Le ministre de la mode lève le rideau de fer
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Collectionneur de costumes, Alexandre Vassilliev dépoussière les vêtements soviétiques. P. 7
Les cloches géantes de Voronej Comment cet artisanat unique renaît après des décennies de négligence. P. 8
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Ce supplément est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Moscou, Russie) qui assume seule l'entière responsabilité de son contenu Mercredi 7 mars 2012
Présidentielles La victoire écrasante de Vladimir Poutine place l'opposition éclatée en position délicate
Quel avenir pour la contestation ?
À Tioumen, une grande capitale régionale, il fallait jouer des coudes pour atteindre l'isoloir, tant la participation était forte. Mais des irrégularités ont entaché le scrutin.
Selon les résultats des élections présidentielles Vladimir Poutine a reçu plus de 60% du soutien populaire. Pourquoi tant de manifestations avant ces élections ? Sont-elles finies ?
CAROLINE GAUJARD-LARSON LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
VLADIMIR ROUVINSKI
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Grand soleil, musique festive, loterie gratuite… Serait-ce la fête nationale en Russie ? Non ! Mais toutes les conditions étaient réunies à Tioumen ce dimanche 4 mars pour attirer les électeurs. Avec quelques heures d'avance sur Moscou, la ville sibérienne choisissait son futur président. Et pourtant : « Je sais que mon vote est inutile », regrette Evgueni, un jeune homme de 24 ans. Cet étudiant ne se fait pas d'illusions sur l'issue du scrutin mais espère néanmoins que l'oligarque Mikhaïl Prokhorov va vite créer son parti. Quand le milliardaire russe s'est déclaré candidat à la présidentielle, Evgueni a décidé de lui donner sa voix. © REUTERS/VOSTOCK-PHOTO
Les manifestations massives de décembre à février sont sans précédent depuis 20 ans. Elles ont pris de cours l’ensemble des forces politiques du pays. Ni le pouvoir, ni l’opposition n’étaient préparés à ce que les citoyens, outrés par les magouilles électorales, sortent d’eux mêmes dans la rue, de manière presque spontanée. Les premiers surpris furent les partis représentés au parlement. En effet, malgré l’usurpation des voix par Russie Unie aux législatives, leur présence à la Douma s’est accrue. Ils pensaient que leur cote de popularité croissait et ont soutenu les mouvements de protestation. Mais, lors des manifestations, les slogans exprimaient de la méfiance à leur égard aussi : « Je n’ai pas voté pour ces salauds. J’ai voté pour d’autres salauds ». Le pouvoir également a été pris de court. Généralement, ce genre de manifestations de masse sont vues comme des actions en faveur de l’opposition ou contre l’État. Or, cette fois, le message inhabituel et le ton tout nouveau avait de quoi surprendre : « Nous ne sommes pas l’opposition. Nous sommes vos employeurs ». C’est la première fois que le peuple
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OPINIONS
La classe moyenne constitue le noyau dur de la contestation et réclame le départ de Vladimir Poutine.
s’adresse aux autorités en ces termes. Autre fait étonnant : les capacités organisationnelles et l’autonomie des manifestants. En effet, beaucoup d’entre eux, férus de management, ont réussi, grâce bien sûr à Internet, plus précisé-
ment aux réseaux sociaux comme Facebook, à réunir près de 4 millions de roubles (100 000 euros), qui leur a permis de garder une totale indépendance. De plus, contrairement à l’opposition, ils ne participaient qu’à des manifestations autorisées, ce qui a évité
tout dérapage et a démontré leur volonté de changement dans un cadre légitime. Le Kremlin fut également dérouté par « le changement de bord » de cette classe moyenne, dont l’apparition toute récente était saluée par Poutine, qui croyait pouvoir
compter sur son soutien. C’est cette classe moyenne qui constitue le noyau dur de ces mouvements de contestation et qui a tourné le dos à l'ancien Premier ministre en lui criant : « Va-t-en ! » SUITE EN PAGE 2
Élevage Moscou favorise ses producteurs domestiques
PHOTO DU MOIS
Le porc belge n'est pas le bienvenu
La barre toujours plus haut
Alors que la population mondiale a atteint 7 milliards d'êtres humains l'année dernière, la nourriture est en train de devenir un produit stratégique, et les pays s'efforcent de consolider la pro-
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SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La Russie est autosuffisante sur la volaille, pas sur le cochon.
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La Russe d'origine tchétchène Elena Issinbaieva savoure son triomphe à Stockholm, le 24 février 2012. Elle vient d'établir un nouveau record du monde de saut à la perche avec un résultat de 5,1 mètres. Une performance réalisée lors de la compétition internationale d'athlétisme XL-Galan. Consultez toutes nos « photos du jour » à l'adresse : larussiedaujourdhui.be/ photos_du_jour
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duction du plus élémentaire des produits. La Russie peut prétendre au rôle de puissance agricole, mais elle importe encore 40% de sa nourriture, selon le comité d'État des statistiques. Toutefois, un effort d'investissement soutenu par l'État a permis au pays de devenir autosuffisant en viande de poulet en 2009, et la Russie veut faire de même dès cette année avec le porc. L'importance des importations de viande a été soulignée dans les années 90 quand, suite à un conflit avec les États-Unis, la Russie a subitelemement bloqué les importations de « Cuisses de Bush », poulet surgelé ainsi surommées en référence à l'ancien président américain.
L'élevage porcin représente 20% de la production agricole belge, mais la guerre larvée entre l'Europe et la Russie autour de la viande ternit les perspectives d'exportations. BEN ARIS
Dégel à la télévision
Retour de la satire politique
Vatican orthodoxe
Au cours de la campagne présidentielle, le petit écran, étroitement contrôlé par le Kremlin, a commencé à donner la parole à l'opposition. Révolution ou simple geste tactique ?
L'écrivain Dmitri Bykov et l'acteur Mikhaïl Efremov ressuscitent le genre de la satire politique. Le projet, qui est devenu populaire très vite, s'est achevé le 5 mars, au lendemain des présidentielles.
Serguiev Possad, ville proche de Moscou, est connue comme le grand lieu saint de la Russie. Visite guidée du monastère de la Sainte-Trinité, au « Vatican » des Orthodoxes.
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Observer les élections en Sibérie
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De la légitimité du réarmement russe Le politologue français Philippe Migault estime que le programme ambitieux de réarmement annoncé par Vladimir Poutine ne constitue pas une menace pour ses voisins. PAGE 6
EN LIGNE SUR
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Politique
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.BE Supplément réalisé par Rossiyskaya Gazeta et distribué avec
Le Kremlin peine à comprendre ce qui fâche le peuple
La non opposition
Certains, au vu de l’histoire russe, riche de confrontations sanglantes et de révolutions, craignent sérieusement les désordres violents, semblables à ceux des pays arabes.
Le pouvoir a du mal à comprendre des revendications trop abstraites, éloignées des exigences économiques Or, les mouvements de contestation au Proche Orient étaient dûs à la pauvreté et à l’absence de perspectives économiques pour la jeunesse active. Ce qui a entraîné des revendications politiques et la chute des régimes en place. En Russie, la situation est très différente : un rouble fort et qui continue à monter, le développement d'un marché des fonds, un prix du pétrole permettant de grosses dépenses budgétaires... Les revendications des contestataires ne sont pas d’ordre matériel mais plutôt d’ordre institutionnel. « Je pense que la principale revendication du peu ple est que rien ne semble dépen dre de lui », affirme le critique musical, Artem Troïtski, qui participe activement à tous les mouvements contestataires.
Si Evgueni a voté pour le milliardaire Prokhorov c'est, entre autres, « parce qu'il est un nouveau venu », dit-il. Un facteur qui explique sans doute l'engouement d'une jeune génération lassée de Poutine avec qui elle a grandi. Igor, un autre jeune supporter de Prokhorov, nous tient le même discours. Selon lui, « non seule ment il est nouveau en politique mais il écoute les gens. Et puis je ne veux voter pour aucun des autres candidats, ils sont trop cor rompus », affirme-t-il. Svetlana, elle, ne dira pas pour qui elle a voté, discrétion oblige. Croisée à la sortie d'une école de Tioumen transformée en bureau de vote pour l'occasion, cette quadragénaire n'est pas bien à l'aise lorsqu'on lui demande de témoigner. Et puis, pour dire quoi ? « Mon vote ne regarde que moi ! » Ivan, la quarantaine, a voté communiste. « J'ai voté Ziouga nov », dit-il. Et le Tiouménite de préciser que « c'est un vote de protestation contre Poutine. Même si, bien sûr, Poutine va gagner. Et nous serons une nouvelle fois dans la rue ». Valentina, enfin, s'est levée aux aurores pour voter tout comme ses voisines. Pour cette vieille dame, c'est Poutine, et personne d'autre. « Voilà l'homme fort qu'il nous faut, dit-elle. Il connait bien le pays ». Certes, Valentina ne cache pas sa nostalgie de l'URSS qui lui a permis d'étudier gratuitement. Mais elle ne votera pas Ziouganov, « trop vieux ». Tandis que Poutine est « en pleine forme ». Pendant ce temps, au bureau de soutien à Prokhorov, installé
Chaîne humaine du 26 février, manifestation de « l'anneau blanc ».
l'Avis d'un expert
Medvedev était mieux adapté
Les Russes se sont sentis offensés par l’annonce de la décision tout à fait légère de Poutine et de Medvedev consistant à échanger leurs postes. Et ce, dans un pays où il y a une Constitution et des élections. Cette partie de la société a manifesté pour dire qu’elle exige d’être traitée dignement. Il n'y aura pas de bouleversements, mais la Russie est déjà transformée et c'est un changement extraordinairement heureux. Le système politique est assez solide pour contrôler les élections, mais ne peut plus
contrôler la société. Le véritable problème, c'est : est ce que, une fois réélu, Vladimir Poutine prendra en compte cette transformation ? La pire erreur serait de la sous estimer. Il faut qu’il continue à faire ce qu’il a commencé il y a quatre ans – jouer le jeux des institutions. Personne ne pouvait l’empêcher de se représenter. Les sondages lui donnaient un taux de popularité formidable et la société était d’accord pour modifier la Constitution. Il aurait pu le faire, mais il ne l’a pas fait… Dmitri Medvedev correspond mieux à cette situation nouvelle. Sa force de caractère n’est peut-être pas à la hauteur des enjeux, mais intellectuellement, il est plus adapté.
« Les manifestations égyp tiennes comparées aux nôtres expriment des sentiments extrê mes de joie ou de colère », raconte Iouri Kozyrev, photojournaliste russe spécialisé dans les conflits arabes, lauréat du prix WorldPressPhoto 2011. « Les gens qui sont sortis dans la rue à Moscou ne sont pas l’opposi tion. Ces gens étaient présents pour dire : nous sommes là et nous avons le droit de choi sir ». De fait, ces contestataires ir-
ritent aussi bien le Kremlin que les partis parlementaires, pour lesquels ils ont pourtant voté, et déçoivent l’opposition non parlementaire, qui voudrait mettre fin au régime Poutine rapidement. « Nous sommes en train d’observer la naissance ou la renaissance de la société civile », affirme Iouri Kozyrev. Le pouvoir, lui, a du mal à se faire une idée car il peine à comprendre ces revendications trop abstraites, éloignées des exi gences économiques.
