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Les Moscovites tels qu’ils sont... ou étaient Rennes expose des portraits réalisés sur 30 ans par deux grands photographes. P. 7
« Couchsurfing » : voyager à bon compte Hébergement gratuit chez l’habitant : c’est possible, y compris en Russie, grâce à un réseau social spécialisé.
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
P. 8 ALAMY/LEGION MEDIA
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 17 octobre 2012
POLITIQUE
Aleksei Guskov (Le Concert) en vedette à Honfleur
Diplomatie : la règle du jeu GETTY IMAGES/FOTOBANK
Le ministre russe des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov s’exprime sur les perspectives d’évolution de la situation en Syrie, sur l’image de la Russie en Occident et sur les raisons de l’expulsion de l’agence américaine USAID.
La cité normande accueille depuis 1995 le festival du cinéma russe. L’édition 2012 (du 20 au 25 novembre) réservera le beau rôle à l’acteur et producteur Aleksei Guskov, qu’on a pu admirer dans Le Concert (dont le rôle principal féminin était interprété par Mélanie Laurent), et qui présentera à Honfleur son nouveau film Quatre jours en mai, au centre d’une polémique après sa sortie en Russie.
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OPINIONS
ALAMY/LEGION MEDIA
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Société La « récré » des travailleurs migrants kirghizes à Moscou
PHOTO DU MOIS
Nouvelle donne en Géorgie ? Selon le politologue Sergueï Markedonov, le changement de marjorité parlementaire à Tbilissi ne signifie pas automatiquement un réchauffement des relations avec la Russie. PAGE 6
EVGUENI GLADINE MOSKOVSKIE NOVOSTI
À Moscou, les travailleurs migrants venus de Kirghizie se retrouvent le dimanche sur un terrain de volley. Pour de l’argent. Les mises peuvent atteindre
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EN LIGNE SUR LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
PHOTOSHOT/VOSTOCK-PHOTO
jusqu’à 2 500 euros. Parfois, on leur demande de jouer pour des équipes d’autres travailleurs migrants d’une nationalité différente. Le plus souvent, ils refusent car ils ont peur de perdre. « Arrêtez de hurler ou j’appelle la police ! Allez jouer au volley dans vos villages ! Ici, nous sommes à Moscou ! ». Les joueurs tournent les yeux vers les hauteurs d’un immeuble résidentiel d’où proviennent les protestations d’une femme. Les visages
Tous les week-ends, des immigrés kirghizes organisent des tournois de volley-ball, pour arrondir leurs fins de mois, mais aussi et surtout pour garder un lien social et décompresser.
Quand Moscou s’illumine
Le festival international de son et lumière « Kroug sveta » a embrasé les monuments de la capitale à grand renfort d’effets laser et de projections. À lire sur larussiedaujourdhui.fr/16049.
Veliki Novgorod
L’une des plus modestes républiques russes, voisine de la Tchétchénie, mise sur des stations de sports d’hiver pour relancer son économie.
Un sondage révèle le retour en force des valeurs traditionnelles dans la société russe, où l’homosexualité est notamment mal tolérée.
La cité médiévale attire les visiteurs grâce à ses magnifiques églises orthodoxes, la nature intacte de ses environs et son hospitalité slave.
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PHOTOXPRESS
Virage à droite
© RIA NOVOSTI
L’Ingouchie chausse les skis
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MIKHAIL MORDASOV_ FOCUS PICTURES
Ils jouent au volley entre deux chantiers
angulaires restent perplexes. « D’accord, on va se calmer ! », lance un des joueurs. Sur le terrain de volley, à deux pas d’une station de métro, quelques centaines de Kirghizes suivent le déroulement du match entre l’équipe de Kara-Su et celle de Tchom-Bagysh. Chaque point marqué est salué par des cris de joie (une seule victoire sépare les deux équipes de la demi-finale). Les équipes de migrants kirghizes s’affrontant dans les tournois représentent chacune le village ou la ville d’origine des joueurs. L’été, on joue en plein air et l’hiver, on loue une salle de sport.
MIKHAIL MORDASOV_ FOCUS PICTURES
La vie quotidienne du village de Mintzi LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR/16151
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Politique
ENTRETIEN AVEC SERGUEÏ LAVROV Comment va évoluer, selon vous, la situation en Syrie ? Il y a deux possibilités. S’il s’agit sincèrement de sauver des vies humaines, il faut alors appliquer les accords de Genève, c’est-àdire faire cesser les violences et asseoir tout le monde à la table des négociations. Mais si la priorité est de faire chuter le régime de Bachar Al-Assad, alors il ne faut pas compter sur nous. Cela ne figure pas dans le mandat du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce serait une incitation à poursuivre une guerre fratricide. Il faut bien comprendre que le prix de cette obsession géopolitique qu’est le renversement du régime en Syrie sera le sang de centaines et de milliers d’êtres qui sont tous des Syriens.
LE MINISTRE RUSSE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES S’EXPRIME SUR L’EXPULSION D’USAID ET SUR LES DESSOUS DU SOUTIEN OCCIDENTAL AUX RÉVOLUTIONS ARABES rangé Moscou, au point d’entraîner son départ ? Rien ne nous irrite ni ne nous dérange. Nous avions un accord depuis 1992, sur la base duquel l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a démarré ses activités dans la Fédération de Russie. Le pays était alors en état de dysfonctionnement total et les documents signés avec les partenaires étrangers n’avaient peut-être pas fait l’objet de toute l’attention voulue. Le document principal relatif aux activités d’USAID était complètement discriminatoire envers la Russie. Il donnait à nos partenaires américains des droits qui auraient été jugés inacceptables dans des circonstances normales. Il y a un an, nous avons mis fin à l’accord qui avait été conclu, éliminant ainsi le fondement juridique des activités de l’agence en Russie, qui ne s’appuient donc plus sur le droit, et nous n’avons d’ailleurs pas besoin de subventions, puisque la Russie est désormais elle-même un pays do-
L’ingérenceaétéinvoquéeàpropos de l’Agence des États-Unis pour le développement international. En quoi l’agence a-t-elle irrité ou dé-
nateur. L’État russe accorde aux organisations non gouvernementales un financement important dont le montant sera triplé à la demande du Président Vladimir Poutine. Par ailleurs, USAID participait à des projets très douteux, sans l’aval de la Russie, mais avec parfois des relents politiques certains, en particulier dans le Caucase du Nord, où l’agence n’a pas été suffisamment regardante dans le choix de ses partenaires et des bénéficiaires de ses fonds. J’affirme qu’il n’y a aucun obstacle d’aucune sorte à la poursuite des louables programmes lancés par USAID en Russie : ils continuent d’être mis en œuvre, qu’il s’agisse de l’aide aux handicapés ou aux enfants, de projets éducatifs ou sociaux. Le gouvernement américain peut aisément utiliser d’autres canaux financiers. En un mot, je tiens à souligner que nous voulons seulement donner une base légale à notre coopération et aux relations avec les
GETTY IMAGES/FOTOBANK
Dans votre discours lors de l’ouverture de la présente session de l’Assemblée générale de l’ONU, vous avez évoqué à plusieurs reprises le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État. Parliez-vous seulement de la situation auProche-Orient?Oubienpensiezvous aussi à la Russie ? Certainement. Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays est inscrit dans la Charte des Nations Unies. Il n’est pas là pour faire plaisir ou non à la Russie. C’est une disposition essentielle et un principe fondamental du droit international. Si nous en autorisons la violation, ou ne le respectons pas dans le cas de pays qui ne sont pas en mesure de se défendre, on déclenchera une réaction en chaîne. Le monde plongera tout simplement dans le chaos. C’est une dérive que l’on observe déjà au Proche-Orient.
BIO NÉ : EN 1950 EN POSTE : DEPUIS LE 9 MARS 2004
Sergueï Lavrov, diplômé de la prestigieuse université MGIMO, a travaillé à l’ambassade de l’URSS au Sri Lanka (1972), été premier secrétaire de la Mission de l’URSS auprès de l’ONU, puis Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l’ONU (1994 à 2004). Il parle couramment l’anglais, le français et le cinghalais.
pays étrangers dans tous les domaines, conformément aux principes d’égalité et de respect mutuel. Les fonds d’aide européens œuvrant en Russie ne sont-ils pas menacés ? Non, ces fonds travaillent sur la base d’accords intergouvernementaux tenant compte des principes de réciprocité et d’égalité. LesÉtats-Unis n’ontpasl’équivalentdel’InstitutGoethe,del’Institut Cervantes, du British Council oudel’AllianceFrançaise,quisont des entités autonomes. USAID est une branche du Département d’État.
Caucase Une modeste république veut exploiter son patrimoine montagneux pour relancer son économie
L’Ingouchie se lance à son tour sur la piste des sports d’hiver C’est l’une des plus petites et des plus pauvres républiques de la Fédération de Russie. Mais l’Ingouchie, hormis un problème de frontière avec la Tchétchénie, mise sur ses atouts touristiques. PAUL DUVERNET
Début octobre, le chef de l’administration ingouche IounousBek Evkourov recevait chez lui, dans son palais de Magas, une poignée de journalistes pour un rare entretien à bâtons rompus. Ce militaire de carrière, qui a été grièvement blessé dans un attentat en 2009, est apparu serein malgré la tension qui règne actuellement dans la région. Le très remuant Ramzan Kadyrov, chef de l’administration tchétchène, l’a publiquement attaqué sur le tracé de la frontière entre les deux républiques. Pareille dispute entre deux sujets de la Fédération de Russie est rarissime. « Je refuse de commenter cette question », explique le dirigeant
RICARDO MARQUINA
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Evkourov nie que les problèmes de sécurité soient un frein au développement du tourisme.
