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Derrière l’épaule du videur, le paradis ! La nuit moscovite explose, mais il faut savoir forcer la porte des clubs branchés. P. 8
Bolchoï : cette chère rénovation Le théâtre rouvrira en octobre après de longs travaux assortis d’une facture qui s’annonce astronomique.
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
P. 7 RUSLAN SUKHUSHIN
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 15 juin 2011
La relance de l’aéronautique L’industrie aéronautique civile russe va venir jouer des coudes au salon du Bourget. Un retour difficile dans une arène mondiale dominée par Boeing et Airbus, où les appareils canadiens, brésiliens et chinois peinent à faire leur niche. Les Tupolev, Yak et autres Iliouchine russes ont du plomb dans l’aile et Moscou, qui veut absolument sauver une industrie très valorisante, rationalise progressivement sa stratégie. Le réveil ne s’est pas fait sans la participation des Occidentaux. L’avion qui symbolise le renouveau, le Superjet 100, est le premier exemple réussi de collaboration internationale dans l’aviation civile. La participation de groupes français, italiens et états-uniens a été essentielle dans la conception et la production de l’appareil. Mais l’ambition de la Russie ne se limite pas à un avion régional. Comme ses pairs du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), Moscou vise à développer une gamme complète. Pas sûr qu’il y ait de la place pour tout le monde, tant la compétition est ardue.
Champion du recyclage dans un pays qui le pratique peu, Roman Sablin s’est rendu célèbre à Moscou en transformant son appartement du centre-ville en vitrine d’un mode de vie radicalement vert. La visite est ouverte à tous les Moscovites soucieux de l’environnement. PAGE 8
AFP/EAST NEWS
OPINIONS
Immigration Ils sont des millions à venir d’Asie centrale
PHOTO DU MOIS
Le prolétariat eurasien fait tourner Moscou
Alerte au feu en Sibérie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Attrapez un de ces taxis sauvages qui sillonnent les rues de Moscou, et il y a de fortes chances que le conducteur soit un jeune d’Asie centrale, peut-être un Moldave fraîchement débarqué à qui vous devrez vous-mê-
me indiquer la route, même pour aller sur la Place Rouge ! Les migrants des anciennes républiques soviétiques, qui n’ont pas besoin de visas, se sont rués vers la Russie pour y chercher du travail, et les entreprises russes embauchent volontiers cette main d’œuvre bon marché. Le Service fédéral des migrations (FMS) estime qu’environ 1,7 millions d’étrangers entreront en Russie pour travailler légalement en 2011, alors que trois à quatre millions de sans-papiers sont déjà présents dans le pays.
Ils déblayent la neige et ramassent les ordures, construisent les tours de verre et d’acier de la capitale. Elles vendent sur les marchés, nettoient les toilettes publiques et les passages souterrains, et sortent les poussettes dans les parcs. Bakhyd Asilbekulu, 21 ans, est arrivé de Osh, au Kirghizstan, pour travailler comme nettoyeur sur un marché de Moscou, pour 15 000 roubles (370 euros) par mois. Dans un foyer non loin de là, il partage une chambre avec plus d’une douzaine de ses compatriotes. Bakhyd, qui a russifié son nom en Boria, prévoit de rentrer au Kirghizstan en décembre, mais « s’il n’y a pas d’argent, je reviendrai à Moscou ». SUITE EN PAGE 2
Revue de presse : drôle d’embargo
Lâchage d’eau par un hélicoptère MI-8 au-dessus de la Taïga en feu le 2 juin. Le sinistre a eu lieu près du village de Boguchany, à 560 km au nord-est de Krasnoyarsk, en plein centre de la Sibérie.
Charité boudée
Destination polaire
L’enquête sur la mort scandaleuse de l’avocat d’affaires Sergueï Magnitsky progresse mais se heurte aussi à des résistances au sein des services de sécurité.
La classe moyenne russe hésite encore beaucoup à verser de l’argent aux organisations caritatives. Les dons restent l’apanage des plus fortunés et de l’État.
Le Pôle Nord se visite : une de nos journalistes y a séjourné dans « l’hôtel » le plus septentrional de la planète, au milieu des glaces et de vues à en perdre la boussole.
PHOTOXPRESS
L’éditorialiste Stanislav Minine plaide pour un engagement des responsables politiques sur les droits des « gays », jugeant la société russe réceptive aux minorités, y compris en matière d’orientation sexuelle.
SOCIÉTÉ
L’hydre de la corruption
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Il est temps de dire non à l’homophobie
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REUTERS/VOSTOCK-PHOTO
GALINA MASTEROVA
Un activiste écolo part en guerre contre le plastique PHOTOXPRESS
SUITE EN PAGE 4
Du déneigement aux chantiers de gratte-ciels, les ressortissants des anciennes républiques socialistes occupent tous les emplois pénibles nécéssaires à la modernisation du pays.
LOISIRS
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PAGE 5 PHOTOXPRESS
Face à l’embargo sur tous les fruits et légumes importés d’Europe après la crise de la bactérie E. coli, la presse russe s’interroge sur les véritables motifs du Kremlin, au-delà des considérations sanitaires. PAGE 2
LAIF/VOSTOCK PHOTO
Politique & Société
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
Ce prolétariat eurasien qui fait tourner le pays
Scandale L’affaire Magnitsky rebondit
Les tentacules de la corruption freinent l’enquête
suite DE la première PAGE
La commission spéciale du Kremlin, qui enquête sur la mort en prison de l’avocat moscovite Sergueï Magnitsky, progresse difficilement face aux fortes résistances qu’elle rencontre. Galina Masterova, Vldaimir Rouvinsky
La russie d’aujourd’hui
ilya varlamov
L’immigration en provenance des anciennes républiques soviétiques, surtout d’Asie centrale, est générée par le contraste entre la pauvreté de leurs pays d’origine et une Russie en plein essor qui manque de main d’œuvre. La population russe, actuellement de 143 millions, pourrait baisser de 40 millions d’ici à 2050, selon les démographes. « Tous les ans, la Russie perd un million de citoyens en bonne santé », explique Lidia Grafova, conseillère à la commission gouvernementale sur les migrations. En 2030, l’économie russe aura besoin de 30 millions d’immigrés supplémentaires, estime Viatcheslav Postavnine, ancien directeur-adjoint du FMS et président du fonds Migration du XXIe siècle, un groupe de soutien. « Sans les immigrés, le mètre carré [d’immobilier] coûterait le triple, les routes, le double », at-il précisé lors d’une confé‑ rence de presse au mois de mai, ajoutant que « 10% du PIB sont générés par les migrants ». Plus tôt dans l’année, le FMS a annoncé ses projets de simplification des processus d’immigration en augmentant le nombre de résidents légaux autorisés et en facilitant l’accès à la citoyenneté pour ceux qui voudraient s’installer définitivement en Russie. Konstantin Romodanovsky, président de l’agence des migrations, a également déclaré qu’il voulait éliminer la corruption qui oblige souvent les immigrés à payer des pots-de-vin pour se frayer un chemin à travers la jungle bureaucratique et légaliser leur statut. « C’est compliqué de franchir chaque étape sans payer un pot-de-vin », confirme Grafova. Malgré la crise démographique, ces mesures ne font pas l’unanimité. Selon un sondage de l’agence Politex, 86% des Moscovites veulent un contrôle étatique plus strict de l’immigration. Olga Kirsanova, 52 ans, une femme de ménage dans un hôtel de la capitale, exprime une hostilité assez typique : « La criminalité augmente et ils nous prennent tout notre travail, dit-elle. On ne peut pas vraiment fermer les frontières, mais il faut des restrictions ». Les experts dénoncent l’insuffisance des efforts déployés dans l’éducation publique pour promouvoir la tolérance. Les programmes d’intégration fournis
Les travailleurs immigrés produisent 10% du PIB russe mais sont souvent exclus des emplois légaux.
par les instances étatiques aux immigrés sont aussi insuffisants. Le besoin de cours de langue gratuits et d’un apprentissage de la culture et des lois russes est revendiqué. Les moyens dégagés sont « faibles », dit Alexandre Verkhovsky qui étudie, au sein de l’Organisation non gouvernementale Sova, les agressions contre les travailleurs étrangers. Celles-ci sont encore fréquentes, précise le chercheur, mais le nombre d’assassinats a diminué depuis que la police a réussi à faire condamner pour meurtre des membres de gangs racistes. Verkhovsky, comme d’autres experts, dénonce le fait que les nouveaux arrivants sont souvent exploités par leurs employeurs. Il convient de les instruire sur leurs droits, en dehors de toute crainte des autorités. Arbor, originaire d’Ouzbekistan et qui refuse de révéler son nom de famille, a travaillé dans le BTP à Moscou pendant trois ans, en mettant de l’argent de côté pour s’acheter une voiture, même si plusieurs fois on lui a rogné son salaire. Mais il s’est déniaisé, confie-t-il, et conduit désormais un taxi « sauvage », sans licence. « Quand je me suis lancé, je savais dire ‘’gauche’’, ‘’droite’’ et ‘’tout droit’’, en russe », se souvient-il en évoquant ses débuts. Il parle aujourd’hui couramment et plaisante : « J’ai appris la langue grâce à mes clients ».
Quels emplois occupent les immigrés ?
itar-tass
La mégapole du travail clandestin Moscou est de loin la ville la plus peuplée d’Europe, avec un chiffre officiel de 11,5 millions d’habitants. Les autorités concèdent toutefois que le nombre réel est bien supérieur, quelque part entre 13 et 17 millions. L’absence de statistiques fiables sur le nombre d’immigrés résidentant de manière illégale constitue un gros problème pour les autorités municipales. En toute logique, les habitants clan-
destins n’ont pas du tout participé au recensement de 2010. Ces dernières semaines, la police a même découvert plusieurs campements importants de travailleurs illégaux. Un village souterrain a même été découvert sur le site d’une usine militaire. Plusieurs centaines de clandestins y ont construit des habitations souterraines, avec électricité, eau courante et même un petit élevage de chèvres...
lu dans la presse les dessous de l’embargo sur les légumes européens La Russie, candidate à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a décrété un embargo sur les légumes en provenance de l’Union européenne. Cette riposte, disproportionnée pour les Européens et pour bien des Russes, intrigue. Et si derrière le souci sanitaire légitime se cachaient des intentions démagogiques (les élections approchent), voire des mesures protectionnistes ?
