Produit de Russia Beyond the Headlines
Distribué avec
Pour déguster les crabes de Vladivostok La recette d’une julienne pour accompagner la fine chair de ce crustacé réputé. P. 8
La beauté cachée du monde des fourmis Le photographe Andreï Pavlov scrute et révèle la vie de ces insectes qui ont tant à nous apprendre.
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
P. 7 ANDREÏ PAVLOV
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 18 avril 2012
POLITIQUE
Investissements Le prochain sommet Asie-Pacifique vu comme un déclic pour relancer l’Extrême-Orient russe
Un pont vers le futur pour Vladivostok en plein réveil Rien n’est trop beau pour rendre la métropole du « bout du monde » digne d’accueillir le forum de l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation). Mais qu’en restera-t-il après le sommet ? ARTEM ZAGORODNOV
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
© VITALI ANKOV_RIA NOVOSTI
Le pont vers l’île Rousski a été achevé ce mois-ci, bien avant le sommet de l’APEC.
En 1959, de retour d’une visite en Californie, le leader soviétique Nikita Khrouchtchev invita les habitants de Vladivostok à faire de la ville « notre San Francisco ». Un demi-siècle plus tard, les dirigeants russes ont entrepris de réaliser ce rêve à l’occasion du sommet 2012 de l’APEC, qui réunira 21 pays de la zone Pacifique cet automne. Quand on débarque à Vladivostok pour la première fois, les similitudes entre les deux villes sautent aux yeux : rues escarpées et immeubles qui grimpent et descendent les collines entourant la baie de la Corne d’Or ; tramways qui sillonnent les principales artères ; Chinatown ; une scène artistique vibrante et un climat politique progressiste (un journal local a fièrement titré « Si tout le pays avait voté comme Vladivostok, il y aurait eu un second tour à la présiden-
ITAR-TASS
Le bilan de quatre années de réformes
Dmitri Medvedev s’apprêtant à rendre les clés du Kremlin, c’est l’heure du bilan. Ce président réformateur, qui se définit comme un libéral, a engagé la Russie sur la voie du changement. La modernisation des grands corps de l’État tels que la police, l’armée, la justice et l’éducation a été amorcée. Mais les réformes ne font pas l’unanimité et un pays comme la Russie ne se transforme pas du jour au lendemain.
tielle », Poutine n’y ayant obtenu que 47,5% des voix contre une moyenne nationale de 63,75%) ; le port florissant sur la côte Pacifique baignée d’un éternel brouillard matinal, dans un climat doux. Et maintenant le pont suspendu de la Corne d’Or enjambe la baie séparant la ville en deux. Au fil de l’histoire, les courants migratoires ont amené une population diversifiée d’Ukrainiens, de Biélorusses, de Chinois... Les étincelles des soudeurs qui embrasent la ville et les grues qui en percent le ciel témoignent des milliards d’euros que le gouvernement fédéral injecte à l’approche du sommet. La route étroite et défoncée qui menait à l’aéroport a été relevée de près de trois mètres par endroits et élargie pour devenir une autoroute moderne à quatre voies. Le nouvel aéroport devrait être inauguré cet été. Deux hôtels Hyatt sont en chantier, monuments et façades ont été restaurés ; un train rapide relie l’aéroport au centre-ville et un nouveau théâtre ouvrira bientôt ses portes. C’est l’endroit du décor.
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OPINIONS
Remèdes pour une croissance durable Deux experts jugent impossible de maintenir la croissance sans procéder à une profonde réforme structurelle et une réduction drastique des coûts de fonctionnement de l’État.
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Tendance Le monde des affaires russe s’ouvre aux femmes
PHOTO DU MOIS
Féminisation : la montée en puissance
La pub qui enflamme vraiment
Même la langue russe fait barrage. Le terme « businesswoman » n’a pas fait son trou dans le vocabulaire. On commence
Olga Dergounova, ex-présidente de Microsoft Russie.
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La tour Est du Complexe de la Fédération, en construction et destinée à devenir la plus haute d’Europe (360 mètres), a subi un incendie spectaculaire provoqué par des panneaux de publicité lumineux. Le sinistre, qui a eu lieu le 2 avril, n’a pas fait de victimes.
« L’or blanc » du Caucase
Comme un air d’URSS
Le ministre des situations d’urgence, Sergueï Choïgou, a été nommé gouverneur de la région de Moscou. Il devra vite mettre en place un partenariat avec la capitale.
Sept stations de ski ouvriront dans le Caucase Nord (où Arkhyz a inauguré son premier remontepente) : un projet de relance économique ouvert aux investisseurs internationaux.
Sous son visage moderne de mégapole occidentale, Moscou offre aux amateurs d’histoire un retour dans le passé au hasard de monuments et témoins multiples de l’époque soviétique.
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ITAR-TASS
Une nouvelle urgence
LORI/LEGION MEDIA
© YURI SOMOV_RIA NOVOSTI
THE MOSCOW NEWS
KOMMERSANT
NATASHA DOFF
EN LIGNE SUR LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
© ILIA PITALEV_RIA NOVOSTI
En 20 ans de sa courte histoire, le secteur entrepreneurial privé est resté largement dominé par les hommes en Russie. Mais les femmes s’y taillent une place grandissante. Fini le monopole !
tout juste à entendre le suffixe « -ka » collé à « businessman », ce qui crée un hybride signifiant « homme d’affaires féminin ». Mais une liste récente des 100 femmes les plus influentes de Russie, compilée par la radio Écho de Moscou et plusieurs autres médias, montre que les leviers de l’économie sont entre des mains féminines plus qu’on ne le pensait. Noyées dans le groupe habituel des pop-stars, des mondaines et des militantes, figurent 24 femmes d’affaires dont les états de service sont truffés de postes de haut niveau et de réalisations majeures.
Le légendaire Titanic exploré par un océanaute russe LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR/14479
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Politique
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
Législation Projet de nouveau code civil
Présidence Bilan des quatre années passées par Dmitri Medvedev au Kremlin
Un mandat marqué par des réformes libérales
Medvedev veut freiner le recours au statut offshore Une loi de dernière minute proposée par le président vise à changer le cadre légal des sociétés et de leur domiciliation pour « améliorer le climat d’investissement ». Julia koudinova
La russie d’aujourd’hui
Igor Vioujni
La russie d’aujourd’hui
Des réformes en matière de santé publique, de l’armée, de la police, de l’enseignement, du système électoral du pays ainsi qu’une réforme clé contre la corruption. Et une sérieuse restructuration politique en fin de mandat. Le président « technique », comme l’a surnommé l’opposition, a annoncé plus de réformes que Vladimir Poutine durant ses deux mandats. Pourtant, « quasiment toutes ces réformes ont été préparées sous Poutine. Et celles annoncées aujourd’hui seront réalisées par Poutine », souligne le directeur du Centre d’information politique, Alexeï Moukhine. Reste à savoir si ces réformes seront appliquées et les objectifs atteints. La réforme de l’armée est la plus complexe et la plus coûteuse. Depuis 2008, l’armée russe a subi des transformations radicales, une véritable restructuration de fond comparable, selon Rouslan Poukhov, directeur du Centre d’analyse stratégique et technologique, aux réformes de l’armée menées à l’époque par Pierre le Grand. On constate le passage du modèle soviétique de la conscription massive à une armée plus mobile, une armée de métier. La part de l’armement moderne est passée de 10 à 16%. Il faut noter également que, début 2012, le salaire des militaires a été substantiellement augmenté. En mars, Medvedev a annoncé que d’ici 2020, au moins 2,8% du Produit intérieur brut de la Russie seront consacrés à la défense.
À un mois exactement de son départ du Kremlin, le Président Dmitri Medvedev soumet un nouveau code civil au vote du Parlement. Parmi les principales modifications apportées, des mesures visant à décourager les sociétés russes de se domicilier à l’étranger. Cette initiative a, dans l’esprit du président, vocation à « aider au développement économique et à améliorer le climat d’investissement ». Il s’agit aussi de faire en sorte que le futur cadre légal permette aux sociétés russes et à leurs actionnaires de mieux protéger leurs droits de propriété. L’une des raisons invoquées par les entrepreneurs pour enregistrer leurs sociétés à l’étranger est le manque de confiance envers les tribunaux russes en cas de litige. Concrètement, deux des formes de société les plus courantes seront probablement remplacées. Il s’agit de « ZAO » (acronyme de « Société par actions fermée ») et « OAO » (acronyme de « Société par actions ouverte »). Dmitri Medvedev propose de leur substituer deux nouvelles formes juridiques, les sociétés dites « publiques » et les « non publiques ». Les amendements au code civil
Police, justice, armée, politique : Medvedev a modernisé son pays.
en Chiffres
150
généraux ont été limogés, et les contrats de 5 600 miliciens n’ont pas été renouvelés suite à la réforme de la police, en 2011. Cette réforme est l’une des plus critiquées.
Il l'a dit
Nicolaï Troitskiï
"
Medvedev reprend son rôle de second, qu'il n'a jamais cessé d'être. Mais, il ne sera bien sûr pas un Premier ministre de façade. Il serait vain d'espérer qu'il ne soit qu'un porte-parole." politologue
Une première dans l’histoire de la Russie : « une base normative existe pour lutter contre la corruption »
forces de l’ordre est un échec. On n’observe aucun changement réel », considère Moukhine. Les policiers sont chargés de se contrôler eux-mêmes, et les effectifs n’ont pas connu de renouvellement. « La réforme des forces de l’ordre reste politique et non pas administrative », considère Gazeta.ru, le journal en ligne indépendant. À la fin de son mandat, Medvedev s’est lancé dans une réforme politique, avec le retour à l’élection directe des gouverneurs régionaux et la simplification de l’enregistrement des partis. Les réformes entreprises par le président concernent différents domaines mais ce qui les unit, c’est qu’elles constituent un véritable compromis avec les forces dont elles tendent à limiter les privilèges. C’est pourquoi elles sont critiquées - pour leur manque de fermeté et d’efficacité. Pour le moment, aucune d’entre elles ne fonctionne véritablement. « La Russie est un pays très vaste et personne n’a été capable de le changer d’un coup, même pas Pierre le Grand. Il faut être patient », remarque Moukhine. Désormais, l’avenir de ces réformes dépend directement de Vladimir Poutine, qui retrouvera ses fonctions de président le mois prochain.
