La Russie d'Aujourd'hui

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Biennale d'art à Ekaterinbourg Jusqu'au 22 octobre les usines de la ville ouvrent leurs portes aux amateurs d'art contemporain. P. 7

À bicyclette sur les traces de Tolstoï © ITAR-TASS

Grand amateur de la petite reine, l'écrivain a inspiré une expédition cyclotouristique. P. 8

Produit de Russia Beyond the Headlines

Ce supplément est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Moscou, Russie) qui assume seule l'entière responsabilité de son contenu Mercredi 3 octobre 2012

ÉCONOMIE

L'Altaï sauvé par le micro-crédit ?

© KONSTANTIN CHALABOV_RIA NOVOSTI

Gazprom se rebiffe

Magnifique région montagneuse logée en plein cœur du continent eurasiatique, la République de l’Altaï souffre de sous-développement et du braconnage, qui menace plusieurs espèces en voie de disparition. Privé de chemin de fer et d’industrie, l’Altaï se tourne vers le tourisme, grâce à une nouvelle liaison aérienne directe depuis Moscou. Grâce aussi à quelques idées innovantes permettant aux autochtones de repenser leur relation avec la nature.

Selon la direction du géant d'État russe, l'enquête menée par la Commission européenne sur ses entraves à la concurrence est guidée par des intérêts politiques. Les experts pensent que Bruxelles cherche surtout à obtenir des rabais sur les prix. PAGE 4

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OPINIONS

© ALAMY/LEGION MEDIA

PHOTO DU MOIS

La Caspienne attise les ambitions militaires

Créatures de la mer Arctique

Du 17 au 23 septembre, les manœuvres militaires russes Kavkaz-2012 se sont déroulées à proximité de la mer Caspienne. Le 18 septembre, l'Iran a tenu dans la partie sud de cette mer

lance-missiles de 250 tonnes, construit par l'usine de l'Oural Zenit. À l'avenir, ce pays prévoit le lancement de deux autres navires lanceurs d'engins. Quelle est la raison d'une telle démonstration de force ? Dans cette région, on observe deux points de crispation : la question non résolue de la division de la mer Caspienne, liée aux ressources naturelles du plateau continental, et le problème iranien. SUITE EN PAGE 2

Biologiste marin et photographe plongeur à ses heures, Alexandre Semionov, 25 ans, partage ses photos de créatures

observées dans la Mer Blanche. Découvrez la Cyanea capillata. Pour en savoir plus : larussiedaujourdhui.be/15921

Veliki Novgorod

La mobilisation des manifestants est en baisse, mais la création d'une structure de coordination pourrait la relancer.

Une couturière venue de Sibérie recycle - sans prétention - les grandes icônes de la culture russe des deux derniers siècles.

La ville médiévale attire les visiteurs grâce à ses églises orthodoxes, ses lacs sans frontières et son hospitalité slave.

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© SLAVA PETRAKINA

Tissu souvenir

© ITAR-TASS

L'opposition se cherche

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© MIKHAIL MORDASOV_FOCUS PICTURES

IZVESTIA

EN LIGNE SUR LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE

© ALEKSANDR SENYONOV

KONSTANTIN VOLKOV

des exercices de mise en place de mines. Le Turkménistan a terminé ses exercices navals il y a une semaine, fignolant une stratégie visant à repousser un ennemi ayant pénétré dans le pays en raison de la détérioration de la situation dans la région. En avril, ce sont les gardesfrontières azerbaïdjanais qui s'entraînaient, leur mission consistant à protéger les infrastructures pétrolières. Enfin, le Kazakhstan a mis à l'eau ce printemps un navire d'artillerie

Malgré la stabilité de la cote présidentielle, qu'analyse le sociologue Alexeï Levinson, les Russes attribuent majoritairement à Poutine la responsabilité des difficultés du pays. PAGE 6

Conflit Les hydrocarbures et le nucléaire iranien attisent la tension

La question de la délimitation territoriale et le risque de frappe contre l'Iran forcent les pays limitrophes de la Caspienne à augmenter la capacité de leurs marines respectives.

La popularité de Poutine

Dix femmes emblématiques du monde des affaires LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE/15901


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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE SUPPLÉMENT RÉALISÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA ET DISTRIBUÉ AVEC

Politique

Opposition La mobilisation va en faiblissant, mais la création d'une structure unique de l'opposition pourrait la revitaliser

Une période de doute pour la contestation PAVEL NIKOULINE LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Les opposants russes se sont rassemblés le 15 septembre pour une nouvelle « Marche des millions », marquant l’ouverture de la saison politique. Selon des militants de l’opposition, leur agenda de cet automne comprendra avant tout plus de manifestations, le contrôle des élections régionales d’octobre et la lutte pour la libération des protestataires emprisonnés. Les analystes s’attendent à des changements stratégiques de l’opposition : les actions de protestation seront désormais accompagnées d’exigences sociales et de slogans anticléricaux. Ilia Iachine, un des leaders du mouvement « Solidarnost » (Solidarité), a confirmé aux journalistes que les membres de l’opposition pourraient utiliser des slogans à caractère social, mais d’après l’analyste politique Alexeï Moukhine, ces thèmes devraient tout de même avoir moins de succès que ceux sur les libertés d’expression et de rassemblement. Les appels aux changements dans les

Suite aux élections législatives du 4 décembre 2011, les Russes sont spontanément descendus dans les rues pour participer aux plus grandes manifestations que le pays ait connues depuis vingt ans. Frustré par le manque de transparence et d’engagement du système politique, le mouvement de protestation a continué à grandir durant l’hiver, avec à sa tête des leaders comme le bloggeur anti-corruption Alexeï Navalny, le politicien libéral d’expérience Boris Nemtsov et le leader du Front de gauche Sergueï Oudaltsov. Même si les protestations continuent à attirer de larges foules, le mouvement manque clairement d'inspiration. Certains militants ont entrepris des actions plus concrètes telles que superviser des bureaux de vote ou se présenter dans certaines localités, mais le mouvement dans son ensemble n’a toujours pas d’objectifs précis.

© RUSLAN SUKHUSHIN

services sociaux restent très populaires en Russie, et ils devraient avoir plus d’impact à l’automne, lorsque les Russes seront rentrés de vacances et auront senti les effets de la hausse des prix dans le secteur du logement, entrée en vigueur le 1er juillet. Cependant, vu la couverture médiatique actuelle des lois controversées relatives aux libertés sur Internet et aux ONG, Moukhine pense que l’opposition se concentrera davantage sur les événements qui pourraient être interprétés comme des répressions. « Cela concernera le procès des Pussy Riot et l’arrestation de personnes lors de la manifestation du 6 mai, que les opposants considèrent comme des prisonniers politiques », estime Moukhine. Les demandes de libération de prisonniers politiques sont également fréquentes au sein de l’opposition, même si le statut de ces personnes n’est pas défini dans la loi russe. Les opposants ne sont d’ailleurs pas tous d’accord pour dire que les membres des Pussy Riot sont des prisonnières d’opinion. En revanche, tous considèrent que les manifestants arrêtés en mai appartiennent à cette catégorie. L’opposition promet que ceux qui ont été appréhen-

L’opposition russe a redéfini ses objectifs pour la nouvelle saison politique. En toile de fond : l’affaire des Pussy Riot et les arrestations de manifestants.

Descendre encore dans la rue ?

La « Marche des millions » du 15 septembre.

EN CHIFFRES

14 000

39 partis

17 personnes

manifestants ont participé à la « Marche » du 15 septembre, selon la police. Les organisateurs en ont eux compté 100 000.

politiques sont actuellement enregistrés en Russie. Près de 200 autres sont en cours d’inscription.

sont toujours soupçonnées d’incitation à la violence lors de la manifestation d’opposition du 6 mai.

dés lors de manifestations précédentes ne seront pas oubliés dans les prochaines marches. « Il n’y aura pas le même battage médiatique que pour les Pussy Riot, mais le thème des arrestations du 6 mai aura une place importante dans l’agenda », indique Sergueï Vlassov, représentant du mouve-

ment de défense des droits de l’Homme « Rosouznik » (Prisonnier russe). Un des principaux objectifs de l’opposition cette saison sera de créer des organisations légitimes. Pour y arriver, elle organisera ses primaires et créera un organisme de coordination. Plusieurs tenta-

© ITAR-TASS

« L'incertitude autour de la délimitation constitue l'aspect le plus grave », estime le professeur Vladimir Sajine, de l'Institut d'études orientales. La partie sud de la mer fait effectivement l'objet de litiges depuis des années. Seuls la Russie et le Kazakhstan ont résolu le problème de leur frontière de façon bilatérale en 2002, en divisant le fond et en laissant les eaux pour un usage commun. Pour les autres pays, les cartes regorgent de territoires litigieux. La raison principale, ce sont les ressources naturelles, en particulier les hydrocarbures. Azerbaïdjan, Iran, Turkménistan chaque pays cherche à s'assurer les conditions les plus favorables. L'Iran, par exemple, propose de diviser la mer de façon « juste », c'est-à-dire en fournissant à chaque pays 20% de la surface totale de la mer Caspienne. L'intention de Téhéran est claire : dans tous les cas, le pays ne sera pas en reste, la côte méridionale possédant des réserves prouvées de pétrole (pas encore exploitées). Rien que cet été, les Iraniens ont découvert dans leur secteur un gisement de 2 millions de barils de pétrole et environ 50 milliards de mètres cubes de gaz. À cela, il convient d'ajouter l'esturgeon iranien, une autre richesse de la République islamique.

Le spectre d'une intervention occidentale en Iran effraie les riverains.

Le conflit entre l'Azerbaïdjan et le Turkménistan autour du champ de pétrole « Kapaz » constitue un autre point sensible.

