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Le ragoût remis au gout du jour À redécouvrir : une bonne vieille recette russe et l’art de la cuisson lente. P. 8
Les secrets de la mode derrière le Rideau de fer Le costumier Alexandre Vassiliev présente une exposition sur les habits en vogue à l’ère soviétique.
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
P. 7 SERVICE DE PRESSE
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 21 mars 2012
Le verdict sans surprise des urnes a refroidi le « printemps russe » Le 4 mars, 63,6% des électeurs russes ont voté pour un retour de Vladimir Poutine au Kremlin jusqu’en 2018. « Cela indique de la part de l’électorat une double volonté de voir assurée la stabilité du pays et de voir la réalisation des réformes visées par le président actuel, Dmitri Medvedev », nous explique Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française (lire l’entretien qu’elle a accordé à La Russie d’Aujourd’hui en page 2). Les opposants, qui étaient massivement descendus dans la rue après les élections législatives du 4 décembre, n’ont pas réussi à formuler des exigences concrètes au-delà de « Poutine, va-t-en ! », ni fédérer une société civile qui s’est réveillée pour la première fois depuis dix ans. L’opposition se prépare désormais aux prochaines échéances, notamment à celle du 5 mai, baptisée « La marche du million ». Comme l’a déclaré le blogueur Alexeï Navalny, « les opposants se sont rendus compte de l’inutilité de négocier avec les autorités et n’ont donc pas l’intention de coordonner l’organisation de la marche avec le pouvoir », ce qui sera sans doute mal reçu au Kremlin. Que nous réserve l’imprévisible « printemps russe » ?
LOISIRS
Moscou : l’art de faire parler les murs REUTERS/VOSTOCK-PHOTO
À l’instar de Pavel 183, l’artiste de rue révélé par la presse anglophone, le graffiti est en plein essor à Moscou. Les murs illustrés fleurissent à de nombreux endroits emblématiques de la capitale russe. Saison électorale oblige, les graffiti se colorent de politique. Cette nouvelle vague est dynamisée par Pavel 183, un créateur russe désormais aussi célèbre qu’énigmatique. Portrait de l’homme qui fait hurler les murs. PAGE 8
OPINIONS
Pit adionsed dolorperat ad doloreet, conse vel utpat aliquat iriusci lluptat. Liquatum verci bla conum vel essequat
Relance logique des dépenses militaires russes REUTERS/VOSTOCK-PHOTO
SUITE EN PAGE 2
Jugeant légitime le programme de réarmement annoncé par Vladimir Poutine, le politologue français Philippe Migault estime qu’il ne constitue pas une menace pour ses voisins. PAGE 6
Enseignement Atouts des universités russes pour les étrangers
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La valeur ajoutée des études en Russie
Une couvée d’oursons blancs
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
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Cela peut ressembler au parcours du combattant : lourdeurs administratives, non-reconnaissance des diplômes français en Rus-
SUITE EN PAGE 3
Le zoo de Moscou a vu sa population d’ours blancs s’enrichir de sept nouveau-nés dernièrement. Les oursons ont été mis au monde par deux mères différentes en novembre 2011, mais ce n’est qu’en ce début de printemps que les visiteurs du zoo ont eu la possibilité de les voir lors de leurs promenades en plein air.
À l’école sibérienne
Inquiétude budgétaire
Voronej l’authentique
Tioumen, la capitale de la Sibérie occidentale, se fait un honneur d’accueillir des étudiants français pour des cursus inhabituels.
Dans son programme électoral, Vladimir Poutine a promis des dépenses budgétaires qui alarment les économistes en raison d’une conjoncture économique mondiale incertaine.
Découvrez une ville située au cœur des « terres noires », où le passé et le présent cohabitent pacifiquement. Visitez l’atelier où sont fabriquées les plus grandes cloches du monde.
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LORI/LEGION MEDIA
CAROLINE GAUJARD-LARSON
© RAMIL SITDIKOV_RIA NOVOSTI
La qualité de l’enseignement universitaire russe a de quoi séduire les étudiants français mais les place devant un choix : double diplôme ou diplôme russe ? À Moscou ou en région ?
sie, barrière de la langue. Un séjour d’études en Russie ne s’improvise pas. Mais à peser le pour et le contre, ces obstacles, pour les Français non russophones, sont largement compensés par la valeur ajoutée qu’apporte un diplôme russe. La qualité de l’enseignement supérieur dispensé en Russie reste excellente, comme le sont les débouchés professionnels d’un pays qui continue à connaître une croissance solide par rapport à l’Europe. Le double diplôme n’est certes pas la seule solution, mais il a bien des avantages et la faveur des établissements français.
EN LIGNE SUR LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
Médecins clowns : le rire comme antidote à la maladie LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR/14344
Politique
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
Entretien Avec hélène carrère d’encausse
L’électorat a exprimé une volonté de stabilité
Paul duvernet
La russie d’aujourd’hui
éduquée, peut peser sur Poutine
Prokhorov peut-il devenir le pivot de cette opposition ? Le cas Prokhorov est très significatif. C’est un candidat sans assise politique, auto-proclamé, symbole de la plus grande réussite matérielle, mais aussi représentatif d’une nouvelle génération qui a séduit une part non négligeable des électeurs, en particulier ceux-là mêmes qui, en manifestant, ont prouvé que le sens civique s’était développé en Russie et devenait une composante du débat politique. Prokhorov, avec ses 8% des voix obtenues lors du scrutin du 4 mars, est certainement la grande interrogation qui se pose à Vladimir Poutine. Si les personnalités libérales et leurs petits partis dispersés décidaient de se rassembler autour de lui, ou surtout s’il créait, comme il l’a annoncé, un parti politique, peut-être Prokhorov pourrait-il donner le signal d’une unification de toutes les tendances libérales extérieures au système. Il ne faut pas sous-estimer l’intelligence politique de Vladimir Poutine, qui
L’opposition russe dispose-t-elle de leviers forçant le président à libéraliser le système politique ? L’opposition est en Russie totalement dispersée ; on l’a vu lors des manifestations de l’hiver dernier où elle n’a pas pu jouer le rôle de guide politique ou de rassembleur. En parlant d’opposition, je parle naturellement de l’opposition extérieure au système, c’est-à-dire des libéraux d’un côté, de l’extrême droite de l’autre. L’opposition libérale compte de remarquables personnalités, comme Iavlinski, Nemtsov, Kassianov, Kasparov, Lioudmila Alexeeva et beaucoup d’autres. Parmi tous ces libéraux, le plus lucide paraît être Vladi-
reuters/vostock-photo
et faire évoluer le système mir Ryjkov, qui tente vainement d’organiser un regroupement de ses amis. Mais on constate leur faiblesse, leur incapacité à s’organiser ensemble, ce qui conduit la société civile à se choisir des leaders sans assise politique, auto-proclamés, quasi « providentiels ». En définitive, ce sont les citoyens, ceux qui ont manifesté, même dispersés dans leurs revendications, c’est-à-dire la classe moyenne montante, très éduquée, des grands centres urbains qui peut, à terme, peser le plus sur Poutine et faire évoluer le système.
L’élection de Vladimir Poutine saluée sobrement L’Europe et les États-Unis ont accueilli avec tiédeur l’élection du premier ministre pour un troisième mandat présidentiel. Mais les dirigeants occidentaux ont opté pour le pragmatisme.
la classe moyenne urbaine, très
Que doit faire Vladimir Poutine pour maintenir la stabilité politique dans le pays ? Vladimir Poutine a été élu le 4 mars dernier dans des conditions qui doivent être prises en considération : au premier tour avec un nombre important de voix, plus de 60%. Même si l’on peut penser que ce chiffre est un peu « gonflé » par des « bavures » électorales, le score est au minimum de 55%. Cela indique de la part de l’électorat une volonté de voir assurée la stabilité du pays. Mais aussi une volonté de modernisation du système politique russe. La modernisation implique que les partis d’opposition puissent accéder aux élections et aux institutions. Les réformes politiques proposées par le président Medvedev en ce sens doivent être appliquées. Enfin, des mesures d’amnistie sont nécessaires ; la plus symbolique touche naturellement Mikhaïl Khodorkovski.
Diplomatie Les réactions au scrutin russe
Biographie poste : secrétaire perpétuel de l’académie française
Hélène Carrère d’Encausse est une historienne française spécialiste de la Russie, Grand-Croix de la Légion d’honneur. Elle est l’auteur, entre autres ouvrages, de L’Empire éclaté (1978), L’URSS de la Révolution à la mort de Staline, 19171953 (1993), L’Empire d’Eurasie, Une histoire de la Russie de 1552 à nos jours (2005), La Russie entre deux mondes (2010).
pourrait tenter de « récupérer » Prokhorov en lui faisant place au gouvernement. Il l’a déjà suggéré. Un tel mouvement présenterait pour lui un double avantage. En nommant ministre Prokhorov, Poutine montrerait qu’il a entendu le message des électeurs qui avaient voté pour ce candidat totalement étranger au système. Mais aussi,Vladimir Poutine l’intègrerait dans le système et priverait l’opposition libérale de cet allié éventuel si populaire soudain. Est-ce que les facteurs déstabilisants pour le Kremlin se trouvent uniquement à Moscou (et Saint-
Pétersbourg) ou bien en existet-il d’aussi importants dans les régions (Caucase, Tatarstan, Extrême-Orient) ? Les facteurs de « déstabilisation » ne sont pas le propre des grandes capitales russes. Mais il en est de différents qui s’annulent dans leurs effets, plutôt qu’ils ne peuvent se cumuler. Un certain séparatisme caucasien, un profond sentiment national chez les musulmans de la Volga, l’isolationnisme de l’Extrême-Orient sont autant de problèmes qui se posent à Vladimir Poutine, qui doit élaborer des propositions pour y répondre (le projet d’Union d’Eurasie, qu’il avait avancé dans son grand article des Izvestia en septembre 2011, va dans ce sens). Mais ces tendances différentes, parfois centrifuges, qui agitent l’espace russe ont pour effet premier de renforcer l’aspiration à la stabilisation du pays d’une majorité de la société. Le vote du 4 mars l’a montré. La société russe veut des changements, et pas un seul type de changement (modernisation politique pour les uns, progrès matériel pour les autres…), mais en même temps elle ne veut pas de bouleversements radicaux. Propos recueillis par Maria Tchobanov
Nicolas Sarkozy s’est distingué en étant le seul chef d’État européen à féliciterVladimir Poutine dès le lendemain de sa victoire à la présidentielle à l’issue du premier tour, le 5 mars. Les communiqués de presse britanniques et allemands publiés le même jour sont restés sobres, tandis que les réactions de la diplomatie européenne se faisaient rares. Le président de la Commission Jose Barroso et le président du Conseil de l’Europe Herman van Rompuy ont d’abord gardé le silence alors qu’ils avaient chaleureusement salué l’élection de Dmitri Medvedev en mars 2008. De son côté, le président américain Barack Obama a attendu six jours pour téléphoner à son futur homologue russe. Six jours d’un silence pesant, alors que la Secrétaire d’ État Hillary Clinton et l’ambassadeur des ÉtatsUnis à Moscou, Michael McFaul, avaient rapidement réagi aux résultats pour faire part de leur « soucis » à la suite de l’arrestation d’opposants russes contestant la validité du scrutin. Le retard de la Maison Blanche a immédiatement suscité l’indignation parmi les officiels russes. Alexeï Pouchkov, nouveau président du Comité parlementaire pour les relations internationales, déclarait dès le 5 mars qu’il s’agissait d’un « mauvais départ, si Obama veut des relations correctes ».