Préparé par Veronika Dorman
La cage en métal de la salle d’audience numéro 14 de la Cour régionale de Tverskoï, utilisée pour les accusés, était vide et sa porte grande ouverte lorsque le tribunal a examiné l’arrestation prononcée contre Ivan Tcherkassov, un cadre supérieur du fonds d’investissement britannique Hermitage Capital. Tcherkassov, qui vit à Londres, a déclaré n’avoir nullement l’intention de se présenter pour faire face à des accusations d’évasion fiscale qu’il dit fausses. Et d’ajouter qu’il était victime d’une revanche du personnel des Services de sécurité russes (FSB). Quelques jours auparavant, une commission indépendante créée par le Président Dmitri Medvedev avait conclu, selon un rapport préliminaire révélé par le journal Vedomosti, que les accusations portées contre l’avocat russe Sergueï Magnitsky avaient été montées de toutes pièces et que des fonctionnaires étaient au moins en partie responsables de la mort de Magnitsky en 2009. Ce dernier travaillait pour Hermitage Capital lorsque qu’il a mis à jour ce qu’il dénonçait comme une arnaque fiscale de 230 millions de dollars, organisée par un groupe de policiers et d’agents du fisc corrompus. Il a ensuite été accusé de ce même crime. Marié et père de deux enfants, l’avocat de 37 ans est mort après avoir été placé 11 mois durant en détention provisoire. Il est tombé gravement malade du pancréas pendant sa détention. Or, les autorités carcérales ont semble-t-il conditionné son traitement à la signature de faux aveux. Ce qu’il a refusé. Kirill Kabanov, à la tête du Comité national anti-corruption, travaille sur le rapport de la commission présidentielle. « Plusieurs fonctionnaires ont déclaré ouvertement se moquer de notre enquête», a dit Kabanov. « C’est de l’arrogance brute. Ce ne sont pas des marionnettes, ce sont les marionnettistes. Et le FSB refuse de livrer ses em-
kommersant
02
Kirill Kabanov dirige le Comité national anti-corruption.
ployés. De grosses sommes d’argent sont en jeu ». Hermitage Capital fut jadis l’un des soutiens les plus enthousiastes du Kremlin. Mais, depuis que son PDG William Browder s’est vu refuser l’entrée en Russie en 2005, il en est devenu un critique acerbe. Hermitage Capital a mené sa propre enquête. Une série de vidéos a été réalisée, montrant les acquisitions luxueuses faites par des fonctionnaires impliqués dans la fraude. La dernière vidéo accuse l’agent du fisc qui a approuvé le remboursement fiscal d’avoir fait virer des millions sur un compte suisse au nom de son mari. La vidéo énumère aussi des achats de propriétés à Dubaï et au Monténégro pour plus de 20 millions de dollars, bien que l’agent en question et son mari n’aient qu’un salaire annuel de 38 000 dollars. Les autorités suisses ont depuis gelé les avoirs du couple. À la dernière audience, la Cour a tranché en faveur du lieutenant-colonel Oleg Siltchenko, responsable de l’instruction dans l’affaire Magnitsky, et ratifié l’avis d’arrestation de Tcherkassov. « Après la fuite du rapport, des membres des services de sécurité ont commencé à faire pression sur nous, a commenté le conseiller présidentiel Valery Borschev. Ils m’ont appelé en demandant pourquoi on s’attaquait à Siltchenko (...). Nous nous efforçons de punir les coupables et nous n’avons touché qu’à la partie émergée de l’iceberg pour le moment. Des personnalités importantes se cachent derrière les enquêteurs et les agents du fisc. Nous espérons remonter la filière jusqu’à elles ».
en bref
entre de bonnes mains
Simulacre de sang-froid
la guerre des salades
vedomosti
gazeta.ru
Moskovski Komsomolets
Quelle chance que la Russie ne soit pas membre de l’OMC ! C’est ce qui nous sauvera des terribles légumes européens. Nous avons la chance de vivre en Russie, où notre médecin en chef nous a maintes fois sauvés du vin moldave ou géorgien, du poulet américain au chlore et de la grippe porcine et aviaire. Aurait-il pu en faire autant si l’on pouvait contester ses actes devant un tribunal indépendant ? Pas sûr. L’embargo sur les légumes, c’est bien, mais pas assez. Comme nous le disent les médecins, l’E. coli est aussi un problème de mains sales. Tant qu’on y est, il faudrait aussi interdire l’importation de mains européennes, et ceux qui s’y rattachent.
Derrière cette répression commerciale pourrait se cacher une volonté préélectorale de jouer l’atout « on prend soin du peuple », tout en décochant une taloche démonstrative à l’Occident arrogant. Ce soupçon est renforcé par le sang-froid dont notre pouvoir fait toujours preuve dans des situations tout aussi dangereuses qui surgissent sans cesse dans notre pays. Mais contrairement à l’E. coli, les tonnes de produits avariés dans les supermarchés et les empoisonnements massifs récurrents dans les écoles ne deviennent pas des événements sensationnels. Ils ne débouchent même pas sur des sanctions à l’encontre des instances de contrôle sanitaire.
Les Européens ne trouvent pas les causes de l’infection qui ravage leur continent, mais ils s’indignent de ce que la Russie refuse ses légumes ? ! La norme veut qu’un candidat à l’OMC doive en respecter les règles avant même d’y pénétrer. Ils exigent que nous les respections déjà, mais les respectent-ils, eux-mêmes ? Est-ce normal qu’un pays comme la Russie marine depuis des années dans le statut humiliant de « candidat éternel »? Mais cette guerre des légumes est à prendre au sérieux. Nous savons que quand le Kremlin se dispute avec tel ou tel ex-pays satellite, sa production agricole cesse généralement de répondre à nos normes sanitaires !
La rédaction
Éditorial
Mikhail Rostovsky
reuters/vostock-photo
enquÊte L’assassin présumé de Politkovskaya enfin arrêté
Roustam Makhmoudov, le principal suspect dans l’affaire Anna Politkovskaya, a été inculpé pour le meurtre de la journaliste de Novaïa Gazeta. Recherché depuis 5 ans, Makhmoudov a été retrouvé en Tchétchénie fin mai. Le comité d’enquête de la Fédération de Russie a déclaré détenir les preuves de son implication dans ce crime et dans d’autres, perpétrés dans les années 90 près de Moscou. L’enquête est prolongée jusqu’en septembre, dans l’espoir d’arrêter les commanditaires de l’assassinat.
Politique & Société
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Maternité L’âge de procréation recule
La Russie suit la tendance européenne À l’instar des Européennes, même avec un certain décalage, les femmes russes ont leur premier enfant de plus en plus tard, ce qui ne laisse pas d’inquiéter les pouvoirs publics. elena novikova
LA russie d'aujourd'hui
Charité Les dons demeurent l’apanage des fortunés et de l’État
Anastasia Gorokhova La russie d'aujourd'hui
Vladimir Poutine croyait bien faire en entonnant « Blueberry Hill » lors d’une soirée de gala bondée de stars hollywoodiennes en décembre dernier. Le but de la manifestation était de lever des fonds pour venir en aide aux enfants atteints de cancer. L’opération a tourné au fiasco quelques semaines plus tard quand la mère d’un enfant gravement malade a révélé, dans une lettre ouverte, que l’argent promis n’avait jamais été versé sur le compte de l’hôpital où l’on soignait sa fille. On découvrit aussi que l’œuvre caritative organisatrice (« Fédération ») n’avait été créée que 15 jours avant la soirée de gala. L’affaire n’est pas de nature à redonner confiance. Lev Ambinder, créateur de la « Fondation du salut russe », explique recevoir beaucoup de lettres taxant son organisation « d’autant d’hypocrisie que Fédération ». La méfiance remonte aux scandales des années 1990, lorsque nombre de bonnes œuvres servaient de paravent au
blanchiment d’argent. Résultat, « les gens sont très bien informés des activités des fondations caritatives, mais ils ne veulent rien savoir des problèmes d’autrui », explique Arthur Smolianinov, un acteur russe qui pratique le bénévolat depuis 2006 au profit de la fondation « Offre la vie ». Selon l’acteur, le leitmotiv qui prévaut, c’est « détournez votre regard, faites comme si de rien n’était ».
Malgré leur image ambiguë, les organismes caritatifs se multiplient, selon l’économiste Yassina Pareille philosophie rend la charité à grande échelle impossible. Il est vrai que souvent le salaire ne suffit pas pour se nourrir et faire vivre sa famille. « On ne commence à faire des dons qu’après avoir accumulé une fortune considérable », précise Smolianinov. Malgré leur image ambiguë, les organismes caritatifs se multiplient, remarque pourtant Irina Yassina, une économiste. « Au début des années 2000, il n’existait qu’une seule association caritative, « La Russie à bras ouverts », pour venir en aide aux
La soirée de gala à laquelle a participé Vladimir Poutine en décembre dernier n’a pas rehaussé l’image de la bienfaisance.
Désengagement européen
handicapés ». Elles sont désormais nombreuses à pourvoir les handicapés en fauteuils roulants et à offrir des formations aux enfants à capacité réduite. « Nous rattrapons progressivement l’Europe », assure Yassina. Comme en Occident, la présence d’une personnalité respectée aux commandes aide beaucoup à capter l’attention du grand public. L’actrice Tchoulpan Khamatova, cofondatrice de la fondation « Offre la vie », a recueilli l’année dernière trois millions d’euros, un record absolu. « Aux États-Unis, 90% des contribuables donnent régulièrement de l’argent [déductible du revenu imposable : NDLR] aux nécessiteux, souligne Khamatova. Pour un Américain moyen, verser une partie de son salaire à une œuvre de charité est aussi naturel que se laver les dents. Nous pouvons seulement rêver de cette manière de voir les choses ! » Khamatova est modérément optimiste, estimant que la nouvelle classe moyenne s’affirme peu à peu. L’altruisme fait timidement son apparition parmi ses valeurs. L’actrice place la promotion de la charité au cœur de son action, car « à l’heure actuelle l’État n’y porte pratiquement pas d’attention ».