Hélène Carrère d'Encausse
historienne spécialiste de la Russie
sur l'artère principale de la ville, les militants s'activent. Un petit groupe de personnes débarque bruyamment : c'est l'une des brigades mobiles d'observation. Elle a pour tache de surveiller la validité du processus électoral. Selon les observateurs, les irrégularités sont nombreuses. C'est en tout cas ce qu'affirme Pierre-Yves, jeune étudiant français et russophone, en échange universitaire à Tioumen pour l'année en cours. Bien intégré dans le tissu local, le Français s'est porté volontaire pour surveiller le déroulement de l'élection présidentielle. « Je ne fais partie d'aucune ONG, explique-t-il, j'ai été invité par un parti local à me constituer observateur international. Je peux déjà dire que même si j'ai les documents nécessaires pour être observateur, certains responsables de bureaux de vote me créent des problèmes, continue-t-il. Ils n'hésitent pas à mettre en doute la validité de nos papiers… Il s'en est fallu de peu pour qu'on me refuse l'accès au bureau de vote ». Serguei, un jeune Russe de 25 ans, l'accompagne. Il nous raconte comment les responsables des bureaux empêchent les observateurs de filmer eux-même les scènes de vote, ce qui est pourtant autorisé dans leur cas. Par ailleurs, on l'a mis en garde contre le « carrousel », un groupe de faux électeurs qui oeuvrait déjà, parait-il, lors des élections législatives du 4 décembre. « Un bus d'une quarantaine de personnes se déplace par exemple de bureau de vote en bureau de vote, expli que le jeune Tiouménite. Ils ont une marque reconnaissable sur leur passeport qui fait qu'on les autorise à voter plusieurs fois. Tout est prévu ».
© Caroline Gaujard
Bien sûr, la question s’est posée de savoir comment l'exigence d’élections justes peut être associée à la volonté de se séparer de Vladimir Poutine. Alors que tous les sondages, y compris les sondages indépendants, ont montré Poutine remportant haut la main les élections. « Je suis certain que Poutine va gagner. Mais il sera obligé d’écouter, de comprendre qu'il n’est plus un idéal, que le peuple n’est pas unanime », explique le célèbre caricaturiste Andreï Biljo, après la manifestation du 4 février. Les seuls gagnants de cette situation auraient pu être les opposants non parlementaires. Or, ils ne semblent pas vraiment avoir réussi à exploiter cette humeur contestataire. Selon les sondages, les figures les plus populaires parmi les manifestants restent non pas des hommes politiques, mais des acteurs sociaux connus pour leur forte autorité morale et leur réputation irréprochable comme l’écrivain Boris Akounine ou le journaliste télé Leonid Parfionov. D’autre part, les contestataires se sont eux-même rendus compte que, contrairement aux années 90, ils étaient dorénavant très méfiants envers l’apparition d’un nouveau leader politique, se souvenant de Boris Eltsine avec qui la déception fut à la hauteur des espoirs et de l’enthousiasme suscités. Toutefois, ils sont bien conscients d’avoir besoin d’un leader politique unique, qui pourrait battre Poutine lors d’élections justes. Or, en l’absence d’une telle figure, si difficile à trouver, étant données la variété et la polarité des visions politiques des contestataires, il leur apparaît clairement qu’ils sont engagés dans une
véritable course de fond, visant les prochaines élections dans 6 ans, à moins d’élections anticipées. La plupart se sont résignés et sont prêts à continuer de sortir manifester pour leurs libertés civiles et une concurrence politique loyale. Cela va indéniablement créer un contexte favorable à l’apparition de nouvelles figures politiques, comme lors de la chute du monopole du parti communiste en URSS.
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Observer le scrutin au cœur de la Sibérie
Les élections étaient observées avec attention de tous côtés.
Télévision Pratiquement bannie depuis une décennie, l'opposition a fait un retour discret mais remarqué
Le petit écran redécouvre la pluralité
Dégel ou manœuvre tactique ? La télévision d’État russe a cessé de passer les manifestations de l’opposition sous silence. Mais critiquer Vladimir Poutine reste tabou. Veronika dorman
La télévision fédérale a pour règle, depuis dix ans, de faire l’impasse totale sur n’importe quelle manifestation anti-Kremlin et ne donne pas accès à l’antenne nationale aux opposants du régime de Vladimir Poutine. Mais le 10 décembre, après le plus grand rassemblement de masse à Moscou en dix ans, pour dénoncer des élections législatives falsifiées, à la surprise générale, les chaînes d’État ont ouverts leurs journaux télévisés à cet événement. Elles ont montré (non sans minimiser) l’ampleur de la manifestation. Mais elles n’ont pas pu s’empê-
© anton denisov_ria novosti
spécialement pour La russie d'aujourd'hui
Les débats télévisés se sont passés sans Vladimir Poutine.
cher tout de même d’angler les reportages sur le comportement exemplaire de la police (qui, pour la première fois n’avait pas usé de la matraque contre les opposants) et ne se sont pas attardées sur l’une des revendications prin-
cipales des manifestants : le refus de voir Poutine revenir au Kremlin. Dans les semaines qui ont suivi, les représentants de l’opposition, comme Boris Nemtsov,Vladimir Ryjkov ou Gary Kasparov, bannis du petit écran de-
puis des années, sont apparus à l’antenne, dans le cadre de reportages, ou même en tant qu’invités de talk-shows. « En arrivant au pouvoir en 2000,Vladimir Poutine s’était em pressé de mettre au pas la télévi sion pour en faire un instrument de propagande », explique le sociologue et politologue Arthur Welf. En douze ans, la télévision russe est devenue la voix et le visage du régime, chantant les louanges de ses leaders, noircissant dans d’offensives campagnes de diffamation ses détracteurs, réels ou présumés. La popularité nationale deVladimir Poutine est largement tributaire de son image véhiculée par une télévision qui demeure la seule source d’information pour la majeure partie de la population. « Il ne faut pas se leurrer, il n’y a pas de révolution dans les mé dias, et les chaînes vont continuer à traiter l’information de façon
biaisée et sélective », analyse Irina Borodina, experte des médias pour le journal Kommersant. « En même temps, il est devenu im possible de taire des rassemble ments de dizaines de milliers de personnes au centre de la capi
Rendre leur liberté d’expression aux médias permettra à Poutine de nier qu'ils travaillent à polir son image tale ». D’autant plus que la chaîne Dojd (internet, câble et satellite) couvre tous les événements et fait de plus en plus d’audience. Selon les sondages, la télévision est en train de perdre son monopole de l’information, au profit d'Internet. Les experts restent sceptiques sur la libéralisation des médias d’État, estimant qu'il était dans
l'intérêt de Poutine d’ouvrir la télévision au débat. « Rendre un peu de liberté d’expression aux médias lui permettra, une fois élu, de nier les accusations selon les quelles ces médias travaillaient à sa campagne », conclut Welf. D’ailleurs, la fenêtre semble déjà se refermer : une émission a été suspendue récemment sur MTV Russie parce que l’un des invités était Alexeï Navalny, le célèbre blogueur devenu chef de file de la contestation. Pendant la campagne, tous les candidats à la présidentielle, sans ménager leur temps, se sont affrontés dans des débats télévisés sur les diverses chaînes fédérales. Tous, sauf Poutine, qui envoyait des « personnes de confiance » discuter à sa place, sans prendre le risque d’affronter personnellement ses adversaires. Le Premier ministre s'est contenté d'écrire des articles pour exposer son programme.
Société
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Humour L'écrivain Dmitri Bykov et l'acteur Mikhaïl Efremov ressuscitent le genre de la satire politique
Un rire qui désarme le pouvoir Impertinent et imaginatif, le projet « Poète citoyen » a séduit des centaines de milliers de Russes à travers le pays car il sape le caractère sacré du régime.
« On nous demande qui nous a donné le droit ? Notre réponse : personne. Nous n’avons pas demandé ! » C’était précisément pour rompre avec cette mentali té enracinée de passivité et de cy nisme que le trio a décidé de sillonner le pays.
Moritz Gathmann
La russie d'aujourd'hui
La fin de l’icône Poutine
© kommersant
Mikhaïl Efremov est l'un des acteurs de cinéma les plus populaires du pays.
cruellement privés de satire sur le régime de Poutine. Pour le cé lèbre journaliste Iouri Saprykine, le « Poète citoyen » est devenu le dernier refuge de l’opposition, émasculée par le régime, et inca pable de s’en moquer pendant des années. Pour d’autres, le projet s’inscrivait dans la continuité des « Koukly » (les « guignols de l’in fo » russes), qui avaient moqués les oligarques et les politiciens depuis 1994, mais ont été suppri més par Poutine en 2002. La chaîne Dojd, elle, n’a pas réussi à soutenir l’aventure. Le sixième épisode qui relatait une dispute entre Poutine et Medve dev a provoqué une confronta tion entre les artistes et les dif fuseurs quant aux intentions de la satire. Mais cette dispute a eu pour seul effet de rendre le pro jet encore plus populaire. La radio Echo de Moscou et le portail « F5 » ont décidé de l’accueillir, et toutes les semaines, chaque épi
Dmitri Bykov, le poète "courtois" Né à Moscou en 1967. Très popu laire, il est publié dans presque tous les quotidiens et hebdomadaires moscovites. Il commence sa carrière au sein du groupe "Courtois" de 1989 à 1992. Depuis, il a publié cinq recueils de poésie, des romans, et trois livrets de contes de fées. Il est également lauréat des prix "best-seller national", "Bolshaia Kniga" et bien d'autres.
sode était désormais regardé par des centaines de milliers de Russes. Face à ce succès, le trio a monté les sketches en spectacle vivant. Après quelques représentations à Moscou, l’équipe est partie en tournée dans les provinces, à l’automne dernier. Le projet a été vivement critiqué pour avoir reçu
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La Russie était un tout autre pays, il y a un an, quand le premier épisode du « Poète citoyen » a été diffusé sur la chaine de télévision indépendante Dojd (diffusée es sentiellement sur le Net). L’acteur Mikhaïl Efremov, les bras croi sés, en costume du XIXe siècle, arborant un pince-nez, se tenait devant un portrait froissé du poète Nikolaï Nekrassov. À coup de rimes mordantes et drôles, en imitant la versification du poète Nekrassov, l’acteur Efre mov déclamait une ode à Nata lia Vassilieva, l’attachée de presse du tribunal qui venait de condam ner Mikhaïl Khodorkovski pour la deuxième fois. Dans une inter view, la jeune femme avait avoué que le juge avait subi des pres sions : « Nous les hommes, nous avons noyé notre honneur et notre dignité dans la vodka / La femme russe Natacha Vassilieva a dit toute la vérité. Elle nous donne espoir », récitait Efremov. En quel ques heures à peine, la vidéo est devenue le lien le plus regardé sur Internet russe. Le « Poète citoyen » était né, enfanté par trois créateurs. L’écri vain et humoriste brillant et chro niqueur pour les journaux russes, Dmitry Bykov, relate l’actualité en pastichant de grands poètes, de Pouchkine à Poe. Ils sont ré cités par l’acteur Mikhaïl Efre mov, connu pour être un oppo sant invétéré au pouvoir, grimé en ces poètes. La production est assurée par Andreï Vassiliev, qui a longtemps été le rédacteur en chef du journal indépendant Kommersant. Le trio a été acclamé presque à l’unanimité. Les Russes ont été
le soutien financier de l’oligarque et candidat à la présidence Mikhaïl Prokhorov. Bykov s’est défendu dans les pages d’un jour nal. Partout, il entendait : « Qui a donné l’ordre ? Qui vous paye ? Ce ne serait pas le Kremlin ? » Pour l’écrivain, c’était symptoma tique d’une société malade, celle créée par le régime de Poutine.
