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Découvrez les accents français de Moscou La capitale russe a emprunté de grands noms à la France. Itinéraire des lieux témoins. P. 8
« Nouveau Drame » au théâtre Un nouveau courant dramatique russe insuffle une vague de réalisme radical.
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
P. 7 CDR.THEATRE.RU
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 16 mars 2011
Commerce La surpêche et le braconnage avaient conduit à l’interdiction des exportations vers l’Europe
Le caviar noir revient de loin La production croissante de caviar d’esturgeon provenant de fermes piscicoles réduit le risque d’extinction. Le caviar russe s’exporte à nouveau, mais au compte-gouttes.
GETTY IMAGES/FOTOBANK
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
SUITE EN PAGE 4
L’esturgeon de la mer Caspienne et de la mer d’Azov fut à une époque récente la principale source de caviar noir sur le marché mondial.
PHOTO DU MOIS
La conquête passe par les alliances
Le nouveau visage de la Russie
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Pour bénéficier d’une réduction des taxes d’importation, les constructeurs étrangers devront désormais produire, en Russie même, au moins 300 000 véhicules par an. Le Kremlin veut
les voir localiser au maximum leur production pour protéger l’emploi en Russie et favoriser le transfert de technologies vers les constructeurs domestiques. Du coup, les alliances entre constructeurs se multiplient. Volkswagen et Skoda viennent de s’allier fin février avec le constructeur russe GAZ pour lancer une grande offensive contre le leader incontesté, l’alliance Renault-Nissan- AvtoVaz. Ce dernier, fort de ses deux partenaires occidentaux, a conçu un plan extrêmement ambitieux
selon lequel la triple alliance représenterait jusqu’à 47% du marché russe en 2020. Un document confidentiel adressé au ministère du Développement économique par AvtoVaz, et révélé par le quotidien Vedomosti, indique que l’alliance compte produire 1,88 millions de véhicules par an en 2020, dont près de la moitié sous les marques Nissan et Renault. Le japonais décuplerait quasiment sa production (400 000 véhicules par an contre 50 000 aujourd’hui) et la firme au losange, 445 000, soit une part de 11,2% du marché russe… le double de sa part actuelle ! Aucun des trois partenaires n’a accepté de commenter ce document. ENTRETIEN AVEC RENAULT EN PAGE 5
Les Russes ont une nouvelle « reine » en la personne de la Moscovite Natalya Gantimurova, 19 ans, élue « Miss Russie 2011 ».
La police remplace la milice
Marquées au fer rouge
Pub : la déferlante
Le Kremlin rebaptise les forces de l’ordre et promeut une nouvelle loi pour lutter contre la corruption qui ronge les rangs de la police.
Les veuves de rebelles indépendantistes du Caucase Nord se plaignent d’être mises au ban de la société. Leur situation empire alors que les attentats suicides se poursuivent jusque dans la capitale russe.
La publicité est devenue à ce point envahissante à Moscou qu’elle en recouvre des façades historiques et fait de l’ombre aux habitants. Le nouveau maire met le holà.
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LIBRE DE DROIT
OPINIONS
Remercier au lieu de punir l’opposition L’éditorialiste Maxim Troudolioubov critique le raidissement du pouvoir qui, dans son élan modernisateur, serait mieux inspiré d’utiliser l’énergie réformatrice des opposants.
Gorbatchev, l’éternel incompris ITAR-TASS
PAUL DUVERNET
Gagarine 50 ans après
RDA/VOSTOCK-PHOTO
Automobile Le marché russe aiguise les appétits étrangers
La forte reprise du marché automobile russe (+30% en 2010) stimule les ambitions des constructeurs étrangers, pour lesquels Moscou place la barre d’entrée de plus en plus haut.
larussiedaujourdhui.fr
Le 12 avril 1961, Youri Gagarine, ancien commandant de l’Armée de l’air soviétique, devenait le premier homme de l’Histoire à effectuer un vol habité dans l’espace. Nommé « premier citoyen de l’univers », le héros était un outil de propagande trop précieux pour qu’on prenne le risque de le perdre dans un accident aérien. Le destin allait en décider autrement. Sous-directeur du Centre d’entraînement des cosmonautes de 1963 à 1968, Gagarine avait demandé et obtenu sa réintégration dans l’équipe soviétique d’alunissage. Le 27 mars 1968, il allait trouver la mort à bord de son avion s’écrasant au cours d’une mission d’entraînement.
VLADIMIR ROUVINSKY
On peut de nouveau acheter légalement du caviar noir dans les magasins russes. Et l’exportation vers l’Europe, interdite depuis 2002, tout comme la pêche à l’esturgeon pour protéger l’espèce, est levée tout en restant très réglementée. Les particuliers n’y sont pas autorisés : « C’est de la contrebande », avertit un officier des douanes à l’aéroport moscovite Cheremetievo ; un délit passible de peines allant jusqu’à six ans de prison. Après la disparition de l’URSS, le commerce du caviar était devenu l’apanage des braconniers sur tout le pourtour de la mer Caspienne, région qui alimentait le marché mondial. Conséquence directe : en 2010, la population d’esturgeons était tombée à un quart de son niveau de la fin des années 1980, selon les statistiques de l’organisation écologique World Wild Fund.
SUR NOTRE SITE
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PAGE 8 PHOTOXPRESS
L’interprète du dernier président soviétique revient sur un phénomène qui le désole mais qu’il comprend : la rancune des Russes envers l’homme qui les a libérés du joug totalitaire. PAGE 6
ALEXEY MAISHEV
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Politique & Société
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Sécurité Une nouvelle loi (et un nouveau nom) pour lutter contre la corruption
Adieu la milice, bonjour la police et vive la réforme ! Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr/ 11901.html
ELLE L’A DIT
Navi Pillay LE HAUT COMMISSAIRE DE L’ONU AUX DROITS DE L’HOMME
''
J’approuve vivement cette loi qui répond aux normes internationales. Je me réjouis également du fait que le gouvernement russe […] ait pris en compte l’avis de la société civile lors de son élaboration ».
RUSLAN SUKHUSHIN
Kuzminov et Menchenin considèrent leur travail comme un sacerdoce : témoin leur rémunération...
La nouvelle « Loi sur la police », entrée en vigueur le 1er mars, prévoit une hausse des rémunérations pour enrayer la corruption et regagner la confiance de la population. ARTEM ZAGORODNOV
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le policier Mikhaïl Menchenin tente de maîtriser une retraitée âgée de 86 ans qui se débat. Avec son partenaire, il a été appelé par Ludmila, une assistante sociale que la vieille dame aurait agressée. « Elle est devenue complètement dingue », s’écrie Ludmila entre deux sanglots. Dans le véhicule de police, une fois le calme revenu, le brigadier Menchenin se réjouit de ce que la vieille dame n’ait pas eu de canne. « Des instruments pareils peuvent rendre les personnes dangereuses », affirme-t-il. Les agents Alexander Kuzminov, 23 ans, et
Menchenin, 25 ans, patrouillent dans un quartier du sud-ouest de Moscou. Ils parlent de leur travail comme d’un sacerdoce mais, en tant que membres de la milice (nom donné à la police par les autorités soviétiques pour la distinguer de la police du Tsar), ils appartiennent à une institution que tous considèrent comme profondément corrompue. « J’aime mon boulot. Je fais le bien », assure Menchenin. « C’est dur psychologiquement, mais nous sommes récompensés. Le salaire n’est peut-être pas extraordinaire, mais on reçoit des primes. En donnant le meilleur de soi-même, on peut s’en sortir ». Menchenin gagne 25 000 roubles par mois, soit environ 635 euros, une somme misérable pour un homme marié et père d’un garçon de deux ans dans l’une des villes les plus chères du monde.
EN CHIFFRES
840
euros : c’est le montant du salaire mensuel qu’un lieutenant de la police russe devrait percevoir une fois la réforme totalement mise en œuvre.
10%
des citadins russes seulement ont confiance en la police, selon un sondage du centre Levada.
60%
des citoyens russes se déclarent insatisfaits du travail de la police, indique le même sondage.
Les salaires médiocres et le manque d’avantages sociaux poussent la plupart des policiers à accepter les pots-de-vin qu’on leur propose (ou que certains demandent), et la corruption a sérieusement entaché la réputation des forces de l’ordre. Les Russes sont amers envers leur police. En cause : les extorsions dont ils sont l’objet quand ils sont contrôlés pour des infractions mineures au code de la route. « Qu’est-ce que vous attendez de nous avec les salaires qu’on gagne ? », demande Alexeï, lieutenant de police sur un autre territoire. « Les bons policiers n’encaissent des potsde-vin que pour des trucs mineurs. Vous savez, quelques roubles pris à un sans-papier, c’est juste histoire de joindre les deux bouts à la fin du mois ». Des réductions de personnel et des augmentations de salaire ont été annoncées tandis que le projet de « Loi sur la police » était mis en ligne sur la Toile pour être soumis à une discussion publique. Pour gagner la confiance de la population, Medvedev a proposé et obtenu la réintégration du nom de « police ». Le texte définitif de la loi reprend aussi des suggestions émises par des internautes. La compétence d’un policier sera désormais limitée à son périmètre d’intervention, les personnes appréhendées auront droit à un appel téléphonique gratuit après leur arrestation et pourront garder le silence pour ne pas s’incriminer. Dans le même temps, les forces de l’ordre voient certaines de leurs prérogatives élargies : elles peuvent désormais accéder aux comptes des entreprises dans des affaires d’évasion fiscale et pénétrer chez des particuliers sans leur accord si les circonstances, terroristes ou autres, l’exigent. Medvedev a également proposé des augmentations substantielles des rémunérations pour lutter contre la tentation des pots-de-vin. La loi est applicable depuis le 1er mars. Certains législateurs restent sceptiques tant en ce qui concerne son efficacité face à la corruption que son effet sur le mécontentement populaire à l’égard de la police. « À la place d’une nouvelle force de police, nous aurons la même milice avec un autre nom », a déclaré à La Russie d’Aujoud’hui Guennadi Goudkov, le vice-président du Comité de Sécurité à la Douma (la Chambre basse du Parlement) et membre de Juste Russie, un parti d’opposition. Goudkov a aussi accusé le parti Russie unie, pro-kremlin, de bloquer toute tentative de mettre la police en quelque sorte « sous tutelle » : « Nous avions proposé un contrôle public plus conséquent via des organisations de terrain. Nos propositions ont été rejetées ».
