La Russie d'Aujourd'hui

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Distribué avec

Moscou s'offre un immense musée Juif Le Musée Juif et Centre de Tolérance, financé par des dons privés, vient d'ouvrir ses portes dans la capitale. P. 7

Plaisirs terrestres et fascination pour la mort L'artiste flamand Hans Op de Beeck est l'un des invités à l'exposition de Moscou. P. 7

Produit de Russia Beyond the Headlines

© RUSLAN SUKHUSHIN

Ce supplément est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Moscou, Russie) qui assume seule l'entière responsabilité de son contenu Mercredi 5 décembre 2012

L'âge de glace autour du Kremlin

Depuis novembre, les Moscovites chaussent leurs patins à glace et glissent sur les 70 patinoires intérieures et extérieures de la capitale. La patinoire la plus centrale du pays, sur la Place Rouge, s'étend des murs du Kremlin jusqu'au Mausolée de Lénine. Plus loin, en longeant les berges, on accède au parc Gorki et à ses 18 000 m2 de glace... SUITE EN PAGE 8 © ILIA PITALEV_RIA NOVOSTI

VLADIMIR ERKOVITCH LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

en termes de niveau de développement des infrastructures cyclables. Au cours de ses déplacements quotidiens à vélo, il s’est mis à marquer sur la carte de la ville les routes les plus commodes. Ainsi a-t-il d’abord dressé une carte sur papier, avant de la convertir au format électronique. L’initiative du cycliste a attiré l’attention des médias, et son mouvement a ensuite commencé à gagner en popularité. SUITE EN PAGE 3

Manifestation anti-fourrure

© AP

L'objectif principal du « Partizaning » (du mot russe « partizan », signifiant maquisard) est d’améliorer la ville et de modifier son infrastructure de manière autonome, sans attendre que les au-

torités municipales s'y mettent. Les activistes de ce singulier mouvement s’occupent de presque tous les aspects de l’infrastructure urbaine, y compris des passages pour piétons, des panneaux routiers, des pistes cyclables, des trottoirs, des cours, etc. Le mouvement a été créé grâce aux efforts des deux Moscovites, Anton « Make » Polski et Igor Ponossov. Anton a commencé par dresser une carte de Moscou pour les cyclistes, la capitale russe étant loin derrière les villes européennes

Un homme macule de sang le manteau d'une activiste des droits des animaux lors d'une manifestation anti-fourrure à Saint-Pétersbourg, le 25 novembre 2012.

Poutine à Bruxelles

Gazprom fonce

Oural universel

Le président russe se rendra le 21 décembre en Belgique pour le sommet Russie-UE. Sujet brûlant : l'annulation du régime des visas.

Le géant gazier russe met le paquet sur la construction de gazoducs malgré une demande faiblissante.

Ekaterinbourg, capitale industrielle de l'Oural, dépose sa candidature pour organiser l'exposition universelle de 2020. Les rivaux n'ont qu'à bien se tenir.

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LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE

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Modeler la ville soi-même et sans attendre les autorités Court-circuitant les pouvoirs publics, les adeptes du « Partizaning » créent des passages piétons, des pistes cyclables, installent des bancs dans la rue. Mais qui sont-ils ?

EN LIGNE SUR

PHOTO DU MOIS

Société Initiatives citoyennes et urbaines

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Aimez-vous le folk instrumental ? Balalike it ! LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE/16683

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE SUPPLÉMENT RÉALISÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA ET DISTRIBUÉ AVEC

Politique

Relations internationales La Russie prend début décembre la présidence du G20 et du G8

EN BREF

Briser la dynamique de crise

Le maire de Moscou apprécie les graffitis

124

millions d'euros. C'est le budget assigné pour l'organisation du sommet. Une somme plus modeste que celle dépensée pour le sommet de l'APEC.

INNA SOBOLEVA LA RUSSIE D'AUJPURD'HUI

ILS L'ONT DIT

Guennadi Gatilov VICE-MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

"

La présidence du G20 et du G8 sera axée en priorité sur la résolution des problèmes de sécurité alimentaire. Nous allons partager notre expertise avec les agronomes des pays en développement. Nous souhaitons également renforcer le Système d'Information du Marché Agricole".

Xenia Youdaïeva DIRECTRICE DU CONSEIL DES EXPERTS AUPRÈS DU PRÉSIDENT RUSSE

"

Le G20 a été formé en période de crise aiguë et l'objectif principal est d'empêcher sa répétition. Le second objectif est d'aider les pays à stopper le ralentissement de la croissance".

Moscou veut stimuler les investissements, relancer le marché de l'emploi et optimiser le travail du FMI

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Le 1er décembre a débuté la présidence russe du G20, plateforme de dialogue entre les grandes puissances économiques et les pays en développement. À cette occasion, le président Poutine a prononcé un discours où il énonce les priorités de la Russie à ce poste. Quelques unes sont déjà connues : stimuler les investissements, relancer le marché du travail et optimiser le fonctionnement du FMI. Le sommet du G20 se tiendra à Saint-Pétersbourg les 5 et 6 septembre 2013, a confirmé le chef de l’administration présidentielle Sergueï Ivanov le 26 novembre à la réunion du comité d’organisation. Selon lui, durant sa présidence, la Russie s’efforcera de proposer « des solutions concrètes visant à assainir l’économie mondiale ». La régularisation des secteurs financiers et l’amélioration du travail du FMI seront également à l’ordre du jour. Comme lors du sommet précédent, la Russie « propose d’emblée de réunir les chefs d’États membres du BRICS » et d’organiser des tables rondes avec des organismes internationaux et spécialisés, ainsi qu’avec des pays ne faisant pas partie du G20, a ajouté Ivanov. « Ce sommet devrait aboutir à un document concret et effectif dans lequel seront définis les étapes successives que chaque pays devra entreprendre de manière collective mais aussi au niveau national pour assurer un développement équilibré et stable de l’économie mondiale », a précisé Ivanov.

Poutine devrait effectuer quatre visites à l'étranger d'ici fin 2012.

