Distribué avec
Le 50 ème anniversaire du 1er vol humain dans l’espace
L’ère de la féminisation et de la non-fiction La littérature russe connaît une renaissance et affiche de nouvelles tendances. P. 7
La presse se montre très critique envers la création, à l’Opéra Bastille, du spectacle de Bruno Mantovani.
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
P. 8
ELISA HABERER
Akhmatova divise les mélomanes
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 20 avril 2011
Énergie Après Fukushima, le gouvernement russe continue de privilégier l’atome mais vérifie ses installations
Nucléaire : la sécurité d’abord
Porte de l’espace La Cité des étoiles ou « ville de Gagarine », à proximité de Moscou, ne figure sur aucune carte. C’est là que sont formés les astronautes internationaux.
La Russie a considérablement investi dans la sûreté nucléaire après la catastrophe de Tchernobyl. Et n’est pas prête à renoncer aux lucratives exportations de centrales.
VLADIMIR ROUVINSKIY LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
ANASTASIA GOROKHOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
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NASA
PHOTOSHOT/VOSTOCK-PHOTO
L’électrochoc de Tchernobyl a remis les pendules à l’heure. Les réacteurs ont été modernisés puis inspectés et certifiés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). « Nous avons implanté un système intelligent de sécurité passive afin d’éviter toute erreur humaine », affirme Igor Konychev, de l’Agence atomique russe Rosatom. Cette dernière s’affirme tellement convaincue de la sécurité des centrales russes qu’elle exporte son programme nucléaire dans les pays européens, en Turquie et même jusqu’en Chine. « La Russie contrôle aujourd’hui 20% du marché mondial des centrales nucléaires », selon Konychev. Une telle position n’est pas en phase avec l’opinion publique mondiale mais elle repose en revanche sur une solide logique commerciale et industrielle.
Vue du quatrième réacteur de la centrale nucléaire Mayak, à Tchéliabinsk.
Anniversaire 25 ans après, dans les ruines de Tchernobyl
PHOTO DU MOIS
Les traces indélébiles de la catastrophe
Depardieu en Raspoutine
VERONIKA COLOSIMO SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Pour pénétrer dans la « zone d’exclusion », un rayon de trente kilomètres autour de la centrale de Tchernobyl et de son réacteur numéro 4 qui a brûlé dans la nuit du 25 au 26 avril 1986,
il faut passer un point de contrôle muni d’une autorisation obtenue au préalable. Avant d’être admis, tout visiteur doit signer un papier : il prend l’entière responsabilité des risques encourus. À l’approche du réacteur abîmé, recouvert depuis la fin de 1986 d’un sarcophage de béton et d’acier, les dosimètres s’emballent, en montrant des niveaux de radioactivité des dizaines fois supérieurs à la normale. Mais les guides de l’agence gouvernementale Chernobyl Interinform, qui gère et
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OPINIONS
Poutine mise sur le pragmatisme ITAR-TASS
À un quart de siècle d’intervalle, Fukushima et Tchernobyl rappellent le coût humain et économique monstrueux des erreurs commises par l’industrie nucléaire.
contrôle la zone, se veulent rassurants : « La dose reçue en une journée passée ici est inférieure à celle d’une radiographie dentaire », explique Youri Tatarchouk, qui travaille sur le site depuis 1998. Non loin du réacteur, des pilots d’acier s’élancent dans le ciel : c’est le chantier du nouveau sarcophage qui doit venir recouvrir l’ancien, devenu vétuste. Le projet, mené depuis 2007 par le groupement français Novarka, fait débat. Alors que la date de péremption de l’ancien, fabriqué pour tenir 25-30 ans, approche, le chantier peine à démarrer, s’inquiète Vladimir Tchouprov, le directeur du département énergétique de Greenpeace Russie.
La Cité des étoiles, c’est 6 700 habitants, une légende de l’astronautique et la plus forte concentration de « héros » de l’Union soviétique et de la Russie (plus haute décoration honorifique du pays) au km2. Cet ancien « coin communiste », comme on l’appelait à l’époque soviétique pour la qualité de la vie qu’il offrait, est situé à 25 km au nordest de Moscou. À l’approche, la carte de la région disparaît de l’écran du GPS, la ville est encore aujourd’hui « fermée », secrète. En y pénétrant, on se rend compte que le temps a contourné la Cité des étoiles. Jadis fierté nationale, elle est devenue un musée de l’architecture soviétique. C’est au cœur de la ville, protégé par un poste de contrôle, que se situe le centre d’études Gagarine. C’est ici que sont formés les astronautes et hébergées les représentations permanentes de la NASA et de l’Agence spatiale européenne.
Gérard Depardieu incarne le personnage mythique dans le film éponyme que José Dion tourne dans la région d’Arkhangelsk.
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L’économiste Roland Nash juge que désormais, la politique étrangère russe se fonde essentiellement sur les intérêts économiques du pays, sans souci de suivisme ou d’opposition par rapport à l’Occident. PAGE 6
Gagarine chez Ricard
Caucase grand luxe
L’économie en mutation
15 ans après le vol historique, Paul Ricard invitait le premier cosmonaute chez lui sur la Côte d’Azur. L’interprète de cette rencontre insolite relate pour nous quelques anecdotes.
Dans l’écrin du Caucase, une future station de ski, baptisée Lagonaki, ambitionne de rivaliser avec Courchevel. L’État, qui prend le projet à bras-le-corps, assure le financement.
Dans un entretien exclusif, Arkadi Dvorkovitch, conseiller économique du président, évoque les privatisations et la nécessité d’offrir aux investisseurs étrangers le même « niveau de confort » qu’en Europe.
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NIKOLAY KOROLEV
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Politique & Société
Une leçon de sécurité nucléaire supplémentaire
Plus sûr que Fukushima ?
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Alors que le Japon se débat encore en pleine crise nucléaire, la Russie campe sur ses positions.
teurs en Russie et le plan pour 2020 prévoit la construction de 32 supplémentaires, basés sur la technologie des neutrons rapides. « Cette technologie est plus efficace et respectueuse de l’environnement puisqu’elle permet d’utiliser le combustible nucléaire à plusieurs reprises afin de réduire les fuites », explique
« Le pétrole et le gaz naturel deviennent de plus en plus coûteux et les réserves seront un jour épuisées. Il est logique que la Russie veuille garder son rôle de fournisseur énergétique majeur et même gagner le titre de leader du marché mondial », ar-
gumente Vladimir Slivyak, le co-directeur du mouvement écologique Écodéfense. L’énergie nucléaire est un « business » bien avantageux. Le prix d’un réacteur nucléaire atteint 3,5 milliards d’euros, sans compter celui de la maintenance et de la modernisation. Rosatom a aujourd’hui 33 réac-
IL L’A DIT
SONDAGE
Vladimir Tchouprov
Des alternatives au nucléaire ?
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SI LES RÉSERVES DE PÉTROLE ET DE GAZ SE TARISSAIENT, QUELLE ÉNERGIE ALTERNATIVE POURRAIT PRENDRE LE RELAIS ?
DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT ANTINUCLÉAIRE DE GREENPEACE RUSSIE
FAUT-IL DÉVELOPPER ACTIVEMENT L’ÉNERGIE ATOMIQUE, GARDER LE MÊME NIVEAU D’UTILISATION, LA DIMINUER PROGRESSIVEMENT OU L’ABANDONNER TOTALEMENT ?
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Nous sommes favorables à l’abandon des nouveaux projets et pour la fermeture progressive des centrales en activité. Notre position est très simple : aujourd’hui, chaque centrale est un risque a priori, une menace de répétition de la catastrophe qu’on observe actuellement au Japon ».
Les traces indélébiles de la catastrophe
le président russe Dmitri Medvedev, en ajoutant que « la Russie doit construire de nouveaux réacteurs au lieu de moderniser ceux devenus obsolètes ». Les experts n’estiment pas pour autant que l’énergie nucléaire soit sûre, même si la répétition des catastrophes de Tchernobyl ou de Fukushima paraît peu probable. « Même si les centrales peuvent subir un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter alors qu’une magnitude 5 est le maximum envisagé en Russie, elles restent des installations dangereuses. Il existe toujours un risque d’imprévu », affirme Iouri Vishnevsky, l’ex-directeur de l’Autorité fédérale de sûreté nucléaire et des radiations (Gosatomnadzor), intégrée dans Rosatom en 2005. Selon lui, la sécurité est la préoccupation principale : « Il n’existe pas aujourd’hui en Russie d’autorité de sûreté nucléaire qui imposerait systématiquement des réglementations dans ce domaine ». Vladimir Slivyak, qui joue le rôle d’écharde plantée dans le pied de l’industrie nucléaire russe depuis déjà bien longtemps, commente : « Rosatom fait ce qu’il veut. Il n’y a que quelques organisations environnementales qui surveillent ses activités. C’est une situation sans issue ». Igor Konyshev s’oppose à ce point de vue : « Les environnementalistes ont tort. Il y a un service interne de contrôle, ainsi que Rostekhnadzor, le Service fédéral de supervision écologique, technologique et nucléaire ». Pourtant Vladimir Slivyak ne croit pas que les mesures de sécurité de Rostekhnadzor soient fiables. Selon lui, « onze réacteurs sur les 33 en service sont vétustes et doivent être mis hors d’usage ». Et de relater qu’« un incident dans le réseau électrique dans la région de Sverdlovsk en 2000 a privé d’alimentation la centrale nucléaire Mayak pour trois quarts d’heure. Le responsable de la sécurité de la centrale a affirmé que si cela avait duré cinq minutes de plus, nous aurions connu un autre Tchernobyl ». La société civile russe est consciente du danger, même si elle ne manifeste pas ouvertement contre le nucléaire. Une étude nationale d’Écodéfense faite en 2007 a montré que 70% des interrogés étaient contre le nucléaire et favorables aux énergies renouvelables.