© aleksei nikolski_ria novosti
« C’est l’une des réformes les plus radicales, et qui a été confrontée à une forte opposition de la part des militaires », remarque Alexeï Moukhine, soulignant les avancées positives. Les mesures prises sont louables, mais la réforme ne fait que commencer : le réarmement n’en est qu’à ses prémices, ainsi que l’enseignement militaire. Il est prévu d’ici 2017 de procéder à un vaste recrutement sur contrat pour former un corps d’armée professionnel. Si cet objectif est atteint en 2017, on pourra dire que la réforme a réellement fonctionné. Commencera alors la douloureuse (pour les généraux) mesure consistant à abandonner la conscription. La réforme de la police était très attendue. Seuls 10% des Russes ont confiance dans les forces de l’ordre. Les miliciens font peur : c’est une structure corrompue, friande de pots de vin et de faux délits visant à réaliser les objectifs. En 2009, le point crucial de la réforme fut un changement idéologique : le passage d’un système répressif à un système préventif. Le changement de nom de la police servit de prétexte à la réduction des effectifs de 20%. Le renouvellement de contrat du personnel était accompagné d’une sensible hausse de salaire. Suite à cette réforme, en 2011, près de 150 généraux ont été limogés, et les contrats de 5 600 miliciens n’ont pas été renouvelés. Pourtant cette réforme de Medvedev est l’une des plus critiquées. Les cas de violence policière, de corruption et de rejets de plaintes restent toujours aussi fréquents. Selon l’institut de sondage Levada Centre, seuls 7% des Russes considèrent que la police travaille mieux. « La réforme des
getty images/fotobank
Le président passera en mai le témoin à Vladimir Poutine. Se définissant comme un réformateur libéral, Dmitri Medvedev s’est attaqué à la police, la justice et l’éducation.
Le ministre de la justice rassure le monde des affaires.
Régions Un poids lourd de la politique russe lâche son ministère pour un poste de gouverneur
Situation d’urgence autour de Moscou Nouveau gouverneur de la région de Moscou, l’ancien ministre des Situations d’urgence, Sergueï Choïgou, se lance dans une mission qui va elle aussi requérir des nerfs d’acier.
deux atouts majeurs en sa faveur : sa popularité et le soutien du Kremlin. « Pour un gouverneur, il est essentiel de savoir résister à la pression fédérale. Sergueï Choïgou est un homme politique de niveau fédéral, qui a un accès direct à Poutine, Medvedev et consorts », explique le politicien libéral Boris Nadejdine. Le Kremlin voit en lui non seule-
Roman Vorobiev
La nomination du ministre des Situations d’urgence, Sergueï Choïgou, 56 ans, au poste de gouverneur de la région de Moscou, a nourri les rumeurs durant plusieurs semaines. L’affaire a fait grand bruit parce que durant 21 ans, Choïgou était auréolé du titre de sauveteur national numéro un. Ses apparitions télévisées sur les lieux des catastrophes lui ont valu une popularité sans pareille parmi les ministres. Son manque d’expérience dans l’administration régionale n’a pas rebuté les députés, qui ont immédiatement entériné sa nomination par le président Medvedev le 5 avril. Choïgou prendra ses fonctions le 11 mai.
© sergei guneev_ria novosti
La russie d’aujourd’hui
Les atouts de Choïgou sont sa popularité et le soutien du Kremlin.
La presse russe n’a pu s’empêcher de relever le côté symbolique, voire ironique, de ce choix. « Le Podmoskovié, c’est en soi une vaste zone de catastrophe. Il va falloir tout remettre à neuf : le système administratif, rongé par l’incompétence et la corruption, les finances au bord de la faillite, l’infrastructure à moitié
détruite... », voilà où en est la région selon le journal Ogonek, pourtant proche du pouvoir. Le politologue Alexeï Moukhine voit pour sa part Choïgou entamer « la mise en place de la verticale du pouvoir, un nettoyage administratif et probablement, des poursuites pénales ». Selon les experts, Choïgou a
Le temps presse pour un partenariat villerégion confronté au projet d’expansion de la capitale ment quelqu’un de compétent, mais surtout de loyal. Il n’est pas exclu que l’objectif aille au-delà du « sauvetage » de la région. Il s’agit aussi du projet Medvedev de doubler la superficie de Moscou, un énorme chantier visant à accueillir les locaux administratifs gouvernementaux et fédéraux. Or Choïgou, à peine
prendront effet au 1er septembre prochain. La presse russe note la rapidité inhabituelle de la procédure législative, et la relie au départ imminent du président. Dmitri Medvedev a souvent souligné que l’adoption du nouveau code civil constituait une priorité de son mandat. Le ministre de la Justice Alexandre Konovalov a voulu rassurer le milieu des affaires en précisant que les sociétés en « ZAO » et « OAO » ne seront pas tenues de se réenregistrer. Néanmoins, le ministre s’attend à « des débats vifs, mais le texte sera probablement adopté durant la session parlementaire printanière ». Les résistances viendront des propriétaires de sociétés offshore opérant en Russie, lesquels seront contraints de dévoiler leur identité. Le politologue Mikhaïl Vinogradov pense que Dmitri Medvedev veut faire adopter le texte par le Parlement avant le 7 mai prochain (date de l’inauguration de Poutine au Kremlin), mais il estime probable que des groupes de pression parviendront à freiner le processus. « Il est vrai que le caractère confus et complexe de la législation russe rebute les investisseurs étrangers », admet Oleg Malkine, expert en droit des sociétés. Mais il souligne aussi qu’il est « déraisonnable de faire cohabiter l’ancien et le nouveau système » [puisque les « ZAO » et « OAO » ne seront pas obligées de se réenregistrer]. « Enfin, le monde des affaires est exaspéré par les changements législatifs incessants ».
nommé à son poste, a provoqué une polémique en suggérant que la capitale russe soit carrément transférée en Sibérie... Et de s’interroger à voix haute : « Pourquoi impérativement accroître l’étendue de la capitale ? » Au risque d’attiser les spéculations sur un conflit imminent avec le maire de Moscou, Sergueï Sobianine. Or, il reste peu de temps pour établir un partenariat solide entre Moscou et sa région. La réalisation du projet d’expansion de la capitale est officiellement prévue entre le 1er juillet et la fin de l’année. La planification définitive du déménagement des fonctionnaires dans leurs nouveaux bureaux est en cours. Reste la question des habitants de la région et de leur avis sur ce « chantier » majeur. Selon la société de sondage AMR, la population locale est partagée à parts égales entre partisans et opposants. Choïgou saura-t-il faire pencher la balance du bon côté ?
livres
Une certaine « alliance »
Titre : L’exception franco-russe ÉDITION : Guidiplo international
L’éditeur Guidiplo vient de sortir un nouveau guide qui retrace sous divers angles les principales étapes des relations exceptionnelles entre la France et la Russie. Les grands projets en cours, les documentsclefs, les institutions et les personnalités qui contribuent au rapprochement des deux pays sont détaillés dans cet utile ouvrage bilingue.
Dossier
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
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Les entreprises se féminisent Polina Deripaska, 32 ans. Dirige Forward Media Group. Fille de Valentin Ioumashev, qui fut conseiller et gendre de Boris Eltsine, le premier président russe.
La sphère des affaires au féminin
Natalia Kasperskaïa, 46 ans. Ex-présidente de l’éditeur d’antivirus russe Kaspersky Lab. Depuis 2007, propose ses propres produits en matière de sécurité informatique.
sie selon Forbes, qui a fondé avec son mari Kaspersky Lab, une entreprise de classe mondiale dans le domaine de la sécurité informatique. Mme Kasperskaïa, qui dirige actuellement sa propre société, InfoWatch, est souvent citée comme l’illustration même du potentiel de la Russie dans le secteur de la haute technologie à l’échelle mondiale. D’autres femmes d’affaires occupent des postes élevés au sein de grandes entreprises russes, mais ont une faible présence médiatique et sont rarement considérées comme le visage des entités où elles exercent leur savoir-faire. C’est le cas de la directrice adjointe de Sberbank, Bella Zlatkis, l’une des fondatrices de la bourse MICEX qui négocia la restructuration de la dette russe lors de la crise de 1998. Olga Dergounova, classée 37ème de la liste, a figuré à deux
reprises sur la liste du Wall Street Journal des meilleures dirigeantes européennes pour sa gestion de Microsoft Russie et son rôle actuel au sein du conseil d’administration de la banque VTB. Selon une étude sur les perspectives de carrière féminines réalisée en 2011 par la société d’audit internationale PriceWaterhouse Coopers, les Russes se révèlent très performantes mais atteignent rarement le sommet de la hiérarchie des entreprises. L’étude a fait ressortir que 91% des postes de chef comptable étaient occupés par des femmes, alors que celles-ci ne représentaient que 6% des postes de PDG : comme quoi les femmes peuvent avoir de grandes compétences sans viser les plus hautes responsabilités. Mme Panfilova en conclut que le rôle des femmes dans l’entreprise ne fait que refléter la perception de leur rôle dans la so-
ENTRETIEN AVEC OLGA SLOUTSKER, DE WORLD CLASS
Le beau parcours de la reine des clubs de gym
BIOGRAPHIE PRESS PHOTO
Racontez-nous le démarrage de votre carrière dans les affaires. Je n’avais jamais pensé devenir une femme d’affaires. Ce fut par accident. En tant qu’athlète professionnelle, je me suis entraînée toute ma vie dans des salles de sport non chauffées ou étouffantes et à l’étroit. Lors de vacances en Espagne, je suis allée à un cours d’aérobic dans le club de mon hôtel, où j’ai vu des gens s’amuser en faisant des exercices dans une belle salle et en musique. Moscou ne comptait pas de clubs de de ce type. Je me suis dit qu’il me fallait tenter ma chance. Avec mon mari, nous avons trouvé un site et avons tout monté, de nos propres mains. Mon époux a investi 300 000 euros dans l’affaire.
NÉ À : LENINGRAD ÉTUDES : ÉDUCATION
Comment votre initiative a-t-elle été accueillie ? Les journalistes m’ont harcelée de questions, du type : comment allait-on pouvoir vendre de l’exercice physique ?
Vos tarifs étaient exorbitants… Certes. Mais il n’y avait aucune concurrence, nous étions tout seuls. Et les gens étaient prêts à payer le prix fort pour un club de sport au centre de Moscou avec de nombreuses salles, des cours d’aérobic et un équipement qu’on ne trouvait nulle part ailleurs.
Qui étaient vos premiers clients ? Les plus fortunés. Des stars du cinéma, des célébrités du showbiz, hommes d’affaires, journalistes célèbres, politiciens.