Le président américain a fini par féliciterVladimir Poutine samedi 10 mars. Il a réitéré sa volonté de poursuivre le « redémarrage » des relations entre les deux pays, et même reculé la date du G8 spécialement pour que le sommet se déroule après l’entrée en fonctions du nouveau président russe, c’est-à-dire le 7 mai prochain. Dans les autres centres névralgiques de la diplomatie mondiale, les réactions ont parfaitement respecté le protocole habituel. Les principaux partenaires asiatiques de Moscou, la Chine, le Japon et la Corée du Sud, ont utilisé la même phraséologie que d’habitude. Les régimes autoritaires entretenant des relations étroites avec Moscou ont chaleureusement félicité Vladimir Poutine pour son élection, en particulier Mahmoud Ahmadinejad (Iran), Hugo Chavez (Venezuela), Bachar El Assad (Syrie), Alexandre Loukachenko (Belarus) et Noursoultan Nazarbaïev (Kazakhstan). Les réactions internationales suivant l’élection d’un chef d’État répondent à un protocole strict et illustrent la qualité des relations bilatérales. Dans le cas de la présidentielle russe, Moscou scrute avec attention le choix des mots (félicitations… ou non) dans les messages de réactions officiels et dans quel ordre. L’attitude critique des capitales occidentales envers l’état de la démocratie russe a toujours profondément irrité Vladimir Poutine. Moscou revendique le droit d’être traité comme un égal par ses pairs du G8 et s’est frayé au cours des dix dernières années un retour au premier plan de la diplomatie mondiale.
© ria novosti
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Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev sur la place du Manège.
Opposition Les leaders de la contestation, devant la difficulté de mobiliser leurs troupes, veulent passer à l’étape politique
Les « mécontents » fatigués de descendre dans la rue
Finies, les grandes manifestations contre Vladimir Poutine ? Les derniers rassemblements témoignent d’une baisse sensible du nombre de participants. la russie d’aujourd’hui
Après trois mois de manifestations de masse dans une ambiance euphorique, le mouvement de contestation s’est réveillé avec la gueule de bois, le 5 mars, quand le candidatVladimir Poutine a été élu, officiellement avec 63% des voix. Malgré les dizaines de milliers d’observateurs volontaires qui ont relevé des milliers d’irrégularités dans le déroulement du scrutin, les manifestations post-électorales n’ont plus rassemblé les foules de décembre et février. Les ins-
Photoshot/Vostock-photo
Nika Guitine
Ils n’étaient que 20 000 personnes à manifester le 10 mars dernier.
tants de grâce, où tout semblait possible, ont laissé la place au constat morose que le combat serait très long et ne pouvait plus se limiter à des manifestations de rue. Les leaders politiques et apo-
litiques de l’opposition tentent de faire contre mauvaise fortune bon cœur. En descendant de la scène, après le rassemblement un peu mou du 10 mars dernier, qui n’a réuni que 20 000 personnes contre les 100 000 du 4 fé-
vrier, le journaliste et coorganisateur Serguei Parkhomenko affichait un sourire placide. « C’est normal, nous devons marquer un temps d’arrêt pour comprendre ce qui vient de nous arriver, et nous avons parcouru un chemin colossal en 90 jours, assurait-il. Il faut désormais réorganiser les rangs. Ceux qui se sont mobilisés ces derniers mois ne disparaîtront pas. Mais il faut remplacer le comité d’organisation des manifestations par des comités pour les réformes, pour un nouveau gouvernement ». Le politicien d’oppositionVladimir Ryjkov est convaincu que le combat ne fait que commencer. Néanmoins, aux défilés doit désormais succéder la routine fastidieuse qui permettra de réformer le système de l’intérieur, prévient-il. Les réformes promi-
ses par le Président Medvedev à la suite des premières manifestations de décembre devraient permettre à l’opposition d’entrer officiellement en politique en créant des partis.
Poutine en échec à Moscou et SaintPétersbourg, rien ne saurait redevenir tout à fait comme avant L’un des principaux acquis des derniers mois reste l’explosion de l’activisme citoyen grâce aux réseaux sociaux et à Internet. La désinformation par les médias d’État est un frein important à tous les efforts de ceux qui combattent le régime. Pour contrer les chaînes contrôlées par l’État,
qui diffusent des reportages discréditant l’opposition, le blogueur Alexei Navalny propose d’élaborer une « machine de propagande positive », un système décentralisé, dont les rouages seraient constitués par chaque opposant, qui se fixerait pour objectif d’informer sa collectivité des exactions du régime. « Le pouvoir va serrer les vis », ne doute pas le politologue Dmitri Orechkine. « Les réformes de Medvedev, ce sont des miettes pour endormir la contestation. Le pouvoir pense que la boîte de Pandore n’est pas ouverte et que tout va redevenir comme avant. Mais ce n’est pas terminé. Poutine a perdu Moscou et SaintPétersbourg (scores les plus bas à la présidentielle, ndlr). Et c’est par les deux capitales que l’histoire s’écrit en Russie ».
Société
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Étudier en Russie : le bon choix
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universités À doubles diplÔmes
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MGIMO. Une des universités russes les plus prestigieuses, l’Institut des relations Internationales (MGIMO) propose un programme de doubles diplômes avec Science Po Paris : Double Master en affaires internationales.
›› www.finec.ru
›› www.mgimo.ru
›› www.nsu.ru
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›› www.msu.ru
›› www.unn.ru
d’accueil des Français. C’est le cas de l’université d’État de Tioumen en Sibérie (voir notre encadré), de l’université de l’Amitié des peuples de Moscou, de MGU ou encore de l’université d’État de Saint-Pétersbourg. « Le principal avantage pour un étudiant français qui vient étudier en Russie est la crédibilité qu’il acquiert au regard des entreprises françaises ou internationales implantées en Russie, commente Nicholas Masek. Même si les programmes suivis sont en anglais, on suppose que l’étudiant parle russe. Parallèlement à leurs cours, les étudiants sont souvent amenés à effectuer un stage en entreprise (voir notre encadré). C’est un premier contact qui permet parfois d’être recruté par la suite ». Tant que le stage n’est pas rémunéré, le visa étudiant suffit. Les choses se compliquent dans le cas contraire : un contrat de travail nécessite en effet un visa de travail. Au palmarès des formations qui laissent présager une embauche en Fédération de Russie, on retiendra le management, l’ingénierie et le droit, même s’il existe encore très peu de doubles diplômes dans cette matière.
Micro-Trottoir
MGU. On peut obtenir un double diplôme en littérature française/littérature comparée à l’Université Lomonossov de Moscou, grâce à sa coopération avec Paris Ouest-NanterreLa Défense (ex Paris X).
Roman Lepikhine
suite de la premiÈre PAGE
« 37% des accords de double diplôme passés entre des établissements russes et des homologues européens sont d’ailleurs passés avec des établissements français », remarque Nicholas Masek, attaché de coopération universitaire à l’ambassade de France en Russie. Un pourcentage qui correspond à une centaine de programmes francorusses. C’est la meilleure façon, estime-t-il, de mettre un pied en Fédération. L’appartenance à une université française partenaire dispense en effet de mésaventures administratives et ménage quelques privilèges en matière de bourses et d’hébergement. Elle facilite notamment l’obtention d’un visa étudiant.
L’enseignement du russe en France est en recul
« Aujourd’hui, on supprime des postes d’enseignant de russe en France », regrette-t-on à l’am-
bassade française à Moscou. « Et la Russie n’a pas non plus une politique très active en matière d’enseignement du russe à
Des études en Russie confèrent une crédibilité auprès des multinationales installées dans le pays l’étranger ». Ce qui fait se poser le problème de la langue. Un non-russophone peut-il raisonnablement prétendre à des études en Russie ? « Le niveau de russe habituellement exigé par les universités d’accueil est un niveau B1 (moyen) », précise Nicholas Masek. Ceux qui ne l’atteignent pas ont toujours la possibilité d’effectuer un stage linguistique – payant – avant le séjour ou de prétendre à l’un des quelques diplômes russes pour lesquels les cours sont dispensés en anglais. Reste que les pro-
Des stages sous forme de volontariat Le principe du stage est moins répandu en Russie qu’en France, surtout celui du stage rémunéré, quelle que soit sa durée. Les stages se font sur la base du volontariat. Pour Sarah, 25 ans, étudiante à Moscou, « la contrepartie, c’est qu’il y a moins de pression que lors d’un stage rémunéré ». Quand Sarah ne suit pas les cours de l’université de l’Amitié des peuples, elle travaille à la rédaction de nouvelles sur le site Internet de
Memorial, une organisation non gouvernementale (ONG) russe de défense des droits de l’homme. « Ma principale tâche relève de la traduction pour le site anglais. J’ai choisi de postuler à Memorial qui reste la première organisation de défense des droits de l’homme dans le pays. De plus, son travail est en lien avec la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, dont le travail et le fonctionnement me passionnent ».
fesseurs russes anglophones sont encore rares. « C’est un frein important à la mobilité étudiante », reconnaît l’attaché de coopération universitaire de l’ambassade. Sans compter qu’il est compliqué pour un Français de faire reconnaître en Russie son diplôme de licence pour intégrer un programme de maîtrise russe. Des pourparlers sont en cours pour créer de vraies passerelles d’ici à un an. Quentin, lui, a tenté l’aventure tout seul. Inscrit en maîtrise de sciences politiques au MGIMO (Institut d’ État des relations internationales de Moscou), spécialité Politiques et Économies eurasiennes, il ne parlait que quelques mots de russe en arrivant. Il a donc opté pour un cursus où l’anglais est la langue d’enseignement. « Le MGIMO a adopté le système européen concernant les diplômes, précise-t-il, donc le diplôme sera reconnu en Europe et le système de notation est le même ».