Avec sa flotille de la Caspienne, la Russie reste de loin la première puissance navale dans le bassin Les gardes-frontières azerbaïdjanais ont arrêté au début de l'été un navire scientifique battant pavillon turkmène, qui menait des recherches sismologiques dans la

zone. L'UE tente de concilier les intérêts de Bakou et Achkhabad, en proposant de construire un gazoduc transcaspien. Mais en vain jusqu'à présent. Sur le problème iranien, ses voisins de la mer Caspienne tentent à se prémunir contre une possible attaque militaire Occidentale. « Si l'Iran fait l'objet d'une frappe, Dieu nous en préserve, cela affectera toute la région, explique Vladimir Sajine. Les voisins - l'Azerbaïdjan et le Turkménistan - vont bien sûr prendre des mesures pour profiter de la situation ». « Surtout compte tenu des di-

ticiens n’ont pas assez de culot pour dénoncer les liens entre l’Église et l’État, je le ferai moi. Cela ne plaira pas à tout le monde, mais je tenterai de défendre la société contre la cléricalisation ». Au lendemain du procès des Pussy Riot, la relation entre l’Église et la société est devenue un des thèmes les plus chauds dans la presse et la blogosphère. Mais le politologue Vladimir Pribylovski doute du succès futur des slogans contre le clergé. « Les leaders de l’opposition ont clairement un problème avec l’Église », explique Pribylovski. « Ils trouvent qu’elle s’implique trop dans la vie du pays. Toutefois, l’anticléricalisme fera difficilement partie du top 10 de leurs slogans ».

BRÈVES ET IMAGES

La Caspienne attise les ambitions militaires SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

tives de créer un tel organe avaient déjà été entreprises par le passé, sans succès. Dans le cas de cette commission, les chances de succès sont bien plus grandes car les opposants comptent organiser de véritables élections, à la fois sur Internet et dans de vrais bureaux de vote partout en Russie. Parmi les candidats, il y aura non seulement des politiciens professionnels, mais aussi des militants inconnus du grand public, comme par exemple l’artiste contemporain Artiom Loskoutov, originaire de Novossibirsk. « L’un de mes objectifs est d’aborder le sujet de l’anticléricalisme dans les rangs de l’opposition. Les politiciens ont peur de le faire et essayent de se désolidariser des actes des Pussy Riot. Si les poli-

vergences entre Téhéran et Bakou, liées au fait qu'Israël pourrait utiliser le territoire de l'Azerbaïdjan pour frapper l'Iran », ajoute Jeen Natalia Kharitonova, expert de l'Eurasie. La Russie, dans ce cas, est dans la meilleure position, au moins en raison du fait qu'elle possède la marine la plus puissante de la mer Caspienne. En témoigne la mise en exploitation, en août de cette année, de la corvette Daghestan, équipée de technologies furtives. Dans l'ensemble, la flottille de la Caspienne compte environ 30 navires de différentes classes - des dragueurs de mines aux patrouilleurs. « La flottille de la mer Caspienne est utilisée en premier lieu pour soutenir notre groupe dans le Caucase du Nord », précise l'expert militaire Dmitri Litovkine. Cependant, l'accroissement des forces russes dans la mer Caspienne n'est pas uniquement lié au Caucase et aux tentatives de mettre fin à la pêche illégale de l'esturgeon. Étant donné que ses voisins renforcent leur puissance militaire, Moscou, habitué à se considérer comme le leader dans la région, est contraint d'en faire autant. Les perspectives incertaines de l'Iran ne font qu'aggraver cette tendance. Article publié dans Izvestia

© GRIGORY SYSOEV_RIA NOVOSTI

NOMINATION L'OTAN ATTEND IMPATIEMMENT LE REPRÉSENTANT RUSSE Le nouveau représentant permanent de la Russie auprès de l'OTAN, Alexandre Grouchko, vient d'être nommé. « Nous attendons avec impatience l'arrivée du nouveau représentant russe et espérons qu'elle se fera dans les semaines qui viennent », a indiqué la direction de l'OTAN.

© REUTERS/VOSTOCK-PHOTO

© PHOTOSHOT/VOSTOCK-PHOTO

Mitt Romney achète russe

Le prix Sakharov aux Pussy Riot ?

Mitt Romney a vivement été critiqué par les démocrates pour les investissements réalisés en 2011 par son fonds dans les actions de sociétés russes (Gazprom et Yandex).

Le député allemand Werner Schulz, membre du Groupe des Verts/Alliance libre européenne, a présenté la candidature des Pussy Riot au prix Sakharov pour la liberté d'expression.

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: • LE SOIR, BELGIQUE• EUROPEAN VOICE, UE • LE FIGARO, FRANCE • THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE •DUMA, BULGARIE •GEOPOLITICA, SERBIE • THE WASHINGTON POST ET THE NEW YORK TIMES, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, INDE • YOMIURI SHIMBUN, JAPON • CHINA BUSINESS NEWS, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NATION, ARGENTINE • FOLHA DO SAO PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • POLITIKA, SERBIE • TODAY, SINGAPOUR • UNITED DAILY NEWS, TAÏWAN. EMAIL : REDAC@LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE. LE SOIR EST PUBLIÉ PAR SA ROSSEL ET CIE. RUE ROYALE. 100 - 1000 BRUXELLE - BELGIQUE . TÉL: 0032/2/225.55.55. IMPRESSION : ROSSEL PRINTING COMPANY SA. DIFFUSION : 94.800 EXEMPLAIRES


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Société

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Développement régional Reportage dans l'un des recoins les plus magiques de la fédération de Russie

Vaincre le braconnage à coup de crédits © EMMANUEL GRYNSZPAN

Une solution inédite est mise en oeuvre dans l'Altaï pour résoudre simultanément le problème du chômage rampant et celui des dégâts causé à une nature des plus vulnérables. EMMANUEL GRYNSZPAN LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

© ALAMY/LEGION MEDIA

Le chanteur Bolot Baïryshev

© VERA UNDRITZ

Défilé de mode de la couturière Aïssoura Takhanova, à Tchoui Ozi.

et le World Wildlife Fund. L’objectif commun des trois organisations est de « promouvoir le développement de PME liées au tourisme dans l’Altaï » à travers des bourses et des micro-crédits à taux réel nul. « Pour Citi, il s’agit d’argent injecté dans un projet social et environnemental qui n’est pas destiné à nous revenir », explique Denis Denissov, porte parole de la banque en Russie. La république de l’Altaï compte 200 000 habitants, pour l’essentiel vivant chichement de l’élevage dans un cadre montagneux ou semi désertique. « Le niveau de vie est très bas et le taux de chômage, très haut », remarque Tatiana Pahaeva, directrice du Fonds Sodeïstvie et native de la région. « Le résultat, c’est que la tentation est grande de se livrer

Chevaux paissant en liberté.

EN CHIFFRES

1,3

million de touristes ont visité la république de l'Altaï durant l'été 2012, soit une augmentation de 12% par rapport à 2011.

50

Depuis le début de leur projet, WWF et Citi Fund ont permis la création de plus de 50 emplois et formé 580 habitants de l'Altaï au démarrage d'une entreprise.

© EMMANUEL GRYNSZPAN

Lassé de voir le monde moderne s’infiltrer dans son environnement sans pouvoir en profiter, Olga Savatova, 35 ans, a pris le taureau par les cornes. « Je suis restée trois ans au chômage, assise chez moi. Puis j’ai compris que le tourisme allait à la fois me permettre de me développer personnellement et apporter un revenu complémentaire à mon foyer ». Olga Savatova élève deux enfants à Gorno Altaïsk, la capitale de la république de l'Altaï, en Asie centrale. Le déclic s’est produit en 2008. « J’ai entendu parler d’une formation sur la transformation de la laine, et la conception de souvenirs et d’habits. J’y ai participé, j’ai été séduite et j’ai immédiatement monté un atelier chez moi. Dès la première saison, j’ai vendu toute ma production », se réjouit Olga Savatova, qui envisage désormais d’élargir son atelier. « Je fais travailler trois personnes », explique-t-elle en montrant un stand où reposent des figures de laine. Elles représentent des animaux de l’Altaï, ces mêmes espèces qui symbolisent la région… et sont en voie d’extinction. Parmi elles, l’once (irbis ou panthère des neiges), et le mouflon des neiges (argali). Pour se reconvertir, Savatova a aussi bénéficié d’un coup de pouce, sous la forme d’une bourse accordée par le Fonds Sodeïstvie, une ONG elle-même financée par un projet conjoint entre Citibank

Lac dans le district d'Oulagan.

au braconnage d’espèces en voie de disparition. Leur commerce sur le marché noir est très lucratif, mais il menace radicalement la biodiversité ». La promotion de l’écotourisme s’est logiquement

imposée comme moyen de concilier les intérêts des autochtones et de l’environnement. « Les crédits sont mieux que les bourses pour responsabiliser les entrepreneurs, qui par ailleurs n’inté-

ressent pas du tout les banques habituelles. Nous tenons à ce que ceux qui habitent les parties les plus isolées de la république aient aussi accès à une aide. Dans certains villages, le taux de chômage atteint les 90% », souligne Pahaeva. Savatova reconnaît qu’une aide financière lui est indispensable. « Nous ne sommes pas sur un pied d’égalité avec les Russes venant de Moscou ou de Sibérie. Ceux-là bénéficient de connections, de capitaux. Beaucoup ont pu acheter des terres. Tandis que les autorités ne font rien pour nous » déplore-t-elle. La composition ethnique de l’Altaï explique la singularité de la région. L’essentiel de la population appartient à de toutes petites ethnies comme les Tubalars, les Telengits et les Chelkants, qui sont très majoritairement adeptes du chamanisme. Ils sentent leur culture vulnérable au monde moderne et restent très attachés à leur mode de vie. « Gazprom veut construire un gazoduc passant par un endroit qui est sacré pour nos anciens » s’indigne Savatova. « Je suis contre. Ils ont déjà construit des baraquements et jettent tout autour des bouteilles de vodka vides », poursuit-elle. Une caractéristique des autochtones est la force de caractère des femmes. « Elles sont à la fois plus ouvertes et plus entrepreneuses que les hommes », remarque Pahaeva, qui ajoute « la plupart des 30 bénéficiaires de micro-crédits sont des femmes ». Une force qui s’appuie sur la lucidité. « On ne nous aide pas pour nos beaux yeux, mais pour sauver la faune en disparition. C’est pourquoi nous devons à notre tour aider ces animaux à qui nous devons tant », conclut Savatova.