Quand avez-vous atteint votre seuil de rentabilité ? Très rapidement. La situation était très différente en 1993, nous sommes devenus rentables en moins
PHYSIQUE
Olga Sloutsker a commencé l’escrime à l’âge de 11 ans et l’a pratiquée 12 ans au sein de l’équipe de Léningrad (St-Pétersbourg), finissant « maître » de la discipline. En 1993, elle a ouvert World Class, le premier club de gym en Russie. Aujourd’hui, il en existe 37 dans le pays et la Communauté des États indépendants. Des formules plus abordables ont ensuite été lancées.
d’un an. J’avais une équipe merveilleuse, mais je ne pouvais pas promouvoir tous mes employés. Je ne voulais pas les perdre non plus. C’est alors que nous avons décidé d’ouvrir un deuxième club World Class. Et puis, ça s’est emballé : les nouvelles offres pleuvaient. Nous avons vendu des franchises et aujourd’hui le groupe est présent dans 15 villes. Comment expliquez-vous que des femmes soient à l’origine du concept des clubs de gym en Russie ? Peut-être que les hommes russes hésitent à prendre le temps de construire quelque chose à partir de zéro. À l’époque, la privatisation des grands secteurs indusriels faisait qu’on pouvait acheter un champ de pétrole ou une grosse usine sans trop d’effort. Les hommes ont choisi cette voie. World Class fut notre première entreprise. Puis nous avons décidé d’en créer une autre, Planeta Fitness, proposant des tarifs plus abordables et rejointe par une partie de mon personnel. Une troisième chaîne a été créée par la femme de mon directeur des ventes. Il ne s’agit pas tant d’une initiative féminine que d’un réseau féminin lancé par World Class. Nous avons travaillé dur, vivant selon nos moyens - ce qui est typique pour une femme. Nous avons en réalité importé cette industrie en Russie. Propos recuillis par Vladimir Rouvinsky
ciété : « Parfois, les femmes préfèrent tout simplement garder un profil bas. N’oublions pas que la plupart d’entre elles sont aussi des mères de famille et n’ont tout simplement pas le loisir de faire leur propre promotion. Le temps qu’y consacrent les hommes, les femmes le passent à la cuisine ». Article déjà publié dans The Moscow News
Au secours des jeunes mères Le bureau d’EGIDA est caché dans une arrière-cour de Saint-Pétersbourg. Depuis 2005, Elena Plechko, une jeune femme de 28 ans, y tient une permanence téléphonique pour les personnes licenciées du jour au lendemain. « La plupart d’entre elles ne connaissent pas du tout leurs droits », souligne la juriste. Il est donc particulièrement important à ses yeux qu’il existe un centre d’écoute sur lequel ces personnes puissent compter. Depuis 2008, Elena consacre la majeure partie de son travail aux femmes enceintes et aux jeunes mères. D’après la loi, les femmes disposent de 70 jours de congé prénatal et de 70 jours de congé postnatal avec maintien de leur salaire dans son intégralité. Ensuite, pendant les 15 mois de congé suivants, elles perçoivent 40% de leurs émoluments. À Saint-Pétersbourg, un tiers des mères ne sont pas mariées et nombreuses sont les célibataires. L’allocation parentale assure à ces femmes un revenu d’existence, selon Plechko. Et EGIDA intercède devant les tribunaux pour que ces ressources leur soient effectivement versées. L’année dernière, il y a eu 16 cas litigieux et l’organisation a gagné 13 des procès qu’elle a dû engager.
Des affaires aux affaires : détour par la politique Ancienne figure de l’opposition libérale, Irina Khakamada est aujourd’hui consultante en psychologie d’affaires : pour elle, les Russes ont de réelles difficultés à communiquer. VLADIMIR ROUVINSKY
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Irina Khakamada, qui a été à l’époque chef d’entreprise, vice porte-parole et députée à la Douma, est aujourd’hui retirée de la politique et propose des stages en psychologie pour apprendre aux Russes à réussir en affaires. Le cycle de formation commence par l’art de la négociation. « En affaires, 80% de la réussite dépendent du dialogue. Et c’est justement là que les Russes ont de grosses lacunes. Nombre de contrats échouent par suite de carences en communication », explique Irina. Celle que la presse internationale a classée en 1995 parmi les cent femmes politiques les plus célèbres du XXIe siècle, pense que la culture du dialogue est inexistante en Russie. Après des études en économie, dans les années 90, Khakamada s’essaie aux affaires ; puis en 1997, elle entre au gouvernement pour contribuer au développement des entreprises. Forte de son expérience après avoir quitté la vie publique, elle publie Le sexe et la haute politique, un guide s’adressant aux femmes indépendantes. « Ce n’est pas un livre sur la discrimination à l’égard des femmes, il est plutôt question de la discrimination contre une personne ordinaire qui essaie d’agir honnêtement dans le milieu de la grande politique, commente l’auteur. Si les femmes réussissent mieux dans les négo-
© RUSLAN KRIVOBOK_RIA NOVOSTI
Valentina Matvienko, 62 ans. 4ème présidente du Conseil de de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie. De 2003 à 2011, elle a été gouverneur de Saint-Pétersbourg.
KOMMERSANT (2)
« Un proverbe russe dit que derrière tout homme qui réussit, il y a une femme à poigne », rappelle Elena Panfilova, directrice générale du bureau russe de Transparency International, qui est 67ème de la liste. « Les 24 femmes d’affaires de ce classement ne représentent que celles qui sont visibles. Mais dans les coulisses, les femmes jouent également un rôle important : la moitié des grands avocats, des chefs comptables et des directeurs financiers dans les grandes entreprises de Russie sont des femmes ». La liste est composée de personnalités diverses représentant un large éventail de secteurs traditionnellement masculins tels que l’aviation, la technologie et la sphère pétrogazière, mais aussi des secteurs plus féminins comme les médias et le commerce de détail. On note une fracture assez nette entre les femmes d’affaires moins connues qui sont parvenues à des postes élevés au terme de dures années de labeur, et celles qui ont bénéficié du coup de pouce d’un mari fortuné et influent. Deux des plus célèbres de la liste, Daria Joukova et Polina Deripaska, étaient unies aux hommes les plus riches du pays quand elles ont commencé leur carrière entrepreneuriale, ce qui ne veut évidemment pas dire qu’elles étaient dépourvues de mérites propres. Mme Joukova dirige l’une des galeries d’art moderne les plus renommées de Moscou, Garage, tandis que Polina Deripaska a donné une nouvelle vie à Forward Media Group, la maison d’édition dont la prise en charge lui a été confiée par son mari. Mais une large majorité de femmes chefs d’entreprise ont gravi les échelons grâce à leur talent et un dévouement total à leur travail. Un bon exemple en est offert par Natalia Kasperskaïa, deuxième femme la plus riche de Rus-
PHOTOXPRESS
Olga Pleshakova, 45 ans. Directrice générale de Transaero Airlines - 2ème compagnie aérienne russe. Épouse du principal actionnaire de Transaero, Alexandre Pleshakov.
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Irina Khakamada : une personnalité haute en couleur.
ciations, c’est qu’elles sont moins ambitieuses, trouvent plus facilement un compromis, devinent mieux la psychologie de l’interlocuteur ». Khakamada avoue que son expérience en tant que chef d’entreprise l’a gênée en politique. « On me disait souvent : les politiciens ne te comprennent pas, tu te conduis comme un businessman ». En affaires, le marché conclu, on peut agir sans attendre de signer. « L’essentiel est de bien calculer s’il y a profit ou non et de refuser clairement si ce n’est pas rentable pour vous. En politique, c’est tout le contraire. Rien n’est très clair, on ne sait pas où sont les intérêts de chacun. Chacun dit une chose, en pense une autre et on en insinue une troisième ». Irina a tiré les leçons de la politique, assimilée à une intrigue sans fin : « C’est pour cela qu’en tant que femme d’affaires, le milieu politique s’est avéré difficile pour moi. Et il en est de même pour tous les gens issus du monde des affaires ».
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Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
Tourisme Les groupes français, à l’étroit dans des Alpes surexploitées, salivent devant ce marché gigantesque
Exploitation de « l’or blanc » pour dynamiser le Caucase Sept nouvelles stations de ski, 100 000 emplois créés, 14 milliards d’euros financés par le budget fédéral d’ici 2020 : l’État russe ne lésine pas pour revitaliser l’économie du Caucase. Paul Duvernet
itar-tass
la russie d’aujourd’hui
(de g. à d.) Rachid Temrezov, dirigeant de la région, Alexandre Khloponine, représentant du Kremlin, Dmitri Pumpyanski, investisseur.
en Chiffres
14 milliards
d’euros, c’est la somme totale des investissements estimés pour la construction de 7 nouvelles stations de ski dans le Caucase.
1 milliard
C’est le montant en euros que la Caisse des Dépôts et Consignations s’est engagée à trouver auprès d’investisseurs d’ici an.
participant aux Jeux olympiques d’hiver 2014. Logiquement, les Russes ont voulu tester et comparer les deux principaux fournisseurs mondiaux de remontepentes. « Il existe aussi d’autres petits producteurs locaux, note Christian Bouvier. Mais pour l’instant il n’en existe aucun en Russie ». La France a pris une position très avancée dans l’ensemble du projet, en créant une coentrepri-
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C’est le nombre de remonte-pentes qui seront commandés. Un marché énorme pour les industriels du secteur.
se avec l’organisme public russe KSK qui pilote le projet. International Caucasus Development est détenue à 51% par KSK et à 49% par la Caisse des Dépôts et Consignations. La coentreprise franco-russe va dans les deux mois qui viennent mettre au point un plan d’affaires, qui sera utilisé pour lever un milliard d’euros d’investissements (en majeure partie à l’étranger) d’ici un an pour ces sept futures stations
Pétrole La Russie continue d’augmenter sa production de brut
Comme au temps des records soviétiques Le mois de mars a enregistré le meilleur chiffre depuis l’ère soviétique avec 10,36 millions de barils par jour. Un sursaut de nature à rassurer un marché pétrolier très fébrile.
Le palmarès des pays producteurs
Julia Koudinova
La russie d’aujourd’hui
Avec une croissance de 1,6% par rapport à mars 2011, les groupes pétroliers russes ont prouvé qu’ils pouvaient accroître leurs capacités, en dépit d’un niveau d’investissement jugé insuffisant par le gouvernement. Le précédent record remonte à 1987, lorsque 11,48 millions de barils par jour étaient extraits du sol soviétique. Une majorité d’experts prédit un plateau dans les trois années à venir, suivi d’un déclin. À moins que de gros investissements ne soient immédiatement lancés dans les nouveaux gisements arctiques et en Sibérie orientale. Les exportations de pétrole, qui représentent grosso modo la moitié de la production, ont en revanche décliné de 0,3% par rapport à février. La poussée de production russe est de nature à rassurer quelque peu un marché pétrolier secoué par des crises successives et une imprévisibilité plus
forte que jamais. L’Arabie saoudite dit être en mesure d’ouvrir plus grand le robinet, mais ses déclarations ne se traduisent pas dans les faits. Parmi les gros producteurs de pétrole, seule la Russie parvient à sensiblement augmenter sa production.
