon monstrueux prend justement naissance ici, à droite. Quitte à attendre, autant faire connaissance. « Je suis géorgien », dit Zourab avec orgueil en sortant un tas de photos de sous le pare-soleil. « Ça, c'est Tbilissi, ça, c'est ma fille, ça, c'est nos vignes », explique-t-il en distribuant aux trois passagers quelques clichés de sa ville natale. 45 minutes plus tard (en métro, c'est 15 minutes), Zourab en est à son cousin qui travaille à Londres lorsque le bouchon se dissipe. Petit à petit, les voitures prennent de la vitesse, les 30 km/h sont allègrement franchis. Ne reste plus qu'un kilomètre avant la Place Rouge, on s'échange déjà joyeusement les numéros de portable, l'invitation à Tbilissi a été faite. C'est en prenant la rue Mokhovaïa que l'incident est arrivé. Tout à ses invitations, Zourab n'a pas pu éviter l'arrière du Hummer qui, une fois n'est pas coutume, a respecté le passage clouté. Le Hummer, évidemment, n'a rien, mais sous le capot de la Lada, ça fume sérieusement. Heureusement que Jean-Pierre a noté le portable de Zourab, parce que ce dernier ne se préoccupe plus que de sa caisse, et enguirlande la pétasse qui sort du monstre américain. Ne reste plus qu'à laisser les 300 roubles sur le siège du conducteur, et à finir la balade à pied. François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.
Ces sacrÉS FRANçAIS
Pas de panique ! Natalia Gevorkyan
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Spécialement pour la russie d’aujourd’hui
ntre les Français et les Russes, il y a plus de points communs que je ne l’imaginais. Prenez le je m’en-foutisme. On dit aux premiers : « Menace terroriste : alerte rouge ». Rien à faire. Rien ne peut les distraire du périf bouché, du risotto aux truffes ou du procès Kerviel. Comme les Moscovites dans le smog cet été. On leur disait : portez des masques, sortez le moins possible. Ils se promenaient et fumaient des clopes assis sur les bancs publics, en inspirant Dieu sait quoi avec la fumée de cigarette. La BBC russe s’interroge : les Parisiens paniquent-ils ? Non point. Soit par fatalisme, soit parce qu’ils ne croient pas au danger, ou ne font pas confiance à leurs services secrets. Quoi qu’il en soit, la menace d’un éventuel attentat terroriste sur la tour Eiffel occupe moins les esprits que l’augmentation de l’âge de la retraite en 2018 ou celle du prix des cigarettes. En tout cas, ma voisine Catherine est imperturbable. Elle veut réserver pour ses amis américains une table au restaurant de la tour Eiffel. C’est sa façon de faire la nique aux terroristes. Les Américains ne veulent pas passer pour des poules mouillées mais suggèrent tout de même une autre adresse pour dîner. Catherine les appelle à ne pas prendre au pied de la lettre ce que dit le gouvernement français : « Il a tellement de problèmes qu’aucune menace terroriste ne pourra en détourner l’attention
des Français ». Comme ces mots me sont familiers ! Et moi qui pensais que la méfiance du pouvoir était un passe-temps national russe ! Lorsque le Secrétaire général de l’URSS déclarait qu’il n’y aurait pas de déficit, sel, sucre et allumettes disparaissaient sur-lechamps des étals. Nous ne croyons jamais aux déclarations de revenus des hauts fonctionnaires, ni aux services secrets prétendant avoir déjoué 200 attentats dans l’année. Mais non, nous ne sommes pas les seuls. Je me tourne vers Catherine : « Mais si, par malheur, ça pète ? Tu admettras que les avertissements n’étaient pas inutiles ? » Elle secoue la tête. « Si ça pète, comme tu dis, ça voudra dire qu’ils ont mal fait leur boulot ». J’aurais reçu la même réponse à Moscou. Après concertation, les Américains annoncent que chacun a le droit de douter des déclarations de son gouvernement. Mais dans ce cas précis, eux, en tant qu’invités, ne veulent pas tenter le diable, et nous invitent dans un autre restaurant. Après le dîner, sans se concerter, chacun observe la tour Eiffel avec soulagement. Elle est à sa place, elle brille, comme il se doit. Et tout à coup je comprends que ce n’est pas une question de je m’en-foutisme, ou pas seulement. Aucun de nous ne croit sérieusement qu’une bande d’imbéciles peut lui faire quelque chose, à la tour Eiffel. Et même ceux qui en ont l’expérience, parce que c’est déjà arrivé, continuent à ne pas y croire. Je ne sais pas si c’est notre force ou notre faiblesse. Natalia Gevorkyan est correspondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.