EN BREF SPORT LES JEUX OLYMPIQUES DE SOTCHI ONT TROUVÉ LEURS MASCOTTES
RIA NOVOSTI
Les JO d’hiver 2014 auront trois mascottes : un ours blanc, un lièvre et un léopard. C’est la décision prise fin février par le jury du scrutin organisé en direct sur la première chaîne de télévision. Plus d’un million de Russes ont voté par sms et chaque mascotte a été soutenue par une personnalité russe au cours de l’émission. Seul Ded Moroz, le Père Noël russe, s’est retiré de la compétition, préférant rester le symbole d’une tout autre fête. Les Jeux Paralympiques auront
deux logos, un rayon de soleil et un flocon de neige, choisis par des champions paralympiques. Les auteurs des idées retenues ont reçu une invitation à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques. Le léopard a été proposé par un habitant de Nakhodka (extrême-orient russe), l’ours blanc par un résident de Sotchi et le lièvre par un habitant de Tchouvachie (centre). Les logos des Jeux Paralympiques ont été proposés par un Moscovite et un Pétersbourgeois.
ÉDUCATION UNE UNIVERSITÉ RUSSE PARMI LES MEILLEURES DU MONDE
LORI/LEGION MEDIA
L’Université d’État de Moscou, connue sous le nom de MGU, vient pour la première fois de faire son apparition dans le classement mondial des universités dressé par l’hebdomadaire British Weekly’s. Ce palmarès de référence des 200 premières institutions de la planète, établi à partir d’un sondage réalisé auprès de 13 000 universitaires du monde entier, n’avait inclus aucun établissement supérieur russe l’an dernier. MGU se classe cette année au 33ème rang
d’une liste illustrant l’hégémonie des établissements américains, qui occupent 45 places du classement, dont 7 des 10 premières. Cette domination serait due à la fuite des cerveaux vers l’Amérique depuis la Russie comme depuis l’Europe, estime Alexeï Fedorov, vice-président d’un fonds de soutien à la formation. Le recteur de MGU, Victor Sadovnichii, a quant à lui salué la reconnaissance que les « professionnels de la sphère académique mondiale » ont accordée à son université.
SANTÉ TESTS OBLIGATOIRES POUR DÉPISTER LA DROGUE À L’ÉCOLE
LU DANS LA PRESSE MEDVEDEV ET POUTINE ENTRENT EN CAMPAGNE La saison électorale a débuté en Russie : d’abord les législatives fin 2011, puis les présidentielles début 2012. Le Président Medvedev invoque une figure tutélaire parmi les tsars (Alexandre II) pour appuyer sa volonté de modernisation tous azimuts. Le premier ministre Poutine opte, lui, pour une position plus conservatrice : mettre de l’ordre dans les rangs du parti au pouvoir.
Préparé par Veronika Dorman
COMME UN TSAR
TROIS ANS EN TANDEM
FISC ET TRANSPARENCE
VEDOMOSTI
VLAST
MOSKOVSKI KOMSOMOLETS
La participation et le discours de Medvedev à la célébration des 150 ans de l’abolition du servage signalent que le président ne partage pas l’idéologie de la « modernisation conservatrice » des idéologues du parti au pouvoir. Si Medvedev partage réellement les principes réformateurs d’Alexandre II, les grands changements sont pour bientôt. Medvedev et son entourage vont devoir lutter fermement contre la féodalité archaïque qui a ressurgi ces derniers temps : relations vassalisées entre fonctionnaires, pots-devin, népotisme. Il va lui falloir nettoyer en profondeur l’appareil d’État des bureaucrates loyaux mais inutiles, reçus en héritage de son prédécesseur.
L’élection, il y a trois ans, de Dmitri Medvedev, a fait naître dans une partie de la société russe des espoirs flous et incompréhensibles, du point de vue du bon sens, quant à une évolution future du cours politique. Trois ans plus tard, ces espoirs non réalisés ont cédé la place au sentiment encore plus confus d’avoir perdu le principal acquis des années Poutine : la stabilité. Tant parmi les simples citoyens que chez les dirigeants. Lassée de miser sur deux chevaux, l’élite est impatiente de voir le tandem décider enfin qui sera le chef pour les six années à venir. Les citoyens ordinaires réalisent, eux, combien la stabilité est fragile au vu des révolutions qui secouent le monde arabe.
« Nous avons besoin de gens honnêtes et professionnels », a déclaré Poutine en parlant des candidats aux législatives du parti Russie unie. Il veut les obliger à déclarer non seulement leurs revenus mais aussi leurs dépenses. Aucun doute que les membres de Russie unie renseigneront les citoyens sur leurs dépenses. Mais si les déclarations des revenus seront obligatoirement contrôlées, comme la loi le stipule, aucune vérification des dépenses n’est prévue par la loi. Du coup, les déclarations sur l’achat de cuvettes de WC en or massif et de baignoires en diamant ne se feront qu’en vertu de la bonne foi des membres du parti. La question est de savoir s’il y aura beaucoup de volontaires.
La rédaction
Dmitri Kamychev
La rédaction
REUTERS/VOSTOCK-PHOTO
Dès la rentrée prochaine, les lycéens et collégiens russes seront soumis à un dépistage toxicologique intégré à leur visite médicale annuelle. La mesure a déclenché une polémique qui porte notamment sur le caractère obligatoire ou facultatif de ces dépistages. Les modalités du test restent floues, mais il devrait être couplé aux analyses de sang lors de l’examen médical. Un écolier pourra toujours refuser le prélèvement sanguin mais sera
alors soumis à un contrôle spécial, selon la logique qu’un refus est souvent un aveu de consommation. L’objectif de la mesure est de dépister au plus tôt d’éventuelles dépendances pour mieux les traiter. Les autorités sanitaires comptent aussi sur son effet dissuasif chez les jeunes. Et l’enjeu est capital : la consommation de drogue concerne 5 millions de personnes en Russie, dont une sur cinq a entre 11 et 24 ans, et elle cause chaque année 100 000 décès.
Politique & Société
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CES SACRÉS RUSSES
Attentats Les veuves de rebelles indépendantistes souffrent d’être stigmatisées
L’hôpital ou la vertu
Marquées au fer rouge du soupçon terroriste C
REUTERS/VOSTOCK-PHOTO
Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr/ 11932.html
En 2010, le Daghestan détenait le triste record des attentats terroristes : 68 personnes ont été tuées et 195 blessées dans 112 attaques.
dans la dentelle en publiant les photos de 22 « veuves noires », réelles ou potentielles, et des informations personnelles les concernant, comme leur lieu de résidence. La photo de Zaira y figurait. « C’est scandaleux de m’avoir incluse dans cette liste ! », s’insurge la jeune femme. « Si j’avais voulu commettre un attentat terroriste, je ne vivrais pas au su de tous dans la capitale du Daghestan. Je n’aurais pas envoyé mon fils à l’école ». Durant les dix dernières années, les services de sécurité russes ont eu tendance à cataloguer comme suspects terroristes tous les musulmans fondamentalistes. Pour réprimer les violentes insurrections, les forces de l’ordre utilisent parfois des tactiques brutales régulièrement dénoncées par les défenseurs des droits de l’homme. «Votre maison est mise à feu, et vous « disparaissez » avec votre famille », raconte Tatiana Lokchina, de l’ONG Human Rights Watch à Moscou. « Ces méthodes brutales et l’absence de liberté d’opinion et de liberté de culte poussent les jeunes vers la clandestinité ». Lokchina explique que lorsque la police a communiqué au journal la liste des dites « veuves noires », personne ne s’est soucié des droits de ces femmes, ni des conséquences qu’un tel étiquetage aurait sur leur vie. Ce n’était qu’une tactique destructrice de plus dans un sale conflit. En 2010, le Daghestan avait le
ANNA NEMTSOVA
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Zaira a récemment accouché d’un garçon. Mais hormis ses proches, les gens ne voient en elle qu’une tueuse potentielle et non une mère. La dernière fois qu’elle est allée faire des courses, racontet-elle, des gens l’ont montrée du doigt en lançant : «Voici venir la martyre ». La jeune femme avoue qu’elle préfère rester chez elle, plutôt que d’affronter les regards accusateurs des inconnus dans cette région largement musulmane de la Russie méridionale. Le cauchemar dans lequel est plongée Zaira a commencé au printemps 2010, quand deux femmes, également originaires du Daghestan, se sont fait exploser dans le métro de Moscou, tuant 40 personnes et en blessant plus de 100 autres. Leur principal point commun avec Zaira ? Elles sont toutes trois des « veuves noires ». Leurs époux ont été tués en combattant les forces russes dans le Caucase du Nord. Parmi les kamikazes qui ont attaqué Moscou ces dernières années, figurent nombre de ces « veuves noires », ainsi que les médias russes les ont baptisées. Après l’attaque du métro, le quotidien populaire Komsomolskaya Pravda n’a pas fait
ENTRETIEN AVEC L’ENVOYÉ DU KREMLIN
Comment sauver le Caucase ?
KOMMERSANT
Associées aux « veuves noires » après les attentats suicides à Moscou l’an dernier, les musulmanes russes subissent une énorme pression sociale.
Alexandre Khloponine, le représentant du gouvernement fédéral dans le Caucase du Nord. Suffit-il de résoudre les problèmes économiques pour mettre fin au terrorisme dans le Caucase ? Personne ne peut gagner cette guerre tant qu’elle sévit au MoyenOrient. Le terrorisme auquel nous avons affaire n’est pas un phénomène russe, mais une menace internationale. Les terroristes caucasiens sont soutenus par les pays en guerre du Moyen-Orient. Quelles sont vos priorités ? La lutte antiterroriste. Nous continuerons à détruire les nids de la guérilla, les personnes et les organisations qui les financent. Notre troi-
sième but est de combattre la corruption, évidemment. Enfin, c’est essentiel pour progresser, nous allons créer des emplois. De l’emploi dans quels secteurs ? Nous allons créer 200 000 postes dans le tourisme, la construction, l’agriculture et l’énergie. En ce moment, nous élaborons des projets d’investissements agricoles importants qui nous permettront d’acheter les produits des fermiers indépendants et de les raffiner. Pour soutenir le développement de nos domaines stratégiques, nous allons créer des centres logistiques, des parcs industriels. Quelle est votre date butoir ? Nous projetons de créer 400 000 emplois d’ici à 2025. Je sais que ça paraît ambitieux, mais nous sommes déterminés à faire de notre mieux et à y parvenir. 30% des investissements viendront du privé, contre 70% de l’ État.
triste privilège de compter le plus grand nombre de victimes d’actes terroristes : 68 personnes tuées et 195 blessées dans 112 attentats, dont cinq commis par des kamikazes. L’organisation Human Rights Watch y a enregistré 20 enlèvements et huit assassinats de fondamentalistes musulmans par la police, au deuxième semestre 2010.