Management et gestion en très bonne place
Parmi les disciplines qu’il fait bon étudier en Russie, le management et la gestion sont en excellente place. C’est dans ces filières, le plus souvent, que les cours sont disponibles en anglais. « Dans ces domaines, la France a une forte expertise ; du coup les Russes sont très demandeurs ». Ainsi, le double diplôme MBA entre HEC et l’École de management de Saint-Pétersbourg est très bien classé, que ce soit en Russie ou à l’international. De là à effectuer son doctorat dans une université russe, la chose n’est pas aisée. En admettant que le diplôme de maîtrise français soit reconnu en Russie, se pose le problème de la validation de la thèse : même pour une thèse en cotutelle, les professeurs français sont pour l’instant exclus par les jurys russes. Plusieurs établissements russes entretiennent une tradition
Consultez le réseau social consacré aux étudiants français en Russie : www.unifr.org
La Sibérie, une destination originale et en immersion totale
À LIRE
Un guide pour les étudiants ARNAUD FINISTRE
Le Centre de Russie pour la science et la culture a publié en octobre 2010, en collaboration avec le groupe L’Étudiant, le guide Étudier en Russie. L’ouvrage présente les diverses possibilités qu’ont les étudiants français de faire leurs études en Russie, en leur fournissant un certain nombre d’informations pratiques, mais aussi de témoignages. Ce guide fait suite au premier volume, Pourquoi apprendre le russe ? (CRSC – L’Étudiant, Paris, 2007). Il est disponible partout en librairie.
caroline gaujard-Larson La russie d’aujourd’hui
Si Moscou et Saint-Pétersbourg sont les deux villes russes qui attirent chaque année le plus grand nombre d’étudiants français, il est des destinations auxquelles on ne pense guère. Tioumen, en Sibérie occidentale, est de celles-là, bien qu’elle présen-
te de sérieux atouts pour qui veut s’initier à la culture russe en immersion totale. Léo et PierreYves, respectivement étudiants à Sciences-Po et à l’École de management de Strasbourg, ont fait ce choix. En échange pour un an à l’université d’État de Tioumen, les deux Alsaciens ne tarissent pas d’éloges sur leur nouvel environnement, dont ils
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FINEC. La maîtrise en finances coexiste avec le programme de l’Université d’État d’Économie et de Finances de Saint-Pétersbourg et l’Université Paris Dauphine.
vantent « l’accueil chaleureux de la population » et « la qualité des infrastructures universitaires ». « On nous chouchoute lorsqu’on est français à Tioumen », sourit Léo. Le jeune homme avait le choix entre Moscou, Saint-Pétersbourg et Tioumen : il a choisi la Sibérie pour découvrir la véritable âme russe et ne regrette rien. Avec ses 600 000 habitants, Tioumen est « une ville moderne dont le niveau de vie rivalise avec Saint-Pétersbourg ». Et « dans la mesure où l’on est très peu de Français ici, tout le monde nous aide », ajoute Léo, qui espère débuter sa carrière en Russie, pour quelques années au moins. Pierre-Yves est tout aussi satisfait de son choix. « Ici, on est logé en résidence étudiante avec des Russes, explique-t-il. Je ne parlais pas russe avant de venir, ça a été un peu difficile au début, mais j’ai rapidement progressé. Après quelques mois à Tioumen, je parle aussi bien le russe que l’allemand, qui était ma seconde langue ».
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NSU. L’Université d’État de Novossibirsk offre un double diplôme d’ingénieur en coopération avec l’École Polytechnique de Paris.
L’Université d’État Lobatchevski de Nijni-Novgorod propose, en coopération avec l’Université Pierre MendèsFrance Grenoble II, un programme de maîtrise (Master 1) en droit international et européen.
Ce qui les a incités à venir en Russie
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J’ai choisi la Russie comme destination d’année à l’étranger, obligatoire à Sciences Po Paris, pour découvrir la culture et apprendre la langue. On s’y attache très vite. J’avais certains a priori qui se sont confirmés ou au contraire qui se sont révélés être faux. Il me paraît tout à fait nécessaire de vivre en Russie pour comprendre le pays. Je passe ma troisième année au MGIMO, où j’étudie le russe et les relations internationales. J’aimerais venir travailler en Russie pour une courte durée puis dans d’autres pays de la région du Caucase.
Hermine de la Boutresse
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Mes études slaves m’ont ouvert la possibilité de choisir une université en Russie ou en Pologne pour un séjour d’échange. La Russie m’intéressait davantage. Je viens de l’Université catholique de Louvain, en Belgique, et en dehors de mes études slaves, je suis des cours de politique, de russe, de polonais et de rédaction journalistique russe. Je suis ici pour un semestre. Je pense que mon échange sera utile pour ma carrière. Pour l’instant, c’est surtout une expérience intéressante, mais qui finira par me servir d’une façon ou d’une autre.
Bert Deleersnijder
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La Russie est pour moi un pays très à part, qui n’attire que peu de monde en Europe. Je suis venu de Sciences Po Paris faire un échange au MGU, où j’étudie le russe, la géopolitique, l’histoire de la philosophie. Je suis déjà ici depuis six mois, et je trouve que le peuple russe est fort, car la vie ici est parfois une vraie lutte. Les moments partagés sont en général très intenses, les Russes affichent leurs émotions. Je pense que cette expérience sera nécessairement un atout parce que je souhaite faire une carrière en relations franco-russes.
Maxime Audinet
en ligne Consultez notre dossier sur l’enseignement en Russie : • Comment les enfants d’expatriés étudient dans les écoles russes ; • Les certificats internationaux proposés par Skolkovo ; • Portrait de Sacha Gouschine, diplômé de Paris Tech Télécom. Cet inventeur facilite la vie des étudiants européens. Consultez larussiedaujourdhui.fr/ enseignement
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Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
en bref
Budget Le cours du pétrole et des matières premières va-t-il suffire pour équilibrer le budget ?
Poutine axe sa politique sur la manne des pétrodollars Fraîchement élu sur un programme très dispendieux, Vladimir Poutine suscite un débat des économistes sur des modes de financement restant liés aux richesses naturelles. paul duvernet
La russie d’aujourd’hui
Difficile de dire à quel point les promesses électorales de Vladimir Poutine ont joué en sa faveur auprès de l’électorat. Ce qui est certain, c’est qu’elles ont beaucoup animé le débat parmi les économistes. Nombreux sont ceux qui ont émis l’hypothèse d’un virage à 180° après les années de prudence budgétaire sous la houlette de l’ancien ministre des Finances Alexeï Koudrine. Parmi les principaux postes de dépenses que la nouvelle administration s’est engagée à respecter, figurent un monumental programme de réarmement (520 milliards d’euros étalés jusqu’à 2020) et une augmentation massive des salaires dans la fonction publique. Les traitements des policiers et des militaires ont été doublés en janvier dernier. Toute une série de très gros chantiers, comme les olympiades d’hiver de Sotchi (2014), l’organisation du Forum Asie-Pacifique cette année et la Coupe du monde de football en 2018, vont considérablement peser sur le budget fédéral. L’effort ne concerne pas que le budget de l’État.Vladimir Poutine a également imposé un gel des prix du gaz, de l’essence et
de l’électricité à de grands groupes privés. Une mesure qui a permis, juste avant les élections, de réduire à un niveau record l’inflation (4,2%). Les experts s’attendent à un retour de bâton dès que le gel sera levé plus tard cette année. SelonVladimir Poutine, les dépenses budgétaires pour les programmes sociaux vont représen-
L’économie russe a besoin de vecteurs de croissance autres que l’exploitation des ressources minérales ter environ 1,5% du produit intérieur brut russe (PIB). Le ministre des Finances Anton Silouanov le situe pour sa part à 2% du PIB, soit 26 milliards d’euros. Une étude de la banque d’État Sberbank – qui additionne toutes les dépenses budgétaires promises par le nouveau président – place l’estimation entre 4 et 5% du PIB. L’expertise la moins favorable vient de l’agence de notation Fitch, qui parle de 122 milliards de dollars, soit 8% du PIB. Selon l’ancien ministre de l’Économie Andrei Netchaïev, « ce serait inquiétant, mais pas effrayant, si l’économie se trouvait engagée dans une croissance forte et stable. Malheureusement, la menace d’une récession empirant en Europe, l’atterrissage brutal de l’économie chinoi-
Répartition des dépenses sociales
Budget dépendant des prix du pétrole
EN Chiffres
115 dollars
Prix du baril de pétrole correspondant au point d’équilibre actuel du budget russe.
690 milions
Somme engrangée chaque jour par la Russie grâce aux exportations de pétrole.
Consommation L’indice de confiance des Russes en berne
La progression du niveau de vie marque le pas Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, le niveau de vie des Russes a considérablement augmenté, d’où un véritable boum de la consommation. Mais la crise de 2008 fait toujours sentir ses effets.