Portrait Une couturière d'origine russe recycle les grandes figures culturelles

Science Révélation fracassante

Quand le tissu s'imprègne des icônes

Le déluge de diamants qu'on nous avait caché

OMSK est une marque européenne aux origines russes reconnaissables (de Tolstoï au groupe rock Kino) sur ses vêtements. Le tout sans prétention tapageuse. MARIA AFONINA

En 2002, Valeria Siniouchkina, une frêle jeune blonde de 25 ans, se sépare de son amoureux. La collection qu'elle vient de lancer est emprunte de toute sa mélancolie. Elle décide de faire passer la pilule en imaginant une bande de jeunes nanas délurées, aventurières modernes qui, ramènent de chacun de leurs voyages quelque chose de singulier. C’est comme cela qu’est apparu GIRLS FROM OMSK. La même année, Valeria obtient son diplôme à l’École nationale supérieure des arts visuels de la Cambre à Bruxelles et parvient à vendre toute sa collection au magasin Henri Bendel de New York. « Girls » incarne des lolitas de Nabokov, vivant dans la ville de Omsk et qui ne pensent qu’aux virées avec leurs copains. La première collection de streetwear était prête en 2007 : jeans, t-shirts imprimés aux couleurs flashy, blousons. Pendant 5 ans, les filles bourlinguent entre Los Angeles, New York, Londres, Berlin, Rome, Mexico et Moscou. Après leur séjour à Paris en 2010, les demoiselles se sont féminisées, le streetwear s’est mué en casual fashion. « Nous utilisons mainte-

© SLAVA PETRAKINA

LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Son truc pour rendre hommage à ses racines, c’est l’impression sur les tissus d'icônes de la culture russe nant des matières de meilleure qualité, nos vêtements sont plus élégants. Mais toujours avec de l'humour et en gardant un côté alternatif. Nous avons abandonné le « Girls ». La marque est tout simplement OMSK Belgium, pour que nos clients mecs se sentent plus à l’aise, explique Valeria. La tranche d’âge des clients de cette ligne est entre 25 et 40 ans ». Valeria est le moteur de la marque et la créatrice principale, mais elle n’est pas seule. Depuis le début, Philippe Koeune la suit dans cette aventure. « Philippe est mon partenaire. Nous n’avons pas de mécènes ou d’anges gardiens,

donc nous devons compter sur notre propre volonté et auto-discipline », plaisanteValeria. Philippe a suivi des cours de management pour apprendre à gérer la petite entreprise. De plus, il est le designer graphique et le styliste de la collection homme. Irina Kikina, qui travaille à Londres comme designer textile pour diverses marques, aide aussi la griffe russo-belge pour le design graphique. « Nous vendons nos vêtements dans des magasins multi-marques dans plusieurs pays (Belgique, France, Allemagne, Japon, Russie, Espagne, Hong-Kong, etc.), mais il nous semble plus rentable de miser sur la vente en ligne que d’ouvrir un magasin de la marque », explique Valeria. Selon Philippe, chargé du commercial, la vente en ligne représente à ce jour 25% des recettes, mais la société compte sur le développement de ce segment.

Valeria et Philippe vivent en Begique. Alors pourquoi le nom de Omsk, une ville de Sibérie ? C'est que le père de Valeria en est originaire, même si elle-même n’y a séjourné qu’une fois, contrairement à Moscou où elle se rend tous les ans. À la fin des années 70, le père de Valeria travaillait comme représentant d’Aeroflot en Suisse, où Valeria est née. Ensuite, la famille a déménagé à Montréal puis en 1992, elle s’est fixée à Bruxelles et Valéria a poursuivi des étude à la Cambre. « Cette école prépare les futurs stylistes des grandes maisons de mode comme Balenciaga, JeanPaul Gaultier, Martin Margiela. J’ai moi aussi travaillé pour une grosse marque de jeans, et j’ai compris que je n’étais pas faite pour la hiérarchie. Je veux incarner moi-même dans mes vêtements ma propre vision du monde ». Son petit truc à elle, pour rendre hommage à ses racines, c’est l’impression sur les vêtements de ces « OMSK ICONS » typiques de la culture russe, des personnages clés comme Anton Tchékhov,Vladimir Maïakovski, Vladimir Vissotski ou Viktor Tsoï, chanteur du groupe Kino. La mascotte de cette saison sera rien moins que Léon Tolstoï. « Nous essayons de ne pas ennuyer les gens avec notre histoire. Tout le monde n’a peut-être pas envie de savoir qui est cette tête de barbu sur le t-shirt. Mais si on nous le demande, nous l'expliquerons volontiers. Certains détracteurs disent que nous le faisons pour attirer les intellos. Notre but est de proposer quelque chose de neuf, non seulement du point de vue visuel mais aussi intellectuel. Nous sommes une marque européenne d’origine russe », explique Valeria.

Découvert au siècle dernier, le gisement de Popigaï contient 5 milliards de carats de diamants d'une dureté exceptionnelle. Ils pourraient révolutionner plusieurs secteurs industriels. A. VEDENEEVA, E. GABELEVA KOMMERSANT

Cette mine se situant à la frontière de la province de Krasnoïarsk et de la Iakoutie renferme un volume de diamants dépassant toutes les ressources mondiales réunies. Popigaï s'est formée à la suite de la chute d'une météorite. Découverte dans les années 1970, il était alors impossible de l'exploiter. L'exploration des diamants s'est faite dans le plus grand secret pendant des années en raison de l’immensité des réserves. Ce secret a été gardé tant qu’il

était impossible d'affirmer que ces diamants pouvaient présenter une quelconque utilité. Les applications pour l'industrie sont nombreuses. Ils sont incroyablement plus durs que les autres diamants connus jusqu'ici. Une véritable révolution industrielle pourrait se produire dans les domaine de l'outillage, du forage, du façonnage de matières dures car il s'agit du matériau naturel le plus dur qui soit. Les diamants peuvent être utilisés dans divers secteurs industriels de haute technologie : en électronique, en optique. Ils permettraient également d’élaborer des lentilles avec grande précision. Il y a d'autres perspectives à explorer. La mine de Popigaï pourrait approvisionner le monde entier en diamants pendant 3000 ans.

Le marché du diamant


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PARTENAIRE

Économie

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Énergie Le géant gazier russe s'offusque de l'enquête menée par la Commission européenne sur ses pratiques commerciales

Gazprom cherche une parade contre Bruxelles ALEXANDRE KILIAKOV LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

La Commission européenne a annoncé le 4 septembre avoir ouvert une enquête contre le géant gazier russe soupçonné d’avoir commis trois violations éventuelles de la législation européenne antitrust. Selon un communiqué de la Commission, Gazprom est notamment accusé d’avoir « divisé les marchés du gaz en entravant la libre circulation du gaz entre les États membres », d’avoir « empêché la diversification de l’approvisionnement en gaz » et d’avoir « imposé des prix déloyaux à ses clients en liant le prix du gaz aux prix pétroliers ». Un représentant de la Commission, Antoine Colombani, a cependant tenu à préciser que l’enquête ne visait pas la Russie, mais concernait exclusivement le groupe Gazprom. « Comme toute compagnie opérant sur le marché européen, Gazprom doit respecter les règles européennes de concurrence », a-t-il annoncé aux journalistes.

Vladimir Poutine PRÉSIDENT RUSSE

"

La Russie va chercher des débouchés sur d’autres marchés. À Vladivostok, j’en ai parlé avec plusieurs dirigeants asiatiques. Là-bas, l'énergie russe est très demandée. Nous développerons rapidement le gaz liquéfié. "

Alexandre Medvedev VICE-PRÉSIDENT DE GAZPROM

"

Nous suspectons les autorités de l’UE de négocier des rabais en coulisse. Si Bruxelles veut réguler les prix du gaz, il doit le dire et expliquer comment cela peut être fait dans le respect des principes du marché. "

© AP

Ces propos du responsable européen font écho à une récente déclaration du président russe Vladimir Poutine, qui a exprimé sa déception face au lancement de l’enquête. « L’Europe unie veut préserver son influence politique et nous faire payer le prix. Ce n’est pas une approche constructive », a indiqué le chef de l’État russe. Le représentant du Parlement européen Béla Kovacs a pour sa part indiqué que l’UE ne voulait pas procéder à des sanctions contre le groupe russe et préférait résoudre le conflit par le biais du dialogue. « Le risque d’une amende existe, mais je ne pense pas qu’elle sera infligée », a-t-il précisé, en ajoutant qu’il prônait le dialogue. De son côté, le vice-président de la société russe, Alexandre Medvedev, a fait savoir que le groupe était prêt à discuter de la controverse avec l’UE. « J’envisage de rencontrer prochainement le sous-commissaire européen à la concurrence pour discuter avec lui en personne », a déclaré M. Medvedev. Gazprom continue de clamer son innocence. Alexandre Medvedev souligne que le groupe était parmi les pionniers de la libéralisation du marché gazier européen « à l’époque où personne n’offrait encore des parts de mar-

La direction de Gazprom vient d'approuver une restructuration des actifs européens et assure que les prétentions de la Commission européenne n’ont rien à voir avec cette opération.