« La présidence du G20 confère un statut particulier capable d’accroître l’influence de la Russie sur la scène internationale et de mettre en avant nos initiatives, a déclaré au journal Kommersant le directeur général du Conseil russe pour les affaires internationales Andreï Kortounov. Tout comme dans le cas de la présidence russe à l’APEC. D’autant que le G20 s’avère au-

jourd’hui le principal instrument de régularisation de l’économie internationale ». D’ailleurs, selon un expert, cette présidence ne représente pas uniquement une chance pour Moscou mais également un défi. « De notre capacité à agir avec précision et efficacité, à déterminer le contenu du programme et de notre professionalisme organisationnel, dépendra la pos-

Visas Les négociations visant à lever le régime des visas entre la Russie et l'Union europénne piétinent

Moscou s'impatiente et menace l'UE de « représailles » Le ministère des Affaires étrangères a menacé fin novembre l'Union européenne de représailles si la levée des visas n'est pas mise en place à temps pour les JO de 2014 à Sotchi. NIKOLAUS VON TWICKEL

Anvar Azimov, l'envoyé spécial du ministère chargé des négociations sur les visas avec l'UE, a déclaré le 27 novembre que Moscou voulait voir une percée avant la fin de 2013. « Nous serons patients encore un an. Mais il est difficile de placer les Russes sous le joug. La [riposte] sera adaptée et asymétrique », a-t-il déclaré aux journalistes, selon Interfax. Après des années de vaines tentatives pour assouplir les restrictions en matière de visas, l'UE et la Russie ont lancé l'année dernière des « démarches communes ». M.Azimov a suggéré que Moscou remplirait ses obligations dans le cadre du programme d'ici la mi-2013 et que la partie russe

© EVGENI KARAIOV_RIA NOVOSTI

THE MOSCOW TIMES

Le régime des visas entre la Russie et l'UE, un dossier épineux.

comptait sur l'UE pour travailler au même rythme. Les responsables européens ont souligné dans le passé que le programme de « démarches communes » n'impliquait aucun engagement en matière de calendrier. Une mission de l'UE inspectera les postes frontières avec

l'Ukraine, le Kazakhstan et les États baltes au cours du mois de décembre. Les experts sont sceptiques sur la possibilité de progrès rapides sur ce dossiers, citant des réserves d'ordre politique parmi les principaux États de l'UE. La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré lors d'en-

tretiens au Kremlin le 16 novembre que les progrès seront lents en raison de préoccupations liées à la sécurité. M.Azimov a indiqué que 17 pays de l'UE étaient prêts à « accélérer » le processus, tandis que 10 autres membres s'y opposent. Il a ajouté que le président Vladimir Poutine soulèverait la question lors du sommet UE-Russie à Bruxelles, fin décembre. Le représentant du ministère des Affaires étrangères a également déclaré que l'accord tant souhaité sur l'assouplissement du régime des visas ne serait pas signé lors du sommet du 21 décembre. Cet accord, qui devrait introduire des visas de longue durée à entrées multiples pour les hommes d'affaires, les journalistes et les employés d'ONG, est en suspens en raison de divergences sur ce qu'on appelle les détenteurs de passeports de service. Moscou affirme vouloir instaurer une exemption de visa pour les titulaires de ces passeports

non-diplomatiques, parmi lesquels figure un large éventail de représentants du gouvernement. Les négociateurs de l'UE ont refusé de le faire, invoquant des préoccupations en matière de sécurité et le fait que beaucoup d'États membres de l'Union ne possèdent pas une telle catégorie de passeports. Le ministère des Affaires étrangères a soudainement soulevé la question des passeports de service l'an dernier, et les diplomates ont estimé qu'il s'agissait d'une tactique délibérée pour gâter les pourparlers. Moscou a augmenté la pression unilatéralement en mettant fin à un moratoire sur les visas pour les équipages de compagnies aériennes. En conséquence, les transporteurs de onze pays de l'UE ont dorénavant besoin d'obtenir un visa pour le personnel desservant les vols à destination de la Russie grâce à une nouvelle procédure qu'ils jugent coûteuse et lourde. M. Azimov a déclaré mardi que Moscou avait reporté sa date limite du 1er novembre au 1er décembre après que certaines compagnies aériennes ont échoué à obtenir des visas pour leurs équipages. Il n'a pas donné plus de précisions. Article publié dans The Moscow Times

Le maire de Moscou Sergueï Sobianine soutient la proposition visant à autoriser les graffitis dans les passages souterrains. « En aucun cas je ne m'opposerai à ce que vous décoriez ces espaces en les rendant plus propres, plus clairs et plus beaux », a-t-il dit. Les passages souterrains sont souvent dans un état lamentable, mais ils ont été lavés et repeints ces derniers mois, a-t-il déclaré lors d'une réunion sur la politique envers la jeunesse. M.Sobianine a également appelé à la mise en place de petits points de vente dans les passages souterrains. Il a suggéré que la ville alloue une quantité considérable d'espace souterrain pour la publicité et appelé à utiliser les recettes pour financer l'entretien. Il a poursuivi en disant qu'il allait demander à l'architecte en chef de Moscou de prendre en compte les propositions faites par des graffeurs, jusqu'ici perçus comme des marginaux.

Un projet de loi anti-tabac

© PHOTOXPRESS

EN CHIFFRES

sibilité de faire valoir nos propositions », a-t-il expliqué. D’après le vice-président du centre de recherche politique PIR Dmitri Polikanov, la Russie pourra contribuer à la régularisation des processus mondiaux si elle se concentre sur les questions économiques et financières en « évitant toute politisation du G20 ». « Aujourd’hui, le champ d’action du G20 est plus large que celui du G8 ou de nombreux autres organismes internationaux, est persuadé l’expert. La Russie devrait profiter de cette présidence pour soulever de nouveau la question de la création d’une devise de réserve, d’autant que les pays du BRICS ont l’intention de créer une alternative au FMI ». Une première réunion des ministres des Finances et des représentants des Banques centrales des pays du G20 est prévue à Moscou les 15 et 16 février 2013. Par ailleurs, Moscou prévoit d’autres événements de politique étrangère pour décembre. Le journal Kommersant a annoncé, d’après une source proche de l’administration présidentielle, qu’avant la fin 2012, Poutine compte effectuer quatre visites à l’étranger. Le 5 décembre, il a prévu d'assister au Conseil des chefs d’États de la CEI à Achkhabad au Turkménistan, le 21 au sommet Russie-UE à Bruxelles et le 24 à une réunion au sommet entre la Russie et l’Inde à Dehli. Selon la source, Vladimir Poutine a « la ferme intention d’être présent à toutes les rencontres ». Le dernier voyage à l’étranger du président russe date du 5 octobre. Il s’était rendu au Tadjikistan, après quoi toutes ses visites à l’étranger ont été annulées ou déplacées, comme les visites prévues au Pakistan, en Turquie et au Cambodge.