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Le directeur de la zone d’exclusion, Volodymyr Kholocha, se veut rassurant : « Restauré, le sarcophage peut encore servir 15 ans ». Mais il souligne qu’il manque 600 millions d’euros sur le milliard et demi nécessaire à la modernisation et à l’entretien du site. Plus grave, les experts dénoncent la déficience du projet retenu : « Le principal objectif d’un nouvel abri était de permettre le démantèlement du vieux sarcophage et l’extraction de tous les combustibles nucléaires », explique Nikolay Karpan, ingénieur de la centrale depuis 1969 puis liquidateur des conséquences de l’accident de 1986 à 1989, actuellement directeur des programmes d’expertise du Parti national de Tchernobyl. « Mais ce but a été totalement perdu de vue, et le projet actuel n’est qu’une coquille vide, un hangar, qui ne prévoit aucun mécanisme de démontage, pas plus qu’il ne permet de protéger les gens qui travailleront à l’intérieur. À l’heure actuelle, le principal danger réside dans la poussière radioactive qui provoque des irradiations internes lorsqu’elle est inhalée ». Un quart de siècle après la catastrophe, c’est effectivement l’absorption d’éléments radioactifs qui menace les employés de la centrale, mais aussi les milliers de personnes vivant dans les zones contaminées. Au-delà de la « zone d’exclusion », évacuée au lendemain de l’accident, sur des centaines de kilomètres carrés toujours peuplés, les sols ont absorbé les rejets toxiques
libérés par le réacteur endommagé. Depuis, les habitants de ces régions s’exposent à travers la nourriture : champignons, baies et lait tiré des vaches qui pâturent librement sont porteurs de radionucléides. « 70 à 95 % des irradiations aujourd’hui sont internes, contre 5 à 30% externes », précise Valery Kashparov, directeur de l’Institut ukrainien de radiologie agricole. « On n’a pas de diagnostic officiellement reconnu, mais les enfants des zones contaminées ont un système immunitaire affaibli, présentent souvent des insuffisances de croissance », se désole Olga Vassilenko, médecin au centre médical français de Kiev, « Les enfants de Tchernobyl ». Ivan Nevmerzhitski, médecin en chef de l’hôpital de Lipniki, dans la région de Jitomir, s’inquiète : « Les cas de cancers de l’estomac et du poumon ont augmenté ces 25 dernières années ; une bronchite se soigne pendant des semaines, car les gens n’ont plus d’immunité. Selon moi, c’est directement lié à l’irradiation par la nourriture ». Les produits vendus dans les supermarchés sont strictement contrôlés, mais pas ceux bradés à la sauvette par les paysans eux-mêmes, sur les bords de route. Ni ceux que les villageois consomment au quotidien. Selon des analyses menées par Greenpeace, dans certaines régions, comme celle de Rivnenska (nord-ouest du pays, à 250 km de la centrale), la concentration de césium 137 dans le lait peut monter jusqu’à 16 fois le niveau acceptable, tandis que 73% des pâturages sont contaminés.
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Pripyat, à 2 km de la centrale, est devenue une ville fantôme.
Religion 20 ans après la Perestroïka, le judaïsme connaît un essor et une liberté sans précédent en Russie
Une Pâque juive aux multiples facettes La communauté juive, brimée sous l’ère soviétique, observait ses traditions dans la clandestinité. Aujourd’hui, elle tente de redonner vie à des coutumes parfois oubliées. MACHA FOGEL
« Mon grand-père fut exécuté en 1950 à Leningrad par l’État soviétique parce qu’il fabriquait de la matsah, cette galette plate que les juifs mangent à la place du pain levé pendant les huit jours de la fête de Pessah, la Pâque juive. Aujourd’hui, mon fils, qui porte le nom de mon grand-père, est chargé par le Président Dmitri Medvedev de cachériser la cuisine du Kremlin quand Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, est en visite à Moscou », se réjouit le rabbin Ytshak Kogan, qui dirige la principale synagogue Loubavitch de Moscou. Depuis la Perestroïka, la vie religieuse juive renaît de ses cendres en Russie. L’immigration
KOMMERSANT
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La fête de Pessah est l’occasion pour les juifs russes de se réunir.
de masse vers Israël et les États-Unis a retardé une renaissance apparue avec le redressement de l’économie des années 2000. La capitale compte désormais une quinzaine de synagogues, contre deux à l’époque soviétique. Un chiffre à comparer avec la soixantaine de synagogues de Paris intra muros.
IL L’A DIT
Rabin Kogan
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Dans chaque génération, chacun doit se considérer comme s’il était lui-même sorti d’Égypte ». HAGGADDAH, (LIVRE DE PESSAH)
Pendant les décennies soviétiques, les rites de la fête de Pessah comptaient parmi les rares à avoir été transmis chez les juifs russes. La famille se réunissait les deux premiers soirs de la fête, et l’on mangeait un peu de cette matsah interdite. « Je me rappelle que ma grandmère savait encore lire l’hébreu et regardait quelque chose dans un livre, mais pour moi, cette fête était l’équivalent d’un simple anniversaire », raconte Rita, la secrétaire du Rabbin Kogan. Ce dernier vient au contraire d’un milieu resté toujours très religieux, une rareté chez les juifs de Russie. « Ma famille accueillait tous ceux qui le souhaitaient pour entendre le récit en hébreu de la sortie d’Égypte ; à Pessah, la porte restait ouverte toute la nuit, ce qui, dans les années 1950, représentait encore un péril », relate en yiddish le rabbin à longue barbe blanche, coiffé du chapeau noir traditionnel des Hassidim Loubavitch.
Aujourd’hui, la synagogue qu’il dirige, à quelques centaines de mètres du Kremlin, accueille 800 personnes pour les repas de la Pâque. La synagogue chorale de Moscou, celle qui était restée active pendant l’ère soviétique, invite elle aussi un millier de fidèles pour ces festins. « Ce
Nombreux sont ceux qui ont oublié comment fêter Pessah, c’est pourquoi ils vont à la synagogue n’est pas forcément une bonne chose », tempère Yitshak Lifshitz, responsable du service de nourriture cachère. « La fête de Pessah est familiale par essence, elle constitue un moment de transmission essentiel entre les parents et les enfants, les premiers expliquant aux derniers l’essence et l’histoire du peuple juif.
De nos jours, de nombreuses personnes ont oublié comment la fêter, c’est pourquoi ils viennent ici ». Les communautés juives géorgiennes, caucasiennes ou azerbaïdjanaises, sont restées davantage pratiquantes. Abigail Iakobishvili, qui dirige la communauté des femmes géorgiennes, en est fière : « À Tbilissi, nous avons toujours eu de la matsah et de la viande cachère ». De nos jours, les synagogues de Moscou comptent presque toutes une salle réservée à la communauté géorgienne, et souvent une autre pour les juifs des montagnes. À Moscou, c’était une autre ambiance, se rappelle Rita : « Quand j’étais enfant, les gens se rendaient à la synagogue chorale, la seule en état de marche ; on faisait la queue dans un immense escalier avec nos propres sacs de farine. Et tout en haut, des juifs fabriquaient la matsah, en silence ».
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Politique & Société L’avenir
La gigantesque piscine où les sorties dans l’espace sont simulées.
Le programme spatial russe pour les 30 prochaines années.
CES SACRÉS RUSSES
Solidarité ferroviaire François Perreault SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
P 2011 : Sol de Phobos La sonde spatiale est censée apporter des échantillons de terre depuis le satellite naturel de Mars Phobos. Date prévue du lancement : le 11 novembre 2011.
Diaporama sur larussiedaujourdhui.fr RIA NOVOSTI
Astronautes de tous pays à l’école de la Cité des étoiles SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
Ayant traversé un immeuble de trois étages, nous pénétrons dans un immense hangar qui abrite des maquettes grandeur nature du vaisseau spatial Soyouz. « Ce sont des simulateurs, précise Oleg de la Cité, une équipe internationale est en train de passer des examens dessus, deux Russes et un Américain ». À l’heure actuelle, la Station Spatiale Internationale (ISS) n’est accessible qu’en Soyouz. « C’est pour cela que le gros de la préparation et des entraînements se fait ici », dit le directeur du bureau local de la NASA, Marc Polanski. Ils sont une trentaine d’astronautes à s’entraîner au centre Gagarine, explique le maire de la ville Nikolaï Rybkine. Parmi eux, entre trois et cinq spécialistes sont des étrangers, des Américains, Canadiens, Japonais, Allemands, mais aussi la quatrième femme astronaute russe, Elena Sazonova. La préparation des cosmonautes russes dure entre trois et cinq ans contre six mois et un an pour les étrangers. Selon Polanski, les différences sont surtout culturelles. « Ici, on organise de grandes interrogations orales ; pendant une heure
d’attirer des investisseurs, de construire des hôtels, des centres d’affaires et de divertissement, de fonder un lycée Gagarine pour les futurs astronautes, de relier la capitale en train... Au premier abord, tout cela semble irréalisable, d’autant plus que la municipalité conserve le statut de « ville fermée », inaccessible aux non-résidents sans autorisation spéciale. Mais le maire reste confiant. C’est surtout grâce aux touristes que la ville a survécu après la chute de l’URSS. « Les cheikhs ou les Européens payaient des salaires à la ville entière », affirme-t-il.
ou deux une importante commission ‘‘ torture ’’ l’astronaute, lui pose des questions », sourit Polanski. « Aux États-Unis ce
Le maire rêve de transformer la ville en Mecque du tourisme, attirer des investisseurs et construire des hôtels système n’existe pas, tout est moins formel, on privilégie les exercices pratiques ». Rybkine rêve de transformer la ville en Mecque du tourisme,
OLYMPIADE SPATIALE
Finale du « Relais d’étoiles » de France, de Belgique, de Lituanie et d’Azerbaïdjan) qui concourront pour le grand prix. Le 20 avril, les finalistes défendront leurs projets créatifs devant un jury de spécialistes, comprenant des cosmonautes soviétiques. La remise des prix aux finalistes aura lieu le lendemain au siège de l’UNESCO. www.starchallenge.org
L’Olympiade spatiale mondiale Relais d’étoiles a été lancée en décembre 2010 par l’Agence fédérale russe Rossotrudnichestvo pour célébrer le 50ème anniversaire du premier vol spatial habité. La finale a désigné comme vainqueurs vingt jeunes hommes et jeunes filles de différents pays (de Russie, d’Inde, d’Arménie, du Kazakhstan,
2011 : Navigation Glonass L’équivalent russe du GPS américain et de l’européen Galileo devrait être disponible sur 25 satellites dès la fin 2011.
2015 : Cosmodrome Vostotchny La construction de la nouvelle gare spatiale à la frontière chinoise commencera en 2011. La première fusée sera lancée en 2015.
MARIA TCHOBANOV LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Par une belle journée de juin 1965, un petit bateau accoste au port de St-Pierre des Embiez. À son bord, Youri Gagarine, le premier homme à avoir voyagé dans l’espace, et ses trois amis cosmonautes, Vladimir Komarov, Konstantin Feoktistov et Boris Egorov, venus faire du ski nautique depuis l’île voisine de Bendor.
Youri Gagarine aurait été invité sur l’île de Bendor par son propriétaire Paul Ricard, le célèbre inventeur du pastis. Communiste convaincu, Paul Ricard avait les faveurs des autorités soviétiques, obtenant ainsi la visite privée des cosmonautes russes sur la côte d’Azur. Le jeune Georges Klimoff fut intronisé interprète officiel à seulement vingt-deux ans. Fils d’un immigrant russe et vice-président du club des passionnés d’astronomie « Antarès », Georges se souvient avec émotion des nombreuses fleurs jetées par la foule excitée et admirative au passage, en cabriolet, des héros russes de l’espace.