ILS L'ONT DIT

Bruxelles soupçonne Gazprom de ne pas jouer le jeu de la libre concurrence.

EN CHIFFRES

150

milliards de mètres cubes de gaz naturel ont été livrés en 2011 par Gazprom à ses clients européens. Soit une hausse de 8,2% par rapport à l'année précédente.

ché en cadeau ». Selon le responsable, la société souffre encore du blocage de ses capacités sur le marché européen, mais respecte toujours la législation des pays dans lesquels elle est présente. « En ce qui concerne l’accusation d’abus de la position dominante, nous n’agissons que dans le cadre de nos contrats et toutes les révisions tarifaires doivent être justifiées », a souligné le chef adjoint de la compagnie russe, en ajoutant qu’à ce jour il ne restait

à s'entendre sur les prix qu’avec le tchèque RWZ, le polonais PGNiG ainsi qu’avec la Lituanie. « Cependant, tout changement de formule tarifaire éventuellement imposé au géant russe par l’UE, pourrait en effet augmenter la compétitivité du gaz russe sur le marché européen et garantir la croissance des exportations à long terme », estime le président de la société de conseil East European Gas Analysis, Mikhaïl Kortchemkine dans son blog. Selon l’expert, il est peu probable que la Commission européenne condamne le groupe russe à une amende. Gazprom sera plutôt forcé de créer un climat propice à la libre concurrence, en autorisant par exemple les opérations de swap ou l’inversion virtuelle des flux de gaz, ce qui pourrait même être bénéfique pour Gazprom. La société cherchant à établir un équilibre entre

les recettes intérieures et extérieures, les prix du gaz pour les consommateurs russes baisseront aussi. Dmitri Alexandrov, directeur de la recherche de la société d’investissement Univers Capital, estime pour sa part que l’enquête

Il ne faut pas perdre de vue l'objectif final de Bruxelles, qui est d'obtenir des rabais sur le prix du gaz lancée par la Commission européenne vise à forcer Gazprom à faire des concessions dans les négociations sur la formule tarifaire. Cependant, l’expert n’exclut pas que le géant russe se voie infliger une amende, l’Union européenne ayant auparavant réussi à sanctionner d’autres compagnies.

Quant à la restructuration de Gazprom, annoncée à la mi-septembre, certains experts l'expliquent comme une tentative de nuire à l’efficacité du troisième paquet énergétique promu par l'UE. Au fond, le plan de restructuration des actifs ne change pas les principes clés de l'activité de Gazprom en Europe, remarque le directeur de la filiale 2k Audit/Morrison International et consultant Oleg Semionov. Comme auparavant, le consortium contrôlera toujours la production et le transport, ce qui va directement à l'encontre des exigences du troisième paquet énergétique européen. Le vice-président de l'entreprise Alexandre Medvedev souligne quant à lui que « la question est étudiée indépendamment de la Commission européenne. Nous avons la tâche de vendre efficacement ».

Sauvetage La crise approchant force des mesures d'urgence pour prévenir une montée du chômage

EN BREF

L'État sauve les industries rouillées

Davantage d'investissements belges à Moscou

En mai, le président élu russe nomme cet ouvrier au poste de représentant spécial du Kremlin dans la région de l’Oural, un poste supérieur à celui de gouverneur. Aujourd’hui, Ouralvagonzavod doit payer le prix de l’amour que le pouvoir lui porte et venir en aide à Novoouralsk. Une histoire similaire s’est produite à Krasnotourinsk, une autre ville de la région de Sverdlovsk.

Le Kremlin recommence à injecter des fonds publics dans les entreprises non rentables, en utilisant les banques publiques ou les grandes sociétés d'Etat. Au mépris des règles du marché. VERA SITNINA KOMMERSANT-VLAST

Les autorités n'ont toujours pas fait le choix entre une économie de marché et une économie dirigée

© MAKSIM BOGODVID_RIA NOVOSTI

La région de Sverdlovsk a récemment connu deux conflits sociaux, dont la résolution met à jour les principes de la politique industrielle. Le premier incident a eu lieu dans l'usine Automobiles et moteurs de Novoouralsk, où l’intervention des autorités régionales a permis d’arrêter une grève de la faim, la deuxième en un mois. Privatisée en 2003, cette entreprise affiche une dette de 111 millions d’euros, dont près de 700000 euros d’arriérés de salaires cumulés depuis octobre 2011. Les locaux expliquent la diligence des autorités à résoudre le problème par l'approche d’élection municipales, prévues le 14 octobre prochain. Le second conflit concerne le géant Ouralvagonzavod, qui entretient une relation très spéciale avec le président Poutine. En 2005, le directeur adjoint de l’usine, Alexeï Jaritch, lance un site internet intitulé “Pour Poutine !” En 2009, il se transforme en site de campagne “Poutine 2012”. Et en décembre 2011, les ouvriers forment le premier “comité de soutien à Poutine”. L’ancien chef d’atelier Igor Kholmanskikh devient une véritable vedette - lors de l'émission télévisée annuelle de questions à Vladimir Poutine, il menace en direct les manifestants de l'opposition et se déclare prêt à venir les affronter “avec ses camarades” à Moscou.

La dépendance des "monovilles" Les villes dépendantes d'une industrie ou d'une usine unique sont apparues en URSS à la suite de l'économie planifiée. L'usine fournit non seulement les emplois, mais aussi tout le reste à la ville : de l'infrastructure au palais de la culture...

À l'époque soviétique, c'est l'État qui était responsable de la prospérité de ces entreprises. Elles sont au nombre de 450 dans tout le pays et le gouvernement actuel n'a aucun programme pour assurer leur pérennité.

Les ouvriers de la principale entreprise de la ville, l’usine de production d’aluminium de Bogoslovski BAZ, appartenant au groupe Rusal, ont également commencé une grève de la faim. La crise a été provoquée par un conflit sur le prix de l'électricité entre deux milliardaires, Oleg Deripaska (Rusal) et Viktor Vekselberg, qui possède la centrale électrique fournissant l'usine BAZ. La grève a pris fin lorsque M.Deripaska, le ministre de l'Économie Andreï Belooussov et le gouverneur Evgueni Kouïvachev se sont rendus sur place. L’État a de nouveau accordé son aide. L’affaire s’est terminée par la signature d’un accord grâce auquel Rusal a obtenu un rabais sur l'électricité, ainsi qu’un crédit de 1,36 million d’euros à 7% (le taux de refinancement de la banque centrale russe est de 8,25%) pour BAZ, fourni par la banque publique Vnesheconombank.

« Ces exemples démontrent que les problèmes d’une entreprise peuvent être résolus “manuellement”, mais dès que les autorités cessent de contrôler la situation, cette société tombe en faillite », estime le directeur des recherches économiques de l’École des hautes études en sciences économiques, Sergueï Aleksachenko, en précisant : « Dans l’économie il y a deux voies qui peuvent toutes deux être considérées comme la norme. La première est l’économie contrôlée. Mais pour qu’elle fonctionne, il faut la perfectionner, en créant des agences publiques de contrôle, comme le Gosplan (comité soviétique pour la planification, ndlr). La deuxième voie est l’économie concurrentielle dans laquelle le plus fort gagne. Le problème de nos autorités est qu’elles tentent de rester au milieu ». « Nous ne pouvons pas prévoir les crises, alors il ne nous reste qu’à éteindre les incendies », note Anton Danilov-Danilian, viceprésident de l’ONG La Russie des affaires. « Débloquer de l’argent du fonds de réserve pour aider une entreprise en détresse, c'est bien mais ce n'est pas suffisant. Il faut trouver des solutions pour le développement des entreprises ». La nécessité de surveiller les usines en difficultés régulièrement et pas uniquement en cas d’urgence, s’est imposée suite au changement de la situation politique dans le pays. Les élections régionales, aussi formelles qu’elles soient, sont influencées par les protestations sociales qui deviennent un facteur important de la politique régionale.

Le gouverneur de la région de Moscou, Sergueï Choïgou, et l'ambassadeur de Belgique en Russie Guy Trouveroy ont évoqué l'augmentation du volume des investissements belges dans la région de Moscou. À ce jour, la région compte 14 entreprises à capitaux belges. Le montant total des investissements s'élève à plus de 500 millions d'euros, et les investissements ont atteint près de 127 millions de dollars l'an dernier. Le plus important représentant belge est le producteur verrier Glaverbel.

Une turbine venue d'Anvers

© SERVICE DE PRESSE

Fin septembre, le site de Tcherepovets, la plus grande centrale thermique de la région de Vologda, a reçu un bloc moteur destiné à une tranche en construction (PSU-420). Fabriquée par Siemens, l'installation a été livrée d'Anvers à Saint-Pétersbourg, où elle est partie en péniche. L'équipement de base comprend un générateur ainsi que des turbines à gaz et à vapeur d'un poids de près de 930 tonnes. Cet équipement n'a pas d'équivalent dans la région.


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Régions

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Tourisme Voyage aux racines de l'orthodoxie et de l'architecture moyenâgeuse

Retour aux sources des Slaves Pour s’y rendre Le train "Ilmen" part de Moscou tous les soirs et arrive à la gare de Veliki Novgorod 9h plus tard pour 27 euros.

Où se loger Les options haut de gamme sont limitées au "Beresta Palace Hotel" (2nde Studencheskaïa). Le 3 étoiles "Volkhov" est correct. (24, rue Predtechenskaïa).

Où se restaurer Cuisine européenne dans un cadre très contemporain : Nice People (1/1, rue Meretskova-Volosova).

