La Russie d'Aujourd'hui

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Histoire d'un vétéran russe en Belgique Ivan Bachkatov s'est battu aux côtés des résistants belges pendant la Seconde Guerre mondiale. P. 7

Le cinéma russe sort du brouillard

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« Fond Kino » cherche une stratégie pour mieux exporter les films russes en Europe. P. 7

Produit de Russia Beyond the Headlines

Ce supplément est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Moscou, Russie) qui assume seule l'entière responsabilité de son contenu Mercredi 2 mai 2012

SPORTS

Médias Dernière décision de Dmitri Medvedev : la création d’une télévision "publique"

Contrôle relâché sur le petit écran

Grandes ambitions londoniennes

Le Kremlin voit la nécessité de créer une chaîne de télévision indépendante à la fois du contrôle de l'État et des actionnaires privés. Une troisième voie est-elle possible ? ALEXANDRE VOSTROV

Alors que les Jeux Olympiques approchent à grands pas, nous sommes allés à la rencontre de quatre sportifs russes de haut niveau et issus de l’immigration. Ces sportifs, qui se sentent russes à part entière, ont toutes les chances de faire partie cet été à Londres d’une délégation nationale symbole de diversité. Ils nous parlent de leur pays, de leur identité et culture russes ainsi que de leurs ambitions pour Londres. PAGE 8 © REUTERS/VOSTOCK-PHOTO

OPINIONS

cé par l’État et remplacera la chaîne du ministère de la Défense. Selon le député communiste Oleg Koulikov, « le critère principal d’une télé publique est la diversité des points de vue. Or, il apparaît clairement que cette

chaîne ne présentera le point de vue que d’un unique parti. En gros, on aura affaire à une chaîne d’État de plus ». Une question d’un autre ordre tracasse le représentant du Parti pirate russe, Stanislav Chakirov : « La chaîne publique génèrera une vision pro

gouvernementale, c’est évident. Par contre, les auteurs du projet ne semblent pas certains des programmes qu’ils vont proposer aux téléspectateurs. Il est question de diversité mais rien de concret n’est avancé. Pour une chaîne avec un tout nouveau format, il faut

des programmes innovants et intéressants, différents de ce que proposent les autres chaînes. Or, ça semble compromis, ce concept est trop créatif pour nos fonctionnaires ». SUITE EN PAGE 2

Tendance Le monde des entreprises russe se féminise lentement

PHOTO DU MOIS

La femme d'affaires monte en puissance

Les chevaux d'honneur

NATASHA DOFF

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THE MOSCOW NEWS

Olga Dergounova, ex-présidente de Microsoft Russie.

Même la langue russe fait barrage : le terme « businesswoman » n’a pas fait son trou dans le vocabulaire. On commence tout juste à entendre le suffixe « -ka » collé à « businessman », ce qui crée un hybride signifiant « homme d’affaires féminin ». Mais une liste récente des 100 femmes les plus influentes de Russie, compilée par la radio Écho de Moscou et d'autres médias, montre des leviers de l’économie plus souvent qu'on ne le pensait en des mains féminines. Noyées dans le groupe habituel des popstars, des « people » et des militantes, figurent 24 femmes d’affaires dont les états de service sont truffés de postes de haut niveau et de réalisations majeures. SUITE EN PAGE 3

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© RAMIL SITDIKOV_RIA NOVOSTI

Une membre de l'équipe conjointe de l'Escorte de la cavalerie d'honneur du Régiment présidentiel et de l'École d'équitation du Kremlin. L'équipe participera aux célébrations de l'anniversaire du couronnement de la Reine du Royaume-Uni Elisabeth II.

Smolensk en tête

Le ministre des situations d'urgence, Sergueï Choïgou, a été nommé gouverneur de la région de Moscou. Il devra très rapidement mettre en place un partenariat avec la capitale.

Le programme économique prévoit la construction de nombreuses infrastructures pour stimuler la diversification industrielle.

À la frontière Occidentale du pays, Smolensk a protégé la Russie des envahisseurs à de multiples reprises durant la longue histoire du pays. Elle offre aujourd'hui un profil reposant.

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Construire pour relancer

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EN LIGNE SUR

LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE

Un gouverneur d'urgence

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Le politologue russe Fedor Loukianov analyse les relations personnelles de Vladimir Poutine avec les dirigeants européens et leur impact diplomatique. Il en ressort que le pragmatisme l'a emporté sur les affinités.

© NIIAZ KARIM

En 20 ans de courte histoire, le secteur entrepreneurial privé est resté largement dominé par les hommes en Russie. Les femmes s’y taillent pourtant une place grandissante. Fini le monopole.

Les années 90 ont connu, en Russie, une économie de marché dominée par les guerres tribales masculines, et le club d’oligarques qui règne depuis lors sur le monde des affaires semble réservé aux hommes.

L'ère des amitiés personnelles est révolue

Avant même son lancement, l'opposition a est déjà convaincue que la télévision publique sera favorable au pouvoir.

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De toute évidence, les chaînes d’État ne répondaient plus aux besoins d’information toujours croissants de la classe moyenne. Dans le meilleur des cas, elles proposent aux téléspectateurs de la propagande pure et dure, calquée sur le modèle soviétique. Pire : cette propagande est mal fabriquée. Ces chaînes d’État évitent les informations embarassantes pour l'État, comme la falsification du résultat des élections. À l'autre extrémité, il y a des médias indépendants comme la chaîne Dojd’ (Pluie), qui évoquent les scandales, mais leurs moyens limités les empêchent d’accorder suffisamment d'attention à la vérification des informations. Ce projet de télévision publique semble être une concession du pouvoir à l’opposition. Instituée en vertu d'un décret signé par le président sortant Dmitri Medvedev, la télévision publique a toutefois provoqué des réactions très négatives de l’opposition. Car le diable est dans les détails. Cette télévision publique n’en aura que le nom. Son président et le rédacteur en chef seront désignés par le président russe, ainsi que les membres du comité de surveillance. Le projet sera finan-

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SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

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Politique

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.BE Supplément réalisé par Rossiyskaya Gazeta et distribué avec

Une télévision publique pour la Russie ? Sondage

80%

3%

14%

2%

Le mécanisme de financement soulève beaucoup de questions. suite de la premiÈre PAGE

Les professionnels de la télé partagent le mécontentement de l’opposition. Selon les journalistes, beaucoup de points du projet restent flous. Par exemple, la question du budget. L’un des initiateurs du projet, chef du conseil présidentiel pour le développement de la société civile et les droits de l’Homme, Mikhaïl Fedotov affirme que la taxe doit être de 11 euros par famille qui désire y souscrire. Il est clair que la somme récoltée sera infime et ne suffira pas à faire vivre la chaîne. Bien sûr, dans le monde, il existe des chaînes qui coûtent encore moins, 6 cents pour la chaîne américaine C-SPAN. Mais, elle ne prétend à aucune originalité, elle ne fait que diffuser les assemblées du Congrès, ce qui ne coûte presque rien. Bien sûr, il est possible d’augmenter la cotisation, mais cela

risque de faire perdre des spectateurs, et cela entraîne un engagement supplémentaire vis-à-vis de l’audience. Le rédacteur de www.bbcrussian.com, Artiom Liss souligne : « Au Royaume-Uni, ils ont une redevance, la « Tv licence ». Les britanniques paient la BBC de leur poche et de ce fait la structure est tout à fait transparente.Vous pouvez consulter le site et voir combien la chaîne a payé les services du rédacteur en chef, par exemple. Je doute fort qu’en Russie, un tel système de compte rendu public puisse vraiment marcher efficacement ». Autre point faible : les délais. Pedchenko, rédacteur-en-chef du département international de RBK-TV, considère qu’il est tout simplement impossible d’assurer des programmes de qualité dans des délais si courts (le lancement de la chaîne est prévu pour le 1er janvier 2013). « Je pense qu’au début, la chaîne pourra assurer

© fotoimedia

© vladimir pesnia_ria novosti

se mettant d’accord au préalable sur ce qu’ils souhaitent voir. Mais les blogueurs russe rétorquent que si les gens obtiennent l’informaLa télévision est-elle pour vous une tion sur Internet, ils n’auront donc pas besoin d’une chaîne télé. source importante ou pas très imLes auteurs du projet font face portante d'information politique ? aux critiques en avançant que la télévision publique russe est avant tout une plate-forme libérale de dialogue. Les programmes suivront. Mais, ils tentent habilement de contourner la question du financement par l’État et de la politique de l’information de la chaîne. Le député de Russie Unie, Importante Sergueï Jelezniak affirme : « Oui, le rédac chef sera désigné par le président. Mais ça ne veut pas dire que l’État décidera de ce qui passera à l’antenne. La grille des programmes sera définie en fonction des préJe préfére férences de la population d'autres sources que nous évaluerons grâce Pas trés à un système de mesure importante d’audimat. Ce type de projet est nouveau et nous restons en constante recherche ». La création de cette chaîne représente une tentative suppléSans réponse mentaire de l’État de créer un organisme auto suffisant. Qui devra selon le Centre national de la recherche de l'opinion publique se débrouiller pour trouver des pour 2011 financements. Et surtout, dont la réalisation devra ébranler la mentalité des Russes. La télévision publique est vouée à réanimer la La télévision publique conscience des Russes atteinte par doit réanimer une des dizaines d’années de propapopulation engourdie gande, réveiller leur esprit critipar des décennies de que et leur capacité à analyser l’information. propagande Il faut souligner que la Russie 3-4h d’antenne par jour. Le reste a déjà eu sa chaîne publique. Elle du temps sera comblé par des re- s’appelait alors Obshestvennoe diffusions ou bien des documen- televidenie Rossii ou ORT (Télétaires rachetés au rabais. Si l’on vision publique de Russie). Sa en croit ces délais, les gens à l’ori- création a été entérinée par Eltgine de ce projet ont une vision sine en 1994. Mais son existence très approximative de ce genre fut brève : assassinat du direcde chaîne et de son fonctionne- teur général, changement de poument. Pour eux, le principal est voir et passage au statut de chaîde « réaliser le plan ». Évidem- ne commerciale. Aujourd’hui , elle ment, dans ces conditions, il ne est devenue Pervyi canal (Premièpeut pas être question de qualité re chaîne), un exemple flagrant de « propagande d’État ». Cette des programmes ». Le député Dmitri Goudkov par- nouvelle chaîne publique réussitage cet avis mais il propose une ra-t-elle a apporter quelque chose solution. Son idée : que les télés- de neuf ou bien viendra-t-elle pectateurs potentiels mettent en grossir les rangs serrés des chaîcommun les moyens pour créer nes officielles ? Réponse le 1er janleurs émissions sur Internet, en vier.