Depuis 2002 l’Union européenne a soutenu plus de 70 projets russes de défense des droits des enfants et des handicapés. Mais le financement se réduit : si, en 2002, 9 millions d’euros avaient été affectés à ces fins, en 2011 le montant est tombé à 2 millions d’euros. Cette situation s’explique en partie par les événements en Afrique du Nord, région du monde qui demande plus d’attention. Selon le porte-parole de la Commission européenne à Moscou, Denis Daniilidis, Bruxelles ne considère plus la Russie comme un pays en voie de développement. « Les Russes doivent résoudre leurs problèmes tout seuls ». L’UE va toutefois continuer d’assister les organismes caritatifs russes dans leurs recherches de partenaires en Europe.
Chiffre clÉ
3 M€
La fondation « Offre la vie » a recueilli en 2010 trois millions d’euros - plus que n’importe quel autre organisme caritatif russe.
PHOTOXPRESS
La générosité reste dépendante des revenus. Elle souffre aussi de la méfiance née des scandales qui ont marqué les activités de certaines fondations.
ITAR-TASS
La classe moyenne tarde à mettre la main au portefeuille
Alberto, un Espagnol de 40 ans, est marié à une Russe et père d’un enfant de deux ans. Quand il vient en Russie et promène son fils dans un parc voisin, il se sent « trop vieux » : « Ici, les parents sont beaucoup plus jeunes que chez nous. C’est surprenant de voir un père de vingt ans avec une poussette, et dont la femme a le même âge. Ils sont beaucoup plus souples, dynamiques et patients, et profiteront sûrement de leurs enfants plus longtemps que moi. Dans mon pays, on ne voit presque jamais de parents jeunes, et ça m’attriste ». Devenir mère à 22-23 ans est encore très habituel en Russie. Jusqu’à une époque récente, une femme qui attendait 25 ans ou plus pour avoir des enfants était automatiquement classée par le personnel médical dans la catégorie des « mères âgées ». Cette étiquette sociale humiliante demeure, même si le nouvel « âge limite » augmente. Pour l’immense majorité des femmes, il reste impératif d’avoir son premier enfant avant 30 ans. Cette norme ne tient pas tant à la physiologie qu’aux coutumes sociales. Les mentalités semblent toutefois évoluer en Russie comme ailleurs, et moins nombreuses
sont aujourd’hui les femmes qui sont pressées de devenir mères avant 25 ans. Ces dernières décennies, la tendance à retarder l’âge de la première grossesse, constatée depuis longtemps dans les pays européens, s’observe également en Russie. En Europe, l’âge moyen de la première grossesse est de 28,8 ans, en Amérique du Nord, de 28,4 ans, et de 27 ans en Amérique du Sud. Le ministère de la Santé publique et du Développement social ne possède pas de données exactes sur l’âge moyen de la première grossesse en Russie, mais selon différentes statistiques non officielles, le chiffre se situerait autour de 27 ans. À Moscou, les femmes ont des enfants entre 23 et 28 ans. En province, l’âge moyen est inférieur. Le gouvernement russe, préoccupé par la crise démographique du pays, a lancé plusieurs mesures incitatives. L’initiative clé est le « capital maternel », un certificat de 365 000 roubles (environ 9 000 euros) que reçoivent les mères pour la naissance du deuxième et du troisième enfant. Cet argent peut servir à rembourser une hypothèque, financer l’éducation des enfants, ou être versé sur le fonds de pension de la mère. Ce qui n’exclut pas des initiatives locales parfois incongrues. Le maire d’Oulianovsk (800 km au sud de Moscou) a décrété le 12 septembre « journée de la conception » : jour où les couples sont censés substituer au travail « le devoir conjugal ».
Les coutumes pèsent moins sur les mères dites « âgées ».
Démographie Le gouvernement russe veut encourager les foyers à faire des enfants, mais l’évolution des mœurs a l’effet inverse
Familles nombreuses, familles heureuses ? Elena Novikova
La russie d'aujourd'hui
Dans un film soviétique de 1968, Vivons au moins jusqu’à lundi, une écolière nommée Nadia raconte en classe que son idéal de bonheur, c’est d’avoir quatre enfants. Cette affirmation audacieuse met dans une colère noire son institutrice, qui défend avec fermeté les valeurs soviétiques. Le film date de plus de quarante ans et aujourd’hui, le pays a radicalement changé. Néanmoins, les mères de famille nombreuse se heurtent toujours à un mur d’indifférence.
Maria Ipatova, 25 ans, est mère de deux garçons : Oleg a presque deux ans et Trofim, six mois. En accord avec son mari, elle envisage d’avoir un troisième enfant : « Mon fils aîné est né très faible, les médecins disaient qu’il ne survivrait pas. C’est là que nous avons compris que nous devrions avoir beaucoup d’enfants. Un enfant unique devient égoïste ; deux deviennent rivaux ; mais trois forment une famille ». Ipatova est une exception. Seuls 3% des couples en Russie ont plus de deux enfants et 48% presque la moitié – n’en ont pas du tout, selon les statistiques. Psychologues et sociologues sonnent l’alarme depuis longtemps, parlant d’une « crise »,
et même de l’extinction de la famille en tant qu’institution. Les divorces n’expliquent pas tout. Le concubinage, impensable en URSS, est de plus en plus fréquent. Autre tendance récente : les femmes désirant élever un enfant seules, sans mari ni compagnon ; plus de 30% des enfants russes sont nés hors mariage. Ajoutez à cela une chute sérieuse de la natalité, et l’avenir de la famille nucléaire paraît sombre. La moyenne par femme en Russie est de 1,59 enfant aujourd’hui, contre 1,9 en 1990. La Russie est un des pays où l’on pratique le plus d’avortements, même tardifs : 60% des grossesses sont interrompues. Dans les sondages, les raisons
La nouvelle réalité familiale Combien d’enfants ?
Julia Vishnevets
Le nombre de couples sans enfants augmente tandis que l’idéal de la grande famille ne fait plus recette.
Sondage
Une famille de quatre enfants constitue désormais une exception.
économiques et l’insuffisance des infrastrucures sont invoquées - notamment le manque criant de places en maternelle. L’État offre un « capital maternel », un chèque d’environ 9 000 euros, pour la naissance du deuxième et du troisième enfant. La natalité a augmenté de
22% depuis 2006, mais pas assez pour enrayer la crise démographique. L’année dernière, des députés ont proposé de réintroduire l'impôt sur les familles sans enfant, qui existait entre 1941 et 1991. Signe qu'à ce jour, l’État n’a pas trouvé d'idée plus efficace.
Les divorces en chiffres
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Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
Aviation La Russie fixe à son industrie le difficile objectif de s’attaquer aux géants Boeing et Airbus
Relance de l’aéronautique : le défi Le Forum aéronautique d’Oulianovsk a montré les progrès réalisés par l’industrie russe, mais aussi les difficultés à accorder les intérêts financiers, industriels et politiques. La russie d’aujourd’hui
itar-tass
Affaires à suivre
chiffre clÉ
10%
de part de marché mondiale d’ici 2025, c’est l’objectif que s’est fixé la Russie, alors que la concurrence avec Boeing et Airbus est accentuée par l’arrivée des appareils chinois.
large majorité par des fonds publics, « diminue l’attrait du produit aux yeux des acheteurs potentiels, au risque que l’argent de l’État soit dépensé en vain », estime Maxime Piadouchkine,
spécialiste du transport aérien. Pour le Tu-204, un moyen-courrier de 210 places, la situation est encore moins favorable. La commande qui devait ranimer sa production, c’est-à-dire 44 appareils par la compagnie Red Wings, semble depuis la fin avril tombée dans les limbes. Le gouvernement voit plus loin, avec un plan de relance de l’industrie aéronautique basé sur trois appareils. Le premier est le Superjet. Le deuxième, le MS21, est un moyen-courrier de 150 à 210 passagers en phase de conception et basé en partie sur le Tu-204. Sa commercialisation est prévue pour 2016. Le troi-
sième, un avion de 300 places visant le segment « low-cost », se nomme « Samolet 2020 ». Partenaires clés dans le Superjet (Safran a réalisé le moteur) les Français sont restés à l’écart du projet MS-21. Une source chez Safran glisse qu’il est « logique que les Russes cherchent à voir si les Américains sont prêts à fournir davantage de technologies que les Européens ». Plusieurs lignes de conflit ont surgi durant le forum, notamment lorsqu’un vétéran de l’industrie, Oleg Smirnov, s’en est pris « à tous ces banquiers qui dirigent aujourd’hui notre industrie », pique envoyée au PDG
Consolidation du marché intérieur sous l’aile d’Aeroflot
Anton Makhrov
La russie d’Aujourd’hui
Aeroflot devrait renforcer considérablement sa présence sur le marché intérieur dans les prochains mois en absorbant six compagnies, actuellement contrôlées par l’État dans le cadre de l’agence Rostechnologii. STC Russia, KMV Avia, Orenburg Airlines,Vladivostok avia, Saratov Airlines et Sakhalin Airlines pourraient rejoindre ses actifs. « Après l’achat des actifs de l’État, l’entreprise obtiendra 15% supplémentaires du marché russe des transports aériens. Actuellement, d’après nos estimations, la part d’Aeroflot est d’environ 26%. Avec la fusion,
Forum économique et financier russe
Un appareil Tu-204 en chaîne d’assemblage dans la gigantesque usine AviaStar d’Oulianovsk.
Transport aérien Vers la reprise de six compagnies domestiques par le leader national
La première compagnie du pays profite de la débâcle de son concurrent public pour accroître ses parts de marché en Russie. Mais les actifs récupérés seront durs à digérer.