Où danser Avec la jeunesse branchée, sur une péniche avec des DJs venant de tout le pays, au Vertigo et à la Casa del Mar (14 a, rue Velikaïa, sur le quai en face du théâtre Dostoevski). © MIKHAIL MORDASOV_FOCUS PICTURES

EMMANUEL GRYNSZPAN LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Il est un coin de terre immaculée fleurant bon la Russie ancienne. Une région constituée de lacs, de champs, de tourbe et de forêts. Une vaste zone souvent marécageuse d’où ont émergé les premières tribus slaves. Cette région a pour centre la ville de Veliki Novgorod (qui se traduit littéralement par « Villeneuve-la-Grande »), l’une des plus anciennes villes de Russie. Fondée entre le 8ème et le 9ème siècle, Veliki Novgorod a, malgré son histoire mouvementée, été préservée des destructions tatares et soviétiques. Seul Hitler a réussit à la détruire partiellement. Aujourd’hui, elle compte 218 000 habitants et un centre ville fort agréable à vivre. Notamment grâce à son vaste Kremlin, probablement le mieux conservé du pays. Ses hauts murs rouges abritent Sainte-Sophie, le plus ancien sanctuaire en pierre de taille de Russie, construit entre 1045 et 1050, soit un siècle avant Notre-Dame de Paris. Bâtiment cubique blanc

Galerie Tretyakov de Moscou. Elle comporte des icônes du 11ème au 19ème siècle, dont une série exécutée par Théophane le Grec, mentor de l’illustre Andreï Roublev. Un autre musée mérite le détour, celui de la porcelaine, un domaine d’excellence local.

Malgré son histoire mouvementée, la ville a été préservée des destructions tatares et soviétiques Les forêts sont riches en gibier et les rivières poissonneuses à souhait. L'une d'entre elles se prête au rafting Situé dans l’ancien monastère Deciatinni, il regroupe une collection héritée des plus grands maîtres locaux. Une annexe « interactive » du musée initie les visiteurs à la fabrication de la porcelaine. Une initiative originale, qui a reçu le soutien du Fond Potanine pour sa démarche innovante. Dans les environs immédiats

Vue sur l'icône de la vierge d'Ivérie de la ville, une multitude d’églises médiévales aux architectures variées sert de prétexte à de longues promenades. Le lac Ilmen, qui borde le flanc Sud de Veliki Novgorod permet d’agréables sorties en bateau vers des paysages harmonieux et intacts. Un village médiéval « Vitoslavitsy » constitué de maisons en bois remontant au 16ème siècle transporte le visiteur au Moyen-Âge, avec notamment, un imposant édifice construit en 1531 et qui est le plus ancien de tout le Nord-Ouest de la Russie. Non loin du village se trouve le monastère de Iouriev, fondé au 11ème siècle, au centre duquel trône l’imposante et austère silhouette de l’église Saint Georges. La région compte une bonne douzaine de monastères au total, et les amateurs d’orthodoxie ne manqueront pas celui d’Iverski, à une centaine de kilomètres en direction de Moscou. Fondé au 17ème siècle sur une île bordée par le magnifique lac Valdaï, il offre une architecture beaucoup plus ornée et d’une magnificence qui le rend incontournable. Il serait dommage, entre deux excursions à thème culturel, de ne pas goûter aux charmes naturels de la région.

© PHOTOXPRESS

surmonté de cinq coupoles, son austérité est toutefois empreinte d’un caractère majestueux. À un jet de pierre de Sainte-Sophie, une imposante sculpture de bronze « Le millenium de la Russie », peut retenir l’attention de n’importe quel visiteur pendant une bonne demi-heure. Erigé en 1862, cette œuvre d’art collective de 15 mètres de haut en forme de cloche raconte l’histoire de l’empire depuis l’arrivée du Varègue Rurik à Novgorod mille ans plus tôt. Parmi les innombrables personnages sculptés dans le bronze se côtoient des écrivains, des guerriers, des patriarches et scientifiques à pied d’égalité avec des tsars, ce qui est fort inhabituel pour une œuvre aussi officielle. Une absence notoire : celle d’Ivan le Terrible, qui a massacré des milliers d’habitants deVeliki Novgorod en 1570 et mis définitivement fin à la timide expérience démocratique de l’administration locale. Veliki Novgorod aime d’ailleurs à se surnommer le « berceau de la démocratie russe », ce qui prête à débat parmi les historiens. Dernier élément incontournable d’une visite du Kremlin : la remarquable collection d’icônes du musée, probablement la plus impressionnante du pays après la

Veliki Novgorod cherche sa place entre Moscou et SaintPétersbourg et lance un timide appel aux touristes avec ses églises millénaires et ses cours d’eau sauvages.

Elle est exposée dans le monastère orthodoxe de l'île Selvitsky au lac Valdaï, à 10 km de la ville de Valdaï. Sa construction a commencé à l'été 1653. En quelques mois, deux

Le tourisme comme sauveur de l’économie Si la région de Veliki Novgorod est aussi agréable à parcourir, c'est qu'elle a été ignorée par le pouvoir soviétique. Pas de conglomérats industriels, et donc une situation écologique idéale.

Célébration L'État russe a 1150 années derrière lui !

Veliki Novgorod se souvient

EMMANUEL GRYNSZPAN LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Pour trois jours, du 21 au 23 septembre, Veliki Novgorod a fait un grand saut à l’époque de la naissance de l’État russe. EVGUÉNIA TSINKLER

Les habitants deVeliki Novgorod ont toujours considéré leur ville comme la première ville de Russie. Ainsi, c’est au Riourikovo Gorodichtché, la vieille cité sur la colline surplombant la rivière Volkhov à 2 km de la ville, le lieu de la première résidence de Riourik, que s’est tenu le gros des festivités liées au 1150ème anniversaire de l'État russe. Ici et là sur le site surgissent des points de reconstitution historique : des batailles à l’épée en armure médiévale, des filles à la longue chevelure en robes de lin

© DMITRY KASCHEEV_RG

LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Les petits Novgorodiens laissent voler les symboles de paix.

coiffées de kokochniks bigarrés (coiffes traditionnelles). C’est dans cette atmosphère de 9ème siècle, là où Rurik a fondé la première principauté que la « Pierre princière » a été inaugurée, un rocher de 2,6 mètres de haut pesant près de 40 tonnes. En plein centre de Veliki Novgorod, la fête bat son plein avec la foire médiévale. Sur la rivière Volkhov, des navires du MoyenÂge, comme ceux destinés, à l’époque à traverser la mer Baltique vers Byzance. Parmi eux, un navire varègue venu de loin, le Forkome, qui a suivi sur 1200 km la route des Varègues aux Grecs depuis le petit village suédois de Nortelie. Une foule en costume, tradition chez les locaux, flâne sur le pont avant de rejoindre l’autre rive.

églises étaient construites en bois, et dès 1656, la cathédrale de l'Assomption était achevée. En 2008, le Patriarche Alexis II a rebaptisé la cathédrale.

Mais l'absence d'industrie a une vilaine conséquence : une économie sous-développée. La région tente aujourd’hui de transformer ce handicap en atout pour développer l’industrie touristique. « Nous souffrons d’un important déficit de main d’œuvre pour développer l’industrie », explique Alexandre Smironov, adjoint au gouverneur pour le développement économique. « Or, le tourisme ne nécessite ni de gros investissements, ni une importante main d’œuvre ». La région est déjà connue au niveau domestique, comme le rappelle Ksenia Nazarova, responsable de l’Izba Rouge, l’office de tourisme local. « Veliki Novgorod était une des destinations les plus populaires des touristes soviétiques ». Aujourd’hui, l’industrie

du tourisme parie aussi sur les voyageurs étrangers, qui constituent environ 10% des visiteurs. « L’Izba Rouge doit beaucoup à la ville de Strasbourg, dont l’office du tourisme a financé une partie du projet (via un programme TACIS) et apporté son savoir-faire », explique Nazarova. Maison en bois à deux étages, l’Izba Rouge apporte toute l’information nécessaire, diffuse des brochures gratuites et offre même un accès wi-fi gratuit à tous les visiteurs dans un rayon de 100 mètres. Une initiative qui peu sembler banale, mais qui est pratiquement unique en Russie. « Notre objectif : retenir les touristes plus d’une journée, car sinon, les investissements dans le secteur ne sont pas rentables », estime le président du comité pour le tourisme régional Sergueï Fliougov. « Nous cherchons à développer suffisamment de programmes complémentaires pour qu’ils restent au moins une nuit sur place ». À partir de ce seuil, les investissements dans le segment hôtelier sont amorcés et les investissements privés suivent.


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Opinions

ON PRÉFÈRE LE RÉALISTE OBAMA Boris Mejouïev IZVESTIA

ladimir Poutine a réalisé que personne n'égalait Barack Obama au sein de la classe politique américaine. Et il en a conclu qu'il convenait de soutenir Obama là où il le pouvait. Bien sûr, si Romney gagne, Moscou traitera avec Romney. Mais il est préférable de travailler avec quelqu'un qui se dit prêt à faire, après sa victoire, un pas vers la Russie sur la question de la défense antimissile, qu'avec un homme considérant la Russie comme l'ennemi géopolitique N°1. Pour paraphraser l'astronaute Armstrong, nous pouvons dire que cette prise de conscience est un petit pas pour un leader mais un grand progrès pour l'ensemble de la Russie. Il y a quatre ans, quand Obama a affronté le sénateur John McCain lors de l'élection, la plupart de ceux qui suivaient en Russie la campagne électorale des États-Unis étaient pour McCain. Pour quatre raisons. Certains espéraient que McCain, une fois devenu locataire de la Maison Blanche, s'engagerait immédiatement dans une lutte contre les autorités russes, déverserait ses dollars sur l'opposition, et exigerait de Poutine et Medvedev qu'ils s'inclinent face à la foule rassemblée à grand renfort de dollars. D'autres ont invoqué le fait que les menaces et les intentions agressives manifestes des ÉtatsUnis forceraient notre classe dirigeante à s'unir pour mener une modernisation des forces armées russes et de l'économie en général. D'autres ont continué à croire à la vieille fable des républicains apparemment durs, mais en réalité secrètement pacifiques, et des démocrates doux, mais sournois et perfides. Ce sont pourtant les quatrièmes qui avaient la plus grande influence. Ces derniers aiment tout simplement la grossièreté, la férocité et la brutalité.