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PRESS ARCHIVE
Les modèles de Vika Gazinskaya (à gauche) sont bien connus des « fashionistas » français. Max Chernitsov, l’enfant terrible des podiums russes (à droite), visiblement heureux de sa collection.
Le défi de la jeune couture russe Malgré la longue route qui mène au podium, plusieurs dizaines de boutiques spécialisées dans les marques russes ont ouvert leurs portes ces dix dernières années, à Moscou et en région. L’originalité des jeunes talents locaux a provoqué des vagues dans les journaux et sur les podiums, et pas seulement en Russie. La Russie d’Aujourd’hui a sélectionné les créateurs qui ont recueilli le plus d’éloges, tant en Russie qu’à l’étranger. Ils s’appellent Alexandre Terekhov, Dmitry Loginov,Vika Gazinskaïa, Max Chernitsov et Léonid Alexeev.
Un joker de la mode russe
Max Chernitsov est un rebelle, même parmi les créateurs les plus insolites de la haute couture russe. Cet intellectuel (il est diplômé en philologie de l’Université de Magnitogorsk) et théori-
cien de la mode contemporaine russe aime à susciter la polémique, avec des œuvres comme les kamikazes sexuelles aux explosifs ou encore des cosmonautes aux couleurs vives. Cette année, il mélange dans ses costumes pour homme la tradition des coupes pré-révolutionnaires, soviétiques et contemporaines. Ses Tshirts aux imprimés délirants s’arrachent comme des petits pains, si bien que les critiques locaux l’ont surnommé « le joker de la mode russe ».
Le luxe démocratique de Terekhov
En 2009, le site Style.com recommandait le travail du jeune créateur Alexandre Terekhov. Ses robes ont été remarquées sur des stars comme Angelina Jolie, Misha Barton et Dania Minogue. Actuellement, la marque produit quatre collections par an et se veut en priorité axée sur son développement en Russie et dans
Les moscovites prennent goût à la simplicité Les grandes enseignes du vêtement, comme H&M, Zara, Miss Sixty et Top Shop, ont gagné Moscou, révolutionnant le style du « shopping » et celui de l’habillage. PHOEBE TAPLIN, NORA FITZGERALD LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le style vestimentaire d’une classe moyenne russe en plein essor, influencé par les enseignes mondiales, contribue à l’image d’une capitale décontractée. Lors d’une visite récente de H&M, au centre commercial Metropolis, les vendeuses semblaient accaparées par les clients. Une assistante de la boutique, Sonya Simonova, daigna finalement lever les yeux vers nous. « Bien sûr, les nouvelles tendances adoptent de plus en plus un style « casual » (décontracté) en ce moment. C’est très à la mode. Et pas seulement pour les jeu-
nes : ces vêtements visent toute la gamme de notre clientèle ». Au cours des deux premières décennies qui suivirent la perestroïka, les femmes pouvaient claquer un mois de salaire, soit dans l’achat de bottes françaises soit dans celui d’un manteau Max Mara, ou bien fouiller pour dégoter les bonnes affaires dans les passages souterrains crasseux de la ville. Dans la pénombre des couloirs interminables, elles pouvaient espérer trouver la nouvelle nappe pour décorer la table de Pâques, ou une jolie jupe en daim. Aujourd’hui, toutes les villes de plus d’un million d’habitants sont dotées d’immenses centres commerciaux. Mais les boutiques abordables se sont développées seulement ces dernières années. Aux côtés de Prada et Armani, les consommateurs ont désormais la chance de trouver une
les pays de la Communauté des États indépendants. Dans son travail, Terekhov parle d’un « luxe démocratique » qui serait sa philosophie. Selon lui, la mode est destinée aux femmes alliant féminité, élégance et sensualité, avec une dose de simplicité.
Thème et variation sur la petite robe noire
Dmitry Loginov a remporté le concours des jeunes créateurs de Krasnoïarsk, sa ville natale. Arrivé à Moscou dans les années 2000, il a remporté plusieurs prix, dont un voyage à Londres et un stage à L’Officiel Russie. Il a fait une entrée remarquée, il y a quelques années, avec une collection pour homme sous la marque « Arsenicum », lui valant les éloges de la critique pour ses costumes parfaitement ajustés. Depuis, Godfrey Deeny, du magazine Fashion Wire Daily, le surnomme « la nouvelle star de la mode russe ». Cette année, le jeune pro-
enseigne Zara ou Miss Sixty. C’est en 2006 que Valentin Yudashkin, couturier emblématique, a créé sa première ligne de jeans de style « casual ». Le couturier a remis au goût du jour la haute joaillerie en lançant sa collection « Fabergé », des robes resplendissantes ornées de ces fameux œufs traditionnels. Des exemplaires uniques qui trouvent désormais leur place dans des musées comme le Metropolitan Museum de NewYork. Toujours passionné par les perles cousues main et les rubans de tulle,Yudashkin a lui aussi glissé ces dernières années vers le « casual chic ». « Moscou est dans un état d’esprit plus décontracté », a déclaré, dans une récente interview, le styliste qui s’est dit heureux de voir « moins de blingbling ». Anya Inozemtseva, une étudiante de 18 ans, illustre la tendance. Les bras chargés de cintres, c’était l’une de la trentaine de femmes qui se bousculaient aux cabines d’essayage : « J’aime le large choix qu’offre un magasin comme H&M. J’y achète tous mes vêtements pour la maison : jeans, chemisiers, robes de nuit et pyjamas. Je préfère largement les habits décontractés. Je pense que les tendances évoluent vers un style plus informel ».