La Douma pourrait adopter le 14 décembre une loi anti-tabac interdisant de fumer dans les lieux publics, a déclaré le 23 novembre le premier vice-président de la Douma, Alexander Joukov. Le gouvernement russe a soumis fin octobre à la Douma un projet de loi visant à interdire la consommation de tabac dans les lieux publics à partir de 2015. Il s'agit d'améliorer la législation de protection de la santé publique contre l'exposition à la fumée et les effets de l'usage du tabac, en tenant compte de la convention-cadre pour la lutte antitabac de l'Organisation mondiale de la santé.

Une église orthodoxe à Mons

© VICTOR ONUCHKO

Les experts considèrent que la Russie peut contribuer à réguler les processus mondiaux, à condition toutefois d'éviter l’écueil d’une trop forte politisation des débats.

Le 18 novembre à Mons s'est tenue la consécration de l'église du saint Archange Michel (qui est en outre le patron de Bruxelles) récemment rénovée. Étaient présents à la cérémonie le métropolite Sawa de Varsovie et de toute la Pologne, l'archevêque Simon du diocèse de Bruxelles et de Belgique et l'évêque Porphyre de Naples, qui représente l'Église de Chypre auprès de l'Union européenne. La consécration a coïncidé avec le 150ème anniversaire de la présence permanente de l'Église orthodoxe russe dans le Royaume de Belgique.

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Société Éducation Du nouveau avec de l’ancien

© DIDIER COURBOT

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Les activistes du Partizaning réalisent de nombreux projets locaux dans la ville, essayant de rendre plus convivial l’environnement et d’améliorer la qualité de vie en général. Ainsi, ils se déguisent en cantonniers et tracent des passages pour piétons dans les endroits où cela leur semble nécessaire, ils installent des bancs et des panneaux routiers faits maison... Leurs initiatives ne sont pas toujours appréciées : les bancs sont souvent volés ou cassés, et les panneaux routiers enlevés. Parfois, la voirie leur emboite le pas. Quelques jours après que les activistes eurent créé un passage piéton dans une rue moscovite, de vrais cantonniers sont arrivés sur les lieux et ont enlevé le passage improvisé avant d'en tracer un autre, officiel, installeant par la même occasion un panneau routier adéquat. « Par nos activités, nous voulons montrer aux gens qu’ils sont capables de changer le monde. Il

ne faut pas attendre que les fonctionnaires décident de faire quoi que çe soit. Il faut agir de soimême », dit Igor Ponossov. Igor, Anton et leurs compères mènent des sondages pour comprendre ce qui manque le plus aux habitants de chaque quartier. Ils installent des boîtes à idées, discutent avec des internautes. Il arrive que des résidents s'opposent à l’installation de bancs dans leurs cours, car ils attirent les clochards ou de bruyant fêtards. Souvent, les gens enlèvent même les bancs « officiels », installés par les autorités de la ville. « Nous travaillons maintenant sur le concept de zones spéciales destinées aux fêtards des rues. Ils n’ont pas d’endroits où se réunir, ce qui conduit à des frictions avec les habitants paisibles. On pourrait faire pour eux des bancs spéciaux avec des bacs à sable pour éteindre les cigarettes et des boîtes pour les bouteilles. Ce n’est qu’un concept et, peut-être qu'il ne sera pas réalisé », explique Igor. Ces « maquisards » de l’amé-

Les activistes mènent des sondages pour comprendre ce qui manque le plus aux habitants du quartier Tous les projets du mouvement sont financés avec de l'argent récolté de manière autonome nagement urbain ont de nombreuses idées, dont certaines ne sont pas réalisées faute de temps et de moyens. Tous les projets du mouvement sont financés de manière autonome. Si une personne veut changer quelque chose dans la ville, mais ne peut pas participer personnellement au projet, elle peut si elle le souhaite transférer de l’argent au compte électronique du mouvement pour que les autres activistes mettent ses idées en oeuvre.

En outre, Igor Ponossov et Anton Make ont créé le site du mouvement, www.partizaning.org, utilisé pour publier des rapports sur les projets réalisés, partager leur expérience et parler d’initiatives similaires dans d’autres pays. « Nous collectons sur le site des informations sur divers projets urbains, que nous considérons comme proches de Partizaning. Il y a une initiative européenne similaire, baptisée « urbanisme tactique ». « La différence entre les deux mouvements est dans l’attitude sur l’art urbain : il se présente au second plan pour nous, tandis qu’en Occident, c’est l’essentiel, car là-bas, ce sont des designers, des artistes et des architectes qui s’engagent dans l’urbanisme tactique. Pour eux, l'aspect visuel est au premier plan, tandis que pour nous, c’est la fonctionnalité. Leurs actions sont alors plus belles et propres, tandis que les nôtres sont plus marginales », explique Igor Ponossov. Les actions des activistes du Partizaning sont souvent considérées comme des infractions administratives. Par exemple, le traçage non-autorisé d’un passage pour piétons est passible d’une amende de près de 37 euros. Les « guérilleros » sont bien conscients de la nature « anarchiste » de leurs actions, mais ils estiment que c’est le seul moyen de changer les choses en mieux. Le Partizaning a commencé à se propager à travers le pays depuis un bon moment. Des interventions similaires à celles qu’organisent Igor, Anton et leurs amis, ont régulièrement lieu à SaintPétersbourg, à Novossibirsk et dans d’autres villes russes. Il n’existe cependant pas de structure commune et le mouvement se développe spontanément. Certains croient que le Partizaning est trop anarchique pour avoir une influence réelle sur la vie urbaine. Mais, malgré tout, les activistes déploient tous leurs efforts pour prouver le contraire, en traçant des passages piétons et en installant des bancs.

© ITAR-TASS

« Partizaning », le nouveau civisme urbain et militant

Les adeptes du Partizaning tracent aussi des passages pour piétons là où ils les jugent nécessaires...

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La méthode Bazarnyi proscrit les tables horizontales et la mixité.