Le marché du pétrole se trouve coincé entre des forces contradictoires. Paradoxalement, de nombreux pays producteurs s’affolent du cours élevé du pétrole, qui pourrait, comme en 2008, conduire à un décrochage de l’économie, à une crise mondiale et à une chute vertigineuse des prix. Tous rêvent de stabilité. Comme le souligne Chris Weafer, stratège chez Troika Dialog, « les États-Unis et les pays de l’OPEP tentent de faire baisser les prix. On assiste à une floraison de commentaires politiques et médiatiques sur les effets négatifs des prix élevés du pétrole sur la croissance mondiale ». Mais d’un autre côté, il souligne aussi que « les courtiers rejettent ce jeu-là. Résultat, en dépit de la crainte d’un ralentissement de l’économie chinoise, le prix du brut reste fermement tiré par le haut », c’est-à-dire se situant autour de 94 euros le baril. La faute, d’une part, au risque chinois d’une chute de la demande, d’autre part, aux risques politiques en Iran, en Syrie et en Libye, voire au Nigeria, pays qui de leur côté poussent à la hausse les prix du baril.Tout le monde risque d’y perdre, hormis une poignée de « traders » et les banques d’investissement.
de ski caucasiennes. « Une fois que le plan d’affaires, que nous élaborons avec Ernst & Young, sera prêt, nous pourrons proposer des cibles d’investissement concrètes à chaque type d’investisseur, explique Alexeï Nevski, directeur général de KSK. Nous travaillons déjà avec des investisseurs français et avec la banque Nexus [Singapour], mais il est trop tôt pour en dire plus. Nous présenterons le plan d’affaires au public lors du Forum économique de Saint-Pétersebourg [en juin] ». Conscient du défi que représente le Caucase pour les investisseurs, l’État russe a pris les devants en offrant toute une série de garanties au secteur privé. Lancer une station de ski est un investissement à long terme, qui peut prendre plusieurs décennies avant d’être amorti. C’est pourquoi une garantie d’État couvre
Concurrence limitée pour les stations alpines qui continueront d’attirer la clientèle russe fortunée promis d’investir un milliard de dollars dans la construction de cinq centrales électriques dans le Caucase en partenariat avec KSK. Mais ce projet n’en est qu’à un stade préliminaire. Selon Alexeï Nevski, Arkhyz s’apparente à la station française « Les Arcs ». Elle visera une clientèle issue de la classe moyenne. « Nous réfléchissons à différencier les sept stations entre elles pour qu’elles soient complémentaires et non pas concurrentes ». Et la concurrence internationale ? Pour Christian Bouvier, le Caucase ne présentera pas une concurrence directe pour les stations des Alpes, puisqu’il attirera une clientèle régionale. Rostislav Mourzagoulov, adjoint du directeur général de KSK, acquiesce : « Les clients russes les plus riches continueront probablement de fréquenter les stations alpines ».
L’épargne des particuliers en forte hausse itar-tass
72% des citoyens disent posséder au moins un type d’épargne, par rapport à 46% en 2004, selon un sondage réalisé par l’agence Romir. Le sondeur estime que l’augmentation s’explique par l’amélioration du contexte économique. Le pourcentage de personnes épargnant en roubles est de son côté passé à 60%, contre 30% en 2004. Le placement le plus populaire est l’immobilier, suivi de près par les dépôts bancaires : ils sont 35% à privilégier le premier, et 34% à lui préférer les seconds.
AFK Sistema s’allie avec Dreyfus press photo
Pour fonder une banque de terrains arables, le géant industriel AFK Sistema a trouvé un allié étranger en la personne de Gérard Louis Dreyfus et de son partenaire Peter Mann. Ils ont fondé début avril une coentreprise dans laquelle leurs actifs agricoles russes sont regroupés. Objectif est de créer l’une des plus grandes banques agraires, représentant une surface agricole globale de 500 000 hectares.
Assurances Premiers effets de l’entrée dans l’OMC
itar-tass
Dimanche 18 mars, la station de ski Arkhyz a inauguré son premier remonte-pente en présence des principaux officiels de la région. La poudreuse du Caucase voit enfin arriver à elle des équipements modernes permettant le développement à grande échelle du tourisme. La société française Poma a réalisé pour l’occasion un télésiège de 18 pylônes en un temps record. « Cela n’a pas été facile, à cause des délais très courts. Nous avons tout construit en hiver en à peine six mois », explique Christian Bouvier, vice-président du directoire et directeur commercial de Poma. Sa satisfaction d’être le premier sur ce marché saute aux yeux. Arkhyz (« Belle jeune fille » en patois local) fera office de vitrine pour les six autres stations. « 180 remontepentes vont être construits dans les huit années à venir. C’est considérable ! », s’écrie Christian Bouvier. « Le Caucase est une chaîne de montagnes exceptionnelle, avec des sommets élevés, un excellent enneigement, bref, des conditions très propices au ski. Le bassin de population est énorme et ces stations vont attirer de nombreux nouveaux skieurs », s’emballe-t-il. Poma voit dans le Caucase une des grandes zones de développement de son activité. Sur son chemin, il trouve son concurrent habituel, l’autrichien Doppelmayr, avec lequel il s’est partagé les quatre stations de ski russes
jusqu’à 70% des investissements privés en cas de « force majeure ». Des allègements fiscaux et la création d’une zone économique spéciale seront offerts. « En moyenne, le retour sur investissement sera de 10 ou 11 ans », estime Alexeï Nevski. Les autorités russes se penchent sur l’amélioration des infrastructures de transport locales (aéroport, routes, train) pour raccourcir le trajet des touristes jusqu’à « l’or blanc ». Pour l’instant, un seul grand investisseur privé s’est lancé dans le projet. Il s’agit du groupe de BTP Sinara, appartenant au milliardaire russe Dmitri Pumpianski. Présent sur place, il a expliqué aux journalistes qu’il allait construire à Arkhyz cinq villages autour d’autant d’hôtels, principalement des trois et quatre étoiles. C’est aussi Sinara qui a acheté le télésiège de Poma. Le groupe sud-coréen Korea Western Power a aussi
en bref
Portes ouvertes en grand aux fonds étrangers Poutine a décidé d’augmenter le quota de capitaux étrangers chez les assureurs russes, qui passeront de 25% à 50%, afin d’améliorer la viabilité des compagnies sur le marché national. Irina Doubova
la russie d’aujourd’hui
Au 1er janvier, les exigences de capitalisation minimales imposées aux compagnies d’assurance ont quadruplé en Russie. Mais selon le Service fédéral des marchés financiers, 31% des assureurs ne répondent pas aux nouvelles conditions. C’est pour cette raison, mais aussi en conséquence de l’entrée du pays dans l’Or-
ganisation mondiale du commerce (OMC), que Vladimir Poutine a décidé d’ouvrir plus grandes les portes aux étrangers. Environ la moitié des vingt premiers assureurs à l’échelle mondiale sont présents en Russie. Parmi eux, l’allemand Allianz qui contrôle, entre autres, le russe ROSNO, l’italien Generali et le suisse Zurich Insurance. Les plus gros acteurs du marchés restent sous contrôle russe. Il s’agit de Rossgosstrakh, d’Ingosstrakh, de SOGAZ et RESO-Garantia. Selon Pavel Samiev, directeur général adjoint de l’agence de notation Expert RA, on doit s’attendre à l’arrivée de nouveaux
acteurs internationaux. « L’intérêt va se concentrer sur les grandes compagnies de vente au détail ayant un réseau de succursales, ainsi que sur les entreprises engagées dans l’assurance-vie. Et non sur les assureurs problématiques », estime Samiev. L’expert souligne que l’élargissement du quota est important non seulement pour soutenir le secteur, mais aussi pour préserver sa souveraineté. « L’augmentation de la part du capital étranger ne constitue pas un problème en soi, l’essentiel est de ne pas aller au-delà et que les assureurs étrangers obéissent aux exigences du régulateur russe ». Le directeur général d’Alfa Assurance-vie, Alexeï Sloussar, réagit posément : « Nous avons toujours plaidé pour l’accès des entreprises étrangères au marché russe. Il y a cinq ans, l’opinion dominante était : ne donnons pas l’accès au marché de l’assurance aux étrangers, ils nous étrangleront. Mais ils sont tous présents. L’autre aspect, c’est bien sûr que tôt ou tard, Axa, Allianz et d’autres grands assureurs étrangers occuperont les premières places. Tant mieux pour leurs clients. Mais si des compagnies d’assurance russes du secteur parviennent à rester parmi les leaders, elles le devront à la grande qualité de leur travail, la performance des systèmes informatiques, une gestion irréprochable... bref, la qualité à laquelle nous aspirons tous. Or, sans concurrence, c’est impossible », conclut Sloussar en retenant le bon côté de la chose.
Régions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
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Vladivostok à l’heure du réveil SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
Pour s’y rendre
Voir notre diaporama sur larussiedaujourdhui.fr
Le vol Moscou-Vladivostok dure 9 heures et coûte 375 euros. Des vols sont offerts au départ de Paris avec correspondance à Moscou. Pour traverser le pays à bord du Transsibérien : il vous faudra 6 jours, 17 heures et cela vous coûtera 500 euros.
Où se loger Pour les amateurs d’ambiance familiale, optez pour l’ « Hôtel de Sibérie » dans le centre-ville. Pour une vue sur la Baie d’Amour, choisissez l’hôtel « Azimut ».
Où se restaurer Dégustez une taupegrillon frite ou des tentacules de calmars fumés sur le marché au poisson du centre-ville. Autre curiosité qui mérite le détour : les raviolis de Singapour proposés par le café « Ouzal ».