Justice Derniers gestes de bonne volonté

Âgé de 58 ans, Sergueï Mokhnatkine a purgé deux 2 années de prison

Amnistie d'un symbole de l’opposition Le président Dmitri Medvedev a gracié un homme devenu une icône de l’opposition pour avoir été emprisonné sous un chef d'accusation contestable. Humanisme ou manoeuvre ? Alexander Bratersky the moscow times

Sergueï Mokhnatkine a purgé deux des 2,5 années de prison auxquelles il avait été condamné pour s’être interposé devant un policier qui bousculait violemment une dame âgée lors d'une manifestation de l'opposition en décembre 2009 à Moscou. Medvedev a gracié Mokhnatkine ainsi que 13 autres personnes, précisant que sa décision était basée sur des « principes d’humanité ». Des experts y voient plutôt une manoeuvre du président sortant. Le nom de Mokhnatkine figurait dans une liste de prisonniers soumise à Medvedev par des défenseurs des droits de l’Homme jugeant que leur détention était abusive. Cette liste contenait 40 noms, dont celui du fondateur de Ioukos Mikhaïl Khodorkovski et de son associé Platon Lebedev. À part Mokhnatkine, aucun autre prisonnier repris dans cette liste n’a été libéré. Les prisonniers graciés sont pour la plupart incarcérés pour des délits ordinaires. Mokhnatkine affirme qu’il ne participait pas à la manifestation du 31 décembre 2009, mais qu’il passait simplement par la place Trioumphalnaïa lorsqu’il a vu un

policier tabasser une dame âgée et a décidé de s’interposer. Selon la police, l’agent en question aurait eu le nez cassé dans l’incident. Jeté en prison, Mokhnatkine devient pour l'opposition un symbole de la lutte pour la défense des droits de l'Homme. L’amnistie de Mokhnatkine a suscité des réactions mitigées parmi les défenseurs des droits de l’Homme, qui accusent le président sortant d’utiliser cette affaire pour redorer son image et dissimuler les autres abus commis à l’encontre des droits de l’Homme. « C’est une opération de relations publiques », estime Pavel Saline, analyste au Centre de conjoncture politique russe. « Cette personne a perdu deux ans de sa vie, et son cas ne sera jamais réexaminé », ajoute Saline. Il note aussi que Medvedev n’a pas gracié Taïssia Ossipova, femme d’un activiste emprisonnée pour trafic de stupéfiants, une accusation qui serait fabriquée de toutes pièces. En février, la condamnation d’Ossipova avait été annulée et son affaire renvoyée devant le tribunal sur l'ordre de Medvedev. Le défenseur des droits de l’Homme Lev Ponomariov indique quant à lui que Mokhnatkine n’était pas « un prisonnier idéologique ». « Il n’était pas critique envers les autorités, mais a quand même été puni. C’est en quelque sorte un dommage collatéral », a expliqué Ponomariov.

Régions Sergueï Choïgou, un poids lourd de la politique russe prié de quitter son ministère pour s'atteler au poste de gouverneur

Nouveau gouverneur de la région de Moscou, l’ancien ministre des Situations d’urgence, Sergueï Choïgou, se lance dans une mission qui va requérir aussi des nerfs d’acier. Roman Vorobiev

La russie d’aujourd’hui

La nomination du ministre des Situations d’urgence Sergueï Choïgou, 56 ans, au poste de gouverneur de la région de Moscou, a nourri les rumeurs durant plusieurs semaines. L’affaire a fait d'autant plus grand bruit que durant 21 ans, Choïgou était auréolé du titre de sauveteur national numéro un. Ses apparitions télévisées sur les lieux des catastrophes lui ont

valu une popularité sans pareille parmi les ministres. Son manque d’expérience dans l’administration régionale n’a pas rebuté les députés, qui ont immédiatement entériné sa nomination par le président Medvedev le 5 avril. Choïgou prendra ses fonctions le 11 mai. La presse russe n’a pu s’empêcher de relever le côté symbolique, voire ironique, de ce choix. « Le Podmoskovié, c’est en soi une vaste zone de catastrophe. Il va falloir tout remettre à neuf : le système administratif, rongé par l’incompétence et la corruption, les finances au bord de la faillite, l’infrastructure à moitié détruite... », voilà où en est la région selon le journal Ogonek,

pourtant proche du pouvoir. Le politologue Alexeï Moukhine voit pour sa part Choïgou entamer « la mise en place de la verticale du pouvoir, un nettoyage administratif et, probablement, des poursuites pénales ». Selon les experts, Choïgou a deux atouts majeurs en sa faveur : sa popularité et le soutien du Kremlin. « Pour un gouverneur, il est essentiel de savoir résister à la pression fédérale. Sergueï Choïgou est un homme politique de niveau fédéral, qui a un accès direct à Poutine, Medvedev et consorts », explique le politicien libéral Boris Nadejdine. Le Kremlin voit en lui non seulement quelqu’un de compétent, mais surtout de loyal. Il n’est

© sergei guneev_ria novosti

La région de Moscou est en situation d’urgence

Les atouts de Choïgou sont sa popularité et le soutien du Kremlin.

Le temps presse pour un partenariat villerégion confronté au projet d’expansion de la capitale

pas exclu que l’objectif aille audelà du « sauvetage » de la région. Il s’agit aussi du projet Medvedev de doubler la superficie de Moscou, un énorme chantier visant à accueillir les locaux administratifs gouvernementaux et fédéraux. Or Choïgou, à peine

nommé à son poste, a provoqué une polémique en suggérant que la capitale russe soit carrément transférée en Sibérie... Et de s’interroger à voix haute : « Pourquoi impérativement accroître l’étendue de la capitale ? » Au risque d’attiser les spéculations sur un conflit imminent avec le maire de Moscou, Sergueï Sobianine. Or, il reste peu de temps pour établir un partenariat solide entre Moscou et sa région. La réalisation du projet d’expansion de la capitale est officiellement prévue entre le 1er juillet et la fin de l’année. La planification définitive du déménagement des fonctionnaires dans leurs nouveaux bureaux est en cours. Reste la question des habitants de la région et de leur avis sur ce « chantier » majeur. Selon la société de sondage AMR, la population locale est partagée à parts égales entre partisans et opposants. Choïgou saura-t-il faire pencher la balance du bon côté ?

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Dossier

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Les entreprises se féminisent

fondé avec son mari Kaspersky Lab, une entreprise de classe mondiale dans le domaine de la sécurité informatique. Mme Kasperskaïa, qui dirige actuellement sa propre société, InfoWatch, est souvent citée comme l’illustration même du potentiel de la Russie dans le secteur de la haute technologie à l’échelle mondiale. D’autres femmes d’affaires occupent des postes élevés au sein de grandes entreprises russes, mais ont une faible présence médiatique et sont rarement considérées comme le visage des entités où elles exercent leur savoir-faire. C’est le cas de la directrice adjointe de Sberbank, Bella Zlatkis, l’une des fondatrices de la bourse MICEX qui négocia la restructuration de la dette russe lors de la crise de 1998. Olga Dergounova, classée 37ème de la liste, a figuré à deux reprises dans le classement établi par

Natalia Kasperskaïa, 46 ans. Ex-présidente de l’éditeur d’antivirus russe Kaspersky Lab. Depuis 2007, propose ses propres produits en matière de sécurité informatique.

le Wall Street Journal des meilleures dirigeantes européennes, pour sa gestion de Microsoft Russie et son rôle actuel au sein du conseil d’administration de la banque VTB. Selon une étude sur les perspectives de carrière féminines réalisée en 2011 par la société d’audit internationale PriceWaterhouse Coopers, les Russes se révèlent très performantes mais atteignent rarement le sommet de la hiérarchie des entreprises. L’étude a fait ressortir le fait que 91% des fonctions de chef comptable étaient occupées par des femmes, alors qu'elles ne représentaient que 6% des postes de PDG : comme quoi les femmes peuvent avoir de grandes compétences sans viser les plus hautes responsabilités. Mme Panfilova en conclut que le rôle des femmes dans l’entreprise ne fait que refléter la perception de leur rôle dans la société :

ENTRETIEN AVEC OLGA SLOUTSKER, FONDATRICE DE WORLD CLASS

Le beau parcours de la reine des clubs de gym

BIOGRAPHIE

© SERVICE DE PRESSE

Pouvez-vous raconter le début de votre carrière dans les affaires ? Je n’avais jamais pensé devenir une femme d’affaires. C'est arrivé par accident. En tant qu’athlète professionnelle, je me suis entraînée toute ma vie dans des salles de sport non chauffées ou étouffantes et à l’étroit. Lors de vacances en Espagne, j'ai suivi un cours d’aérobic dans le club de mon hôtel, et j’y ai vu des gens s’amuser en faisant des exercices dans une belle salle et en musique. Moscou ne comptait pas de clubs de ce type. Je me suis dit qu’il fallait tenter ma chance. Avec mon mari, nous avons trouvé un site et avons tout monté, de nos propres mains. Mon époux a investi 300 000 euros dans l’affaire.

NÉE À : LENINGRAD ÉTUDES : ÉDUCATION

Commentvotreinitiativea-t-elleété accueillie ? Les journalistes m’ont harcelée de questions, du style : comment allait-on pouvoir vendre de l’exercice physique ?

Vos tarifs étaient exorbitants… Certes. Mais il n’y avait aucune concurrence, nous étions tout seuls. Et les gens étaient prêts à payer le prix fort pour un club de sport au centre de Moscou avec de nombreuses salles, des cours d’aérobic et un équipement qu’on ne trouvait nulle part ailleurs.