Les gens reçoivent-ils quelque chose de radicalement nouveau de la part du « Poète citoyen » ? Évidemment non. Les auteurs s’amusent avec des faits large ment connus de ceux qui veulent savoir, qu’il s’agisse de la condam nation illégitime de Khodorko vski, des différends entre les mem bres du tandem au pouvoir, ou de la possibilité que le printemps arabe se répande en Russie. Le « Poète citoyen » exprime davantage ce que ressent l’hom me de la rue en ce moment. Pen dant douze longues années, les médias d’État ont présenté Pou tine comme l’icône du peuple. Les poèmes de Bykov sont comme un antidote à cette propagande. D’épisode en épisode, ils œuvrent à discréditer la sainteté du ré gime, en détrônant Poutine, Med vedev, les services de sécurité, les procureurs et les juges. Oui, on doit pouvoir, on est obligé même, de rire des deux leaders du pays, clamait le « Poète citoyen », en creusant le sillon pour les mani festations des dernières semaines. Via Internet, des radios et des théâtres, ce message a été porté dans la rue à travers tout le pays, sous forme d’affiches et de slo gans. Le message consiste en ceci : personne n’est sans défauts, pas même Vladimir Poutine. C’est donc tout à fait logique que Bykov participe aux mani festations de masse et que le « Poète citoyen » fasse sa derniè re apparition à Moscou le 5 mars, le lendemain du scrutin présiden tiel. « Il y aura une autre réalité après cela, qui nécessitera un nouveau projet », commente Bykov.
Liberté et vérité de l’information se cherchent en ligne La russie d’aujourd’hui
Avachi sur sa chaise, le jeune homme fixe son « mac » - pres que l’unique objet toléré sur sa table. L’endroit est spacieux et minimaliste malgré quelques fi gurines éparpillées ici et là. Que fait-il dans ce bureau perché au troisième étage d’un centre d’af faires ? Est-ce ici que s’est ima giné le site d’actualités Ridus.ru ? « Je ne fais rien », répond-il avec nonchalance. Il tapote rapidement sur son ordinateur et lance en français : « Je suis un vrai fainéant ! » Un sourire angélique apparaît alors sur son visage. À 28 ans, le personnage est bien connu sur la Toile russe. Sa pro éminente chevelure bouclée et son appareil photo ne passent nulle part inaperçus et surtout pas dans
À la recherche de la vérité
« En Russie, il y a un gros problème de liberté de la presse. La télévision ne montre plus la réalité. C’est pour ça que dorénavant, tout le monde recherche la vérité sur Internet ». Selon le blogueurhomme d’affaires, le manque de confiance envers les médias tra ditionnels est l’explication ma jeure de ce phénomène de jour nalisme citoyen, mais pas seulement. « Avec toutes les récentes technologies, chacun peut être reporter ! En Libye par exemple, de qui provenaient les premières images de la mort du dictateur Mouammar Kadhafi ? Des Libyens lambdas présents sur le terrain ! », se répond-il à lui même
Le parcours d’Ilia Après ses études à l’institut d’Architecture de Moscou, Ilia Varlamov fonde une société de visualisation 3D en 2002 qui s’appelle aujourd’hui iCube. En 2008, il installe son entreprise et ses cinquante salariés dans le centre de la capitale et devient une référence dans son domaine. Il créé son Livejournal la même année, prenant pour pseudonyme : Zyalt. En décembre dernier, 47 000 personnes étaient abonnées à son blog, le classant comme le sixième « Livejournal » le plus consulté en Russie. Ilia avait lancé le média en ligne Ridus deux mois plus tôt, en septembre 2011.
« Nous avons créé une plate-forme plus large, novatrice dans son fonctionnement, et non partisane »
"
Dima Bykov et Mikhaïl Efremov expriment clairement leur point de vue. C’est énorme ce qu’ils font. Leur humour intransigeant est bien plus efficace que toutes les manifs ».
Lia Akhedjakova, actrice
"
C’est juste mignon et sympa, rien d’extraordinaire. C’est une forme simpliste, très soviétique, d’interpréter l’actualité en vers. Pour moi, c’est du déjà vu, mais c’est quand même pas mal et drôle ». Garik Soukatchev, musicien, leader du groupe Neprikasaemye (Les intouchables)
"
En Russie, beaucoup de gens ont tendance à voir des manipulations partout. Ces gens restent passifs, se considèrant eux-mêmes comme des incapables, et ils voudraient que tous soient pareils. En ce moment, Dmitri Bykov et Mikhaïl Efremov sont en tournée avec leur fabuleux spec tacle, où ils déclament leur poèmes caustiques. Et naturellement la rumeur veut qu'ils soient eux aussi des marionnettes du pouvoir». Zakhar Prilepine, écrivain
"
J’entends constamment parler du manque de liberté d’expression. Mais, je ne vois pas de quoi il s’agit. Prenez le projet talentueux et caustique de Dima Bykov et Mikhaïl Efremov, « Poète citoyen ». Sous Staline, ils auraient été exécutés, sous le régime soviétique, ils auraient été envoyés à l’asile, sous Poutine ils font salle comble. Que demander de plus ? » Pavel Sanaev, écrivain
Le citoyen informe le citoyen
© ridus
Clémence laroque
les manifestations. Ilia Varlamov cumule les talents de photo graphe, de « start-up manager » comme il aime se faire appeler -, mais il est surtout un blogueur influent en Russie et l’un des cer veaux de Ridus.ru, ce site web qui se veut agence de « journa lisme citoyen ».
Ils réagissent au projet « Poète citoyen »
répertorié comme la dixième source d’informations des Russes sur Internet. À terme, le jeune homme explique qu’il souhaite surtout « organiser un réseau élargi et sérieux de journalistes citoyens » et acquérir de la noto riété. Car cette nouvelle forme de journalisme a ses propres règles et doit prouver son profession nalisme.
Journalisme Internet fait concurrence à la télévision russe
Ilia Varlamov incarne ce journalisme citoyen qui émerge via de nouveaux sites participatifs et indépendants comme Ridus.ru, et l’influence croissante de blogueurs.
micro-trottoir
Ilia Varlamov, inséparable de son appareil photo.
avant d’ajouter : « les citoyens s’approprient l’actualité, c’est un phénomène qui prend de l’importance ». Et la Russie ne fait pas exception.
Une plate-forme novatrice
En fondant le site Ridus.ru en septembre dernier, Ilia Varlamov voulait « créer une plate-forme d’informations plus large, novatrice dans son fonctionnement, mais sans ligne politique ». En
somme une agence pour journa listes citoyens. Le blogueur, très populaire auprès de la profession journalistique, est considéré par beaucoup comme « le cerveau de l’information fiable ». Une cas quette acquise grâce à son « Li vejournal », qui ne semble pas lui déplaire et qui, espère-t-il, servi ra à l’expansion et la reconnais sance de son site. Ce qui ne de vrait pas poser trop de problèmes. En effet, le site a été récemment
« Ce qui différencie Ridus des médias traditionnels, c’est que nous publions tous les articles que l’on nous propose. Qu’ils soient contre ou pour le pouvoir actuel. Dans une visée plus large, nous essayons de faire participer activement les citoyens au processus de collecte, d’analyse et de diffusion des nouvelles afin qu’ils deviennent des acteurs de l’information et non plus seulement des cibles », explique Ilia Varlamov, le regard figé sur son écran d’or dinateur. Mais il existe tout de même des limites à la publication puisque « seuls les articles et les photographies respectant la Constitution russe sont acceptés ». Une règle qui explique certainement pourquoi le tout jeune site n’a, selon les dires de son créateur, subi aucune pression du gouver nement alors que le lectorat amené à donner une note à cha que article - semble nettement en faveur de l’opposition. En présentant son site comme une « plate-forme d’expression libre sans ligne politique », il sem ble qu’IliaVarlamov ait trouvé un moyen d’être pris au sérieux par les uns et les autres.
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Économie
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en bref
Le porc sème la discorde entre Moscou et Bruxelles
Gunvor achète une raffinerie en Belgique
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L'État a injecté de l'argent dans la filière par le biais de prêts aux agriculteurs octroyés par Rossel khozbank (la Banque agricole de Russie). Le secteur agricole connaît une croissance rapide et la Russie a fait un bond dans les classements pour devenir en 2008 le quatrième plus grand exportateur mondial de céréales. Mais la production de viande reste à la traîne. La production de poulet a suivi le grain en tant que produit carné le plus simple à développer. Le porc vient ensuite et la production de viande bovine suivra à mesure que différentes méga-fermes financées par l'État entreront en service d'ici quelques années. En attendant, la plupart des importations de porc viennent d'Europe et le porc s'est converti en pomme de discorde au cours des dernières négociations de l'OMC, qui ont abouti à l'intégration de la Russie à l'accord commercial mondial en décembre. Les producteurs de porc russes subiront de plein fouet la levée des restrictions commerciales sur les importations européennes. « [L'adhésion à l'OMC] va pro bablement laisser intact le do maine de la volaille, tandis que la rentabilité va diminuer dans
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le segment du porc, même si les acteurs les plus efficaces devraient conserver les marges les plus éle vées à l'échelle mondiale », es time Mikhaïl Krasnoperov, analyste chez Troïka Dialog. Pour contrer la concurrence venue d'Europe, le gouvernement a alloué 150 millions d'euros d'investissements cette année afin de stimuler la filière porcine domestique. La ministre russe de l'Agriculture Elena Skrynnik a indiqué fin janvier que l'État souhaitait mettre fin à l'importation de 600.000 tonnes de produits porcins par an, soit un cinquième de la consommation totale. La pénurie a déjà projeté les prix du porc à des niveaux record en 2011, et depuis que l'incertitude quant à l'adhésion russe à l'OMC est levée, le marché de plus en plus attrayant a incité plusieurs grands producteurs de porc russes à lancer des programmes d'investissement. « Au cours des cinq dernières années, les investisseurs russes et étrangers ont injecté plus de 7 milliards de dollars dans l'indus trie porcine russe », a déclaré dans une interview Sergueï Iouchine, chef de l'Association nationale de la viande de Russie. Le responsable avertit que sans un fort soutien de l'État, l'intensification des investissements étrangers appa-
Le gouvernement a alloué 150 millions d'euros d'investissements cette année pour stimuler la production porcine domestique.