Les achats de biens durables
alexandra ponomareva THE moscow news
Avec des salaires plus élevés, les citoyens partent plus souvent en vacances, la voiture est passée du statut d’objet de luxe à celui d’achat banal et en matière de logement, le nombre de mètres carrés par personne a augmenté de près d’un tiers. Toutefois, selon le Service des statistiques Rosstat, la tendance s’est arrêtée. La confiance des consommateurs n’est pas complètement revenue depuis la crise de 2008. Et le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté a de nouveau augmenté en 2011. Avant la crise, la consommation en Russie était très satisfaisante par rapport à d’autres pays, fait remarquer le chef du service, Alexandre Sourinov. En 2008, chaque foyer dépensait en moyenne annuelle 9 852 euros, un chiffre qui place le pays à un niveau comparable à la Croatie et la Lettonie, mais loin derrière l’Allemagne, où une famille dépense 19 000 euros par an. Il est cependant beaucoup plus édifiant de mettre en parallèle la Russie d’aujourd’hui et celle d’il y a vingt ans. Pour ce faire, le Ser-
vice des statistiques a comparé la structure des dépenses des consommateurs en 1990 et en 2010. Plus le revenu du ménage est élevé, moindre est la proportion de ses dépenses destinées aux produits de base. En revanche, les dépenses en services augmentent. Selon ce critère, les Russes vivent effectivement mieux. Au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique, la nourriture absorbait près de la moitié du revenu moyen des Russes, contre 30% seulement en 2010. On dépense moins en alcool (1,7% contre 2,5%) et en habillement et chaussures (11%
contre 14,5%). Les dépenses pour les services sont passées de 14% à 27%. Un autre indicateur utilisé par les sociologues pour analyser le niveau de vie est la répartition du temps quotidien du citoyen actif. On considère que plus long est le temps dont on dispose pour ses loisirs, plus la qualité de vie est élevée. Selon cette logique, la vie des Russes des deux sexes n’a pas beaucoup évolué au cours des 20 dernières années. Actuellement, le citoyen russe type travaille en moyenne un peu moins que celui de 1990 : l’exercice des fonctions professionnelles occupait 30% du temps quotidien (soit 7 heures 10 minutes) en 2008 contre près de 32% (environ 7 heures et 40 minutes) il y a 20 ans. Le temps de travail des femmes a diminué de façon plus marquée : en 1990, il représentait 29% de la journée (environ 7 heures), il est désormais de 25,4% (environ 6 heures). Les femmes consacrent moins de temps aux tâches domestiques. L’indice de confiance des consommateurs, qui mesure les at tentes des citoyens, n’a pas retrouvé ses niveaux d’avant la crise de 2008. En 2011, il est resté dans la zone négative à environ -7%, ce qui signifie que les pessimistes sont plus nombreux que les optimistes.À titre de comparaison, au pays où la confiance est la plus grande, la Suède, il était en novembre 2011 de 2,8%, et de -70%en Grèce, où règne l’incertitude. Le nombre de Russes vivant en Russie en dessous du seuil de pauvreté est certes en baisse par rapport à 1992. De 33,5%, il a été ramené à 12,6% en 2010. Mais il a légèrement remonté à 12,8% l’année dernière. Finie, l’embellie ? Article paru dans Moskovskie Novosti
1,5%
Déficit budgétaire prévu pour cette année. La Russie risque de voir ce chiffre exploser.
se et la faible croissance américaine constituent un contexte extrêmement défavorable pour l’économie russe, qui dépend très fortement de la conjoncture internationale pour l’exportation de ses matières premières ». D’autres problèmes se profilent à l’horizon : la balance commerciale reste positive, mais la tendance est à une dégradation rapide. La Russie continue de manquer cruellement d’investissements étrangers directs (par rapports à ses pairs des pays du BRIC - Brésil, Russie, Inde et Chine). Chris Weafer, stratège en chef à la banque d’investissement Troika Dialog, note que « l’économie est en relativement bon état, avec un niveau actuel du baril de pétrole permettant d’exporter pour 690 millions d’euros par jour », mais il souligne que « le prochain gouvernement ne peut plus se contenter de tabler sur la manne pétrolière pour obtenir croissance et stabilité domestiques ». Le budget fédéral a besoin d’un baril à 115 dollars pour atteindre l’équilibre. Ces dernières semaines, le prix a oscillé entre 120 et 125 dollars. Fin février, la banque américaine Citibank estimait qu’un baril à 150 dollars en moyenne serait le point d’équilibre du budget russe. Le consensus des experts prédit une croissance de 3 à 4% de l’économie à condition que le cours du baril reste à des niveaux élevés que rien ne garantit dans un climat mondial morose. Pour Chris Weafer, L’économie russe « a besoin de nouveaux vecteurs de croissance venant d’ailleurs que de l’exploitation des ressources minérales. La Russie doit améliorer le climat d’investissement, faciliter la création d’entreprises et réduire le sentiment de pays à risque qui lui colle à la peau ».
Banque L’ État se désengage du secteur
Sberbank sur la voie de la privatisation La Banque centrale souhaite profiter de la situation favorable sur les marchés pour vendre 7,6% de ses parts au sein de Sberbank. À l’automne viendra le tour de la banque VTB. Voronova, Trifonov, Koudinov vedomosti
La plus importante opération de privatisation de cette année pourrait avoir lieu en avril. La Banque centrale a décidé de céder 7,6% de ses parts dans Sberbank, ne conservant que le bloc de contrôle de 50% plus une action. Initialement, la Banque centrale avait fixé l’opération pour septembre de l’année dernière, mais en raison de la dégradation de la situation sur les marchés, elle l’avait reportée sine die. En se basant sur un prix de 100 roubles, le paquet d’actions de la Banque centrale est estimé à plus de 164 milliards de roubles (4,1 milliards d’euros). « Désormais, l’horizon de cotation a augmenté à 120 roubles l’action, mais la vente aura lieu à 100 [roubles] », explique un courtier. « Très probablement, le placement aura lieu durant la deuxième quinzaine d’avril à 100 roubles », renchérit le gérant d’un fonds d’actions. « Si j’étais souscripteur, je conseillerais de les placer en avril », indique une autre source. La Banque centrale ne s’intéresse pas uniquement au prix. Elle s’attend à ce que le livre d’ordres soit rempli à trois fois sa capaci-
té, indique le membre du conseil de surveillance de Sberbank Oulioukaïev, et que la transaction soit un modèle du genre : « C’est un titre très particulièr, sur lequel s’orienteront ensuite les investisseurs dans le cadre d’un grand nombre de placements russes. Il faut faire preuve d’une grande responsabilité ». La fenêtre suivante s’ouvrira en automne, estiment les financiers.VTB, une autre banque d’État, prévoit de s’y risquer. Le président de VTB, Andreï Kostine, a déjà déclaré que la vente du paquet d’actions appartenant à l’État pourrait être conjuguée avec le placement d’actions nouvellement émises. Dans le courant de l’automne, la fenêtre devrait probablement être également ouverte, a déclaré le représentant de Gazprombank Zokine, principalement en raison des élections aux États-Unis : « Avant ce délai, il ne devrait pas y avoir de chocs importants sur [les marchés] ; il ne faut pas oublier que de nombreux électeurs aux États-Unis sont des participants actifs du boursier ». Les questions posées à la Banque centrale sont restées sans réponse. Les représentants de Sberbank, deVTB et des banques organisatrices de la transaction se sont refusés à tout commentaire. Article paru dans Vedomosti
Bonduelle élargit sa présence en Russie
photoxpress
Le groupe français Bonduelle, spécialisé dans les légumes en conserve et les surgelés, a reçu l’autorisation du Service antimonopole russe de reprendre 99% des parts de la société Koubanskie Konservy, détenues par un autre français, Cecab Group. Il s’agit d’une usine de production et de transformation de légumes surgelés, lancée en 2007, et d’une exploitation agricole (6 000 ha de terrains en bail pour 25 ans) dans la région de Krasnodar. En janvier, Bonduelle avait annoncé un accord avec Cecab sur la reprise des actifs commerciaux et agricoles de ce groupe en Russie et dans la Communauté des États indépendants (CEI). Présent en Russie depuis 1994, Bonduelle possède une usine près de Krasnodar, à 30 km de l’usine de Cecab.
Alstom tente de vendre son tramway
© denis grishkin_ria novosti
Le groupe français Alstom a invité le maire de Moscou Sergueï Sobyanine à monter à bord d’un tramway Citadis spécialement importé de France pour l’occasion. Il s’agit d’une version, adaptée aux conditions climatiques russes, du Citadis qui équipe 52 villes dans le monde, dont 18 en France. Le PDG d’Alstom Patrick Kron s’est déplacé pour convaincre Moscou, qui a lancé un appel d’offres pour renouveler toutes ses lignes. Alstom, qui est allié avec le constructeur russe TMH, participe également à un appel d’offres à Saint-Pétersbourg.
Quota en faveur du cinéma russe
photoxpress
Le gouvernement songe à instaurer un quota minimum de films russes sur les écrans domestiques, a révélé le quotidien Kommersant le 13 mars dernier. L’objectif est de réserver au cinéma national 24% du temps de projection en salle. La mesure s’inspire des récents quotas imposés par les gouvernements indien et chinois. La taille du marché du cinéma connaît une croissance régulière et frôle le milliard de dollars. Mais le cinéma russe ne représente que 16% du marché. Les propriétaires de salles craignent qu’une telle mesure ne réduise leurs bénéfices sans pour autant améliorer la qualité des productions russes.
Régions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
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Découverte Voyage dans le temps et dans l’atmosphère d’une ville au caractère authentique, située au cœur des « terres noires »
PHOTOXPRESS GEOPHOTO
Voronej, ou le passé au présent
Voronej et son marché vous réservent des sensations d’un autre âge : curieux voyage dans le temps offert par une ville en partie rasée pendant la Seconde Guerre mondiale. HEIDI BEHA
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
bre et en octobre, le soleil chauffe encore longtemps. C’est vrai, àVoronej, les odeurs sont parfois désagréables. Mais qui n’a pas de temps en temps une bouffée de nostalgie en humant les gaz d’échappement d’un vieux tacot diesel ? À l’oreille aussi, les Lada,Volga et Gazelle russes créent une ambiance sonore disparue en Europe. Les
gens d’ici sont discrets sur leur attachement à leur ville. Ils ne l’aiment pas outre mesure, n’en sont pas fiers, ils en profitent simplement. Voronej manque peutêtre de trottoirs bien balayés et de véhicules équipés de filtres à particules, mais pas de cette vitalité et de cette effervescence qui donnent à une ville son caractère si particulier.
Pour s’y rendre
Où se loger
Où se restaurer
La compagnie Polet Airlines (www.polet.ru) propose des vols pour Voronej au départ de Moscou où des correspondances sont assurées à partir des aéroports Vnukovo et Domodedovo. Autre solution : la gare Paveletsky de Moscou, d’où part le train de nuit (10 heures de trajet).
Un hôtel de standing élevé est à recommander dans le centre-ville : l’Art Hôtel (www.arthotelv.com), qui propose une chambre double à environ 150 euros. Pour les routards, on peut conseiller l’Hostel Aschur (www. star-hostel.ru/gostinica_ajur.html). 12 euros la nuit et c’est à un quart d’heure à pied du centre.
Le restaurant Pouchkine, dans le bâtiment en forme de « fer à repasser » situé au n° 1 de la rue Pouchkine, propose une cuisine russe de qualité. Le café-bar BARack O’Mama, comme l’indique le jeu de mots, n’a rien de très russe : tortillas et musique « live » au menu. Au n° 35 Prospect Revolutsii.