Ingouche, nommé à son poste il y a quatre ans par Dmitri Medvedev. « Nous travaillons au règlement de ce différend. Ce que je peux dire, c’est que nous vivons sur notre territoire et nous ne prétendons pas au territoire des autres », explique sobrement
Evkourov. Le silence des autorités fédérales sur le différend territorial et le refus d’Evkourov de se déclarer candidat à un nouveau mandat (des élections sont prévues pour l’automne 2013) ont déclenché des rumeurs selon lesquelles ils aurait perdu
les faveurs du Kremlin. Franc sur sa cote de popularité (« j’ai reçu [une note de] trois [sur cinq : médiocre]), Evkourov explique qu’il prendra sa décision « en temps voulu, si j’ai des chances de gagner ». « Evkourov n’est pas un homme politique, confie un proche. Il se refuse à utiliser la carte du populisme et cela affaiblit sa position ». Si le dirigeant ingouche a invité des journalistes, c’est pour parler d’autre chose que de politique. « Nous voulons développer le potentiel touristique de l’Ingouchie, rappelle-t-il. Oui, nous avons un problème d’image. Quand les médias parlent de l’Ingouchie, ce n’est que pour annoncer de mauvaises nouvelles. C’est un problème que nous devons résoudre pour attirer les touristes ». Il note que des crimes sont commis partout dans le monde. « Et cela n’empêche pas l’Égypte ou Israël d’attirer des millions de touristes chaque année ».
Un point sur lequel tout le monde est d’accord, c’est la beauté des paysages montagneux et la richesse du patrimoine. « Les tours, c’est notre marque. Les Ingouches sont le peuple des tours », résume Evkourov, faisant référence aux innombrables hautes tours de surveillance et de défense, bâties en pierre un peu partout sur les flancs de montagnes. « Nous n’avons rien à envier aux Alpes en termes de beauté naturelle. Nous allons développer patiemment notre potentiel. Le président français nous a expliqué que cela prenait dix ans pour lancer une station de ski ». Après Armkhi, une deuxième station plus ambitieuse (Tsori) devrait ouvrir en 2015. Le problème, c’est que l’Ingouchie doit en financer la construction avec ses propres ressources, n’ayant pas réussi à bénéficier du vaste programme « Stations du Nord Caucase », qui finance cinq stations dans des républiques voisines. Evkourov admet avoir eu du mal à raccrocher ses wagons au projet du Kremlin, mais assure que les deux stations de ski ingouches y seront à terme intégrées. Pour prouver sa détermination, il a ordonné qu’Armkhi inaugure sa premère piste dès décembre prochain. À cette occasion, Evkourov a promis de chausser des skis pour la première fois de sa vie.
Pourquoi la plupart des pays occidentaux ont-ils une image essentiellement négative de la Russie ? Malheureusement, la Russie doit souvent faire face à de grosses distortions de la vérité, voire à des purs et simples mensonges de la part de divers médias étrangers. Il suffit de se souvenir de la couverture des événements liés à l’agression de la Géorgie contre l’Ossétie du Sud en août 2008. Citons aussi le battage médiatique à caractère de propagande auquel a donné lieu l’affaire Pussy Riot. Les femmes membres de ce groupe n’ont pas fait l’objet de la moindre accusation à caractère politique à aucun moment du procès. Elles ont été jugées pour avoir commis des actes de vandalisme dans la plus grande cathédrale orthodoxe de Russie. Tenter de présenter le verdict comme une sorte de moyen de pression courant sur l’opposition, c’est ignorer les réalités russes contemporaines, qui se caractérisent, au contraire, par une libéralisation de la vie politique. Propos recueillis par Elena Tchernenko Article publié dans Kommersant
EN BREF Régionales : le pouvoir s’en sort mieux que prévu
© RIA NOVOSTI
La Russie définit les contours de sa coopération avec le monde occidental
Le 14 octobre dans 77 régions, les Russes étaient appelés aux urnes six mois après le retour au Kremlin de Vladimir Poutine. Le test s’est avéré meilleur que prévu pour le Parti au pouvoir « Russie unie » qui semble avoir maintenu ses positions d’après les premiers résultats. Le Premier ministre Dmitri Medvedev a estimé que le « fiasco » redouté « ne s’est pas produit ». Dans le cadre de 4 848 scrutins en tout, régionales et municipales comprises, on a élu pour la première fois depuis 2004 des gouverneurs (jusqu’alors désignés) dans cinq régions : Amour, Briansk, Riazan, Belgorod et Novgorod, Moscou et St-Pétersbourg n’étant pas concernées.
LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX : • LE FIGARO, FRANCE • EUROPEAN VOICE, UE • THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • LE SOIR, BELGIQUE • DUMA, BULGARIE • GEOPOLITIKA, SERBIE • AKROPOLIS, GRÈCE • THE WASHINGTON POST ET THE NEW YORK TIMES, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, INDE • YOMIURI SHIMBUN, JAPON • CHINA BUSINESS NEWS, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NACION, ARGENTINE • FOLHA DO SAO PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • POLITIKA, SERBIE • TODAY, SINGAPOUR • UNITED DAILY NEWS, TAÏWAN. EMAIL REDAC@LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Société
Le volley-ball fédère les Kirghizes de Moscou
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Sondage Montée du conservatisme social
Opprobre sur l’homosexualité et l’avortement
SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
La ligue ne compte pas plus de 15 équipes. Aujourd’hui, personne ne pourrait dire quand ni où a été organisé le premier tournoi. « Il y a autant de joueurs que de Kirghizes à Moscou, et tu peux remonter à la chute de l’URSS », confie un joueur du nom de Davliaiev. « Et vous acceptez les Russes ? » « Nous acceptons tout le monde : les Russes, les Ukrainiens, les Daghestanais. Le mois dernier, des Tadjiks sont venus jouer. Ils se sont pointés une fois, et puis plus rien... Ils jouaient mal ». « Et les Russes ? » « Les Russes sont encore pire que les Tadjiks ». Ici, c’est très sérieux. Les équipes s’affrontent selon un calendrier bien établi, sous la surveillance d’un arbitre. Pour un non spécialiste, il semble qu’ils jouent bien, très bien même. Selon Davliaiev, il n’existe pas de structure formelle pour accueillir les volleyeurs dans les rangs des travailleurs migrants. La compétition est organisée par les équipes elles-mêmes, à tour de rôle. Le chèque remis aux vainqueurs provient d’un fonds commun, dont une partie est alimentée par les organisateurs, et le reste par les cotisations des participants (50 euros par équipe). Le gain peut monter jusqu’à 2 500 euros, lorsque des paris sont engagés, ce qui n’est pas fréquent. Les joueurs viennent de divers milieux professionnels : ils sont concierges, ouvriers du bâtiment, cuisiniers, laveurs de voiture, conducteurs de transports en commun ou auto-entrepreneurs.
Un pro parmi les amateurs
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
« Pourquoi les Kirghizes aiment-ils tant le volley ? Pourquoi pas le foot ou le basket ? » « Difficile à dire. Dans notre culture, tous les sports sont liés au cheval. À Moscou, il n’y a pas de chevaux, alors tout le monde joue au volley. Il faut bien se rassembler, communiquer. Chez nous, on dit : si tu veux rencontrer quelqu’un, va jouer au volley. Ici, on peut demander de l’aide en cas de besoin et on apprend toujours quelque chose ».
Chaude, la finale La dernière partie pour la première place a commencé. Dehors, la nuit tombe. Les supporteurs kirghizes encerclent le terrain, une masse noire et informe de vestes en cuir ou en tissu d’où émergent les quelques gilets orange fluo des balayeurs. Vers la fin du deuxième set, les joueurs se disputent sur un point. Très vite, c’est l’empoignade, encouragée par les fans, jusqu’à ce qu’un vieil homme habillé de cuir noir, comme sorti tout droit d’un film de mafieux, sépare les deux camps. Le match reprend. « Que d’émotions ! », déclare en souriant Davliaiev, comme s’il voulait se justifier. « Cela vous arrive d’avoir des problèmes avec la police durant les tournois ? » « Il nous est arrivé de nous faire virer. Mais tant que les habitants du quartier ne se plaignent pas, ça se passe bien ». Dans le troisième set, l’équipe de Nookat a pris une sérieuse
avance, qui lui a permis de finalement remporter le match et le tournoi, pour la troisième fois consécutive.
somme restante, plutôt rondelette. La nuit est tout à fait tombée maintenant. Les Kirghizes se dirigent par petits groupes vers le métro. Deux garçons s’approchent du terrain, un filet et un ballon de volley à la main. Denis et Oleg habitent le quartier et le soir, ils viennent s’entraîner. « Cela vous dérange-t-il qu’ils occupent le terrain, durant la journée, le week-end ? » « Non, pas vraiment, répond Oleg. Qu’ils jouent. Ils sont arrivés les premiers. Nous aurions bien aimé jouer avec eux, mais nous ne sommes pas assez forts. Pas envie de perdre », ajoute-til en ricanant.