dige a présenté sa première collection pour femme lors de l’Aurora Fashion Week à SaintPétersbourg. À la fois classique et fantaisiste, il revisite le thème de la petite robe noire.
rer la meilleure utilité possible. « Je n’ai pas un budget énorme. Je grandis et me perfectionne grâce à une attitude [positive] au travail, une sorte de vieille école », dit-t-elle.
À la vieille école
Léonid Alexeev et sa femme fatale
Vika Gazinskaya est bien connue dans le monde de la mode. Elle apparaît souvent sur les blogs au cours des « fashion weeks ». Et si l’intérêt pour son style et son apparence semble parfois nous détourner de son travail, les deux dernières saisons ont montré que Gazinskaya est une créatrice incontournable. La vitrine de Vika Gazinskaya, parue cet été chez Colette durant la Semaine Haute Couture à Paris, a suscité un nouvel engouement pour la mode russe. Une grande partie des pièces de cette passionnée sont faites au moins partiellement à la main. Sélectionnant les meilleurs tissus et accessoires, elle passe beaucoup de temps à leur confé-
La ville des Tsars a attiré le délicat créateur pétersbourgeois Léonid Alexeïev. Ce dernier a apporté dans ses bagages le thème de la femme fatale, à la fois fragile, raffinée et forte. Après une série de succès en Russie, Alexeev a soudainement quitté son modeste atelier pour s’envoler vers Londres, où il vit désormais. L’an passé, il a été couronné créateur de l’année par GQ Russie. Malgré les nombreux dysfonctionnements de l’industrie de la mode en Russie, certains créateurs ont réussi à percer sur la scène du prêt-à-porter de luxe. La concurrence s’accentuant, il y aura de moins en moins d’élus...
La mode et le « show-biz » La Russian Fashion Week (RFW) a fait couler beaucoup d’encre ce mois-ci à Moscou, mais elle reste peu accessible aux jeunes créateurs. Dans les années 90, il existait la Haute Couture Fashion Week, et le Prêt-à-Porter Fashion Week. La première s’est progressivement transformée en Volvo Fashion Week ; quant à la seconde, elle a définitivement disparu. Projet très ambitieux, la RFW existe depuis 2001. C’est une compétition sans merci qui se joue entre RFW et la Volvo Fasion Week, conduisant à une « course aux armements » entre couturiers. Mais le résultat est qu’aujourd’hui, les deux événements ont plus à voir avec le show-business que la haute couture.
Deux divas en fin de règne ? PHOTOXPRESS (2)
SUITE DE LA PAGE 1
Evelina Khromtchenko et Alena Doletskaïa : gloire et déboires.
Deux journalistes faisant autorité sur la mode russe ont été licenciées : étrange croisement de deux destins. SVETLANA SMETANINA
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Ces deux divas de la mode russe étaient rédactrices en chef des journaux les plus influents. Elles ont perdu leur poste quasiment en même temps. Evelina Khromt-
chenko a été remerciée de la manière la plus abrupte. Un beau matin, on lui a interdit l’accès à son bureau. À sa place, l’éditeur de L’Officiel a nommé son épouse. Le départ d’Alena Doletskaïa de Vogue fut l’issue d’un conflit plus discret. Elle profite dorénavant de sa liberté pour écrire un livre. Deux femmes, deux parcours très différents. Alena Doletskaïa est née d’un père célèbre chirurgien.
Diplômée en philologie, elle enseigne la traduction de l’anglais à l’université. Grâce à des liens familiaux, elle travaille pour des compagnies étrangères. Sa nomination au poste de rédactrice en chef de Vogue est la suite logique d’une brillante carrière, qui n’est assurément pas finie. De son côté, Evelina Khromtchenko a gravi les échelons par ses propres moyens. Née à Oufa, elle monte étudier à Moscou. Diplômée de journalisme, elle écrit des articles sur la mode. Lorsque L’Officiel débarque en Russie, Evelina Khromtchenko, une des rares spécialistes du monde de la mode, se voit logiquement nommée à la direction. Disposant d’appuis influents, Khromtchenko a rebondi. Fin septembre, les éditions Jalou à Paris l’ont nommée Directrice éditoriale internationale de la maison et du même coup l’ont replacée à la tête de L’Officiel Russie aux côtés d’un nouvel éditeur russe. L’ancien éditeur proteste de la validité de son contrat jusqu’en 2011. La Russie verrat-elle deux Officiel paraître parallèlement ?