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© ALEKSEI IORSH

POUTINE RATTRAPÉ PAR LA RÉALITÉ Alexeï Levinson VEDOMOSTI

es derniers temps, on entend de plus en plus souvent dire que la cote de popularité du président russe Vladimir Poutine est en baisse. Et il est vrai qu’en août dernier, elle a chuté de quatre points par rapport au mois de juillet. Toutefois, il faut noter qu’elle n’a régressé que d’un seul point par rapport à juin 2012. En effet, 63% des personnes interrogées se sont dites satisfaites de l’action du Président Poutine, et en douze ans de sa gouvernance, ce résultat a été observé à plusieurs reprises. Il serait pertinent de préciser que cet indice, appelé « cote de popularité de Vladimir Poutine », ne reflète pas la réputation du dirigeant russe, mais plutôt l’état de la société à un moment donné. Chamboulée par l’apparition du pluralisme dans la vie politique au cours des années 1990, la société russe avait besoin d’une figure unificatrice, et c’estVladimir Poutine qui, dès l’année 2000 et jusqu’à nos jours, répond à ce besoin. C’est pour cette raison que sa cote de popularité n’a jamais ressemblé à celle de la plupart des dirigeants dans le reste du monde et c’est ce facteur d’unification qui lui procure une stabilité inédite.

C

Alors qu’un indice de popularité reflète généralement les succès et les échecs de la politique menée par les dirigeants, ce n’est pas le cas de Vladimir Poutine, dont la cote invariable a été qualifiée de « téflon ». Laissons de côté l’ensemble des éléments mystiques contenus dans les propos de diverses personnalités, selon lesquels Poutine serait

cune appelant cinq réponses possibles. À la première question, une majorité écrasante des répondants ont désigné Vladimir Poutine. En réponse à la seconde question, le public a préféré donner tort au « gouvernement » ou à Dmitri Medvedev (quand il était encore président) plutôt qu’à M. Poutine. Comme nous l’avons précédem-

Le président incarne l’unité du pays et continue d’être crédité des succès de la politique russe, mais...

... Pour la première fois, une majorité de Russes attribuent à Poutine la responsabilité des difficultés rencontrées

pour la Russie un cadeau du ciel; le sens de telles affirmations se résume à l’idée que, pour la plupart des Russes, la fonction présidentielle dépasse le cadre de l’activité d’un simple mortel. La vocation du chef de l’État est de renforcer le prestige de son pays, non de se mêler de politique et d’économie comme quelque autre dirigeant. Viennent confirmer cette idée les deux questions que nous avons posées au public depuis l’année 2001 : « à qui attribuez-vous les succès rencontrés par la Russie ? » et « qui jugez-vous responsable des problèmes du pays ? », cha-

ment indiqué, la cote de popularité de ce dernier montre que l’attitude à son égard n’a pas changé. C’est la même impression que l’on ressent en étudiant les réponses à la première des deux questions citées. Près de 60% des personnes interrogées considèrent que M. Poutine est le principal responsable des « réussites de la Russie dans les domaines de la politique internationale, de l’économie et de l’augmentation du bien-être du peuple ». Au fil des ans, nous avons enregistré ce résultat à plusieurs reprises, mais en ce qui concerne

la seconde question, selon nos experts, c’est la première fois qu’une majorité de Russes, soit 51%, estiment que Poutine est responsable « des problèmes existant dans le pays et de la hausse du coût de la vie ». Lors des sondages précédents, ce taux ne dépassait pas 31%, et l’année dernière, il se chiffrait à 29%, tandis que 40% des personnes interrogées accusaient le gouvernement (mais non son chef), et que 41% considéraient M. Medvedev, président à l’époque, comme le responsable des problèmes du pays. En août 2012, le nombre des Russes rejetant la responsabilité des difficultés sur le Premier ministre était trois fois moindre que celui des personnes donnant tort au président. Cette évolution pourrait signifier que les temps ont changé et qu’aujourd’hui, près de la moitié des Russes perçoivent Vladimir Poutine comme un président ordinaire qui mérite leur gratitude pour ses succès, mais qui doit également assumer la responsabilité des problèmes non résolus du pays.

Vladimir Poutine n'était pas encore élu, qu'il promettait déjà de revenir sur les mesures et réformes mises en place par Dmitri Medvedev. Il a mis son plan à exécution. Dès les premiers mois de sa présidence, Poutine a relevé l'âge limite des haut fonctionnaires et les a autorisés à siéger à nouveau à la tête des grandes entreprises. Il a fait voter des lois restrictives sur les manifestations. Petit à petit, l'héritage libéral de Medvedev est défait et effacé.

Préparé par Veronika Dorman

Obama n'a jamais cherché, durant son premier mandat, à créer des tensions avec la Russie Deal, et tous ceux qui comptaient sur le retour de l'État dans l'économie ont été déçus. Le lauréat du prix Nobel ne s'est pas particulièrement distingué par une défense du droit international, ni du droit en général. La Russie et toute l'humanité progressiste, comme on disait il y a longtemps, n'ont aucune raison de contempler le 44e locataire de la Maison Blanche avec adoration. La Russie doit chercher dans les dirigeants américains non des idoles, mais des partenaires fiables. Et si Obama ne convient pas en tant qu'idole, il est évidemment préférable en tant que partenaire. Boris Mejouïev est politologue. Article publié dans Izvestia

Alexeï Levinson est sociologue, chef du département de recherche socioculturelle du centre d’étude de l’opinion publique du centre Levada. Article publié dans Vedomosti

LU DANS LA PRESSE MARCHE ARRIÈRE, TOUTE !

Il semble qu'une inflexion réjouissante se soit produite dans l'esprit des élites russes – pouvoir comme opposition. Ils ont compris que la Russie n'était pas prête à une confrontation frontale avec l'Occident. Nous avons devant nous d'autres républicains et des démocrates totalement différents de Nixon ou Reagan. À part Obama, on ne voit pas l'ombre d'un « vrai réaliste » sur la scène politique. Cela ne manquera pas de réjouir ceux qui s'orientent en fonction des intérêts nationaux du pays. Obama n'a jamais cherché, durant son premier mandat, à créer des tensions avec la Russie. C'est vrai, Obama n'a pas osé toucher aux grandes banques. Il n'a pas eu le cran de mettre au pas la Réserve fédérale. On a attendu en vain un nouveau New

LES RÉVISIONS DE M.POUTINE

MEDVEDEV N'A JAMAIS EXISTÉ

UN AN APRÈS LE ROQUE

A. Belouza, A. Garbouzniak

Oleg Kashin

Mikhaïl Fishman

MOSKOVSKIE NOVOSTI, 19 SEPTEMBRE

KOMMERSANT FM, 21 SEPTEMBRE

VEDOMOSTI, 21 SEPTEMBRE

Ce n'est pas un hasard si ces derniers temps de nombreux accomplissements de Medvedev au poste de président ont été annulés ou remis en question. Y compris les réformes dont Medvedev était particulièrement fier, comme la décriminalisation de l'article sur la diffamation. Medvedev a annulé le passage à l'heure d'hiver en février dernier, mais Poutine s'est dit prêt à restaurer le changement d'heure. Plus inquiétant, Poutine s'est empressé de durcir les lois limitant le droit de manifester, alors que l'ancien président avait mis un veto sur l'amendement de ces lois. Dans le même esprit, Poutine a imposé des restrictions aux ONG, auxquelles Medvedev avait permis de souffler.

Avec le retour à l'heure d'hiver maintenant, tout se déroule de telle sorte que bientôt il ne restera aucune trace témoignant de la présidence de Medvedev. Bientôt on commencera à détruire Skolkovo, on interdira la vente de l'iPhone et on bloquera Twitter... Mais ce n'est pas utile, faites savoir là-haut que nous avons bien compris le message : le président Medvedev n'a jamais existé, c'est Poutine qui a dirigé le pays sans interruption depuis 2000. Mais cela ne sert à rien de prouver la non-existence de Medvedev avec toutes ces mesures. Il a disparu il y a un an, presque jour pour jour, lors de ce sommet de Russie Unie [lors de l'échange de fauteuils avec Poutine, ndlr].

Peut-être que Poutine voulait sincèrement rétablir le rythme de ses premières huit années au pouvoir, associées à la croissance économique et à la stabilité. Et il n'était pas le seul : il y a un an, une partie de la nomenklatura, effrayée même par un semblant de changement, applaudissait Poutine, qui devait resserrer un peu les vis desserrées par Medvedev pour que tout aille bien. Mais ceux-là déchantent aujourd'hui, car les risques ont augmenté en un an. La côte de popularité du pouvoir est en chute et la société semble de plus en plus irritée. Voilà un an que Poutine s'est attelé à la restauration de la stabilité et de l'ordre en Russie, mais il n'en reste déjà plus rien.