« Il faut bien se rassembler. Chez nous, on dit : si tu veux rencontrer quelqu’un, va jouer au volley » Pour la cérémonie de clôture, les joueurs sont rassemblés en cercle. Le vieil homme à la veste en cuir s’avance pour remettre une enveloppe contenant l’argent au capitaine de l’équipe victorieuse. Almaz Atabaev recompte les billets, puis distribue environ 50 euros à chaque co-équipier, se réservant la
Les mêmes observations valent chez les musulmans des républiques de la Fédération à dominante islamique. Pour les Russes dans leur ensemble, les actes les plus immoraux sont, par ordre décroissant, l’abandon de son enfant (ce qui est universel), le suicide et, surprise, l’homosexualité. Ces « péchés » occupent la première place dans les classements établis par les sociologues du Centre Levada, un organisme réputé pour son indépendance. L’abandon d’un enfant est considéré comme un acte tout spécialement inacceptable par 75% des sondés. L’homosexualité, aujourd’hui largement tolérée en Occident, reste inacceptable pour 62% des personnes interrogées. Viennent ensuite l’avortement, la polygamie et le clonage. Les résultats du sondage n’ont guère étonné les experts, mais ils donnent lieu à des interprétations divergentes. Selon le sociologue Lioubov Boroussyak, ces opinions traduisent l’influence des dogmes religieux. « L’abandon de l’enfant se situe à la croisée de toutes les valeurs et de tous les interdits. De même que les tabous du suicide et de l’homosexualité, qui ont des racines religieuses », souligne Boroussyak. Pourtant, « pas plus de 10% des Russes sont réellement pieux », selon Alexeï Grajdankine, vice-directeur du Centre Levada. « La Russie est
un pays plutôt conservateur. L’intolérance face aux formes de comportement non standards est plus élevée chez nous qu’en Europe. Sur ce plan, nous nous situons quelque part entre l’Europe et l’Asie ». À titre d’exemple, Grajdankine pointe les rapports qu’entretiennent les Russes avec la peine de mort. Ils ne sont que 21% à s’y opposer. Une montée des opinions conservatrices a été relevée par les experts. Si, en 2007, l’interruption de grossesse était considérée comme moralement acceptable par 27% des personnes interrogées, aujourd’hui elles ne sont plus que 18%. Pour Boroussyak, « l’accès aisé à la contraception ôte sa justification à
L’intolérance envers les comportements non standards est plus élevée que dans les pays européens l’avortement. L’interdit religieux envers l’avortement, stigmatisé comme infanticide, s’est généralisé. Par ailleurs, il existe une forte propagande anti IVG dans les médias ». Certains « péchés » traditionnels comme la gourmandise, l’abus d’alcool ou le jeu sortent en revanche de la « zone interdite ». Le nombre de sondés qui tolèrent les jeux d’argent a doublé au cours des cinq dernières années, même s’ils restent minoritaires. « Il faut reconnaître une évolution dans le sens de la tolérance, indique Alexeï Grajdankine en commentant les résultats de l’étude. Mais le mouvement reste très lent ».
Moralement inacceptable ?
NATALIA MIKHAYLENKO
Un joueur hors pair fait partie du lot : Almaz Atabaev. Son équipe, Nookat, a déjà remporté les deux tournois précédents. Sur le site de la Fédération de volley-ball du Kirghizistan, sa biographie le décrit comme un « sportif professionnel, ancien de l’équipe nationale ». « Vous êtes professionnel... Que vous apportent ces compétitions amateurs ? » Almaz profite d’une pause en cours de match pour nous parler : « Je joue pour le plaisir, et un peu pour l’argent aussi. Et puis, il n’y a aucun autre endroit où je puisse jouer à Moscou ».
FEDOR TSEKHMSTRENKO
EVGENY GLADIN (2)
Autogestion
Une enquête sociologique révéle que les Russes s’accommodent mieux de la peine de mort que de l’homosexualité ou du droit à l’avortement. En débat : le rôle de la religion.
Article publié dans Moskovskie Novosti
Développement régional L’intégration dans le tissu social est rendue plus facile par la qualité de l’accueil et les initiatives des autorités
Deuxième communauté française de Russie, Kalouga attire depuis quelques années des familles dont l’expatriation a suivi l’implantation de l’usine Peugeot-Citroën dans la zone. CAROLINE GAUJARD-LARSON LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Ce n’est pas, à première vue, un paradis d’ « expats ». Mais, située à 200 km au sud-ouest de Moscou, la région de Kalouga est connue pour son fameux cluster automobile, qui attire depuis quelques années des centaines de travailleurs expatriés. Aujourd’hui, 80 familles françaises y vivent, liées à la présence de l’usine PCMA Rus, qui assemble des véhicules Peugeot, Citroën et Mitsubishi.
Quelques années en arrière, « il n’était pas évident de trouver des logements conformes à nos attentes dans la ville de Kalouga », explique le nouveau directeur général de PCMA, Jean-Christophe Marchal. « Aujourd’hui, avec le développement du cluster automobile, cela a beaucoup changé. Kalouga est devenue une ville plutôt cosmopolite et l’on y trouve désormais tout ce dont on a besoin ». Avec une épouse française d’origine slovaque et qui parle le russe, l’intégration est évidemment plus aisée pour M. Marchal. Pendant un an et demi la ville s’est métamorphosée : de nouveaux centres commerciaux sont apparus et la rue principale a été rénovée. Pour Stéphanie, mère de famille
française, Kalouga est une grande ville comparée aux villes de provinces françaises : « De nouveaux immeubles ont été construits – celui dans lequel nous vivons est quasiment neuf ». Aujourd’hui, Kalouga héberge la deuxième plus grande communauté française de Russie. Des classes spéciales ont ainsi été créées dans les écoles russes pour prodiguer aux enfants français un enseignement adéquat. Et « le niveau d’enseignement y est à mon avis excellent », affirme JeanChristophe Marchal, qui loue le soutien des autorités locales. « Les gens sont très sympathiques et accueillants. Peut-être davantage qu’à Moscou. On ne peut pas dire qu’il y ait des problèmes interculturels ».
LORI/LEGION MEDIA
Kalouga se met en quatre pour les expatriés français
Kalouga se fait accueillante pour ses nouveaux arrivants étrangers.
« Super », a pensé Jean-François Humbert quand on lui a dit qu’il partait pour une mission prolongée à Kalouga. C’était l’un des rêves du chef de chantier de l’usine de ciment Lafarge, en construction à 40 km de Kalouga, d’« avoir une telle expérience en Russie. » À 53 ans, l’isolement potentiel n’est pas pour lui déplaire. Et d’ailleurs, « tout a changé de manière grandiose en l’espace d’un an et demi dans cette ville » qu’il trouve par ailleurs « très jolie, tranquille, et qui a gardé un énorme cachet grâce au vieux Kalouga ». De toutes les régions du monde où il a longuement séjourné pour Lafarge, s’il doit choisir, Jean-François Humbert n’hésite pas une seconde. Pour lui, « y a pas photo », c’est Kalouga.
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PARTENAIRE
Économie
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
EN BREF
Richesse Selon un rapport, la « valeur » des individus, en nette hausse, ne se réalise pas dans l’économie réelle
Une étude de l’École supérieure d’économie (HSE) révèle la conformité croissante des indicateurs économiques russes, mais aussi une inégalité intergénérationnelle résiduelle. OLGA KOUVCHINOVA VEDOMOSTI
Le montant total du capital humain de la Russie dépasse 15 000 milliards d’euros, ce qui signifie que chaque travailleur « valait » 150 000 euros en 2010. C’est ce qui ressort du rapport « Combien vaut le capital humain ? », dirigé par le directeur adjoint du Centre d’études sociales à HSE, Rostislav Kapeliouchnikov. Pour la période 2002-2010, le montant du capital humain en
termes réels a doublé, c’est-à-dire qu’il a augmenté de 10% par an. Une progression plus rapide que le capital physique, qui constitue selon Rosstat [agence russe des statistiques, ndlr] la principale composante de la richesse nationale du pays. Il est défini comme la valeur de tous les actifs financiers et non financiers détenus par les résidents. Si l’on y ajoute la valeur du « capital humain », la richesse nationale de la Russie est multipliée par près de six. « La richesse nationale se déplace du capital physique au capital humain, qui est une ressource de plus en plus importante pour la croissance économique », déclare Kapeliouchnikov. Les re-
EN CHIFFRES
30 000
67%
150 000
milliards d’euros
du capital sont détenus par la tranche des 15-34 ans. Pour les diplômés, cet indicateur atteint 69%, contre 43% aux États-Unis.
C’est la valeur de chaque personne active russe, en tenant compte du niveau des prix de 2010.
C’est la valeur du capital humain en parité de pouvoir d’achat (PPA), soit 300 000 euros par personne.
venus du capital dépendant de sa taille, il s’avère que le bienêtre du pays est de plus en plus déterminé par l’état de son capital humain. Le capital humain est inégalement réparti : les hommes sont 1,5 fois plus riches que les femmes,
euros
les jeunes sont plus riches que les personnes âgées et le montant du capital augmente avec le niveau d’éducation de son détenteur. La singularité de la Russie réside dans une asymétrie plus prononcée selon l’âge et l’éducation : les 15-34 ans y cumulent 67% du
Technopole Le centre d’innovation de Skolkovo exporte ses premières réalisations
© ALEKSANDR KRYAZHEV_RIA NOVOSTI
Les jeunes pousses russes à l’assaut du marché international Les nouvelles entreprises russes seront présentées aux salons des entrepreneurs éuropéens qui se tiendront à Vienne les 2931 octobre et à Helsinki les 21-22 novembre. ALEXANDRE VOSTROV LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
« Start-ups européennes, méfiezvous : les Russes arrivent pour vous piquer les investisseurs ! ». Voici l’ambiance, mi-sérieuse, mi-rieuse qui règne actuellement à Skolkovo, le centre russe des innovations.