Guennady Goudkov, le président du Comité de la sécurité de la Douma, estime que les législateurs ont besoin de nouveaux pouvoirs politiques pour superviser la lutte anti-terroriste des services de sécurité. « Nous, les députés, n’avons pas le droit d’enquêter sur le travail du Comité, leurs méthodes sont classées ‘top secret’ », regrette-t-il.
Anniversaire À 80 ans, Gorbatchev reste politiquement engagé
Retour sous les projecteurs Le dernier président de l’URSS profite de l’attention médiatique pour envoyer des piques à ses successeurs. VERONIKA DORMAN
Mikhaïl Gorbatchev, toujours mal aimé de ses compatriotes, ne fait plus la une des journaux depuis des années, alors qu’il fut jadis l’« Homme de la décennie » et de toutes les couvertures de magazine du monde pour avoir fait s’enrayer la machine totalitaire soviétique. Mais voilà qu’à la veille de son 80e anniversaire, les journalistes se sont souvenus de lui. Ils brûlaient de lui poser des questions d’actualité, alors que l’ancien secrétaire général avait choisi en préambule de parler de son
AFP/EASTNEWS
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Gorbatchev persiste à lancer des piques contre le pouvoir actuel.
enfance et de son passé de komsomol (jeunesse communiste). « Les droits de l’homme en Russie ? Il y a des droits, mais il y a des problèmes. C’est un indicateur de l’état de notre démocratie. Nous n’avons parcouru que
la moitié du chemin. Nous avons tout : un parlement, des tribunaux, un président, un premier ministre. Mais ce sont des imitations. Pas de travail efficace ». Abandonné sur le bord de la route dans un pays qu’il a largement
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contribué à libérer, Mikhaïl Gorbatchev critique sévèrement le tandem dirigeant et son parti. « Au parlement, le parti Russie unie s’est emparé du pouvoir. Mais le monopole empêche les processus démocratiques de se développer. Russie unie me rappelle une mauvaise copie du PCUS ». Quid des élections de 2012 ? « Je n’aime pas ce qu’ils font. Ce n’est pas l’affaire de Poutine, mais celle de la nation et des électeurs. Ce sont eux qui décideront. C’est manquer de modestie que de répondre comme Poutine : ‘‘ Nous déciderons tout avec Dmitri Medvedev ’’ Quelle incroyable suffisance ! ». Pour ce qui est de Lénine, dont la dépouille embaumée, exposée au Mausolée, est l’un des derniers grands symboles de l’époque soviétique, Gorbatchev est catégorique. « Il faut l’inhumer. C’était son désir, il est temps de faire ses adieux à ce grand homme. Mais pas maintenant. Cela ne ferait que diviser le pays ».
François Perreault
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
’est arrivé sournoisement, par une belle journée de printemps, quand la neige commence à fondre et les glaçons coulent comme la sève. JeanPierre se baladait en sifflotant, lorsqu’un bruit sourd l’a fait s’immobiliser. Quelques secondes plus tard, notre ami gisait sur le trottoir ; un pain de glace d’une bonne taille avait glissé du toit, heurtant l’animal en pleine tronche. Rassurez-vous : il ne s’agit que d’une légère commotion cérébrale – l’ouverture sanguinolente de huit centimètres n’a touché que le cuir chevelu. Rien de grave, mais le camarade a été bien secoué. En rouvrant les yeux, il aperçoit un décor blafard dans les teintes de jaune pipi, et une forte odeur de camphre titille ses narines. Quelques grognements, à sa gauche, lui font péniblement tourner la tête : une dizaine de personnes sont alitées autour de lui dans une pièce défraîchie. Jean-Pierre doit se rendre à l’évidence : il a été hospitalisé à la clinique numéro 1038, dans un quartier excentré de la capitale. Dans la chambre, c’est un peu le souk. Tous les patients ont visiblement des visiteurs, qui semblent installés comme s’ils y campaient pour la nuit. À droite, une jeune femme malade est prise en charge par sa grand-mère, laquelle fait des décoctions étranges sur un réchaud de fortune. À gau-
che, un homme alité est soigné par sa femme, qui prépare des montagnes de petits sandwichs au saucisson que le grabataire avale goulûment au rythme de leur fabrication. Quelques heures passent avant la tournée du médecin. « Tout va bien », assure ce dernier, quelques jours de repos, et les points de suture seront fixés, Jean-Pierre aura son congé. Les soins sont gratuits, mais si notre ami veut une chambre individuelle, on peut s’arranger, fait le toubib avec un air entendu. L’infirmière qui prend le relais s’inquiète : « Y a-t-il des proches qui pourraient vous apporter de la nourriture » ? À la vue de l’horrible brouet tiède à base de beurre et de gruau offert par l’établissement, JeanPierre comprend la teneur de l’appréhension. Heureusement, la femme du voisin l’a pris en pitié, et le nourrit à grandes doses de saucisson. Petit joueur, notre ami n’a pas tenu longtemps à ce régime. Inquiet pour la qualité des soins, il a préféré se faire transférer dans une clinique privée « internationale », grâce aux bons et loyaux services de son assurance. Pour mille euros par nuit, il a droit à une chambre individuelle jaune pipi qui sent le camphre, et au même gruau – mais plus chaud. Quant aux soins, ce sont les mêmes, assurés par un docteur soi-disant polyglotte qui maîtrise le russe et l’ukrainien. Décidément, Jean-Pierre aurait dû faire confiance à la médecine russe, et aux bonnes tisanes de la gentille grand-mère d’à côté. François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.
CES SACRÉS FRANÇAIS
Tandis que j’agonise... Natalia Gevorkyan
J
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
e ne tombe pas souvent malade, mais si cela se produit, c’est direct à l’hôpital. À Moscou, j’appelle mes amis médecins. Mais à Paris, je n’en connais pas. Et voilà que la douleur, apparue brusquement, devient insoutenable. Je compose le numéro des urgences. - Comment ça ? Vous allez conduire vous-même jusqu’à l’hôpital ? - Exact. Je prends ma bagnole. Donnez-moi juste l’adresse. L’homme au bout du fil marque une pause, espérant que je changerai d’avis. Il comptait envoyer une ambulance. Mais je souffre tellement que je veux me mettre en route immédiatement, pour ne pas avoir à attendre une minute de plus. - Les femmes russes sont capables de beaucoup plus encore - je ne pouvais pas trouver plus idiot comme explication. J’y étais en dix minutes, puis j’ai attendu trois heures, puis les médecins ont trimbalé mon pauvre corps d’appareil en appareil, tentant de comprendre. Ils essayaient vraiment, mais en vain. Ils m’ont donné un sédatif et m’ont renvoyée chez moi. La douleur se calmait, je retrouvais ma bonne humeur, en attendant avec anxiété la facture. Je n’en ai pas cru mes yeux ! La somme était insignifiante. Médecine socialiste, a rigolé un de mes amis. Mais le pire, c’est que mes malheurs surviennent toujours pendant les vacances. Une autre fois, j’ai senti tout à coup que j’allais mourir, là, tout de suite. Mon cœur tambourinait, mes
mains tremblaient, sueurs froides. Rassemblant mes dernières forces, je rampe jusqu’à la porte d’entrée. Mon concierge passait justement pour me poser une question. En me voyant, il a sorti son portable pour appeler les pompiers. J’ai protesté mais il était inflexible. Les pompiers sont arrivés au bout de quelques minutes. Cinq magnifiques gaillards m’ont immédiatement mise sous oxygène, pris mon pouls, allongée sur le canapé et commencé à me poser toutes sortes de questions. J’ai fait signe vers les chaises et fauteuils, mais ils m’ont expliqué qu’ils ne devaient pas s’asseoir en mission. Toutes mes tentatives d’offrir un café à mes sauveteurs sont restées sans succès. Quand j’ai raconté que mon père était mort d’un infarctus, ils ont cessé de réfléchir et ont appelé les urgences. Cinq belles jeunes femmes ont débarqué cinq minutes plus tard. J’ai été branchée à un cardiographe, en même temps on mesurait ma tension, auscultait mes poumons, tenant la main sur mon pouls… Tandis que j’agonisais, j’observais ces cinq beaux mecs et ces cinq jolies filles. Un vrai plaisir. Ils échangeaient aussi des regards, sans oublier leur travail. Quelle belle compagnie, si seulement mon cœur ne menaçait pas de sortir de ma poitrine. Finalement, il s’agissait juste d’une crise de panique. Ils m’ont enroulée dans un plaid, m’ont fait boire une infusion, prendre des calmants et, quand mon pouls s’est normalisé, sont partis, tous ensemble. En ayant eu le temps, j’espère, d’échanger leurs numéros de téléphone. Natalia Gevorkyan est correspondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.