Le grand retour des cloches et de leur fabrication artisanale
pement, très coûteux, à l’étranger, ce qui oblige à emprunter et devenir esclave de sa banque. Les vieilles recettes soviétiques et autres astuces doivent être exploitées au maximum pour réduire les coûts de production. « Il faut tout faire pour 10 fois moins cher. Pour transporter une cloche très lourde, il faut payer la location d’une grue Liebherr 650 000 roubles (16 250 euros) par jour. Mais il est possible de payer 5 conducteurs de tracteur 1 000 roubles (25 euro) chacun, préciseValery Anissimov. L'Église n’a jamais acheté de cloches. Ce sont les « nouveaux Russes », en tant que mécènes, qui payent. L’argent est géré par les fonds intermédiaires sous la curatelle du ministère de la Culture ». Les députés, les sénateurs et les gouverneurs souhaitent apporter leur obole à la fonte de la cloche, en échange de leur nom, gravé dans le bronze. Pour eux, c’est un chemin tout tracé vers l'éternité, mais « le style des cloches, y compris les inscriptions, doit être obligatoirement approuvé par le Patriarche ». Les cloches russes sont plus lourdes que celles d’Europe. Pour les faire sonner, on utilise surtout le langage de cet « instrument » car à trop solliciter un tel géant de bronze, on prend le risque de démolir la chapelle ! Plus la cloche est imposante, plus le son est grave et porte loin. Aujourd’hui, malheureusement, le bruit des mégalopoles, envahies par le vacarme de la circulation et des chantiers, couvre de plus en plus le son des cloches, aussi lourdes soient-elles.
tent d’attirer la clientèle. Chez elles, les clients peuvent déguster des assortiments de salades russes. Sur les stands de fromage aussi, on peut goûter les produits : fromage blanc à la vanille et aux raisins, fromage de chèvre fait maison ou cornichons malossol. Tout autour de la halle, des babouchki sont assises sur des chaises pliantes devant leurs marchandises. Ce sont de petites grand-mères dont on s’imagine qu’elles plantent et récoltent dans leur propre jardin les poireaux ou les carottes terreuses qu’elles vendent. Ici, on achète les marchandises à des personnes, pas à des marques. Dans un autre coin du marché, on trouve du pain complet et des petits pains frais. Les amateurs de culture trouveront àVoronej les repères russes habituels : des monuments
à la gloire de Lénine ou du poète Sergueï Essenine, une flamme éternelle et autres monuments aux morts. Le musée Kramskoï et la galerie Visages de Voronej invitent à la contemplation. Il y a presque tous les jours des représentations au Théâtre d’Opéra et de Ballet, où les œuvres du répertoire classique comme Le Lac des Cygnes alternent avec des opérettes russes pleines de cris stridents et des interprétations avant-gardistes de Macbeth. Un autre spectacle qui vaut le coup d’œil : une représentation de Cendrillon au théâtre de marionnettes Chout (« Le Bouffon »). On y a célébré récemment la journée mondiale des marionnettistes. En hiver, par une température moyenne de -20°C, les pêcheurs à la ligne pullulent sur le lac ; fin mars, ils affirment qu’une voiture peut encore rouler sur la
glace sans passer au travers. Ils sont heureux de voir des visiteurs intéressés et racontent de bon cœur que la veille, un de leurs collègues est tombé dans l’eau, que « vite, vite » ils l’ont sorti des flots glacés et qu’il s’est ensuite remis à pêcher. L’été, le climat continental se manifeste de nouveau : le thermomètre monte jusqu’à 40°C ; en septem-
La fortune des « Nouveaux Russes » et la quête de postérité des politiciens financent les cloches de l’Église orthodoxe pour le plus grand bonheur d’un fabricant. GRIGORI KOUBATIANE
LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Durant toute la période soviétique, les cloches s’étaient tues : brisées, emportées à l'étranger, oubliées dans les locaux annexes des églises. Avant la révolution de 1917, le volume de moulage annuel de cloches en Russie atteignait 2 000 tonnes. La plus grande cloche au monde est la Tsar Kolokol du Kremlin, qui pèse plus de 20 0 tonnes. Aujourd'hui, la production de cloches renaît en Russie. La ville de Voronej est devenue l’un des centres de cet artisanat. En 1989, l'entrepreneur localValery Anissimov a ouvert à la périphérie de la ville une unité de fonte et de moulage privée. Depuis, il a coulé plus de 20 000 cloches.
GRIGRI KUBTIAN
C’est un « village » de près d’un million d’habitants, situé à 490 kilomètres au sud-est de Moscou, au cœur des fameuses terres noires (« Tchernoziem »), le grenier à blé de la Russie. Ces dernières années, elle s’est développée rapidement et donne aujourd’hui l’impression d’une petite cité débordante de monde et d’activité. Ni tramway ni métro ne circulent ici. Dans les autobus bondés, on fait passer ses roubles de l’arrière à l’avant et on attend que la monnaie fasse le trajet inverse. Faire du tourisme à Voronej signifie sortir des sentiers battus. Les habitants baptisent affectueusement « mer de Voronej » le lac de barrage qui divise la ville. C’est parce qu’ils se souviennent que Pierre le Grand fonda ici un chantier naval relié à la mer d’Azov par le Don. Le tsar vécut longtemps à Voronej et y développa sa flotte. Sur la rive droite du lac de retenue se trouve le centre historique de cette ville fortifiée âgée de 425 ans. Là, à quelques rues seulement du McDonald’s et de l’urbanisation, les rues escarpées qui dévalent la pente ne sont pas bitumées, les petites maisons colorées ne sont pas raccordées au tout-à-l’égout et les gens saluent aimablement les promeneurs qui passent devant leurs habitations. Sur la rive gauche du lac, que traversent quatre grands ponts, de nombreux quartiers mènent leur propre vie, véritables microcosmes organisés autour des marchés, des cinémas et des cafés. Toute l’année, les habitants de Voronej bravent la chaleur, le froid - selon la saison - et le chaos de la circulation routière : les rues et les trottoirs sont animés, et sur le marché central, on peine à se frayer un passage aux heures de pointe, même quand il fait -20°C. On imagine une brochure touristique évoquant une expérience de shopping inédite : les poissons sautent littéralement de leurs bacs dans les sacs des chalandes et les vieilles chansons à succès russes grésillant des postes radio ajoutent encore de l’authenticité à ce décor. Pénétrons dans la halle du marché : au sous-sol sont alignés de petits stands de vente de salades où Vera, Julia et Lena ten-
LORI/LEGION MEDIA
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Des Vietnamiens ont commandé une cloche de 250 tonnes.
Des cloches de tous âges et tous poids Le premier carillon fut créé sous les ordres de Pierre 1er, avant d’être détruit dans un incendie en 1756. L’impératrice Elisabeth 1ère de Russie ordonna un nouvel instrument qui, en 1856, se désaccorda et fut en conséquence démantelé en 1858. Pendant
la Révolution, le carillon avait été sérieusement endommagé. En 2003, pour le 300e anniversaire de la ville de Saint-Pétersbourg, un nouveau carillon de 51 cloches, pesant 15 tonnes, fut inauguré. La plus grosse cloche pèse 3 075 kg, la plus petite, moins de 10 kg.
Valery a un peu plus de 55 ans. Il a appelé sa société « Véra », en l'honneur de sa femme, mais aussi en référence à la foi chrétienne (Véra = Foi, en russe). Ses propos sont ponctués par les mots en slavon, sorte de latin slave. Ce ne sont pas les commandes qui manquent pour sa société. « Des Vietnamiens veulent nous commander une cloche de 250 tonnes. Ce sera la plus grosse du monde », prédit Anissimov. Les premières années de production furent difficiles. Il fallait tout reprendre à zéro sans expérience ni connaissances.Valery a étudié la technique de la fabrication des cloches grâce à un livre du début du XXe siècle trouvé par hasard à la bibliothèque Lénine de Moscou. Puis il est passé à la haute technologie. Les modèles de cloches sont conçus sur ordinateur ; les icônes, dessinées par les peintres sur la cire, sont scannées et enregistrées dans une base de données, puis le laser découpe les surfaces travaillées. Pour Valery, la production de cloches n’est pas seulement une affaire rentable, c’est aussi une entreprise morale. Pour que l’usine prospère, il faut réduire les frais en évitant d’acheter l'équi-
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Opinions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
la démographie soutient la croissance
Réarmement légitime Philippe Migault
Spécialement pour La russie d’Aujourd’hui
Evguéni Gavrilenkov
algré le reproche fait par certains au Service fédéral russe des statistiques (Rosstat) sur le manque d’exactitude des chiffres du recensement de la population, les facteurs indirects tels que la hausse des ventes de détail, y compris dans le secteur alimentaire, confirment que la situation démographique n’est plus aussi catastrophique qu’il y a dix, voire même cinq ans. En Russie, les points négatifs comme la faiblesse des institutions, la corruption, la fuite des capitaux, la forte dépendance à l’égard du prix du baril ont malheureusement tendance à éclipser les grandes avancées que connaît le pays. Cela a été particulièrement flagrant en 2011, où les investisseurs étrangers se sont détournés de la Russie, invoquant des risques politiques accrus et une importante fuite de capitaux. Pourtant, la croissance économique est toujours au rendezvous et il est probable qu’elle se poursuivra cette année encore, malgré un léger ralentissement. Ce qui permet de conclure que les facteurs positifs sont plus nombreux que les négatifs. Un des facteurs contribuant à maintenir cette croissance est l’amélioration de la situation démographique. Selon Rosstat, fin 2009, la population russe était de 141,9 millions d’habitants ; en 2010, elle était de 142,9 millions, un chiffre bien plus élevé que prévu. Et en 2011, elle aurait augmenté d’environ 100 000 personnes pour atteindre 143 millions de résidents permanents. La migration n’est pas la seule raison de cette amélioration démographique. En Russie, la population a arrêté de diminuer vers 2007-2008, pour se stabiliser, avant d’enregistrer une légère augmentation en 2010. Toutefois, le processus de déclin avait déjà ralenti quelques années auparavant pour laisser place à une dynamique plus forte que les pronostics « les plus optimistes ». L’allongement de l’espérance de vie, qui avait chuté pour les hommes comme pour les femmes au début des années 90, est également un signe encourageant. En 2009, la moyenne de 68,7 ans était de nouveau atteinte (62,8 pour les hommes et 74,7 pour les femmes). Si l’on se fie
viktor bogorad
M
L
es récentes déclarations de Vladimir Poutine, promettant un très ambitieux plan de réarmement des forces armées russes, ont suscité bien des réactions en Europe occidentale. Le spectre d’un éventuel retour de la Guerre froide a aussitôt été agité par la presse. Pourtant, il suffit de s’en tenir aux faits pour comprendre que cette annonce ne constitue pas une menace. Le Premier ministre russe a évoqué un programme de « réarmement sans précédent ». Il ne s'agit donc pas d'un renforcement de l'armée russe mais d'une reconstitution de ses capacités militaires. Celles-ci n’ont plus rien à voir avec celles de l’Armée soviétique. En dehors d’un nombre réduit de missiles, d’avions de combat ou de navires modernes, l’arsenal est largement obsolète.
troïka dialog
Les points négatifs comme la corruption ou la fuite des capitaux ont tendance à éclipser les grandes avancées
Les autorités réalisent l’importance du facteur démographique et libéralisent les lois sur l’immigration aux données de 2010-2011, ces chiffres continuent de grimper. Depuis les années 2000, la natalité augmente progressivement tandis que la mortalité baisse. L’accroissement naturel de la population reste négatif mais dans une moindre mesure que ces vingt dernières années. Les grandes causes de mortalité propres à la population russe par rapport aux pays développés, comme les accidents de la route, l’alcool ou la drogue sont toujours d’actualité mais les chiffres ont tendance à baisser. C’est, semble-t-il, le résultat d’une amélioration du bien-être conjuguée à des mesures efficaces de l’ État pour stimuler la natalité.