Cet optimisme est justifié par le niveau de participation des groupes russes aux salons des jeunes pousses, comme le Pioneers’ Festival 2012 de Vienne et le Slush de Helsinki. Parmi les représentants de la Russie à ces manifestations figurent entre autres la société IndoorGo, fondée par l’Université fédérale de l’Oural (Ekaterinbourg) et le Centre universitaire Ariel (Israël). Le groupe a mis en place un programme qui permet de localiser l’utilisateur à l’intérieur d’un espace fermé avec une
précision de quelques dizaines de centimètres. Selon la conception de ses créateurs, le système sera utilisé pour recueillir des données statistiques sur les visiteurs d’expositions, de musées, de supermarchés et d’autres grands espaces clos. Un autre projet intéressant a été créé par le groupe russe Toytemic. Le directeur général Evgueni Smetanine raconte : « Nous avons inventé et mis en œuvre le concept des réseaux de capteurs auto-organisants avec la capacité de contrôler
chaque partie de ce réseau à l’aide de la télécommande. Idéalement, cette technologie pourrait être appliquée pour créer des stations de recherche, y compris des études géologiques, entièrement robotisées. À l’avenir, nos réseaux pourraient être utilisés sur d’autres planètes ou dans des environnements mortels pour l’homme. Mais pour l’instant, la robotique d’un tel niveau en est à ses balbutiements. C’est pourquoi nous avons décidé d’introduire notre technologie dans des secteurs plus développés ». Il s’agit surtout de jeux, comme l’indique le nom Toytemic, soit la « Stratégie sur le tapis », qui consiste à transférer des jeux de la réalité virtuelle à la vie réelle : des petits soldats munis de puces intégrées peuvent interagir et exécuter les commandes du joueur. Smetanine se dit persuadé qu’une telle technologie ouvre de grandes perspectives commerciales. Ainsi, la « Stratégie sur le tapis » pourrait devenir un produit très populaire si Toytemic réussit à faire participer les principaux fabricants. « C’est tout le sens de Skolkovo, explique Pekka Viljakainen, chargé des start-ups auprès du président de la cité de la Silicon Valley russe. Prenons, par exemple, Angry Birds. Si l’on vous avait dit il y a cinq ans qu’il était possible de gagner des millions en inventant un jeu dans lequel des oiseaux colorés chassent des cochons verts, vous ne l’auriez pas cru. Une telle idée semblait absurde à l’époque. Mais maintenant vous pouvez voir que c’est possible. Beaucoup ne réalisent pas qu’une bonne invention peut faire gagner beaucoup d’argent. La mission de Skolkovo est de montrer aux citoyens qu’il ne faut pas avoir peur de démarrer sa propre entreprise ».
Partenariat franco-russe Le chef de l’administration de Lipetsk, Oleg Korolev, a présidé à la mise en route d’un partenariat stratégique avec la France lors de l’ouverture du complexe d’élevage « Otrada guen », en présence d’une délégation française et de l’ambassadeur de France Jean de Gliniasty. « Otrada guen » a été fondé en 2005 en partenariat avec le groupe français SUCDEN, qui exploite en Russie trois usines à sucre, dont une à Lipetsk. L’opération de rapporchement a été réalisée à l’aide des sociétés bretonnes ELUDIS, Fournier et Agribat.
AFFAIRES À SUIVRE COLLOQUE FRANCERUSSIE : L’AVENIR D’UN PARTENARIAT STRATÉGIQUE 8 NOVEMBRE, PARIS
L’Observatoire franco-russe et l’Institut de relations internationales et stratégiques organisent un débat sur les perspectives des relations franco-russes et l’actualité stratégique internationale. Participeront au colloque des responsables d’administrations et d’entreprises, des membres des gouvernements, des parlementaires et des experts des deux pays. Sur invitation personnelle.
Article publié le 12 octobre 2012, Vedomosti
moreau@iris-france.org.
Invention Les dispositifs de reconnaissance
Des empreintes vocales à la détection faciale Une nouvelle technologie, mise au point par la société russe STC, permet pour la première fois d’identifier instantanément des personnes par leur voix ou la forme de leur visage. TATIANA TOROPOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La technologie « VoiceKey », conçue par le « Speech Technology Center » (STC), est actuellement utilisée par des centres d’appel (banques et sociétés de télécommunications) : au bout d’une minute, l’opérateur voit apparaître sur son écran toutes les informations concernant la personne qui est en ligne, et cela grâce à une base de données équipée de la reconnaissance vocale. Si le correspondant figure sur la « liste noire » de la banque, le système en avertira l’opérateur immédiatement. Les dispositifs dotés de la reconnaissance faciale sont aussi utilisés pour assurer la sécurité sur des sites à forte concentration humaine comme les stades, les concerts, les manifestations à l’échelle d’une ville, etc. Les dispositifs multimodaux permettent d’identifier instantanément les individus par le son de leur voix ou la forme de leur visage. Ils sont avant tout destinés aux services de sécurité. Les technologies utilisées par le « SmartTracker » fonctionnent quels que soient le pays, la langue ou l’accent. Fondé en 1990 à Saint-Pétersbourg « sur un coin de table », STC compte désormais parmi
SKOLKOVO
Le diplôme, synonyme de valeur ajoutée.
LEGION MEDIA
Un gros capital humain et des inégalités criantes
capital contre 58% aux ÉtatsUnis. Pour les personnes possédant un diplôme supérieur, une licence ou un diplôme professionnel secondaire, cet indicateur atteint 69% en Russie contre 43% aux États-Unis. Les données permettant d’évaluer le capital humain reposent sur le recensement, considéré comme la source la plus détaillée sur l’importance numérique de la population et sa structure démographique (raison pour laquelle le calcul a été fait sur les années 2002 et 2010), des facteurs tels que l’espérance de vie, l’éducation et l’emploi jouant également un grand rôle. La principale caractéristique du capital humain russe est son manque d’unité : la faible mobilité et l’absence d’ « ascenseurs sociaux » provoque une « perte » de capital, ainsi que le confinement des personnes dans leurs territoires et leurs niches professionnelles, estime l’expert du Centre d’analyse macroéconomique et de prévision à court terme, Dmitri Beloousov. Une partie importante de la population est pauvre, ce qui n’est pas uniquement lié au revenu, mais aussi au comportement, expliquet-il. « Le principal n’est pas tant de connaître le montant du capital humain, que de savoir si les ascenseurs sociaux et le système de reproduction sociale fonctionne, si l’enseignement permet une augmentation du capital humain », s’interroge M. Beloousov. Et d’expliquer qu’en comprenant l’état de la structure du capital humain, il sera possible de savoir comment mettre en marche le mécanisme de la croissance économique.
Le directeur exécutif de STC Innokenti Dementiev (à gauche).
ses clients le FSB (la sûreté), le ministère de la Défense et beaucoup d’autres structures en Russie et dans le monde. L’entreprise élabore également un dispositif spécial pour le centre d’innovation de Skolkovo et Innokenti Dementiev, directeur exécutif de « STC Innovations », explique que le choix de s’installer à Skolkovo a pour but de faciliter l’accès au marché international : « En tant que résidents, nous pourrons profiter d’un ensemble d’avantages fiscaux et administratifs. À l’automne 2011, nous avons reçu une subvention de près de 1,5 millions d’euros de la Fondation Skolkovo pour développer un dispositif biométrique multimodal d’indentification vocale ou faciale. Elle nous a permis de mettre en place une équipe de recherche, notamment en intégrant dans nos travaux des spécialistes et experts américains ».
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Régions
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Voyage Veliki Novgorod permet au visiteur de se plonger dans les racines de l'orthodoxie et de l'architecture moyen-âgeuse
Aux sources de l’héritage slave Pour s’y rendre Le train "Ilmen" part de Moscou tous les soirs et arrive à la gare de Veliki Novgorod 9 heures plus tard pour 27 euros.
Où se loger Les options haut de gamme sont limitées au seul "Beresta Palace Hotel" (2nde Studencheskaïa). Le 3 étoiles "Volkhov" est correct. (24, rue Predtechenskaïa).
Où se restaurer Cuisine européenne dans un cadre très contemporain : Nice People (1/1, rue Meretskova-Volosova).