Culture
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Musique Maestro Spivakov prêche la tolérance à la tête d’un orchestre de jeunes
Un solitaire amoureux des grands ensembles Le violoniste et chef d’orchestre Vladimir Spivakov met son talent au service des plus vulnérables – les enfants – et du dialogue culturel. Au sens propre.
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VERONIKA DORMAN
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
LES GRANDES ÉTAPES 1944 • Naissance à Oufa
« Un orchestre, c’est l’unité de la multitude », dit-il, citant la poétesse Marina Tsvetaieva.
Le succès de notre entreprise prouve que l’on ne peut pas fractionner l’espace culturel ». Artiste de l’UNESCO pour la paix depuis 2006,Vladimir Spivakov est aussi connu et admiré pour son talent de violoniste et de chef d’orchestre, que pour son activité caritative et son implication personnelle dans les causes qui lui tiennent à cœur. Depuis 1994, le Fonds de bienfaisance internationaleVladimir Spivakov aide les enfants : bourses, instruments, soins médicaux, expositions et concerts, ce sont plus de 10 000 enfants qui ont été soutenus, pris en charge, promus ou simplement traités avec affection.
« C’est la plus grande œuvre de ma vie », avoue Spivakov, sans fausse modestie. Cette générosité, souvent louée par ceux qui le fréquentent de près ou de loin, transparaît aussi dans la définition qu’il donne de son métier. « Un orchestre, c’est l’unité de la multitude », dit-il, citant la poétesse Marina Tsvetaieva, « mais c’est surtout la capacité des uns et des autres à se soutenir et à dissimuler les défauts du voisin ». Complexe, l’homme-orchestre Vladimir Spivakov est un soliste virtuose et un grand solitaire « la solitude est essentielle au musicien, et la musique est une protection contre la vie publi-
1968 • Diplômé du Conservatoire d’État de Moscou
IGOR HUZBASIC
« Je pense depuis toujours que le seul moyen de préserver l’humanité, c’est dans la culture ». Vladimir Spivakov, impeccable, détendu mais sans nonchalance, trouve enfin une position confortable dans le fauteuil de cuir. Son bureau de directeur de la Maison internationale de la musique de Moscou est à l’image du maestro : sobre, élégant et sophistiqué. La veille, le chef d’orchestre a dirigé pour le dernier concert de la saison l’Orchestre symphonique de jeunesse, composé de jeunes talents issus de tous les pays de l’ex-espace soviétique, et qui a joué pendant un an dans les capitales de la Communauté des États indépendants (CEI), de Moscou à Achkhabad, mais aussi à New York et à Paris. « Il n’y avait pas de traducteurs sur scène. Nous parlions tous la même langue, celle de la musique ». D’une voix profonde et sonore, il raconte le bonheur de voir les enfants azéris et arméniens partager leurs repas et danser ensemble, alors que lui-même n’était pas retourné en Azerbaïdjan depuis les pogroms des Arméniens à Bakou et Soungaït en 1988 (« Ma femme est arménienne », s’excuse-t-il de cette longue absence). « C’est un projet unificateur essentiel. L’ambiance n’est pas toujours au dialogue, mais en rassemblant des enfants kazakhs, turkmènes, tadjiks, azéris, arméniens, ukrainiens et géorgiens, on se rappelle que le temps est venu de construire ensemble.