Qui étaient vos premiers clients ? Les gens les plus fortunés. Des stars du cinéma, des célébrités du showbiz, des hommes d’affaires, journalistes célèbres, politiciens...

Quand avez-vous atteint votre seuil de rentabilité ? Très rapidement. La situation était très différente en 1993, nous sommes devenus rentables en moins

PHYSIQUE

Olga Sloutsker a commencé l’escrime à l’âge de 11 ans et l’a pratiquée 12 ans au sein de l’équipe de Léningrad (St-Pétersbourg), finissant « maître » de la discipline. En 1993, elle a ouvert World Class, le premier club de gym en Russie. Aujourd’hui, il en existe 37 dans le pays et la Communauté des États indépendants. Des formules plus abordables ont ensuite été lancées.

d’un an. J’avais une équipe merveilleuse, mais je ne pouvais pas promouvoir tous mes employés. Je ne voulais pas les perdre non plus. C’est alors que nous avons décidé d’ouvrir un deuxième club World Class. Et puis, ça s’est emballé : les nouvelles offres pleuvaient. Nous avons vendu des franchises et aujourd’hui le groupe est présent dans 15 villes. Comment expliquez-vous que des femmessoientàl’origineduconcept des clubs de gym en Russie ? Peut-être que les hommes russes hésitent à prendre le temps de construire quelque chose à partir de zéro. À l’époque, la privatisation des grands secteurs indusriels faisait qu’on pouvait acheter un champ de pétrole ou une grosse usine sans trop d’effort. Les hommes ont choisi cette voie. World Class fut notre première entreprise. Puis nous avons décidé d’en créer une autre, Planeta Fitness, proposant des tarifs plus abordables et rejointe par une partie de mon personnel. Une troisième chaîne a été créée par la femme de mon directeur des ventes. Il ne s’agit pas tant d’une initiative féminine que d’un réseau féminin lancé par World Class. Nous avons travaillé dur, vivant selon nos moyens - ce qui est typique pour une femme. Nous avons en réalité importé cette industrie en Russie. Propos recuillis par Vladimir Rouvinsky

Au secours des jeunes mères

« Parfois, les femmes préfèrent tout simplement garder un profil bas. N’oublions pas que la plupart d’entre elles sont aussi des mères de famille et n’ont tout simplement pas le loisir de faire leur propre promotion. Le temps qu’y consacrent les hommes, les femmes le passent à la cuisine ». Article déjà publié dans The Moscow News

Le bureau d’EGIDA est caché dans une arrière-cour de Saint-Pétersbourg. Depuis 2005, Elena Plechko, une jeune femme de 28 ans, y tient une permanence téléphonique pour les personnes licenciées du jour au lendemain. « La plupart d’entre elles ne connaissent pas leurs droits », souligne la juriste. Il est donc particulièrement important à ses yeux qu’il existe un centre d’écoute sur lequel ces personnes puissent compter. Depuis 2008, Elena consacre la majeure partie de son travail aux femmes enceintes et aux jeunes mères. D’après la loi, les femmes disposent de 70 jours de congé prénatal et de 70 jours de congé postnatal avec maintien de leur salaire dans son intégralité. Ensuite, pendant les 15 mois de congés suivants, elles perçoivent 40% de leurs émoluments. Si les employeurs réticents à financer un congé maternité, c’est une nette diminution de la responsabilité sociale. À Saint-Pétersbourg, un tiers des mères ne sont pas mariées et nombreuses sont les célibataires. L’allocation parentale assure à ces femmes un revenu d’existence, selon Plechko. Et EGIDA intercède devant les tribunaux pour que ces ressources leur soient effectivement versées. L’année dernière, il y a eu 16 cas litigieux et l’organisation a gagné 13 des procès qu’elle a dû engager.

Des affaires aux affaires : détour par la politique Ancienne figure de l’opposition libérale, Irina Khakamada est aujourd’hui consultante en psychologie des affaires : pour elle, les Russes ont de réelles difficultés à communiquer. VLADIMIR ROUVINSKY

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Irina Khakamada, qui fut jadis chef d’entreprise, vice porte-parole et députée à la Douma, est aujourd’hui retirée de la politique. Elle propose des stages en psychologie pour apprendre aux Russes à réussir dans les affaires. Le cycle de formation commence par l’art de la négociation. « En affaires, 80% de la réussite dépend du dialogue. Et c’est justement là que les Russes ont de grosses lacunes. Nombre de contrats échouent par suite de carences en communication », explique Irina. Celle que la presse internationale a classée en 1995 parmi les cent femmes politiques les plus célèbres du XXIe siècle, pense que la culture du dialogue est inexistante en Russie. Après des études en économie, dans les années 90, Khakamada s’essaie aux affaires ; puis en 1997, elle entre au gouvernement pour contribuer au développement des entreprises. Forte de son expérience après avoir quitté la vie publique, elle publie Le sexe et la haute politique, un guide s’adressant aux femmes indépendantes. « Ce n’est pas un livre sur la discrimination à l’égard des femmes, il est plutôt question de la discrimination contre une personne ordinaire qui essaie d’agir honnêtement dans le milieu de la grande politique, commente l’auteur. Si les femmes réussissent mieux dans les négociations, c’est qu’elles sont moins ambitieuses, trouvent plus facile-

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La sphère des affaires au féminin

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Valentina Matvienko, 62 ans. 4ème présidente du Conseil de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie. De 2003 à 2011, elle a été gouverneur de SaintPétersbourg.

Polina Deripaska, 32 ans. Dirige Forward Media Group. Fille de Valentin Ioumashev, qui fut conseiller et gendre de Boris Eltsine, le premier président russe.

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« Un proverbe russe dit que derrière tout homme qui réussit, il y a une femme à poigne », rappelle Elena Panfilova, directrice générale du bureau russe de Transparency International, qui est 67ème de la liste. « Les 24 femmes d’affaires de ce classement ne représentent que celles qui sont visibles. Mais dans les coulisses, les femmes jouent également un rôle important : la moitié des grands avocats, des chefs comptables et des directeurs financiers dans les grandes entreprises de Russie sont des femmes ». La liste est composée de personnalités diverses représentant un large éventail de secteurs traditionnellement masculins tels que l’aviation, la technologie et la sphère pétrogazière, mais aussi des secteurs plus féminins comme les médias et le commerce de détail. On note une fracture assez nette entre les femmes d’affaires moins connues qui sont parvenues à des postes élevés au terme de dures années de labeur, et celles qui ont bénéficié du coup de pouce d’un mari fortuné et influent. Deux des plus célèbres femmes de la liste, Daria Joukova et Polina Deripaska, étaient unies aux hommes les plus riches du pays quand elles ont commencé leur carrière entrepreneuriale, ce qui ne veut évidemment pas dire qu’elles étaient dépourvues de mérites propres. Mme Joukova dirige l’une des galeries d’art moderne les plus renommées de Moscou, Garage, tandis que Polina Deripaska a donné une nouvelle vie à Forward Media Group, la maison d’édition dont la prise en charge lui a été confiée par son mari. Mais une large majorité de femmes chefs d’entreprise ont gravi les échelons grâce à leur talent et un dévouement total à leur travail. Un bon exemple en est offert par Natalia Kasperskaïa, deuxième femme la plus riche de Russie selon le magazine Forbes, qui a

Elena Massolova, 28 ans. Co-fondatrice du site d'achats groupés « Groupon Russia » (ex« DarBeri »). Elle a fondé sa première entreprise, « Smart Kniga », à l'âge de 22 ans.

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SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Irina Khakamada : une personnalité haute en couleur.

ment un compromis, devinent mieux la psychologie de l’interlocuteur ». Khakamada avoue que son expérience en tant que chef d’entreprise l’a gênée en politique. « On me disait souvent : les politiciens ne te comprennent pas, tu te conduis comme un businessman ». En affaires, le marché conclu, on peut agir sans attendre de signer. « L’essentiel est de bien calculer s’il y a profit ou non et de refuser clairement si ce n’est pas rentable pour vous. En politique, c’est tout le contraire. Rien n’est très clair, on ne sait pas où sont les intérêts de chacun. Chacun dit une chose, en pense une autre et on en insinue une troisième ». Irina a tiré les leçons de la politique, assimilée à une intrigue sans fin : « C’est pour cela qu’en tant que femme d’affaires, le milieu politique s’est avéré difficile pour moi. Et il en est de même pour tous les gens issus du monde des affaires ».


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Économie

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en bref

Infrastructures Un marché gigantesque s'ouvre pour les groupes de BTP

Des routes et des ports au cœur de la politique de relance

Paul duvernet

La russie d'aujourd'hui

Lors de son dernier discours en qualité de Premier ministre, le 11 avril devant les députés du parlement, Vladimir Poutine a souligné l’importance stratégique d’un certain nombre d’infrastructures. Le pays doit s’attacher à développer la Sibérie et l’Extrême-Orient russe grâce à un vaste effort de l’État. Il s’agit de mettre fin à l’exode des habitants de ces régions vers la Russie européenne. Pour développer l’Est du pays, le futur président va créer une agence dédiée, dont la mission principale sera de créer des infrastructures permettant aux habitants d’améliorer leur qualité de vie, mais aussi pour mieux transporter les fabuleuses richesses minérales du sous-sol sibérien vers les marchés de consommation. Vladimir Poutine a aussi indiqué que le pays construit et va construire les infrastructures nécessaires pour les Jeux Olympiques de Sotchi en 2014 et le championnat du monde de football en 2018. D’autres, comme le gazo-

duc South Stream (dans le lit de la Mer Noire) et celui de l’Altaï vers la Chine, devront permettre l’accroissement des capacités d’exportation du gaz, l’une des principales ressources du budget fédéral. La décision d’entreprendre des dépenses budgétaires massives dans l’infrastructure part d’une observation simple. Moscou dépense dans l’infrastructure de transport 2,2% de son PIB, soit trois fois moins que la Chine. Et cela en dépit d'un territoire immense et d’un maillage très insuffisant des provinces. L’engorgement des réseaux atteint un seuil inacceptable pour les grandes sociétés. En décembre 2011, Gazprom n’a pas été en mesure de livrer 50 000 tonnes de gaz condensé à cause de divers goulots d’étranglement. Seulement 60% des clients des chemins de fer russes sont satisfaits du service de fret et la situation empire rapidement. Un quart des routes fédérales sont engorgées, une proportion multipliée par deux dans la région de Moscou. « La Russie doit impérativement régler le problème du transport maintenant, sans attendre les changements dans la structure de l’économie », explique une étude réalisée par le Boston Consulting Group pour le compte du principal syndicat patronal

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Les investisseurs privés auront accès à un marché estimé à mille milliards de dollars, à travers des partenariats public-privé. Les groupes étrangers sont aussi les bienvenus.