Remise en cause des idées reçues, même la mixité Les méthodes du professeur Vladimir Bazarnyi réhabilitent le pupitre à l’ancienne, le porteplume et les cours séparés pour garçons et filles. Leur succès suscite l’engouement. SVETLANA SMETANINA LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Les salles de classe de l’école n° 760 à Moscou sortent de l’ordinaire. À côté de chaque pupitre, un comptoir permet à l’élève de travailler debout. Toutes les 15 minutes, les enfants changent de position : l’enfant assis à son pupitre se lève, et inversement. Autre particularité, les professeurs proposent, au cours de la leçon, des exercices de gymnastique oculaire, comme « attraper » des points lumineux qui s’allument à différents endroits de la salle. Le résultat est probant : si en moyenne, 23% des écoliers moscovites souffrent de myopie, à l’école N° 760, seuls 12% d’entre eux en sont atteints. La plume et l’encrier sont de rigueur : le stylo bille provoquerait une altération du rythme cardiaque, alors que la plume fait travailler la main de manière rythmée. Il s’agit là d’observations faites il y a une trentaine d’années par le professeur Vladimir Bazarnyi. Selon celui-ci, presque toutes les

maladies survenant à l’âge adulte sont liées aux conditions d’étude dès la petite enfance. Dans une position assise prolongée et inadaptée, l’énergie se transforme en nervosité, produisant l’épuisement de l’écolier, avec des conséquences sur la santé. En alternant fréquemment la position debout, puis assise, le risque disparaît. Bazarnyi est aussi favorable à une éducation où les filles et les garçons sont séparés, en particulier dans les petites classes. Pas question d’interdire la communication entre les deux sexes, mais de mener des cours différents tenant compte des particularités d’acquisition des connaissances selon le sexe. Avant la révolution, filles et garçons étudiaient dans des écoles distinctes. En 1917, les bolcheviks avaient mis un terme à ce système considéré comme une « relique du passé ». Certaines écoles russes y sont revenues. Les résultats sont probants. Au lycée Harmonie (Jeleznogorsk, en Sibérie), dans les classes mixtes, seul un élève par classe reçoit la mention très bien, alors que la proportion est de 25 à 35% dans les classes séparées. Aujourd’hui, en Russie, près de 2 000 écoles fonctionnent selon la méthode Bazarnyi. Leur popularité ne fait qu’augmenter.

Football Les actes de vandalisme des supporters ternissent la Russie, qui accueillera la coupe du monde 2018

Un grand nettoyage des tribunes devrait se produire à la suite du grave incident survenu le 17 novembre 2012 lors d'un match entre le Dynamo Moscou et le Zénit Saint-Pétersbourg. TIMOUR GANEEV LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Depuis le début de la rencontre qui s’est tenue sur le stade Arena Khimki, les supporters se sont mis à jeter sur la pelouse des pièces de monnaie, des roulements métalliques, des briquets et des feux d'artifice. Un pétard, lancé au cours de cette salve, a explosé tout près du gardien du Dynamo, Anton Chounin, en blessant ce dernier. Le joueur a perdu conscience temporairement, mais les médecins de l’équipe ont réussi à le ranimer 15 minutes plus tard. Suite à cet incident, l’arbitre Alexeï Nikolaev a décidé d’arrêter le match. Selon les médecins, Anton Chounin a subi des brûlures de la cornée et une perte auditive.

C'est loin d'être le premier incident grave causé par des supporters russes cette année. Les joueurs du Dynamo Moscou ont notamment été visés le 16 octobre par des tirs de paintball de la part de certains fans venus exprimer leur mécontentement par rapport aux résultats. Des supporters racistes jettent régulièrement des bananes sur des footballeurs étrangers et agressent les fans des équipes du Caucase. Ces derniers répondent en sifflant l’hymne russe. Les fans russes se rendent également aux matchs de l’équipe Anzhi de Makhatchkala en Europa Ligue dans le seul but de provoquer des bagarres. L’incident avec le pétard a donc été le point d'orgue d'une saison de violences. Durant une réunion d’urgence de la Première ligue de football de Russie (RFPL) consacrée au comportement des supporters, le président de la Ligue Sergueï Priadkine a déclaré que cette vague de violences devait être stoppée. « L’incident avec la bles-

© ALEKSANDR WILF_RIA NOVOSTI

Le pétard qui a fait déborder la coupe du football russe

La violence des supporters russes menace-t-elle le Mondial 2018 ?

sure d’Anton Chounin a été le point culminant », a martelé M.Priadkine. « Cela ne peut pas continuer comme cela. Désormais, les clubs invités devront vendre eux-mêmes des billets pour le secteur visiteurs, tous les acheteurs des billets devront présenter leurs

Des supporters racistes jettent des bananes sur des joueurs étrangers et agressent les fans des équipes du Caucase

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passeports, et si les supporters d’une équipe violent les règlements de la Ligue, leur club sera obligé de tenir le match suivant à huis clos ». Ces décisions de la Première ligue russe ne reposent pas sur ce qui se fait ailleurs dans le monde. Les supporters occidentaux ne sont pas obligés de présenter leurs passeports en achetant des billets, les matchs à huis clos étant rarissimes. En Russie, ce n’est pas si simple que ça. Les sommes immenses investies dans le football russe ont attiré plusieurs stars internationales. Parmi les grands joueurs « importés » figurent notamment l’attaquant allemand Kevin Kurányi, le milieu de terrain de l’équipe nationale de France Lassana Diarra, l’attaquant de la sélection brésilienne Hulk et le Camerounais Samuel Eto’o, double vainqueur de la Ligue des champions. La Russie a en outre emporté l’organisation du Mondial de football de 2018.

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Mais Moscou pourrait perdre le bénéfice des progrès récemment réalisés. La faible sécurité dans les stades russes et le comportement violent des supporters nationaux pourraient non seulement décourager les grands joueurs internationaux participant au championnat de Russie, mais aussi entraver considérablement les préparatifs du pays pour la coupe du monde. « Les supporters n’arrivent pas de la planète Mars, ce sont de simples membres de notre société », indique le président du Dynamo Moscou, Guennadi Soloviev. « Ce sont des sujets qui doivent être enseignés à l’école. Je suis persuadé que nous réussirons à améliorer la situation, jusqu’au point où le chant le plus méprisant ne sera plus que "l'arbitre au vestiaire !" ». Reste que pour Edvard Sergean, un leader des supporters du Zenit, il n'y a aucune différence entre les fans russes et étrangers...