© SERGEI YOLKIN

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Culture

Biennale Jusqu'au 22 octobre, l'industrie d'Ekaterinbourg ouvre ses portes aux artistes

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

L'art contemporain prend possession des usines de l'Oural

Innocents et sauvages

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Pour une fois, les artistes ne sont pas cantonnés au recyclage d'espaces industriels désaffectés. Ils investissent jusqu'aux usines en fonctionnement, avec la bénédiction des propriétaires. DARIA KEZINA LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

TITRE : LE SINGE NOIR AUTEUR : ZAKHAR PRILEPINE ÉDITION : ACTES SUD TRADUIT PAR JOËLLE DUBLANCHET

© TATIANA ANDREEVA

IL L'A DIT

IL L'A DIT

Mathieu Martin

James Morgan

ARTISTE FRANÇAIS

ARTISTE AMÉRICAIN

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La Biennale m’a permis de créer mon premier projet de taille : repeindre le symbole révolutionnaire de la ville d’Ekaterinbourg, le château d’eau blanc, l’embraser de nouveau, telle une flamme. Un tel projet aurait été impossible en France, alors que c’est si simple ici."

J’ai créé une installation sur le thème de la vallée de titane de l’Oural. Nous avons visité l’endroit où avait été construite la première usine. Je viens moi-même de la « silicon valley » américaine. Une équipe importante a participé au projet, des gens venus de 13 fuseaux horaires. "

© ITAR-TASS

Des dizaines d’artistes venus de 30 pays différents (Allemagne, France, États-Unis, Russie) sont venus participer à la 2e Biennale industrielle d’Ekaterinbourg, à 1755 km de Moscou. Ils se sont penchés sur le thème de « l’industrialisation régionale et ses interactions avec la culture contemporaine », en transformant les usines de l’une des plus anciennes régions industrielles de Russie en résidences artistiques. Les artistes ont pu occuper « Ouraltransmach », une usine de matériel de montagne ; le musée de Nijni Taguil ; le musée d’histoire et d’architecture de Neviansk (une tour élevée au XVIIIe siècle par un entrepreneur qui y fabriquait de la fausse monnaie ou fondait en douce de l’or et de l’argent issus de ses mines) ; la principale imprimerie de l’Oural et le stade central d'Ekaterinbourg. Une trentaine de projets se sont installés dans l’imprimerie « L’Ouvrier de l’Oural », dont la moitié est désaffectée. L’une des installations n’était qu’un amoncellement de boîtes en carton vides, sans que l’on sache s’il s’agissait de déchets ou d’une future œuvre d’art. En réalité, c’était un élément d’une gigantesque installation de l’artiste bulgare Netko Salakov, intitulée « Tout ce que vous avez toujours rêvé de faire à certaines personnes, surtout avec l’élite politique, faites-le avec ces cartons ». Non moins mystérieuse est l’immense tache jaune sur un mur, avec cette modeste légende : « J’ai confié cette tache jaune à l’assistant de l’exposition mais j’ai complètement oublié pourquoi ». L’artiste turc Kutluk Ataman a assemblé 40 postes de télévision dont chacun diffuse une interview avec un habitant d’un ghetto turc. Vladimir Seleznev,

Les performances ont attiré un public peu habitué à ces pratiques.

originaire d’Ekaterinbourg, a décoré une salle entière avec les slogans des campagnes électorales récentes. Au premier abord, les inscriptions sont invisibles. Elles n’apparaissent que sous un éclairage particulier. L’auteur considère que les promesses électorales

ne sont d’actualité que pendant la campagne. Après les élections, on les oublie. C’est pourquoi les slogans disparaissent quand on éteint la lumière, et on voit apparaître l’inscription « En vain. En vain… ». L’Américain Nikolas Freiser

suggère que les règles du marché libre rappellent une partie de base-ball. Il a donc proposé aux ouvriers de l’usine métallurgique de Nijni Taguil d’y jouer avec lui. « À chaque artiste, son usine » - telle est la devise de la Biennale. Mais cet espace industriel,

à quoi ressemble-t-il ? En général, c’est un local abîmé aux murs délabrés, avec des machines-outils vétustes. « Y introduire des œuvres d’art est un art particulier », a noté le critique d’art Alexandre Stepanov, membre de l’Union des artistes.

Musique Portrait d'un jeune talent folklorique de passage en Belgique

À L'AFFICHE

Les sons du carillon à la russe

CASSE-MURAILLES AVEC VADIM PIANKOV

Les 7, 12 et 15 octobre dans la commune de Brakel, dans les Flandres-Orientales, le carilloniste Alexandre Khlopovskikh fera tinter les cloches de la tour centrale. MARIA TROFIMOVA

Quand Alexandre, simple gars de Voronej, s’est engagé dans l’institution militaire la plus prestigieuse de Russie, l’Académie Souvorov, sa carrière d’officier semblait toute tracée. Or, un mois après, un ulcère à l’estomac le força à rentrer chez lui. Telles sont les circonstances qui l’ont poussé à se remettre à la musique. « Ayant passé toute ma scolarité en École de musique, j’ai décidé de m’y remettre ». Avec succès, car après avoir obtenu le diplôme du Collège musical Rostropovitch avec excellence, il entre à l’Académie des arts de Voronej. En dernière année, il se fait remarquer et est invité à rejoindre l’ensemble Classic dombra, l’un des ensembles folkloriques les plus populaires dans la Russie post-soviétique.

© ARCHIVES PERSONNELLES

LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Le groupe a joué sur la scène du Théâtre royal de la Monnaie.

« Je me souviens, quand je venais juste d’intégrer l’ensemble, la directrice Larissa Demtchenko me dit : « Sacha, nous partons en tournée en Allemagne, mais tu ne peux pas venir car tu ne connais pas ton programme ». Il suit toutefois très vite les tournées et à l’un des concerts, Jo Haazen, l’ancien directeur de l’École royale de carillon de Ma-

lines, l’entend jouer et lui propose de venir étudier en Belgique. Les méthodes d’enseignement entre les deux pays s'avèrent très différentes. En Russie, l’accent est mis sur la technique de jeu tandis qu’en Belqique, c’est la théorie qui prime. Alexandre doit s’adapter et réapprendre à jouer pratiquement de zéro. L’artiste affirme toutefois que cette expé-

rience a été très enrichissante : « L’expérience acquise en Russie m’a aidé à venir étudier dans l’établissement musical le plus prestigieux d’Europe. Qui à son tour m’a permis de constituer mon propre collectif ». Aujourd’hui, son ensemble de folklore russe Slavianka, né en 2000, se porte à ravir. « Nous tournons surtout en Europe. Nous jouons des instruments traditionnels russes comme la domra, l’accordéon ». Le groupe a déjà joué sur la scène de l’Opéra de Bruxelles, au Théâtre royal de la Monnaie, et devant les représentants des Nations Unies. Ce printemps, le groupe a participé au tournage du film Fly me to the moon, du réalisateur belge Ben Stassen. Les musiciens ont non seulement écrit la bande originale du film mais ont joué leur propre rôle. Difficile de réduire ce musicien et compositeur de talent à une seule activité, mais le destin a de toute évidence décidé de lier sa vie à la musique et a mis toutes les chances de son côté pour qu’il puisse révéler son talent.

DU 17 AU 18 OCTOBRE, LE JARDIN DE MA SOEUR, BRUXELLES

Avec son charme slave, et sa voix où éclatent les accents de son pays natal, Vadim Piankov chante des pays imaginaires, dénonce et se joue des murs de pierre, de métal, de silence, d'argent qui nous séparent, nous isolent et nous opposent. › www.lejardindemasoeur.be

CLASSIQUE À L'ABBAYE. VERONIKA ILTCHENKO ET TOON FRET LE 21 OCTOBRE, MUSÉE COMMUNAL DU COMTÉ DE JETTE

Le flûtiste Toon Fret et la pianiste Veronika Iltchenko redécouvrent à travers ce choix d’œuvres françaises, les échos musicaux d'un passé lointain. ll n’est pas possible de balayer la mosaïque musicale de la Belle Époque en un seul concert, mais cette sélection d’œuvres de Debussy, Gaubert et Fauré s’est efforcée de lever une partie du voile en faisant revivre son dynamisme musical. › www.jette.be TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE

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Zakhar Prilepine, l’enfant terrible de la littérature russe - il vient d’écrire une lettre à Staline qui fait grand bruit - revient avec un roman écrit à la première personne. Même si Prilepine ne donne pas, comme il le fait souvent, son prénom au héros qui restera sans nom tout au long de cet étrange roman, ce dernier lui ressemble, ne serait-ce que parce que comme lui, il est écrivain, journaliste et fasciné par les faits de société qui agitent la Russie, ici les enfants assassins. Il est à un moment où sa vie patine. Pataugeant dans ses relations amoureuses, entre une maîtresse qui finit par le congédier, une prostituée qui se fait tuer, il fuit son épouse et sa famille se délite. Espérant collecter un précieux matériau pour son prochain livre, notre héros se lance dans une enquête sur les enfants assassins. Les enfants sont dénués de pitié, « ils ne connaissent pas la peur … ni les … catégories du bien et du mal… ils ne comprennent pas ce qu’est la cruauté. » Le phénomène des enfants assassins, récurrent dans l’histoire, semble pouvoir aider le héros à répondre à son questionnement : « Qu’est ce qui est le plus inhérent à la nature humaine : la résignation ou la révolte ? Quand la résignation fait-elle d’un saint un pauvre type ? Et quand la révolte faitelle d’un héros national un psychopathe paroxystique ? ». Reflet du chaos du monde et de l’univers du héros, la narration est saccadée. On ne sait jamais exactement quand ni où l’action se situe, dans un immeuble où toute la population aurait été massacrée par des enfants sauvages, au Moyenâge, sur un champ de bataille où déferlent des hordes d’enfants, dans des lieux où ils sont objets d’étude : laboratoire secret ou terrarium ; ou encore dans la déambulation du narrateur à travers les cours de la ville ou dans ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, à moins que ce ne soit dans son délire morbide ? Comme toujours chez Prilepine, quelques pépites poétiques viennent éclairer un récit brutal comme le monde qu’il dépeint : sanguinaire et malade, peuplé d’enfants innocents et sauvages et d’adultes immatures, « mous comme des pommes pourries », incapables de protéger leur progéniture. Malgré les thèmes habituels, le lecteur aura peut-être du mal à retrouver dans ce roman, l’auteur prometteur de Pathologies et du Péché, consacré en 2011 en Russie meilleur auteur de sa décennie. Christine Mestre Découvrez d’autres chroniques sur larussiedaujourdhui.be