Moscou donne 10 milliards au FMI

Moscou dépense dans l’infrastructure de transport 2,2% de son PIB, soit trois fois moins que la Chine.

en Chiffres

183 ème

La Russie occupe la dernière place mondiale en terme d'accès à l'infrastructure énergétique, selon la Banque Mondiale.

30%

C'est la hausse des coûts de transport pour les entreprises rien qu'en 2011 à cause du déficit aigu de capacité ferroviaire.

russe. « Entre 2000 et 2008, en dépit du fait que le PIB a cru de 60% et le fret de 38%, le réseau de transport routier et ferroviaire ne s’est pratiquement pas développé. Conséquence, l’apparition de goulots d’étranglement pour de nombreux secteurs de l’économie », concluent les experts. La Russie réfléchit depuis longtemps à planifier ses immenses besoins jusqu'en 2030. Il s'agit de

Julia Koudinova

La russie d’aujourd’hui

Avec une croissance de 1,6% en glissement annuel, les groupes pétroliers russes ont prouvé qu’ils pouvaient accroître leurs capacités, en dépit d’un niveau d’investissement jugé insuffisant par le gouvernement. Le précédent record remonte à 1987, lorsque 11,48 millions de barils par jour étaient extraits du sol soviétique. Une majorité d’experts prédit cependant un plafond dans les trois années à venir, suivi d’un déclin. À moins que de gros investissements ne soient immédiatement lancés dans les nouveaux gisements arctiques et en Sibérie orientale. Les exportations de pétrole, qui représentent grosso modo la moitié de la production, ont en revanche décliné de 0,3% par rapport à février. La poussée de production russe est de nature à rassurer quelque peu un marché pétrolier secoué par des crises successives et une imprévisibilité plus forte que ja-

mais. L’Arabie saoudite affirme pouvoir augmenter ses capacités, mais ses déclarations ne se traduisent pas dans les faits. Parmi les grands producteurs, seule la Russie parvient à sensiblement augmenter ses volumes.

© Jürgen Doom

Le palmarès des pays producteurs

Affaires à suivre 9ème Sommet bancaire pour l'innovation et le développement le 17 mai, Avenue Louise 71, bruxelles

Les débats sur « L'entreprise bancaire en Russie et dans le monde : les stratégies dans un contexte de changement continu » seront animés par des dirigeants en charge du développement stratégique, des technologies de l'information et du commerce de détail. Les sujets de discussion concerneront l'innovation technologique, le format des relations dans les projets IT et la gestion des risques. Au programme du sommet : interventions d'experts internationaux et présentations de "business cases". ›› www.banksummit.ru/en

Essence Expansion européenne pour le second pétrolier russe

Comme au temps des records soviétiques

Le marché du pétrole se trouve coincé entre des forces contradictoires. Paradoxalement, de nombreux pays producteurs s’affolent du cours élevé du pétrole, qui pourrait, comme en 2008, conduire à un décrochage de l’économie, à une crise mondiale et à une chute vertigineuse des prix. Tous rêvent de stabilité. Comme le souligne Chris Weafer, stratège chez Troika Dialog, « les ÉtatsUnis et les pays de l’OPEP tentent de faire baisser les prix. On assiste à une floraison de commentaires politiques et médiatiques sur les effets négatifs des prix élevés du pétrole sur la croissance mondiale ». Mais il souligne aussi que « les courtiers rejettent ce jeu-là. Résultat, en dépit de la crainte d’un ralentissement de l’économie chinoise, le prix du brut reste fermement tiré par le haut », c’està-dire se situant autour de 94 euros le baril. La faute, d’une part, au risque d’une chute de la demande chinoise, et d’autre part, aux risques politiques en Iran, en Syrie et en Libye, voire au Nigeria, pays qui poussent à la hausse les prix du baril. Tout le monde risque d’y perdre, hormis une poignée de « traders » et les banques d’investissement.

des routes fédérales ne répondent pas aux normes à cause de leur mauvais entretien et de l'usage d'un bitume de basse qualité.

construire de nouveaux ouvrages mais aussi de mettre à niveau les réseaux routiers, ferroviaires, portuaires et aéroportuaires existants, de les développer, de les entretenir et de les gérer. En dépit de son très vaste réseau ferroviaire (44.000 km de voies électrifiées sur un total de 85.000 km), il existe un fort déficit en voies ferrées, et celles qui existent sont souvent en mauvais état. La grande vitesse vient seulement d’apparaître, mais le réseau tout entier est ralenti par le fret, qui circule en moyenne à 60km/h, une vitesse très inférieure à celle des réseaux de pays développés. Les grandes villes russes ne sont pas reliées entre elles par des voies routières rapides. La construction

La Russie doit régler le problème du transport, sans attendre les changements dans la structure de l’économie

Pétrole La Russie continue d’augmenter sa production de brut

Le mois de mars a enregistré le meilleur chiffre depuis l’ère soviétique avec 10,36 millions de barils par jour. Un sursaut de nature à rassurer un marché pétrolier très fébrile.

33%

d’autoroutes payantes n’en est qu’à ses balbutiements. Entre 2010 et 2015, le gouvernement souhaitait construire et réparer 1.900 km de routes, et jusqu'à 9.000 km à l'horizon 2030. En matière de transport aérien, il s’agit de construire plus de 100 pistes d'atterrissage avant 2016. La capacité des ports doit en principe doubler. Le budget fédéral ne doit pas supporter tous les coûts, a prévenu Vladimir Poutine. Le pays doit trouver des instruments pour rendre attractifs les investissements privés dans le développement de l’infrastructure. L’un des instruments de choix est ce qu’on appelle le partenariat public privé (PPP), système grâce auquel de plus en plus de grands projets d'infrastructure sont réalisés à travers le monde. Le premier PPP russe, la construction d’une autoroute payante entre Moscou et Saint-Pétersbourg, a même attiré un grand investisseur international, le groupe français Vinci. De la réussite de ce projet vitrine dépendra en partie l’engouement du monde des affaires pour les nombreux PPP qui se profilent à l’horizon.

Fin avril, la Russie a annoncé son intention d'augmenter sa contribution aux ressources du Fonds monétaire international. La Russie accordera au FMI un supplément de plus de dix milliards de dollars. « Nous avons déjà dit que la contribution minimum serait de 10 milliards de dollars, la question est maintenant d'adapter cette somme, de l'augmenter pour tenir compte des besoins supplémentaires du FMI », a déclaré le ministre des Finances russe Anton Silouanov.

Lukoil s'offre une chaîne de stations-services Le groupe Lukoil a signé un accord avec le hollandais Verolma Groep pour l'acquisition de 59 stations-services en Belgique et aux Pays-Bas. Irina Doubova

Spécialement pour la russie d'aujourd'hui

« Entrer sur le marché néerlandais est conforme à la stratégie de Lukoil d'élargir son réseau de distribution », a déclaré le directeur général de Lukoil Belgium, Boulat Soubaev. Les stations-services acquises seront fermées au cours du trimestre, sous réserve de l'appro-

bation par les autorités européennes de la concurrence a ajouté le service de presse de Lukoil Belgium. Actuellement, le réseau de distribution de Lukoil en Belgique compte 168 stations. En 2009, le producteur de pétrole russe a acquis 45% de la raffinerie pétrolière néerlandaise Zeeland (anciennement Total Raffinaderij Nederland) devenant ainsi un partenaire du français Total, qui a quant à lui conservé 55% des parts de l'entreprise. Lukoil est l'une des plus grandes compagnies pétrolières indépendantes de Russie, avec une

capitalisation boursière de 35,6 milliards d'euros. Pesant à lui seul 18% de la production russe, Lukoil est aussi et surtout le plus grand pétrolier privé mondial en terme de réserves d'hydrocarbures. Le réseau de vente de Lukoil couvre 27 pays, possède 5700 stations-services et envisage d'en acheter de nouvelles dans d'autres régions, comme en Croatie et d'autres pays des Balkans. Dans le même temps, fin mars 2012 la compagnie américaine Exxon Mobil Petroleum annonçait vouloir se débarrasser de certaines de ses stations en France. Parmi les prétendants aux 78 stations-services d'Exxon Mobil, on retrouve notamment Lukoil. La compagnie américaine envisage également de vendre des stations-services en Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et Belgique. En plus de la société russe comme acquéreur potentiel des actifs d'Exxon Mobil, on retrouve l'israélien Delek. Les marges dans le commerce de détail en Europe sont stables et en croissance, contrairement au raffinage, précise l'analyste de la banque Nomos, Denis Borisov. Lukoil a toujours été intéressé par le marché européen. La société dispose dans la région d'une raffinerie, l'élargissement du réseau de distribution est donc une étape logique, précise l'expert. Il estime le montant de la transaction a environ 100 millions de dollars.