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PARTENAIRE

Économie

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EN BREF

Gazprom s'entête à augmenter ses capacités d'exportation

KBC vend sa banque russe Absolut Bank

T.DZIADKO, D.DMITRIENKO VEDOMOSTI

« Gazprom est prêt accroître les quantités de gaz transitant par le Belarus, ce qui demandera près de 2 milliards de dollars d’investissement », a annoncé le PDG de Gazprom Alexeï Miller à l’issue d’une rencontre avec le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Le volume du gaz acheminé via le Belarus atteindra 44,5 milliards de mètres cubes en 2012, soit 4% de plus qu’en 2011, ce qui correspond à 100% des capacités, a déclaré Miller. Il est prévu d’augmenter les volumes de 15 milliards de m3. Selon Miller, Gazprom commencera les travaux dès 2013 : « Il faudra commencer par moderniser les stations de compression et les pipelines ». Miller, qui s’était rendu à l’inauguration de la station de distribution rénovée Zapadnaïa, a promis d’ici 2015 la reconstruction de 35 stations supplémentaires. Le vice-Premier ministre biélorusse Vladimir Semachko a assuré que le programme d’accroissement du transit pourra être achevé d’ici 2017. Selon une source proche de Gazprom, ce programme serait un moyen de montrer à l’Ukraine qu’une partie du gaz transitant par son territoire pourrait être redirigé vers son voisin.

Malgré la baisse des exportations, les projets de construction d'oléoducs par Gazprom se poursuivent.

EN CHIFFRES

44,5

milliards de mètres cubes de gaz seront acheminés via la Biélorussie, soit 4% de plus qu’en 2011, ce qui correspond à 100% des capacités.

7,5

milliards d’euros. C'est ce qu'a coûté Nord Stream à Gazprom. Sa capacité est de 27,5 milliards de mètres cubes par an.

63

milliards de m3 de gaz par an. C'est la capacité de South Stream, dont les travaux débuteront le 7 décembre 2012.

Gazprom signifie à Kiev qu’une partie du gaz transitant par son territoire pourrait être redirigé vers son voisin

15,75 milliards de m3 par an chacun, pour un coût de 16 milliards d’euros) devra débuter le 7 décembre et entrer en exploitation dès le premier trimestre 2016. Il devrait être exploité au maximum de sa capacité, soit 63 milliards de m3 par an à partir de 2018. Les méga-projets de construction d’oléoducs par Gazprom se poursuivent et ce malgré une baisse des exportations : pour la période de septembre à janvier 2012, ses ventes à l’étranger ont chuté de 10,6%, (149,33 milliards de m3), et de 8% vers l’Europe (102,5 milliards de m3), d'après les chiffres officiels. Selon le chef du département d’analyse de la société d’investissement Tserikh Capital Management Nikolaï Podlevskikh, après le lancement de South Stream, il est peu probable que Gazprom remplisse tous ces gazoducs. Vers 2020, les capacités d’acheminement atteindront 380 millliards de m3 (prenant en compte les deux nouveaux pipelines de Nord Stream), a calculé l’analyste de Metropol Sergueï Vakhrameev. Même si l’on ferme les voies de transit du gaz par l’Ukraine (près de 120 milliards

de m3 par an), ces capacités sont trop élevées. Or, si les capacités ne sont pas exploitées au maximum, cela entraîne des dépenses supplémentaires. Ainsi, l’acheminement de gaz par Nord Stream revient plus cher que le transit par l’Ukraine. Par contre, l’augmentation des volumes de gaz transitant par la Biélorussie paraît plus effectif, affirme Varakhmeev. Gazprom contrôle 100% de Beltrangaz et le transit ne lui revient qu’à 2$ pour 1000 m3, c’est-à-dire 1,5 fois moins cher que par l’Ukraine. Cet accroissement du transit du gaz russe par la Biélorussie est une action politique censée prévenir les risques liés au transit par l’Ukraine, explique l’analyste de Raiffeisenbank Andreï Polischouk, même si du point de vue économique son effet est minime. Le chef du gouvernement ukrainien refuse tout commentaire. Gazprom veut punir l’Ukraine mais cela a déjà été fait en 2009, avec cet accord signé pour 10 ans, considère l’exconseiller du président ukrainien pour les questions de sécurité énergétique Bogdan Sokolovski. Article paru le 23 novembre 2012, Vedomosti

Les sociétés gérant le fonds « Bien-être », le fonds de pension des chemins de fer de Russie, rachèteront Absolut Bank, appartenant au groupe belge KBC. Le montant de l'achat sera de 250 à 300 millions d'euros, le capital de la banque atteignant 485 millions d'euros. Le groupe belge KBC a acquis Absolut Bank en 2007. Le contrat a atteint une somme record pour le marché russe : il s'était chiffré à un milliard de dollars, la banque ayant été estimée quatre fois le montant de son capital. Absolut Bank est spécialisée dans les services de vente au détail, notamment les prêts aux entreprises, les crédits automobiles et les prêts hypothécaires. L'établissement occupe la 47e place en Russie avec des actifs atteignant 2,7 milliards d'euros. Le fonds « Bien-être » est l'un des plus gros fonds de pension russe. Il gère 4,2 milliards d'euros de cotisations de retraites pour 284 000 bénéficiaires.

Greenworx part en Crimée

© PHTOXPRESS

Le ministre de l’Énergie ukrainien Iouri Boïko avait menacé de porter plainte contre Gazprom si les deux pays n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur les prix et le volume d’approvisionnement. Le représentant de Gazprom a déclaré que la compagnie était déterminée à investir pour diversifier et sécuriser les approvisionnements et que ce gaz transitant par la Biélorussie était destiné à fournir la Pologne, l’Allemagne, la Lituanie et Kaliningrad. Il y a un an de cela, Gazprom avait déjà inauguré le gazoduc Nord Stream, ouvert afin d’éviter les pays de transit, en premier lieu l’Ukraine, les conflits avec cet État mettant en danger ses exportations. En janvier 2009, la Russie a même dû interrompre ses livraisons vers l’Europe pendant 21 jours. Nord Stream a coûté 7,5 milliards d’euros à Gazprom. En un an, l’oléoduc n’a été exploité qu’au tiers de ses capacités (9,2 milliards de mètres cubes sur 27,5 milliards par an). Un second tube a néanmoins été ouvert, augmentant le trafic potentiel à 55 milliards de mètres cubes par an. Miller a déclaré à cette occasion qu'il souhaitait construire encore deux autres pipelines de même capacité. Voici une semaine, un autre méga-projet a été entériné, l’oléoduc South Stream, censé permettre l’approvisionnement direct de l’Europe via le fond de la mer Noire. Le chantier de South Stream (4 pipelines d’une capacité de

Malgré une baisse de la demande et de nouveaux gazoducs en Baltique et en mer Noire, Gazprom veut investir 2 milliards de dollars pour accroître de 30% le transit via le Belarus.