Où danser Avec la jeunesse branchée, sur une péniche avec des DJs venant de tout le pays, au Vertigo et à la Casa del Mar (14 a, rue Velikaïa, sur le quai en face du théâtre Dostoïevski). MIKAHAIL MORDASOV_FOCUS PICTURES
EMMANUEL GRYNSZPAN LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Il est un coin de terre immaculée fleurant bon la Russie ancienne. Une région constituée de lacs, de champs, de tourbe et de forêts. Une vaste zone souvent marécageuse d’où ont émergé les premières tribus slaves. Cette région a pour centre la ville de Veliki Novgorod (littéralement, « Villeneuve-la-Grande »), l’une des plus anciennes villes de Russie. Fondée entre le VIIIème et le IXème siècles,Veliki Novgorod a, malgré son histoire mouvementée, été préservée des destructions tatares et soviétiques. Seul Hitler a réussi à la détruire partiellement. Aujourd’hui, elle compte 218 000 habitants et un centreville fort agréable avec son vaste Kremlin, probablement le mieux conservé du pays. Ses hauts murs rouges abritent Sainte-Sophie, le plus ancien sanctuaire en pierre de taille de Russie, construit entre 1045 et 1050, soit un siècle avant Notre-Dame de Paris. Ce bâtiment cubique blanc surmonté de
Elle comporte des icônes du XIème au XIXème siècles, dont une série exécutée par Théophane le Grec, mentor de l’illustre Andreï Roublev. Un autre musée mérite le détour, celui de la porcelaine, un domaine d’excellence local. Situé
Malgré son histoire mouvementée, la ville a été préservée des destructions tatares et soviétiques Parmi une douzaine de monastères, les amateurs d’orthodoxie ne manqueront pas celui d’Iverski dans l’ancien monastère Deciatinni, il regroupe une collection héritée des plus grands maîtres locaux. Une annexe « interactive » du musée initie les visiteurs à la fabrication de la porcelaine. Une initiative originale, qui a reçu le soutien du Fonds Potanine pour sa démarche innovante. Dans les environs immédiats de la ville, une multitude d’églises
Devant l'icône de la vierge d'Ivérie médiévales aux architectures variées sert de prétexte à de longues promenades. Le lac Ilmen, qui borde le flanc sud de Veliki Novgorod permet d’agréables sorties en bateau vers des paysages harmonieux et intacts. Un village médiéval, Vitoslavitsy, constitué de maisons en bois remontant au XVIème siècle, transporte le visiteur au Moyen-Âge, avec un imposant édifice construit en 1531, le plus ancien de tout le NordOuest de la Russie. Non loin du village se trouve le monastère de Iouriev, fondé au XIème siècle, au centre duquel trône l’imposante et austère silhouette de l’église Saint Georges. La région compte une bonne douzaine de monastères au total, et les amateurs d’orthodoxie ne manqueront pas celui d’Iverski, à une centaine de kilomètres en direction de Moscou. Fondé au 17ème siècle sur une île bordée par le magnifique lac Valdaï, il offre une architecture beaucoup plus ornée et d’une magnificence qui le rend incontournable. Il serait dommage, entre deux excursions à thème culturel, de ne pas goûter aux charmes naturels de la région.
Anniversaire Veliki Novgorod a célébré la création de l'État russe, il y a 1150 ans
Dans la plus ancienne ville de Russie Du 21 au 23 septembre, Veliki Novgorod a fait un saut dans le passé pour remonter à la naissance de l’État russe. EVGUÉNIA TSINKLER
Les habitants de Veliki Novgorod ont toujours considéré leur ville comme la première fondée en Russie. Sa création remonterait à 859. C’est donc au Riourikovo Gorodichtché, la vieille cité sur la colline surplombant la rivière Volkhov à 2 kilomètres de la ville, lieu de la première résidence de Riourik, le prince varègue fondateur, que s’est tenu le gros des festivités liées au 1150ème anniversaire de l'État russe. Les reconstitutions historiques
DMITRY KASCHEEV_RG
LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Les petits Novgorodiens laissent voler les symboles de la paix.
ont pris ici la forme de batailles à l’épée en armure médiévale, là de filles à la longue chevelure en robes de lin, coiffées de kokochniks bigarrés (coiffes traditionnelles). C’est dans cette atmosphère du IXème siècle, là où Rurik a fondé la première principauté que la « Pierre princière » a été inaugurée, un roc de 2,6 mètres de haut pesant près de 40 tonnes. Le centre de Veliki Novgorod, a accueilli une foire médiévale. Sur la rivièreVolkhov, des navires du Moyen-Âge, comme ceux qui, à l’époque, traversaient la mer Baltique vers Byzance. Parmi eux, un navire varègue venu de loin, le Forkome, qui a suivi sur 1 200 km la route des Varègues vers la Grèce depuis le petit village suédois de Nortelie.
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cinq coupoles affiche toutefois une austérité empreinte d’un caractère majestueux. À un jet de pierre de SainteSophie, une imposante sculpture de bronze, « Le Millenium de la Russie », retient l’attention. Érigée en 1862, cette œuvre d’art collective de 15 mètres de haut en forme de cloche raconte l’histoire de l’empire depuis l’arrivée du Varègue Rurik à Novgorod mille ans plus tôt. Parmi les innombrables personnages sculptés dans le bronze se côtoient des écrivains, des guerriers, des patriarches et scientifiques à pied d’égalité avec des tsars, ce qui est fort inhabituel pour une œuvre aussi officielle. Une absence notoire : celle d’Ivan le Terrible, qui a massacré des milliers d’habitants deVeliki Novgorod en 1570 et mis définitivement fin à la timide expérience démocratique de l’administration locale.Veliki Novgorod aime d’ailleurs à se surnommer le « berceau de la démocratie russe », ce qui prête à débat parmi les historiens. Dernier élément incontournable d’une visite du Kremlin : la remarquable collection d’icônes du musée, probablement la plus impressionnante du pays après la Galerie Tretyakov de Moscou.
Veliki Novgorod cherche sa place entre Moscou et SaintPétersbourg, lançant un timide appel aux touristes avec ses églises millénaires et ses cours d’eau sauvages.
Elle est exposée dans le monastère orthodoxe de l'île Selvitsky au lac Valdaï, à 10 km de la ville de Valdaï. Sa réalisation a commencé à l'été 1653. En quelques mois, deux églises étaient construites
en bois, et dès 1656, la cathédrale de l'Assomption était achevée. En 2008, le Patriarche Alexis II a décidé de rebaptiser la Cathédrale de l’Assomption « Cathédrale de l’Icône de la Mère de Dieu ».
Le tourisme pour développer l’économie Si la région de Veliki Novgorod est aussi agréable à parcourir, c'est qu'elle a été ignorée par le pouvoir soviétique. Pas de conglomérats industriels, donc une situation écologique idéale. EMMANUEL GRYNSZPAN LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Mais l'absence d'industrie a une vilaine conséquence : une économie sous-développée. La région tente aujourd’hui de transformer ce handicap en atout en développant l’industrie touristique. « Nous souffrons d’un important déficit de main d’œuvre pour développer l’industrie », explique Alexandre Smironov, adjoint au gouverneur pour le développement économique. « Or, le tourisme ne nécessite ni de gros investissements, ni une importante main d’œuvre ». La région est déjà connue au niveau domestique, comme le rappelle Ksenia Nazarova, responsable de l’Izba Rouge, l’office de tourisme local. « Veliki Novgorod était une des destinations les plus populaires des touristes
soviétiques ». Aujourd’hui, l’industrie du tourisme parie aussi sur les voyageurs étrangers, qui constituent environ 10% des visiteurs. « L’Izba Rouge doit beaucoup à la ville de Strasbourg, dont l’office du tourisme a financé une partie du projet (via un programme TACIS) et apporté son savoir-faire », explique Nazarova. Maison en bois à deux étages, l’Izba Rouge apporte toute l’information nécessaire, diffuse des brochures gratuites et offre même un accès wi-fi gratuit à tous les visiteurs dans un rayon de 100 mètres. « Notre objectif : retenir les touristes plus d’une journée, car sinon, les investissements dans le secteur ne sont pas rentables », estime le président du comité pour le tourisme régional Sergueï Fliougov. « Nous cherchons à développer suffisamment de programmes complémentaires pour qu’ils restent au moins une nuit sur place ». À partir de ce seuil, les investissements dans le segment hôtelier sont amorcés et les investissements privés suivent.
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Opinions
POURQUOI NOUS VOTONS OBAMA BORIS MEJOUÏEV IZVESTIA
V
RUSSIE-GÉORGIE : LE REDÉMARRAGE « RÊVÉ » Sergueï Markedonov VEDOMOSTI
L
es élections législatives ont, début octobre, projeté la Géorgie sur le devant de la scène médiatique russe. La victoire du bloc d’opposition, Rêve géorgien, que dirige le milliardaire Bidzina Ivanichvili, ainsi que la première défaite du Président Mikhaïl Saakachvili en dix ans, révèlent une importante évolution politique. Avec des conséquences pour les relations bilatérales russo-géorgiennes. Certains voient dans la « pragmatisation » des relations de la Géorgie avec son voisin du nord une percée longuement attendue. Un parallèle avec l’Ukraine vient à l’esprit. La Géorgie et l’Ukraine ont connu en 20032005 des révolutions à la suite desquelles les deux pays sont devenus les partenaires les plus problématiques de Moscou au sein de la Communauté des États indépendants (CEI). Et si dans le cas de l’Ukraine, on est parvenu à ne pas franchir la « ligne rouge », Tbilissi et Moscou ont brutalement divorcé en août 2008. Aussi bien dans le cas de l’Ukraine que dans celui de la Géorgie, les attentes exagérées et l’enthousiasme initial liés au changement de pouvoir ont fini par s’éventer. Il faut évidemment nuancer la comparaison, ce que
de nombreux commentateurs russes omettent de faire. Nous sommes à nouveau confrontés à une « russification » du problème géorgien : quand on évoque la Géorgie, on pense en réalité à la Russie. Plus précisément, à ce que nous aimerions voir en elle. D’où les conclusions hâtives sur le succès de la transition politique d’un régime présidentiel à une démocratie parlementaire. Car les législatives ne sont que le premier acte. Certes, le pouvoir a, pour la première fois depuis 2003, subi une défaite tangible. Mais il n’est pas brisé. Ce n’est pas un hasard si le président du Parlement, David Bakradze, a insinué que le pouvoir pourrait déclencher une crise parlementaire et de nouvelles élections si les vainqueurs du dernier scrutin ne se comportaient pas de façon constructive. Le rôle du Parlement en sort renforcé. Mais pour le moment, le président conserve le pouvoir de présenter la candidature du Premier ministre. Et l’on peut douter qu’Ivanichvili soit le candidat en question. Concernant le « Ianoukovitch géorgien », le milliardaire doit encore, afin de mériter son surnom (emprunté au président ukrainien), résoudre le problème de sa propre citoyenneté. Jusqu’à présent, il possède un passeport français et non géorgien. Le Rêve géorgien [parti d’Ivanichvili] ne possède pas d’idéologie cohérente ni de pro-
gramme, que ce soit en politique étrangère ou intérieure. L’argent constitue une ressource fiable mais insuffisante. Une ligne idéogoique est nécessaire. Pour le moment, une campagne présidentielle anticipée et l’accélération des réformes politiques semblent
L’alternance du pouvoir en Géorgie ne signifie pas que Moscou et Tbilissi se tendront brusquement la main
N’importe quel dirigeant géorgien défendra avant tout les intérêts nationaux tels qu’il les comprend l’éventualité la plus apte à consolider une opposition extrêmement disparate. À cet égard, la thèse du changement politique en Géorgie, tout comme l’évocation d’un glissement géopolitique, semblent prématurées. Il faut être conscient qu’en annonçant son passage dans l’opposition, Saakachvili ne s’adressait pas tant aux Géorgiens qu’aux observateurs étrangers. Tout simplement parce que
les véritables leviers ne sont pas encore en possession des « rêveurs ». Un dernier point, non des moindres : imaginons que les déclarations du président géorgien sur le transfert du pouvoir soient mises en œuvre dans un avenir proche. Cela ne signifiera pas que Moscou et Tbilissi se tendront brusquement la main. La logique de l’opposant et celle du chef de l’État en exercice sont deux choses différentes. L’expérience moldave avecVladimirVoronine, et l’histoire ukrainienne avecViktor Ianoukovitch ou même Leonid Koutchma, l’ont montré par le passé. On peut rappeler encore la frustration ressentie concernant « nos amis » Edouard Chevardnadze, Heïdar Aliyev, ou Algirdas Brazauskas. N’importe quel dirigeant géorgien défendra avant tout les intérêts nationaux tels qu’il les comprend. Oui, un réchauffement des relations avec la Russie est possible, mais pas au-delà des limites qui existent actuellement, et dont la description nécessiterait non pas un article, mais un livre tout entier.