Régions

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Un précieux bastion sur le front de l'Est

© lori/legion media (3)

Voyage Smolensk a protégé la Russie à travers les siècles des envahisseurs occidentaux

Natalia Krainova The Moscow Times

Interrogez les habitants de Smolensk sur ce qu'ils estiment être le problème numéro un de leur ville : ils vous désigneront sûrement les routes. Surtout au début du printemps et vers la fin de l’automne. « L’état des routes est terrible. Elles ne sont pas nettoyées du tout ! », se plaint la vendeuse d’un kiosque à journaux de la gare. Mais cette ville située à 60 km de la frontière biélorusse n’a rien perdu de sa fierté, et ses habitants espèrent que la célébration du 1150e anniversaire de Smolensk en 2013 donnera lieu à d’importantes améliorations. De fait, la Mairie a prévu de restaurer les vieux immeubles et de réparer les routes en vue du jubilé. Les origines de Smolensk prennent racine dans le commerce. La légende veut que la cité se trouvait sur la route commerciale utilisée par les Vikings et les Grecs et qu'elle a été fondée à l’endroit même où les marchands tiraient leurs navires du fleuve Dvina au Dniepr. La première grande bataille de l’histoire de Smolensk date de 882, quand la ville fut prise par le prince russe Oleg et intégrée à la Rus de Kiév. De 1127 à 1243, Smolensk fut la capitale de la Grande principauté de Smolensk, l’une des plus puissantes en Russie. Au tournant du XIIIe siècle, la ville abritait plus d’églises en pierre que n’importe quelle autre cité russe. Deux d’entre elles, érigées au XIIe siècle, sont encore en bon état aujourd’hui : l’église de l’Archange Michael et celle de Saint Pierre et Paul. Smolensk a été prise par un prince lithuanien au XIVe siècle puis conquise, en 1514, par la Grande principauté de Moscou. En 1611, après un siège de 20 mois, la Pologne s’en est emparée pour l’annexer à la République des Deux Nations. Mais la Russie a réussi à la récupérer en 1654. La cathédrale de l’Assomption élevée alors commémore la résistance héroïque de la ville aux Polonais.

En 1812, la plus grande partie de la ville a été détruite par des combats féroces qui ont duré deux semaines, lorsque Napoléon battait en retraite de Moscou. Un monument de 1912, dans le Parc mémorial des Héros, commémore la bataille, avec deux aigles perchés sur un rocher qu’escalade un guerrier avec une épée. Et la guerre de nouveau, quand les troupes nazies ont envahi la ville, en chemin vers Moscou, à 380 km au nord-est. Les combats à Smolensk et dans les environs ont duré de juillet à septembre 1941, retardant l’armée d’Hitler de deux mois et demi sur son parcours vers la capitale. Malgré cette longue histoire guerrière, Smolensk reste plus connue aujourd’hui pour ses origines marchandes. La ville est souvent appelée la capitale russe

Malgré sa longue histoire troublée, Smolensk reste la capitale indiscutée de la taille des diamants des diamants, et Kristall, un important producteur de diamants européen (et le plus grand de Russie) y est d'ailleurs installé.

Que voir en deux heures ?

Prenez un taxi ou un bus de la gare pour rejoindre en dix minutes la cathédrale de l’Assomption (Ouspenié), au 5, oulitsa Sobornaïa Gora. C’est le joyau de la ville. Construite entre 1677 et 1772 pour honorer la résistance de la cité aux Polonais, cette église magnifique est restée intacte en 1812 et pendant la Deuxième guerre mondiale. Elle s’élève à 70 m, des fondations au sommet de la croix. Après avoir escaladé le grand escalier qui mène aux portes principales, n’oubliez pas de vous retourner pour une vue époustouflante sur la ville. La surface de l’église couvre 2000 m² et l’iconostase luxueuse s’élève à 31 m. Les plus précieuses reliques sont un suaire du Christ du XVIe siècle et deux icones miraculeuses, Notre-Dame de Smolensk et Saint Séraphin de Sarov, ainsi qu’une croix de bois attribuée au célèbre artiste du XIXe siècle, Victor Vasnetsov.

3

faits sur la ville

1

On trouve à Smolensk l’un des plus longs murs fortifiés au monde (6.5 kilomètres) avec la Grande Muraille de Chine (4.500 à 6.700 kilomètres selon les sources) et les Murailles de Constantinople (5.6 kilomètres).

2

Il existe plusieurs versions sur l'origine du nom de la ville de Smolensk. Une version prétend que la ville tire son nom de la tribu antique Smolyan. Une autre mentionne « La route des Varègues aux Grecs ». La ville se trouvait au bout de la route, là où ils portaient les navires depuis la Dvina occidentale jusqu'au Dniepr. Le portage se faisait sur le site d'origine de Smolensk (aujourd'hui Gnezdovo) où les artisans locaux couvraient les bateaux de résine (« smola » en russe).

3

Le 30 septembre 1933, en montant à 19.000 mètres, le ballon stratosphérique soviétique « URSS-1 » battait le record du belge Albert Picard qui avait atteint les 16.300 mètres l'année précédente. La cabine du ballon stratosphérique a été construite à Smolensk et le commandant de l'aéronef Gabriel Prokofiev venait également de la ville.

L’icône de Notre-Dame de Smolensk est une copie de l’une des reliques les plus vénérées en Russie. L’original aurait été peint par l’apôtre Luc, du vivant de la Mère de Dieu. En 1101, le prince russe Vladimir Monomakh a rapporté l’icône à Smolensk et a érigé la première cathédrale de l’Assomption, sur le site de l’actuelle, pour honorer la sainte image. Mais l’édifice a été presque entièrement détruit pendant le siège de Smolensk par les Polonais en 16091611, et démonté dans les années 1670. L’icône originale a disparu en 1943 quand la ville a été libérée des Allemands. En sortant de la cathédrale, traversez la route et tournez à droite jusqu’au premier carrefour, puis tournez à gauche et longez le mur

Pour s’y rendre

Où se loger

Où se restaurer

Smolensk est à 6h30 en train de Moscou. Le billet coûte 21 euros en 3ème classe et 48 euros en compartiment. L’horaire le plus pratique quitte quotidiennement Moscou à 23h54 et arrive à Smolensk à 6h35. Cela vous permet de dormir une bonne partie de la nuit sans perdre une journée à voyager.

L’hôtel « Novi » est situé dans l’un des pittoresques vieux quartiers de Smolensk et est l’endroit privilégié par de prestigieux visiteurs, dont le groupe de hard rock écossais Nazareth. « Smolenskhotel » propose 133 chambres de style européen dans le centre ville historique et le quartier des affaires.

« Smolenskaïa Krepost » sert des repas traditionnels russes préparés selon les recettes du Prince Dmitri Pojarski, libérateur de Moscou. La brasserie « Hagen » offre une large gamme de bières brassées sur place. Les habitants ont leurs préférences pour « Russki Dvor » et de « Mandarinovi Gous ».

entretien

Nos meilleurs amis les diamants La Russie d'Aujourd'hui a posé quelques questions à Nikolaï Afanasiev, directeur général adjoint de Kristall — un important producteur de diamants européen et le plus grand de Russie. Pourquoi l’entreprise Kristall estelle installée à Smolensk ? C’est le gouvernement soviétique qui en a donné l’ordre en 1961. Premièrement, à l’époque, Smolensk n’avait que deux usines et pas assez d’emplois pour tous les ouvriers. Ensuite, la ville est bien située géographiquement, sur le chemin de fer de Moscou et l’autoroute Moscou-Brest, avec un accès aux marchés de diamants européens. Enfin, l’usine ne consommait pas beaucoup d’électricité, ce qui était important dans ces années de pénurie énergétique.

Qui vous approvisionne en diamants ? Notre principal fournisseur est Alrosa, qui nous procure les deuxtiers de nos diamants bruts. Nous travaillons avec ces diamants de Sakha depuis bientôt 50 ans et ne prévoyons pas de rompre cette tradition. Le reste vient du marché secondaire. Vos diamants sont-ils prisés à Smolensk ? Bien sûr, les gens sont fiers de notre travail. Mais la plupart de nos diamants sont vendus à l'étranger. Le plus gros de nos ventes russes va à Moscou et Saint-Pétersbourg.. Mais les touristes viennent spécialement à Smolensk pour visiter notre usine et nos boutiques de diamants locales. Nous vendons aussi des diamants via Internet.

de la forteresse jusqu’au Musée de la vodka russe (4, Studentcheskaïa oulitsa), qui exhibe de l’alcool de contrebande du début du XXe siècle, des bouteilles de vodka soviétique, des affiches originales de campagnes soviétiques anti-alcool et d'autres curiosités encore. Le musée occupe une seule pièce et le ticket d’entrée coute moins d’un euro.

bienfaitrice locale. La bibliothèque a été dessinée par le peintre Sergueï Malioutine, au début du XXe siècle, en forme de « teremok », le palais des contes russes. La partie inférieure est faite de briques et la partie supérieure de rondins, décorés d’animaux et de frises de bois sculpté et peint. L’école et la bibliothèque appartiennent aujourd’hui au musée, tout comme l’église du Saint-Esprit (début du XXe siècle) et ses icônes de la Sainte Face non faite de main d’homme. Aucun office n’a jamais été célébré dans l’église car le célèbre peintre Nicolas Roerich a enfreint les canons de la construction et le clergé a refusé de bénir l’édifice. Actuellement fermée pour reconstruction, l’église vaut tout

Que faire si vous avez deux jours ?

Le village de Flyonovo, à 18 km au sud de Smolensk, abrite les bâtisses d’une ancienne école agricole et d’une bibliothèque pour les enfants paysans, fondées et dirigées à la fin du XIXe et au début du XXe par la princesse Maria Tenicheva, une éminente

Katyn se souvient des victimes

© photoxpress

À cause de sa longue histoire guerrière et malgré ses magnifiques églises anciennes et ses sept collines pittoresques, la ville peut encore ressembler à un champ de bataille.

Un lieu qui concentre les drames. À 15 km de Smolensk, le village de Katyn est l’endroit où sont enterrés 4 241 officiers polonais, exécutés secrètement par la police soviétique en 1940, ainsi que 6 500 victimes des purges staliniennes des années 1930, et 500 prisonniers de guerre soviétiques fusillés par les Allemands en 1943. En avril 2010, le président polonais Lech Kaczynski et 88 dignitaires de l’État polonais qui se rendaient au mémorial ont péri dans un retentissant accident d’avion, à l’orée de Smolensk. Depuis, l'enquête sur les causes de l'accident alimente les tensions entre Varsovie et Moscou. L’entrée coûte 1,20€, ou 20€ avec un guide parlant anglais ou polonais.

de même le détour pour ses extérieurs impressionnants. Au Teremok (nom officiel de la bibliothèque), les visiteurs peuvent admirer les travaux sur bois exécutés par les élèves de Tenicheva et créés par de peintres éminents du tournant du XXe siècle, dont Roerich, Repine, et Vroubel.