Économie
Le discret retour du caviar noir sur les tables SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
En 2010, la Russie avait déjà autorisé la reprise des exportations de caviar noir vers les États-Unis, avant de lever en févirer dernier l’interdiction qui frappait celles vers l’Europe depuis neuf ans. Mais seule la vente du caviar provenant de fermes piscicoles, dont le nombre est en constante augmentation, est aujourd’hui légale en Russie. Ces établissements n’étant pas en mesure de répondre intégralement à la demande, la différence est comblée par la contrebande d’esturgeon sauvage, même si ce dernier est de plus en plus rare dans les rayons. Il n’y a pas si longtemps, la Russie produisait officiellement près de 15 tonnes de caviar noir par an, mais en réalité, elle en vendait jusqu’à 300 tonnes, a indiqué à La Russie d’Aujourd’hui l’expert Roman Andreïev. Les revenus illicites de la vente de ce caviar étaient estimés à environ 730 000 euros. En 2002, la Russie avait mis fin aux exportations de caviar noir, avant d’étendre cette interdiction un an plus tard à la pêche à l’esturgeon. Mais le principal débouché commercial du braconnage restait ouvert : l’ensem-
ble de la marchandise confisquée pouvait être écoulé légalement aux prix de revente au détail. Cette lacune a été refermée en 2007 : le gouvernement a ordonné la destruction de l’intégralité du caviar confisqué aux braconniers. En 2009, la pêche à l’esturgeon en mer Caspienne a été décrétée hors la loi. Résultat : la vente de caviar de contrebande a chuté. L’élevage a progressivement pris la relève du braconnage et la forte croissance de la demande a conduit à la multiplication des fermes piscicoles. Le caviar issu du braconnage bénéficie d’une « protection » de la part des autorités locales, affirme Alexeï Vaïsman de World Wide Fund Russie. Même en comptant les pots-de-vin versés aux fonctionnaires, le coût de production d’un kilo de caviar noir de la Caspienne, selon Roman Andreïev, reste en dessous de 35 euros, alors que sur les marchés il en coûte au moins 1 100. L’expert estime que la production des fermes piscicoles russes, qui avoisinait 2,6 tonnes de caviar noir, aurait aujourd’hui triplé pour se situer entre 6 et 7 tonnes. Dorénavant, Rosrybolovstvo (l’Agence fédérale pour la pêche
ITAR-TASS
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CHIFFRES CLÉS
300
tonnes de caviar noir étaient produites par an en 2007. Mais seulement 15 tonnes l’étaient de manière officielle, tout le reste étant de la contrebande.
1 mld
Un milliard de dollars, c’est ce que représentaient chaque année les revenus illicites générés par la vente de caviar noir produit en Russie.
GETTY IMAGES/FOTOBANK
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Des « pépites » de caviar noir.
Il faut sept ans pour qu’un esturgeon arrive à maturité et ponde les œufs si recherchés.
de la Fédération de Russie) est autorisée à exporter vers l’Europe 150 kilos de caviar noir par an. Un niveau dérisoire quand on sait que l’Union soviétique en fournissait jusqu’à 1 500 tonnes aux pays européens. Moscou mise sur l’élevage d’esturgeons pour reconquérir ses positions perdues. Le prix est une arme : le caviar issu de l’aquaculture russe vaut 730 euros le kilo, environ un tiers de celui de la variété européenne. Même la Chine ne peut s’aligner. Le problème, explique le restaurateur et traiteur Arkady Novikov (Russia Caviar House), c’est que la Russie n’a pas encore signé le document européen réglementant les produits de l’aquaculture : « Faute de cela, pas une seule compagnie russe ne peut fournir de caviar en Europe ». La signature et la conformité aux normes européennes seraient la suite logique à la levée de l’interdiction des exportations.
ITAR-TASS (2)
Portrait L’importateur de McDonald’s en Russie se tourne vers le spectacle vivant
Après 14 ans de lutte pour introduire le fast-food, George Cohon avait ouvert une brèche dans le mur soviétique.
Big Mac ouvre la voie au Cirque du Soleil Les Cohon père et fils ont lancé McDonald’s et Coca-Cola en Russie. Aujourd’hui, le duo monte une entreprise de spectacles à grande échelle. ARTEM ZAGORODNOV
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
En 1976, George Cohon, un Américain président de McDonald’s au Canada, croise une délégation soviétique lors des JO de Montréal. La rencontre inédite va avoir pour conséquence l’introduction des frites en URSS.
Même si Cohon n’avait pas prévu qu’il lui faudrait cajoler pendant 14 ans la sinistre bureaucratie communiste pour ouvrir son premier restaurant. Lors de l’inauguration du premier « McDo » à Moscou, sur la place Pouchkine en 1990, plus de 30 000 personnes sont venues se jeter sur le sandwich « capitaliste ». Aujourd’hui, l’importateur gère 280 restaurants et 25 000 employés dans toute la Russie. Il note fièrement que 80% de la marchandise est produite loca-
lement : « occasionnellement nous exportons des gâteaux vers l’Allemagne ». Son fils Craig était cadre supérieur chez Coca-Cola lorsque la marque a pénétré les nouveaux marchés d’Europe de l’Est, dans les années 1990. Père et fils ont récemment choisi de se tourner vers le divertissement à grande échelle. Leur dernier projet, le spectacle Zarkana du Cirque du Soleil, dont la production a coûté 41 millions d’euros, est une création des plus ambitieuses : « il
PAROLE À L’EXPERT
La solution de l’élevage Alexeï Vaïsman EXPERT DE WWF RUSSIE
Mettre fin à la contrebande du caviar est très difficile car la pratique s’appuie sur une situation économique très problématique. Au Daghestan et en Kalmoukie (les deux principales régions touchées par la contrebande), le taux de chômage est très élevé et la pêche est l’une des ressources principales de la population. Les braconniers vivent chichement, mais peuvent au moins faire vivre leur famille et ils n’ont souvent pas d’autre choix s’ils ne veulent pas se retrouver au chômage.
Favoriser l’élevage d’esturgeons est une solution envisageable, permettant de faire un pas vers la restauration de la population d’esturgeons en conditions naturelles. Dans le commerce, on remplace le caviar issu du braconnage par du caviar d’élevage, et plus les exploitations sont grandes, moins les prix sont élevés, rendant le braconnage moins lucratif. Mais existe aussi le risque, en cas d’inondations par exemple, que les alevins accidentellement libérés menacent les populations naturelles. Les élevages utilisent en effet des formes hybrides qui, si elles se mélangent aux esturgeons sauvages, peuvent détruire les génotypes des variétés indigènes.
Télécoms Les rivaux s’unissent pour le 4G
nous a fallu 14 ans pour importer McDonald’s en Russie, quatre pour organiser la distribution et la production de Coca-Cola et seulement huit mois pour lancer le Cirque du Soleil », explique George Cohon. « Je crois que c’est un bon baromètre de la facilité de faire des affaires ici ». Aujourd’hui, s’entend. Craig Cohon ajoute que la clé du succès en Russie est un trident : un engagement sur le long terme pour de réels retours, l’entretien de relations personnelles, et une gestion locale, de proximité. « C’est un marché de la poignée de main », dit-il. Les Cohon affirment qu’on ne leur a jamais extorqué de potde-vin, pratique dont se plaignent les hommes d’affaires russes comme étrangers. « Peut-être parce que nous n’avons pas dérogé à nos principes essentiels depuis le début », explique Craig. « Nous sommes ici pour le long terme, nous construisons des relations, nous embauchons des locaux, et nous aidons au développement d’autres secteurs, comme l’agriculture ». Dmitri Boutrine, qui dirige la rubrique économique du quotidien Kommersant, confirme : « McDonald’s est une franchise qui vend un modèle financier et logistique en Russie. Elle vend aussi une marque, installée en Russie depuis longtemps. C’est pourquoi ses responsables ne se heurtent pas à la corruption ».
Tous sur la même longueur d’onde Un accord inattendu a été signé le 3 mars par les quatre grands opérateurs de téléphonie mobile russes pour la création et l’usage conjoints d’une infrastructure de quatrième génération. INNA EROKHINA, ALEXANDRE MALAKHOV KOMMERSANT
MTS, Megafon, Vimpelcom et Rostelecom étaient jusqu’ici à couteaux tirés et chacun concevait dans son coin ses stratégies pour créer son réseau 4G. Et voilà que, sans crier gare, ils annoncent le 3 mars, à l’issue d’une signature supervisée par le premier ministre Vladimir Poutine, un accord sans précédent de coopération ! Un opérateur unique, Skartel (marque Yota, spécialisée dans la fourniture d’accès Internet sans fil), réalisera l’infrastructure du réseau 4G et louera ses capacités aux quatre opérateurs déjà cités. Ces derniers ont en outre une option pour devenir copropriétaires de Skartel (à hauteur de 20% chacun) d’ici à 2014. Les 20% d’actions restantes seront conservés par Rostekhnologuii, la holding russe des hautes technologies (qui détient actuellement 25,1% de Skartel). Yota continuera d’offrir ses ser-
Nouveau design du site
vices Internet jusqu’en 2014. Skartel a été créé en 2007 et son principal actionnaire est l’entrepreneur Sergueï Adoniev, avec 74,9% du capital. Yota compte 700 000 abonnés à Moscou, Saint-Pétersbourg, Oufa, Sotchi et Krasnodar. Les opérateurs pourront utiliser l’infrastructure de Skartel, tandis que cette dernière investira dans la construction du réseau. La concurrence entre les opérateurs passe de la lutte pour la fréquence et l’infrastructure à une entente sur la politique tarifaire, le service et l’innovation, selon le PDG de Skartel, Denis Sverdlov. Ce dernier estime aussi que la construction d’une infrastructure commune permettra d’améliorer le rendement des investissements pour la mise en place des réseaux 4G et de réduire substantiellement les frais de fonctionnement. La construction du réseau fédéral 4G se chiffrera autour de 1,43 milliards d’euros. Un montant comparable aux dépenses de MTS et de Vimpelcom pour la mise en place du réseau 3G. Megafon, en revanche, y avait englouti 4 milliards d’euros. Qui fera le plus d’économies cette fois-ci ?
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Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
EN BREF
ENTRETIEN BRUNO ANCELIN
Finance : appel à 19 conseillers étrangers
« AvtoVaz doit rester « leader » en Russie » LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE RENAULT RUSSIE
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Vladimir Poutine vous a proposé de monter jusqu’à 50% du capital d’AvtoVaz. Où en sont les négociations ? Elles se poursuivent. Il y a encore eu une séance la semaine dernière. Nous discutons du planning et du prix. Beaucoup de choses ne sont pas fixées sur les 25% qui nous manquent. Pour l’alliance Renault Nissan, ce qui n’est pas fixé, c’est le pourcentage qui sera acquis par Renault et celui qui reviendra à Nissan. Il est possible que la montée au capital d’AvtoVaz se déroule en plusieurs étapes. Est-ce que vous pensez un jour passer la barre des 10% du marché russe ?
diale : un véhicule de Nissan sur plateforme Logan. Enfin, on aura des véhicules de marque Renault, mais pas avant 2013. Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous vous heurtez avec vos partenaires russes ? Axe très important : l’amélioration des pièces venant des fournisseurs. Nous avons mis en place une équipe mixte Renault/
AvtoVaz qui intervient chez les fournisseurs russes pour améliorer la qualité. C’est un effort qui est fait dans l’ensemble de l’usine et pas seulement sur la nouvelle ligne et la plateforme Logan. Nous ciblons tous les fournisseurs qui interviennent chez AvtoVaz. On entend souvent les pires choses sur les fournisseurs russes, mais je peux vous
dire que nous sommes très confiants parce que la culture technique chez ces fournisseurs est impressionnante. Quel est le taux de localisation à présent ? Sur les Logan et Sandero, nous sommes au dessus de 53% hors mécanique. Notre objectif est l’intégration de 75% d’ici 3 à 4 ans.