Chimie : Rhodia en partenariat avec Sibur Le groupe chimiste français Rhodia et Sibur, le leader du secteur chimie en Russie, vont fabriquer ensemble des produits tensioactifs. Les investissements, dont le montant n’a pas été révélé, se feront à parité entre les deux groupes. Le site de production sera localisé à Dzerjinsk, à 400 km à l’est de Moscou et entrera en service à partir de 2013. Sibur possède déjà des usines dans cette ville, considérée par les écologistes comme l’une des plus polluées de la planète. Le secteur des détergents est estimé à 500 millions de dollars par an et croît au même rythme annuel que le reste de l’économie russe, c’est-à-dire autour de 6% en moyenne.
Paul duvernet
L’avenir immédiat de l’industrie aéronautique est suspendu au sort de deux appareils, le Superjet 100 de Soukhoï et le Tupolev 204 : tel est l’enseignement tiré du premier Forum aéronautique d’Oulianovsk, qui s’est tenu en avril dernier. Le Superjet, premier avion russe conçu dans la période post-soviétique et le premier aussi à intégrer de nombreux composants étrangers (dont un moteur français), a fait un bond en avant en effectuant le mois dernier ses premiers vols commerciaux avec la compagnie aérienne Armavia. Le second appareil, le Tu 204, qui a volé pour la première fois en 1989, tente difficilement une seconde carrière alors que seuls 69 exemplaires en ont été construits en 20 ans. L’exploitation commerciale du Superjet de Soukhoï devrait permettre aux acheteurs potentiels de vérifier les paramètres de l’avion et de convaincre de futurs clients. Cet appareil régional de 100 places fait actuellement l’objet de 150 commandes. Mais son lancement a été quelque peu terni en avril par les propos du ministre des Transports Igor Levitine, selon lesquels Aeroflot, principal client avec 30 commandes, pourrait demander des dédommagements à Soukhoï pour les retards répétés de livraison et pour une efficacité énergétique moindre que celle annoncée. L’attitude d’Aeroflot, qui est contrôlé par le gouvernement russe, envers le Superjet, un projet également financé en très
En BREF
elle dépassera donc 40%. La compagnie améliorera également son taux de remplissage sur ses liaisons internationales, qui fournissent le gros Part du marché dodes bénéfices de la commestique détenue pagnie », observe l’analyste d’IFC Metropol, Anpar Aeroflot dreï Rojkov. Le projet de création d’un Aeroflot-bis a démarré pendant la crise de 2008. L’entreprise publique Rostechnologii rachetait alors les transporteurs en difficulté. Mais ne pouvant les inpour tégrer dans une nouvelle entité Transaero et créer ainsi une synergie susceptible de concurrencer les leaders, décision a été prise de revendre ces actifs. Selon l’expert Alexeï Sinitski, Aeroflot devra déployer des efforts considérables pour intégrer ces nouveaux pour S7 venus. « Il faudra résoudre des problèmes de gestion extrêmement complexes. Ce sont six compagnies aériennes complè-
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tement différentes, qui se distinguent dans leur activité, la structure de leur direction, et leur localisation territoriale ». L’acheteur « hérite » aussi de l’important endettement de ses cibles (800 millions de dollars) et de leurs parcs d’avions vieillissants. Les experts n’excluent pas qu’Aeroflot se contente de reprendre trois compagnies : Orenbourg, STC Russia et Vladivostokavia, laissant le reste sur les bras de Rostechnologii.
Une concurrence accrue Aeroflot règne sans conteste sur les lignes internationales, mais sa domination est de plus en plus contestée, à domicile comme sur les destinations étrangères.
d’Aeroflot Vitali Saveliev et à Alexandre Lebedev, actionnaire de plusieurs compagnies aériennes. La logique industrielle consistant à concentrer la production dans un cluster s’oppose à la logique politique qui veut maintenir l’emploi sur des sites éparpillés (l’usine réalisant l’assemblage final du Superjet est située à Komsomolsk-sur-Amour, à 7 000 km à l’est de Moscou). Enfin, la logique financière des compagnies aériennes les pousse vers les appareils étrangers beaucoup moins coûteux à l’exploitation. Les fabricants russes doivent encore progresser pour prouver leur compétitivité.
Les 26 et 27 juin, Hôtel Sofitel, 4 Place St Pierre Le Jeune, Strasbourg
Organisé en cinq sessions, dont deux sous forme de tables rondes, le forum reviendra notamment sur la question du développement après la crise du marché financier en Russie. L’adoption de la loi sur le système de paiement national et la mise en service de la carte universelle de paiement figurent aussi parmi les thèmes abordés. ›› www.finas.info
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Salon Une stratégie commerciale ciblée
La Russie mise sur les chances du Superjet Le 49e Salon international de l’aéronautique du Bourget sera l’occasion, pour l’industrie russe, de mettre en avant un appareil qui, avec le Beriev-200, incarne son renouveau. Alexandre vostrov
La russie d’aujourd’hui
La Russie n’exposera que deux « vrais » appareils civils : l’avion de transport régional Sukhoi Superjet 100, et un engin amphibie, le Beriev Be-200. Même s’il y a peu de nouveautés cette année, la délégation russe reste confiante quant aux chances commerciales du Superjet. Selon Maxime Syssoïev, qui dirige cette année la délégation russe, il faut montrer sans relâche ces deux appareils qui témoignent du renouveau. Syssoïev a cité à titre d’exemple l’entreprise Irkout, qui expose une maquette du moyencourrier MS-21. Les créateurs de cet appareil espèrent concurrencer les Airbus 320 et Boeing 737. Le premier essai du MS-21 est
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prévu pour 2014. Pour l’instant on invite les visiteurs à apprécier la maquette. Il faut préciser que tous n’auront pas la chance de s’en approcher. Le représentant d’Irkout soutient que sa compagnie ne cherche pas la popularité. Ainsi, seuls les clients potentiels auront accès au pavillon convoité. Là, ils pourront voir une partie du fuselage, visiter l’habitacle et une partie du compartiment passagers. Irkout prévoit d’exposer encore deux autres projets, militaires cette fois-ci : le chasseur SU-30 MKI et l’avion d’entraînement Iak-130. Les sociétés Antonov, Soukhoï, Iliouchine Finance Co, Oboronprom et Rossoboronekxport feront partie de la délégation russe présente au Salon. Leurs représentants prédisent un partage mondial du marché de l’aéronautique - la Chine présentera au Bourget son avion de ligne S-919 et l’Inde y fera voler un hélicoptère d’attaque.
Régions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
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Tourisme extrême Notre journaliste a passé plusieurs jours au milieu des glaces du Pôle Nord et relate sa fabuleuse expérience
Beau à en perdre la boussole
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Barneo n’a même pas d’adresse. C’est une base polaire russe qui apparaît sur la carte seulement quarante jours pas an, de fin mars à début avril, depuis maintenant plus de dix ans. Quelques tentes et un aéroport qui dérivent en permanence avec les courants océaniques : leurs coordonnées GPS changent toutes les secondes. Le camp mobile de Barneo est l’hôtel le plus septentrional du monde. C’est le seul point de chute dans tout l’Océan arctique, pour les voyageurs polaires, les savants et surtout les touristes venus de tous les pays pour jouer aux explorateurs et entrer en contact, ne serait-ce qu’un instant, avec le vertex de la terre, en mouvement perpétuel. Pour la plupart des visiteurs de Barneo, hormis pour les scientifiques qui y installent leur expédition pour la saison entière, la base n’est pas la destination finale, mais une étape de quel-
Le plaisir de passer quelques jours au nord du Nord va vous coûter entre 10 000 et 30 000 euros Cette excursion coûte autant qu’un séjour dans une station balnéaire haut de gamme, plus confortable et moins froide. Le plaisir de se détendre par - 30°, sans blizzard si la chance vous sourit, en dormant dans des tentes chauffées, commodités à l’extérieur, revient entre 10 000 et 30 000 euros, selon la durée. La base accueille pourtant chaque année des centaines d’explorateurs polaires, professionnels ou simples curieux, ainsi que des célébrités, comme en 2006
le prince Albert de Monaco, ou encore le prince Harry de Galles qui venait de quitter le campement lorsque je suis arrivée.
À noter
Accueil chaleureux
Sur la terre, nous sommes invités à une table de camp pour déguster la « stroganina » (copeaux de poisson gelé), un classique de l’hospitalité septentrionale accompagné de vodka. Mais pas de temps à perdre. En moins de dix minutes, il faut décharger les bagages, prendre ses quartiers sur son lit de camp, enfiler des vêtements chauds et courir vers l’hélicoptère, qui est déjà prêt à transporter un premier groupe de touristes vers le Pôle : un énorme MI-8, plein à craquer de monde et de matériel. Au bout d’un quart d’heure, nous y sommes.
Une fois sur le Pôle
Au sol, quatre copines japonaises armées d’appareils photos, pressentant qu’un bon cliché se profile, se lancent à la poursuite de l’un des pilotes. Un couple plus âgé de Néo-Zélandais dégaine des clubs et se met à jouer au golf. Le guide débouche une bouteille de champagne, mais nous n’avons pas le temps de finir nos verres : le mousseux a gelé
LONGYEARBYEN - Base d’où partent
Un MI-8, le principal moyen d’approvisionner la base Barneo.
pendant que nous regardions, fascinés, un Roméo anglais demander en mariage sa Juliette chinoise. Dans ce vide temporel, la cuisine, accessible 24/24, devient un lieu de rencontre permanent. Un samovar d’eau est toujours sur le feu. Et pour accompagner le thé et le café, on y trouve non seulement des gâteaux, mais aussi d’étonnantes histoires. À l’une des tables, des scientifiques américains regrettent d’avoir perdu une bouée hors de prix, emportée par le courant en haute mer. Ailleurs, des hommes
EN BREF
Innovations : la France regarde du côté de la Sibérie
Le Caucase invite Les armes font les Français place aux arts
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
OTO STOCK PH LAIF/VO
C’est un peu le monde à l’envers. Le discours dominant veut que la Russie soit en mal d’innovations technologiques venant de l’Occident. « En réalité, on trouve en Russie, et particulièrement à Tomsk, des technologies qui ont un potentiel industriel énorme », assure Francis Allard, directeur exécutif de CSTL (Coopération Scientifique et Technologique pour la Lorraine). Allard, accom-
tée à partir de leurs innovations. C’est là que nous pouvons les aider », explique Jean-Christophe Rostaing, coordinateur scientifique chez Air Liquide. Le groupe français envisage de financer un laboratoire à Tomsk pour mettre au point la technologie du plasma froid, dont les applications vont des emballages alimentaires au revêtement des métaux. Les autorités locales voient d’un très bon œil toute coopération internationale, à condition que la recherche et le développement restent basés à Tomsk. Leur plus grand souci est d’enrayer la fuite des cerveaux russes vers l’étranger.