Opinions

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l'ère des amitiés personnelles est révolue Fedor Loukianov Politologue

I

l est difficile de qualifier Vladimir Poutine de nouveau président. D’une part, il l’a déjà été, d’autre part, personne n’a vraiment eu l’impression qu’il se soit éloigné ces quatre dernières années. Quoiqu’il en soit, Poutine est connu dans le monde entier, il est une figure à part entière de l’échiquier politique international. Poutine est devenu le visage de la Russie, populaire à sa façon, mais diabolisé, avec tous les effets positifs et négatifs qui en découlent pour le pays. Comment voit-il maintenant sa relation avec les autres chefs d’États ? Il est de coutume de considérer que Poutine est doué pour trouver un terrain d’entente, passé professionnel oblige, et sa politique extérieure est basée sur les relations privées. Son amitié avec Gerhard Schröder et Silvio Berlusconi est connue et il n'y a rien d’étonnant si l’Allemagne et l’Italie sont devenues les deux partenaires européens principaux de la Russie. Ce qui rapprochait Poutine de Schröder est la connaissance de la langue allemande (le chancelier a toujours eu du mal avec l’anglais) et la ressemblance de leurs parcours, ils ont tous deux atteint le sommet du pouvoir par leurs propres moyens en partant de zéro. Tandis que pour Berlusconi, l’attirance se situait plutôt au niveau de ce qui le différenciait des autres dirigeants européens, guindés et enfermés dans le carcan protocolaire. En plus, il était un véritable businessman avec qui l’ont pouvait conclure de bonnes affaires. Bien sûr, l’on est en droit de se poser la question : cette bienveillance de l’Allemagne et de l’Italie envers la Russie, est-ce l’oeuvre de Schröder et Berlusconi, ou est-ce la conséquence de la politique propre à ces deux pays ? Il est indéniable que la personnalité joue ici un grand rôle, que cette « alchimie » sert de catalyseur pour des processus qui obéissent à leur logique interne. Mais elle ne peut aller à contre courant. Un bon exemple, est la relation de Poutine avec Tony Blair. Le Premier ministre britannique a essayé en premier, avant même l’investiture officielle de Poutine en 2000, d’établir un semblant d’amitié avec le nouveau leader russe. Le succès de cette initia-

La presse proche du pouvoir contemple les élections démocratiques occidentales avec l'objectif d'y trouver des points de comparaison favorables à la Russie. Le reste des journaux observe avec bonhomie les tracasseries tout à fait différentes des candidats et des électeurs français. Mais d'une manière générale, le scrutin présidentiel hexagonal ne suscite guère d'émotions. La presse réserve ses commentaires affutés pour le lendemain du second tour.

Préparé par Veronika Dorman

Projet de loi homophobe Le Parlement de Saint-Pétersbourg a adopté un projet de loi controversé qui instaure des amendes allant jusqu’à 12 500 euros pour propagande de l’homosexualité et de la pédophilie auprès des mineurs. Le texte va bientôt être soumis au Parlement russe. Ses détracteurs dénoncent le caractère discriminatoire de cette initiative et la définition abstraite du terme « propagande ».

Valentin Guefter

directeur de l’Institut des droits de l’homme

"

Ce n’est pas une loi contre la pédophilie. Il s’agit d’un amalgame mêlant le prosélytisme de formes de comportements sexuels spécifiques qui ne sont pas interdites par la loi, à la promotion d’actes criminels contre des mineurs qui, eux, sont interdits par la loi. Et si ce n’est pas interdit par la loi fédérale, je ne comprends pas vraiment pourquoi il est nécessaire dans la région de lancer des règles aussi vagues ».

Goulnara Soultanova

Les milieux d'affaires italien et allemand observent depuis longtemps avec intérêt la Russie. L'amitié entre Poutine, Berlusconi et Schröder n’a fait que potentialiser une dynamique préexistante tive a même provoqué une vague de commentaires envieux de la part des autres dirigeants européens. Ces relations personnelles n'ont pourtant pas mené à un rapprochement. Il en est de même pour la relation avec Georges Bush. On pouvait même parler de sympathie entre eux. Une foi, acquise à un âge déjà mûr, les rapprochait également. Mais cette proximité ne les a pas aidés en politique et même au contraire. Les intérêts stratégiques opposés et l’asymétrie des forces ont mené à un niveau de relation le plus bas depuis un quart de siècle. À cause de Bush, Poutine peine à faire confiance à Barak Obama, bien que ce dernier soit aux antipodes

de son prédécesseur. Le futur président de Russie est persuadé que les rapports de confiance avec les États-Unis ne mènent à rien. Seuls des négociations fermes et des contrats signés en bonne et due forme sont efficaces. Pourtant, ni Berlusconi, ni Schröder ne sont à l’origine des rapports avec la Russie, ils n’ont fait que renforcer ceux qui existaient déjà. L’Italie a été la première, avec l’Allemagne, à acheter le gaz sibérien acheminé en Occident à la fin des années 60, début 70. Les milieux d'affaires italien et allemand, même en pleine Guerre froide, considéraient le marché soviétique avec grand intérêt, quels que soient les gouvernements. L’amitié avec Berlusconi et Schröder n’a fait que potentialiser une dynamique préexistante. Encore un exemple flagrant : Nicolas Sarkozy. On ne peut pas parler de véritable amitié mais sa mentalité est compréhensible pour Poutine. Ils se ressemblent par leur intérêt pour la réalisation de grand projets et la volonté d'affirmer "la grandeur du pays". Les relations de Nicolas Sarkozy avec la Russie sont marquées par deux projets d’ampleur historique : son rôle dans l’arrêt

de la guerre dans le Caucase et la vente à la Russie des navires de guerre Mistral. Il semble néanmoins que l’époque des grandes amitiés est révolue. Berlusconi et Schröder ont quitté la politique. Poutine s'entend bien, paraît-il, avec le Premier ministre turc Erdogan et avec son homologue polonais Tusk. Mais c’est limité à l’art de la négociation et à la compréhen-

Poutine est fatigué du protocole. Il veut laisser à Medvedev le soin de négocier avec les chefs d'État étrangers sion des intérêts réciproques. Pas question d’amitié. Ce n’est pas une affaire de personnalité. Ce sont essentiellement les intérêts en commun qui vont déterminer le degré de rapprochement ou d’éloignement entre les pays et non pas la volonté de leurs leaders de participer ou non à des soirées plus ou moins officielles et protocolaires. Depuis longtemps déjà, il semble que Poutine soit fatigué de la

lu dans la presse présidentielles en france : vivement le second tour !

réactions

La carotte cuite de Sarko Dmitri Voskoboinikov

komsomolskaya pravda

De deux maux, on choisit le plus frais Alexei Tarkhanov

Un pourcent et demi

routine diplomatique et de ces rencontres interminables avec ses homologues étrangers. Il est plus prompt à rencontrer les représentants du monde des affaires, où il y a plus de concret, moins de protocole et des résultats plus visibles. Du coup, il est probable, qu’une fois qu’ils auront changé de place avec Dmitri Medvedev, il va conserver cette image de tandem, d’ailleurs assez efficace en matière de politique extérieure. C’est à dire que le Premier ministre Medvedev va prendre sur lui un rôle croissant en politique étrangère, devenant une sorte de représentant spécial de Poutine, vu ses facilités pour communiquer avec les dirigeants internationaux. Et alors, le morceau de conversation entendu par les journalistes entre Obama et Medvedev à Séoul et qui a fait tant de bruit aux États-Unis, peut être considéré, de fait, comme un modèle, somme toute réaliste, de communication politique entre la Russie et l’Occident pour les années à venir. « Dis bien à Vladimir... » – « Je lui transmettrai ! ». Fedor Loukianov est le rédacteur en chef du journal « Russia in global affairs ».

"

militante

Cette loi ne vise pas à protéger les mineurs. Au contraire, elle pourrait aggraver la situation. D’un côté, elle risque de renforcer l’homophobie et cela peut conduire à la persécution des minorités sexuelles, ce qui à son tour peut provoquer une augmentation des suicides chez les jeunes, sous la pression de la majorité. Les enfants sont très sensibles. En d’autres termes, cette loi délie les mains des homophobes ».

Andreï Kouraïev

archidiacre de l’Église orthodoxe

"

Le but de la loi est de déclarer la position de la majorité morale et de protéger les enfants contre l’influence néfaste [des minorités sexuelles]. Si nous vivons dans un pays démocratique, il est tout à fait naturel que l’opinion majoritaire soit respectée. La loi s’attaque à la promotion de ce genre d’idées. [La possibilité d’abuser de la loi existe], mais on peut faire un usage abusif de n’importe quelle loi ».

Le courrier des lecteurs, les opinions ou dessins de la rubrique “Opinions” publiés dans ce supplément représentent divers points de vue et ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction de La Russie d’Aujourd’hui ou de Rossiyskaya Gazeta. merci d’Envoyer vos commentaires par courriel : redac@Larussiedaujourdhui.BE

Constantin Benioumov LENTA.RU

KOMMERSANT

Les élections françaises donnent à réfléchir sur l’état de la démocratie dans ce pays. Ça ne va pas mieux, peut-être même moins bien que chez nous. Le mot d’ordre des uns : « tout sauf Sarkozy ». S'il gagne, François Hollande aura-t-il le droit de se considérer comme le président de tous les Français ? Sarkozy interdit que l’on serve du fromage à la table de l’Elysée. Il ne boit pas de vin, préfère le poulet à la viande. Bizarre pour un Français. En pressentant la défaite, Fillon aurait dit : « Les carottes sont cuites ». Il y a une autre expression : « savoir à quelle sauce se faire manger ». Nous, en Russie, au moins on sait à quelle sauce nous serons mangés. Il y a moins d’hypocrisie.