Youri Gagarine a pu contempler les calanques à bord du petit avion sportif du fils de Paul Ricard. Sur l’île de Bendor, les cos-
SERVICE PHOTO RICARD - JEAN MINASSIAN
Quatre ans après avoir effectué le premier vol humain dans l’espace, Youri Gagarine est venu se détendre en France, à l’invitation de l’inventeur du pastis, Paul Ricard.
Gagarine sur la côte varoise.
our les traditionnelles vacances du mois de mai, Jean-Pierre a choisi la route des flots bleus en optant pour un séjour sur la mer Noire : direction, Sotchi ! Un choix parfaitement logique : à Sotchi, on mange mal, les hôtels sont dégueulasses, le service est pourri, les plages sont crades et c’est beaucoup plus cher que la Turquie. Pour corser l’affaire, Jean-Pierre a voulu s’y rendre en train. Manque de bol : il ne restait de place que dans le tortillard qui met 38 heures pour se rendre à destination, plutôt que l’express qui n’en prend que 24. Arrivé en gare de Kourskaïa (départ : 4h31 du matin), il est d’abord harponné sur le quai par la cheftaine de son wagon, qui vérifie scrupuleusement passeport et billet. Ayant choisi le tarif le moins cher, JeanPierre atterrit en troisième classe, un wagon sans compartiment où une soixantaine de personnes ronflent déjà depuis le départ de Saint-Pétersbourg, dans des remugles de transpiration et d’oignons. À bord, Jean-Pierre parvient tant bien que mal à trouver sa couchette, non sans avoir au préalable écrasé une grand-mère et morflé un coup de tatane de son voisin de couche, réveillé en sursaut par ce nouvel arrivant. Incapable de trouver des draps dans le noir, notre camarade s’endort en sueur sur la couchette en skaï, après avoir jeté un dernier coup d’ œil à sa montre. Il reste 37 heures. Après quelques heures d’un
sommeil pénible, Jean-Pierre est réveillé par la vie du wagon : déjà debout, le voisinage s’affaire aux obligations ferroviaires - une grand-mère coupe le saucisson, deux trentenaires sifflent une première bouteille de vodka, trois gamins courent dans le corridor et deux vieilles jacassent derrière une montagne de graines de tournesol. Peu familier des longues distances en train, ce benêt de JeanPierre n’a rien préparé. Anticipant un wagon-restaurant qui n’existe pas, il n’a pas pensé au ravitaillement. Tout au long du périple, il ne devra son salut qu’à la solidarité des voyageurs. L’occasion aussi de nouer le dialogue et de siffler des verres avec Micha et Sacha, qui font passer les heures avec de la vodka frelatée, et la vodka frelatée, avec des bières chauffées au soleil. Les 38 heures semblent bien longues à Jean-Pierre, de plus en plus ivre, gavé de hareng salé, et souffrant d’une migraine carabinée en raison du manque d’air dans le wagon surchauffé. C’est dans un état semi-comateux qu’il sort, enfin, à Sotchi, soutenu par Micha et Sacha qui semblent plus frais que notre héros. Eux aussi vont à Sotchi pour prendre du soleil, et coup de bol : comme Jean-Pierre, ils ont réservé une chambre au Sanatorium №2 ! Le temps de déposer les bagages, les deux nouveaux copains sont déjà au bord de la piscine et appellent JeanPierre pour qu’il descende : ils ont trouvé du hareng à l’épicerie du coin, et une bouteille de vodka bien pleine pour fêter les vacances ! François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.
CES SACRÉS FRANÇAIS
Un espion derrière l’iPhone 2030 : Base lunaire L’agence spatiale russe Roskosmos prévoit d’établir une station de recherche habitée sur la lune.
2040 : Mission habitée vers Mars Le vol vers la planète rouge durera environ 500 jours. Avec le test « Mars 500 », Moscou s’y prépare déjà.
Souvenirs Quand Gagarine bronzait sur la Côte d’Azur
La tournée de Ricard pour les cosmonautes
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monautes ont bien sûr goûté à la quiétude et la douceur des plages, ainsi qu’aux saveurs subtiles de la cuisine méditerranéenne… Et ils furent bien surpris d’apprendre qu’une telle merveille insulaire puisse appartenir à un seul homme. Georges Klimoff se souvient de Gagarine comme du plus timide de la compagnie. Sobre et modéré, il répondait posément à toutes les questions du jeune interprète impatient et passionné par l’exploration spatiale. « Les réponses de Youri Gagarine restaient vagues sur les projets futurs de son pays. Malgré la prudence des cosmonautes, il a été fait allusion à la création d’une future station spatiale permanente qui se réaliserait quelques années plus tard, et serait la célèbre station MIR », raconte Georges, aujourd’hui ingénieur à la retraite, et qui, depuis cette rencontre historique, aime à se faire appeler Youri Klimoff.
Natalia Gevorkyan SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
A
u début, j’enrageais. Je n’espionne pas par le trou de la serrure, tout de même ! Je filme dans des lieux publics, dans la rue, au marché, à la brocante. Mais on m’ordonne d’effacer. Tout a commencé quand une chaîne de télévision russe m’a demandé d’illustrer mes propos sur la vie parisienne à l’aide de vidéos filmées avec mon iPhone. Je n’ai jamais été photographe, ni n’ai jamais travaillé pour la télévision. Les premiers problèmes ont surgi au marché. Un vendeur haut en couleurs blaguait, alpaguait les acheteurs. J’ai allumé ma « caméra ». Subitement, il s’est assombri et m’a dit : « Non ! ». J’ai voulu lui expliquer ce que je faisais. Il m’a écoutée patiemment avant de répondre : « Vous auriez pu demander ». Je me suis dit que c’était une particularité de son caractère. La deuxième fois, c’était lors d’une expo-vente de jeunes artistes. Je filmais une lampe échappant à toute description verbale. Tout à coup, une dame a fait irruption et m’a intimé : « Effacez cela immédiatement ! » J’ai avancé un argument naïf : j’ai tellement envie de montrer cette merveille à nos spectateurs ! Elle a secoué la tête en vérifiant que j’effaçais bien la vidéo, avant de lancer : « Vous auriez pu demander ». Je me suis posée dans un café pour réfléchir à ma malchance et aux limites de la sphère privée. Mon regard s’est posé sur les pieds nus dans des tongs de mon voisin de table. Avec cela, il portait une veste en fourrure.
J’adore quand les Parisiens se dévêtissent subitement au premier rayon de soleil, et peu importe que le haut jure avec le bas. Ils peuvent porter un t-shirt et des bottes fourrées, ou des tongs avec une fourrure. Ne cherche pas les ennuis, disait ma voix intérieure. Mais ma voix réelle articulait déjà : - Puis-je filmer vos pieds ? Il s’est servi du vin, a regardé ses pieds, puis m’a répondu : « Allez-y ! » Avant d’ajouter, lisant mes pensées : « Et le manteau aussi, si vous voulez ». L’expérience a donc réussi. En plus, c’était rigolo. - Ça ne me serait jamais venu à l’esprit de vous filmer sans autorisation, mais pourquoi m’at-on interdit de filmer une lampe dans une foire ? - Et qui sait si vous n’étiez pas en train de piquer le modèle ? m’a répondu le jeune homme. C’est vrai que le modèle était étonnant et complètement original. Il y a un tas de choses auxquelles je n’avais pas songé avant d’avoir pris en main une caméra. En fait, l’espace privé, c’est chacun de nous, et ce qui s’y rapporte, où que nous soyons. Hier, à Moscou, j’ai croisé un caniche royal avec une tonsure féérique et j’ai demandé l’autorisation au propriétaire. L’animal a approuvé en se levant sur ses deux pattes arrières. - D’où venez-vous ? m’a demandé le vieux monsieur. - Pourquoi pensez-vous que je ne suis pas d’ici ? - Parce que mon chien se fait photographier tout le temps, mais personne ne me demande l’autorisation. Natalia Gevorkyan est correspondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Économie
Investissements Le plateau de Lagonaki rêve de devenir le Courchevel oriental
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RAISONS DE PARIER SUR LA RÉGION
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La future station du plateau de Lagonaki devrait accueillir 20 000 à 25 000 touristes par jour d’ici à 2019. Sa fréquentation n’aurait donc rien à envier aux stations alpines.
2
Le gouvernement fournit des garanties permettant de récupérer jusqu’à 70% des sommes investies en cas de force majeure, et envisage une exonération d’impôts de 10 ans sur le revenu et sur le patrimoine.
LEGION-MEDIA
3
La région a déjà fait ses preuves comme centre d’attraction : les investissements ont permis d’y faire passer le flux touristique de 80 000 en 2007 à 240 000 en 2010.
Epargné par la guerre et les attentats, le plateau de Lagonaki revêt un grand potentiel touristique.
Le Caucase russe vise le tourisme haut de gamme Un des projets les plus avancés se situe sur le plateau de Lagonaki, à quelques dizaines de kilomètres de la mer Noire. L’État prendra entièrement à sa charge les investissements. LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le meurtre de touristes russes en février dans la région de l’Elbrouz n’a pas entamé la volonté du Kremlin de développer le tourisme dans le Caucase du nord. Mais le drame a eu son effet sur les villégiateurs. Originaire de Moscou et skieur depuis 15 ans, Sergueï Michtchen-
LE SERVICE DE PRESSE DU PRÉSIDENT D’ADYGUÉE
VLADIMIR ROUVINSKY
ko déclare que l’assassinat de trois des ses compatriotes au pied de l’Elbrouz l’oblige à envisager de renoncer à ses voyages dans la région. « Les montagnes y sont parfaites, mais y aller avec sa famille, ça fait peur, c’est uniquement pour les amateurs de sensations extrêmes ». Les autorités russes ont considéré le triple meurtre et le dynamitage d’un téléphérique comme une tentative de torpiller leur ambitieux programme de développement du tourisme dans le Caucase du nord, avec lequel elles prévoient de relan-
L’objectif est de concurrencer les stations de ski alpines.
BTP Des milliards pour développer l’Orient
Régions Jusqu’alors menaçant, le voisin se révèle opportun
La Chine stimule la croissance sibérienne CHIFFRE CLÉ
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REUTERS/VOSTOCK-PHOTO
Milliards d’euros ont déjà été investis par la Chine dans les régions de l’extrême orient russe. Un chiffre qui représente exactement trois fois le montant consacré par Moscou en 2011 au développement de ces mêmes provinces (700 000 euros).