Pour passer votre été parisien à la russe : nos suggestions de restos, banyas et autres endroits sympas
redac@larussiedaujourdhui.fr
Une cité utopique en Sibérie
Un nouveau centre d’art moderne russe a ouvert dans l’Arsenal de Nijni Novogorod. L’architecte Evgueni Ass, maintes fois primé, notamment à la Biennale de Venise, s’est chargé de la transformation de l’édifice datant du XIXe siècle. Le nouveau centre accueille en ouverture une exposition intitulée « Tourbillon de neige », inspirée par la nouvelle de Vladimir Sorokine.
ILYA BUBIS
EMMANUEL GRYNSZPAN
pagné de collègues, se rend régulièrement depuis plusieurs années à « Innovus », un forum dédié aux innovations technologiques, pour y repérer des inventions qu’il va ensuite revendre à des industriels français. Exemple : un procédé unique au monde permettant de mesurer rapidement la quantité d’antioxydants dans un liquide. CSTL, qui travaille déjà sur 10 projets, fait connaître ces inventions en France et aide leurs auteurs russes à les commercialiser. « Les Russes sont très pointus mais leur problème est qu’ils n’ont pas le tissu industriel derrière pour créer de la valeur ajou-
Le 26 mai, un mémorandum d’accord a été signé entre les présidents français et russe annonçant la participation de la France à la réalisation d’un projet touristique dans le Caucase du Nord : « Peak 5642 » porte sur la création de cinq stations de sports d’hiver. Les entreprises françaises sont invitées à répondre aux nombreux appels d’offre pour la construction d’hôtels et d’infrastructures, la livraison et l’installation d’équipements ainsi que pour la gestion des stations. Cherchant à dynamiser l’économie caucasienne, le gouvernement russe s’engage à garantir les investissements étrangers à hauteur de 50 milliards de roubles (1,250 millard d’euros).
ratifié par une commission de Krasnoïarsk. Puis arrive le personnel et la construction de la base peut commencer. En réalité, c’est un travail extrêmement dangereux, qui nécessite un savoir-faire très particulier. En Russie, et auparavant, en URSS, la conquête de la route maritime Nord et de l’Arctique a toujours été une priorité. Au fait, savez-vous pourquoi Barneo ? C’était l’indicatif d’un radiotélégraphiste qui avait roulé sa bosse au Pôle Nord. Apparemment, ce surnom lui tenait chaud.
d’affaires en vacances s’échangent leurs cartes de visite. À écouter les récits des organisateurs, la recherche du bon glacier pour construire Barneo paraît simple : dans les premiers jours de mars, deux bases secondaires sont créées, l’une au 87e degré, l’autre encore plus près du Pôle. On y débarque du combustible et un groupe d’exploration glaciale, qui part à la recherche d’un grand champ de glace bien solide. On transmet les coordonnées à Mourmansk, qui envoie un avion chargé de tracteurs. L’aéroport est installé,
Recherche Une pépinière scientifique fleurit à l’Est de l’Oural
Air Liquide fait partie des groupes français qui s’intéressent aux technologies mises au point par des chercheurs de Tomsk.
la plupart des vols pour Barnéo. VOYAGE - Le prix varie entre 10 et 30 mille euros. Il est possible de partir pour le Pôle accompagné d’un guide, en hélicoptère ou en skis. DURÉE - De quelques jours jusqu’à deux ou trois semaines. Uniquement en avril. www.barneo.ru
SERVICE DE PRESSE
STEFANIA ZINI
ques heures ou de quelques jours, avant et après le paroxysme de leur voyage : la découverte du Pôle Nord. Les touristes arrivent par avion, en provenance du continent, et atterrissent à l’aéroport de Barneo, le seul au monde à être construit sur une croûte de glace à la dérive. Pour atteindre ensuite le Pôle, plusieurs options : ski, traîneau à chiens, hélicoptère ou encore parachute.
MICHAEL MARTIN(2)
J’ai vu toutes sortes d’hôtels : des suites sous-marines en Floride, un établissement en forme de chien dans l’Idaho, ou perché dans un arbre en Turquie. Mais au Pôle Nord…
Près de Tomsk, une ville d’un genre entièrement nouveau et réservée à l’intelligentsia verra bientôt le jour. Imaginée par l’homme d’affaires Alexandre Kravtsov, « Ruyan-Ville » devrait être achevée d’ici 5 à 6 ans. La nouvelle cité pourrait accueillir jusqu’à 2 000 habitants et 10 000 touristes. Elle est conçue avant tout comme une plateforme d’échanges intellectuels.
larussiedaujourdhui.fr/lettres
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Opinions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.ru communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
homophobes sans savoir pourquoi
ces sacrés Russes
Palpitant séjour caucasien François Perreault
J
Stanislav Minine
Nesavisimaya Gazeta
L
e maire de Moscou, Sergueï Sobianine, estime que la capitale « n’a pas besoin » d’une Gay Pride. « C’est déjà la troisième personne qui pose une question sur la Gay Pride. Il y a un problème ? », ironisait-il devant des journalistes lors d’une conférence de presse en février dernier. Le niveau de discussion des responsables russes sur l’homosexualité et l’homophobie est celui d’écoliers pendant la récréation. Des plaisanteries plates et puériles, quelques clins d’ œil. Pourtant il est temps que des politiques responsables émergent et permettent aux gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels de manifester. Et bien sûr, ces personnes devraient aussi être protégées contre les agressions des « activistes orthodoxes radicaux ». Nous avons appris à nous insurger contre le racisme, à nous émouvoir des huées lancées des tribunes, des bananes brandies en direction de footballeurs de couleur. Mais nous ne voyons toujours pas le lien entre la discrimination dont étaient victimes les sportifs noirs dans les années 50 aux États-Unis, et celle que rencontrent les gays et les lesbiennes dans la Russie contemporaine. Parmi les signes de l’homophobie : le refus, actif ou passif, de l’idée même d’un rassemblement, d’une manifestation ou d’un défilé des représentants des minorités sexuelles. Une intolérance justifiée par des arguments fort anciens., selon une logique qui voudrait que l’homosexualité soit contraire à la nature car elle ne permet pas la reproduction. Argument hypocrite et fourbe puisque les hétérosexuels sont les premiers à avoir des rapports pour le plaisir. Autre subterfuge désolant, l’argument selon lequel l’homosexualité n’est pas conforme aux traditions, ne correspond pas aux « bonnes » valeurs, véhiculées sur la famille. Et tous ces couples hétérosexuels sans enfants, qui ne rentrent pas dans le tableau idéal ? Et les personnes divorcées ? La Gay Pride est dénoncée comme « propagande », et ses détracteurs partent du principe que l’homosexualité est un style de vie. Le
Le message de la Gay Pride s’adresse à ceux qui répriment leur homosexualité et en souffrent
L’argument invoquant la protection de la santé psychique des enfants masque une défaite pédagogique message des participants à la Gay Pride s’adresse à ceux qui répriment leur homosexualité et en souffrent. Beaucoup ne réalisent pas combien les citoyens qui participent à la Gay Pride ne jouissent pas de leurs droits civiques. Ainsi, en vertu de l’article 31 de la Constitution, le « droit de se rassembler pacifiquement, sans armes, de tenir des réunions, meetings et manifestations, des marches et piquets » est grossièrement violé d’année en année. Les gays et les lesbiennes se battent pour le droit d’officialiser leur relation. Les conservateurs ne sont pas prêts à accepter l’idée de mettre sur un pied d’égalité la relation mari-femme et celle des couples homosexuels. Les gays et les lesbiennes aime-
raient aussi élever des enfants. Une requête très controversée. Mais les opposants à cette idée ne disposent pas d’arguments suffisamment rationnels. Ils prétendent notamment qu’un enfant issu d’une famille homoparentale souffrira inévitablement de séquelles psychologiques, mais ne s’appuient sur aucune source. En attendant, des études menées aux États-Unis, au Canada et en Australie prouvent que les enfants, élevés dans des familles homoparentales, grandissent comme les enfants de familles hétérosexuelles sans avoir plus de chances de devenir gays ou lesbiennes, contrairement aux craintes exprimées par la majorité conservatrice. En Russie, sur quelles études se base-t-on ? « Je ne comprends pas ce qui leur manque. Qu’ils restent donc chez eux », entend-on ça et là. L’acte de manifester dépend de la conscience de chacun, plutôt que d’une solidarité envers la majorité. Le droit pour les gays et les lesbiennes de manifester et de revendiquer est inaliénable. « Ils cherchent à imposer leur mode de vie comme une norme». Une expression typique de l’homophobie, qui ne se base sur aucun fait, car il est difficile de trouver l’exemple d’un pays dans lequel les hétérosexuels feraient l’objet d’une discrimination. Le fondement de cette phobie est tabou. Car cela revient à admettre qu’ils pourraient « se compor-
un FRONT populiste Alexeï Makarkine
Ejednevnyi Journal
U
n mois s’est écoulé depuis que Vladimir Poutine a annoncé la créat i o n d e s o n Fro n t Populaire Panrusse (FPP), soit assez de temps pour examiner les perspectives du projet. Le FPP se forme dans la précipitation car la campagne pour les élections parlementaires commence en automne et les militants doivent être mobilisés derrière Poutine. Mais dans la hâte, les mécanismes d’enrôlement n’ont pas été bien pensés. Initialement, il était prévu de permettre l’adhésion au FPP par le biais d’organisations non gouvernementales. Puis ce système a été remplacé par une simple inscription en ligne, comme si le pouvoir cherchait à capter l’attention par tous les moyens. Mais ses chances sont illusoires.