Les dix candidats ont des ambitions et des possibilités différentes. Mais la moitié ne suscite que la pitié. Il est évident que personne n’aurait pu réellement concurrencer Sarkozy et Hollande. Le premier tour ressemblait à une partie d’échecs entre droite et gauche, avec deux rois et plein de pions, qui s’étaient chacun assigné un rôle : Marine Le Pen voulait reproduire le succès de son père en 2002, Jean-Luc Mélenchon voulait battre Marine Le Pen, François Bayrou luttait contre la polarisation entre droite et gauche. La sensation aurait été que l'un d’entre eux arrive au second tour. Mais cela aurait mis fin au suspense sur l’identité du futur président français.

À chaque fois que Sarkozy tombait dans les sondages, on les réanimait avec des campagnes tapageuses (déportation des Roms en 2010). Le lendemain du premier tour, le président sortant appelle au respect de l’extrême droite. Prudent mais confiant, Hollande se pose comme le « candidat de l’unité nationale ». Pour la 1ère fois en 17 ans [sic], la gauche a une chance de revenir à la présidence. Mais la position de Hollande n’est pas très solide. 1,5% d’avance au premier tour est important mais ce qui sera décisif, ce sont les 5-6% qu’il ne faut en aucun cas laisser à Sarkozy. Le succès inattendu de Marine Le Pen laisse au candidat socialiste un trop petit champ de manœuvre.

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Cinéma "Dans le brouillard" représente l'industrie du film russe à Cannes

Une stratégie pour mieux exporter le cinéma russe

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À l’affiche Rédemption, Léon Tolstoï Du 3 au 5 mai, Palais des BeauxArts, Bruxelles

© service de presse (7)

Le réalisateur Sergueï Loznitsa (à droite), 47 ans, a jusqu'ici principalement tourné des documentaires.

Fédia, un incorrigible romantique, s'évade pour trouver du réconfort dans un village de gitans. Il désespère de trouver une façon honorable de libérer une jeune femme pour lui permettre d'épouser l'homme qu'elle aime. L'adaptation de l'Hebe Theatre Group intègre musique et danse pour raconter l'histoire d'un triangle amoureux empêtré qui ne peut être défait que par celui qui est prêt au sacrifice. ›› www.bozar.be

Journées de la culture ossète du 17 au 27 mai, Centre culturel russe, bruxelles

Dans le brouillard, réalisé par Sergueï Loznitsa, va tenter d'arracher la Palme d'Or.

« Fond Kino » cherche une stratégie pour mieux exporter les films russes. Baisser les prix, améliorer la formation et stimuler les coproductions internationales font partie des solutions. Paul Duvernet

La russie d'aujourd'hui

« Le cinéma russe souffre d’un double handicap : un manque de demande à l’étranger et une mauvaise commercialisation », constatait Evgueni Guindilis, producteur, lors d’une table ronde le 20 avril à Moscou. « Nous voulons que le cinéma russe soit présenté aux masses étrangères. Nous voulons voir nos stars sur les écrans européens et dans des productions américaines », ambitionne Elena Romanova, directrice du département international de « Fond Kino » (« Fonds pour le Cinéma »), un organisme d’État chargé de la promotion du cinéma russe. On en est loin. La présence du cinéma russe sur les écrans étrangers reste minimale à ce jour. Hormis quelques rares films d’art et d’essai comme Elena ou Faust, qui, auréolés de prix dans les grands festivals, font des carrières honorables en salles, le cinéma russe reste cloîtré à la maison. Le cinéma populaire est estampillé « inexportable » et la plupart des films d’art et d’essai dérivent sous le radar des distributeurs internationaux. Pour remédier à cette situation,

« Fond Kino » lance plusieurs initiatives. Un stand « Cinéma Russe » sera présent au Marché du cinéma se déroulant en parallèle au festival de Cannes (du 16 au 27 mai) avec pour objectif de vendre les dernières productions russes : Doukhless, adaptation d’un best seller moscovite, La Dame de Pique (le dernier film de Pavel Lounguine), Baba Yaga (coproduction franco belgo russe, animation 3D réalisée par Dan Creteur avec un budget de 15 millions d’euros), ainsi que plusieurs films déjà sortis en Russie. La présence du film Dans le brouillard de Sergueï Loznitsa dans la sélection principale de Cannes cette année peut potentiellement braquer les projecteurs sur le cinéma russe. « C’est un film plein de talent », juge Andreï Plakhov, président de la fédération internationale des critiques de cinéma FIPRESCI. « Rien à voir avec son précédent film Mon Bonheur, qui avait divisé le public au point de presque susciter des bagarres. Dans le brouillard renvoie au cinéma classique soviétique et ne provoquera pas de scandale ». Romanova précise que Dans le brouillard a « déjà trouvé un distributeur international et « Fond Kino » est prêt à aider le film s’il trouve des difficultés à être distribué en Russie ». Une autre initiative, baptisée « Red Square Screenings » consiste à inviter les principaux acteurs

Le film Doukhless est une adaption d'un bestseller moscovite.

elle l'a dit

Elena Romanova Directrice du département international de Fond Kino (« Fonds pour le cinéma »)

"

En élaborant le concept de « Red Square Screenings », nous avons pris en compte l'expérience d'Unifrance. Le marché cinématographique latino-américain Ventana Sur, organisé en 2009 avec l'aide du Marché du Film de Cannes, nous a aussi servi de point de repère. Ayant débuté sous le format d'un spectacle, il s'est rapidement transformé en un très important marché du cinéma."

internationaux de l’industrie à assister à des projections privées du 15 au 20 octobre prochain dans l’enceinte du GUM, les célèbres galeries commerciales bordant la Place Rouge. « Le cinéma n’est pas un simple produit, c’est une

part essentielle de notre culture », martèle Guindilis. « C’est pour cette raison que nous avons créé « Red Square Screenings ». Ce doit être l’ultime instrument pour la promotion de notre cinéma à l’étranger. Nous devons offrir un confort maximum aux invités. La concurrence est très dure, par conséquent nous devons mettre en valeur le cinéma russe d’une manière exceptionnelle, à deux pas de la Place Rouge ». Les acteurs de l’industrie du cinéma reconnaissent qu’il reste beaucoup de travail à domicile avant d’atteindre les objectifs. « Il faut une stimulation fiscale pour les producteurs et les distributeurs », souligne Romanova, ajoutant que l’industrie russe est défavorisée par rapport à d’autres pays comme le Canada ou la France. Tous soulignent l’urgence d’améliorer la formation des professionnels. « La crise actuelle est provoquée par un déficit de personnel compétent », pointe Ilia Batchourine, directeur général de GlavKino, un studio de tournage. « Il faut multiplier les initiatives d’échange avec les studios étrangers, attirer les tournages de films étrangers chez nous. Nous n’avons pas uniquement besoin de financements, mais aussi de compétences ». Andreï Plakhov attire l’attention sur le fait qu’il « n’existe pas de politique gouvernementale claire. Regardez ce que fait la

France, par exemple avec les Journées du Cinéma Français à Paris. [L’agence de promotion] Unifrance fait un travail très efficace du point de vue commercial. Ils ne se limitent pas à promouvoir les grandes stars comme Gérard Depardieu ou Catherine Deneuve, mais aussi toute la jeune génération ». Or, la Russie n’a rien à envier à la France en terme de jeunes réalisateurs talentueux.

« La crise actuelle du cinéma russe est la conséquence d'un déficit de personnel compétent » Pourtant, on reste dubitatif en regardant la liste de films russes sélectionnés et aidés par « Fond Kino » ces dernières années. Hormis la réussite indubitable de Elena, les autres films sont d’un niveau médiocre, entre comédies adolescentes, films de guerre « patriotiques » brouillons, et reconstitutions historiques dispendieuses et ennuyeuses. Plakhov conclut : « Nous avons besoin de créer une mode du cinéma russe, comme l’ont fait les Coréens. La dernière fois que le cinéma russe a été à la mode, c’était en 1990 avec « Taxi Blues » de Pavel Lounguine ». Encore faut-il que « Fond Kino » ne se trompe pas de sélection.

« Révélation » est le 2ème Salon International des Artistes Ossètes. Une table ronde des intellectuels d'Ossétie et d’Europe y sera organisée. Le 17 mai aura lieu la première du film Cela coûte toute la vie… de Vadim Tsalikov, racontant l'histoire d'une famille belgo-néerlandaise associée à la première vague de l'émigration russe. Une rencontre avec le réalisateur et les acteurs du film est prévue après la projection. ›› www.centreculturelrusse.be

Rendez-vous avec la Russie le 20 mai, Parc du Cinquantenaire, bruxelles

Le festival culturel russo-européen, dédié à la Journée de la Russie et au 150e anniversaire de l'Orthodoxie en Belgique, se déroule pour la deuxième fois. Le parc et les festivités seront ouvertes de 12h à 22h. La partie officielle et le gala démarrent à 17h. Le programme inclut un concert d’enfants. ›› www.eu-ru-festival.com

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Histoire À la veille de l'anniversaire de la Deuxième Guerre Mondiale, « La Russie d'Aujourd'hui » a rencontré un vétéran belgo-russe