Les ouvriers chinois permettent au pays de développer ses mines.
L’insatiable appétit de Pékin pour les matières premières comble les besoins d’investissement dans les provinces reculées de l’extrême orient russe. RACHEL MORARJEE BUSINESS NEW EUROPE
Avec ses milliers de kilomètres de forêts inexploitées et sa toundra enneigée, la région ne pos-
sède que 6,7 millions d’habitants, soit à peine une personne par kilomètre carré. Un chiffre dérisoire comparé aux 84 habitants par kilomètre carré dans la fourmillante province du Heilongjiang, située de l’autre côté du fleuve Amour, frontière naturelle entre la Chine et la Russie. Mais l’insuffisance démographique de la Sibérie et de l’extrême orient est compensée par son
abondance en matières premières : veines de minerai de fer, métaux rares, or et charbon. Des biens nécessaires à la Chine pour approvisionner le moteur de sa croissance économique. Les investisseurs chinois ont déjà mis en place 34 zones spéciales dans les principales régions de l’extrême orient (région de l’Amour, territoires du Primorié et de Khabarovsk, et Birobidjan - la
cer l’économie de cette région sensible. Dans le cadre de ce programme, on prévoit de créer cinq vastes stations de sports d’hiver, à l’aide d’investissements privés atteignant 11 milliards d’euros. L’une d’elles se situe sur le plateau de Lagonaki. D’une superficie de 650 kilomètres carrés, le site est à 95% en Adyguée et à deux heures et demie de route de Krasnodar. Épargnée par la guerre et les attentats, l’Adyguée est la république caucasienne la plus tranquille. Les autorités d’Adyguée et du kraï de Krasnodar, avec lequel la république partage le plateau, croient beaucoup au succès de la station. On estime qu’en 2019, elle accueillera entre 20 000 et 25 000 personnes par jour et qu’elle sera du même niveau que les stations alpines. Bien que l’Adyguée ne possède pas de frontières communes avec les autres républiques nord-cau-
casiennes, les questions relatives à la sécurité sont souvent posées à ses dirigeants. « Nous sommes au milieu du kraï de Krasnodar. Si l’on peut investir là-bas, pourquoi pas ici ? », s’interroge le président de la république Aslan Tkhakouchinov. Actuellement, des négociations sont en cours sur le projet de la station de sports d’hiver de Lagonaki. L’ensemble des infrastructures des stations nord-caucasiennes seront financées sur le budget fédéral. À cette fin, on a créé en 2010 la société anonyme « Stations du Nord-Caucase » (KSK), dotée d’un budget de 1,5 milliard d’euros. Ces fonds serviront à construire et réparer les routes, lignes aériennes, et aménagements techniques. Tous les sites (hôtels, pistes de ski, restaurants) sont censés être réalisés par des investisseurs qui devraient débourser 9,67 milliards d’euros. Le directeur de KSK, Akhmed Bilalov, indique que le gouvernement fournit aux investisseurs des garanties permettant en cas de force majeure de récupérer jusqu’à 70% des sommes investies. En outre, le gouvernement n’est pas opposé à l’idée de dispenser les investisseurs de l’impôt sur le revenu et le patrimoine pour 10 ans (la période nécessaire au retour sur investissement), et à fournir des baux de 49 ans sur les terrains, a raconté l’adjoint du président russe, Arkadi Dvorkovitch. Avec le soutien financier de Moscou, la république développe activement le tourisme depuis cinq ans, en construisant routes et lignes aériennes, et en stimulant la construction d’hôtels et de bases touristiques. Un milliard de roubles (25 millions d’euros) a été dépensé pour ce faire. Ce qui a permis, selon le chef du comité du tourisme d’Adyguée Vladimir Petrov, de faire passer le flux de touristes de 80 000 en 2007 à 240 000 en 2010.
Région autonome juive), investissant au total trois milliards de dollars. Un chiffre que la presse russe a rapproché du million de dollars débloqué par Moscou pour ces mêmes régions en 2011. Le gouvernement russe a fait savoir qu’il souhaitait investir 100 milliards de dollars dans le développement de l’extrême orient du pays au cours des cinq prochaines années ; il affirme que la Chine sera un partenaire clé dans la construction de routes, de chemins de fer et de ports. « La Chine n’a jamais été intéressée par l’acquisition de blocs de contrôle de compagnies russes », commente Boris Krasnojenov, analyste du secteur métal et mines de Renaissance Capital. « Ce que veulent les Chinois, c’est garantir l’approvisionnement stable en matières premières dont ils ont besoin, et construire des infrastructures pour les acheminer sur leur marché intérieur. C’est le modèle de développement qu’ils appliquent partout ailleurs ». Svetlana Kostromitinova, spécialiste du secteur minier, précise : « Nous utilisons des travailleurs chinois pour développer nos mines. C’est gagnant-gagnant pour tout le monde ».
Une île pour un super campus universitaire On l’appelle sur place « le chantier du siècle » : un immense campus regroupant toutes les universités de Vladivostok prévu sur la petite île Rousski, non loin du Japon. PAUL DUVERNET LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Foin de Fukushima et des rumeurs catastrophistes sur la radioactivité circulant dans l’Extrême-Orient russe ! Le groupe de BTP moscovite Crocus International a dévoilé début avril un projet pharaonique dont l’inauguration doit coïncider avec le sommet ATES (21 pays de la zone Pacifique) qui se déroulera l’an prochain, a priori lui aussi sur l’île Rousski, située en face de Vladivostok. L’ensemble sera financé sur le budget russe. « La somme allouée est connue : 60 milliards de roubles [1,5 milliards d’euros] », a révélé Aras Alagarov, PDG de Crocus International. Et de préciser : « J’y ai rajouté 50% car il n’y a rien sur l’île : ni routes, ni eau, ni gaz, ni canalisations,
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ni chauffage, ni électricité. Avec 90 milliards [2,2 milliards d’euros], on peut construire ». L’infrastructure doit être achevée avant la fin de cette année. Soit une centaine de bâtiments, des digues de granit, des routes, un immense pont et des pistes pour hélicoptères. Car au-delà des universités, c’est cinq milliards d’euros qu’il faudra investir pour construire l’ensemble des équipements nécessaires à la tenue du sommet ATES. Beaucoup s’interrogent sur le fait que Crocus ait décroché un contrat aussi juteux alors que la société n’est active qu’à Moscou. « C’est vrai que la décision a provoqué des jalousies », admet un responsable de Crocus, sous couvert d’anonymat. « On nous a fait confiance davantage qu’aux sociétés locales parce qu’on nous connaît bien à Moscou ». Alagarov explique que vu les délais extrêmement courts, l’organisation d’un appel d’offre n’était pas possible. Et même sans appel d’offre, une telle tâche en à peine un an semble irréalisable...
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Économie EN BREF
ENTRETIEN ARKADI DVORKOVITCH
Hôtels Formule 1 : rumeurs de lancement en Russie
« Nous ne pouvons compter sur notre seul marché »
Après avoir introduit sur le marché russe ses hôtels de marque Sofitel, Novotel et Ibis, le groupe français Accor pourrait y lancer sa marque Formule 1. Bien que la chaîne démente tout projet, elle a déposé auprès de RosPatent (l’organisme qui protège les marques commerciales) une demande de droits exclusifs sur la marque « Hôtels Formule 1 », et ce jusqu’en 2020. Accor mène une politique d’expansion rapide de sa chaîne d’entrée de gamme dans toute l’Europe, alors que le marché russe est justement très sousdéveloppé dans cette catégorie d’hôtels accessibles au plus grand nombre. Aucune chaîne étrangère n’est présente sur ce segment en Russie.
ARKADI DVORKOVITCH EST CONSEILLER ÉCONOMIQUE SPÉCIAL AUPRÈS DU PRÉSIDENT DMITRI MEDVEDEV
Le gouvernement semble suivre un plan similaire pour l’automobile à celui retenu pour le secteur pharmaceutique. La situation y est un peu différente. Il y a une forte demande domestique de l’État et la taille du marché peut à elle seule attirer des investissements. S’il y a un certain degré de certitude (concernant la croissance de la demande), alors les compagnies internationales installeront leur production en
Russie sans que l’on ait besoin d’augmenter les tarifs. Les investisseurs étrangers reprochent à l’État russe de jouer un rôle trop important dans l’économie. Nous avons déjà décidé de privatiser, c’est juste une question de calendrier. Sberbank est un cas à part et il nous faut être prudents car la composante sociale est ici importante [une majorité de Russes y conservant leurs économies, ndlr]. Gazprom, les chemins de fer, le réseau électrique et le mono pole des oléoducs sont également des cas spéciaux – mais le reste, comme la banque VTB, n’exige pas de participation de l’État. Or, le marché ne pourra en avaler qu’une quantité limitée, nous ne pouvons pas tout vendre d’un coup. Il y a un an, des articles d’opinion ont appelé au retrait du « R » dans l’acronyme BRIC. Pensez-vous que cela soit justifié ? La Chine et l’Inde sont beaucoup plus vastes que la Russie. C’est un point important pour les investisseurs. Elles totalisent 2,5 milliards de personnes, contre 142 millions en Russie.
CURRICULUM VITAE
Air Liquide franchit la Volga
ÂGE : 39 ANS FORMATION : ÉCONOMISTE
CURSUS : Diplômé de l’Université d’État de Moscou (cybernétique économique) et de la Nouvelle École d’Économie à Moscou, Master d’économie (Duke University). FONCTIONS : Conseiller du Président Medvedev, représentant et sherpa de la délégation russe auprès du G8.
Mieux vaut comparer la Russie au Brésil, où la taille de la population et les niveaux technologiques sont similaires. Mais les attentes pour la Russie sont beaucoup plus élevées [que celles pour le Brésil], dans la mesure où nous sommes traités comme un pays européen et que nous devons atteindre le même niveau de confort pour les investisseurs étrangers. Le plus gros reproche fait à la Russie concerne l’étendue de la corruption. Y-a-t-il des progrès dans ce domaine ?
RIA NOVOSTI
La Russie est-elle prête à affron ter le marché mondial de l’automobile, dans l’optique d’une adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et d’une baisse des tarifs à l’importation ? Nous ne sommes pas tout à fait prêts à affronter les producteurs mondiaux, mais l’OMC a mis en place une période de transition de sept ans, et c’est assez pour se préparer. Les grands constructeurs comme Avtovaz [marque Lada] et GAZ ne sont pas encore compétitifs, si bien que nous avons besoin de ces sept années. Nous avons aussi besoin d’investisseurs stratégiques. Nous espérons attirer des constructeurs, et pas seulement pour assembler des voitures.