Indéniablement, l’immigration a joué un rôle crucial dans la stabilisation démographique de la Russie. Les immigrés sont en majeure partie des personnes en âge de travailler, ce qui a contribué à renforcer la part de la population active (alors qu’une baisse de plus de 500 000 personnes par an était attendue en 2006-2007). L’immigration a permis à la Russie de maintenir une certaine stabilité, sans avoir un plus grand nombre de bouches à nourrir par travailleur. Le flux d’immigration le plus important a été observé au début des années 1990, venu en grande partie des ex-pays de l’Union soviétique. Après une période de baisse, l’immigration a repris depuis six ou sept ans. Le fait plus marquant est que le flux ne provient pas uniquement d’alliés proches mais également de la Géorgie ou des pays baltes. Notons également qu’en 2011, le solde migratoire de la Russie était positif avec certains pays développés comme l’Allemagne et Israël (sans parler de la Grèce). Bien sûr, le volume des échanges migratoires avec ces pays est sensiblement moindre qu’avec l’Asie centrale mais force est de constater que la tendance observée se confirme. Les investissements directs à partir de ces pays s’accompagnent d’un renfort de capital humain, sou-
vent constitué de cadres supérieurs. La Russie est-elle un pays attractif ? C’est une affaire de goût. Mais le solde migratoire positif est en tout cas un très bon signe. La Russie peut donc être une source de revenu pour des travailleurs immigrés, motivés, qui vont peu à peu influer sur le milieu social et politique du pays. Toutefois, il ne faut pas omettre le rôle crucial joué dans cette amélioration démographique par les programmes sociaux de soutien à la natalité, ainsi que par le contexte de croissance économique qui a renforcé la confiance en l’avenir au sein de la population russe. Les autorités semblent aujourd’hui prêtes à prendre en compte l’importance du facteur démographique et à adopter les mesures nécessaires pour libéraliser les lois sur l’immigration. La politique sociale devra être axée sur le retour à l’équilibre démographique dans le pays, ce qui passe par une hausse de la natalité et une baisse de la mortalité. Evguéni Gavrilenkov est économiste en chef à la banque d’investissement « Troïka Dialog ». Article publié dans Vedomosti
lu dans la presse En prison pour crime de lèsemajesté ?
Le 21 février dernier, des jeunes femmes cagoulées du groupe de punk-rock dissident « Pussy Riot » ont fait irruption dans la cathédrale centrale de Moscou et ont chanté à tue-tête « Marie, mère de Dieu, chasse Poutine ». Deux d’entre elles, mères de jeunes enfants, ont été arrêtées par la suite et emprisonnées. Depuis, le débat ne tarit pas, dans tous les médias, sur l’attitude que devraient adopter l’Église, les croyants, l’État. Préparé par Veronika Dorman
l’église sur la sellette
trop près du pouvoir
qu’elles se repentent !
Ogoniok
gazeta.ru
komsomolskaya pravda
La haine des orthodoxes qui accusent Pussy Riot provoquera un rejet de l’orthodoxie par une partie de la société. On entend déjà partout qu’une religion qui permet d’incarcérer pour sept ans les mères de jeunes enfants est une mauvaise religion. Les hiérarques devraient montrer l’exemple de la dévotion chrétienne et pardonner les filles. Dieu les punira si elles le méritent. La société risque de se mettre en colère contre l’Église, qui sera la première à pâtir de cette histoire. Une Église forte, reposant sur le peuple et non sur les hiérarques, représente un concurrent dangereux pour le pouvoir, qui tire en fin de compte profit de ce discrédit.
Si le patriarche Kirill parle de l’arrivée de Poutine au pouvoir comme d’un « miracle divin », alors l’action anti-Poutine du groupe dans la principale cathédrale du pays ne peut être perçue que comme une insulte par l’Église et l’État. Les pouvoirs civils et religieux transforment des jeunes impertinentes en victimes sacrificielles du régime. Si elles n’avaient pas été mises en détention avant le procès, il ne serait resté de la « prière punk » qu’une vidéo sur Youtube. Aucun croyant n’a vu sa foi faiblir après avoir regardé cette « prière punk ». En revanche, tous voient dans l’arrestation et dans la poursuite pénale une cruauté injustifiée de l’Église et de l’État.
Il faut laisser sortir les punkettes d’une prison qui ne les rééduquera pas. La société peut répondre autrement. Il y a assez de croyants chez nous, et les musulmans se joindront sans doute aux orthodoxes outragés. Quand on refusera aux punkettes de louer un appartement, d’acheter du pain ou un billet de train, quelque chose changera peut-être chez elles. Elles comprendront qu’elles ont offensé un grand nombre de gens. Elles se sentiront mal à l’aise, avec une seule solution : le repentir public. Sur l’échafaud de la Place Rouge, là où elles ont accompli leur action précédente. Et je serai le premier à leur pardonner. Mais qu’elles se repentent !
Olga Allenova
Éditorial
Une nécessaire modernisation face à des menaces comme le fondamentalisme sunnite, entre autres Les bombardiers stratégiques comme leurs homologues américains - n’ont plus guère de pertinence dans un contexte où les défenses antiaériennes sont de plus en plus performantes. Les missiles intercontinentaux SS-18 et SS-19, les sous-marins de type Delta IV ou Typhoon, vivent leurs dernières années de service. Une nouvelle génération de matériels prometteurs, les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Boreï, l’avion de combat T-50, les missiles RS-24 Yars, S-400, S-500, sont en cours de développement ou d’acquisition. Mais il faudra des années pour qu’ils équipent l’ensemble des régiments ou escadrilles qui doivent aujourd’hui se contenter d'engins périmés. Quant au degré d’investissement « sans précédent » envisagé, ce n’est pas un véritable infléchissement politique. Certes les sommes qui devraient être consacrées au réarmement des forces russes semblent colossales : 590 milliards d’euros sur dix ans... On dépasse le plan de réarmement engagé par Dmitri Medvedev sur la période 2011-2020 (474 milliards d’euros sur dix ans pour les acquisitions d’armement) et, à ce titre, il est effectivement justifié de parler
d’effort d’une portée inédite. Mais il faut comparer ce chiffre aux sommes investies par les autres puissances militaires majeures. Vladimir Poutine est prêt à consacrer à la défense 78 milliards de dollars chaque année ? La Maison Blanche accorde 600 milliards au Pentagone. La Chine, qui disposait d’un budget de défense de 119,8 milliards de dollars en 2011, devrait atteindre les 238 milliards en 2015 selon des estimations américaines. Même l’Europe des 27, en pleine tourmente financière, consent chaque année un investissement de plus de 260 milliards de dollars à ses forces armées. Dans ce contexte, le projet deVladimir Poutine paraît nettement plus mesuré… Au demeurant, ce programme ne fait que prolonger l’ambitieuse réforme des armées russes initiée par l’administration Medvedev sous la houlette d’un ministre de la Défense « de choc », Anatoly Serdioukov. Depuis quelques années celui-ci mène un effort qui fait grincer bien des dents dans les rangs des généraux russes, mais qui ne pouvait plus attendre compte tenu de l’état de délabrement de l’appareil militaire. Si le Kremlin a gagné en Tchétchénie mais aussi plus récemment en Géorgie, il le doit surtout à la vaillance de ses soldats, qualité qui a permis de compenser un profond retard technologique. Soulignons enfin que la Russie est contrainte de se réarmer par un environnement menaçant. La Chine, qui monte rapidement en puissance, n’a pas oublié qu’un territoire vaste comme deux fois la France, le Primorié et le sud du Kraï de Khabarovsk, lui appartenait jusqu’aux fameux traités inégaux de 18581860… À long terme, la question d’un retour dans le giron de la mère-patrie chinoise de ses territoires riches en matières premières se posera sans doute. Et Moscou n’en a pas fini avec le fondamentalisme sunnite, qu’il sévisse dans le Caucase ou en Afghanistan et en Asie centrale. Attentats-suicides, retour en force des Taliban… La Russie est en définitive confrontée aux mêmes ennemis que la France. Cette dernière refuse de nommer clairement son adversaire principal, mais sur les bords de la Moskova, on ne peut se permettre ce luxe. Comme le disait Trotsky : « La guerre ne vous intéresse peut-être pas mais la guerre, elle s’intéresse à vous ». Philippe Migault est chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).