La porcine belge importée en Russie
L'attrait de la filière pour les investisseurs risque de baisser après l'entrée de la Russie dans l'OMC
Avis de stagnation du niveau de vie Biens d’utilisation durable
alexandra ponomareva THE moscow news
Avec des salaires plus élevés, les citoyens partent plus souvent en vacances, la voiture est passée du statut d’objet de luxe à celui d'achat banal et le nombre de mètres carrés par personne a augmenté de près d'un tiers. Toutefois, selon Rosstat, la tendance s'est arrêtée. La confiance des consommateurs ne s’est pas encore rétablie suite à la crise de 2008. Le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté a de nouveau augmenté en 2011. Avant la crise, la consommation en Russie était très satisfaisante par rapport à d'autres pays, a déclaré le chef du Service fédéral des statistiques, Alexandre Sourinov. En 2008, chaque foyer dépensait une moyenne annuelle de 9.852 euros. Pour cet indicateur, le pays est comparable à la Croatie et à la Lettonie, mais loin derrière l’Allemagne, où une famille dépense 19 000 euros par an. Mais il est beaucoup plus intéressant de comparer la Russie d'aujourd'hui à celle d’il y a vingt ans. Pour se faire, le Service des statistiques a comparé la structure des dépenses des consommateurs en 1990 et en 2010. Plus la personne est riche, moindre est la proportion de ses dépenses pour
les produits de base. En revanche, les dépenses en services aug mentent. Si l'on en croit cette règle, les Russes vivent effectivement mieux. Suite à l'effondrement de l'URSS, la nourriture absorbait près de la moitié du revenu moyen des Russes, contre 30% seulement en 2010. On dépense moins dans l’alcool (1,7% contre 2,5%) et en habillement et chaussures (11% contre 14,5%). Les dépenses pour les services sont passées de 14% à 27% . Un autre indicateur utilisé par les sociologues pour analyser le niveau de vie est la répartition du temps quotidien du citoyen actif. On considère que plus un
Russie à l'OMC », a déclaré Nikolaï Birouline, expert en chef du syndicat, lors d'une conférence organisée en janvier par l'Institut de Moscou pour l'étude des marchés agricoles. « Seuls les pro jets agricoles qui sont en cours de réalisation actuellement ont une chance d'être accrédités ». La filière russe de l'élevage porcin pourrait essuyer des pertes d'au moins 20 milliards de roubles (500 millions d'euros) suite à l'adhésion du pays à l'OMC, a-t-il dit. Le gouvernement est au courant du problème, a précisé le vice-ministre de l'Agriculture Ilia Chestakov dans les couloirs de la conférence de janvier, et compte soutenir la production nationale à l'aide de mesures administratives et de crédits jusqu'à ce que le secteur puisse faire face de façon autonome à la concur rence des importations moins chères.
Énergie La Lituanie devant les tribunaux
Consommation Finie la croissance du bien-être ?
Depuis l'effondrement de l’URSS, le niveau de vie des Russes a significativement augmenté, comme l’indiquent les statistiques. D'où un véritable boom de la consommation.
raît menaçante suite au lancement de l'adhésion à l'OMC. Les importations de porc vers la Russie pourraient tripler dans le cadre du nouveau régime commercial, a déclaré l'Union nationale des éleveurs de porcs à Bloomberg en janvier, pour atteindre 1,8 millions de tonnes en 2020, soit près de la moitié de la demande totale de Russie. Les agriculteurs redoutent que l'augmentation des importations de porc de qualité élevée et à bas prix ne réduise à néant l'investissement dans les exploitations porcines de Russie, généralement plus petites et moins efficaces que les fermes industrielles à grande échelle occidentales. La production nationale entrera en déclin à partir de 2014, met en garde l'Union des éleveurs de porcs. « L'attrait de la filière pour les investissements va baisser dras tiquement après l'adhésion de la
homme a du temps de loisirs, plus sa qualité de vie est élevée. Selon cette logique, la vie des Russes des deux sexes n'a pas beaucoup évolué au cours des 20 dernières années. L'homme russe moderne moyen travaille un peu moins que celui de 1990 : l’exercice des fonctions professionnelles occupait 30% du temps quotidien (soit 7 heures 10 minutes) en 2008 contre près de 32% (environ 7 heures et 40 minutes) il y a 20 ans. Le temps de travail des femmes a diminué de façon plus marquée : en 1990, il représentait 29% de la journée (environ 7 heures), désormais 25,4% (environ 6h). Elles consacrent moins de temps aux tâches domestiques. L'indice de confiance des consommateurs, grâce auquel on estime les attentes des citoyens, ne s’est pas rétabli suite à la crise de 2008. En 2011, il est resté dans la zone négative à environ -7%, ce qui signifie que les pessimistes sont plus nombreux que les optimistes. À titre de comparaison, chez le pays le plus confiant, la Suède, il était en novembre 2011 de 2,8%, et chez le plus incertain - la Grèce – de moins 70%. Le nombre de personnes vivant en Russie en dessous du seuil de pauvreté est bien sûr en baisse par rapport à 1992. De 33,5%, le nombre de pauvres a baissé jusqu'à 12,6% en 2010 avant de remonter légèrement à 12,8% l'année dernière. Article paru dans Moskovskie Novosti
Offensive de Gazprom contre la réforme gazière Le monopole russe de l'exportation gazière cherche à créer un précédent juridique pour bloquer l'application du troisième paquet énergie de l'Union européenne. Margarita Lioutova vedomosti
Gazprom a déposé un recours contre le gouvernement lituanien devant la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), un tribunal d'arbitrage international. Cette plainte est la première du genre, estime l'analyste de Nomos-Bank Denis Borisov : Gazprom veut créer un précédent afin de comprendre ce qu'il doit attendre de la réforme gazière de l'UE et quelle sera la pratique juridique à cet égard. Gazprom possède 37,1% de Lietuvos Dujos, le gouvernement de la Lituanie 17,7%. Lietuvos Dujos est l'un des cinq importateurs de gaz en Lituanie : en 2010, elle livrait 50% du marché gazier du pays et 99% de la consommation des ménages. En juin 2011, la Lituanie a adopté une loi sur la dissociation des activités de transport et de livraison de Lietuvos Dujos. Selon une décision adoptée en octobre, la réorganisation devrait être achevée en novembre 2014. Cette séparation de la distribution et du transport de gaz naturel est exigée par la législation de l'UE, le Troisième paquet énergie, adopté en 2009 (les deux pre-
miers ont été adoptés en 1992 et 2003). Dans l'esprit de la Commission européenne, l'autonomie des capacités de transport permettra d'assurer des conditions d'accès égales à l'infrastructure. Les compagnies de gaz verticalement intégrées ont le choix : les actifs de transport peuvent être confiés à un opérateur indépendant, une société privée ou une agence gouvernementale. La Lituanie a décidé de diviser complètement la vente, le transport et la distribution. La séparation irrite la Russie. Lors d'une réunion des actionnaires l'année dernière, le président du directoire de Gazprom Alexeï Miller a qualifié le Troisième paquet énergie d'obsolète et déclaré qu'il fallait mettre fin à la discrimination contre les projets russes. Cette semaine, Directeur général de Gazprom Export Alexandre Medvedev, le Premier ministre de Lituanie Andrius Kubilius et de Directeur général de la DG Energie de la Commission européenne Philip Lowe ont convenu de poursuivre les négociations sur le dossier. L'action en justice de Gazprom pourrait renforcer les positions de Gazprom dans le différend de longue date l'opposant à la Lituanie autour des prix du gaz, selon Borisov. Article paru dans Vedomosti
L'un des principaux négociants de pétrole russe, la société Gunvor, dirigée par l’homme d’affaire Gennady Timchenko, a déposé une offre d'acquisition sur la raffinerie suisse Petroplus située à Anvers en Belgique, qui se trouve actuellement dans une situation de faillite, selon un communiqué de l’entreprise. L'accord a reçu le soutien des autorités locales et du gouvernement belge et devrait, selon les prévisions de Gunvor, être finalisé dans les six à huit semaines. Les capacités de raffinage de l’entreprise en court d’acquisition sont actuellement supérieures à 100 000 barils par jour et ses capacités de stockage sont de 1,2 million de mètres cubes. L’activité de l’entreprise a été interrompue au début de février, et Gunvor souhaiterait reprendre le travail le plus rapidement possible, selon ce qu’indique le rapport.
Seulement 6% d'entrepreuneurs
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Selon l'enquête Global Entrepreneurship Monitor présentée le 1er mars sur base d'un échantillon de 7500 Russes, seuls 5,8% se disent prêts à lancer leur propre entreprise dans les trois prochaines années. Les analystes notent cependant un plus grand optimisme chez ceux qui se sont déjà lancés. Le pourcentage des personnes interrogées disposées à financer elles-mêmes le lancement d’une entreprise a dépassé les 30% l’année dernière, malgré un programme de soutien gouvernemental qui n'a pas produit les effets escomptés. L'étude donne une image paradoxale de l'environnement des affaires russe : il semble y avoir bien plus d’occasions de faire des affaires en Russie que de gens prêts à les exploiter.
Quel avenir pour la modernisation ?
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Dix-neuf grands investisseurs russes et étrangers (comme IBM, Intel, Sistema ou Cisco) ont partagé leurs inquiétudes sur la stabilité politique en Russie, lors d'une table ronde consacrée à l'avenir des initiatives modernisatrices du président sortant Dmitri Medvedev. Le milliar daire Viktor Vekselberg a admis qu'une « certaine tension » était perceptible parmi les investisseurs, en raison de la remise en cause par Vladimir Poutine de certains objectifs de modernisation poussés par son prédécesseur.
Régions
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Tourisme Serguiev Possad, un lieu saint incontournable à 70 kilomètres de Moscou, loin de la période soviétique
Le « Vatican » des Orthodoxes CLÉMENCE LAROQUE
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
À 70 kilomètres au nord de Moscou, Serguiev Possad - ou Zagorsk à l’ère soviétique, en l’honneur du compagnon de Lénine, Vladimir Zagorski - est une étape incontournable sur la route d’Alexandrov. Le monastère de la TrinitéSaint-Serge est, pour de nombreux Russes, certes un symbole de spiritualité, mais aussi de patriotisme. Fondé vers 1345 par Serge de Radonège, saint patron de la Russie, il est une fierté nationale. Dès les premières années de sa création, l’édifice religieux joue un rôle primordial dans la vie spirituelle, politique et culturelle du pays. Soutenant toujours l’État, il réussit à s’attribuer les faveurs des éminences de l’époque, ce qui lui permet de faire croître ses terres et ses richesses.
Au XVIIIème siècle, le monastère devient le plus riche propriétaire foncier de Russie et se voit décerner le rang honorifique de Laure par Elisabeth Petrovna, fille de Pierre le Grand. Dès l’arrivée des Bolchéviques au pouvoir, l’édifice est fermé, son patrimoine nationalisé et ses moines chassés, pour devenir un musée d’Histoire et des Arts. Il faudra un demi-siècle au monastère pour retrouver ses lettres de noblesse.