© AFP/EASTNEWS

Énergie Toutes les dépenses sont bonnes pour s'assurer que le gaz russe arrive bien en Europe

Deux sociétés étrangères, l'entreprise belge Greenworx et le turc Gurix, investiront dans le chantier d'un parc éolien dans la région de la mer Noire, en Crimée. Le projet prévoit la construction de 56 à 86 éoliennes dans la région de la mer Noire, sur la berge du lac Donouzlav. La création du parc éolien permettra également de créer 100 nouveaux emplois pour les habitants de la région. Les principaux travaux liés au lancement du projet et à la construction de la première tranche du projet devraient s'achever en 2013.

ENTRETIEN AVEC LE VICE-MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE OLEG FOMITCHEV

« L’État porte l'innovation à bout de bras »

Lors du Forum international « Innovations ouvertes » qui vient de se tenir à Moscou, les représentants de l’État assuraient que le gouvernement doit stimuler les innovations. Mais l’expérience d'autres pays montre que ce n’est pas la seule ni la meilleure voie. Qu’est ce qui peut faire avancer le progrès en Russie ? Par stimulation de l’innovation par l’État, ils sous-entendent que la réalisation d’un système d’innovation passe par plusieurs étapes et à chacune de ces étapes chacun a son rôle déterminé : l’État, les entreprises et, plus rarement, les établissements scientifiques universitaires. Nous nous trouvons malheureusement à un stade où les entreprises ne sont pas prêtes à remplir leur fonction

principale de stimulateur d’innovation. Leur activité en matière d’innovation est très limitée, la demande d’innovation est faible, les investissements en recherche et développement minimes et durant cette période de transition ou tout est en train de se mettre en place, la participation de l’État apparaît indispensable. Nous prévoyons néanmoins qu’au fur et à mesure que le secteur des innovations se développe, les entreprises se chargeront de cette mission. Pour l’instant, les dépenses en recherche et développement sont à 70% assurées par l’État contre 30% par les entreprises, alors que ce devrait être l’inverse.

© RUSLAN KRIVOBOK_RIA NOVOSTI

Aujourd’hui, en Russie, c’est le gouvernement qui porte à bout de bras le secteur de l’innovation et ce sont les compagnies publiques qui investissent le plus dans la recherche et le développement. Le vice-ministre du développement économique Oleg Fomitchev explique pourquoi le secteur privé reste frileux.

BIOGRAPHIE NÉ : LE 7 FÉVRIER 1977 NÉ À : KOPEÏSK FORMATION : ÉCONOMIE

Oleg Fomitchev a débuté sa carrière au ministère du Développement économique en 1999. Il est vice-ministre depuis cette année.

Pourquoi les entreprises n’investissent-elles pas dans l’innovation ? Tout d’abord, c’est lié aux particularités du marché russe. Pour l’instant, la Russie, étant donné son niveau d’avancement technologique, peut encore se contenter d’une modernisation basée sur l’utilisation des technologies étrangères qui ont déjà fait leurs preuves. Dans beaucoup de sec-

teurs, par exemple la construction automobile, nous avons un tel niveau que la moindre avancée technologique demandant peu d’investissement peut apporter un résultat et une rentabilité visible. Ainsi, tant que nos entreprises n’atteindront pas un niveau suffisant pour se positionner sur le marché international, ils n’auront aucune motivation pour investir dans la R&D. D’autre part, cela tient également au fait que pour le moment le climat d'investissement est loin d’être idéal, à cause des douanes, du fisc, du régime des charges sociales et de l’infrastructure. Beaucoup d’efforts ont été faits (création des zones économiques spéciales, de technopoles), mais cela reste insuffisant. La Russie doit-elle cesser de baser son économie sur l’exploitation des ressources naturelles ? Je n’irais pas jusqu’à préconiser l’abandon de notre modèle économique. Mais il faut s’efforcer d’y ajouter une même part provenant des autres secteurs, du secondaire, du tertiaire, de l’infor-

matique. Le secteur primaire semble énorme à cause du retard des autres secteurs. Nous devons moderniser le secteur primaire, y apporter des innovations technologiques afin de réduire les frais de production. Comment rester concurrentieldans un monde de plus en plus tourné vers les énergies alternatives ? La situation est en train de changer, la part de l'énergie renouvelable et des énergies alternatives augmente, même s’il m’est difficile de faire des prévisions concrètes. Dans tous les cas, nous devons investir dans ce domaine, car même si les secteurs traditionnels resteront dominants, nous serons toujours en demande de savoir-faire, de connaissances technologiques, d’écoles scientifiques. Le secteur énergétique traditionnel et le développement des innovations dans ce secteur restent notre grande priorité et nous avons mis en place un programme de soutien de l’innovation au sein des grosses compagnies pétrolières. Rosneft, Transneft, Gazprom, RusHydro

ont augmenté leurs dépenses destinées aux nouvelles technologies en matière de production et transformation du pétrole. Ces programmes ont été élaborés par les compagnies elles-mêmes sur demande et avec le soutien méthodologique du gouvernement, ils sont en phase de réalisation, et nous en assurons la supervision pour en contrôler la transparence. Ce secteur sera-t-il le moteur de la modernisation ? Oui, il est déjà porteur de l’économie, mais à un niveau limité. Le rythme de croissance du secteur énergétique étant limité à 2% par an à peu près, la croissance du secteur traditionnel sera limitée à ces 2% par an. Si nous voulons accroître le rythme de croissance de l’économie et sa diversification, nous devons l’obtenir grâce aux autres secteurs. Surtout si l’on prend en compte que la majeure partie de la population ne vit pas dans les régions pétrolières. Propos recueillis par Artiom Zagorodnov


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Régions

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Exposition universelle Ekaterinbourg a soumis sa candidature pour l'organisation de l'Expo 2020

Invitation au voyage au cœur de l’Eurasie La Russie espère booster la notoriété d'Ekaterinbourg. Mais avant d'y arriver, il faudra affronter des rivaux bien plus connus comme Dubaï, Izmir et Sao Paulo. NADEJDA GAVRILOVA