À l’issue du procès en appel, l’une des trois mebres du groupe Pussy Riot, Ekaterina Samoutsevitch, a été libérée avec sursis, tandis que Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina devront purger deux ans de camp pour hooliganisme dans la Cathédrale du Christ-Sauveur en février dernier. Samoutsevitch avait décidé de changer d’avocat une semaine plus tôt, mais ceci n’explique pas la magnanimité dont la justice russe a fait preuve. Préparé par Veronika Dorman
La Russie doit rechercher auprès des dirigeants américains non des idoles, mais des partenaires fiables du prix Nobel ne s’est pas particulièrement distingué par une défense du droit international, ni du droit en général. La Russie et l’ensemble de l’humanité progressiste, comme on disait il y a longtemps, n’ont aucune raison de se montrer admiratives du 44ème locataire de la Maison Blanche. La Russie doit rechercher auprès des dirigeants américains non des idoles, mais des partenaires fiables. Et si Obama ne convient pas en tant qu’idole, il est au moins préférable comme partenaire. Boris Mejouïev est politologue. Article publié le 11 septembre 2012, Izvestia
Sergueï Markedonov est un collaborateur invité du programme Russie et Eurasie du Centre d’études stratégiques et internationales, basé à Washington. Article publié le 08 octobre 2012, Vedomosti
LU DANS LA PRESSE LA LIB É RATIONSURPRISE D’UNE PUSSY RIOT
ladimir Poutine a réalisé que personne n’égalait Barack Obama au sein de la classe politique américaine. Et il en a conclu qu’il convenait de soutenir l’actuel président là où il le pouvait. Bien sûr, si Romney gagne, Moscou traitera avec Romney. Mais il est préférable de travailler avec quelqu’un qui se dit prêt à faire, après sa victoire, un pas vers la Russie sur la question de la défense antimissile, qu’avec un homme qui considére notre pays comme l’ennemi géopolitique N°1. Pour paraphraser l’astronaute Armstrong, nous pouvons dire que cette prise de conscience est un petit pas pour un leader mais un grand progrès pour l’ensemble de la Russie. Il y a quatre ans, quand Obama a affronté le sénateur John McCain, la plupart de ceux qui suivaient en Russie la campagne électorale américaine étaient favorables au candidat républicain. Pour quatre raisons. Certains espéraient qu’un McCain élu financerait immédiatement l’opposition russe, et exigerait de Poutine et Medvedev qu’ils s’inclinent face à la foule rassemblée à grand renfort de dollars. D’autres, à l’opposé, estimaient que les menaces et les intentions agressives manifestes des ÉtatsUnis forceraient notre classe dirigeante à s’unir pour mener la modernisation des forces armées russes et de l’économie en général. D’autres encore continuaient de croire à la vieille fable des républicains apparemment durs, mais en réalité secrètement pacifiques, et des démocrates doux, mais sournois et perfides. Le quatrième groupe était sans doute le plus important, composé de gens que ne rebutent pas la vulgarité, la férocité et la brutalité.
Il semble qu’une inflexion réconfortante se soit produite dans l’esprit des élites russes – pouvoir comme opposition. On a compris que la Russie n’était pas prête à une confrontation frontale avec l’Occident. Nous avons devant nous d’autres républicains, totalement différents de Nixon ou Reagan. À part Obama, on ne voit pas l’ombre d’un « vrai réaliste » sur la scène politique. Cela ne manquera pas de réjouir ceux qui s’orientent en fonction des intérêts nationaux du pays. Obama n’a jamais cherché à créer des tensions avec la Russie. C’est vrai, Obama n’a pas osé toucher aux grandes banques. Il n’a pas eu le cran de mettre au pas la Réserve fédérale. On a attendu en vain un nouveau New Deal, et tous ceux qui comptaient sur le retour de l’État dans l’économie ont été déçus. Le lauréat
DURE LIBERTÉ
DISCERNEMENT ET CHÂTIMENT
DRÔLE DE GUERRE
Éditorial
Alexandre Kots
Mikhaïl Rostovski
GAZETA.RU/ 11.10
KOMSOMOLSKAYA PRAVDA/ 11.10
MOSKOVSKI KOMSOMOLETS/ 11.10
D’héroïne, Samoutsevitch se transforme rapidement en traîtresse. Sa libération a provoqué une nouvelle fracture dans la société, qui témoigne de la dureté aussi bien des partisans du pouvoir que des opposants à Poutine. Mais personne n’a le droit d’exiger des trois jeunes femmes un exploit comme celui des martyrs politiques de l’époque soviétique. Il va de soi que le pouvoir cherche à semer la discorde dans le groupe et dans la société. En plus, le pouvoir n’a pas reconnu son erreur, le jugement n’a pas été annulé, l’affaire n’a pas été renvoyée. Simplement, il a allégé la peine de l’une des accusées, sans que l’on sache même sous quelles conditions.
Miracle ! La « machine punitive » du système judiciaire russe s’est enrayée ! Le triomphe de la justice ? Une petite victoire sur le système ? Non, simplement, quelqu’un a bien fait son travail, au lieu de créer des idoles pour « la résistance russe ». Pendant tout le procès, les soidisant défenseurs des « victimes du régime » n’ont fait que creuser la tombe des trois couineuses, devenues du jour au lendemain des stars du showbiz. Samoutsevitch l’a compris à temps et a embauché un avocat qui a su prouver qu’elle n’a pas participé à la prière punk. Ses copines devraient en prendre de la graine si elles ne veulent pas croupir dans un camp.
Notre justice est la plus humaine, mais aussi la plus imprévisible, la plus illogique au monde ! Quel est ce nouveau jeu dans lequel s’est lancé le pouvoir ? Pourquoi avoir grâcié seulement une des trois filles ? Est-ce une façon de « diviser pour mieux régner » ? L’affaire dépasse depuis longtemps le cadre juridique, toute décision est par définition politique. Le pouvoir a tiré profit de la persécution des filles, l’opposition a pu être présentée comme une force antichrétienne agressive. Mais le revers de la médaille, c’est la détérioration du climat moral dans le pays et l’influence croissante de toutes sortes d’extrémistes, religieux comme antireligieux.
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Culture
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ENTRETIEN AVEC ALEKSEI GUSKOV
CHRONIQUE LITTÉRAIRE
« Quatre jours en mai » au festival du cinéma russe de Honfleur
Au pays des Cosaques
mauvais ratio. Le problème de base, c’est que les spectateurs russes qui souhaitent regarder des films russes sont de moins en moins nombreux.
L’acteur et producteur Aleksei Guskov, qu’on a admiré dans Le Concert, parle de son nouveau film à l’affiche du festival de Honfleur (20-25 novembre) et évoque les perspectives du cinéma russe à l’étranger.
Il y a quelques années, ce n’était pas le cas … Ils ont été déçus par les attentes, trompés par une publicité mensongère. On leur a promis des effets spéciaux hollywoodiens, des idées originales qui n’en étaient pas. Lutter avec les Américains sur leur terrain n’a pas de sens. Pour que le cinéma russe soit vu dans le monde entier, je ne vois qu’une seule solution : la coproduction. C’est ce que font l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne et la France a aussi recours à l’argent des autres. C’est seulement ainsi que l’on pourra réunir le budget nécessaire et parvenir à un haut degré de qualité et d’authenticité. Un tel travail de coproduction requiert cependant une mise de fonds. En Russie, il est très difficile de lever une somme supérieure à un million de dollars.