1979 • Fonde et dirige depuis sa création l’orchestre de chambre « Les Virtuoses de Moscou » Depuis 1989 • Directeur artistique du Festival international de musique de Colmar 1994 • Crée le Fonds de bienfaisance international Vladimir Spivakov 1992-2002 • Chef de l’Orchestre national russe Depuis 2003 • Chef de l’Orchestre national philharmonique Depuis 2003 • Président de la Maison de la musique de Moscou
que » - mais il aime tenir la baguette avec la même passion qu’il met à organiser des festivals de haut vol. Surtout, devant le génie artistique de ses amis, il ne refuse aucune collaboration. Exceptionnellement, la nouvelle saison de la Maison de la musique vient d’être inaugurée par la projection en avant-première d’un film d’animation musical, Le vilain petit canard. « Quand Garri Bardine est venu me voir avec son projet, j’ai vu un artiste exceptionnel épris de son œuvre avant même qu’elle ne soit née – il en connaissant déjà le moindre souffle – et un grand enfant ». Spivakov accepte immédiatement de sonoriser le long-métrage, en dirigeant l’Orchestre national philharmonique pour un arrangement du Lac des cygnes et Casse-noisettes de Tchaïkovski. « C’est un film chaplinesque, mais sur un terreau russe, une fable qui dénonce l’intolérance envers l’autre, différent, tout en célébrant la beauté intérieure », décrit-il cette interprétation du conte de Hans Christian Andersen savamment croisé avec La ferme des animaux de George Orwell. Invité par Bardine à faire la voix du Coq haineux qui dresse toute la basse-cour pour la parade quotidienne, Spivakov s’est senti transporté lui aussi dans l’enfance. Ses yeux en rient encore. Vladimir Spivakov vient de fêter ses 66 ans et déborde de projets. Il énumère une liste interminable de dates aux quatre coins du globe, et se déclare comblé par l’intensité de sa vie qu’il ne troquerait pour aucune autre. L’année à venir sera marquée par une tournée américaine avec l’Orchestre national philharmonique, mais aussi des rendezvous traditionnels comme le Festival « Vladimir Spivakov invite… » à Moscou ou celui de Colmar, que le maestro dirige tous les étés depuis 1989. Sans oublier les nombreux concerts avec son orchestre de chambre, Les Virtuoses de Moscou, et les anniversaires de ses filles qui vivent à Paris.Y a-t-il assez d’heures ? « Je dors peu et je travaille toujours dans l’avion, mes meilleures idées me viennent dans les airs ».
Cinéma Un festival axé sur les deux capitales russes offre à voir une multitude de sensibilités différentes
Le Forum des images à Paris et à la Cinémathèque de Toulouse nous transportent à SaintPétersbourg et Moscou à travers des cinématographies aussi singulières que variées. JEAN-ERIC DESALME
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
De Pétersbourg (2003), imaginaire exploration de laVenise du Nord par Irina Evteeva, comparable au travail expérimental de frères Quay, à la grande comédie musicale de l’époque du dégel (Tcheremouchki, 1962, musique de Dmitri Chostakovitch) en passant par les tribulations d’un jeune architecte à Moscou dans les années 1930 (La Nouvelle Moscou, fiction très excentrique (et censurée) d’Alexandre Medvekine), le choix est vaste et passionnant. Si naguère le pouvoir soviétique censurait, il encourageait aussi des films favorables à la jeune Union, tels Le Cirque de Grigori Alexandrov (1936), où l’héroïne américaine, mère d’un enfant noir, chassée par le racisme de ses compatriotes, trouve refuge et réconfort sur le sol national. L’étonnante virtuosité et parfois l’humour de certains de ces films « pro-régime » (pas toujours, certes, à la mesure du génie d’un
PROFIT
Deux villes et une pléthore de destins À L’AFFICHE Forum des images, 2 rue du cinéma 75001, Paris (jusqu’au 24 octobre). › www.forumdesimages.fr
Cinémathèque de Toulouse, 69 rue du Taur, 31000 Toulouse (du 2 au 24 novembre). › www.lacinemathequedetoulouse.com
Il est regrettable qu’on ne voie presque jamais les œuvres des jeunes réalisateurs russes en France Maxime, jeune architecte, découvre Saint-Pétersbourg et l’amour dans l’émouvant Piter FM.
Sergueï Eisenstein) très ancrés dans la ville, méritent le détour. La liberté (des individus et du créateur) est d’ailleurs très souvent au rendez-vous. Ainsi, le magnifique J’ai vingt ans de Marlen Khoutsiev (1962), tableau (intolérable pour les autorités de l’époque et partiellement amputé par elles) d’une jeunesse en proie aux doutes existentiels à Moscou, et surtout J’me balade dans Moscou, film au moins aussi intéressant que
certaines productions de la Nouvelle Vague, où l’on peut voir un jeune écrivain de Sibérie céder aux charmes de la capitale, surprennent par leur audace. L’émouvant Piter FM (2006) d’Oksanna Bytchkova, chassécroisé mouvementé entre un homme et une femme dans le très occidental Saint-Pétersbourg actuel, témoigne avec talent de la vive affection que l’auteur porte à cette ville. Quant aux nombreux artistes
d’envergure qui travaillent aujourd’hui à Moscou et SaintPétersbourg (Khlebnikov, Balabanov, Popogrebski…), il est regrettable qu’on ne voie presque jamais leurs œuvres en France. Parmi eux, Alexeï Outchitel, couvert de récompenses dans son pays et en Europe (La Promenade, 2003), mais aussi le très remarquable Igor Minaïev, installé en France (L’Inondation, 1994, avec Isabelle Huppert), ou encoreValeri Todorovski (Les Zazous, 2008).