© TATIANA ANDREEVA

Lors de la présentation officielle du projet, la délégation russe était menée par le vice-Premier ministre russe Arkadi Dvorkovitch. « E k a t e r i n b o u rg e s t u n e ville jeune, a déclaré Dvorkovitch. Elle se développe rapidement et possède un gros potentiel dans les domaines industriel, scientifique et de l’enseignement. Nous sommes convaincus que l’organisation de l’Expo 2020 donnera une nouvelle impulsion à la croissance de la ville, et du pays en général ». Parmi les concurrents d’Ekaterinbourg, on trouve Izmir (Turquie), Dubaï (EAU) et Sao Paulo (Brésil). Les défenseurs du projet russe estiment que leur pays possède de bonnes chances pour gagner. Il y a encore quelques années, peu d’étrangers avaient entendu parler de Sotchi, ville où se dérouleront les Jeux olympiques d’hiver en 2014. Désormais, le monde entier connaît cette ville. « Oui, la concurrence sera très rude », a concédé Dvorkovitch aux journalistes après la présentation. « La Turquie présente des avantages évidents, et ce n’est pas la première fois qu’elle propose sa candidature. Et Dubaï dispose d’énormes moyens. Néanmoins, nous présentons également des points forts qui attireront l’attention de la communauté internationale ». En Russie, Ekaterinbourg se trouve juste derrière Moscou et

© TATIANA ANDREEVA

LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Saint-Pétersbourg dans bien des domaines économiques et sociaux. La ville dispose en outre d’une belle expérience en matière d’accueil de grands événements internationaux. « Ekaterinbourg a accueilli avec succès des sommets de l'Organisation de coopération de Shanghai et des pays Brics, ainsi qu’une rencontre Russie – Allemagne. De plus, elle héberge chaque année l’exposition des innovations industrielles "Innoprom", visitée cette année par des personnes venant de 50 pays différents », explique Evgueni Kouïvachev, gouverneur de la région de Sverdlovsk, dont Ekaterinbourg est la capitale.

« La ville accueillera des matchs de la Coupe du monde de football en 2018. Les préparatifs ont d’ailleurs déjà débuté. Parallèlement, des infrastructures indispensables à la tenue de l’Expo seront mises en place », promettent les autorités russes. Le coût de leur construction pourrait atteindre des dizaines de milliards de dollars. Mais les budgets des différents niveaux de pouvoir destinés à la préparation de l’Expo à Ekaterinbourg devraient être complétés par des investissements privés. Un espace a déjà été défini pour le futur parc de l’Expo. Il s’étendrait sur 587 hectares au bord de l’étang Verkh-Issetski, situé au

Histoire de l'Expo L’Exposition universelle a lieu depuis 1851. C’est la plus vaste foire au monde pour présenter les dernières avancées technologiques. Elle apporte toujours une forte impulsion au développement économique régional. La dernière Expo universelle a eu lieu cette année dans la ville sud-coréenne de Yeosu. La prochaine exposition se déroulera en 2015 à Milan. La Russie n'en a jamais organisée. Moscou avait bien déposé une candidature pour 2010, mais elle avait perdu au profit de Shanghai.

cœur de la ville. Un centre logistique comprenant une gare, une station de métro et un arrêt de bus sera également construit sur la rive droite de l’étang, à 35 minutes en train de l’aéroport. Les pavillons d’exposition occuperont une surface de 182 hectares, le reste étant réservé aux hôtels, bureaux, restaurants et magasins. L’une des plus grandes fiertés des créateurs du projet sont

les boulevards et les parcs, ainsi que la rive du lac, qui embellira le paysage. Selon les architectes du projet, il sera possible de parcourir à pieds le parc de l’Expo en une heure et demie, ou de le traverser en bateau. Après la fin de l’exposition, toutes les infrastructures et les bâtiments seront adaptés aux besoins de la ville : les hôtels seront transformés en appartements et logements pour les étudiants, et les pavillons en bureaux ainsi qu’en centre d’affaires ou de loisirs. Ces transformations feront ainsi de la zone entourant l’étang Verkh-Issetski un lieu idéal pour se reposer.

Tourisme Reportage au coeur de l'Oural, dans l'ancien coeur de l'industrie militaire soviétique

EMMA BURROWS LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Ekaterinbourg ressemble à un mélange des deux principales villes de Russie : l’énergie et l’activité débordantes de Moscou se mêlent à l’architecture prérévolutionnaire de Saint-Pétersbourg. De ce côté de l’Oural, les autorités municipales semblent avoir fait des efforts pour préserver les constructions en bois, blotties entre les gratte-ciels et les maisons de deux étages, donnant à la ville un air très particulier, différent de ce que l’on rencontre habituellement en Russie. En somme, Ekaterinbourg est un endroit plutôt agréable. C’est une ville pour les promeneurs : on peut gambader le long du canal et admirer quelques œuvres d’art intéressantes, dont un clavier géant, en pierre (peutêtre un hommage à la place grandissante d’Ekaterinbourg dans le monde des affaires), avant de déboucher sur le coin Beatles. Difficile à dire pourquoi Ekaterinbourg abrite un lieu dédié au groupe britannique, mais l’endroit

vaut le détour, avec son grand graffiti et ses messages écris à même le mur. Le guide Lonely Planet regrette le manque de logements bon marché à Ekaterinbourg, mais nous avons dégoté une auberge de jeunesse près du centre-ville. « Meeting Point » propose huit lits entassés dans un petit appartement et une hôtesse accueillante qui vous indiquera tout ce qu’il y a à voir et à faire dans la ville. Ekaterinbourg offre un grand nombre de restaurants et de boutiques qui, en arrivant de Moscou, apparaissent comme très bon marché. Un repas entrée, pizza, dessert revient à 8,70 euros. Les gens sont accueillants et chaleureux, toujours généreux en conseils et bons plans. Dans un bar un peu vide, le serveur nous a conseillé d’aller chez un concurrent, deux rues plus loin. Le « New Bar », tout récent, comme son nom l’indique, propose une carte de cocktails longue et délicieuse. La plupart des visiteurs ne viennent pas ici pour savourer la gastronomie locale ou les lieux insolites, mais font une halte sur le Transsibérien pour se rendre à l’endroit où a été exécutée la famille impériale. La maison Ipatiev, théâtre des évènements, a été rasée en 1977,

sur l’ordre de Boris Eltsine, qui était alors un dirigeant du parti à Sverdlovsk, pour empêcher qu’elle ne devienne un lieu de pèlerinage. À l’instar de l’église qui s’élève aujourd’hui à l’endroit du souterrain où les Romanov ont rencontré la mort, imposante et grouillante de pèlerins. La grande église orthodoxe ne se distingue en rien, sauf que l’on dit qu’elle abrite les icônes les plus chères de Russie. On peine à s’imaginer à quoi ressemblait l’endroit, en cette nuit de 1918, car il ne reste rien de l’ancienne maison. Pour les amateurs d’histoire russe, Ganin a Ya m a © PAVEL LISITSIN_RIA NOVOSTI

Grande ville industrielle nommée Sverdlovsk à l'époque soviétique, Ekaterinbourg est connue pour avoir été la destination ultime de la famille du tsar Nicolas II, exécutée là en 1918.