Le tableau de bord de la nouvelle alliance
Ventes d’armes : nouveau record
PARTS DE MARCHÉ DES MARQUES DE L’ALLIANCE EN 2011
NIYAZ KARIM
Sciences L’aménagement urbain de la future Silicon Valley russe sera conçu par une filiale de la SNCF
MARIA TCHOBANOV
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
« Aujourd’hui, nous plaçons notre futur entre les mains de la pensée architecturale française. Il lui incombe l’immense responsabilité de concevoir une ville qui aura une grande importance dans l’histoire de la Russie », a déclaré le PDG du fonds Skolkovo Viktor Vekselberg le 2 mars à Paris lors de la présentation du projet. Le même jour, Skolkovo a signé un mémorandum
d’entente avec les français Alstom et EADS, premiers participants d’envergure et dans le même temps créateurs de la future cité des sciences russe. La technopole de Skolkovo, selon la conception qu’en propose AREP, sera composée de petits quartiers piétonniers à l’intérieur de chacun des cinq pôles-villages spécialisés. Le montant du contrat conclu entre AREP et le fonds Skolkovo atteint près de 3 millions d’euros, qui doivent être utilisés d’ici un an. Pour AREP, laboratoire de recherche sur les espaces de la ville en mouvement, ce n’est pas la
SKOLKOVO
Une technopole aux lignes françaises La société AREP a remporté le concours ouvert pour imaginer la cité des sciences de Skolkovo, un projet cher au Kremlin.
Skolkovo alliera le confort citadin à un mode de vie écologique.
Le Président Medvedev a décidé d’asseoir 19 grands noms internationaux de la finance sur les 27 membres du comité des conseillers chargés de faire de Moscou un Centre financier international. L’agence Bloomberg rapporte que plusieurs célébrités de Wall Street comme Jamie Dimon (J.P. Morgan Chase), Vikram Pandit (Citigroup) et Lloyd Blankfein (Goldman Sachs) dispenseront leurs bons conseils au président russe. Ce dernier a fait de la création du Centre financier international l’un de ses principaux objectifs. Parmi les Russes désignés figure le très influent Alexandre Volochine, directeur du « Comité pour le développement des marchés financiers », ainsi que les patrons de grands établissements russes comme Sberbank, VnechTorgBank et Troika Dialog.
première expérience du genre. L’AREP procède à l’aménagement du territoire du centre d’innovation de Saclay près de Paris. En Russie, cette filiale de la SNCF est présente depuis déjà trois ans. Elle avait été chargée du réaménagement de plusieurs gares moscovites. « Nous avons été séduits par l’objectif fixé, explique Jean-Marie Duthilleul, le PDG d’AREP. Créer un lieu idéal, conjuguant en son sein toutes les fonctions de la ville, où simultanément des gens vivent, travaillent, font de la science, étudient et se rencontrent. Le mot clé à nos yeux, c’est la rencontre ».
La Russie a exporté pour 8,6 milliards de dollars d’armements en 2010, a indiqué le monopole d’État RosOboronExport. La Chine reste le principal client de Moscou : 10% des exportations russes. La Russie bat un nouveau record, dépasant de peu son chiffre de 2009 (8,5 milliards de dollars). Le résultat est cependant loin de la barre des 10 milliards de dollars que RosOboronExport voulait franchir en 2010. Au total, le carnet de commande du monopole d’État s’élève à 40 milliards de dollars, mais certains contrats restent en suspens.
ITAR-TASS
EMMANUEL GRYNSZPAN
Il faut être réaliste. À trois, nous avons pour objectif de faire 40% dans notre plan pour 2016. L’an dernier, nous avons fait entre 36 et 37%. Dans les 40%, Renault représentera 8% à la fin du plan. AvtoVaz doit incontestablement rester le leader de notre alliance sur le marché russe. Pour atteindre cet objectif, nous devons augmenter nos capacités de production. À terme, il nous faut 1,6 million de véhicules par an pour l’alliance. Nous ne les avons pas. Nous en sommes actuellement entre 1,1 et 1,3 million. Quels seront les premiers modèles de l’alliance à sortir de l’usine d’AvtoVaz à Toliatti ? Nous allons démarrer la nouvelle ligne de production sur la plateforme Logan comme prévu en février- mars 2012. Les premiers sortiront sous la marque Lada. Il s’agira d’un break et d’un dérivé fourgonnette de ce break. Puis il y aura une première mon-
ITAR-TASS
ÉVOQUE L’AVENIR DU PARTENARIAT Directeur général de Renault Russie depuis octobre 2010, Bruno Ancelin nous livre sa vision de la triple alliance Renault-Nissan-AvtoVaz et affiche des ambitions réalistes.
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AFFAIRES À SUIVRE FORUM ENERGÉTIQUE INTERNATIONAL DE MOSCOU DU 6 AU 9 AVRIL, CEH “ MANÈGE”, MOSCOU
Investissements Le groupe énergétique français place ses pions en Russie
Total dans le capital de Novatek Le second producteur gazier russe s’ouvre enfin à une prise de participation de 12% de la part du géant pétrolier. PAUL DUVERNET
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le PDG de Total, Christophe de Margerie, s’est rendu le 2 mars à Moscou pour rencontrer le président russe Dmitri Medvedev et son premier ministre Vladimir
Poutine. Au terme de leur entrevue, le groupe français a annoncé un investissement de 2,9 millions d’euros pour l’acquisition de 12% de Novatek, assorti d’une option pour monter jusqu’à 19,40% du capital d’ici à trois ans. Il précise avoir payé le prix correspondant à la valorisation du titre Novatek en bourse russe. Selon la banque d’investissement UralSib, Total aurait beneficié
d’un rabais 16% par rapport au cours actuel, un prix toutefois supérieur de 20% à la valeur réelle de l’acquisition, selon l’estimation de la banque. Quels sont les actionnaires de Novatek qui vendent leurs parts à Total ? La question reste ouverte. Le quotidien Vedomosti subodore que le groupe français va prendre petit à petit la place de Gazprom, tandis que d’autres
médias annoncent que Guennadi Timtchenko et Leonid Mikhelson, qui détiennent à eux deux 50,7% de Novatek, vont réduire progressivement leur part. Une chose est sûre : le désir de Total d’étendre ses activités en Russie est assez fort pour surmonter ses revers. Le groupe français avait en 2004 trouvé un accord avec les actionnaires de Novatek pour une prise de par-
ticipation. Las, le service antimonopole avait bloqué la transaction. L’ironie a voulu que ce soit le monopole gazier russe Gazprom qui prenne la part de Novatek que Total convoitait. Christophe de Margerie justifie l’acquisition par les événements du Moyen-Orient qui « ont envoyé un signal à tous les investisseurs que la Russie était sûre ». Total s’engage sur un immense projet, celui de Yamal GNL lancé par Novatek pour l’exploitation de 15 millions de tonnes par an de gaz liquéfié, projet estimé à 30 milliards de dollars.
Ce forum réunit les principaux acteurs du secteur énergétique pour des débats portant sur des problématiques mondiales ou spécifiques à la Russie. Parmi les thèmes abordés : la modernisation de l’industrie gazière et pétrolière russe et la sécurité énergétique mondiale. À découvrir également : les nouveaux projets d’entreprises russes et internationales dans le cadre de l’exposition « Le secteur de l’énergie au XXIe siècle ». › www.mief-tek.com
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STI RIA NOVO
Où en sont les projets spatiaux habités 50 ans après le vol historique de Gagarine ?
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Opinions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
LE RÉGIME DEVRAIT DIRE MERCI À SES OPPOSANTS
C
L
Vedomosti
Interdiction du jasmin en Chine et dispersion des opposants en Russie : la mauvaise réponse politique.