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Loisirs

Découverte Grand amateur de bicyclette, l’écrivain russe a inspiré une expédition cyclotouristique dans les régions de Kalouga et Toula

Suivre Tolstoï à la force des mollets pied de laquelle des sources d’eau froide et claire jaillissent entre les hêtres et les bouleaux. Tout autour des sources ont été construites de petites cabanes en bois. En cette chaude après-midi d’été, les visiteurs font la queue pour un bain dans l’eau rafraîchissante et la pénombre d’une cabane. On entend à l’intérieur

Entre les melons d’Astrakhan et les nids de poule de Toula, le cyclotourisme en Russie ne manque ni de charme ni d’écueils. Trois compagnons ont suivi la voie tracée par Tolstoï. MORITZ GATHMANN LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

© VOSTOCK-PHOTO

Avis aux amateurs cyclotouristes

© MORITZ GATHMANN

Derrière nous retentit un klaxon, puis un camion Kamaz passe à toute allure. Transporte-t-il du gravier, des melons d’Astrakhan ou du raisin de Moldavie ? Nous n’avons pas le temps d’y réfléchir : devant nous apparaît la côte suivante et un nouveau camion approche. Nous sommes sur la chaussée de Simferopol, la vieille route qui va de Moscou jusqu’en Crimée. Après une semaine en selle, c’est la pire route possible pour des cyclistes : à double voie, empruntée par des camions, n’offrant, pour éviter les véhicules, que des bas-côtés jonchés de gravier. Nous sommes trois, un Allemand russe, un Berlinois et un ami originaire de Kalouga, à effectuer à vélo le trajet de Toula jusqu’à la rivière Oka. Nous avons parcouru 350 kilomètres et arrivons au terme de notre périple qui nous mène « sur les traces de Tolstoï ». Léon Tolstoï avait la bougeotte : depuis son domaine de Iasnaïa Poliana (littéralement « la clairière lumineuse ») près de Toula, il parcourait souvent 170 kilomètres pour aller jusqu’à Moscou et aimait se rendre au monastère d’Optina Poustyne dans l’oblast voisin de Kalouga, pour discuter avec les moines de son rapport compliqué avec Dieu. Optina Poustyne est notre première destination en arrivant de Kalouga. Le monastère, qui vit

Deux des trois compagnons qui ont découvert à vélo les lieux parcourus par Lev (Léo) Tolstoï (photo de gauche). À droite, une photo d’époque montre l’écrivain et son propre vélo.

du mythe selon lequel il représentait une source de spiritualité avant la révolution, fait plutôt une impression « profane » aujourd’hui. Des cars sont garés devant l’entrée, l’atmosphère est rythmée par un va-et-vient

constant, et dans le réfectoire du monastère, le mot « prix » sur les étiquettes des sandwiches au caviar a été remplacé par la formule « don » (de 20 euros). Une ambiance très différente règne au couvent de Chamardi-

Mieux vaut venir avec sa propre bicyclette et suffisamment de chambres à air et de rayons de rechange : en-dehors des villes comme Kalouga ou Toula, il est difficile de trouver des pièces détachées en cas de besoin. Attention : il n’y a pas grand monde qui s’y connaisse en moyeu à vitesses intégrées en Russie. Hébergement : on peut camper presque partout en Russie. Petit conseil : pas trop près des villages, car la jeunesse locale risque de vous faire passer une soirée fort arrosée à la vodka !

no. C’est ici, où sa sœur était religieuse, que Tolstoï s’est rendu lors de sa dernière fugue. À quelques kilomètres d’Optina Poustyne, les murs en brique rouge du couvent nous saluent depuis une colline bucolique au

La route alterne sans logique apparente entre chemin à travers champs et voie goudronnée des bavardages animés et à l’extérieur, les Russes, qui ne sont pas particulièrement réputés pour parler facilement aux inconnus, semblent gagnés par l’énergie positive du lieu : l’ambiance est joyeuse. Une odeur de pommes séchées provient d’un four situé sur les terres du couvent : les religieuses se préparent pour le carême et le long hiver à venir. Le lendemain, nous quittons la région de Kalouga. Nous passons au milieu de champs de fleurs aux parfums exquis, devant des kolkhozes en ruines et dans de petits villages paisibles. Tantôt la route est un chemin à travers champs, tantôt nous nous frayons un passage dans le gravier, puis soudain, la voie est de nouveau goudronnée. Il semble n’y avoir aucune logique apparente dans cette alternance. La ville de Beliov, dans l’oblast de Toula, présente une image choquante : à gauche de l’artère urbaine apparaissent des dépotoirs fumants, à droite, du métal amassé attend d’être évacué. Les usines sont barricadées, des ordures s’amoncellent le long de la rue

Karl Marx. Dans cette localité de 14 000 habitants, nous cherchons pendant une bonne heure avant de trouver un endroit où manger. Beliov, cité vieille de 850 ans, souffre du lourd handicap d’une « ville cul-de-sac » : le chemin qui mène à Toula, capitale administrative de l’oblast, est long et mal bitumé, et celui qui mène à l’oblast de Kalouga est non carrossable. Nous cherchons à nous éloigner rapidement d’ici. Un vent du soir favorable et chaud nous emmène sur la petite route de Toula ; des deux côtés de la voie, des peupliers nous offrent leur ombre. Cette route-là ne suit pas le cours des rivières, mais passe par des collines. Nous arrivons à Toula dans la soirée et mobilisons nos dernières forces pour atteindre Iasnaïa Poliana, à l’extérieur de la ville. Ceux qui ont lu le roman de Sophie Tolstoï À qui la faute ? pour se mettre dans l’ambiance d’Iasnaïa Poliana reconnaîtront l’allée des longues promenades, bordée de peupliers, les écuries, les habitations du personnel domestique et de la famille Tolstoï elle-même. Derrière, dans le parc, à l’ombre des arbres, se trouve un monticule de peu d’apparence, recouvert de pelouse : la tombe de l’écrivain. C’est à Iasnaïa Poliana que Tolstoï a écrit Guerre et Paix, il recevait ici ses admirateurs venus du monde entier, il s’y disputait avec son épouse, et c’est d’ici qu’il est parti pour une dernière errance, qui s’est achevée dans une gare du sud de la Russie, où il est décédé. Pour nous aussi, le voyage se termine. Le retour à Kalouga se fera en train depuis Aleksine, au bord de l’Oka : plus confortable mais moins exotique.

Art Jusqu'au 14 octobre 2012 dans neuf musées de Saint-Pétersbourg

Un festival parvient à réconcilier les Anciens et les Modernes PAULINE NARYCHKINA LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

« Avec ce projet, nous faisons d’une pierre deux coups. Nous rendons accessible l’art contemporain et amenons un nouveau public dans les petits musées », explique Elena Kolovskaïa, directrice de la Fondation pour l’art et la culture Pro Arte à l’origine du festival. Cette année, le festival s’est ouvert par un cirque finlandais burlesque. Un départ sur les chapeaux de roues pour le plaisir des petits et des grands. « L’art, c’est aussi pour rire. C’est bien de le dédramatiser, de vouloir le rendre plus accessible dans une ville qui est

très traditionaliste », commente Olessia, étudiante de 23 ans. Le concept est simple : des artistes russes mais aussi finlandais, canadiens, allemands, investissent neuf musées traditionnels peu connus de Saint-Pétersbourg comme le musée du métropolitain, de l’optique, de la sculpture urbaine ou de l’histoire politique et aussi les appartements-musées de peintres ou de scientifiques célèbres. La condition est que chaque oeuvre s’inspire du thème du musée. Avec, par exemple, un jeu de cubes politique, un concert d’ampoules, un amas de déchets qui se métamorphose en cité, des plans de métro brodés à la main, un arbre en peluche qui fait office de modèle dans un atelier de peintre... « Métropolis », de Vladimir Seleznev, a provoqué une polémique. Ce plasticien d’Ekaterinbourg a

Pour vous guider tout au long du parcours, des bénévoles brandissent des pancartes au logo facilement reconnaissable. Ici, Olessia, étudiante en art et future galeriste.

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Pour la 11ème année consécutive le festival « Art contemporain dans les musées traditionnels » bouscule les habitudes du public pétersbourgeois.

installé dans une des casemates de la forteresse Pierre et Paul un tas de déchets qu’il a enduit d’une peinture phosphorescente et qui, une fois la lumière éteinte, se révèle être Saint-Pétersbourg vue d’en haut. Les réactions ont naturellement été des plus diverses.

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« Nous étions d'abord méfiants lorsque la salle se remplissait de bouteilles plastiques et autres résidus. Mais le résultat nous a bluffés. C’est un peu la citrouille qui se transforme en carrosse », raconte la gardienne de la salle, Tatiana Mikhaïlovna.

Le film "L'Innocence des Musulmans" doit-il être interdit en Russie et dans le monde ?

Moscou alloue de gros moyens pour l'espace

Rostan Tovassiev, installation : « Question de paysage ». Un bouleau en peluche prend la pose du modèle.

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(1) Musée de l'optique. Installation de l'allemand Michael Vorfeld: « La musique des ampoules électriques ». (2) Musée de l'histoire politique: reconstituez votre homme politique idéal avec les « Cubes » de Diana Vichnevskaïa et Igor Tsvetkov.

Élections aux USA : quelles retombées ? larussiedaujourdhui.be

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7 Novembre


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