Deux patries dans un coeur À 90 ans passés, Ivan Bachkatov se souvient des détails de la guerre avec une acuité époustouflante. Victor Onoutchko

la russie d'aujourd'hui

Celà fait près de 70 ans qu’Ivan Bachkatov habite à Pont-à-Celles. Après toutes ces années passées dans ce village, il se sent davantage Belge et c’est pourtant en russe, sa langue natale, qu’il nous raconte son histoire. En juin 1941, le jeune lieutenant Ivan Bachkatov fait son service à la frontière entre l’URSS et la Pologne. Les troupes soviétiques reculent devant l’offensive allemande. Dès les premières semaines de combats, le régiment de Bachkatov, manquant de mu-

nitions et de renforts, se retrouve encerclé. Blessé, il atterrit dans un camp de concentration en Pologne. Puis il est transféré en 1943 à Charleroi pour travailler dans les mines de charbon. « Les Belges nous aidaient pour la nourriture, certains prisonniers fabriquaient des objets d’artisanat qu’ils échangeaient contre du pain. Moi, je ciselais des bagues dans des pièces de monnaie, d’autres fabriquaient des petits oiseaux. Cela permettait de tenir. Je me suis senti mieux et j’ai tout de suite pensé à m’évader », se souvient Bachkatov. Pourtant, il était bien loin de sa terre natale de la région d’Orlov : ici, il ne connaissait ni la contrée, ni la langue. « Un ingénieur belge qui était au courant

des intentions des prisonniers essayait de les dissuader à cause du danger. Mais, je n’avais qu’une idée en tête : m’évader et me battre contre les Allemands ! », raconte l’ancien maquisard. Le savoir-faire artisanal a été pour beaucoup dans le plan d’évasion réalisé le 10 septembre 1943. L’un des détenus détourne l’attention des gardiens et permet à quatre autres de faire le mur. « Les Allemands ont tout de suite tiré mais nous avons eu le temps de nous protéger derrière les murs d’une maison », explique Ivan. « Ils ont essayé de nous trouver et ont continué la fusillade dans la rue, mais nous avons réussi à nous cacher. Après nous être séparés, nous nous sommes planqués trois jours dans les

champs, jusqu’à atteindre les bataillons des résistants belges ». Onze prisonniers de guerre soviétiques ont été réfugiés à Pontà-Celles, ville où réside encore Ivan à ce jour. Ces Russes ont apporté leur aide aux réseaux de résistants belges en participant aux actes de diversion et de sabotage, des transports par exemple. Ils ont contribué à la mission de récupération et de distribution des armes parachutées par les Britanniques. Et les charges étaient bien lourdes à porter. « Ce sont les Belges qui donnaient les ordres. Nous agissions de nuit, par temps de pluie ou de brouillard. Nous étions prêts à tout contre l’ennemi ». Pendant son récit, il ne cesse de souligner l’héroïsme des Belges qui proté-

Ivan Bachkatov à son domicile de Pont-à-Celles, en Wallonie.

geaient les évadés russes. En septembre 1944, les troupes alliées aidées par les résistants ont libéré la Belgique. Ivan, grâce à sa connaissance de la situation locale, aide la Mission militaire so-

viétique à organiser le rapatriement des soldats russes en URSS. Lorsqu'on lui propose de rentrer dans sa patrie en 1949, il justifie son refus par le fait qu'il vient d'avoir une fille de son épouse Belge. Bien lui en prend, car plusieurs prisonniers de guerre soviétiques sont envoyés par Staline dans les goulags. Dès 1945, Ivan épouse Marcelle, fille de Belges qui l’ont caché pendant son évasion. « Nous vivons ensemble depuis 67 ans », précise-t-il. En 1946 est née sa fille aînée Nina, et Bachkatov s’est installé définitivement en Belgique, où il a travaillé comme mécanicien jusqu’à sa retraite. Ivan Bachkatov a la double nationalité et la reconnaissance des deux pays : le certificat russe de vétéran de la Seconde guerre mondiale ainsi que le certificat belge de Résistance. Des médailles et décorations belges et russes et deux patries dans le coeur.


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Sport

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Entretiens Avec des sportifs russes de haut niveau

Grandes ambitions londoniennes Tout le monde se prépare aux prochains Jeux Olympiques d'été, dont le coup d'envoi sera donné à Londres le 27 juillet. Deux ans avant le grand rendez-vous des Jeux d'hiver à Sotchi, la Russie ne fait pas exception : la pression monte pour obtenir de bons résultats. La Russie d’Aujourd’hui a rencontré les espoirs olympiques russes qui se démarquent par la couleur de leur peau. Malgré leur différence, ils sont nés en Russie et n’ont jamais songé à changer de nationalité. Nous en avons choisi quatre : la sœur et le frère Ekaterina et Victor Keyrou qui jouent au basket-ball, l'athlète Lukman Adams et Emilia Tourey, leader de l’équipe russe féminine de handball. Ils ne savent pas encore si la Russie pourra compter sur leur participation dans ces Jeux, mais leurs chances sont très élevées.

© getty images/fotobank

« J'ai honte pour Le premier athlète mon pays quand noir dans l'équipe je vois le racisme »

Comment te sens-tu e n Russi e ? As-tu déjà été confrontée au racisme ? Je me sens très bien ici. C’est mon p ay s , j e

Espères-tu participer aux JO ? Pour un basketteur, les JO sont l’événement sportif majeur. J’ai très envie d’aller à Londres et de ramener une médaille olympique.

Une deuxième chance après Pékin ?

Rédaction : redac@larussiedaujourdhui.be Service de publicité sales@rbth.ru tél. +7 (495) 775 31 14

Victor Keyrou a déjà goûté aux joies des Jeux Olympiques à Pékin, en 2008. Né à Rostov-sur-le-Don, son père est venu avec l’équipe nigérienne d’athlétisme aux Jeux Olympiques de Moscou en 1980. Victor a décidé de suivre ses traces et s’est lancé dans le basketball. Il a d’abord intégré l’équipe des UNICS de Kazan, avant d’être très vite transféré en première division, où il s’est fait remarquer et s’est rapidement retrouvé au sein de l’une des meilleures équipes d’Europe, le CSKA de Moscou. Il a alors intégré l’équipe nationale dont il est membre permanent. Aujourd’hui, il est capitaine du Spartak de Saint-Pétersbourg. Keyrou espère être au top pour ces Jeux Olympiques d'été.

Comment te sens-tu en Russie ? N’as-tu jamais pensé à émigrer ? J’ai vécu toute ma vie en Russie. Mon père est du Sierra Leone, mais moi je n’ai jamais mis les pieds en Afrique. Bien sûr, j’aimerais beaucoup jouer pour la NBA, mais il n’en est pas question pour le moment. Ma famille et moi, nous sommes très bien à SaintPétersbourg. C’est une très belle ville européenne. Je me consacre entièrement au Spartak et à l’équipe nationale.

© itar-tass

© imago/legion media

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Comment te sens-tu en Russie ? N’as-tu jamais pensé à émigrer ? La Russie est le pays où je suis né. J’y ai grandi, et j’ai été éduqué selon les traditions russes. Je

Raconte-nous ta prestation aux Championnats du monde d’athlétisme de cet hiver. L’année dernière, j’ai pour la première fois franchi la barre des 17 mètres (17,32). Ensuite, j’ai été obligé de m’arrêter tout l’été à cause d’une blessure. En novembre, j’ai repris l’entraînement et je me sentais beaucoup mieux qu’en hiver 2011. J’ai passé la sélection haut la main. J’ai réussi à conserver la forme jusqu’à Istanbul, où j’ai établi mon record personnel et remporté une médaille. Maintenant, je ne pense qu’aux Jeux à Londres. J’ai envie de réjouir les supporters de l’équipe de Russie et ma famille.

Penses-tu participer aux JO de Londres ? David Blatt (entraîneur de l’équipe russe) m'a dit qu’il croit en moi. Je suis au meilleur de ma forme et je peux prétendre à être dans le cinq de départ.

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6 Juin

Emilia Tourey, leader de l’équipe russe féminine de hand-ball, a des racines sierraleonaises. À Astrakhan, sa ville natale, tous pensaient qu'elle était étrangère à cause de sa couleur de peau. Après un début dans le club local, elle a fait une carrière fulgurante dans de grands clubs danois (Slagelse et Copenhague) et espagnol (Itxaco). Mais c’est avec l’équipe russe qu’elle a connu ses plus grands succès. Championne du monde 2005, 2007 et 2009, médaillée d’argent aux Jeux de 2008, médaillée d’argent (2006) et de bronze (2008) aux Championnats d’Europe, meilleure ailier gauche aux Championnats du monde de 2011, il ne lui manque que l’or aux prochains Jeux. Quelles sont vos chances de ramener la médaille d’or à la Russie ? Nous allons tout faire pour ça. La défaite en finale à Pékin m’a marquée à jamais. Nous nous sommes réveillées trop tard dans la seconde mi-temps. Notre équipe, en quatre ans, a fait de gros progrès. Nous sommes sûres de nos forces et nous voulons la victoire.

Découvrez un nouveau monde

Qu'est-ce qui fait rire les Russes ? larussiedaujourdhui.be

© press photo

suis née ici et j’ai visité la plupart des grandes villes de Russie. Je n’ai jamais été confrontée à des actes racistes mais quand je vois des supporters lancer des bananes aux footballeurs noirs sur le terrain, j’ai honte pour mon pays. À cause de ces individus, on peut se voir refuser l’organisation de championnats importants.

© aleksandr wilf_ria novosti

Ekaterina Keyrou suit le trajet de son frère Victor, l'athlète qui a pris part aux Jeux Olymppiques de 2008 pour la Russie, pour la première fois. Habituée à accompagner son frère aux entraînements, on lui a proposé de s’essayer sur le terrain. Depuis, la jeune basketteuse reproduit les succès de son frère. Pas à pas, elle a intégré la Superligue, tout en poursuivant ses études musicales, elle est devenue capitaine junior et a été appelée trois fois à rejoindre l’équipe nationale.

Lukman Adams est le premier athlète noir à intégrer l’équipe nationale russe. De père Nigérien et de mère Russe, Lukman a grandi dans un bas-quartier de SaintPétersbourg et il aurait pu mal tourner si le sport n’était apparu dans sa vie. Après un bref passage par le basket-ball, Adams se retrouve en section d’athlétisme, où il atteint vite un très bon niveau en triple saut. En 2006, il quitte Saint-Pétersbourg pour la capitale et dans l’année qui suit, il remporte le championnat d’Europe Junior. En 2010, Adams atteint l’âge requis pour intégrer l’équipe nationale. Les Championnats du monde en salle marquent, pour le moment, le sommet de la carrière de ce sportif de 23 ans, mais on peut affirmer avec certitude que ce n’est que le début.

Aux JO pour la revanche

me considère russe à part entière. Il y a quelques années, je suis devenu orthodoxe. Je suis à moitié Nigérien mais je n’ai jamais été là-bas et je ne sais rien de la culture nigérienne. Non, je n’ai jamais pensé à émigrer. Je représente l’équipe russe, j’habite la capitale, que faut- il de plus pour être heureux ?

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