Prenons la liste électorale de Russie unie [le parti du pouvoir, NDLR]. Un quart des candidats seulement seront des membres du FPP, et il n’est absolument pas garanti qu’ils obtiennent des sièges. Qui plus est, les « frontistes » qui ont le plus de chances d’entrer à la Douma sont ceux qui sont liés depuis longtemps à Russie unie. Ils n’ont donc pas besoin du FPP. Le problème, c’est que l’inscription à tout-va entraîne le risque de voir des individus capables de discréditer le projet de Poutine infiltrer le Front. Si la création du FPP n’a pas rencontré une forte opposition, elle ne fait pas non plus l’objet d’une grande notoriété. Un sondage de l’organe « Opinion publique », effectué les 28-29 mai, montre que 62% des Russes n’avaient jamais entendu parler de la nouvelle formation alors que toutes les chaînes télévisées l’avaient présentée en long et en
large. Si 17% des répondants se sont dits satisfaits de l’activité du Front, ils sont autant à ne pas l’être, les autres étant indécis. En somme, le FPP intéresse seulement 27% des répondants. Parallèlement, des initiatives hâtives comparables de l’opposition parlementaire n’inspirent pas davantage la population. Les communistes annoncent une ronflante « Levée en masse », Russie Juste crée SSSR (jeu de mot sur URSS), [le parti nationaliste] LDPR lance un Front National Russe. Mais il s’agit là encore de projets tout aussi démagogiques. L’unique organisation de ce type qui s’était émancipée de la structure mère, l’Union populaire patriotique de Russie, créée par le Parti communiste dans les années 1990, a fini par être noyautée par le PC. Ce genre de gesticulation ne trompe plus. Par ailleurs, les liens du FPP avec Russie unie sont au plus haut
ter avec nous comme nous nous sommes comportés avec eux ». Beaucoup d’entre nous ne cachent pas leur homophobie. Beaucoup en sont même fiers. L’homophobie fait partie de cet air que nous respirons, de notre façon d’éduquer et d’élever nos enfants. Pendant de nombreuses années, le refoulement quotidien de la sexualité dans les discours nous a conduits à ne plus savoir comment parler de « ça », surtout s’il s’agit d’en parler sous des formes « non conventionnelles ». Dire : « je ne veux pas que mes enfants voient ça, que les gays restent chez eux », ce n’est pas se préoccuper de la santé psychique de nos enfants, mais reconnaître sa propre défaite pédagogique. Qu’importe si l’argumentation est rationnelle ou non. La société russe n’est pas prête à accepter la Gay Pride ou à légaliser le mariage gay. Mais formellement, elle est suffisamment développée pour accepter l’Autre dans sa différence. Parce que dans l’ensemble, nous sommes tous différents. Et chacun a, dans sa vie, la possibilité de se sentir gay ou lesbienne. Je ne parle bien sûr pas de l’orientation sexuelle. Je parle de l’incompréhension et du désintérêt. Article déjà publié dans Nezavisimaya Gazeta.
Stanislav Minine, éditorialiste de Nezavisimaya Gazeta.
niveau : outre Poutine, les rôles clés ont été confiés à Viatcheslav Volodine (ancien secrétaire du conseil général du parti) et Andrei Issaïev (secrétaire adjoint du conseil général). Tandis que les politiciens se démènent, le peuple se tient coi. Mais une telle attitude ne doit pas rassurer ceux qui détiennent le pouvoir. Cette indifférence dissimule une « protestation silencieuse », un manque de confiance dans le système politique, un ras-le-bol face à un excès de communication, et la conviction que rien ne changera vraiment pour le mieux. Tout cela n’influencera pas nécessairement les prochaines élections. Le développement du FPP peut à terme servir la campagne de Russie unie, mais dans l’immédiat, son embryon constituera un véritable problème pour le pouvoir. L’article a déjà été publié dans l’hebdomadaire en ligne www.ej.ru
Alexei Makarkine est politologue au Centre des Technologies Politiques
Spécialement pour la russie d’aujourd’hui
ean-Pierre ne se lasse pas de découvrir les provinces reculées de sa terre d’adoption. Inspiré par l’entente signée entre la France et la Russie lors du sommet du G8, notre ami expatrié a décidé de visiter la région du Nord-Caucase. C’est vrai qu’on dit beaucoup de choses peu flatteuses sur ces montagnes parcourues de rebelles islamistes armés jusqu’aux dents. Mais si le président français va aider son ami et homologue russe à y développer des stations de ski, c’est que le coin doit valoir le détour ! Jean-Pierre s’embarque à bord d’un Tupolev de Daguestan Avia et s’étonne de subir un interrogatoire serré pour un vol intérieur. À l’arrivée, il est sommé de justifier sa présence par des militaires armés et balbutie piteusement qu’il voulait simplement visiter le site de la future station de sports d’hiver de Matlas... Après six heures de garde-à-vue dans un local sans fenêtre, le voilà libéré. Tremblotant, il erre dans les rues à la recherche d’un hôtel, mais la bonne ville de Makhatchkala
ne semble pas sourire aux touristes - d’ailleurs assez peu nombreux, voire invisibles en fait ! C’est éventuellement un avantage : il reste des chambres à l’hôtel Kavkaz qui est... désert. À peine arrivé dans sa chambre, il entend frapper à sa porte. Trois gaillards en civil exigent son passeport, l’interrogent sans complaisance et refusent l’argumentaire touristique de notre ami. Le Daguestan est une zone d’opération antiterroriste, assurent-ils. Ils n’ont visiblement jamais entendu parler de ski, mais l’attentat qui a eu lieu hier à l’hôtel Kavkaz les intéresse beaucoup : c’était donc ça, les traces noires sur la façade du bâtiment. Après huit heures de garde-à-vue dans un local sans fenêtre, le pauvre bougre monte en voiture, direction l’aéroport. Le billet d’avion acheté – à ses frais –, il est embarqué manu militari sur le vol pour Moscou. Du hublot, il admire les paysages montagneux, d’une beauté à couper le souffle. Il ne peut s’empêcher de penser que les autorités russes devraient améliorer les infrastructures d’accueil ! Pour que les visiteurs profitent pleinement du réel potentiel touristique de la région... François Perreault est expatrié à Moscou depuis cinq ans.
ces sacrés français
La ruée vers Dior Natalia Gevorkyan
A
Spécialement pour la russie d’aujourd’hui
mesure qu’approchent les soldes d’été, les invitations s’empilent sur la table basse. Je ne fais pas les soldes. Non que, à l’instar de certains de mes concitoyens, je préfère acheter plus cher. Les premières années de ma vie à Paris, j’y allais par intérêt ethnographique. Depuis la période soviétique, je déteste les queues. Je suis prête à attendre au musée, parce que je sais que le plaisir sera au rendez-vous. Mais faire la queue pour fouiller dans un tas de fringues en oubliant toute éducation, bousculer, essayer en public sans le temps de la réflexion pour ne pas se faire subtiliser la jupe ou le chemisier à la bonne taille... Si je n’avais pas peur de me faire agresser, je tournerais un documentaire sur les soldes. Tous les participants de cette orgie consommatrice ont quelque chose en commun : l’expression. Un masque tendu, qui rend méconnaissables les plus beaux visages. Si un homme veut cesser d’aimer une femme, qu’il l’accompagne aux soldes !
J’ai demandé un jour le sens de cette ruée à une dame très aisée. Elle a réfléchi. Puis elle a menti : « C’est du sport ! Un jeu, du divertissement ». Non, j’ai vu comment elle s’y prenait. On ne s’amuse pas comme ça. Cette dame était un chasseur de fringues professionnel. Sans humour ni auto-dérision. Hommes et femmes, de droite ou de gauche, riches et pauvres, jeunes et vieux, avec un sérieux quasi animal se livrent au consumérisme, même s’ils le méprisent profondément. Non, je ne voue pas le shopping aux gémonies. Je suis vaccinée contre ces queues soviétiques interminables et les crêpages de chignon pour une paire de bottes ou un soutif à une époque où le mot shopping n’avait aucun sens. Mais pendant les soldes parisiennes, ces images que je voudrais oublier ressurgissent dans mon esprit. Cette atmosphère, ces expressions du visage, cette lutte inhumaine pour le droit d’avoir l’air civilisé. Là-bas, c’était par manque. Ici, c’est par surabondance. Mais la typologie des comportements est la même. Natalia Gevorkyan est correspondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.
Le courrier des lecteurs, les opinions ou dessins de la rubrique “Opinions” publiés dans ce supplément représentent divers points de vue et ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction de La Russie d’Aujourd’hui ou de Rossiyskaya Gazeta.
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Culture
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CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Théâtre Sans paroles, les clowns russes de Semianyki font rire et pleurer le public français
Une famille déjantée au dernier degré
tomime et danse aux tours de magie et numéros de voltige. « C’est un spectacle pour tout le monde. Il raconte la vie que tu as eue, d’une façon ou d’une autre. Que tu vives au Danemark, en Italie, au Brésil, tu as quand même vécu avec papa et maman, qui t’ont aimé et t’ont choyé. C’est cela que notre spectacle raconte », explique Boris Petrouchanski, directeur artistique du théâtre (RIA Novosti). Les six comédiens qui forment la famille délurée sont issus de la première promotion de l’École de Théâtre de Clown et Mime fondée par les Licedei au tournant des années 1990. Le spectacle Semianyki, leur « hit » absolu depuis 2003, est une création de fin d’études. À l’origine, c’était un enchaînement burlesque de sketches de 20 minutes, qui devient, à force de représentations
KIRA MORGOUNOVA
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Les Semianyki forment une famille qui va vous faire hurler. Le père, alcoolique, menace de partir, la mère, enceinte, menace d’accoucher, et les gosses en pagaille, farfelus, créatifs, incontrôlables, menacent de trucider père et mère pour exister. Mais au bout d’une heure quarante de gags et de blagues, cruels et tendres, de mimes hilarants et efficaces, sans prononcer un seul mot, la famille triomphe sur le chaos et la vie continue. Entretemps, les clowns fantasques ont exploré tous les ressorts du théâtre et du film muet - de la pan-
Porte-parole du rêve
ITAR-TASS
Avec son spectacle éponyme, la légendaire troupe de St-Pétersbourg, née des Licedei de Slava Polounine, fait fureur au RondPoint des Champs-Élysées.