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Dmitri Stechine
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Culture
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
Exposition Un collectionneur de costumes, vedette de la télévision, ressort des toilettes de l’époque soviétique
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Chronique LitTÉraire
L’air de la fin d’un monde
Comment on s’habillait derrière le Rideau de fer Nora FitzGerald
La russie d'aujourd'hui
Le projet a pris près de trois ans car il a fallu dénicher les objets pièce par pièce dans les placards des célébrités de l’époque. En l’absence d’un véritable musée de la mode, de nos jours en Russie, la majeure partie de la rétrospective provient de la collection privée du célèbre styliste et historien de la mode, Alexandre Vassiliev. « Pour la Russie, c’est la première exposition d’une telle ampleur sur l’histoire de la mode », a déclaré avec fierté AlexandreVassiliev lors du vernissage. Même dans un total isolement et malgré les étalages vides des magasins, les vraies passionnées de mode trouvaient le moyen de s’habiller avec raffinement. « Ce sont surtout les actrices de théâtre et de cinéma, les danseuses étoiles et les femmes de hauts fonctionnaires qui déterminaient la mode de l’époque », précise Vassiliev. Elles étaient les seules à pouvoir traverser la frontière, ramener des journaux de mode, du tissu et se faire faire des toilettes sophistiquées, très enviées par leurs com-
patriotes moins chanceuses. Ces dernières étaient contraintes de faire retoucher les vêtements tristounets produits par les usines soviétiques et de se fabriquer leurs tenues avec les moyens du bord. Ainsi cette robe charleston taillée dans une véritable soutane de prêtre et une jupe de tennis transformée par d’habiles mains. Les pièces proviennent des garde-robes personnelles des ballerines Galina Oulanova et Olga Lepechinskaïa, de celles des actrices Ludmila Tselikovskaïa, Natalia Fateeva, Clara Loutchko, Ludmila Gourtchenko et autres stars du cinéma soviétique. Les mannequins et les vitrines d’accessoires se succèdent dans un ordre chronologique. Des provocantes petites robes à paillettes et bibis des années 20, nous passons aux fastes tenues d’après guerre, toutes de tulle et de velours. Puis, place aux années 50 avec leurs crinolines et tailleurs « New Look ». Dans la salle consacrée aux années 60, c’est le manteau de broquard pourpre bordé de fourrure qui saute aux yeux. Cette pièce, si osée pour l’époque, appartenait à la ballerine Olga Lepechinskaïa. L’autre pièce originale est l’ensemble « Arc-en- ciel », pantalon et tunique, qui provient de la garde-robe de la danseuse étoile Maïa Plissetskaïa. Cet ensemble lui fut offert en 1973 par
Biographie
Alexandre Vassiliev
elena pochetova (3)
Le styliste et historiographe Alexandre Vassiliev propose une rétrospective inédite au manoir Tsaritsyno à Moscou : « La mode derrière le Rideau de fer ». À voir jusqu'au 12 juin 2012.
âGE : 54 profession : costumier
Pierre Cardin, quand elle était l’égérie de sa maison de mode. Commissaire de l’exposition qui se tient au musée Tsaritsyno à Moscou jusqu’au 12 juin, Irina Korotkik explique que l’époque soviétique « avait une relation très ambiguë avec la mode, qui était considérée comme un résidu du passé bourgeois ». Cette époque,Vassiliev la connaît bien. Il a décoré son appartement parisien et sa maison d’été à Vilnius dans le style de l’aristocratie exilée, un hommage fin-de-siècle qui honore la beauté et les habitudes des jours révolus. En 1982, à l’âge
Alexandre Vassiliev donne des conférences en quatre langues à travers le monde en tant que professeur invité d'histoire de la mode et de scénographie. Il est propriétaire de l’une des plus importantes collections privées de costumes russes de Hong Kong, Belgique, Grande-Bretagne, France, et d’autres pays. Pour sa promotion de l’art russe, il a été honoré par plusieurs prix, dont les médailles « SP Diaghilev », « Nijinsky V. », le titre de mécène, et la médaille d'or de l'Académie des Arts en Russie.
de 23 ans, Vassiliev épousa une jeune Française et s’installa à Paris. Le mariage fut bref, mais Alexandre est resté en France. Il a d’ailleurs beaucoup travaillé comme costumier pour le théâtre et le ballet français. À Moscou ces jours-ci, il ne peut plus descendre la rue Tverskaïa sans être abordé par des admirateurs. La raison en est la popularité de l’émission de télévision « Verdict de la mode », dont il est l’animateur vedette, et qui taille en pièces le stéréotype selon lequel toutes les femmes russes portent des robes séduisantes,
des manteaux de vison et des talons à la « Sex in the City» . Trente millions de téléspectateurs s’installent toutes les semaines devant le petit écran pour regarder des pontifes de la mode questionner sur leur style vestimentaire des femmes ordinaires, qui se partagent entre leur travail et leur foyer, parmi lesquelles les candidates sont sélectionnées. « C’est une incroyable célébrité qui s’est abattue sur l’émission que j’anime depuis deux ans et demi, alors que j’ai écrit sur l’histoire de la mode et habillé plus de 100 ballets », confie Vassiliev, présent sur le plateau en tant que « ministre du bonheur ». La population russe est féminine à 60% et les femmes ont du mal à trouver un partenaire. « Je veux rendre les femmes heureuses », assure le couturier. AlexandreVassiliev a acheté son premier costume à l’âge de seize ans. Il a eu la chance, dit-il, que son père, un décorateur du Bolchoï, ait soutenu son désir de collectionner des costumes dès son adolescence. Aujourd’hui, il possède plus de 10 000 pièces. Mais le plus gros de son temps est consacré à la télévision. Lors d’un épisode récent du « Verdict de la mode », une jeune mère de famille ordinairement vêtue est repartie chez elle avec une garde-robe ayant reçu la bénédiction d’Evelina Khromtchenko, co-animatrice du programme et tsarine de la mode russe. L’émission se termine invariablement sur une note d’espoir : « les rêves deviennent réalité, cela peut vous arriver ». « Je veux les aider à se sentir plus sûres d’elles », ditVassiliev des femmes qui viennent sur son plateau. « Et si elles ne trouvent pas de mari, ce ne sera pas la faute de leur look ! »
Cinéma La mort d’une amie a inspiré à J.-C. Taki un nouveau genre poétique né du téléphone portable
Elle s’est noyée dans une brume de pixels « Sotchi 255 » sort en salle. Dans cette œuvre filmée à l’aide d’un téléphone portable, JeanClaude Taki explore le potentiel d’une mise en images novatrice. Daria Moudrolioubova la russie d’aujourd’hui
« Le 29 août, Irina s’enfonce dans la mer. Enterrement le 6 septembre ». C’est à partir de cet étrange courriel lui annonçant la mort d’une amie que Jean-Claude Taki a écrit l’histoire de Sotchi 255. Guillaume, l’alter ego de Taki dans le film, part à Sotchi pour tenter de comprendre ce qu’il s’est passé. Mais, plutôt que de rechercher les raisons du drame, son enquête l’amène à explorer les liens qui l’unissaient à Irina. Puis, à son tour, Guillaume disparaît, laissant ses notes et dessins dans sa chambre d’hôtel. Sotchi 255 navigue dans une zone trouble entre réel et fiction : réalisé à partir d’ images documentaires, le film est surtout l’évocation poétique d’une
histoire d’amour - « l’une des plus belles preuves de notre existence dans ce monde », selon le réalisateur. L’histoire de Guillaume et Irina émerge de la brume des pixels jusqu’à ce que la présence d’Irina, désormais disparue, ne devienne palpable dans la salle. Le journal de Guillaume lu en voix « off » unit les différents segments du film. Les séquences qui accompagnent cette nouvelle mise en images suivent une logique émotionnelle et non narrative. Les deux applats se superposent jusqu’à créer la chambre 255, un espace du troisième type, autant physique que mental. Dans son désir d’images, Taki capture des vues qui le fascinent, sans lien apparent avec l’histoire, et il les laisse reposer jusqu’à ce que se forment des lignes d’attraction. Puis, du chaos des images émerge un puzzle. On voit, dans Sotchi 255, tout à la fois la touche d’un réalisateur, d’un écrivain et d’un artis-
te plasticien. Déjà auteur d’un long métrage et de cinq courts réalisés en pellicule, Jean-Claude Taki a laissé de côté la caméra numérique et réalise désormais ses films entièrement à l’aide de téléphones portables. « J’ai toujours trouvé l’acte de filmer ridicule », avoue-t-il. Avec le télé-
phone, il pense s’être enfin approché de la fameuse « caméra-stylo » dont rêvait Godard : objet sans prétention, un portable ne provoque pas de méfiance chez les sujets filmés. Ceux qui perdent tout naturel devant une caméra s’oublient face au portable. Quant au réalisateur,
il retrouve une certaine forme d’innocence au cinéma : il ne s’agit pas de tenter d’extraire un fragment du monde ni de fabriquer une image, mais simplement de faire corps avec le monde et les personnages. Contrairement à d’autres films réalisés à l’aide d’un portable où les téléphones étaient transformés en mini-caméras munies d’objectifs 35mm, Taki prend son outil à contre-emploi et en fait un objet sensoriel dont la capacité plastique relève plus du pinceau d’un peintre que du grain d’une caméra. Le film a été d’emblée conçu pour le grand écran : Sotchi 255 perdrait toute sa poésie à être vu sur l’écran d’un téléphone. De la brume, du bruit et des vibrations portées sur l’écran de cinéma à partir d’un téléphone, il naît la poésie d’un nouveau monde. Première en présence de l’auteur, Jean-Claude Taki, MK2 Beaubourg, 22 mars à 20h.
titre : Schubert à Kiev Auteur : Léonide Guirchovitch Édition Verdier Traduit par Luba Jurgenson
Nous sommes en Ukraine, c’est l’été 42, l’occupation. Les nationalistes ukrainiens, qui ont soutenu l’Allemagne contre l’URSS, déchantent. La terreur a vite effacé le rêve d’indépendance, Ukrainiens et Russes s’épanouissent dans une collaboration sous-tendue par la peur toujours présente. Plus tôt, en septembre 41, quelque 33 000 Juifs ont été massacrés dans le ravin de Babi Yar. Pianiste à l’Opéra de Kiev,Valentina Maleïeva vit avec sa fille, Pania, jeune femme d’une beauté exceptionnelle, et toutes deux sont menacées de chantage par l’odieux Lozine, le metteur en scène de l’Opéra qui a découvert l’identité « mortellement dangereuse » du père de Pania, vraisemblablement juif. Dans Schubert à Kiev, Léonide Guirchovitch bouscule les règles du roman, les glissements entre les voix de la narration sont fréquents et les frontières entre les espaces, ténues. Les héros de Schubert à Kiev, dont la vie gravite autour de l’Opéra, nous donnent l’impression d’être eux-mêmes les personnages virevoltants d’un opéra. Décors de carton pâte, indications scéniques, claquements de talons, rires forcés et mouvements trop amples, jusqu’à la sortie de scène de chacun à la fin du roman : « Le lecteur aura remarqué que nous avons commencé par les personnages secondaires … c’est dans cet ordre que les chanteurs viennent saluer ». Est-ce là, pour Guirchovitch, une façon de mettre la distance nécessaire pour éviter de décrire l’horreur ou une façon de nous dire que tous les êtres peuvent se transformer en bouffons collabos le temps d’un passage sur la scène de la vie ? Car le lecteur ne trouvera pas dans Schubert à Kiev le moindre héros porteur d’espoir. Léonide Guirchovitch mène, parallèlement à son œuvre d’écrivain, une carrière musicale comme premier violon à l’Opéra de Hanovre. Schubert à Kiev est un peu la synthèse de ses talents, un roman d’une inouïe virtuosité linguistique, étrange, foisonnant, kaléidoscopique, émaillé de centaines de références musicales, littéraires, historiques, au style parfaitement adapté au propos : l’écroulement de la culture romantique, dont le nazisme est la dernière étape et Schubert le symptôme par excellence. C’est une métaphore poignante sur la fin d’un monde à l’issue d’un tournant historique radical : « Un jour cette guerre sera finie et, quel que soit le résultat, il n’y aura plus de retour possible au passé ». Christine Mestre Découvrez d’autres chroniques sur larussiedaujourdhui.fr
Loisirs
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
RECETTE
Graffiti Pavel 183 : un artiste urbain dans un pays où la rue a retrouvé la parole
Les murs n’ont plus d’oreilles, mais ils parlent
Le ragoût remis au goût du jour Jennifer Eremeeva
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
L’artiste russe Pavel 183 est devenu populaire dans son pays natal quand la presse britannique l’a comparé au célèbre Banksy. En mars, la campagne électorale lui a inspiré ses premiers graffiti politiques.