Des doutes ont été émis quant à la véracité de l’histoire : bizarre dans une critique de film d’auteur. Oui, évaluer un film artistique de ce point de vue est effectivement bizarre. Or les faits relatés dans le film ont été confirmés par plusieurs historiens. Ce débat a commencé en avril, après les élections et avant l’inauguration présidentielles. Le compte rendu qui en a été fait se situe dans une société très polarisée. Mais il ne faut pas croire que le public est idiot. Au festival de « Porte sur l’Europe » à Vyborg, où le public est invité à voter, nous avons remporté le prix de la sympathie des spectateurs. Nous avons obtenu de nombreux prix dans différents festivals, et en février, entre 150 et 200 exemplaires du film ont été diffusés. Nous avons été aussitôt piratés sur Internet. Et d’un coup, en avril, le matraquage médiatique, a
SERVICE DE PRESSE
Honfleur, rendez-vous important ? J’y participe avec le film Quatre jours en mai, qui a été reçu diversement, de façon ambiguë en Russie, souvent comme un film politique. Il a choqué les « patriotes » car il montre des soldats allemands et russes s’unir pour défendre des enfants contre d’autres soldats russes à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Aleksei Guskov dans une scène du film Quatre jours en mai.
BIO
Aleksei Guskov NÉ : LE 20 MAI 1958 NÉ À BRZEG (POLOGNE)
Guskov a étudié à l’université Baumann et à l’école-studio du théâtre d’art de Moscou. Il a commencé sa carrière au théâtre Pouchkine avant de passer au théâtre de la Malaïa Bronnaïa et tenu plus de 30 rôles au cinéma. Il a été nommé artiste émérite de Russie et artiste du peuple.
commencé. Je suppose que ce ne sont que des jeux politiques.
qui inclut et l’exportation des films, et la lutte contre la piraterie – ne sera pas opérationnel, on n’en sortira pas. Bien sûr, certains cinéastes russes et certains films continueront d’avoir du succès à l’étranger, mais ils ont besoin d’aide.
Différents fonds publics contribuent aujourd’hui à promouvoir le cinéma russe en Occident. Travailler à promouvoir le cinéma russe à l’étranger est une nécessité. L’exemple français est intéressant, car en France le cinéma national est très défendu. Pas comme chez nous où seules quelques sociétés de production alimentent une chaîne de télévision regardable, montrant des films valables. Tant que le modèle de rentabilité économique du cinéma russe –
Pourquoi produit-on des films en Russie s’il est impossible de faire des bénéfices ? Certains films rencontrent le succès. Ils répondent à la demande de la société. Sur dix films, sept perdent de l’argent, deux ne rapportent rien, et un seul fait du profit. C’est un bien
Vous tournez souvent pour le cinéma européen ? En 2008, j’ai joué, dans Le Concert, de Radu Mihaileanu, le rôle du chef d’orchestre russe Andreï Filipov. Ce fut un gros succès. La première a eu lieu au théâtre du Châtelet ; le film a reçu deux Césars, pour la musique et les effets sonores ; nominé aux « Golden Globes », il a aussi obtenu le prix italien David di Donatello que je garde à la maison : c’est le plus beau de ma collection. Je trinque avec. Propos recueillis par Semen Kvacha
Photographie Albert & Verzone ont capté l’âme des Russes
Le duo italien présente des clichés réalisés lors de trois périples à Moscou. Quarante-cinq photographies sont exposées sur la place de l’Hôtel de Ville de Rennes jusqu’au 4 novembre. EMMANUEL GRYNSZPAN LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
« Moscou Plages » est la contraction de deux expositions parallèles des photographes italiens Albert &Verzone, qui travaillent ensemble depuis 21 ans. Une collaboration qui a justement démarré à Moscou en 1991, lorsqu’ils réalisèrent une série de portraits de Moscovites, deux semaines à peine après le putsch des colonels du KGB. Le côté Plages de l’exposition correspond au projet « SeaEuropeans », un voyage dans l’Europe balnéaire. Mais la partie la plus intéressante est la moscovite, qui n’a évidemment rien de balnéaire. Alessandro Albert et Paolo Verzone se sont rendus trois fois ensemble dans la capitale russe pour y capter l’âme de ses habitants à trois époques distinctes : 1991, 2001 et 2011.
Pour eux, l’appareil photo « peut devenir une machine à voyager dans le temps ». D’autant plus que Moscou a tendance à faire des sauts bizarres dans le temps, en arrière comme en avant. Ce qui se traduit sur les visages et les accoutrements de ses habitants. Non russophones, les deux artistes ont disposé des panneaux expliquant en russe aux passants
L’exposition « Moscou Plages » regroupe des portraits réalisés dans la rue à trois époques russes différentes qu’ils cherchaient des gens prêts à poser dans la rue. Les lieux qu’ils ont choisis pour réaliser les portraits sont des endroits qualifiés de « stratégiques », porteurs d’une signification historique, et même s’ils ne sont pas dévoilés dans le cadre de la photographie, ils inspirent les artistes et influent sur l’attitude du sujet photographié. Au fil des
trois séquences réalisées chacune à une décennie d’intervalle, les sites sont presque toujours les mêmes. Au contraire des sujets, midinettes aguicheuses, militaires, femmes au foyer, vétérans de la Seconde Guerre mondiale, employés de bureau, immigrés, hommes d’affaires, bandits, grand-mères, ex-taulards, fliquettes... des gens ordinaires pour la plupart, saisis dans des poses d’un naturel confondant. Les photographes expliquent qu’ils ont eu recours à des stratagèmes psychologiques pour obtenir des passants des poses non étudiées. Verzone souligne qu’il préfère l’improvisation à un long travail directionnel de la part du photographe. Les deux artistes se positionnaient intentionnellement à côté de l’objectif, et non pas derrière, pour déstabiliser leurs modèles mais aussi pour que la séance de pose ne soit pas conventionnelle, ce qui aurait conduit les passants à se figer dans des attitudes convenues. Saisis dans des expressions intermédiaires, les Moscovites laissent échapper leur naturel.
ALBERT & VERZONA (4)
Rennes découvre des Moscovites saisis tels qu’ils sont... ou étaient 1
2
3
4
Les photographies 1 et 3 ont été prises par Albert & Verzone en 1991, la photo 4 en 2001 et la photo 2 l’année dernière.
La variété des visages, des accoutrements et parfois même des expressions faciales a quelque chose de frappant. Les différences d’une décennie à l’autre sont notables dans les vêtements, alors que la spécificité des individus demeure évidente. Presque tous portent en eux quelque chose de typiquement russe (ou
soviétique). Ils gardent un côté exotique, étranger, que ce soit sur des clichés de 1991 ou de l’année dernière. Le talent d’Albert & Verzone réside dans le fait qu’ils ont su capter l’essence de la Moscovie, une sorte de monde parallèle en évolution rapide, mais qui, grâce à leur travail, nous est plus proche.
TITRE : MES TREIZE ONCLES AUTEUR : V. OTROCHENKO ÉDITION : VERDIER TRADUIT PAR ANNE –MARIE TATSIS-BOTTON
Encore un auteur que nous font découvrir les éditions Verdier ! Vladislav Otrochenko, déjà récompensé en Russie par plusieurs prix, s’inscrit d’emblée dans la lignée des écrivains russes que sont Boulgakov et Gogol, et davantage encore, des écrivains latino-américains, tenants du réalisme merveilleux. Otrochenko puise son inspiration dans ses racines, la culture des Cosaques du Don avec son folklore et ses mythes. S’ingéniant à brouiller les pistes temporelles et matérielles, à mêler l’illusoire et le réel, l’auteur de Mes treize oncles brosse dans une prose jubilatoire et baroque, le portrait de la pittoresque famille Mandrykine : la mère Annouchka, le père, Malakh, dit l’Immortel, géniteur d’une lignée loufoque, 13 fils « enfavorisés » de naissance - tous arborent dès leur apparition au monde d’imposants favoris - dont l’aîné Semion, le plus beau et le plus doué, est en fait le fils putatif d’un Grec de passage, Antipatros, artiste, devin et fin stratège comme son illustre homonyme. Ils vivent dans une maison qui s’ouvre à l’infini sur des volées de marches, des jardins, des enfilades gigantesques où la joyeuse fratrie se perd elle-même, oubliant un certain temps, à moins que ce ne soit un temps certain, L’Immortel, dans un cagibi ! Ces légendes pour un album de photographies (c’est le soustitre de l’ouvrage) s’élaborent autour des clichés réalisés à des moments divers, mariages, enterrements, Noël, Pâques. La famille est entourée d’une parentèle nombreuse et agitée, donc floue, qui s’efforce d’être immortalisée par le photographe qui n’a pas apprivoisé le temps, mais « seulement le mirage de l’instant, le mirage périssable d’un certain instant choisi qui brille précieusement comme un diamant indestructible, dans l’écrin de l’éternité voulue par Dieu… », pas plus que l’espace, car le hors-champ « infini, non imprimé, (est) séparé à jamais par les frontières infranchissables de l’image triomphalement nette comme le territoire d’un immense État est séparé d’une enclave petite, mais indomptable ». Il y a dans Mes treize oncles une incontestable jubilation à décrire avec une profusion d’adjectifs, à distordre la phrase, à triturer la langue, pour embarquer le lecteur dans un tourbillon hallucinatoire, passant du moment infiniment précis de l’éclair lumineux à l’Histoire, de l’infiniment grand au détail, pour questionner les notions constitutives de la culture et de la condition de l’homme, l’espace et le temps. Christine Mestre Découvrez d’autres chroniques sur larussiedaujourdhui.fr
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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO
Loisirs