Un ensemble à protéger
Le monastère, qui a également une vocation militaire à l'époque, se dote dès 1540 d’épaisses murailles fortifiées, percées de onze tours. D’impressionnants remparts qui expliquent pourquoi de nombreux princes s’y sont réfugiés durant les années noires de l’histoire russe, à l’instar de la tsarevna Sophie et de ses frères Pierre (futur Pierre le Grand) et Ivan, en 1682, durant la révolte des streltsy. Les murailles protègent encore aujourd’hui un ensemble ecclésiastique surprenant de neuf ég-
lises, deux cathédrales, un sém i n a i re , l a C h a m b re d e s Métropolites (qui accueille le patriarche de Moscou et de toutes les Russies à chacun de ses déplacements), un musée d’art, une source d’eau miraculeuse et une académie ecclésiastique. Cette dernière a aujourd’hui bel et bien retrouvé sa réputation puisqu’après avoir été fermée par les Bolchéviques, elle redevient la principale « pierre » du monastère, considéré comme l’un des plus actifs de Russie. Environ 300 moines s’y forment et confirment sa qualité de haut lieu de la spiritualité. Chaque année, plus d’un million de pèlerins convergent vers ce sanctuaire, principalement à la Pâque orthodoxe, à la Pentecôte et le 18 juillet, fête de la Saint Serge, fondateur de la Laure.
La capitale de la miniature
Bien que le monastère accapare toutes les attentions et soit la principale raison d’une escapade à Serguiev Possad, d’autres lieux sont à visiter, notamment le Musée du Jouet qui valut à la
Des montgolfières slavophiles Chaque été (généralement au mois de juillet) la ville accueille un festival intitulé « Le ciel de Saint Serge ». Une multitude de ballons gigantesques aux formes diverses et variées prennent leurs quartiers à Serguiev Possad. La particularité du festival est de n’autoriser que la participation de ballons dont la forme se démarque de la goutte d’eau inversée, qui est optimale pour le pilotage.
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Cité de l’Anneau d’or, Serguiev Possad s’enorgueillit du monastère de la Trinité-SaintSerge, assimilé au cœur de la foi orthodoxe russe et classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
ville son surnom de « capitale de la miniature » en raison de son industrie ludique. Situé en face de la rue Serguievskaïa, l’endroit abrite aujourd’hui une surprenante exposition de jouets traditionnels russes du XIXème siècle, ainsi que la plus ancienne matriochka originaire de Serguiev Possad. En amont de la Laure, les anciennes écuries méritent également le détour. Une collection d’art populaire russe y est présentée, du XVIIIème au
XXème siècles. La vie du monastère y est également représentée à travers des maquettes et des objets du quotidien. Peuplé d’environ 115 000 âmes, Serguiev Possad fait aujourd’hui tourner une grande partie de son économie autour d’une importante fabrique de peinture et d’une usine spécialisée dans la conception de systèmes informatiques pour la défense. Le tourisme restant bien évidemment le principal moteur de la ville.
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Pour s’y rendre En voiture, comptez 1h15 depuis Moscou par la voie rapide M 8. Des trains s’arrêtent tous les jours à Serguiev Possad et partent toutes les 30 minutes de la gare de Iaroslavl à Moscou (Métro : Komsomolskaia). Comptez 1h30 en elektritchka (train de banlieue).
Où se loger L’hôtel Aristocrate reçoit dans une ambiance très soviétique et offre une vue imprenable sur le monastère. L’hôtel Rousski dvorik se situe à 200 mètres de la Laure.
Où se restaurer Le Konny dvor propose une cuisine russe dans un décor qui rappelle le XIXème siècle. À la sortie du monastère, un petit café vous propose des viennoiseries préparées par les moines.
Traditions Une grande épopée hippique sera reconstituée à travers l’Europe, depuis une contrée historique de la Russie jusqu’à Paris
Des Cosaques repartent sur les traces de Napoléon À une dizaine de kilomètres de Serguiev Possad, une vingtaine de cosaques s’entraînent à remettre en scène et en selle l’histoire de la Campagne de Russie, vue du côté russe.
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ancestrale qui fut la monture de nos ancêtres ». D’ici au mois de juillet, date du départ, les chevaux doivent apprendre les marches militaires cosaques, s’habituer aux jeux d’armes des cavaliers intrépides et être capables de parcourir 30 à 40 kilomètres par jour pendant plusieurs mois.
CLÉMENCE LAROQUE
Les deniers collectés au cours du périple serviront à faire renaître la race chevaline du Don
En 1812, les Cosaques ont joué un rôle clé dans la retraite de la Grande Armée. En cette année qui en marque le bicentenaire, une vingtaine de cavaliers cosaques et leurs montures du Don s’apprêtent à reconstituer la cavalcade de leurs ancêtres, des plaines russes à la Place de l’Étoile à Paris. Les chevaux piétinent et tournent en rond depuis plusieurs minutes dans leur box. À l’intérieur des écuries du haras, l’atmosphère est lourde. Les étalons, débourrés depuis peu, veulent en découdre. Les Cosaques le ressentent. Cela ne semble pas les impressionner outre mesure. Chapka sur la tête, ils enfourchent bon gré mal gré leurs montures, particulièrement vives et agitées - « à cause des basses températures », explique Sacha, l’ataman (chef cosaque). Au bout de quelques mi-
Financée en grande partie par l’État russe et son fonds public de bienfaisance « Apanage de la Russie », la randonnée hippique veut être fidèle à l’itinéraire historique. Durant trois mois, les cavaliers cosaques, entourés de plusieurs équipes, médicale et vétérinaire notamment, vont traverser la Russie, la Biélorussie, la Lituanie, la Pologne, l’Allemagne et enfin la France. Des pays qui ont tous accueilli avec engouement cette initiative, ou presque. La Pologne fait figure d’exception, refusant toujours d’ouvrir ses frontières. Le chef reconnaît bien volontiers que les exactions commises par ses ancêtres sur les terres polonaises durant la campagne de Russie y sont pour quelque chose. En revanche, en ce qui concerne la France, « les Cosaques se sont bien comportés en 1813.
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
« La cavalcade permet de préserver cette race ancestrale qui fut la monture de nos ancêtres ».
nutes de « détente » dans un parc alentour, l’équipée s’élance au pas pour sa sortie quotidienne. Voilà plusieurs semaines que l’entraînement a débuté dans un haras proche de Serguiev Possad, tenu par un riche entrepreneur
cosaque, Pavel Moschalkov, à l’origine du projet. Au total, ils sont une vingtaine de Cosaques, originaires du Don, de Bouriatie, de Kalmoukie et du Tatarstan. Tout a commencé par les chevaux qu’il a fallu capturer à l’état sauvage
puis débourrer, c’est-à-dire dresser à partir de zéro. La race compte aujourd’hui très peu de représentants en Russie. C’est pourquoi l’ataman tient à souligner que « la cavalcade est aussi un moyen de préserver cette race
Nous y avons une bonne réputation. Les seuls torts qu’ont commis les Cosaques à leur arrivée à Paris, c’est de s’être baignés nus dans la Seine et d’avoir abattu des bouleaux pour cuire leurs chachliks [brochettes de mouton mariné, ndlr] », s’amuse l’ataman. Quoi qu’il arrive, leur réputation les suivra à travers l’Europe cet été, les Cosaques en sont conscients. Bien qu’elle s’inscrive dans un cadre historique et militaire, la randonnée hippique a également pour but de faire découvrir la culture cosaque, loin de l’image d’ Épinal que l’on en a. « Nous voulons montrer que nous ne sommes pas seulement des guerriers », s’exclame le Cosaque Dmitri. En effet, des manifestations culturelles et sportives seront organisées à chaque arrêt dans les villes europé ennes. Concerts de groupes folkloriques russes, démonstrations de voltige cosaque et expositions de costumes militaires de l’époque des Guerres napoléoniennes se succéderont. Mais alors, ces hommes, se sontils lancés dans cette aventure pour marcher sur les pas de leurs ancêtres et entretenir le souvenir ou pour vivre une aventure équestre semblable à celles des héros cosaques ? « Les deux, sourit Sacha. Comme dit un proverbe cosaque : ton cheval, ton arme et ta femme, ne les confie à personne ! ». Nul doute que le goût de l’aventure coule encore dans leurs veines.
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Opinions
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Poutine divise jusqu'au sommet
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es récentes déclarations de Vladimir Poutine, promettant un très ambitieux plan de réarmement des forces armées russes, ont suscité bien des réactions en Europe occidentale. Le spectre d’un éventuel retour de la Guerre froide a aussitôt été agité par la presse. Pourtant, il suffit de s’en tenir aux faits pour comprendre que cette annonce ne constitue pas une menace. Le Premier ministre russe a évoqué un programme de « réarmement sans précédent ». Il ne s'agit donc pas d'un renforcement de l'armée russe mais d'une reconstitution de ses capacités militaires. Celles-ci n’ont plus rien à voir avec celles de l’Armée soviétique. En dehors d’un nombre réduit de missiles, d’avions de combat ou de navires modernes, l’arsenal est largement obsolète. Les bombar-
La russie d’Aujourd’hui
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Les grandes fortunes russes ont plus de contrôle sur le système que ne le suggère la rhétorique politique
Il est possible qu’après sa réélection, Poutine soit confronté à une opposition assez forte pour le faire partir des campagnes électorales et les manifestations antagonistes ressemblent à des démonstrations de force politique qui ne font que tourner autour du pot, pour dissimuler des intérêts économiques et financiers profondément enfouis. Sauf que les poids lourds économiques russes semblent avoir plus de contrôle sur le système que ne le suggère la rhétorique politique. En mars 2006, pendant le deuxième mandat présidentiel de Vladimir Poutine, la revue analy tique The Time of Eurasia a publié un entretien avec l’homme d’affaires Oleg Deripaska sur les relations entre l’État et les grandes entreprises. Deripaska,
le président de RusAl (aluminium) et principal investisseur dans de nombreux autres secteurs via son entreprise Basic Element, est l’oligarque qui a le plus profité de l’ère Poutine. Il a déclaré que le dirigeant du pays doit être quelqu’un que la communauté des affaires contrôle, et qui peut « prendre des décisions qui assurent l’efficacité économique ». « Le président de la Russie est en fait un top manager qui dirige l’ensemble du pays », dit Deripaska. « C’est un homme intelligent et sensé, qui ne s'aventure pas en dehors de ses prérogatives… Désormais, tout favorise l’économie et les affaires, nous n’avons plus les problèmes de la décennie précédente. Nous pouvons dépenser de l’argent tranquillement, et nous le faisons ». Difficile de trouver une description plus précise et complète des manières de l’oligarchie russe que cet aveu de Deripaska. Ses propos prouvent clairement que les dirigeants de la Russie maitrisent le savoir-faire de la gouvernance politique qui favorise les grosses entreprises. En manquant de finesse, les méthodes de l’élite russe pour s’accrocher au pouvoir sont aussi efficaces que les stratégies politiques déployées par les grandes corporations des pays développés.