En 2005, le spectacle avait été acclamé au Festival d’Avignon « off », au Théâtre du Chêne Noir.
acclamées, nourri de l’inventivité inépuisable des comédiens et de la réception hilare des spectateurs, une représentation entière, au souffle long. En 2005 le spectacle fait fureur au Festival d’Avignon « off », au Théâtre du Chêne Noir. Depuis, la famille est une habituée des scènes françaises, et pas seulement : Corée, Macau, États-Unis, Italie, Tahiti, Nouvelle-Calédonie, Espagne, Brésil, Slovénie, Allemagne, Finlande ; et les grandes capitales : Londres, Berlin, Rome, Montréal… Le rire est universel.
Voyageurs immobiles à Moscou
Semianyki : les enfants de Polunin Les clowns de la famille Semianyki sont nés dans celle des Licedei, fondée par le célébrissime et inénarrable Slava Polunin en 1968 à Leningrad. Ayant réuni des artistes talentueux, Polunin fera le tour du monde avec les Licedei, avant de s’envoler en solitaire pour créer un « Snow Show » féérique, son spectacle de marque qu’il va bientôt enregistrer à Pa-
ITAR-TASS
ris, après moult représentations. De Hong-Kong à Sydney, en passant par New York, cet événement visuel et musical a fait pleurer de joie le monde entier, avec ses clowns aux nez rouges qui virevoltent dans un univers surréaliste de bulles de savon, gigantesques toiles d’araignée, créatures vertes fantasmagoriques aux longs chapeaux-oreilles…
Architecture Le rideau va se lever après un entracte de 6 ans
Le Bolchoï enfin restauré, à grands frais L’illustre théâtre lyrique russe sera inauguré en octobre après de très longs travaux de rénovation. Les polémiques se sont enchaînées pendant que les mélomanes s’impatientaient.
furent enfoncés dans le sol, et les fondations purent alors être retirées. « Le bâtiment tout entier flottait dans l’air », se souvient Sidorov. Les nouvelles fondations ne furent achevées qu’en septembre 2009, date à laquelle les pieux purent enfin être retirés. Dès lors, le site se mut en une fourmilière de 3 200 ouvriers attelés au même projet, en plein cœur de Moscou, à deux pas du Kremlin.
MORITZ GATMAN
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le théâtre sera doté de la plus grande scène hydraulique d’Europe. Fabriquée par la société allemande Brosch Rexroth, elle s’étend sur 21 mètres carré.s. La fosse d’orchestre a également été agrandie et pourra désormais accueillir 130 musiciens. La décoration intérieure vise à recréer l’atmosphère du théâtre à son apogée, au 19ème siècle. Emblèmes du Parti et revêtements
Au festival de théâtre Tchekhov, les Voyageurs immobiles du marionnettiste Philippe Genty ont emmené les spectateurs, avec grâce à travers le labyrinthe des songes. Ce spectacle, inspiré de ses voyages dans le désert et les villes de Palestine, dénonce avec
de sol soviétiques ont été remplacés par les armoiries du Tsar et un parquet en chêne massif. Le nombre de places dans le hall principal a été ramené de 2 100 à 1 700. Début 2009, le Président Medvedev confia personnellement le projet à un conseiller, avec pour consigne de le mener à bien d’ici 2011. Dans le courant de la même année, des poursuites judiciaires furent engagées à l’encontre de plusieurs parties pour dilapidation des ressources publiques. La Cour des comptes russe a statué que les sommes dépensées pour la restauration avaient dépassé plus de 16 fois le budget initial. Le mystère demeure quant au coût définitif. Dernièrement, certaines estimations le chiffraient à 1,5 milliard d’euros.
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une poésie poignante la barbarie et l’inconscience humaines. Les corps vivants se mêlent aux poupons de plastique, les décors sont faits de cartons et d’emballages, tandis que sur scène se jouent la naissance du monde et la mort de la civilisation de l’argent.
À L’AFFICHE « L’OPÉRA INVITE LE FOLK » LE 23 JUIN, VICTORIA CROSS, PARIS
Mélange des genres et des nationalités : la chanteuse et guitariste Veronika Bulicheva visite le répertoire blues et folk, le ténor Yves Baron interprète des airs lyriques et le pianiste et guitariste Vincent Lafleur vous emmène dans l’univers du jazz. › www.victoria-cross.fr
PLANÈTE, D’EVGUENI GRICHKOVETS JUSQU’AU 1ER JUILLET, THÉÂTRE DE LA BASTILLE, PARIS
Planète est un monologue, celui d’un personnage masculin sur une femme aperçue à une fenêtre, présente dans la pièce, mais qui ne le voit ni ne l’entend. Par le collectif Les Possédés avec David Clavel, accompagné de Marie-Hélène Roig dans une mise en scène de Nadir Legrand . › www.theatre-bastille.com
« GOING EAST » DE PETER BOCK-SCHROEDER JUSQU’AU 2 JUILLET, GALERIE RTR, PARIS
En 1956, Peter Bock-Shroeder est le premier photographe allemand à pénétrer en URSS dont il rapporte, en échappant à la censure, des clichés en noir et blanc et quelques photos datant du début de la couleur. L’exposition en présente les tirages modernes pour nous plonger dans l’URSS des années 50.
RUSLAN SUKHUSHIN
Au cours de sa longue histoire, le Théâtre du Bolchoï a vu danser Maya Plisetskaya, chanter Féodor Chaliapin et déclamer Lénine. Il y a près de six ans, un projet de grande envergure était engagé pour remettre à neuf le monument mythique érigé en 1776. Mais c’est seulement en mai 2009 que les travaux démarrèrent pour de bon. Le théâtre rouvrira ses portes le 28 octobre prochain. La restauration du bâtiment a été parsemée d’embûches. Des rénovations partielles et inadaptées, pendant la période soviétique, virent de graves malfaçons, provoquant notamment « d’énormes fissures de plus de 30 centimètres de longueur sur les murs porteurs », raconte Mikhail Sidorov, le porte-parole de l’entreprise chargée de la rénovation depuis 2009. « Il y avait un vrai danger d’effondrement », ajoute-t-il. La première phase du chantier consista donc à sauver le bâtiment. Sept mille pieux en acier
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› www.rtrgallery.com
La facture de la rénovation n’est pas encore chiffrée mais, seule certitude, elle sera lourde.
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TITRE : ET LE TEMPS S’ARRÊTA AUTEUR : NADEJDA TEFFI ÉDITIONS DE FALLOIS TRADUIT PAR MAHAUT DE CORDON-PRACHE
Teffi est le pseudonyme de Nadejda Alexandrovna Lokhvitskaïa, figure centrale de la communauté russe réfugiée à Paris dès les années 20, dont les nombreux artistes qui la composaient apportèrent dans tous les domaines de la vie artistique française un incroyable élan, de la peinture à la littérature, y compris au cinéma. On dénombre à l’époque quelque 170 périodiques, dont de nombreuses revues littéraires. Teffi collabore à plusieurs d’entre elles et est alors l’auteur le plus lu par la diaspora, la vedette du cercle La Lampe verte animé par Hippius et Merejkovski, l’amie du futur prix Nobel Ivan Bounine qui la tient en haute estime. Contrairement à lui, à Nabokov ou à Berberova, elle ne sera pas traduite en français et ce n’est que dans les années 90 qu’elle sera de nouveau publiée en Russie. Le recueil paru aux éditons de Fallois surprendra le lecteur français. Il réunit trente nouvelles écrites à diverses époques. Qu’elle évoque l’enfance ou la jeune intelligentsia pétersbourgeoise délurée, Nadejda Teffi exalte son goût de la liberté presque à chaque page. Une nouvelle est intitulée « Liberté », non pas « svoboda », la liberté telle qu’on l’entend communément, mais « volia » l’autre terme des Russes pour dire « liberté », plus proche de l’idée d’indépendance, d’affranchissement, incarnée par les milliers de vagabonds en quête d’ailleurs, arpentant les routes de Russie pour « aller là où nous portent nos pas, le voilà, le but de l’âme russe ». Goût du vagabondage, sentiment de symbiose avec la nature, deux traits constitutifs de l’âme russe réunis dans le sentiment de liberté. La Russie est évoquée sans nostalgie, sauf peut-être en deux circonstances : « Retourner juste un peu en Russie... dans la forêt... respirer la liberté, la vraie de vraie, à pleins poumons » et plus loin : « Il y eut des pèlerins jusqu’au dernier jour en Russie ». De ce dernier jour, de ce qui a suivi, Teffi ne dit rien. Elle ne s’intéresse pas à l’Histoire avec un grand H, et préfère chercher sa vérité sur cette frontière ténue entre le rêve et la vie, entre le réel et le merveilleux cher aux Russes et aux enfants : « La vérité vraie est celle que nous avons vue, petites filles malades, dans le miroir ». On ne s’étonnera pas que bon nombre de ses héros soient des enfants, capables de percevoir, au delà de la réalité qui nous est donnée à voir et de sa chronologie, l’essence même de la vie. Christine Mestre
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Loisirs
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
À TABLE !
Environnement Un militant écologiste mène le combat dans Moscou-la-polluée
Chasse au plastique et au gaspillage
bouteilles vides (vertes, pour la plupart) s’étaient accumulées en telle quantité que Roman commença à les empiler entre les vitres de la double fenêtre. Rendu furieux par l’absence de conteneurs de recyclage en Russie, il se mit à envisager un mode de vie écologique. Et c’est ainsi que tout a vraiment commencé. Roman déménagea à Moscou et trouva un ÉcoLoft dans un ancien bâtiment de la rue Piatnitskaïa, non loin du Kremlin. Avec quatre de ses amis, il emménagea dans le spacieux local de cinq chambres l’été 2010. Des couleurs « écologiques » recouvrent désormais des dizaines de couches de papier peint. Sur le mur à côté du poêle, le site Internet Ekoloft est inscrit en gros caractères, et des documents d’information reposent sur la table pour les nombreux visiteurs désirant savoir comment vivre d’une manière écologique dans une ville qui l’est si peu. Avant l’ouverture du loft, les occupants se rasèrent la tête : fini le shampoing et autant d’eau économisée. Des sacs en tissu sont accrochés dans l’entrée : déclaration de guerre au plastique.