Les révolutions les plus réussies de l’histoire mondiale sont les « révolutions par la négociation » Contrairement à la Chine et à l’Arabie saoudite, l’époque soviétique en Russie a représenté une expérience unique en son genre, accompagnée d’une modernisation partielle, notamment du monde agricole. Nous sommes devenus une société urbanisée, avec un secteur industriel fort, une éducation et des valeurs caractéristiques des pays développés. Mais la modernisation était délibérément partielle. Restent les objectifs clés non réalisés : la construction d’un État moderne, l’allégement de la bureaucratie, le passage d’une « gouvernance par la loi » à la prééminence du droit, l’établissement d’une véritable représentativité. Autant
de tâches faisant appel à la créativité et dont l’exécution repose sur des hommes politiques irréprochables pouvant se prévaloir d’expériences positives, notamment à l’étranger. Il faut du sang neuf pour renouveler cette institution archaïque qui a pour raison d’être le bien de ses fonctionnaires et que l’on appelle « État ». La société russe est prête à se battre pour les valeurs nouvelles qu’elle revendique. Mais il est tout à fait réaliste de penser que cette lutte se fera en douceur. D’ailleurs, les révolutions les plus réussies de l’histoire mondiale sont les « révolutions par la négociation », comme la restauration de Meiji au Japon, les accords passés entre les travailleurs et les syndicats en Suède, la transition démocratique espagnole, la chute de l’apartheid en Afrique du Sud. Révolutions de par leurs conséquences, ces mutations sont le fruit de négociations, non d’une explosion violente. Chacune a progressivement
place aux bOURGEOIS Leonid Radzikhovski
I
Rossiyskaya Gazeta
l n’existe en Russie aucune discrimination d’État envers quelque nation que ce soit. Ces 20 dernières années, c’est-à-dire depuis sa naissance, l’État actuel peut avoir péché dans certains domaines, mais il a été exemplaire sur la question nationale. L’État ne verse pas d’huile sur le brasier des conflits ethniques, mais il tente de les éteindre par la propagande. Bien qu’en Russie l’État soit primordial et l’individu secondaire, cette politique qui se veut rationnelle n’est pas parvenue à soigner la société de ses maux ethniques. La xénophobie se manifeste tous les jours dans les régions dites « russes » envers les Caucasiens et les ressortissants d’Asie centrale. Et dans les républiques, envers les Russes. La Russie, c’est une âme généreuse dans un pays mal dégrossi. Ses habitants, les hommes en tête,
Pavel Palajchenko Spécialement pour La Russie d’Aujourd’hui
Maxim Trudoliubov
es derniers temps, les dirigeants chinois sont passés en mode de gestion de crise : renforcement de la censure sur Internet, interception des informations provenant du monde arabe, retrait de la vidéo de Hu Jintao chantant la chanson traditionnelle chinoise « Le jasmin », et vagues d’arrestations préventives, dont celles de quelques blogueurs chinois populaires. Le roi Abdallah d’Arabie saoudite, depuis plusieurs mois en convalescence à l’étranger, a regagné son royaume et annoncé 36 milliards d’aides sociales pour apaiser les tensions. Le peuple devrait bénéficier de plus de prestations sociales, d’une augmentation des allocations chômage, ainsi que de subventions à l’éducation et au logement. En Russie, évoquant les révoltes dans le monde arabe, le Président Dmitri Medvedev a déclaré qu’ « on nous avait déjà concocté un tel scénario », et que « désormais, plus que jamais, ils essaieront de le mettre en œuvre ». Qui sont « ils » ? Qu’avaient-ils préparé et que vont-ils de nouveau essayer ? La peur est mauvaise conseillère. Qu’il s’agisse de la Chine, de l’Arabie saoudite ou de la Russie, les forces au pouvoir n’ont aucune raison apparente de s’inquiéter. « Il est frappant de voir que le gouvernement chinois, si riche et autoritaire, et qui connaît un succès économique fulgurant, s’abandonne si facilement à la peur », écrit Fei-Ling Wang, professeur en affaires internationales au Georgia Institute of Technology (USA). Un tel comportement peut paraître suspect : les dirigeants en savent-ils plus que nous ? La situation est-elle pire qu’il ne semble ? Les politiques traitent les révolutions de manière hystérique. C’est le principe du « tout ou rien », c’est « eux ou nous ». Pourtant, il serait bien plus productif de se pencher sur les actions à engager pour changer la donne. Ainsi, on verrait qu’il n’est nul besoin d’une nouvelle répartition des rôles et des pouvoirs, mais en revanche d’institutions et de valeurs nouvelles.
Gorbatchev, l’incompris
vivent en moyenne entre 10 et 15 ans de moins qu’en Europe et le taux de meurtres y est plusieurs fois supérieur aux statistiques européennes. Le niveau général de violence, de vulgarité et d’intolérance est très élevé. C’est simple : les gens semblent passer leur temps à se taper dessus. Que peut et doit faire l’État à cet égard ? Respecter ses obligations premières : arrêter et coffrer les auteurs de délits, en dehors de toute considération d’appartenance nationale ou ethnique. Pourtant, « la loi est sacrée, mais ses exécutants sont des vauriens ». La politique d’État est dénuée de la moindre trace de xénophobie. En revanche, la pratique étatico-policière en est imprégnée, dans deux sens différents. On reproche à la police d’être « achetée » par les Caucasiens. D’un autre côté, les Caucasiens euxmêmes, et à plus forte raison les défenseurs des droits de l’homme, accusent cette même police de souvent appliquer la présomp-
tion de culpabilité aux « nationalités suspectes », c’est à dire aux ressortissants du Caucase. C’est également vrai. On aboutit ainsi à « l’égalité nationale » dans la pratique, par le biais de deux inégalités, celle des populations « privilégiées » et celle des populations « collectivement coupables » qui, d’ailleurs, sont souvent une même nation ! Au final, les Russes, les Caucasiens et les autres ethnies se sentent (à juste titre) tous offensés, et la hargne commune se déverse sur la police puis, par conséquent, sur eux-mêmes. Cependant, en évitant de chercher à exacerber une hystérie à deux sous, on peut dire que les citoyens de Russie sont des gens « normaux » que la question nationale n’a nullement obsédés. Rares sont ceux qui, à part les militants du droit national, prétendent que « l’inégalité nationale » empoisonne leur existence. Il y a d’autres inégalités bien plus criantes dans la vie de tous les jours.
conduit à de profonds changements et à la création d’un nouveau pays. Un processus loin de ce que nous avons vécu en 1917, ou de ce que connaît l’ Égypte en ce moment. L’interdiction du jasmin en Chine et la dispersion des manifestants en Russie sont une mauvaise réponse politique qui tend à radicaliser l’opposition. Il faut promouvoir les réseaux sociaux, autoriser le jasmin et le porter à la boutonnière. Il faut permettre à l’opposition de se développer, afin qu’elle devienne une force capable d’œuver pour l’avenir de son pays. Dmitri Medvedev etVladimir Poutine devraient considérer leurs opposants avec gratitude et espoir. Les manifestants devraient avoir accès à tous les grands lieux de rassemblement, car ils incarnent l’aspiration à un avenir meilleur, à une révolution par la négociation, sans mauvaise surprise. Maxim Trudoliubov est éditorialiste de « Vedomosti ».
Quelle est donc l’identité nationale de la « nouvelle Russie » ? La question, finalement, consiste à savoir ce que l’État peut et doit fournir aux Russes. Nombreux sont ceux qui rêvent de privilèges pour les Russes ethniques par rapport aux « non-Russes », citoyens de la Fédération de seconde zone. Il en résulte que la « nation russe » se forge dans la guerre avec les autres ethnies. Et les membres de ces dernières se définissent donc comme « non-Russes » ou « antiRusses ». Cercle vicieux garanti. Quel que soit le côté qui a « tiré le premier », personne ne pourra mettre fin à l’engrenage. C’est le meilleur moyen d’arriver à l’autodestruction de l’ethnie russe. Le multiculturalisme est la seule voie possible. Que peut alors faire l’État pour former une nation russe bourgeoise ? Quelle idée unificatrice proposer ? La Russie doit devenir un pays aisé, non pas pour assouvir ses fantasmes de grande puissance, mais pour le confort et la sécurité de tous ses citoyens. L’ État n’a pas affaire à des ethnies, mais à des individus. Si l’on met en pratique une telle politique, elle soudera la société, Russes et autres ethnies inclus, au sein d’une nation bourgeoise unie.
e monde entier apprécie Gorbatchev mais en Russie, l’homme de la perestroïka reste profondément sous-estimé. Loin d’en vouloir aux gens, l’intéressé explique qu’on peut les comprendre : la transition vers la démocratie s’est avérée une épreuve pénible pour des millions de citoyens russes. Le dernier secrétaire général de l’URSS ne nie pas non plus sa part de responsabilité. Quand il est arrivé au pouvoir, tout le monde voulait des changements, sans réellement savoir de quelle sorte. Les Russes espéraient un « tsar bienveillant ». Toute action énergique du nouveau dirigeant, quelle qu’elle fût, était perçue comme un début de transformation. On ne peut pas dire que Gorbatchev n’ait pas eu le choix. À l’époque, au Parti, l’idéologie en vogue consistait en un alliage de nationalisme russe et de géopolitique impérialiste. Le choix logique aurait été un durcissement conduisant à un régime « à la Ceausescu ». Mais Gorbatchev, avec l’accord d’un politburo conservateur, a fait un choix aux antipodes. Il voulait que la perestroïka, introduite par le haut, éveille un soutien à la base, non pas sous la forme d’une acceptation passive mais par suite d’une émancipation de l’esprit d’initiative de millions de citoyens. Au début, il a cherché à réaliser ce projet dans le cadre du système existant, mais rapidement, il a opté pour la démocratie. Cette idée aussi, il est parvenu à la faire accepter par le politburo, qui avait déjà un peu évolué sans être toutefois prêt aux changements radicaux qu’impliquait une telle réforme. Personne d’ailleurs n’y était prêt. En obtenant de plus en plus de liberté, les citoyens continuaient à compter non sur eux-mêmes mais sur un miracle et un dirigeant énergique. C’est ce qui explique la popularité de Boris Eltsine. Profitant de la zizanie provoquée par les réformes, les dirigeants des républiques ont signé en hâte la dissolution de l’Union Soviétique alors qu’aucune des républiques n’avait eu le temps de former des institutions démocratiques, une société civi-
le ou une économie de marché. Vingt ans plus tard, la désagrégation de l’URSS n’a pas accéléré mais freiné le développement de ces institutions. Pour les exrépubliques satellites de Moscou, l’effondrement soviétique a été remplacé par un réveil national. Rien de tel en Russie, où la chute de l’URSS est ressentie comme une défaite. Le coupable est tout désigné : Gorbatchev. Dans le même temps, les gens jouissent aujourd’hui des droits et libertés obtenus pendant la perestroïka. Les libertés d’entreprendre et de quitter le territoire, de culte, de parole et de rassemblement sont perçues comme allant de soi. On peut s’indigner, comme l’a fait Soljenitsyne, de ce que « tout a été détruit par la glasnost de Gorbatchev ». Soljenitsyne n’est pas le seul à ignorer la contradiction entre les exigences immédiates du début des années 1990 et les reproches
Pour le peuple, les grandes figures sont Ivan le Terrible, Pierre le Grand et Staline, non Alexandre II qui se sont abattus sur Gorbatchev après qu’il a quitté le pouvoir. Et ce départ qui a épargné au pays des bouleversements tragiques est sous-estimé par le peuple et par l’élite, pour qui les grandes figures sont Ivan le Terrible, Pierre le Grand et Staline ; non Alexandre II, qui a libéré les serfs. Il ne convient pas d’accuser le peuple. L’histoire nous a faits tels que nous sommes. La mentalité et les particularités nationales ne changent pas du jour au lendemain. Il faut en être conscient. Le décalage entre l’appréciation de Gorbatchev en Russie et en Occident est un problème, indéniablement. Ce n’est pas un problème Gorbatchev, mais un problème russe. Un rapprochement des points de vue avec le reste du monde serait un grand pas vers l’intégration de la Russie dans la communauté mondiale. La Russie a besoin d’une nouvelle étape sur la route de la vraie démocratie. Pavel Palajchenko est l’interprète personnel de Gorbatchev.