Gastronomie Anatoly Komm, seul chef russe cité dans le Guide Michelin, régale dans un grand restaurant parisien les 9 et 10 novembre
Bortsch et foie gras dans les bagages LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Dans le cadre de sa tournée mondiale de trois ans, au nom ironique de « tour du monde avec du bortsch et du foie gras », Anatoly Komm sera à Paris chez le néo-classique de la cuisine française, Thierry Marx, aux fourneaux du restaurant de l’hôtel de luxe Mandarin Oriental Paris. La passion d’Anatoly Komm pour la gastronomie est née d’un amour d’enfance, les biscuits de sa grand-mère. Aujourd’hui, à 45 ans, dont la plupart passés en cuisine, il ne regrette pas une seconde son choix de vie, qui se dessina en 1991 lorsqu’Anatoly se mit à voyager à travers le monde. Chaque fois que quelque chose d’intéressant ou d’intrigant le retenait quelque part, il s’arrangeait pour faire un stage en cuisine. Les chefs ne refusaient jamais ses services. L’une de ses premières expériences fut un petit restaurant à Hong-Kong, dans le quartier du marché aux poissons. Et début mai cette année, dans le cadre du projet « Hong-Kong, vingt ans plus tard », Komm est retourné sur les lieux de ses premières leçons culinaires. Il en a profité pour montrer ce qu’il a appris entretemps, dans le restaurant Amber
EN LIGNE
La recette du chef
SERVICE DE PRESSE
MARIA AFONINA
(37ème au classement The World’s 50 Best Restaurants) à l’hôtel Mandarin Oriental. C’est à la brasserie Green de Genève qu’il vola de ses propres ailes. Malgré la courte vie du restaurant, le talent de Komm fut relevé par les critiques du Michelin. « De la bonne nourriture pour des prix honnêtes, mais j’ai dû revendre rapidement l’établissement, parce que les Suisses ne m’ont pas prolongé mon visa, explique le chef russe placidement. Aujourd’hui, on me propose souvent d’ouvrir des restaurants à Londres, Paris, New York et ailleurs. Les plus actifs sont les Chinois », ajoute-t-il avant de parier que les Londoniens ont le plus de chances de voir leur ville accueillir son prochain établissement. Pas si simple : « Un restaurant, ce n’est pas seulement un chef : il faut aussi un partenaire local fiable. Un vrai complice, qui a la même philosophie que moi, et ça, c’est très difficile à trouver ». Komm n’aime pas l’étiquette de fondateur de la cuisine moléculaire en Russie, dont on l’a affublé. « Ils délirent », dit-il. Au congrès des cuisiniers à SaintSébastien (Espagne) en 2007, il a présenté un exposé démontrant que la cuisine moléculaire et les techniques de modification de la texture du produit n’étaient en rien innovantes. Selon lui, 99% de ce que l’on appelle la cuisine moléculaire aujourd’hui a été créé en Russie. L’industrie alimentaire soviétique utilisait ces technologies pour les repas des cosmonautes et des explo-
Sur notre site Web, Anantoly Komm présente sa recette de la « Clairière printanière » et décrit la haute cuisine à base de produits traditionnels du pays, comme le topinambur qui était utilisé à la place de pomme de terre avant Pierre le Grand. Ce qui ne l’empêche pas d’accommoder les produits russes à la truffe. Bon appétit !
ALEKSANDR GANUSHIN
Dans son restaurant Varvary à Moscou, Anatoly Komm initie les Russes à haute cuisine. À Paris pour deux jours en novembre, il proposera un menu « à la russe » pour les Français.
Vidéo sur larussiedaujourdhui.fr/ 15483
Anatoly Komm dans son restaurant Varvary.
rateurs polaires ou pour la conservation des vitamines dans les fruits. Ce qui ne veut toutefois pas dire que la gastronomie du pays a su évoluer. « La cuisine russe contemporaine se situe au niveau de la cuisine française il y a cent
ans. La gastronomie française s’est développée, la russe est demeurée lourde et grasse. C’est à ça qu’il faut travailler ». Pour ouvrir son restaurant Varvary, Anatoly Komm a dû vendre ses précédentes enseignes (Anatoly Komm, Green-Grill pa-
lace, Koupol, Khartchevnïa Komm.A), mais sa nouvelle maison reflète au mieux sa vision de la cuisine russe. La carte annonce la couleur : « Tous les produits proviennent du terroir russe et sont une fierté de l’agriculture nationale ».
Car « si j’ouvre un restaurant de cuisine russe, je suis obligé de dénicher et cuisiner les meilleurs produits locaux », souligne Komm. C’est une condition primordiale pour le maestro [il aime être appelé ainsi]. Certes, l’homme n’est pas des plus modestes, mais il a de bonnes raisons de penser que sa cuisine relève de l’art. Du reste, « de nombreux spécialistes m’ont dit qu’il n’y avait pas assez d’étoiles Michelin pour ce que je fais ! » [aucun restaurant en Russie ne possède d’étoile Michelin, ndlr]. Varvary propose des « spectacles gastronomiques », Komm préparant lui-même des plats de très haute cuisine pour une poignée de convives. On peut y participer en s’inscrivant au préalable pour la modique somme de 215 euros par personne. Ou bien dîner plus simplement, à partir de 75 euros le plat - pas donné pour un restaurant moscovite. La plupart des convives sont des étrangers. D’où le nom du lieu, Varvary [littéralement « Les Barbares » en français] : de grands tissus à fleurs dépassent des nappes blanches et les murs sont décorés de fine dentelle de Vologda, pour que les hôtes étrangers, en passant à table, se fassent de la Russie une autre idée que celle du « pays du gaz et du pétrole ». « J’adore ce nom Barbares ! », avoue Komm. Et son sourire malicieux laisse entendre qu’il n’initie pas seulement les étrangers à la haute cuisine russe, mais également ses concitoyens.
Voyages Des réseaux sociaux offrent des services d’échange d’hébergement, et l’accueil chez l’habitant sans échange monétaire
D’un canapé à l’autre : le « couchsurfing » ou l’invitation à l’aventure
EN CHIFFRES
40 000 couchsurfers sont enregistrés en Russie. Leur nombre total dans le monde est d’environ quatre millions, dont la majorité se situe aux États-Unis.
12 000
MARIA DEGTIARIOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
« Nous n’avions besoin que d’un endroit pour poser nos sacs de couchage ». Pour Jakub, le couchsurfing (littéralement : la recherche d’un canapé pour passer la nuit) n’est pas seulement un moyen d’économiser : « Cette façon de voyager permet de communiquer avec les habitants, qui connaissent les endroits à visiter, et ainsi de mieux découvrir la culture de l’intérieur ».
L’idée d’échange d’hospitalité de masse est arrivée en Russie grâce à l’organisation Servas International, fondée en 1949. Le nom du réseau signifie littéralement, en esperanto, « Je sers la cause de la paix ». L’organisation a établi sa présence en URSS en 1980, et fonctionné illégalement pendant les quelques années qui ont suivi. « Mes parents ont rejoint Servas en 1988. Je me souviens toujours de ces étrangers qui nous rendaient visite », raconte Alexeï Terchtchenko, chef du bureau russe de l’organisation. « Nous avons accueilli par exemple le chef du programme spatial japonais. Et une autre fois, nous avons hébergé un Grec qui par-
lait quatorze langues. Servas est une grande famille au sein de laquelle on ne peut jamais se sentir seul ou malheureux ». Après son lancement par Servas, le concept d’échange d’hospitalité est rapidement devenu très populaire, plus de cent réseaux existant à ce jour dans le monde. Le leader incontestable est couchsurfing.com, site qui compte quelque 5 millions de membres, dont 40 000 Russes. Considérée comme assez importante, la communauté de « couchsurfers » en Russie n’est toutefois pas présente dans toutes les villes du pays, près de la moitié de ses membres vivant à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Jakub a visité, à l’aide de son
Jacub (en vert) en compagnie de ses amis et hôtes à Vladivostok.
réseau,Vladivostok,Tchita et Oulan-Oudé. « J’ai commencé à chercher des « canapés libres » à deux ou trois semaines du voyage, relate-t-il. J’envoyais tout simplement des messages en demandant l’hébergement. Parfois, nous recevions des invitations tout de suite. Mais dans le cas de certaines villes, dont la population de couchsurfers est restreinte, c’était plus difficile. Je parle russe et ça m’a beau-
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Festival du cinéma russe à Honfleur (les 20-25 novembre) pour obtenir le pass gratuit. L’inscription est obligatoire : redac@larussiedaujourdhui.fr. Le nombre des places est limité.
couchsurfeurs vivent à Moscou, alors que leur nombre est d’environ 8 000 personnes à Saint-Pétersbourg. En Russie, les adeptes du couchsurfing sont majoritairement des femmes.
SERVICE DE PRESSE
Jakub Kachelmaier, un étudiant polonais, a effectué un voyage de plusieurs mois à travers la Sibérie orientale sans presque rien débourser pour son hébergement.
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coup aidé à trouver un canapé et à communiquer, car certains de nos hôtes ne maîtrisaient pas l’anglais ». La Russe Anna Rouditcheva, qui hébergeait avant d’occuper « le poste de voyageur à plein temps », avait une stratégie bien définie pour sélectionner les couchsurfers qu’elle acceptait de recevoir : « Parfois, c’est un profil intéressant qui m’attirait – je préfère notamment des gens
d’origine multiculturelle. Le site couchsurfing.com m’a aidée plusieurs fois quand je n’avais presque pas d’argent et que j’avais besoin d’un logement. Alors, je peux accueillir une personne qui se trouve dans une situation difficile, même si au deuxième jour il s’avère que nous n’avons pas de sujets de discussion communs. Je mets comme condition principale de ne pas violer mon espace personnel ».
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