La campagne anti-corruption fonctionne et la tendance à l’amélioration est là. Mais cela ne se fera pas en un an. Les potsde-vin augmentent, mais c’est en partie dû au fait que ceux qui soutirent des pots-de-vin comprennent que cela ne durera pas très longtemps. Ils ne veulent pas rater le dernier train. C’est un problème systémique et non pas juste le fait d’une bande de criminels ; la corruption existe à tous les niveaux et tient à la participation de l’État dans l’économie. Si on la réduit, le potentiel de corruption chutera. La corruption est liée au traitement préférentiel dont les entreprises d’État bénéficient.
gouvernement pourrait renflouer l’économie tout entière. Mais la Russie a connu l’une des pires récessions. Quels ont été au final les principaux effets de la crise ? Regardez : il n’y a pas eu de ruée vers les banques, pas de banqueroutes majeures. Il y a une con fiance dans le secteur bancaire et le rouble que nous n’avions pas précédemment. Nous avons besoin de changer la structure de l’économie et de ne pas refaire les mêmes erreurs. Maintenant, après la crise, les gens commencent à comprendre, de mieux en mieux, que nous ne pouvons compter sur notre seul marché. Si cela avait été une crise locale, nous aurions eu assez de fonds pour la gérer.
Avec plus de 600 milliards de dollars de devises en réserves injectés dans la crise, il a semblé que le
Le leader mondial de la séparation de gaz investit 40 millions d’euros dans une nouvelle usine en association avec le sidérurgiste russe Severstal (dont il est déjà le partenaire dans une co-entreprise à Tcherepovets). Il s’agit d’un nouveau complexe sidérurgique situé dans le bassin de la Volga (ville de Balakovo). La capacité de l’usine est de 300 tonnes par jour. La production devrait démarrer dès 2012. Air Liquide ne se contentera pas d’assurer des livraisons à Severstal mais alimentera également d’autres clients industriels des environs de Samara et de Saratov.
Propos recueillis par Ben Aris WWW.RU.AIRLIQUIDE.COM
Électricité Le réseau de distribution russe en quête d’expertise étrangère
Commerce Les négociations s’éternisent
EDF étend jusqu’en Sibérie ses lignes de savoir-faire
Admission à l’OMC : Poutine s’impatiente
ERDF, filiale d’Électricité de France, gèrera le réseau de Tomsk. Il s’agit d’un projet pilote qui pourrait attirer d’autres opérateurs étrangers. ANNA PERETOLTCHINA VEDOMOSTI
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La holding MRSK (réseau à basse tension de Russie) et ERDF, filiale Distribution d’EDF, sont parvenues à un accord sur les conditions de transfert de la gestion de la société de distribution d’électricité de Tomsk (TRK) à la compagnie française. Selon la présidente de son directoire Michèle Bellon, ERDF va créer une filiale russe et prévoit d’obtenir la gestion du réseau de Tomsk d’ici à trois mois. Dans ce but, il reste nécessaire d’obtenir le feu vert du gouvernement russe (MRSK appartient à l’État à hauteur de 53%).
Pour l’instant, les parties ont déterminé les principales conditions selon lesquelles ERDF assurera la gestion, notamment les objectifs en termes d’amélioration de l’état économique, financier et technique de la compagnie, le perfectionnement des équipements de sécurité, ainsi que la durée de gestion et le principe de rémunération d’ERDF. Mme Bellon n’a pas dévoilé les détails de l’accord. On sait seulement que le rapprochement,
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qui fera d’ERDF la société de gestion de TRK, ne se traduira pas par un rachat d’actions. Pour l’instant, ERDF ne prévoit pas d’entrer dans le capital de TRK, mais elle envisage à terme de se pencher sur cette question. TRK, qui assure 0,8% de la distribution d’électricité du pays, possède 15,9 millions de km de lignes à 35-110 kW dans la région de Tomsk où elle compte environ 200 000 clients ; l’état de ses lignes est légèrement
EN CHIFFRES
121 700km 6%
4,5 milliards
Longueur totale des lignes haute tension en 201O, contre 118 000 km en 2008.
Valorisation en euros de MRSK à la mi-avril. Bénéfice net : 540 millions en 2009.
Part des investisseurs étrangers dans la génération d’électricité en Russie.
Les médecins russes se mobilisent face aux défis du monde contemporain.
meilleur que le niveau national (60% d’usure contre 69% pour la moyenne russe) et la compagnie n’a jusqu’à présent connu aucun problème financier sérieux. Selon le directeur de la holding MRSK Nikolaï Chvets, ERDF connaît bien les points faibles du système de distribution local, ses experts ayant étudié pendant un an, sur place, le marché russe de l’énergie. Un marché sur lequel EDF lorgne depuis longtemps. Au départ, le français comptait acquérir des actifs de SEU, l’ancien monopole de l’électricité russe, mais le projet n’a pas abouti. En revanche, la filiale italienne d’EDF Fenice a créé, avec Inter RAO, la compagnie Interenergoeffekt, détenue à parts égales, spécialisée dans l’efficacité énergétique. En juin 2010, EDF a signé avec Rosatom un accord de coopération dans le domaine de la recherche et du développement. Le français Dalkia a, quant à lui, créé avec TGK-4 une co-entreprise pour la production, le transport et la distribution de chaleur.
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Le Premier ministre russe s’est emporté contre l’Organisation mondiale du commerce, refusant tout effort supplémentaire tant que la Russie n’y sera pas intégrée. PAUL DUVERNET LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La lenteur des négociations pour l’entrée de la Russie au sein de l’OMC a mis à l’épreuve la patience de M. Poutine : « C’est un ordre : n’honorez aucun engagement tant que nous ne serons pas membres à part entière [de l’OMC] », a lancé le chef du gouvernement à ses ministres le 8 avril dernier. Il s’adressait en particulier au vice-ministre de l’économie Andreï Klepatch, qui se plaignait de la concurrence des équipements chinois au détriment du secteur russe de la construction de machines : « les mains liées » par les négociations,
la Russie ne peut augmenter les taxes à l’importation. Ce mouvement d’humeur survient alors que le Kremlin tablait sur un aboutissement des pourparlers ce printemps. Il pourrait au contraire entraîner un nouveau report de l’admission, car nombre d’acteurs en Russie considèrent avec scepticisme l’OMC. Peu concurrentielle, l’industrie manufacturière russe voit dans l’organisation une menace. De leur côté, les exportateurs de matières premières craignent que les mesures antidumping liées à l’adhésion ne leur offrent pas une meilleure protection. Quant au gouvernement, il sera forcé d’adopter une bien plus transparence concernant les commandes de l’État. La Russie, seule économie majeure hors de l’organisation, tente sans succès d’intégrer l’OMC depuis 18 ans.
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Opinions
POUTINE MISE SUR LE PRAGMATISME
LU DANS LA PRESSE QUI ORGANISE LA TERREUR AU BÉLARUS ? Un attentat dans le métro de Minsk a fait 12 morts et 150 blessés le 11 avril. L’énigme s’épaissit autour des commanditaires et de leurs motifs, alors que les autorités affirment avoir découvert les exécutants. Préparé par Veronika Dorman
Roland Nash THE MOSCOW TIMES
L
FRÈRES DE SANG Egor Maïkine MOSKOVSKIÏ KOMSOMOLETS
Le mythe du « paradis socialiste » calme et sécurisé s’est définitivement écroulé. Après ce terrible épisode, quelque chose doit immanquablement changer au Bélarus. Le premier à avoir désigné les coupables
NIYAZ KARIM
e rapprochement qu’a fait le Premier ministre Vladimir Poutine entre l’opération militaire de la coalition en Lybie et les croisades du Moyen-Age a été considéré par certains comme le dernier exemple de l’opportunisme russe. Il pourrait paraître cynique d’attaquer ainsi une coalition qui a voulu soigner son image en posant comme but premier de l’intervention la protection de la population civile contre un dictateur. La prise de position semble d’autant plus hypocrite, que le Kremlin, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, a apporté son soutien à l’opération en Libye en s’abstenant lors du vote. Les critiques n’ont pas vraiment compris ce qu’il se passait. Poutine ne s’est pas démarqué des pays occidentaux parce qu’il soutient Mouammar Kadhafi ou qu’il trouve amusant de titiller les États-Unis. Au contraire, ses propos reflètent un pragmatisme basé sur des intérêts économiques bien compris. Après s’être comparée à l’Occident pendant deux décennies, la Russie a enfin trouvé son propre statut sur la scène internationale. Car l’un des principaux problèmes auquel elle s’est vue confrontée depuis l’effondrement soviétique, c’est qu’elle ne parvenait à se classer dans aucune des catégories institutionnelles ou géopolitiques traditionnelles. Elle a connu la défaite en tant que superpuissance, elle est le pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) ayant la croissance la plus faible, l’intrus du G8 et le mouton noir de l’Europe. Quelle que soit la catégorie, elle était perçue au mieux comme un pays à la traîne, au pire comme un collectionneur d’échecs. La politique étrangère de ces dernières années permet de sortir de l’ornière. L’amélioration éco-
LA GUERRE DES MÉDIAS Éditorial
La Russie n’a jamais rencontré beaucoup de succès en se définissant comme proou anti-occidentale nomique et une période de relative stabilité à l’intérieur du pays ont permis de générer une nouvelle stratégie nationale et étrangère. Cette stratégie est composée de plusieurs éléments. Le premier, c’est une règle d’or : ne pas se faire d’ennemis, ou du moins, en avoir le moins possible. La Russie bâtit des relations internationales à une très grande échelle. L’amélioration du climat politique avec les États-Unis et l’Europe fait les gros titres de la presse. Les traités sur la réduction des armes nucléaires, une meilleure coopération avec les pays occidentaux sur l’Iran, des progrès dans les négociations concernant l’entrée dans l’Organisation Mondiale du Commerce, l’approvisionnement stable
en gaz de l’Europe et une abstention lors du vote de l’ONU pour éviter une confrontation directe : autant d’améliorations significatives dans les relations entre l’Occident et la Russie. L’établissement de liens forts avec les pays émergents est également très important. La Russie développe ses relations avec les pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique du Sud et du Moyen-Orient. Les pays émergents sont une source importante d’investissements en Russie. Autre élément tout aussi considérable : les grandes entreprises russes sont encouragées à se manifester sur la scène internationale, notamment en Inde, au Venezuela, au Brésil, dans les États du golfe Persique, en Afrique sub-saharienne et tout particulièrement en Chine. En 2010, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de la Russie devant l’Allemagne, et c’était avant le lancement officiel du premier oléoduc depuis la Sibérie orientale. Il convient de comparer ce partenariat avec les États-Unis, qui représentent
aujourd’hui moins de 4% du commerce extérieur russe. C’est l’Asie et le golfe Persique qui déterminent les prix des principales exportations russes. L’efficacité et la compétitivité sont loin d’être le point fort de la Russie. Mais une fois la politique et l’économie associées, sa position apparaît considérablement renforcée. Le pays mêle les accords commerciaux et la politique au niveau domestique comme à l’international. Cette approche est conforme à celle de nombreux pays, où les limites entre État et secteur privé sont floues. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre Poutine. La Russie n’est jamais allée très loin en se définissant comme pro- ou antioccidentale. Elle se veut simplement plus pragmatique. Cela pourrait paraître cynique en Occident, mais cette tendance reflète l’idée que se fait Moscou de l’évolution de la situation mondiale. Roland Nash est conseiller principal en investissement chez Verno Capital.