Après notamment Pavel Lounguine et Alexandre Sokourov (programmés également à Toulouse), le public parisien aura plaisir à rencontrer l’impertinent et brillant maître de l’animation, Andreï Khrjanovski, venu présenter ses magiques courts métrages. Élégante façon de terminer un voyage dans deux villes où s’est joué le destin de la Russie. Un voyage qui, espérons-le, ouvrira des perspectives.
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CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Épître à madame ma main gauche
ÉDITIONS INTERFÉRENCES
Ces douze textes rassemblés par Sophie Benech, à la fois éditeur et traductrice, représentent la quintessence de Iouri Bouïda et de son talent. Le résultat est un livre de 77 pages qui donnera au lecteur une matière dense pour sa propre méditation. Douze récits puissants, écrits dans une langue classique et poétique, pour percevoir l’intangible et sonder l’insondable. Dès le premier récit, la problématique est posée. L’auteur s’adresse à sa main gauche, « le symbole et même l’incarnation de tout ce qui est mensonger, défectueux, perfide, dangereux ... (qui) nous empêche d’oublier l’existence du mal, laissant à la main droite le soin de faire le bien, et nul ne sait ce qui est le plus important ». Chez Bouïda, les frontières entre le bien et le mal, le tout et le rien, le présent et l’éternité, la vie et la mort, le réel et l’imaginaire sont poreuses. Accepter cette dualité permet de conquérir son unité. L’auteur décrit le monde réel avec la précision d’un peintre surréaliste. La réalité qu’il nous donne est trompeuse, elle permet un glissement imperceptible vers l’imaginaire. On passe du tableau à la vie réelle, de la vie réelle au tableau. Le sentiment que le tableau « finit par se transformer en vie, comme la vie se transforme en un art qui nourrit cette vie ». La boucle est bouclée comme dans le titre même de l’un des récits : « Solitude avec vue sur une chambre avec vue sur la solitude ». Il n’y a ni commencement ni fin, juste renouvellement ou métamorphose. Impermanence, diraient les bouddhistes dont la philosophie n’est sans doute pas étrangère à l’auteur tant le questionnement sur l’amour, le bonheur, la mort, les liens invisibles entre l’homme et la nature est mis en perspective à travers la notion de vacuité. « Seul un véritable artiste peut représenter le vide de telle façon qu’une étoile se mette à y briller toute seule, et pourtant le bonheur, même un véritable artiste ne le trouvera jamais », avait dit Igor Zemler, jeune auteur qui s’est suicidé et dont le narrateur contemple le journal vierge dans le Journal d’Igor Zemler. Ceux qui découvriront Iouri Bouïda ne manqueront pas de rattraper le temps perdu et de lire Train zéro, Yermo, et La fiancée prusienne, trois ouvrages déjà publiés chez Gallimard qui ont fait de lui un auteur majeur de sa génération. Christine Mestre Découvrez d’autres chroniques sur larussiedaujourdhui.fr
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Culture
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Voyages Les Chemins de fer russes remettent le Moscou-Nice au goût du jour
Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr
De Nice à Moscou, c’est une grande partie de l’Europe qui défile derrière la vitre.
La Côte d’Azur vue du ciel a les allures d’un coin de terre bénit des dieux. C’est aussi vrai du spectacle offert par la fenêtre du train qui traverse sept pays entre Nice et Moscou. MARIA AFONINA
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
À côté de moi, une jolie blonde, la trentaine, attrape nonchalamment un magazine de mode dans son sac à mains Fendi. Ce n’est pas le genre à perdre deux jours pour aller de Nice à Moscou, me suis-je dit. Mais j’avais tort. « J’aurais pris le train avec plaisir. Même pour deux jours, de voyage. C’est intéressant, et prendre l’avion tout le temps, c’est fatigant et stressant ». Ma compagne de vol est une acheteuse en gros. Elle rend visite à ses amis à Nice pour quelques jours, avant de s’envoler pour Milan à la re-
3 chiffres sur le train Nice-Moscou • Le train Nice-Moscou peut accueillir 156 passagers • Le train est composé de 12 wagons, dont 2 voitures-restaurant, 3 wagons luxe, 6 wagons 1ère classe (2 passagers par compartiment et douches individuelles), 1 wagon 2ème classe (3 passagers par compartiment et douche commune) • Temps de trajet, entre Nice et Moscou : 49 h et 55 minutes ; entre Moscou et Nice : 52 h et 55 minutes. Les RZD comptent ramener le temps de trajet à 36 heures dans un avenir proche