REUTERS/VOSTOCK-PHOTO
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
C’est la mort en 1990 du monstre sacré du rock russeVictor Tsoï qui a donné naissance au graffiti à Moscou. « Tsoï vit » : rue Arbat, un mur est depuis recouvert de graffiti en l’honneur du chanteur. Puis ce fut au tour de l’entrée de l’immeuble où vécut l’écrivain Mikhaïl Boulgakov. Ce mur est gribouillé de dessins et de citations de son roman Maître et Marguerite. Ces deux lieux sont à l’origine du mouvement de l’art urbain en Russie. Ce sont ces murs qui ont poussé Pavel 183 à dessiner des 14 ans. Il possède deux diplômes à son actif mais refuse de dévoiler sa profession : « Ce sont mes outils, mon pinceau secret. Les journalistes ont écrit partout que j’ai étudié le design de communication car j’avais mis ça sur mon site. En fait, c’était une blague. Je me suis toujours moqué
À L'AFFICHE v
des designers. J’ai fait beaucoup d’études : design, typo, psycho et philo ».
« La mission de l’art de rue est le dialogue avec les gens ordinaires. Pas besoin de galeries pour ça ! » En Russie, la reconnaissance n’est arrivée que récemment, véhiculée par des articles du Guardian et du Daily Telegraph le comparant au graffeur anglais Banksy : « C’est triste, après 14 ans de vie artistique, d’être comparé à quelqu’un. Moi, c’est moi, je ne ressemble à personne », insiste Pavel, pour qui « l’art urbain russe prend sa source dans
L’ORCHESTRE NATIONAL RUSSE JOUE GLAZOUNOV
le situationnisme révolutionnaire, dans le Manifeste du poète Maïakovski. Pour simplifier, c’est l’art de la révolution dans la rue. Je fais de la satire de rue ». L’art est d’ailleurs une notion élastique : « J’ai un ami qui, en faisant la vaisselle, a découvert, dans les traces de ketchup d’une assiette, le profil de Lénine. Il a laissé cette assiette comme ça. Je pense que notre perception, c’est aussi de l’art ». En 2005, Pavel a tourné un film, Le conte d’Alena-2005, où le visage bien connu de la petite fille sur l’emballage du chocolat soviétique devient le symbole anonyme de l’enfance moderne. Selon lui, chacun est obligé de se vendre, depuis tout petit, sans même le vouloir. Ce sont les règles du monde
d’aujourd’hui : « Pour gagner de l’argent, dans la Russie actuelle, pas la peine d’avoir la tête sur les épaules, tant qu’il n’y a pas de tête, pas de société civile. Belinski disait : à Saint-Pétersbourg, on ne peut pas être artiste ou fêtard, il faut au moins être artiste ou au moins fêtard ». Pour Pavel, « la mission de l’art de rue est le dialogue avec les gens ordinaires. Pour cela, pas besoin de galeries, pas besoin de payer pour voir de l’art. C’est un jeu visuel à travers la ville. Je suis de nature plutôt ascétique. J’aime le silence, la solitude, la saleté » - faisant écho à Marcel Duchamp. Pavel évoque la recherche d’un équilibre, « sans lequel on risque de devenir du ‘fast food’ avec un menu et des portions standardisées ».
LES NUITS DE MOSCOU
BREL À MOSCOU, POUCHKINE À PARIS…
DU 31 MARS AU 1 ER AVRIL, BOURSE DU TRAVAIL, LYON
LE 26 MARS, SALLE PLEYEL, PARIS
DU 20 MARS AU 25 MAI, EN BANLIEUE
REX FEATURES/FOTODOM (2)
DARIA GONZALES
Une des constantes de la cuisine russe, c’est la cuisson lente. Cette tendance est accueillie avec enthousiasme par les femmes au foyer occidentales, grâce à son principe « gain de temps » : on jette tous les ingrédients dans une cocotte, on règle la minuterie à 5 heures et hop, le dîner pour toute la famille est garanti et l’après-midi vous appartient. Ce type de magie culinaire, qui tire ses origines des temps païens, était pris très au sérieux par les populations agraires de la Russie pré-révolutionnaire. Les Slaves païens croyaient que le feu et l’eau étaient des divinités supérieures et que leurs forces combinées étaient particulièrement puissantes. La cuisine, qui témoignait parfaitement de cette fusion, se faisait dans des fours traditionnels faits de brique et recouverts de céramique. Ils étaient intégrés dans le coin de chaque maison paysanne, occupant au moins un cinquième de la pièce. Car ce four ne sert pas qu’à cuisiner, mais aussi à chauffer la maison. Plus qu’un four et un réchaud, c’était le véritable cœur du foyer. Sa construction était un événement collectif joyeux, suivi par une fête débridée. Une fois le four achevé, on y plaçait à l’intérieur un plat de kacha pour nourrir le « domovoï »,
Ingrédients : Quatre pots en terre cuite individuels ou une cocotte de 2-3 litres • 600 g d’agneau tendre ou de bœuf, en dés de 1,5 cm • 450 g de pommes de terre rouges, avec la peau, en dés de 1,5 cm • 3 grosses carottes, pelées, en dés de 1,5 cm • 1 grosse aubergine, en dés de 1,5 cm • 1 gros oignon jaune, grossièrement haché • 400 g de tomates pelées en conserve, hachées • 250 ml de bouillon de bœuf ou de vin rouge, ou un mélange des deux • Un peu de farine • Trois filets d’anchois • 1 c. à soupe de zeste d’orange • 5 gousses d’ail écrasées • ⅓ tasse de persil haché • 1 branche de romarin frais • 3 branches de thym frais • 2 c. à soupe de concentré de tomate • 3 c. à soupe de gros sel • 2 c. à soupe de poivre noir concassé • Huile végétale • Beurre.
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ITAR-TASS
Préparation :
Le maestro Mikhaïl Pletnev redonnera vie aux œuvres peu connues d’Alexandre Glazounov. Accompagné du violoncelliste Gautier Capuçon, l’orchestre interprétera également la Symphonie concertante de Prokofiev.
L’ensemble Troïka, Alexeï Birioukov, maître de la balalaïka, les grandes voix cosaques de Kouban et le violoniste virtuose Dimitri vous proposent un voyage au cœur de la musique, des chants et des ballets russes.
Vadim Piankov nous embarque pour un voyage poétique et musical. Baurin, Apollinaire, Brel, Pouchkine, Blok, Okoudjava… Troublant écho entre les chansons russe et française. Piano, arrangements : Vadim Sher.
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l’esprit domestique capricieux qui vivait dans toutes les demeures, capable de faire des misères et semer la pagaille à moins d’être continuellement apaisé par de petites offrandes. Durant les longs mois d’inactivité hivernale, les hommes somnolaient souvent allongés sur le four. D’où le mot « petchouchnik », de « Petch » (le four) et qui signifie « paresseux » ! On y cuisait du pain, séchait des herbes, faisait mijoter des soupes ou bouillir diverses céréales telles que le sarrasin ou l’avoine. Le ragoût classique russe s’appelle simplement « viande en pot ». Des pots en terre cuite individuels couverts, contenant viande et légumes, étaient placés dans le four. L’électricité et le gaz n’ont pas servi la recette, qui manque désormais de saveur et de texture. Et l’ajout fréquent de mayonnaise pour y remédier est un désastre. J’avais donc relégué la viande en pot aux oubliettes, jusqu’à un week-end récent. Tandis que la neige tombait et que mon mari s’appliquait à faire le « petchouchnik » devant l’écran plat de la télé, je me suis retrouvée avec tous les ingrédients nécessaires sur les bras, et un défi culinaire en perspective. Quelques recherches et expérimentations plus tard, j’ai concocté un ragoût suffisamment bon pour apaiser le plus grincheux des « domovoï » !
1. Mélangez l’aubergine et le gros sel, placez dans une passoire, au-dessus d’un bol et laissez égoutter à température ambiante pendant 45 minutes. Rincez à l’eau froide et séchez avec un torchon. Disposez sur une assiette et passez une min au micro-ondes, à température maximale. Laissez de côté. 2. Préchauffez le four à 180°C. 3. Séchez les dés de viande
LORI/LEGION MEDIA
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avec un torchon, roulez-les dans la farine. Faites chauffez de l’huile dans une cocotte et dorez la viande 30 secondes. 4. Ecrasez les filets d’anchois. Ajoutez l’ail écrasé, du gros sel, les herbes, le citron et le poivre. Mélangez jusqu’à l’obtention d’une pâte. Laissez de côté. 5. Mélangez les tomates, le concentré de tomate, le bouillon/ vin, dans un mixeur jusqu’à l’obtention d’un liquide onctueux. 6. Préparez les pots ou la cocotte : beurrez les parois intérieures, disposez la viande au fond, badigeonnez d’un peu de pâte d’anchois, disposez une couche de pommes de terre, puis de carottes, puis d’aubergines, intercalant à chaque fois une couche de pâte d’anchois. 6. Versez la mixture de tomate pour couvrir le contenu. 7. Placez au four et laissez cuire pendant une heure et demie. Autres recettes sur larussiedaujourdhui.fr
Reportage en Extrême-Orient larussiedaujourdhui.fr
18 Avril Pour contacter la rédaction: redac@larussiedaujourdhui.fr
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