ITAR-TASS
Gouverneur tout nouveau tout propre Vladimir Miklouchevski, 44 ans, vient tout juste d'être nommé gouverneur de Vladivostok. Son prédécesseur Sergueï Darkine, en place pendant dix ans et qui souffrait d'un déficit de popularité, a été écarté par Dmitri Medvedev au début du mois de mars. Miklouchveski, recteur de l’Université fédérale de l’Extrême-Orient depuis 2010, a sans surprise recueilli une large majorité de voix. Le nouveau gouverneur a promis que la transparence et le combat contre la corruption constitueraient des piliers de son mandat. En attendant, « le sommet de l’APEC aura un ef-
Les autorités espèrent que le campus et les subventions vont attirer les brillants esprits et permettre d’établir des écoles solides dans des domaines comme la biomédecine et l’informatique ses ne sont pas très intéressées par les produits d’innovation », explique Miklouchevski. « Il faut reconnaître que personne, moi compris, ne croyait que le projet serait mené à terme, et certainement pas à temps pour le sommet », admet le correspondant local du journal Novaya Gazeta,Vassili Avtchenko. « Les autorités ont réussi leur pari ».
Main d’œuvre immigrée
Les journalistes ne sont pas autorisés à communiquer avec les ouvriers sur les chantiers ni dans les dortoirs. « On craint qu’ils
ITAR-TASS
L’un des projets les plus impressionnants reste le pont qui mène à l’île Rousski et au nouveau campus de l’Université de l’Extrême-Orient. D’une longueur de 3,2 km, l’ouvrage, qui repose en partie sur des pylônes plantés sur des îles artificielles, a été commencé il y a près de trois ans. Le pylône central s’élève à 320 mètres. Achevé en avril, ce pont suspendu est devenu le plus long du monde. « Quand nous parlons d’innovation et de modernisation, les voilà », explique Alexandre Ognevski, porte-parole du ministère du Développement régional, en montrant le pont. « Un grand nombre d’entreprises internationales ont renoncé à l’appel d’offres, le projet leur paraissant infaisable. C’est une firme d’Omsk qui a enlevé le contrat. Les technologies développées sur ce projet seront utilisées ailleurs et même exportées à l’étranger ». L’île Rousski abrite des installations militaires ; quelques milliers de militaires à la retraite et leurs familles y vivent. C’était un quartier calme, totalement excentré, jusqu’à ce que Vladimir Poutine, lors de sa première présidence, décide de fusionner les quatre principales universités de Vladivostok et de loger tous les étudiants sur un unique campus. Sans exagération, on peut affirmer qu’une nouvelle ville a surgi en moins de trois ans : un terrain vague de 160 hectares a été quadrillé de routes, dortoirs, cafés, jardins, stades, hôpitaux et ce qui devrait devenir le plus grand océanarium du monde, le tout réalisé par près de 16 000 ouvriers venus essentiellement d’Asie centrale, qui travaillent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. L’île Rousski accueillera le sommet puis le campus sera transféré à l’Université de l’Extrême-Orient où 30 000 étudiants sont attendus. « La Russie est en crise démographique, et partout dans le pays, les universités commencent à manquer d’étudiants », commente Vladimir Miklouchevski, recteur de l’Université jusqu’il y a peu. « C’est pourquoi nous analysons les marchés chinois, indonésien ou vietnamien, là où il y a une demande inassouvie pour les hautes études. Il faut attirer les étudiants, et nous devons trouver notre créneau ». Les autorités espèrent que le campus et les subventions fédérales feront venir les talents. Un technoparc est en projet pour commercialiser la production de l’université et créer de nouveaux emplois. Une zone économique spéciale à vocation touristique est prévue sur l’île pour mettre en valeur ses plages - dont les étudiants pourront profiter. « L’enseignement supérieur russe doit faire face à deux problèmes majeurs : les facs ne savent pas produire ce qu’exigent les entreprises, et les entrepri-
commencent à vous raconter comment ils sont traités », explique Bakhodir Nourakov, actif dans une ONG (organisation non gouvernementale) de défense des droits des ouvriers qui aide les immigrés et leurs employeurs à combattre les abus des autorités. Nourakov n’a pas prise sur l’ensemble des chantiers mais seulement sur certains entrepreneurs qui enfreignent la loi en employant des immigrés sans leur fournir un permis de travail de longue durée. « Ils leur promettent de les payer 90 jours puis les licencient, explique-t-il. À ce moment-là, les travailleurs n’ont aucun recours juridique car ils deviennent des migrants illégaux. Certains veulent partir mais n’ont pas d’argent pour s’acheter un billet retour. Ils doivent continuer à travailler pour se nourrir », dit-il.
Pour des « ponts » menant au-delà du sommet
L’envers du décor, c’est aussi la situation socio-démographique de toute la région du Primors-
fet bénéfique à long terme sur le développement de Vladivostok », dit Vladimir Mikoulchevski. « Nous parlons de plus de 200 milliards de roubles d’investissements, y compris dans le développement des infrastructures. L’insuffisance des infrastructures entrave l’investissement partout, pas seulement en Russie. Le sommet aidera également à faire connaître Vladivostok dans le monde ». « C’est un bon gestionnaire et il n’est pas lié aux milieux affairistes et criminels locaux », estime le journaliste Vassili Avtchenko. « J’espère que nous allons enfin stopper l'hémorragie de population et réaliser l’énorme potentiel dont notre ville a hérité ».
ki Krai, qui englobe Vladivostok, et qui est confrontée à un véritable exode. Au cours des vingt dernières années, 300 000 personnes – l’équivalent de la moitié de la population de Vladivostok – sont parties sous des cieux plus cléments ou à l’étranger. « Pas moins des deux-tiers de nos étudiants qui apprennent le chinois veulent poursuivre une carrière à l’étranger », assure Victor Larine, le directeur de l’Institut d’histoire, archéologie et ethnologie des peuples de l’Extrême-Orient. « La plupart des infrastructures de la ville sont délabrées, les routes se dégradent et je ne sais où aller pour me promener à pied avec ma femme. Ce n’est pas en construisant des ponts qui ne mènent nulle part qu’on donnera l’envie de vivre ici ». « Tout le monde s’inquiète de ce qui arrivera après le sommet », dit Avtchenko. « Nous n’avons même pas d’industrie locale de fruits de mer. C’est dommage, parce qu’il n’y a pas
EN CHIFFRES
7,7%
C’est le taux de croissance annuel du produit régional brut de la région de Vladivostok en 2011, qui s’élève à 12,5 milliards d'euros.
5,25
milliards d’euros prélevés sur le budget fédéral ont été injectés dans l’amélioration des infrastructures en vue du sommet APEC.
si longtemps, l’usine DalMorProdukt – qui a fait faillite il y a quelques années – était connue dans tout le pays. Nous devrions avoir un marché maritime florissant et des restaurants de fruits de mer. J’aimerais bien que Vladivostok soit réputée pour être la ville la plus « poissonneuse » de Russie et que les gens viennent de loin pour savourer la cuisine locale ». Il est encore long, le chemin...
La « menace chinoise » Les autochtones soulignent que Tokyo n’est qu’à une heure et demie de vol, Séoul à deux heures et Pékin à trois. Par contre, il en faut neuf pour atteindre la capitale Moscou ! C'est du pain béni pour les nationalistes russes, qui s'époumonent à répéter que « les Chinois ont pris possession de l’Extrême-Orient ». « Il s’agit de l’un des plus grands mensonges de la politique nationale », contredit Sergueï Pouchkarev, directeur d’une ONG locale venant en aide aux immigrés et aux patrons qui les emploient face aux abus des autorités. De 1993 à 2002, Pouchkarev dirigeait le bureau régional du Service fédéral des migrations. « Dieu nous a donné un voisin paisible et travailleur désireux de s’engager dans une activité économique mutuellement bénéfique... et nous vivons dans la paranoïa ». En effet, les immigrés travaillant sur la plupart des chantiers de Vladivostok sont clairement d’Asie centrale – ce ne sont pas des Chinois.
9 000 km par le Transsibérien
LORI/LEGION MEDIA
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Opinions
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
Pas de progrès sans réformes Oleg Viouguine, Evseï Gourvitch
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Vedomosti.ru
aible endettement, solde budgétaire positif : le baromètre économique russe semble au beau fixe, surtout sur fond de crise européenne. Mais une zone de « turbulences » menace en l’absence d’un ralentissement permettant de prendre à temps les mesures de rééquilibrage nécessaires. Certains critiquent une politique de stockage des pétrodollars dans le Fonds de réserve et de limite des dépenses. Ce n’est plus le cas puisqu’en 2009-2010, les dépenses pour les retraites ont explosé, passant à 4% du Produit intérieur brut (PIB), soit plus que pour l’éducation ou la santé. Les dépenses militaires sont aussi en forte hausse. Dans son programme électoral, Vladimir Poutine affirme sa volonté d’accroître encore les dépenses dans plusieurs autres domaines, pour environ 1,5% du PIB. Par ailleurs, des facteurs plus objectifs, comme la crise démographique des vingt prochaines années, vont peser sur le budget. En effet, la population russe vieillit et le nombre de retraités à la charge de chaque travailleur va passer à 1,5. Si la politique budgétaire de ces trois ou quatre dernières années est maintenue, et que les promesses en matière d’accroissement des dépenses budgétai-
res se concrétisent, la stabilité macro-économique du pays sera menacée. Les réserves existent bel et bien. Toutefois, une simple hausse des impôts pour renflouer les caisses de l’État ne serait pas la meilleure solution et pourrait avoir des effets négatifs. Cela peut effrayer les marchés et faire baisser les investissements, ce qui entraînerait un ralentissement économique et une baisse des recettes budgétaires, nécessitant à son tour une nouvelle augmentation des impôts. Il y a d’autres moyens d’augmenter le revenu : combattre l’économie souterraine (qui représente, selon la Banque mondiale, 43% du PIB russe contre 13% en Chine et 8% en Suisse) et minimiser les avantages fiscaux. Une très grosse part des économies que pourrait faire le gouvernement repose sur le secteur de la fonction publique. Dans les années 2000, le nombre des agents de l’État et fonctionnaires de l’administration a été multiplié par plus de 1,5, pour passer à plus de 108 fonctionnaires pour mille personnes actives. La Russie emploie donc deux à trois fois plus de fonctionnaires que tout autre pays équivalent. La moyenne pour les 22 pays les plus riches de l’OCDE est de 75 agents publics pour mille habitants. En 2009, les agents de la sécurité publique en Russie étaient au nombre de 9,8 pour mille habitants, tandis
Une grosse part des économies que pourrait faire le gouvernement repose sur le secteur de la fonction publique que ce chiffre n’était que de deux dans les autres pays émergents. En conséquence, les dépenses pour le secteur public en Russie (3,2% du PIB) dépassent largement celles de n’importe quel pays de l’OCDE. Le montant des subventions budgétaires y est lui-même anormalement élevé. En 2010, il représentait 4% du PIB, l’un des plus élevés des pays émergents.