IVAN SHAPOVALOV
Vers la Côte d’Azur au train des anciens aristocrates
cherche d’une nouvelle collection de fourrures pour une boutique moscovite. Le train de Nice à Moscou, et inversement, qui traverse sept pays en deux jours, attirera les amateurs d’exotisme et d’aventure. C’est du moins ce qu’ espèrent les Chemins de fer russes (RZD) et la SNCF, partenaires dans cette affaire. Vice-président de RZD, Mikhaïl Akoulov explique qu’« en été, c’est un voyage touristique sur la Côte d’Azur, une occasion de traverser l’Italie du nord. Pour les sportifs, c’est la possibilité de se rendre à Innsbruck avec leur matériel de ski, pour les autres passagers, une chance de voirVienne ouVarsovie ». De plus, « c’est une véritable alternative à la vitesse qui caractérise le siècle de la réalité virtuelle, ça donne le temps de souffler. Et c’est la possibilité de rencontrer d’autres gens,
Événement Le Bal de Paris rassemble les élites franco-russes
Quand le Kremlin fait valser, place de la Concorde L’Année croisée se termine en beauté. Ou parmi les beautés, les jolies filles ayant rendezvous le 4 décembre au Bal de Paris, dont la XIIIème édition s’intitule « Le Kremlin ». MARIA TCHOBANOV
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Michel Soyer, l’organisateur de cette fête annuelle qui se déroule dans les salons du prestigieux Automobile Club de France (www.marquiseevents.com), place de la Concorde, est très enthousiaste : « Pour travailler en Russie, on doit saisir les nuan-
ces politiques et sociales, les mécanismes du monde des affaires. Le bal doit faire découvrir la Russie à la communauté internationale à travers sa culture, les représentants de ses grandes entreprises et ses décideurs, ses innovateurs, et le dynamisme de sa jeunesse ». Le Bal de Paris se veut à la fois forum économique, soirée mondaine et événement culturel. Personnalités du cinéma français et russe seront au rendez-vous pour la cérémonie de remise du prix Cinéma Patrimoine de Paris, qui récompense les films mettant en
valeur la capitale française. Le trophée « Bal de Paris », quant à lui, prime les réalisateurs russes qui montrent le mieux la Russie d’aujourd’hui. L’année dernière, Tendre mai de Vladimir Vinogradov, film très réaliste et pas du tout « glamour », a séduit le jury présidé par le producteur Norbert Saada. La relation franco-russe est perfectible. Michel Soyer constate qu’il y a plus d’entreprises françaises installées en Russie que de russes implantées en France. « Individuellement, les oligarques russes investissent en France, rachètent des entreprises en difficulté, même des médias, mais à quand de vraies ‘joint-ventures’ avec les opérateurs russes ? » L’organisateur prépare déjà le deuxième volet de son bal « Le Kremlin », qui fera valser les élites politiques et économiques franco-russes le printemps prochain au cœur de Moscou.
d’autres cultures », commente Christophe Chevet, Directeur général de SNCF Russie, en descendant du train qui va partir pour Moscou. Au bout de quelques heures, les passagers du wagon sont devenus une grande famille partageant le spectacle des paysages qui défilent. Au départ de Nice, le train longe la côte méditerranéenne et la mer ne disparaît que progressivement au soleil couchant. Les débats sur les films ou les livres préférés se déplacent alors au wagon-restaurant, où les serveurs proposent une dégustation de plats polonais et des musiciens jouent des airs italiens et russes. À la gare de Vintimille, tout le monde descend joyeusement sur le quai. Sur la voie d’en face, stationne un train qui transporte des pèlerins italiens vers Lourdes. Un voyageur demande aux musiciens de jouer « Les yeux noirs », scellant l’harmonie entre Russes, Français et Italiens. Dans certaines gares, c’est SaintPétersbourg qui est annoncée comme destination de ce NiceMoscou inauguré le 26 septembre. Sans doute la mémoire du légendaire et luxueux Orient Express, qui a relié la capitale de l’Empire russe à la Côte d’Azur entre 1864 et 1914, est-elle encore vive. En fait, la comparaison entre le train des aristocrates de l’époque et sa version moderne ne peut concerner que le tracé. « L’Orient Express était un train touristique, alors que le MoscouNice effectue des trajets réguliers », explique Mikhaïl Akoulov. « C’est une véritable aventure humaine », conclut Frédéric Pardé, chargé de mission à la Direction du développement international de la SNCF. « Et l’on regrette que le voyage finisse si vite ».