Le courrier des lecteurs, les opinions ou dessins des rubriques “Débats et Opinions” et “Perspectives” publiés dans ce supplément représentent divers points de vue et ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction de La Russie d’Aujourd’hui ou de Rossiyskaya Gazeta. merci d’Envoyer vos commentaires par courriel : redac@Larussiedaujourdhui.fr
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Culture
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Chronique LitTÉraire
Théâtre Un nouveau courant dramatique russe insuffle une vague de réalisme radical
Les planches brûlent sous la glace conservatrice Une lame de fond baptisée « Le Nouveau Drame » a pris position dans plusieurs salles moscovites. Combien de temps les directeurs de grands théâtres vont-ils l’ignorer ? Emmanuel Grynszpan
Alexandra Rebenok et Daniil Vorobiev dans « La vie m’a souri », sur un texte de Pavel Priajko.
un acteur et metteur en scène phare du mouvement. « Les théâtres étouffent sous les textes anciens mais ils nous claquent la porte au nez », s’insurge celui qui a monté Jizn oudalas et Khlam (Bric-à-brac), deux spectacles acclamés. « Contemporain » est un mot qui revient
comme un leitmotiv chez les dramaturges. Une demi-heure après la création de sa pièce Sentiments mêlés le 5 mars dernier, la dramaturge ukrainienne NataliaVorojbit nous donnait sa définition du Nouveau Drame : « Ce sont des gens qui écrivent sur le monde contemporain avec un re-
Daria Ekamasova est une jeune actrice formée à la prestigieuse école du GITIS (diplômée en 2007). Elle partage sa carrière entre le cinéma (9 films) et les planches du Teatr.doc et du Centre des Dramaturges et Régisseurs.
Est-ce que vous vous sentez appartenir au « Nouveau Drame » ? Je suis entrée il n’y a pas si long temps dans le mouvement. Tout a démarré lorsque j’ai tourné dans le film de Boris Khlebnikov Nage libre [tourné en 2005], dont le scénario a été écrit par le Alexan dre Rodionov [qui fait partie du Nouveau Drame, NDLR]. J’y ai trouvé de nouvelles relations, des gens extrêmement talentueux. Je suis très sensible à ce qui se pas se dans le mouvement. En tant qu’actrice, c’est un travail passion nant. Est-il plus intéressant et stimulant de jouer une pièce du
Spectacles Le Moscou City Ballet en apothéose
La danse russe sur toutes les scènes de France Après le Bolchoï de Moscou, le Ballet Théâtre de Saint-Pétersbourg et le Ballet national de Novossibirsk, le Ballet du Kremlin et le Moscou City Ballet font « des pointes » à Paris et en province.
Considérant la danse comme une des grandes richesses du patrimoine artistique russe, Victor Smirnov-Golovanov et sa femme Ludmila Nerubashenko se sont lancés dans l’aventure avec un
Agathe Amzallag
Moscow City Ballet
Spécialement pour la Russie d’aujourd’hui
Le Ballet du Kremlin se produira à la fin du mois sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées avant de passer le relais au Moscow City Ballet dans la capitale, point d’orgue à une tournée dans la France entière. Compagnie privée fondée en 1988 par le chorégraphe russe Viktor SmirnovGolovanov, le Moscow City Ballet comprend 40 artistes formés dans la tradition classique la plus pure et diplômés des meilleures écoles de danse russes. Familière des scènes internationales, la troupe est particulièrement appréciée en Angleterre où elle a assuré plus de 800 spectacles avec le National Ballet Orchestra.
gard et une langue contemporains. Nous n’avons pas peur d’être provocateurs. Notre écriture doit être émotionnelle ». Chose extraordinaire pour un mouvement aussi engagé, les acteurs s’abstiennent de toute emphase. Le reproche qu’on entend souvent au sujet du jeu des ac-
teurs russes est leur inclination à surjouer. Rien de tel ici. Justesse est le maître mot. Aucune trace de cette redondance qui irritait tant Roland Barthes dans le théâtre bourgeois. Ne cherchez pas de politique dans les textes. En dépit du noyau contestataire de ce mouvement, leurs auteurs refusent la confrontation ouverte avec l’ordre établi. « La politique ne m’intéresse pas, je suis une femme » : Natalia Vorojbit botte en touche. Puis, après une pause, elle admet pensivement : « C’est vrai que ce qui se trame en politique est inacceptable. Quelque part je ressens une honte à ne pas écrire sur ce sujet ». Et de conclure : « Au fond, sans que nous en ayons vraiment discuté entre nous, je pense que nous considérons le sujet comme trop malpropre pour être évoqué ». Un comble, alors que le Nouveau Drame prend à bras-le-corps des sujets tabous comme la drogue, la prostitution, l’homosexualité. Malgré des thèmes périlleux, le mouvement a trouvé un public fidèle. Et la reconnaissance n’est peut-être pas loin. L’hiver qui vient de s’écouler a vu le Nouveau Drame redoubler d’activité en montant des spectacles au rythme effarant d’une à deux créations par semaine en dépit de l’absence totale de soutiens financiers. De toute évidence, le virus du Nouveau Drame est virulent. On ignore simplement la durée de la période d’incubation avant l’épidémie.
« C’est un processus vivant et largement incompris »
itar-tass
Vous pensiez peut-être que la nation qui a enfanté Tchekhov, Gogol, Griboïedov et Ostrovski s’était endormie sur ses lauriers. Qu’on pouvait résumer le théâtre russe actuel à des relectures « avant-gardistes » de textes classiques par des metteurs en scènes acclamés comme Dodine ou Fomenko. Que nenni. Il y a bien eu un trou au début des années 90, mais une flopée de jeunes dramaturges armés d’une langue acérée et épris de réalisme social a brisé la glace. Chaque soir, une trentaine de mordus descendent dans la minuscule cave du Teatr.doc, un lieu désormais culte à Moscou, pour voir les principales créations du mouvement. Depuis Dostoïevski, on sait que dans le sous-sol russe naissent des idées capables d’ébranler le monde. Dans cette cave de Teatr.doc, on se sent un peu comploteur, on attend une explosion. Et la chimie fonctionne, malgré le dénuement du lieu. Le décor est souvent réduit au strict minimum, comme dans Jizn oudalas (la vie m’a souri), où le public est assis en face de quatre rangées de chaises entre lesquelles les quatre acteurs se meuvent et s’engagent dans des rapports affectifs d’une expressivité peu commune. La langue est crue, les émotions sont à vif, le drame se noue au bout d’à peine quelques minutes et atteint une intensité féroce jusqu’à la dernière seconde. Ici s’illustre un principe du mouvement : peu de moyens, efficacité maximum. Chaque première de Teatr.doc déclenche des secousses telluriques qui zèbrent peu à peu le stuc vieillissant des théâtres. « Le théâtre doit être contemporain », tempête Marat Gatsalov,
michael guterman
La russie d’aujourd’hui
Le Lac des cygnes.
double objectif : élargir la portée du ballet en sensibilisant les jeunes générations au répertoire classique, mais aussi revisiter les grandes œuvres en les dotant d’une chorégraphie et d’une présentation originales. C’est ainsi que parallèlement à ses propres compositions, Victor SmirnovGolovanov crée, à partir de ballets célèbres, des spectacles d’un genre tout à fait nouveau, alliant une force émotionnelle et une dimension artistique peu communes. Au terme de deux mois de tournée, le Moscou City Ballet enflammera donc la scène du Casino de Paris avec à son programme les meilleurs moments de quatre ballets mythiques : Le Lac des cygnes, Casse-noisette, Don Quichotte et La Belle au Bois Dormant. Quatre chefs-d’œuvre réunis au sein d’une même production… Et une première à ne pas rater ! 31 mars-3 avril, Ballet du Kremlin au Théâtre des ChampsÉlysées ; 11 et 12 avril, Moscou City Ballet au Casino de Paris.
« Nouveau Drame » que de jouer dans un grand théâtre moscovite ? Pour moi, le plus important, ce n’est pas la scène, c’est le texte. J’ai une faim dévorante pour les rôles intéressants et complexes. Malheureusement, ils sont rares. Quels sont vos dramaturges favoris dans le mouvement du « Nouveau Drame » ? Mes auteurs favoris sont Kourotch kine, Ougarov, Dournenkov, Gre mina, Rodionov, Bondarenko. Quel que chose de profond jaillit d’eux. J’apprécie avant tout les pièces où l’auteur ne donne pas dans la su renchère en matière de linge sale…
cela se remarque tout de suite. Il me semble parfois que les auteurs font la course à qui dira le plus de grossièretés, de propos ordu riers, etc. Il s’est formé une bran che dans le Nouveau Drame qui va dans cette direction, et elle me déplaît.
Quelle est votre définition du « Nouveau Drame » ?
C’est un mouvement entièrement neuf qui ne possède pas pour l’ins tant de cadre très défini. La seule délimitation claire, c’est qu’il n’y a pas un kopek dans ce mouvement. Pour le reste, c’est un processus vivant, libre, largement incompris et non défriché.
À l’affiche Festival russe du toursky 2011
Comme chaque année, le Toursky offre aux russophiles un programme haut en couleur permettant de découvrir le meilleur de la création russe. Cinéma, théâtre et concerts sont au menu.
riode les plus sombres, lorsqu’elle était aux prises avec la guerre, la pression du totalitarisme et l’emprisonnement de son fils. Le livret de l’opéra a été écrit par Christophe Ghristi. Les rôles principaux d’Anna Akhmatova et de son fils Lev Goumilev sont tenus respectivement par la mezzo Janina Baechle et le ténor Atilla Kiss-B, accompagnés par l’orchestre et le chœur de l’Opéra de Paris.
›› www.toursky.org
›› www.operadeparis.fr
Valery Gergiev joue mahler
Exposition « Youri gagarine, une révolution»
Du 26 au 28 mars Salle pleyel, paris
Du 5 avril au 28 août Palais de la découverte, Paris
Valery Gergiev revient sur la scène parisienne avec trois concerts consacrés à son intégrale des symphonies de Gustav Mahler. Il dirigera le London Symphony Orchestra.
À l’occasion des 50 ans du premier vol spatial habité de Youri Gagarine, l’agence d’information RIA Novosti organise une exposition détaillant en images les étapes de l’aventure. Trente-trois photographies, infographies et vidéos d’archive peu connues reviennent sur la préparation du vol, la vie du cosmonaute après la mission mais aussi les grandes dates de la conquête spatiale.