ANASTASIA GOROKHOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Vert, tout était vert. Trousse à outils, téléphone portable, même la mobylette. Ce fut ma première impression de Roman Sablin. Il m’accueillit dans l’entrée de l’appartement de la résidence témoin que nous étions sur le point de louer ensemble, me lança un grand sourire, et m’étouffa presque en m’étreignant. Son amour pour la couleur verte commença après son divorce. Peut-être parce que le vert est la couleur de l’espoir, et que Roman avait besoin d’espoir à ce moment-là. Originaire de Sibérie, il y travaillait dans une entreprise de construction, ce qui ne l’enthousiasmait guère. Voulant changer sa vie, Roman se lança dans un projet artistique. Il fit de son logement un « appartement d’art », y réunissant ses amis autour de verres de vodka et de cigarettes. Au bout de plusieurs mois, les
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Roman Sablin dans son ÉcoLoft de la rue Piatnitskaïa.
Un endroit a été repéré où pouvaient être déposés les objets en plastique ou en métal ainsi que les verres. Roman a trouvé sa vocation. Épanoui, il est maintenant mince, porte le bouc et d’élégantes lunettes rectangulaires.Vertes, naturellement. Pas d’alcool, pas de viande, pas de consommation d’énergie inutile. À la place, un engagement prodigieux et la volonté de changer la manière dont les Moscovites pensent. Lorsqu’il évoque son loft, Roman parle de projet éducatif. Il sen-
sibilise les jeunes à la protection de l’environnement. Chaque jeudi soir, des experts, des scientifiques et des militants sont invités à l’école écologique. Roman ne se lasse pas de faire visiter son appartement, ses sacs en tissu et sa poubelle à canettes. Les ballots de foin dans le salon font sensation, de même que la douche dans l’entrée et les murs décorés. Que pense son fils de quatre ans du mode de vie de son père ? « Il explique à mon exfemme comment les déchets doivent être triés », rigole Roman.
Vie nocturne Descente dans les clubs les plus chics de la trépidante nuit moscovite
Derrière l’épaule du physionomiste, le paradis Sur les rives de la Moskova, le site de la célèbre chocolaterie « Octobre Rouge » offre un délicieux cocktail de jolies filles et de clubs branchés. Mais gare aux videurs ! GALINA MASTEROVA
RUSLAN SUKHUSHIN
LA RUSSIE D’AUJOURD’HU
Samedi, 2 heures du matin. Un cortège de 4x4 de luxe et de voitures de sport rutilantes longe un entrepôt transformé en club « hyper sélect ». Un lieu dégoulinant d’opulence, qu’un blogueur a surnommé « le cauchemar d’un enfant de sept ans qui aurait mangé trop de bonbons ». Perchées sur leurs talons aiguilles vertigineux, des centaines de filles se pressent à l’entrée du « Raï », qui signifie « paradis » en russe. L’entrée est gratuite, mais la sélection est féroce. Le club est connu pour son « face control » (à la tête du client) impitoyable, un anglicisme devenu le maîtremot des nuits moscovites. Votre chance dépend du physionomiste qui, d’un coup d’œil, détermine
Dans la salle principale du « Raï », la nuit est tout à fait animée.
si vous êtes d’humeur à dépenser plus de trois mille dollars au cours de la nuit - et surtout en mesure de le faire. Une belle jeune femme s’approche de l’entrée du « Raï » et lance des œillades à Vladimir, le videur. « Pouvez-vous nous laisser entrer, moi et mon amie ? », demande-t-elle plaintivement. « Je voudrais aller à l’espace VIP ». « Vous pouvez entrer, mais vous
La vodka se réinvente pour les gourmets Jennifer Eremeeva
IVAN AFANASIEV
Sur sa carte de visite verte on peut lire le nom « Roman Vert » surmontant l’inscription « Parti Animal ». Roman Sablin est l’un des militants écologistes les plus en vue de la capitale.
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devez réserver une table », répond-il. Une table dans le coin des privilégiés coûte au minimum 1 250 euros. « On a mal aux pieds », gémit-elle, consciente qu’il n’y a nulle autre part où s’asseoir. « Où est ton amie ? Peut-être qu’elle ne va pas me plaire », rétorque Vladimir. Heureusement, la nuit moscovite est variée. À deux pas du « Raï », le « Rolling Stone Bar
& Tattoo » est un club rock où le risque n’est pas d’être rejeté mais, si l’on boit trop, de se réveiller avec un tatouage (un salon spécialisé œuvre dans le club). Quelques heures avant la fermeture, Vladimir surveille les noceurs désireux d’entrer au « Raï ». Certains sont encore pleins d’espoir, d’autres d’arrogance. Deux jeunes hommes aux montres un peu trop lourdes pour leurs poignets chétifs s’approchent jusqu’à la grille. QuandVladimir leur crie que l’accès est refusé, l’un deux lui lance : « Je connais le propriétaire du club depuis des années. Sais-tu qui est mon père ? » L’autre, Adam, fait se frotter le pouce et l’index en signe de potde-vin. Vladimir refuse. Il est 6 heures du matin, et presque tous les clubs de Moscou ont fermé leurs portes. Quelques fêtards se dirigent vers « Krisha Mira », le Toit du Monde en russe. Au sommet d’une usine désaffectée, le club offre une vue imprenable sur la Moscow City, le centre financier de la capitale. Difficile de mettre fin à cette nuit de folie même si, au « Krisha Mira », un cocktail Cuba Libre coûte 15 euros. Alors que le soleil pointe ses rayons, les derniers fêtards s’effondrent sur les banquettes des taxis, les jeunes filles portant leurs talons aiguilles à la main. L’entrée est libre, oui, mais les places sont chères.
J’ai été prise au dépourvu le mois dernier quand une lectrice m’a écrit pour me demander si la vodka parfumée au bacon était aussi populaire en Russie que dans son coin du monde, le sud des États-Unis. Vodka au bacon, vraiment ? Je n’ai jamais été une grande amatrice de vodka, ce qui explique probablement que je sois encore vivante, au bout de vingt ans en Russie. Je suis plutôt du genre gin et chardonnay. Mais l’idée de la vodka au bacon, et sa popularité incontestée que révèle une simple recherche sur Internet, m’ont forcée à jeter un nouveau regard sur la vodka et explorer ses possibilités infinies. Les différents parfums nous ont aidées, la vodka et moi, à appuyer sur le bouton de redémarrage. Depuis que les Polonais ont introduit la vodka en Russie au VIIIe siècle, ce breuvage clair, fort et sans parfum est devenu l’alcool de prédilection accompagnant aussi bien les somptueux banquets des tsars que les simples repas des paysans russes. Au XVIIIe siècle, Catherine II la Grande accordait des permis de distiller pour sélectionner les membres de l’aristocratie, qui rivalisaient dans la production des marques de vodka les plus pures et les plus sophistiquées. Comme le souligne le musée de la vodka à Moscou, les différents parfums utilisaient « toutes les lettres de l’alphabet… cerise et pêche, mûre et gland, graines de carvi et aneth, merise ou sauge ! » À l’époque, la vodka était une
toile blanche culinaire sur laquelle un cuisinier créatif pouvait peindre presque n’importe quelle saveur, en infusant fruits, légumes, herbes, épices et, mais oui, même du bacon. L’infusion est un procédé simple qui consiste à mélanger l’ingrédient qui parfume avec n’importe quel liquide à une certaine température, pendant quatre heures ou quatre semaines (selon les propriétés des ingrédients). La vodka est particulièrement adaptée à l’infusion grâce à son absence d’odeur et de couleur ainsi que sa forte concentration en alcool. L’été est idéal pour des expériences à base de vodka, tandis que la saison inonde les marchés de fruits rouges juteux et d’herbes aromatiques. La vodka parfumée n’est pas seulement délicieuse, glacée dans un verre à shot ou comme base d’un cocktail ; elle aromatise aussi les soupes, risottos, potées, ou peut servir de marinade pour les viandes, volailles et poissons. Et bien sûr, c’est l’accompagnement indispensable du chachlik (barbecue) estival russe.
STOCKFOOD/FOTODOM
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Vodka au citron vert et au coriandre :
Vodka au gingembre :
J’ai mêlé ces deux saveurs qui vont si bien ensemble pour un accompagnement délicieux de mezzés orientaux, humos, babaganouch et taboulé.
Idéale pour les cocktails, une marinade de poissons ou de poulet, ou comme ça, avec des plats asiatiques. Je la sers avec des sushis et des rouleaux de printemps en tant qu’entrée légère et innovante.
Ingrédients :
Ingrédients :
Zeste de citron vert (seulement le vert, sans le blanc). 5 c. à soupe de graines de coriandre légèrement grillées, écrasées dans un mortier. 750 ml de vodka pure, sans parfum.
Préparation :
• Mélangez le zeste et les graines de coriandre dans un bocal ou une bouteille de verre avec un couvercle non métallique. • Ajoutez la vodka et secouez pour mélanger. • Placez dans un endroit sombre, à température ambiante (pas plus de 20°), pendant quatre jours, pas plus, sinon le zeste de citron deviendra amer. • Secouez doucement de temps en temps. • Passez le mélange par un filtre à café ou un chinois. • Replacez dans un endroit sombre pendant trente jours. • Servez glacé.
Un gros rizhome de gingembre (1012 cm), épluché et émincé très finement. 750 ml de vodka pure, sans parfum.
Préparation :
• Lavez et stérilisez une bouteille ou un bocal d’un litre, avec un couvercle non métallique. • Avec le dos d’une cuiller, écrasez doucement les lamelles de gingembre pour faire sortir le suc. • Mélangez le gingembre et la vodka dans la bouteille, agitez fort pour bien mélanger. • Placez la mixture au congélateur pour cinq jours. • Retirez du congélateur et laissez réchauffer à température ambiante. • Passez le mélange par un filtre à café ou un chinois.
Priyatnogo appetita ! D’autres recettes sur larussiedaujourdhui.fr
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