pour une solution réaliste en syrie Evguéni Satanovski
L
la russie d’aujourd’hui
a guerre civile en Syrie et la pression de la communauté internationale qui pèse sur Bachar el-Assad nous renvoient à l’histoire des États-Unis et de leur président Abraham Lincoln. Aujourd’hui considéré comme un président martyr, chantre de la démocratie, il a pourtant mené une lutte acharnée contre les États sécessionnistes, dans une guerre civile meurtrière qui a fait 600 000 morts. Il n’est pas exclu que plus tard, le président el-Assad, à l’instar de Lincoln, puisse être porté aux nues dans le monde arabe. L’histoire ne cesse de nous montrer que tout est possible. Le plan de paix de l’envoyé
spécial conjoint de l’ONU et de la Ligue arabe, Kofi Annan, visant à régulariser la situation en Syrie (avec l’aval des États-Unis et de la Russie), n’est pas mauvais en soi. Il n’a qu’un défaut : il est irréalisable, comme la plupart des solutions pacifistes incompatibles avec les lois internes des guerres civiles. Les forces armées du Président Assad ont repris le dessus et fait reculer les troupes de l’Armée de libération syrienne (ALS). Détenant dorénavant l’initiative, Assad veillera à ce que l’opposition n’ait plus la possibilité de se regrouper et de se réarmer. L’exemple de Kadhafi est encore trop présent à la mémoire pour qu’Assad s’en remette à la « communauté internationale ». Par ailleurs, il a le soutien de l’Iran. Or, une division voit le jour au
sein de la Ligue des pays arabes : l’Algérie, l’Irak et le Liban ne veulent plus suivre l’Arabie saoudite et le Qatar. Lors de leur dernière conférence qui s’est tenue à Istanbul, les Amis de la Syrie ont reconnu le CNS comme « seul représentant légitime du peuple syrien ». C’est une initiative de l’Union européenne et des États-Unis, tandis que la Turquie et les monarchies du Golfe soutenaient l’ALS. Cette conférence a freiné les plans du Qatar qui devait financer et fournir l’ALS en armes, même s’il continue à essayer de renflouer les rangs des troupes de l’opposition en soldats libyens à travers la Turquie et la Jordanie. La décision de l’intervention n’a pas été adoptée, malgré une forte pression de la part du Qatar. Doha et Riyad ont dû se soumet-
Ces aides soutiennent des entreprises non viables et ne font qu’accroître le retard économique. Une autre manière de réduire les dépenses serait de lutter systématique contre le pillage des biens et la fuite des capitaux, et de mettre l’accent sur la modernisation. L’entretien de 5 kilomètres de route revient 5 fois plus cher à la Russie qu’à la Finlande, son voisin climatique. Il faut noter que le gouvernement à gaspillé beaucoup d’argent dans de gros projets prestigieux et peu rentables comme le chantier des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, qui devrait coûter à la Russie quelque 30 milliards d’euros. Aucun pays n’a jamais dépensé plus de 4,5 mil-
tre faute de pouvoir régler seuls la situation syrienne. Dès lors, les États-Unis et l’Union européenne sont devenus les acteurs principaux dans le règlement de la crise, au dépend de la Ligue des pays arabes. La priorité de l’OTAN, forte de l’expérience libyenne, est de placer au pouvoir en Syrie l’opposition laïque. L’ALS doit devenir le bras armé du CNS, qui devra financer les troupes et les organiser. Mais
Le dialogue est impossible car l’opposition réclame le départ inconditionnel d’el-Assad alors, une montée des tensions est à prévoir entre le chef de l’ALS, Riyad el-Assaad, et le chef du bureau militaire du CNS, le Général Moustapha Al Cheikh. Quant au plan d’Annan, une libération des prisonniers politiques et la création de nouveaux
Depuis le 16 mars, le candidat à la mairie d’Astrakhan, Oleg Cheïn, et ses partisans sont engagés dans une grève de la faim pour protester contre un scrutin qu’ils jugent frauduleux, et qui a été remporté par le candidat du parti du pouvoir, Mikhaïl Stoliarov. Plusieurs personnalités de l’opposition moscovite se sont rendues à Astrakhan pour lui apporter leur soutien. Préparé par Veronika Dorman
Oleg Viouguine est le Président du conseil des directeurs de la banque MDM. Evseï Gourvitch est le Directeur du Groupe d’experts économiques de Moscou. Article publié dans Vedomosti
partis en vue des élections, ne peut être envisageable que si un dialogue s’instaure entre le président et les forces d’opposition. Ce qui ne pourra se faire que si ces dernières reviennent sur leur condition première : le départ inconditionnel d’el-Assad. L’ALS ne semble pas prête à cette concession, surtout au vu du financement promis à la conférence d’Istanbul : 500 millions de dollars par les monarchies du Golfe, 100 millions par Tripoli et les 150 millions « humanitaires » promis par l’Union européenne. Le plan d’Annan est en contradiction totale avec cet important projet de financement qui permettra à chacun de trouver son compte en s’octroyant sa part du gâteau. Le plan de paix est voué à l’échec car ni Assad, ni l’opposition n’y voient aucun intérêt et le sabotent à coups d’accusations réciproques, ce qui rend impossible l’instauration d’un dialogue pacifique. Evguéni Satanovski est le président de L’Institut du ProcheOrient.
Projet de loi homophobe Le Parlement de Saint-Pétersbourg a adopté un projet de loi controversé qui instaure des amendes allant jusqu’à 12 500 euros pour propagande de l’homosexualité et de la pédophilie auprès des mineurs. Le texte va bientôt être soumis au Parlement russe. Ses détracteurs dénoncent le caractère discriminatoire de cette initiative et la définition abstraite du terme « propagande ».
Valentin Guefter
directeur de l’Institut des droits de l’homme
"
Ce n’est pas une loi contre la pédophilie. Il s’agit d’un amalgame mêlant le prosélytisme de formes de comportement sexuel spécifique qui ne sont pas interdites par la loi, à la promotion d’actes criminels contre des mineurs, qui, eux, sont interdits par la loi. Et si ce n’est pas interdit par la loi fédérale, je ne comprends pas vraiment pourquoi il est nécessaire dans la région de lancer des règles aussi vagues ».
Goulnara Soultanova
"
militante
Cette loi ne vise pas à protéger les mineurs. Au contraire, elle pourrait aggraver la situation. D’un côté, elle risque de renforcer l’homophobie et cela peut conduire à la persécution des minorités sexuelles, ce qui à son tour peut provoquer une augmentation des suicides chez les jeunes, sous la pression de la majorité. Les enfants sont très sensibles. En d’autres termes, cette loi délie les mains des homophobes ».
Andreï Kouraïev
archidiacre de l’Église orthodoxe
"
Le but de la loi est de déclarer la position de la majorité morale et de protéger les enfants contre l’influence néfaste [des minorités sexuelles]. Si nous vivons dans un pays démocratique, il est tout à fait naturel que l’opinion majoritaire soit respectée. La loi s’attaque à la promotion de ce genre d’idées. [La possibilité d’abuser de la loi existe], mais on peut faire un usage abusif de n’importe quelle loi ».
Le courrier des lecteurs, les opinions ou dessins de la rubrique “Opinions” publiés dans ce supplément représentent divers points de vue et ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction de La Russie d’Aujourd’hui ou de Rossiyskaya Gazeta.
lu dans la presse les « dissidents » affamés d’Astrakhan
liards d’euros pour la même manifestation. En outre, il conviendrait de ne plus chercher à résoudre les problèmes budgétaires en puisant dans les caisses de l’État. L’exemple des autres pays montre depuis longtemps que seule une restructuration bien menée peut accroître la productivité et actionner les leviers qui la stimulent. Le nouveau programme budgétaire doit respecter trois exigences essentielles : a) « pas de croissance sans réformes » : modifier les mécanismes de fonctionnement du secteur budgétaire en faveur d’un travail plus efficace et ensuite les soutenir financièrement ; b) non pas une augmentation des dépenses mais leur meilleure répartition ; et c) non pas une augmentation des impôts mais une amélioration de leur collecte pour accroître les ressources budgétaires. Bien sûr, il est plus difficile de mener une telle politique que de puiser dans les caisses pour financer des projets grandioses ou satisfaire les besoins sociaux. Mais c’est le seul moyen d’assurer à la Russie une croissance stable.
réactions
Le droit de faim
Mahatma Cheïn
Stop À la clownerie !
Kommersant
gazeta.ru
Snob
Le retentissement de l’affaire d’Astrakhan est inattendu. Une annulation du scrutin remettrait en cause la légitimité des élections fédérales, ce qui voudrait dire que le pouvoir recule. L’une des exigences des opposants est l’accès aux enregistrements vidéos des 200 bureaux de vote d’Astrakhan afin de prouver qu’il y a eu fraude dans au moins un quart des bureaux, ce qui permettrait d’annuler le scrutin, espère-t-on. Mais même quand ils auront récupéré les enregistrements et qu’ils saisiront la justice, Oleg Cheïn continuera de se battre : « Nous arrêterons la grève de la faim quand nous comprendrons qu’il y aura de nouvelles élections municipales ».
Le cas d’Astrakhan teste l’évolution du langage politique en Russie. C’est aussi un test de la capacité de l’opposition à briser la « verticale du pouvoir », qui semble s’acharner à provoquer la désobéissance civile et la résistance pacifique. Cheïn n’exige que l’accès aux éléments qui lui permettront de porter plainte pour fraude. La verticale de Poutine rebute les gens par sa manière agressive et hautaine de s’adresser à la population mécontente. L’attitude du pouvoir donne des raisons à beaucoup de gens de le considérer comme un pouvoir d’occupation. Ce qui va finir par donner naissance à des Gandhi locaux partout en Russie, à Astrakhan, Volgograd et ailleurs.
Je fais la grimace quand j’écoute les interviews de Cheïn. Il a commencé sa grève de la faim avant d’avoir rassemblé les éléments prouvant la falsification des élections municipales et de les avoir portés au tribunal. Mais ne pas manger, se battre, planter des tentes n’a de sens qu’une fois que la justice a refusé de jouer son rôle. Si nous essayons d’ébranler le système à l’aide d’une contestation pacifique, nos actions doivent avoir l’air raisonnable. La clownerie et la déraison, ce n’est pas ce dont nous aurons besoin quand les prisons disparaîtront et que la liberté nous ouvrira ses bras. À moins que nous ne renoncions déjà aux méthodes pacifiques.