Du 15 mars au 3 avril théâtre toursky, Marseille
www.sallepleyel.fr
Opéra : akhmatova Du 28 mars au 13 avril Opera bastille, Paris
L’opéra en trois actes Akhmatova, du jeune compositeur français Bruno Mantovani, dépeint la vie de la poétesse russe éponyme. Il retrace l’une de ses pé-
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Quitter les défilés grégaires
titre : le livre des brèves amours éternelles éditions : seuil
Le Livre des brèves amours éternelles s’inscrit dans la droite ligne des précédents ouvrages d’Andréï Makine, La Femme qui attendait, La Vie d’un homme inconnu, L’amour humain où, déjà, l’auteur écrivait : « Il n’y a que l’amour pour sauver l’humain ». Makine persiste et signe avec huit récits, souvenirs de moments de la vie du narrateur, de l’enfance à l’âge mûr. Moments fugaces et pourtant essentiels. Transporté par la fulgurante évidence de la force de l’amour, celui qui les vit est posé au cœur du monde dans sa plénitude d’humain, au-delà des enjeux misérables que lui proposent les sociétés, totalitaires ou libérales, au-delà de l’espace, du temps, de la mort, de la laideur du monde. Instantanés emblématiques de moments de vie qui mettent en scène des destins sculptés dans la masse d’une société cruelle. Estropiés de la vie, femmes inconsolables, amants séparés par le tourbillon de l’Histoire ou Don Quichotte exsangue, tel Dmitri Ress que l’on retrouve dans les premiers et derniers récits et qui s’épuise dans un combat inégal contre une société qu’il divise en trois catégories : « Les conciliants, les ricaneurs, les révoltés ». Mais il y a aussi ceux qui, sans pour autant hurler avec les loups, ne les combattent pas, car la haine est absente de leur cœur, « ceux qui ont la sagesse de s’arrêter dans une ruelle et de regarder la neige tomber, de voir une lampe qui s’est allumée dans une fenêtre, de humer la senteur du bois qui brûle ». Makine évoque bien sûr la Russie soviétique, l’avenir radieux dont rêve l’enfant, et qui ne viendra pas, la désillusion de l’adolescent, les vies meurtries, ceux qui combattent « la servilité avec laquelle tout homme en tout temps renie l’intelligence pour rejoindre le troupeau ». On se situe dans l’universel, et c’est l’homme qui importe. « Dans ce duel avec l’Histoire, il ne peut pas y avoir de vainqueur », toutes les sociétés fabriquent des créatures serviles, mais chaque homme, dès lors qu’il abandonne la quête d’un bonheur d’animal bien nourri, est « capable de quitter la marche grégaire du défilé, ses vociférations exaltées, ses emblèmes écrasants, ses mensonges » et d’accéder au bonheur, dans le partage d’un moment humble et essentiel. Christine Mestre
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Loisirs
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Cadre de vie Quand la pub fait écran aux façades et de l’ombre aux Moscovites
À gauche après l’Oréal, puis suivez BMW Les enseignes publicitaires recouvrent des immeubles entiers de la capitale, nuisant non seulement à son apparence mais également à la qualité de vie de ses habitants. GALINA MASTEROVA
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
De l’intérieur du restaurant TGI Fridays, sur la place Pouchkine, on a l’impression que c’est le soir, alors qu’il est midi. Il y a beaucoup de fenêtres, mais quelque chose empêche la lumière de pénétrer. La façade de cet immeu-
ble constructiviste du début du XXe est dissimulée sous une publicité vantant une station de ski. De l’autre côté de la rue, les deux faces d’un autre immeuble sont recouvertes d’une affiche géante pour Chanel. Des lettres en tube néon monumentales coiffent les plus hauts édifices de la place. Il y a 20 ans, les enseignes sur un immeuble exhortaient les Soviétiques à travailler plus.Aujourd’hui, Moscou a embrassé la réclame capitaliste avec un tel enthousiasme que les publicitaires eux-mêmes jugent que la ville a sombré en
EN CHIFFRES ALEXEY MAISHEV (2)
Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr/ 12004.html
Des pans d’immeubles entiers sont recouverts de publicités.
33 publicités
illégales ont été retirées par les autorités moscovites en janvier dernier.
1 er support
20 pour cent
publicitaire, les enseignes extérieures supplantent les autres modes de publicité.
des publicités présentes à Moscou doivent disparaître d’ici au début 2013.
plein chaos visuel. La municipalité qui a pris le relais de Iouri Loujkov, l’ancien maire que l’on croyait indéboulonnable, a décidé de réduire le volume de publicité extérieure de 20% d’ici à 2013, et les autorités veulent totalement débarrasser le centre historique de toute annonce commerciale. « La priorité doit être réservée aux bâtiments historiques et non à la pub, surtout dans le centre aux si belles perspectives », explique Konstantin Mikhailov, un militant de l’organisation non gouvernementale de préservation architecturale Archnadzor. « La publicité a conquis la civilisation », raille Albina Kholina dans la dernière édition d’un journal littéraire russe. Elle compare les bandeaux publicitaires qui barrent les rues de Moscou à « des culottes qui sèchent sur un balcon ». Le gros problème, c’est que la plupart des publicités sont illégales. En janvier, la ville a retiré 33 enseignes « pirates », sans qu’interviennent des sanctions systématiques, ce qui a éveillé des soupçons de corruption au sein de la mairie. Maxime Tkatchev, le directeur de News Outdoor, l’un des grands acteurs du marché, considère que « la ville n’est pas intéressée par la transparence et l’ordre » dans le domaine de la publicité de rue. Le fonctionnaire jusqu’ici chargé du secteur a été accusé de corruption. En principe, l’accord d’au moins les deux tiers des habitants
d’un immeuble conditionne l’installation d’une enseigne sur la façade. Et la recette de la location de l’emplacement doit être affectée à l’entretien du bâtiment. « Si c’est fait correctement, tout le monde y gagne. Mais ce n’est pas le cas en ce moment », dit Andreï Beryozkine, le directeur de Espar-Analitik, qui analyse le phénomène publicitaire urbain. Quand les résidents d’un immeuble luxueux de la rue Koutouzovsky se sont retrouvés avec des fenêtres bloquées par une publicité pour la voiture Infiniti de 100 mètres sur 22, ils n’ont obtenu aucune compensation. « Nos appartements sont dans la pénombre pendant la journée et baignés de lumière néon la nuit », ont-ils écrit dans une lettre ouverte au Président Dmitri Medvedev. Ils y expliquaient aussi que les publicitaires étaient censés verser au titre de la location un million de dollars par an, dont ils ne voyaient pas la couleur. « Les entreprises comptent sur le fait que les résidents ignorent leurs droits », dit Beryozkine. « Je voudrais juste pouvoir voir la ville dans laquelle je vis », écrit la journaliste Albina Kholina, en notant que l’on remarque les changements que subit la capitale quand un Moscovite donne des indications d’itinéraire : « Tournez à gauche après L’Oréal, puis suivez BMW, là vous verrez Samsung, et après Pepsi, prenez à droite, vers l’immeuble Sony ».
Promenade Itinéraire des lieux de mémoire français à Moscou : suivez le guide !
Ils ont laissé leur marque dans la pierre L’amitié franco-russe est inscrite dans la toponymie et la géographie de Moscou, de la place Romain-Rolland à l’église Saint-Louis des Français, en passant par les boulevards. VERONIKA DORMAN
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
En Russie, les « expats » français n’ont pas attendu le phénomène de la mondialisation pour manifester leur présence. En particulier dans la capitale russe. Depuis le XVIIIe siècle, une importante communauté française vit et travaille à Moscou, en laissant sa marque sur la ville et sa culture, en partageant avec les Moscovites ses traditions culinaires et littéraires, et en laissant aux rues les noms de ses grands hommes. Du quartier du Pont des Maréchaux, investi jadis par les marchands, libraires et perruquiers venus de France, et dont seul le fier souvenir demeure aujourd’hui, au monument de l’art constructiviste laissé par l’architecte Le Corbusier, Moscou se prête volontiers à une « balade française ». Suivez notre itinéraire en huit étapes.
4 Le Pont des Maréchaux Dès le XVIIIe siècle, une communauté française fleurit à Moscou (précepteurs, médecins, marchands, cuisiniers), et se concentre peu à peu dans le quartier commerçant du Pont des Maréchaux (Kouznetski Most).
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1990. En 2005, pour le 60e anniversaire de la Victoire des Alliés, la place fut dotée d’une statue monumentale du général de Gaulle. La place est enveloppée par les murs de l’hôtel Cosmos, conçu par des architectes français.
3 Le Café Pouchkine C’est là que Gilbert Bécaud , dans sa célèbre chanson, imaginait boire des chocolats avec son guide Nathalie. Et c’est justement un autre guide, Andreï Dellos qui, après avoir expliqué des milliers de fois aux touristes qu’il s’agissait d’une légende, décida d’en faire une réalité en ouvrant un vaste restaurant haut de gamme. Lequel sert effectivement le meilleur chocolat de la capitale. 2 Tverskoï bulvar Le centre historique de Moscou est ceint par ce que l’on appelle « l’anneau des boulevards », des avenues boisées. Le premier, Tverskoï, a été tracé par un architecte français, à la place de l’ancienne muraille.
8 Place Charles de Gaulle
Elle a été baptisée ainsi en
7 Cimetière Vedensky
Il abrite un grand carré français
où reposent des pilotes de l’escadron Normandie-Niemen (1942). Non loin de là, un monument commémore les héros de la Grande Armée, morts en 1812.
3 2
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6 Tsentrosoyouz
Dans les années 1930, l’archi-
tecte Le Corbusier réalise son unique projet moscovite, le bâtiment constructiviste du Bureau central des coopératives de l’URSS (Tsentrosoyouz), qui abrite aujourd’hui l’agence fédérale des statistiques.
1
5 Saint-Louis des Français La première église française est consacrée en 1791. L’édifice actuel date en réalité du début des années 1830. C’est l’un des seuls lieux de culte qui n’a jamais cessé de fonctionner pendant la période soviétique.
1 Les parfums Nouvelle Étoile En 1884, Henri Brocard arrive de France pour se lancer dans la parfumerie de luxe mais aussi les produits de beauté bon marché. Il sera le fournisseur de la tsarine Alexandra. Son usine sera rebaptisée « Novaïa Zoria » (Nouvelle Étoile) par les bolcheviques.
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