GAZETA.RU
L’une des conséquences de l’attentat de Minsk est la « guerre médiatique » que les autorités sont prêtes à mener par la propagande et la répression. Le régime de Loukachenko a utilisé une méthode adminis-
TOUR DE VIS Konstantin Eggert KOMMERSANT
La veille de l’explosion, les Biélorusses prenaient d’assaut les bureaux de change dans l’attente d’une dévaluation du rouble local et d’une crise économique inévitable. Ajoutez à cela la fuite réussie en Occident
potentiels est le Président Loukachenko lui-même. « Nous avons reçu ce ‘‘cadeau’’ de l’extérieur », a-t-il déclaré, sans préciser d’où vient l’agression. La géographie est vaste, de Moscou à Washington. Une autre version, celle de l’attentat organisé par l’opposition biélorusse, est peu crédible. Presque tous ses leaders sont en assignation à résidence ou en détention provisoire. Surtout, elle [...] n’abrite pas d’extrémistes ni de chefs de bande. Ses responsables ne sont pas prêts à tout, même pour le pouvoir.
trative éprouvée pour régler la situation : il a menacé les médias et commencé à interpeller les « colporteurs de rumeurs provocatrices dans les réseaux sociaux et les forums en ligne ». Cette solution simple aurait pu fonctionner dans les années de stabilité, quand les rumeurs s’éteignaient d’elles-mêmes. Mais la transparence est telle aujourd’hui que la dissimulation d’une information n’est possible qu’accompagnée de mesures policières violentes, que le régime biélorusse, malgré son autoritarisme, n’a pas utilisées à ce jour.
de certains opposants politiques et l’isolation croissante d’un régime dont même Moscou ne veut plus entendre parler. Les révolutions arabes n’ont pas arrangé les affaires de Loukachenko : elles ont rappelé qu’il existe une dernière dictature en Europe. Lentement mais sûrement, le président tombe en disgrâce. Mais le terrible attentat détourne l’attention des problèmes économiques et lui donne l’occasion d’accuser l’opposition et les journalistes indépendants, procéder à des arrestations et introduire la censure sur Internet.
SONDAGE
Pétrole cher : pas de quoi se réjouir
DIVISIONS DANS L’ARMÉE Rouslan Poukhov THE MOSCOW TIMES
DMITRY FIVIN
L
e débat autour de l’efficacité de la défense russe s’amplifie. La polémique de ces dernières années a enflé suite aux propos d’Ale xandre Postnikov, commandant en chef de l’armée de Terre, qui a critiqué à la fin du mois de mars la qualité du char russe ultramoderne T-90S. En le comparant au char allemand Leopard, de meilleure qualité et moins cher que le T-90, Postnikov a clairement voulu faire pression sur les fournisseurs de l’armée pour qu’ils améliorent leur qualité et leur productivité. Peu de temps après, c’est Dmitri Medvedev qui s’est fâché contre les responsables de l’industrie de la défense, parce qu’ils n’honorent pas correctement les commandes de l’armée. Medvedev a concrétisé ses propos en limogeant le président de la seule entreprise russe produisant des submersibles nucléaires. Des interventions présidentielles aussi radicales sont d’autant plus notables que l’industrie de la défense a toujours été considérée comme le pré carré de Vladimir Poutine. Au cours des 15 premières années de l’ère post-soviétique, le
Le ministre de la Défense, Anatoli Serdioukov, hésite pourtant à assumer la responsabilité de la réorganisation de l’industrie militaire.
secteur de la défense s’est principalement orienté vers le marché de l’exportation, devenant leader mondial dans de nombreux domaines. Une grande partie des projets de recherche et de développement est d’ailleurs menée pour des commandes étrangères, ce qui est dû au fait qu’il n’y avait quasiment pas de commandes venant de l’armée russe durant les années 90. Ce n’est qu’en 2007 que les commandes nationales ont dépassé celles destinées à l’exportation. La piètre performance de l’armée russe durant la guerre russo-géorgienne d’août 2008 fut aussi un déclic. Au cours des deux dernières années, le minis-
tère de la Défense a passé des commandes importantes pour des séries d’armes classiques, notamment 130 nouveaux avions de combat et plus de 100 hélicoptères. La Marine a obtenu des engagements sans précédent. Le ministère de la Défense prévoit de passer des contrats d’une valeur globale de 670 milliards de dollars au cours des dix prochaines années pour renouveler le parc militaire. Le matériel porte sur huit sous-marins nucléaires à missiles balistiques de classe Borei, 10 missiles de brigade Iskander, 600 nouveaux avions, 1000 hélicoptères, 28 bataillons du dernier système de missiles
anti-aériens S-400 et 100 navires de guerre. Le ministre de la Défense, Anatoli Serdioukov, hésite pourtant à assumer la responsabilité de la réorganisation de l’industrie militaire. Des querelles ont éclaté concernant les défauts des systèmes d’armes russes, se traduisant par une tendance du pouvoir à acheter des armes à l’étranger, comme ce fut le cas pour le porte-hélicoptères français Mistral. Le complexe militaro-industriel russe est désormais divisé au niveau de ses deux éléments constitutifs. Ceux-ci sont à couteaux tirés, comme au temps de la Guerre Froide. Normalement, le travail de coordination entre l’armée et l’industrie d’armement doit être effectué par une commission militaro-industrielle dirigée par le vice-premier ministre Sergueï Ivanov. Mais cette commission n’a jamais obtenu les pouvoirs nécessaires et n’est donc pas en mesure de remplir sa fonction principale, à savoir le contrôle de la réalisation des commandes militaires. Le ministère de la Défense et les fournisseurs doivent trouver un nouveau mode de fonctionnement, ce qui ne sera possible que si le gouvernement apprend à gérer efficacement les ministères concernés et nomme des responsables plus compétents pour superviser tout le secteur. Rouslan Poukhov est directeur du Centre d’analyse stratégique et technologique.
CONSIDÉREZ-VOUS QUE LES PRIX ACTUELLEMENT ÉLEVÉS DU PÉTROLE SONT FAVORABLES OU DÉFAVORABLES À LA RUSSIE, PAYS PRODUCTEUR ?
Une majorité de Russes perçoivent négativement l’augmentation des prix du pétrole, en dépit de l’apport massif de devises pour le budget de l’État. Ils estiment que les revenus supplémentaires engendrés par la hausse ne profiteront pas à la population mais seront accaparés par les hauts fonctionnaires et les oligarques qui se les répartiront, tandis que les prix des biens et services subiront, eux, une forte inflation.
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Culture
Littérature Décryptage des nouvelles tendances de la prose russe des « années zéro »
CHRONIQUE LITTÉRAIRE
L’ère de la féminisation et de la biographie
Broyé par l’absurde
Les années 2000 ont apporté de profonds changements dans l’édition. Les lecteurs sont revenus à la littérature de qualité et nombreux sont les jeunes auteurs à s’être révélés.
Écrivaines ou lectrices, les femmes sont la nouvelle figure des librairies.
PAVEL BASINSKI ROSSIYSKAYA GAZETA
TITRE : VOYAGE AU PAYS DES ZE-KA ÉDITIONS : LE BRUIT DU TEMPS
LEGION-MEDIA
AUTEUR : JULIUS MARGOLIN
EVGUENI GRICHKOVETS NÉ EN 1967
ALEXEI IVANOV NÉ EN 1969
ŒUVRES : LE TEMPS DES FEMMES , LE SANG-MÊLÉ, LE CRIMINEL.
ŒUVRES : LA CHEMISE, LES RIVIÈRES, L’HIVER, COMMENT J’AI MANGÉ DU CHIEN.
ŒUVRES : LE COEUR DE PARME, LE GÉOGRAPHE A BU SON GLOBE.
LUDDISTE : romancier, dramaturge, c’est aussi un blogger célèbre, bien qu’il déclare savoir à peine comment allumer son PC. VLADIMIR SOROKINE NÉ EN 1955
ŒUVRES : GÉNÉRATION P, LE LIVRE SACRÉ DU LOUP-GAROU, OMON-RA.
ŒUVRES : LE LARD BLEU, LA JOURNÉE D’UN OPRICHNIK, LA GLACE, LA VOIE DE BRO.
KOMMERSANT
VIKTOR PELEVINE NÉ EN 1962
ÉSOTÉRIQUE : l’œuvre de cet adepte des cultures orientales et du bouddhisme est marquée d’absurde et d’ésotérisme.
LUDMILA OULITSKAÏA NÉE EN 1943
RÉVOLTÉ : auteur engagé dans ses livres et dans la vie. Ses publications font régulièrement grincer des dents les autorités.
ŒUVRES : DANIEL STEIN INTERPRÈTE, SONIECHKA, SINCÈREMENT VÔTRE, CHOURIK.
CLANDESTINE : la généticienne a perdu sa chaire en 1970 après avoir prêté sa marchine à écrire au Samizdat.
« La Russie d’Aujourd’hui » a interviewé Boris Akounine, un des auteurs de polar les plus populaires de Russie. Pourquoi, selon vous, les dix auteurs les plus populaires de Russie sont-ils presque exclusivement des auteurs de polar ? D’abord ce genre est relativement nouveau en Russie, où il n’existe que depuis 15 ou 20 ans. À l’époque soviétique, faire figurer un crime dans la littérature était tout simplement impensable, comment aurait-il pu y avoir des crimes dans le pays du socialisme victorieux ? Deuxiè-
Démythification générale
TATIANA CHABAÏEVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Pendant que le monde de la littérature organise des prix rétroactifs pour rendre justice aux chefs-d’œuvres soviétiques censurés (le prix NOS 73 vient d’être
annoncé), la non-fiction se tourne aussi vers le passé. Verbatim, publié par Astrel, est certainement la plus poignante de ces œuvres. Son auteur, Liliana Lounguina, mère du cinéaste Pavel Lounguine (Taxi Blues, l’Île), fut la traductrice d’Astrid Lindgren, Heinrich Böll, Boris Vian, Henrik Ibsen et bien d’autres. Elle était l’amie de nombreux écrivains soviétiques. Ses compagnons ont été un à un les victimes de la terreur, broyés
Christine Mestre Découvrez d’autres chroniques sur larussiedaujourdhui.fr
OPINION
Fontaine de pétrole et de sang mement, le polar est le genre le plus intéressant. Il encourage le lecteur à se creuser les méninges pour découvrir qui est l’assassin. Le polar russe est-il spécifique ? Il est beaucoup plus varié que le polar scandinave, par exemple. Parce que la vie ici a toujours été une fontaine débordante : une fontaine de pétrole, de sang, d’émotions... Pourquoi votre personnage central, Fandorine, est-il si populaire ? Fandorine possède de nombreuses qualités qui manquent cruellement dans notre peuple. Les opposés s’attirent, vous savez bien. Fandorine est réservé, il a du sang-froid, il est scrupuleux, et ne considère pas les autorités comme quelque chose de sacré. Au fond, mes lecteurs veulent être comme lui.