Nikita Batalov
Éditorial
Leonid Berchitski
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Culture
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Photographie L’objectif d’Andreï Pavlov scrute la vie des insectes
Le révélateur de la beauté cachée du monde des fourmis
DARIA BOLDAREVA
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Fraîchement diplômé de la faculté arctique de l’Académie de la Marine russe, Andreï Pavlov ne pouvait s’imaginer d’autre avenir professionnel que celui d’explorateur polaire. À l’horizon : expéditions, aurores boréales et icebergs enneigés. Mais le destin en a décidé autrement en
Le courage des mots Voir notre diaporama sur larussiedaujourdhui.fr
une séance photo mise en scène avec des êtres vivants. En réalité, les œuvres d’Antrey ne sont pas vraiment des « macros » à l’échelle classique (1 : 1). Ses photos, ce sont aussi des portraits ou
« Nous pouvons tous apprendre des fourmis : une société qui s’occupe de ses faibles et invalides » des paysages, tandis que les fourmis ressemblent plus à des lilliputiens qu’à des insectes. Les fourmis rouges Formica Rufa, qui vivent dans des fourmilières à 50 mètres de la maison du photographe, sont depuis six ans les personnages principaux de ses photos. « Les fourmis se déplacent strictement sur une trajectoire de travail : on peut s’installer confortablement sur le bord de leur chemin, sans les écra-
Théâtre Un festival dont la programmation illustre l’effervescence des arts de la scène
Le Masque d’Or récompense le meilleur de la création russe Seule la barrière de la langue empêche la très riche scène théâtrale russe de s’exporter plus qu’elle ne le fait. Un festival offre l’occasion de découvrir les nouvelles créations. PAUL DUVERNET
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Si la vie politique peut paraître ennuyeuse ou décevante, c’est peut-être parce que les Russes mettent toute leur énergie et leurs espoirs ailleurs. Dans le théâtre, par exemple. Le Masque d’Or, principal festival des arts de la scène, paraît confirmer cette hypothèse, tant l’effervescence du théâtre russe saute aux yeux. Il prend d’année en année une dimension sans cesse plus internationale, offrant une large sélection d’opéras et de ballets qui tourneront à l’étranger. Le plus prestigieux des festivals russes a remis ses prix le 16 avril sur la grande scène du Théâtre du Bolchoï pour la première fois depuis huit ans. Cinquante-et-un spectacles venant de 13 villes russes se sont les faveurs du jury dans plusieurs compétitions parallèles. Cette année, sur les 183 participants au festival, 16 étrangers ont été sélectionnés, dont la célèbre basse britannique Willard White,
Tchaïka (La Mouette), prix de la meilleure mise en scène pour Iouri Boutoussov.
qui a empoché le prix du meilleur rôle lyrique masculin pour Bottom dans le Songe d’une nuit d’été monté cette année au Mariinski de Saint-Pétersbourg. Pour cette dix-huitième édition du Masque d’Or, 11 opéras étaient en compétition, dont un contemporain, Les Âmes mortes de Rodion Chedrine, d’après le célèbre roman de Gogol. À noter que le Bolchoï de Moscou n’a décroché qu’une seul prix contre trois pour son éternel concurrent, le Mariinski. Le renouveau de l’art lyrique vient de la province de
Kazan, Ekaterinbourg, Astrakhan. Les nominations pour la catégorie ballet restent monopolisées par les deux capitales russes. Seuls les ballets de Perm et de Novossibirsk ont attiré l’attention des sélectionneurs. Très sensibles à la création actuelle, les organisateurs ont ouvert une sélection à part pour la danse contemporaine. Le Bolchoï a pris sa revanche dans le ballet, où il a reçu 5 récompenses,
dont le prix de la critique pour Chroma. Mais c’est la compétition théâtrale qui constitue le centre névralgique du Masque d’Or, d’abord parce que le fondateur du festival, Edouard Boïakov, luimême metteur en scène, y met toute son énergie. Dans la sélection 2012 figurent 17 productions dramatiques, presque toutes d’avant-garde, trois spectacles de marionnettes et quatre autres qui défient toute classification. On retiendra avant tout Le corps de Simone, une pièce du Polon a i s Krystian Lupa basée sur la vie de la philosophe Simone Weil ; File moi du feu, ou la digestion du rock américain par une jeunesse russe déboussolée (prix de la meilleure « expérimentation »; Le cas des mystifications géniales, une satire multimédia très remarquée pour ses innovations scéniques, et enfin Les gelés, (prix du meilleur spectacle dramatique) une pièce politique du romancier Zakhar Prilepine mise en scène par Kirill Serebrennikov, le plus insolent des dramaturges russes. Bref, le théâtre russe rend tout intéressant, même la politique.
ANDREÏ PAVLOV (4)
Andreï Pavlov a consacré sept années de sa vie professionnelle aux insectes sociaux. Il s’est inspiré de l’œuvre romanesque de Bernard Werber, auteur de la trilogie « Les Fourmis ».
mettant un terme à la carrière qui l’avait vu accumuler jours et nuits polaires à la station « Pôle Nord-28 ». Il y a sept ans, une commotion à la colonne vertébrale lui a paralysé les mains et les jambes. La vie d’Andreï a radicalement changé : fini les milliers de kilomètres parcourus auparavant avec aisance. Aujourd’hui, son champ d’observation est distant d’un mètre, deux tout au plus : « J’ai appris à faire de la photo numérique dans ma datcha, sur un mètre carré d’herbe, avec tous ses habitants. J’ai fini par tomber sous leur charme. Ce sont les fourmis qui m’ont permis de ne pas baisser les bras ». « Antrey » (le roi des fourmis en anglais), c’est le surnom d’Andreï sur Internet. Il s’est d’abord rendu célèbre par une série de macrophotographies, « Histoires de fourmis », des scènes où les insectes posaient et exécutaient des actions tout à fait humaines,
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ser et sans se faire piquer. Pour ne pas déranger la circulation du « casting », le plateau est installé sur le sentier ; les flashes, fonds et réflecteurs, montés sur des piquets en fil de fer, sont plantés dans la terre. Quand je n’arrive pas à marcher, je photographie dans mon jardin, je n’ai pas de problème avec les décors et les accessoires. De mai à octobre, je suis à la datcha et je bricole ». Antrey assure qu’il n’est pas difficile d’attirer l’attention d’une fourmi : il suffit de placer devant elle un moulage de proie ou d’ennemi, et le photographe parvient même à diriger une troupe entière de cette façon. Il suffit de convaincre une fourmi d’exécuter une tâche pour que les autres suivent, mais les « acteurs » ne sont pas tous de même niveau : « les boulets et les fainéants » sont écartés. « Il m’a fallu deux ou trois ans pour entrer en contact, la fourmilière m’a montré ce que je pouvais photographier et comment, explique Andreï. Parfois je m’imagine presque qu’elles me reconnaissent… Nous pouvons tous apprendre des fourmis : une société qui s’occupe de ses faibles, invalides et retraités ne peut qu’attirer le respect. En 150 millions d’années d’existence, cette civilisation biologique a développé de nombreuses méthodes de survie écologiquement propres. On ne sait toujours pas laquelle des civilisations, celle des fourmis ou celle des hommes, s’avérera la plus viable ». La principale différence étant que les fourmis ne savent pas détruire.
À L’AFFICHE DEUX RUSSES À PARIS DU 18 AU 22 AVRIL, OPÉRA DE NICE
George Balanchine et Serge Lifar, deux grandes figures de l’art chorégraphique qui ont été élevées dans le sein des Ballets Russes. Chorégraphie aux sons de la musique de Gluck, Tchaïkovski et Lalo. www.opera-nice.org
NA GRANI DU 18 AU 21 AVRIL, BALLET PRELJOCAJ, AIX-EN-PROVENCE
Mickaël Le Mer réunit des interprètes russes avec sa compagnie hip-hop française S’poart pour une aventure humaine et artistique palpitante. Il se nourrit de l’ambiance insolite d’Ekaterinbourg pour mettre en jeu des « travailleurs » de la danse aux prises avec leurs différences et leur envie d’en découdre. www.prelijocaj.org
7ÈME FESTIVAL DE CULTURE RUSSE COSMOS DU 25 AU 28 AVRIL 2012 THÉÀTRE DE L’ATALANTE, PARIS
Un festival musical de quatre jours. Au programme : spectacle Gala-Caprice pour Dali du théâtre de Saint-Pétersbourg et romance tzigane entre autres manifestations. www.infos-russes.com
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TITRE : MANDELSTAM, MON TEMPS, MON FAUVE : UNE BIOGRAPHIE AUTEUR : RALPH DUTLI ÉDITION LE BRUIT DU TEMPS TRADUIT PAR JEAN-CLAUDE SCHNEIDER
« Je n’ai pas envie de parler de moi, mais d’épier les pas du siècle, le bruit et la germination du temps », écrit Ossip Mandelstam dans son premier texte en prose, Le bruit du temps, publié par la maison d’édition qui s’est parée du nom et qui publie en même temps Mandelstam, Mon temps, mon fauve, une biographie. Les deux ouvrages se répondent et font écho à l’indispensable et magnifique Contre tout espoir, premier tome des souvenirs de Nadejda Mandelstam, son épouse, que Gallimard ressort en poche. On y découvre un poète inspiré, brillant théoricien de la poésie, dépeint par ses contemporains comme un original, « un idiot comme… les vrais poètes » (Volochine), une sorte de mendiant céleste sur les lèvres duquel se murmurent des vers, un être doté d’un pessimisme profond et d’une joie de vivre indomptée. Jamais pourtant cet être chétif, malingre, toujours à la recherche d’un toit et vivant d’expédients, ne manqua une occasion de s’opposer à l’arbitraire avec un courage et une intransigeance insensés. Arrêté après la révolution par les Blancs puis par les Rouges, il est sauvé tantôt par ses amis poètes, tantôt par Boukharine. Alors que les autres signent aveux et repentirs, lui s’indigne. Il s’insurge devant l’arnaque des Archives qu’il suspecte de vouloir s’emparer des siennes contre quelques kopecks pour les détruire, gifle un auteur proche du pouvoir ou entre en conflit avec les associations officielles d’écrivains dont on le sait, la survie et la vie même des auteurs dépendait. Jusqu’à la fin il écrira ce qui chante et sourd en lui, mais aussi ce qu’il doit écrire, jusqu’à l’épigramme sur Staline qui lui vaudra le camp et la mort. Pasternak, qui lui avait dit un jour : « J’envie votre liberté, chuchote, épouvanté, à l’écoute de l’épigramme fatale : Je n’ai rien entendu, vous n’avez rien récité… ». C’est lui qui intercédera en sa faveur à deux reprises, permettant aux époux, relégués dans un sombre village de l’Oural, quelques années de répit à Voronej. Incapable du moindre compromis, Mandelstam ne sait ni hurler avec la horde, ni galvauder sa poésie pour glorifier la révolution, ni renier ses amis. Doté d’une clairvoyance qui lui sera fatale, il écrivait : « Nous mourrons comme meurt la piétaille/ Mais nous ne chanterons ni le pillage, ni la corvée, ni le mensonge ! » (Minuit à Moscou, 1931). Christine Mestre
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Loisirs
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO
Découverte Comment passer une journée en URSS sans quitter le centre de Moscou
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À la recherche du temps soviétique reconstitué
Le parc VVTs à la gloire des réalisations économiques de l’URSS fait partie des sites incontournables de la capitale.