À L’AFFICHE DE L’ANNÉE CROISÉE 2010
TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE
www.larussiedaujourdhui.fr DES ESPOIRS INDICIBLES/ JEUNE PHOTOGRAPHIE RUSSE DU 20 OCTOBRE AU 5 DÉCEMBRE, LE CHÂTEAU D’EAU, TOULOUSE
Le Château d’Eau présente un pan de la jeune photographie russe avec le regard puissant et quelque peu désenchanté de quatre artistes sur leur patrie : Alexandre Gronsky, Natacha Pavlovskaïa, Ivan Mikhaïlov et Tim Parchikov. › www.galeriechateaudeau.org
RECETTE
Dans le fourre-tout de la villageoise Jennifer Eremeeva
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La « stolovaïa » est au Russe ce que le bistrot du coin est à tout Français qui se respecte. On y sert le déjeuner, qui est le repas principal, toujours composé d’un premier plat (salade ou légumes marinés et soupe généreusement servie dans un grand bol), d’un plat principal de viande et de patates et d’un dessert. Traditionnellement, la stolovaïa est située sur le lieu de travail et sert un déjeuner russe classique à un prix abordable, en emplissant tout l’immeuble d’odeurs de cuisine. À l’époque soviétique, les usines, les entreprises et les ministères étaient situés dans d’immenses bâtiments auto-suffisants, tandis que les petits restaurants étaient très rares. C’est pourquoi la stolovaïa était la seule option pour le repas de midi. Quand je suis arrivée en Russie, j’ai d’abord travaillé dans le centre de la capitale, au cœur d’un labyrinthe de réserves en sous-sol. Malgré la nature composite de l’immeuble, tous ses occupants avaient droit à un déjeuner comportant trois plats, pourvus par Svetlana Vladislavovna, une femme grassouillette avec une moustache vigoureuse et des dents en
or, opérant dans un espace aussi vaste qu’elle, équipé d’une plaque de gaz et d’un évier, rien de plus. Néanmoins, ses soupes étaient légendaires. Aucun de nous n’aurait manqué le déjeuner, surtout le vendredi, pour la solianka au poisson de Svetlana. C’est la bouillabaisse slave, composée de toutes sortes de salaisons hivernales, avec poisson, bouillon de tomates aux olives, cornichons, rondelles de citron et champignons. L’origine du mot « solianka » ne fait pas l’unanimité. La plupart des gens la situent dans le mot « salé » (« sol » en russe). D’autres suggèrent que « solianka » vient de « selo », le village. Comme pour toutes les soupes russes, la recette n’est pas gravée dans la pierre, mais chaque village et chaque Svetlana Vladislavovna a la sienne. La solianka peut aussi être cuisinée à la viande (saucisse, jambon ou bœuf, avec des champignons marinés). Les cornichons au sel, olives et citron donnent à la soupe son goût singulier, acidulé et un peu aigre. Le reste est à la discrétion du cuisinier. C’est peutêtre pour cela que le nom officiel du plat, « sbornaïa solianka » ou soupe composée, signifie aussi, dans le langage russe, méli-mélo ou pot-pourri.
FOTOIMEDIA
Ingrédients :
• 1 000 ml de bouillon de poisson • 1 feuille de laurier • 450 g de poisson blanc (morue) en cubes • 3 gros cornichons malossols • 15-20 olives vertes • 20-30 câpres • 2 tomates entières, pelées et coupées en dés • 1 c. à soupe de concentré de tomate • 100 ml de vin blanc • ½ gros oignon jaune, finement coupé • 3 têtes d’ail, écrasées et hachées avec du sel • Gros sel et poivre noir moulu • 1 c. à soupe de paprika • 4 c. à soupe de saumure de malossols • Huile d’olive • ½ citron en rondelles très fines • Aneth et ciboulette hachée NB: Svetlana Vladislavovna préférait le beurre à l’huile d’olive, et l’utilisait en grande quantité, ainsi que le lard, qui donnait cette fine couche de graisse à la soupe. J’ai décidé d’alléger la recette, mais si vous voulez un bouillon plus
riche, remplacez l’huile d’olive par deux bonnes cuillerées de beurre.
Préparation :
Huilez une grosse marmite à soupe et chauffez jusqu’à ce que l’huile grésille. Faites revenir les oignons et l’ail jusqu’à ce qu’ils soient tendres et translucides. Ajoutez le vin. Baissez le feu et laissez les légumes absorber complètement le vin. Ajoutez le concentré de tomates et mélangez jusqu’à absorption totale. Ajoutez le bouillon de poisson, le paprika, la feuille de laurier et les tomates, et laissez cuire. Quand le mélange est en état d’ébullition, ajoutez les cornichons et les câpres. Faites cuire à feu doux pendant dix minutes. Réduisez le feu et ajoutez le poisson, laissez cuire cinq minutes. Enlevez la feuille de laurier et ajoutez les olives et la saumure des malossols. Ajoutez sel, poivre et paprika, les rondelles de citron, l’aneth et la ciboulette. Autres recettes sur larussiedaujourdhui.fr
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Julia Golikova golikova@rg.ru Tél.: +7 (495) 775 3114