Mais le commentaire de Deripaska montre aussi que même un membre éminent du clan des oligarques qui ont mis Vladimir Poutine au pouvoir en 1999 peut garder ses possibilités ouvertes. Dans le monde des affaires, comme dans les relations internationales, la loyauté n’existe pas. Il n’y a que des intérêts, d’autant plus que ceux des magnats du calibre de Deripaska sont mondiaux et s’étendent bien au-delà des frontières russes. Par conséquent, quand et si le pouvoir politique en Russie change, la gestion oligarchique du pouvoir et les acteurs du jeu risquent de changer aussi. La situation politique actuelle n’oblige pas encore aux modifications dans les règles de la démocratie russe, mais il est possible qu’après avoir remporté l’élection, Poutine et ses hommes seront confrontés à une opposition vigoureuse et contagieuse qui les obligera à céder le pouvoir politique. La chute du régime communiste en 1991 est la meilleure preuve que les régimes non démocratiques ne peuvent pas survivre quand ils ont épuisé la patience du peuple. Felix Goryunov est un journaliste économique basé à Moscou, qui écrit sur l’actualité économique internationale depuis plus de 30 ans.
lu dans la presse Pourquoi Moscou tient tellement à soutenir assad Depuis le début des violences, la Russie s’oppose obstinément aux sanctions contre le régime de Bachar al Assad que réclament les autres pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU (sauf la Chine). Ses liens historiques avec Damas permettent à Moscou de croire en une possible médiation, pour éviter que ne se reproduise en Syrie le scénario libyen. La presse est partagée entre fatalisme et colère contre un Occident jugé coupable d’ingérence.
Préparé par Veronika Dorman
Philippe Migault
Spécialement pour La russie d’Aujourd’hui
Felix Goryounov
es récentes manifestations montrent que la société russe se divise en deux camps, les pro-Poutine et l’opposition. Qu’en est-il des élites politiques ? Les manifestations massives pour et contre le Premier ministre Vladimir Poutine, à Moscou et en province, ont révélé une fracture profonde au sein de la société russe. Les organisateurs des meetings pour des élections honnêtes prétendent qu’ils rassemblent la classe moyenne, insatisfaite du pouvoir et voulant démocratiser le système politique russe. En face, ceux qui se souviennent du tumulte des années Eltsine et soutiennent Poutine en tant que garant de la stabilité. À noter qu’aucun membre de l’opposition, à l’exception du Parti communiste qui a son électorat propre, ne promet de réduire le fossé entre les revenus des riches et du reste de la population. Les mouvements sociaux massifs ne remettent pas en cause les fondements économiques et politiques du pays, ni même ne les dénoncent comme injustes, à l’instar du mouvement Occupy Wall Street. Le principal atout de Poutine est que les Russes, dans l’ensemble, sont satisfaits de la situation socio-économique. Néanmoins, le manque d’opposition au sein du gouvernement contre le candidat Mikhaïl Prokhorov indique que l’élite politique n’est pas monolithique et que la division s’accentue entre ceux qui sou tiennent Poutine et les plus libéraux. Les partisans de Poutine sont ceux qui ont le plus profité des années 1990 en empochant les morceaux les plus juteux de l’économie russe, mettant la main sur les administrations fédérales et locales et sur les médias, ceux qui ont transformé la démocratie russe en un système qui vise surtout à préserver leur pouvoir et leurs richesses. L’autre élite, plus jeune, est composée d’entrepreneurs de PME, investisseurs et autres innovateurs qui passent beaucoup de temps sur Internet et comprennent désormais que leur vie n’aura pas de sens tant que la Russie ne se débarrassera pas du régime autocratique de Poutine, pour devenir une vraie démocratie. De ce point de vue, les caprices
Réarmement légitime
Le diktat de l’Occident Evgueni Shestakov
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Pour éviter que le sang ne coule en Syrie et pour construire le dialogue entre les parties, il faut éviter d’acculer dans un coin le chef d’État en place, lui coupant toute retraite sans rien lui proposer en échange. Or, c’est exactement ce que fait la Maison Blanche avec Assad. On ne peut pas dicter à un pays souverain quel leader il doit chasser et quel autre il doit garder, menacer, armes à la main, ceux qui ne rejettent pas le changement de pouvoir et voient en Assad le garant de la stabilité. Pourtant, l’Occident dicte et menace, jetant ainsi définitivement dans les poubelles de l’Histoire les normes du droit international autrefois respectées par tous.
La Russie doit sauver la population Syrienne
Tirer Le tyran d'un mauvais pas
Paul Salem
Fiodor Loukianov
Vedomosti
Gazeta.ru
La Russie doit cesser de penser à sauver un régime condamné et chercher à sauver la Syrie de la guerre civile et d’une catastrophe humanitaire. Elle peut utiliser son influence, pour assurer les ré formes politiques qui mèneront à ce que la Syrie devienne un état démocratique stable, tandis que la Russie conservera ses bonnes relations avec Damas et renforcera sa réputation et son poids au ProcheOrient. Alors que les initiatives interventionnistes de la Ligue arabe et des pays occidentaux risquent d’aggraver la crise, Moscou a une chance de démontrer son influence et son savoir-faire diplomatique en permettant un changement sûr du pouvoir syrien.
Même avec une forte pression extérieure, la guerre civile sera violente et son issue imprévisible. Le régime d’Assad va finir par tomber. En hiver 2003, quand le ciel est devenu noir au-dessus de Bagdad, le président Poutine a envoyé le ministre Primakov auprès de Saddam Hussein avec un message : les menaces des États-Unis ne sont pas du bluff, mais une réelle préparation à la guerre. Le président irakien a tapé Primakov sur l’épaule et lui a dit : « On se verra dans 20 ans ». Ils ne se sont jamais revus. Assad connaît l’histoire de Saddam, et de ses autres homologues renversés, il ne doit donc pas se nourrir d’illusions sur les intentions de ses adversaires.
La Russie est contrainte de se réarmer du fait de la menace créée par le fondamentalisme sunnite diers stratégiques - comme leurs homologues américains - n’ont plus guère de pertinence dans un contexte où les défenses antiaériennes sont de plus en plus performantes. Les missiles intercontinentaux SS-18 et SS-19, les sous-marins de type Delta IV ou Typhoon, vivent leurs dernières années de service. Une nouvelle génération de matériels prometteurs, les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Boreï, l’avion de combat T-50, les missiles RS-24Yars, S-400, S-500, sont en cours de développement ou d’acquisition. Mais il faudra des années pour qu’ils équipent l’ensemble des régiments ou escadrilles qui doivent aujourd’hui se contenter d'engins périmés. Quant au degré d’investissement « sans précédent » envisagé, ce n’est pas un véritable infléchissement politique. Certes les sommes qui devraient être consacrées au réarmement des forces russes semblent colossales : 590 milliards d’euros sur dix ans...On dépasse le plan de réarmement engagé par Dmitri Medvedev sur la période 2011-2020 (474 milliards d’euros sur dix ans pour les acquisitions d’armement) et, à ce titre, il est effectivement justifié de parler
d’effort d’une portée inédite. Mais il faut comparer ce chiffre aux sommes investies par les autres puissances militaires majeures. Vladimir Poutine est prêt à consacrer à la défense 78 milliards de dollars chaque année ? La Maison Blanche accorde 600 milliards au Pentagone. La Chine, qui disposait d’un budget de défense de 119,8 milliards de dollars en 2011, devrait atteindre les 238 milliards en 2015 selon des estimations américaines. Même l’Europe des 27, en pleine tourmente financière, consent chaque année un investissement de plus de 260 milliards de dollars à ses forces armées. Dans ce contexte, le projet deVladimir Poutine paraît nettement plus mesuré… Au demeurant, ce programme ne fait que prolonger l’ambitieuse réforme des armées russes initiée par l’administration Medvedev sous la houlette d’un ministre de la Défense « de choc », Anatoly Serdioukov. Depuis quelques années celui-ci mène un effort qui fait grincer bien des dents dans les rangs des généraux russes, mais qui ne pouvait plus attendre compte tenu de l’état de délabrement de l’appareil militaire. Si le Kremlin a gagné en Tchétchénie mais aussi plus récemment en Géorgie, il le doit surtout à la vaillance de ses soldats, qualité qui a permis de compenser un profond retard technologique. Soulignons enfin que la Russie est contrainte de se réarmer par un environnement menaçant. La Chine, qui monte rapidement en puissance, n’a pas oublié qu’un territoire vaste comme deux fois la France, le Primorié et le sud du Kraï de Khabarovsk, lui appartenait jusqu’aux fameux traités inégaux de 1858-1860… À long terme, la question d’un retour dans le giron de la mère-patrie chinoise de ses territoires riches en matières premières se posera sans doute. Et Moscou n’en a pas fini avec le fondamentalisme sunnite, qu’il sévisse dans le Caucase ou en Afghanistan et en Asie centrale. Attentats-suicides, retour en force des Taliban… La Russie est en définitive confrontée aux mêmes ennemis que la France. Cette dernière refuse de nommer clairement son adversaire principal, mais sur les bords de la Moskova, on ne peut se permettre ce luxe. Comme le disait Trotsky : « La guerre ne vous intéresse peut-être pas mais la guerre, elle s’intéresse à vous ». Philippe Migault est chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).
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Culture
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Histoire des tendances Un collectionneur de costumes dépoussière la mode soviétique L’exposition « La mode der rière le rideau de fer », qui se tient à Moscou, explore l’aube de la mode soviétique.
Chronique LitTÉraire
Guerre et amours virtuelles
titre : deux heures moins dix Auteur : mikhaïl chichkine Éditions du noir sur blanc Traduit par nicolas véron
Quand le ministre de la mode levait le rideau de fer Alexandre Vassiliev, l'historien de la mode, invite à trouver « La mode derrière le rideau de fer », dans le manoir de Moscou Tsaritsyno. L'expo dure jusqu'au 12 juin 2012. Nora FitzGerald
La russie d'aujourd'hui
9 rue Baron Horta, bruxelles
www.cinematek.be
âGE : 54 profession : costumier
tissus somptueux aux couleurs royales, de longs rideaux, des livres anciens et des cruches en céramique. « Mon père finançait mes lubies », souritVassiliev. « Mes pa rents aimaient ce que je faisais et j’ai réussi à collectionner beau coup de choses ». Mais en 1982, à l’âge de 23 ans, Vassiliev a épousé une jeune femme française et est venu s’installer à Paris. Le mariage fut bref, mais le jeune homme est resté en France où il a rejoint un cercle d’émigrés russes.Vassiliev considère toujours Paris, où il vit quand il n’enregistre pas ses émissions, comme sa maison. Il a beaucoup travaillé comme costumier pour le théâtre et le ballet français. Il a aussi créé des costumes pour le Ballet de Las Vegas et de Cincinnati, le Ballet polonais et le Ballet national du Mexique, parmi d’autres. Le plus gros de son temps est consacré à la télévision. Lors d’un épisode récent du « Verdict de la mode », une jeune mère vêtue d’un
tatiana loguinova concert de bienfaisance
Alexandre Vassiliev donne des conférences en quatre langues à travers le monde en tant que professeur invité d'histoire de la mode et de scénographie. Il est propriétaire de l’une des plus importantes collections privées de costumes russes de Hong Kong, Belgique, Grande Bretagne, France, et dans d’autres pays. Il a été récompensé pour la promotion de l’art russe par plusieurs prix, dont les médailles « SP Diaghilev », « Nijinsky V. », le titre de mécène, et la médaille d'or de l'Académie des Arts en Russie.