Le matin, le brouillard au-dessus de la Moskova est tellement épais qu’on discerne à peine les pointes des gratte-ciels staliniens, sans parler des sculptures du parc « Muzeon », sur le Krymsky Val (station Park Koultoury). Dans la brume laiteuse flottent un Lénine dans six versions différentes, un Staline menaçant au nez écaillé… Toutes ces statues ont un jour orné les places centrales de la capitale. Après les événements de 1991, la municipalité a décidé de déplacer les monuments, devenus obsolètes, sur le KrymskyVal. Le « Muzeon », c’est un réservoir de témoins de l’époque soviétique, un asile pour statues sans domicile fixe. Aujourd’hui, la collection du musée compte près de 700 sculptures de pierre, bois, bronze et autres matériaux. La plus célèbre est le « Félix de Fer », un monument à la gloire du révolutionnaire Félix Dzerjinski, qui s’élevait jadis sur une place éponyme, en face du KGB (dont Dzerjinski a été le fondateur). Après la chute de l’URSS, la place a retrouvé son nom prérévolutionnaire, Loubianskaïa, tandis que le bâtiment du KGB abrite depuis 1984, sur ordre personnel d’Andropov, une salle du KGB soviétique, ouverte au public depuis 1989 sous le nom de « Musée du FSB » [services secrets russes, successeurs du KGB, ndlr] (station Loubianka). Le Musée relate l’histoire cachée du pays, depuis la lutte des premiers espions russes contre le joug tatar-mongol, jusqu’aux arrestations d’agents et à la coopération avec les services secrets étrangers reflétée dans des documents déclassifiés très récemment. Les maquettes de bombes et de caméras dissimulées dans
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la russie d’aujourd’hui
Itinéraire station par station
Avec la fine chair des crabes de Vladivostok Jennifer Eremeeva
SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Mon mari russe s’en sort très bien pendant les fêtes nationales, qui sont fréquentes en Russie. Il occupe un poste assez élevé dans un organisme public et reçoit en conséquence une multitude de cadeaux, dont des présents comestibles. Il y a les habituels bouteilles de cognac et whisky de luxe, ou du chocolat. Mais une nouvelle tendance est apparue ces derniers temps. On offre désormais de la viande et du poisson, du bœuf de Kobé, du saumon fumé délicat et autres mets raffinés. Mon mari rapporte ces tributs à la maison avec un air de chasseur, m’obligeant à me lancer dans une course contre la montre. Ce fut le cas avec ce large bocal de chair de crabe fraîche du Kamtchatka, offert par un associé de Vladivostok. Dans une capitale sans débouchés sur la mer, on oublie souvent que la Russie dispose d’une côte immense sur le Pacifique, mais un kilo de chair de crabe ravive la mémoire, et l’annonce que l’auteur du cadeau venait dîner m’a plongée dans une enquête effrénée sur les possibilités d’accommodement du crabe. Il fallait préparer quelque chose d’exceptionnel. J’ai épluché mes livres de cuisine en vain. J’ai fini par trouver une mer-
Ingrédients :
Le tramway « Annouchka », nommé ainsi en hommage à un personnage du roman de Boulgakov, Le Maitre et Marguerite, jadis interdit par Staline. Le tramway circule dans le centre historique de Moscou en proposant trois circuits différents. Le plus prisé va de la Oktiabrskaïa jusqu’à Tchistye Proudy.
Le Musée des jeux électroniques À l’époque soviétique, les jeux électroniques étaient assemblés dans les usines d’armement. 22 usines militaires dans toutes l’URSS œuvraient au bonheur des enfants. Les premières machines coûtaient cher, presqu’autant qu’une voiture. Le musée est une véritable machine à remonter le temps. Les Russes peuvent re-
tomber dans leur enfance de pionniers, de colos d’été au bord de la mer Noire et de distributeurs automatiques d’eau gazeuse. Un spécimen est installé à l’entrée du musée : il suffit d’échanger à la caisse 0.75 euros pour trois kopecks soviétiques et le verre rempli à ras bord de mousse sucrée est à vous (station Baoumanskaïa).
500 g de chair de crabe fraîche nettoyée • 1 botte de poireaux, finement hachés • 1 échalote finement hachée • 125 ml de vin blanc sec • 200 g de petits pois congelés • 5 ml de zeste de citron râpé • 30 ml de jus de citron pressé • 60 ml de coriandre frais haché • 200 ml de béchamel • 200 ml de crème fraîche épaisse • 30 ml de beurre • 150 g de gruyère râpé • Sel, poivre.
Préparation
1. Beurrez l’intérieur de six ramequins individuels ou d’un plat à tarte peu profond. 2. Faites fondre 15 ml de beurre dans une casserole à fond épais, jusqu’à ce qu’il crépite. Ajoutez un tiers des poireaux et l’échalote, faites sauter 2-3 minutes. 3. Ajoutez délicatement la chair de crabe et faites sauter deux minutes. Ajoutez le jus de citron, le vin blanc, le zeste, et remuez délicatement encore deux minutes. Retirez du feu et laissez de côté. 4. Préchauffez le four à 220 C° et placez la grille un peu audessus du milieu du four. 5. Replacez la casserole avec le crabe sur un feu doux. Quand elle s’est réchauffée, augmentez un peu le feu, ajoutez la crème
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16 Mai
veilleuse solution dans la cuisine russe classique : la julienne, rencontre entre une ligne traditionnelle et des idées novatrices sur les manières de servir le crabe. La julienne, ce sont des légumes (des champignons le plus souvent), ou des morceaux de viande, légèrement sautés dans de la crème fraîche épaisse, recouverts de fromage et gratinés. La julienne est généralement servie dans de petits récipients individuels, en aluminium, ou des ramequins. Entre la tarte et les zakouski salés qui inaugurent un dîner russe traditionnel, et les viandes en sauce avec les légumes tubéreux, la julienne est servie seule, telle un cessez-le-feu temporaire entre les deux titans de la table russe. C’était une occasion parfaite pour mettre en valeur le crabe du Kamtchatka, assorti de pois, poireaux, zeste de citron et coriandre : des saveurs croquantes et nettes, faire-valoir idéal pour le crabe relevé et la sauce crémeuse. J’ai mangé beaucoup de juliennes sans jamais en avoir préparé moi-même. J’ai été ravie de découvrir que la préparation est non seulement facile, mais peut être faite à l’avance et terminée juste avant de la servir, dorée au sortir du four. On peut faire une julienne avec presque tout : poisson fumé, viandes, champignons, asperges ou autres légumes.
Julienne de crabe
service de presse
Daria gonzales
des cannettes de bière et des paquets de cigarettes incitent à jeter involontairement des regards méfiants autour de soi, à s’effacer derrière les lourdes portes et à éviter de passer trop près des grosses valises - on ne sait jamais ! Ancien parc d’exposition agricole, le site de l’Exposition des réalisations de l’économie nationale de l’URSS (VDNKh, aujourd’huiVVTs) avait été aménagé sous Khrouchtchev à la gloire des réalisations économiques, scientifiques et technologiques du pays. C’était l’une des principales attractions touristiques de la ville à l’époque. Le centre historique de Moscou regorge d’établissements évoquant cette époque, comme le « Fast-Food stalinien », un bistrot de style pseudo-soviétique, ou ces authentiques cafés offrant pelmeni et boissons alcoolisées. La nostalgie n’ira pas jusqu’à attaquer la journée à la vodka : mieux vaut se rabattre sur la kacha de semoule de blé, le petit-déjeuner des enfants à l’ère soviétique ; le café « Les Enfants du Paradis » (station Arbatskaïa) affiche un menu typique : dix variétés de kompot, des soupes maison et une kacha de semoule sans grumeaux. « À bas l’esclavage en cuisine ! », clame une affiche soviétique représentant une ménagère révoltée à l’entrée de la tchebouretchnaïa « Le temps soviétique » (station Kourskaïa). Et de fait, les cuisiniers et les serveurs ici sont tous masculins. On trouve les meilleurs tcheboureki (petits pâtés d’Asie centrale à la feta) de tout Moscou au 50 de la rue Pokrovka, sans parler d’une bière tentante et d’un assortiment d’eaux gazeuses soviétiques aux couleurs de l’arc-enciel, le tout à des prix alléchants. De vieilles radios ornent les rebords des fenêtres, des chansons rétro tournent en boucle et les murs sont décorés d’affiches de citations des dirigeants soviétiques. Et l’on peut fumer partout, comme au bon vieux temps !
kommersant
Même si la capitale russe affiche sa modernité et sa vocation de grande métropole commerciale, elle regorge de recoins où le passé soviétique offre au visiteur un voyage nostalgique.
« Muzeon » est un parc abritant les sculptures bannies des avenues centrales où elles trônaient autrefois.
recette
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fraîche, la moitié de la sauce béchamel, les pois et le reste des poireaux. Mélangez délicatement et laissez chauffer 2-3 minutes. Ajustez l’assaisonnement avec sel et poivre. 6. Divisez le mélange de crabe entre les six ramequins et recouvrez avec le reste de la béchamel. Saupoudrez chaque ramequin de fromage râpé et d’un peu de poivre noir. (Vous pouvez laisser la julienne de côté jusqu’à quinze minutes avant de passer à table. Réfrigérez s’il s’agit de plus d’une heure et laissez réchauffer jusqu’à température ambiante avant de placer au four.) 7. Enfournez pour quinze minutes, jusqu’à ce que le fromage soit gratiné et que le contenu mijote. 8. Garnissez de coriandre fraîche et servez immédiatement. Autres recettes sur larussiedaujourdhui.fr