Tendance La non-fiction puise son inspiration dans l’histoire récente
L’approche documentaliste s’impose peu à peu dans les rayons des librairies, avec plusieurs travaux d’envergures jetant un regard nouveau sur le passé soviétique.
« Mon sujet le voici : un camp ordinaire en URSS ». Au milieu des marais et des forêts à perte de vue, les Ze-ka, des hommes en haillons, décharnés, éreintés par le travail, les privations, le froid, la crasse. Des baraques branlantes où des rats affamés disputent aux hommes le moindre rogaton. Ce camp « ordinaire », Julius Margolin y est arrivé au terme d’un voyage interminable, commencé en Palestine où il vit depuis 1936. En 1939 il est de passage à Lodz, comme beaucoup il ne croit pas à la guerre imminente et se trouve pris au piège du pacte germano-soviétique qui signe la fin de la Pologne. Alors commence l’aventure kafkaïenne de Julius Margolin et de milliers de ses semblables. Car à la différence des détenus soviétiques, Margolin ne sait rien de l’URSS et de sa machine à broyer. C’est la volonté de comprendre qui permettra à cet intellectuel chétif
et myope de traverser l’univers concentrationnaire et son cortège de calamités. « Malheur au faible ! », prévient–il. S’il n’atteint pas les normes fixées, sa ration alimentaire est réduite, il devient donc de jour en jour plus faible, incapable de résister à la rigueur de l’hiver, au travail accablant, à la brutalité des chefs et de ses codétenus. Margolin décrit le processus de déshumanisation et l’absence totale de bonté ou de solidarité. Margolin aura lui aussi recours à la violence, c’est sa pire rancune : ses tortionnaires auront fait de lui « leur complice, leur élève, leur prosélyte ». Cinq années passent : « Cinq ans auparavant, par une belle journée, les portes de la prison s’étaient refermées sur moi. Aujourd’hui, blanchi et brisé je marchais le long de la voie ferrée de Kotlas ; le sac pesait sur mes épaules. J’étais libre ; le poids n’était pas sur mon dos, mais dans mon cœur »... Margolin revient de son Voyage au pays des Ze-Ka, il n’a désormais qu’un devoir, celui de rendre compte et « de transmettre l’appel au secours des hommes coupés du monde ». Il écrit La Condition inhumaine que Calmann-Lévy publie en 1949, amputé d’un bon tiers. Nina Berberova et Mina Journot signent la traduction. Le livre aura peu d’écho, l’époque a ses complaisances dans d’autres directions. Le Bruit du temps et Luba Jurgenson nous restituent aujourd’hui la part manquante de l’ouvrage, enrichi d’un appareil de notes précieux..
Dirigeants et écrivains : une indifférence mutuelle
ENTRETIEN
ITAR-TASS
Oural natal, qu’il surnomme « la colonne vertébrale » de la Russie. Dans son merveilleux roman Les Eltyshev, Roman Sentchine raconte l’agonie d’une famille russe ordinaire, oppressée par les nouvelles conditions économiques. Preuve qu’un roman peut, sur le thème de la dégradation sociale, devenir un excellent cru littéraire. Enfin, le genre biographique a le vent en poupe. Dans la célèbre collection russe « Vie des gens extraordinaires », se succèdent les nombreuses biographies d’écrivains rédigés par des écrivains eux-même. Dmitri Bykov raconte Boris Pasternak et Boulat Okoudjava, Alexeï Varlamov retrace la vie de Mikhaïl Boulgakov, Alexandre Grin, Alexeï Tolstoï et Andreï Platonov,Valéri Popov écrit sur Sergueï Dovlatov, etc. L’origine d’un tel succès ? De grands écrivains, racontés par de grands auteurs.
HOMME AU FOYER : écrivain russe parmi les plus en vue, il n’a, à l’image de Pouchkine, jamais quitté le sol national.
DPA/VOSTOCK-PHOTO
SURVIVANTE : économiste de formation, elle s’est lancée dans l’écriture en 1996 après avoir réchappé d’un incendie.
KOMMERSANT
ELENA CHIZHOVA NÉE EN 1957
PHOTOXPRESS
RIA NOVOSTI
Les grandes plumes du roman contemporain
ITAR-TASS
Les années 90 furent celles du divorce total entre la critique d’une part, les grandes maisons d’édition et le grand public d’autre part. Bien qu’ils soient de plus en plus nombreux, les prix littéraires russes (Booker russe, Best-Seller national,Yasnaya Poliana, Grand Livre, etc.) semblaient n’avoir aucun effet sur les ventes. Inversement, la littérature grand public était ignorée par les critiques. La donne a changé avec les « années zéro ». Les amateurs de littérature de gare ou de genre ont fini par se rabattre sur les séries télé. Seuls les vrais amateurs de littérature sont restés. Autre signe des temps modernes, ces lecteurs sont pour la plupart des lectrices. L’un des romans les plus populaires ces deux dernières années ? Le Temps des femmes. L’auteur, Elena Chizhova, une universitaire pétersbourgeoise, a reçu le prix Booker russe 2009. En Russie, les femmes lisent beaucoup plus que les hommes. Ces lectrices sont plus réceptives aux femmes écrivains, d’où le succès des romans de Dina Rubina, Liudmila Oulitskaïa, Tatiana Tolstoï, Elena Chizhova, Olga Slavnikova, Elena Katishonok... sans parler de ces « reines du roman policier féminin » que sont Alexandra Marinina, Tatiana Oustinova et Daria Dontsova. Les « années zéro », c’est aussi l’âge d’or des découvertes littéraires russes des années 1990, en particulier de Viktor Pelevine et de Vladimir Sorokine. Ils ont su se constituer un public très fidèle. Lire le dernier Pelevine ou Sorokine est en outre un signe d’appartenance à un certain milieu intellectuel. Autre tendance significative des « années zéro », l’émergence d’une génération de trentenaires, avec Zakhar Prilepine, Alexeï Ivanov, Roman Sentchine, Dmitri Novikov. Proches du réalisme, ils refusent toute approche psychologique de la littérature. Leader emblématique de ce mouvement, Zakhar Prilepine a séduit le public moscovite avec son roman San’kia, qui raconte les périples d’un jeune révolutionnaire révolté contre le capitalisme. Le jeune Alexeï Ivanov a percé dans le monde de la littérature grâce à ses romans L’Or de la révolte et Le Cœur de Parme. Originaire de Perm (Oural), il est aussi ethnographe spécialiste des peuples de son
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ou tués dans les camps de Joseph Staline. Sa maison s’est convertie en un îlot de sécurité pour de nombreux auteurs persécutés, trahis par leurs amis et leurs collègues. Elle-même est devenue la gardienne et le témoin de leur destin. Juste avant son décès en 1998, Lounguina a conté sa vie à Oleg Dorman. Son récit a donné naissance à un documentaire puis au livre Verbatim. Pendant onze ans, on n’avait manifesté aucun
intérêt pour son histoire, jusqu’à ce que le romancier Boris Akounine et le journaliste Léonid Parfionov s’en mêlent. Le documentaire et le livre ont tous deux rencontré un énorme succès public. De son côté, Parfionov, un des plus célèbres journalistes de télévision, planche sur le cinquième volume de Notre Temps, une encyclopédie englobant l’URSS et la Russie actuelle. Chaque volume aborde une décennie différente. Notre Temps est illustré de photographies de haute qualité, vivantes et pertinentes, qui aident à donner vie à l’histoire pour le lecteur russe.
Zakhar Prilepine ÉCRIVAIN
C
e n’est que durant les 15 dernières années que la situation a qualitativement changé. Je ne devrais même pas essayer de déterminer si cela est meilleur ou moins bon. La vérité est que la littérature (et l’art dans son ensemble) n’est plus perçue par les autorités comme quelque chose qui donne du sens à la vie et qui, par conséquent, est utile pour gouverner un pays. Nicolas Ier a été le censeur personnel de Pouchkine. Staline a écrit « Pourriture ! » dans la marge des livres d’Andreï Platonov. Tandis que Mikhaïl Gorbatchev comprenait la valeur des mots et a sincèrement flirté avec plusieurs ensorceleurs. Je ne peux cependant pas envisager de décrire Dmitri Medvedev ou Vladimir Poutine comme des censeurs ni comme des lecteurs attentifs et des partenaires de conversation, disons, de l’écrivain postmoderne ésotérique Viktor Pelevine. Je ne peux pas non plus imaginerVladimir Poutine en train de lire les ouvrages d’Edouard Limonov, auteur radical et leader du Parti national bolchévique, laissant un « Pourriture ! » dans la marge. Et cela demande un certain pouvoir d’imagination que de les voir se lancer dans un groupe de discussion sur la prose du réalisme psychologique de Vladimir Makanine.
En fait, quand cela me tombe dessus, j’ai du mal à imaginer que l’un d’entre eux puisse être un rat de bibliothèque ; le président semble se contenter de ses gadgets pour occuper son temps libre et le premier ministre, passer le sien sur des skis ou aux commandes d’un avion. Dans l’ensemble, la vie de l’écrivain n’a probablement jamais été aussi paisible qu’aujourd’hui. Aucune crainte de se faire haranguer, huer ou piétiner. Le risque est plus grand d’être poursuivi pour sédition. Aujourd’hui, autorités et écrivains existent indépendamment et se croisent rarement, essentiellement lorsqu’il s’agit de respecter les formes. Et quand cela arrive, leurs rencontres sont tout à fait insipides. Alors, que se passe-t-il si Boris Akounine ou Lioudmila Oulitskaïa soutiennent Mikhaïl Khodorkovski ? Que se passe-t-il si Boris Grebenchikov et Konstantin Kintchev, des stars du rock célèbres qui sont aussi de merveilleux poètes, écrivent une lettre à la veille de la Saint Sylvestre pour demander que Khodorkovski ne soit pas emprisonné de nouveau pour des faits pour lesquels il a déjà payé ? C’est une démocratie que nous avons ici, n’est-ce pas ? Vous voulez écrire ? Je vous en prie. Vous voulez protester ? Soyez sans crainte. Dans ce type de démocratie, on peut parler de soi-même, de son pays, du futur, des autorités… de tout. Mais cela n’affecte en rien les dirigeants. Né près de Riazan en 1975, Zakhar Prilepine est écrivain et journaliste.