jean mal coupé et d’un pull à capuche gris l’a lorgné, sceptique, à travers ses lunettes à monture d’écaille. Elle a raconté ses longues journées de travail pour une boîte de production, dans les rues de Moscou, avant de rentrer en courant à la maison pour s’occuper de ses jeunes enfants et mari, dans leur petit appartement moscovite. Et juste au moment où le public était sur le point de fondre en larmes de compassion, elle s’est détendue, et est repartie chez elle avec une armoire remplie de vêtements ayant reçu la bénédiction de Evelina Khromtchenko, co-animatrice de Vassiliev et tsarine de la mode russe. L’émission se termine toujours sur une note d'espoir : « les rêves deviennent réalité, cela peut vous arriver ». « Je veux les aider à se sentir plus sûres d’elles, à avoir con fiance en elles-mêmes », dit Vassiliev des femmes qui viennent sur le plateau. « Et si elles ne trou vent pas de mari, ce ne sera pas la faute de leur look ! »
le 23 mars Villa Maintenon, Av. Montjoie 98, bruxelles
La guitare Belge à Moscou Concert de Printemps avec l'orchestre de Francis Goya
La pianiste russe de renommée internationale joue les oeuvres de Mikhaïl Glinka. C'est une occasion rare d'entendre les œuvres du compositeur effectuées sur un instrument authentique du XIXème siècle. www.belgium.mid.ru/fran
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© service de presse
À l’occasion de la sortie de son dernier film, Elena, la Cinematek a proposé au cinéaste russe Andreï Zviagintsev de concocter une programmation basée sur les films ou les réalisateurs qui l’ont inspiré depuis ses débuts. On en profite aussi pour programmer ses films Le retour et Le bannissement. A voir ou revoir : Andreï Roublev de Tarkovski, La chute des feuilles d’Iosselliani parmi les autres.
Alexandre Vassiliev
en bref
À l’affiche carte blanche à andreÏ zviagintsev du 9 mars au 29 avril
Biographie
© elena pochotova (2)
Vassiliev est un célèbre costumier, collectionneur de costumes et historien de la mode, bien connu à Moscou et Paris, sa ville d’adoption, où il s’est exilé au début des années 1980. Ces jours-ci, il ne peut plus descendre la rue Tverskaïa sans être approché amoureusement par des fans. La raison en est la popularité de l'émission « Verdict de la mode », dont Alexandre est l'un des animateurs. Cette émission populaire détruit le stéréotype selon lequel toutes les femmes russes portent des robes provocantes, des manteaux de vison et des talons à la « Sex in the City» . Trente millions de téléspectateurs s’installent toutes les se maines devant le petit écran pour regarder des pontifes de la mode soumettre des femmes actives débordées à un interrogatoire sur leur style vestimentaire et leur look. Les candidates sélectionnées sont censées être de ces femmes qui passent inaperçues. « C’est une incroyable célébri té qui s'est abattue sur l'émission que j'anime depuis deux ans et demi, alors que j’ai écrit sur l’his toire de la mode et habillé plus de 100 ballets. Je suis évidemment ravi de ce succès », confieVassiliev. Il raconte qu’il a été invité sur le plateau en tant que « ministre du bonheur ». La population russe est féminine à 60% et une partie d'entre elles ne parvient pas à se trouver d’homme. C'est d’autant plus difficile que
l’alcool et la prison réduisent encore plus le nombre d’hommes disponibles. « Je veux rendre les femmes heureuses », assure le couturier. Alexandre Vassiliev a acheté son premier costume à l’âge de seize ans. Il a eu de la chance, ditil, que son père, un décorateur du Bolchoï, ait soutenu son désir de collectionner des costumes dès son adolescence. Aujourd’huiVassiliev possède plus de 10 000 robes et costumes. L’exposition « La mode derrière le rideau de fer », qui se tient à Moscou en ce moment, explore l’aube de la mode soviétique. La vaste collection deVassiliev en est le noyau, mêlé à des pièces de musées. « C’est la première exposi tion du genre. Nous montrons les robes, sacs et chapeaux person nels des plus grandes stars de l’Union soviétique », expliqueVassiliev, comme les danseuses étoiles Galina Oulanova et Maïa Plissetskaïa, les actrices Lubov Orlova,Valentina Serova, et Lioudmila Gourtchenko. « Certaines de ces robes sont de fabrication russe, d’autres sont américaines, ont été importées en douce par le marché noir, ou bien avec la complicité des marins ou des artistes en tournée », commente le collectionneur. « Cette époque avait une rela tion très ambiguë avec la mode, qui était considérée comme un ré sidu du passé bourgeois », ex plique Irina Korotkikh, curateur de l’exposition au musée Tsari tsyno à Moscou. Vassiliev la connait bien, cette époque, et il a décoré son appartement parisien et sa maison d’été à Vilnius dans le style de l’aristocratie exilée, un hommage finde-siècle qui honore la beauté et les habitudes des jours révolus, avec du mobilier en bambou, des
Le guitariste belge Francis Goya donnera le 11 mars un concert dans la salle moscovite « Teatrium na Serpukhovke », où il jouera des mélodies aussi connues que Woman in love, Besame Mucho, Nostalgia, etc. En 1981 il est devenu le premier artiste du « genre léger » à se produire avec l'orchestre du Théâtre du Bolchoï. En 1991, Goya a enregistré l'album Nuits de Moscou avec des reprises de chansons traditionnelles russes.
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Ils se sont aimés le temps d’un été, avant que la guerre ne les sépare. Ils se sont aimés, trois jours peut-être. Désormais ils s’écrivent. Au-delà de la vie et de la mort, deux voix qui s’élancent l’une vers l’autre, mais dont les messages, on le comprend très vite, ne parviennent jamais à leur destinataire. Dans Deux heures moins dix, la perception du réel, de l’espace et du temps est faussée. Le temps de sa correspondance à lui, Volodia, le temps d’une guerre, trois ans peut être, ne correspond pas à son temps à elle, Sacha, que l’on suit le temps d’une vie d’adulte, 33 ans sans doute.Trois jours, trois ans ou 33 ans, quelle importance ? « Le temps, c’est nous… Nous sommes ses vec teurs, nous disparaîtrons et la guérison viendra. Le temps aura passé comme une angine », dira Volodia. L’important c’est la vie, « la vie bruyante, capiteuse, impéris sable » et c’est la mort qui lui donne son sens, notamment au moment du passage ultime, éclairé par le sourire de la Joconde,
moment où il est tellement important de faire son travail d’humain : « Je ne sais pas si ça l’a aidé à mourir mais moi ça m’a aidé à vivre », « je lui ai tenu la main au moment qui est certainement le plus important dans la vie d’un homme, et je me suis sentie heu reuse », disent respectivementVolodia et Sacha. La mort des uns est aussi la renaissance des autres, cycles de vies mêlés, comme dans les récits de Sacha cette inversion des rôles avec le temps, entre enfants et parents. L’absence de repères temporels, géographiques ou sociologiques confère une dimension universelle à leur parole, tout comme l’abondance d’éléments physiques : chairs meurtries, plaies infectées, humeurs et fonctions les plus intimes des corps, qui soulignent que Volodia et Sacha vivent ce que vivent en tout temps et en tout lieu les hommes et les femmes, avant tout, êtres de chair et de sang. De même, le choix étrange, à première vue, de faire que ces deux correspondances ne communiquent pas, montre que chacun est enfermé dans sa solitude et doit accomplir son cycle de vie. Comme dans le royaume « bruyant, capi teux, impérissable » du prêtre Jean, qui accueille Volodia. Chichkine brouille encore les cartes avec ce royaume mythique « … où cha cun connaît son avenir et vit néan moins sa propre vie… avant que de redevenir ce qu’il a toujours été : chaleur et lumière ». À son habitude, Mikhaïl Chichkine livre un ouvrage puissant qui a reçu en Russie le prix Bolchaïa kniga (le grand livre). Christine Mestre Découvrez d’autres chroniques sur larussiedaujourdhui.be
Salon du livre Écrivains et poètes à foison
Venez parcourir à Paris « Moscou à livres ouverts » Après Buenos Aires l’année dernière, Moscou sera la ville invitée au Salon du Livre qui ouvrira ses portes à Paris le 16 mars et se tiendra jusqu’au 19. Daria Moudrolioubova La russie d’aujourd’hui
« L’objectif du pavillon mosco vite est de présenter une ville ouverte qui donne libre cours à l’esprit et au rêve », explique Ioulia Kazakova, directrice adjointe du Département des médias et de la publicité de Moscou. Selon elle, « les lecteurs français connaissent bien la littérature russe, c’est pourquoi nous orga niserons aussi, dans le pavillon, des leçons de mode et d’architec ture, ainsi que des débats profes sionnels consacrés aux traduc teurs, à la promotion de la lecture auprès des jeunes et au livre électronique ». Il existe, en Russie, un prix des prix : le « Super bestseller national », qui récompense le meilleur roman de la décennie. Il a été récemment décerné à l’ouvrage de Zakhar Prilepine, Le péché, symbolique des années 2000 comme La mitrailleuse d’argile de Viktor Pelevine l’a été des années 90. Au Salon du Livre, la rencontre avec Prilepine promet d’être passionnante. Ses rivaux pour le prix de la décennie, Andreï Guelassimov et Mikhaïl Chichkine, seront également présents. Les prix lit-
téraires foisonnent en Russie, mais sont un peu trop semblables les uns aux autres, se plaint l’écrivain Iouri Bouyda, l’un des finalistes du prix « Bolshaïa Kniga ». Pour éduquer les futurs lecteurs des prix littéraires, rien de mieux qu’une bonne rime : la littérature pour enfants se porte comme un charme en Russie, et la poésie y est aussi populaire que la bande dessinée en France. La journée du 16 mars sera le rendez-vous des lecteurs en herbe, entre la lecture théâtralisée du Conte du roi Saltan de Pouchkine et les rencontres avec leurs écrivains préférés. Parmi les invités, le francophone et francophile Mikhail Iasnov : poète et subtil traducteur deVerlaine, Prévert et Valéry, il est aussi l’un des auteurs les plus aimés des enfants. Les amoureux de la rime auront le plaisir de renconter les poètes Olga Sedakova, Lev Roubinstein et Natalia Sokolovskaïa. D’Olga Sedakova, on a encore en mé moire le Voyage à Tartu et retour plein de sensibilité, paru en France il y a quelques années. « Moscou à livres ouverts » est l’une des premières étapes de la saison « France-Russie 2012, langues et littératures ». SaintPétersbourg sera la ville invitée d’honneur du Salon du Livre de Nice en juin 2012.
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Loisirs
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recette
Artisanat Recréation de l'ambiance sonore médiévale
Des cloches géantes pour couvrir la rumeur urbaine
Le Grand Carême, un défi pour l’omnivore
L'église orthodoxe se fait offrir des cloches par de riches nouveaux Russes et par les politiciens locaux. Les commandes croulent pour l'astucieux artisan Anissimov.
Ce n’est pas le meilleur moment de l’année pour ceux qui travaillent dans l’alimentaire. Alors que l’hiver commence à glisser imperceptiblement vers le printemps, les chrétiens orthodoxes entament un jeûne de 40 jours, appelé le Grand Carême, le plus important des quatre grands jeûnes observés par l’Église orthodoxe. Il succède à la « Semaine du beurre », traditionnellement festive, la Maslenitsa, version russe du Mardi Gras : costumes, jeux, blinis au beurre par coudées. Le Grand Carême, par contraste, est une période de réflexion sobre, calme et contemplative. « L’Église, dans sa sagesse, nous montre que le spirituel et le physique sont étroitement liés. Si une personne ne jeûne pas physiquement pendant le Carême, elle aura du mal à célébrer spirituellement le jour de Pâques », explique l’archimandrite Zachary, doyen de l’église Sainte-Catherine-des-Champs. Le jeûne semble être en harmonie également avec les rythmes les plus anciens du calendrier agraire de l’Europe septentrionale. Frugalité et semi-hibernation à la fin de l’hiver étaient la réalité de la vie russe jusqu’il y a peu. Les stocks hivernaux de viande et de poissons s’épuisaient et les produits laitiers n’apparaissaient qu’après
Grigori Koubatiane
La Russie d'Aujourd'hui
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
© grigori kubatian
Durant toute la période soviétique, les cloches se sont tues : brisées, emportées à l'étranger, oubliées dans les locaux annexes des églises. Avant la révolution de 1917, le volume de moulage annuel de cloches en Russie atteignait 2000 tonnes. La plus grande cloche du monde est la Cloche-Tsar de Moscou qui pèse plus de 200 tonnes. Aujourd'hui, la production de cloches renaît en Russie. La ville de Voronej est devenue l’un des centres de cet artisanat. En 1989, l'entrepreneur de Voronej Valery Anissimov a ouvert à la périphérie de la ville une production de fonte privée. Depuis, il a coulé plus de 20 000 cloches. Valery a un peu plus de 55 ans. Il a appelé sa société « Véra », en l'honneur de sa femme, mais aussi en référence à la foi chrétienne (Véra = Foi, en russe). Ses propos sont ponctués par les mots en slavon, sorte de latin slave. Ce ne sont pas les commandes qui manquent pour sa société. « Des Vietnamiens veulent nous commander une cloche de 250 tonnes. Ce sera la plus grosse du monde », prédit Anissimov. Les premières années de travail à l'usine furent difficiles. Il fallait tout recommencer à zéro sans expérience ni connaissances. Valery étudiait la technologie de la fabrication des cloches grâce à un livre du début du XXe siècle trouvé par hasard à la bibliothèque Lénine
de Moscou. Puis il est passé à la haute technologie. Les modèles de cloches sont conçus sur ordinateur ; les icônes, dessinées par les peintres sur la cire, sont scannées et enregistrées dans une base de données, puis le laser découpe les surfaces travaillées. Valery Anissimov trouve que la production des cloches n’est pas seulement une affaire rentable mais aussi un travail qui fait grandir l’âme. Pour que l’usine prospère, il faut réduire les frais en é v i t a n t d’acheter l ' é qu i p e ment très coûteux à l’étranger en devenant l’esclave de sa banque. Les vieilleries soviétiques et autres asctuces doivent être exploitées au maximum pour réduire les coûts de production. « Il faut tout faire pour 10 fois moins cher. Pour transporter une cloche très lourde, il faut payer la location d’une grue Liebherr 650000 roubles (16 250 euros) par jour. Mais il est possible de payer 5 conducteurs de tracteur 1000 roubles (25 euro) chacun ». « L'église n’a jamais payé les cloches. Ce sont les « nouveaux Russes », en tant que mécènes, qui payent. L’argent est géré par les fonds intermédiaires sous la curatelle du ministère de la Culture », précise Valery Anissimov. Les députés, les sénateurs et les gouverneurs souhaitent apporter leur aide à la fonte de la cloche, en échange de leurs noms, gravés sur le bronze. Pour eux, c’est un chemin tracé
Jennifer Eremeeva
Des Vietnamiens ont commandé une cloche de 250 tonnes.
Cloches russo-belges L’École Royale de Carillon de Malines lança en 1991 le projet « Restauration du carillon de la cathédrale Saint Pierre et Paul », qui permit l’inauguration d’un nouveau carillon de 51 cloches juste avant le tricentenaire de Saint-Pétersbourg. L'installation et la configuration du Carillon royal furent réalisés par la
fonderie « Petit et Fritsen » aux Pays-Bas. Dans l'autre sens, sept cloches russes, moulées à Moscou et sanctifiées par l’archevêque orthodoxe Simon de Bruxelles, furent fixées en avril 2011 dans le clocher du monastère bénédictin de l'Exaltation de la Sainte-Croix de Chevetogne.
vers l'éternité, mais « le design des cloches, y compris les inscriptions, doivent être obligatoirement approuvé par le Patriarche ». Les cloches russes sont plus lourdes que les cloches d’Europe. Pour les faire sonner, on utilise surtout la langue de la cloche car à trop solliciter un tel géant de bronze
on prend le risque de démolir la chapelle ! Plus la cloche est imposante, plus le son est grave et porte loin. Aujourd’hui, malheureusement, aussi lourdes qu’elles puissent être, le son des mégalopoles, envahies par les bruits des voitures et des chantiers, couvre de plus en plus celui des cloches.
Fête Les Russes disent « Adieu l'hiver ! » en chantant et dansant au cœur de la capitale
Maslenitsa sur la place Rouge
Les grands froids de février sont bien passés et la Russie célèbre la grande fête folklorique de Maslenitsa (Mardi Gras). Tatiana Chramtchenko la russie d'aujourd'hui
CONTACT Rédaction : redac@larussiedaujourdhui.be Service de publicité sales@rbth.ru tél. +7 (495) 775 31 14
© ruslan sukhushin
Le festival Chirokaïa Maslenitsa se déroule en Russie depuis 2001 et prend de l’ampleur chaque année. Cette année, la capitale a accueilli près de 400 événements festifs. Les hauts lieux de cette fête populaire sont le Parc Gorki et bien sûr la place Rouge, où depuis début décembre, une patinoire est installée face au centre commercial Goum. La scène a été placée en plein sur la patinoire et tout autour s’érigent des installations comme des balalaïkas de 4m et une cuillère géante décorée de motifs traditionnels russes, des stands proposant des crêpes et des souvenirs.
Les danseurs invitent les passant à les rejoindre.
« D’abord, ils dansent avec nous, puis ils repartent par là », dit en pointant la patinoire Iouri, le danseur de l’ensemble cosaque « Gouliaï doucha ». Tout près, le commerce bat son plein : des pirojkis,
des sucettes, des pains d’épices et des crêpes à profusion, puisque c’est le symbole de la Maslenitsa. Des rondes, des tchastouchkis (quatrains satiriques accompagnés par la balalaïka), des chants
folkloriques, tout est bon pour amuser les visiteurs. Posant ses paquets d’étrennes du Goum à terre, un homme distingué à l’écharpe bordeaux chante à l’unisson avec les solistes du choeur folklorique. Pendant ce temps, sur la scène, un numéro incontournable des kermesses traditionnelles russes : des jongleurs, dont une jeune fille assez frêle, font tournoyer dans les airs des poids d'un poud (ancienne unité de poids russe équivalant à 16 kg). Pour se séparer de l’hiver 2012, une effigie de paille est installée sur la place Rouge pour être immolée. À l’heure H, un feu de joie est allumé pour le grand bonheur des participants : « Adieu, l’hiver ! » Demain commence le Grand carême othodoxe, 40 jours de jeûne. Et puis, ce sera Pâques et de nouveau la fête !
Champignons et pommes de terre Ingrédients :
1 tasse d’échalotes ou oignons finement coupés • 125 g de champignons séchés (lentins des chênes, morilles, chanterelles ou cèpes) • 1 c. à soupe d’huile végétale ou de margarine •1 kg de champignons de Paris frais • 3 grosses carottes, pelées et hachées • 3 pommes de terre pelées et coupées en cubes • 150 ml d’eau chaude avec une goutte de jus de citron • 2-3 poireaux hachés • 2 gousses d’ail écrasées • 500 ml d’eau • 1 litre de bouillon de légume • 2 c. à soupe de persil frais finement haché • 2 c. à soupe de thym frais • 2 c. à soupe de jus de citron pressé • Sel, poivre.
Préparation
1. Nettoyez les champignons séchés et faites tremper dans l’eau bouillante citronnée. Mélangez souvent pour que les champignons absorbent le liquide de tous les côtés. 2. Nettoyez et hachez les champignons de Paris. 3. Faites chauffer l’huile dans une marmite à fond épais ou une cocotte jusqu’à ce qu’elle pétille. Faites sauter les échalotes jusqu’à ce qu’elles deviennent dorées. Ajoutez les poireaux et faites sauter en mélangeant encore dix minutes. 4. Ajoutez les champignons frais et laissez cuire, sans couvrir, environ pendant 20 minutes.
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4 Avril
© lori/legion media
5. Égouttez les champignons séchés et ajoutez-les dans la cocotte. Filtrez l’eau qui reste pour éliminer les impuretés et versez dans la cocotte. 6. Ajoutez les carottes et pommes de terre, bouillon et eau. Réduisez le feu et laissez mijoter pendant 45 minutes, jusqu’à ce que les légumes soient tendres. 7. Passez la soupe chaude par portions dans un mixeur jusqu’à obtenir la consistance désirée. Les pommes de terre épaississent le potage, et j’aime bien laisser des morceaux de champignon et de carottes plutôt que de transformer la soupe en purée lisse. Mais à chacun ses goûts ! 8. Remettez le potage dans la cocotte et ajoutez le reste des ingrédients. Assaisonnez. Autres recettes sur larussiedaujourdhui.be
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le vêlage printanier. Les Russes des campagnes étaient condamnés à une diète à base de légumes tubéreux comme les carottes, les pommes de terre, la betterave, le navet, les graines. Le Grand Carême est dans le même esprit : viande, produits laitiers, poisson, alcool et huile d’olive sont proscrits. Dans la dernière décennie, les Russes ont pleinement adopté le Grand Carême, reconnaissant les vertus à la fois spirituelles et physiques du rituel de 40 jours. Mais inventer des plats sans viande, laitage ou huile me semble compliqué. Le chef agnostique en moi cherche les lacunes et en trouve : diverses huiles végétales sont des zones grises, et les fruits de mer sont autorisés. « Techniquement, vous avez droit à un plat succulent de homard à la margarine », admet le Père Zachary en souriant, quand j’insiste un peu, mais il prend le temps de m’expliquer que le Carême n’est pas une affaire d’ingrédients. Pas plus qu’il ne doit être perçu – c’est le cas chez une grande partie des Russes – comme un moyen efficace de perdre du poids avant la saison du bikini. Ainsi corrigée, je me suis attelée à la préparation d’un plat totalement conforme aux règles de l’Église, et je suis ravie du résultat ! Bon appétit ou priyatnogo appetita comme disent les Russes !
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