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Loisirs
Art lyrique La presse internationale à l’assaut d’« Akhmatova » à l’Opéra Bastille
RECETTE
L’œuvre tonitruante de Mantovani fait des vagues
La chasse aux moules
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PAUL DUVERNET LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
ELISA HABERER
La vie tragique de la poétesse russe Anna Akhmatova (18891966), bâillonnée par le stalinisme, a inspiré au compositeur français Bruno Mantovani un opéra, créé à l’Opéra Bastille. Ce jeune compositeur (36 ans), très prolixe, en est à sa deuxième création. Sa première, L’Autre côté, abordait déjà la problématique de l’artiste face à l’imposture d’une utopie politique. Comme le fait remarquer Philippe Venturini, dans Les Échos, « avant d’avoir écouté la moindre note, on entendait les voix grincer ». La production partait avec un handicap, car de nombreuses critiques pleuvaient déjà sur le côté « entre-soi » du directeur de l’Opéra de Paris Nicolas Joël, qui se charge lui-même de la mise en scène, tandis que le livret était confié à son dramaturge Christophe Ghristi, et le rôle-titre d’Akhmatova… à son épouse Janina Baechle. Amateurs de musique russe, ne cherchez pas d’exotisme dans la partition. Anne Dastakian, dans Marianne souligne qu’on « cherchera vainement la moindre référence musicale aux compositeurs soviétiques contemporains de la poétesse, tels Dmitri Chostakovitch », car comme l’explique le librettiste, « on n’a pas voulu faire couleur locale ». Ce qui a été fait, force est de le constater, n’a guère plu. Pour George Loomis, célèbre critique du New York Times, la partition
Un enregistrement d’« Akhmatova » sera diffusé sur France Musique le 27 avril.
déborde « d’éruptions orchestrales » trop fréquentes, et qui par conséquent forment une succession de « dissonances terribles perdant progressivement de leur efficacité ». Même constat pour Anne Dastakian : « Pour justifier ce déluge sonore, le compositeur invoque le chaos de la seconde guerre mondiale, les horreurs du stalinisme... Mais nombreux étaient ceux, dans la salle, qui auraient aspiré à une musique plus en harmonie avec l’œuvre de la poétesse ». Certains justifient la redondance : « Pour traiter un tel destin, le compositeur n’avait aucune raison de choisir une musique voluptueuse ou séduisante : la tension politique et
l’angoisse subséquente étreignent donc les poitrines et serrent les gosiers », défend Venturini, qui trouve que « la prosodie reste très claire, le débit de la parole, parfois proche du parler, très naturel et la voix ne disparaît jamais derrière l’orchestre ». Il est bien le seul. C’est Le Figaro qui se montre le plus dur, sous la plume de Christian Merlin : « De ce musicien toujours en éveil, on attendait une partition foisonnante. On a entendu la même chose pendant deux heures. Des à-plats de cordes pour laisser passer les voix, puis des coups de boutoir des cuivres, une déclamation prenant systématiquement le contrepied de la prosodie française ». Quant à l’oreille d’Éric Aeschi-
mann, de Libération, elle « a bien du mal à se frayer un chemin jusqu’aux voix ». Furieux, Renaud Machart, du Monde, estime que « le premier défaut de cette musique est que l’orchestre couvre le plus souvent les voix et qu’on ne peut guère se priver des surtitres pour comprendre ce qui se dit ». On rappellera au lecteur que toutes ces critiques, sans doute justifiées, tombent après une première mondiale.Tout compositeur digne de ce nom procède à des ajustements après la création. Bruno Mantovani a d’ailleurs confessé en sortant de la première répétition : « Je n’avais pas conscience d’avoir composé un opéra d’une telle dureté ».
À L’AFFICHE « VIVRE DANS LE FEU » D’APRÈS MARINA TSVETAEVA
LE 26 AVRIL SALLE PLEYEL, PARIS
DU 26 AU 30 AVRIL TNBA, BORDEAUX
Celle que l’on qualifie d’Audrey Hepburn du chant revient à Paris avec le Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi. La diva russe, reconnue comme l’une des plus belles voix de notre époque, interprétera également une sélection de cantates du même compositeur.
Libre adaptation du recueil éponyme présenté par Tzvetan Todorov, la pièce donne vie aux écrits éparpillés de la célèbre poétesse russe - carnets, poèmes et même brouillons de lettres - ainsi qu’à des extraits de son recueil Le ciel brûle. Et c’est à Natacha Régnier, prix d’interprétation du festival de Cannes 1998 pour son rôle dans La vie rêvée des anges, que la réalisatrice Bérangère Jannelle confie la délicate tâche de se glisser dans la peau de Marina Tsvetaeva. Son enfance, ses amours, l’écriture et finalement son suicide, c’est la fresque de toute une vie qui est offerte en guise d’hommage passionné à l’écrivaine.
ITAR-TASS
› www.sallepleyel.fr
› www.tnba.org
PRINTEMPS DU FILM RUSSE DU 4 AU 10 MAI CINÉMA ÉLYSÉES LINCOLN, PARIS
PHILIPPE DELACROIX
ANNA NETREBKO EN CONCERT
SEMIANYKI DU 3 MAI AU 2 JUILLET THÉÂTRE DU ROND-POINT, PARIS
Portrait acerbe mais hilarant d’une famille déjantée, Semianyki allie le burlesque à la poésie. Un père alcoolique, une mère sur le point d’accoucher et une ribambelle d’enfants se jouant des tours toujours plus inventifs : telle est la recette de la troupe Licedeï pour une soirée de rire sans bornes. › www.theatredurondpoint.fr
Le festival du film russe « Vesna » se donne pour ambition de faire découvrir les meilleures productions de l’année, primées à l’international et en Russie. Pour cette édition, les films 2010 présentés seront La lisière d’Alexeï Outchitel, déjà remarqué à Honfleur, et Zone de turbulence d’Evgenia Tirdatova. Une place de choix est réservée aux studios Mosfilm, qui marqueront l’ouverture et la clotûre du festival avec respectivement Nuit de Carnaval et La jeune fille sans adresse d’Eldar Riazanov. De nombreuses projections sont en outre prévues autour du thème des films noirs et d’espionnage.
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Les mets de la Pâque orthodoxe reflètent les symboles liturgiques de la résurrection, du triomphe de la lumière sur les ténèbres et du retour du printemps. Durant la semaine sainte, les Russes préparent une brioche pascale, le koulitch, et colorient des œufs durs. Avec la paskha, un fromage blanc épais, sucré, truffé d’épices et de fruits confits, ce sont les spécialités fondamentales du festin de Pâques, qui suit la longue messe nocturne, ponctuée des exclamations « Le Christ est ressuscité ! » auxquelles les fidèles répondent « En vérité, il est ressuscité ! » Cette phrase est rendue par les initiales « XB » qui sont un motif décoratif récurrent sur les œufs, la paskha et le koulitch. Je me souviens de ma première Pâque russe comme d’une chasse frénétique non pas aux œufs et chocolats, mais aux ustensiles de pâtisserie. J’avais pourtant à ma disposition tout un arsenal de pots, poêles, et autres moules à tarte, mais aucun ne convient aux spécialités pascales. Je voulais faire les choses bien : le koulitch est cylindrique, élancé, et coiffé d’un chapeau, comme un champignon. La paskha est préparée dans un moule en forme de trapèze, appelé pasotchnitsa et décoré de « XB » ou de la croix orthodoxe sur chaque face, qui s’impriment dans le fromage. J’ai commencé par la pasotchnitsa, pensant que c’était l’épreuve principale. J’ai rôdé en vain dans les marchés, supermarchés et magasins de cuisine spécialisés. En vain, hormis quelques bons conseils.
« Essayez les églises », me suis-je entendue dire. Mais après un détour par trois églises de quartier, je me suis tournée vers le supermarché appartenant au patriarcat, Sofrino. J’ai retenu mon souffle pendant que quatre prêtres me doublaient dans la file (oui, ils ont le droit). Finalement, j’ai mis la main sur une pasotchnitsa. Mais le moule à koulitch s’est avéré être encore plus insaisissable. Rien chez Sofrino, ni nulle part ailleurs. De retour à la maison, j’ai fondu en larmes de rage, de dépit. « Qu’est ce qui ne va pas ? », m’a demandé mon mari russe. Entre deux hoquets, je lui ai expliqué que notre Pâque était gâchée parce que je n’avais pas trouvé de moule à koulitch. Après un gloussement, il a disparu dans le gardemanger, pour en rapporter quatre boîtes de conserve de tailles différentes, qui contenaient des tomates, du café, des haricots et des champignons marinés. « Moules à koulitch », dit-il. « En vérité, moules à koulitch », répondis-je, sur un ton liturgique.
ITAR-TASS
La critique n’a pas été tendre envers la création très médiatique, le 28 mars dernier, d’un opéra portant le nom de l’immense poétesse acméiste russe Anna Akhmatova.
Jennifer Eremeeva
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EN BREF Le Casse-noisette des jeunes talents Maestros en herbe de tous les pays, unissez-vous ! La chaîne publique Kultura est dans les starting-blocks pour la douzième édition du concours musical « Casse-noisette », réservé aux moins de quatorze ans. Le conte, mis en ballet par Tchaïkovski, est un hymne à l’enfance et à la féérie du rêve et du voyage. De même, le concours organisé par Kultura est une grande fête dont les enfants, venus des quatre coins du monde, sont rois. Du tirage au sort pour l’ordre de passage au gala final, tout est jeu et réjouissance. Les candidats au concours, russes et étrangers, se dispute-
ront les Casse-noisettes d’or, d’argent et de bronze, en jouant face à au public, avec un orchestre professionnnel. Tatiana Essaoulova, porte-parole de la chaîne Kultura, souhaite que « cette grande célébration du talent juvénile soit un rendez-vous véritablement international ». Douzième concours télévisuel de musique classique « Casse-noisettes », du 1er au 8 novembre 2011. Dossiers de candidature à envoyer avant le 10 août. Lisez davantage sur larussiedaujourdhui.fr/ 12133
› www.festival-russe.fr TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE
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