On peut y admirer quelques oeuvres d'art intéressantes.

© ALAMY/LEGION MEDIA

Ekaterinbourg, la ville qui donne rendez-vous avec l'histoire

De nombreux gratte-ciels ont bouleversé l'horizon de la ville ces 10 dernières années.

est également intéressante, à l’orée d’Ekaterinbourg. Comme la maison Ipatiev, ce site, où les dépouilles de la famille impériale et des serviteurs ont été enterrées, est devenu un lieu de pèlerinage assidu. Surtout après la canonisat i o n des Romanov martyrs par l’Église orthodoxe russe, en 2000. Le bus 17 part de la gare vers le mo-

nastère. Un bus spécial fait la visite en moins de trois heures pour 12 euros. Les églises de GaninaYama sont construites dans le style ancien des campagnes russes, avec des rondins de bois, et coiffées de bulbe d’or. Le décor est totalement féérique. Le monastère est en activité, les femmes sont sommées de se couvrir la tête et de porter la jupe longue. Les visites guidées sont dispensées en russe. Chose intéressante, la principale fosse dans laquelle la famille a été jetée et recouverte d’acide est dépourvue de tout monument, hormis une croix en bois. C’est un simple creux dans le sol, recouvert d’herbe et marqué d’un pot de fleur. L’importance du lieu est difficile à saisir car les églises scintillantes détournent l’attention de ce qui est considéré par beaucoup comme le lieu le plus important de toute l’histoire russe.

Pour s’y rendre Le vol Bruxelles Ekateribourg coûte 450 euros via Moscou. Plusieurs trains quotidiens en partance de Moscou pour un trajet de 26h minimum.

Où se loger Onegin Hôtel propose des chambres avec vue sur la ville pour 150 euros par jour. Les chaînes Novotel, Hyatt et Park Inn sont aussi présentes.

Où se restaurer Le café-musée Demidov, propose des pelmeni traditionnels de l'Oural. La chancellière allemande Angela Merkel y a dîné avec son homologue Dmitri Medvedev.


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Opinions

© VIKTOR BOGORAD

RESTONS-NOUS DES PARTENAIRES CLÉS ? Fiodor Loukianov POLITOLOGUE

in décembre se tiendra le 30ème sommet Russie-UE. Pour cette rencontre anniversaire, le président russe Vladimir Poutine va sans doute, une fois de plus, prononcer un discours dans lequel il ne manquera pas de proposer à l’Europe une coopération stratégique et un rapprochement politique. Dans ce domaine, Poutine a toujours su rester dans la continuité. Que ce soit à la veille de son premier mandat, au début des années 2000, lorsque les perspectives de coopérations étaient prometteuses, à la fin 2010, lorsque les rapports étaient plus tendus, ou encore pendant la période où il était Premier ministre, il a toujours gardé le même discours. La Russie et l’UE doivent mettre leur potentiel en commun, ce qui apparaît évident et indispensable pour faire face à la rude concurrence mondiale en ce XXIè siècle. Personne ne conteste ce fait. La difficulté reste de trouver le point de convergence. Pour l’UE, il paraissait évident que ce devait être le modèle européen, l’ensemble des valeurs et des normes de l’Europe unie. La Russie n’aurait qu’à les adapter et en avant pour le rapprochement. Pour Poutine, la dynamique devait venir des deux côtés et mener à un partenariat égal. Moscou contestait la volonté de l’UE d'imposer ses critères,

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sans toutefois rejeter le bien fondé de certaines normes européennes. Avec le nouveau mandat de Poutine, beaucoup de choses ont changé. La Russie a, en toute connaissance de cause, choisi le refus de ce modèle, qualifié d’européen. Dans les années 90-2000, Moscou a vécu assez de querelles avec ses partenaires européens sur les questions de politiques et de valeurs. La Russie a toujours campé sur ses positions, défendant sa « particularité nationale » et mettant l’accent sur l’impossibilité pour elle d’atteindre aussi rapidement le même niveau de démocratie que celui vers lequel les autres pays avancent depuis des siècles. Sans rejeter la vision globale et l’objectif final, la Russie a toujours revendiqué le droit à choisir sa voie et son rythme pour l’atteindre. Aujourd’hui, la Russie a tout simplement abandonné l’idée même de l’existence de cet objectif imposé de l’extérieur. Le modèle européen « standard » n’est plus un étalon pour elle et ses valeurs sont remises en doute. Si auparavant Moscou refusait la notion même de « valeurs » et insistait sur la nécessité de trouver des intérêts communs, elle soutient des valeurs très conservatrices. L'affaire Pussy Riot révèle la rupture de valeurs. En Europe, on parle de persécution politique, d’atteinte à la liberté d’expression, en Russie, on emploie les termes de blasphème. Des deux côtés, on observe une propagande

mais il s’agit d’une divergence globale de point de vue. D’un côté le libéralisme européen et de l’autre, le conservatisme russe. Face à l’effondrement des principes moraux et idéologiques soviétique et post-soviétique, la société russe tente de trouver un autre support. Le fait de se tourner vers les valeurs culturelles et

La rupture des valeurs est évidente : d’un côté le libéralisme européen et de l’autre, le conservatisme russe

Depuis le début de son nouveau mandat, Poutine a clairement choisi de rejeter le modèle européen religieuses traditionnelles n’est pas un phénomène exceptionnel. De plus, il n’est pas dit que l’identité nationale va se former sur cette base traditionaliste, le vent peut tourner. L’Europe aussi de son côté n’est pas à l’abri de sérieux revirements. Au vu du rythme et de l’ampleur des chamboulements internationaux, difficile d’espérer échapper à cette tendance globale. Néanmoins,

pour le moment, les trajectoires entre la Russie et l’UE divergent et laissent peu d’espoir de rapprochement dans un avenir proche. En économie, c’est tout l’opposé. La Russie vient d’entrer à l’OMC, moment crucial pour le milieu des affaires mondial. Bien sûr, ce n’est pas un coup de baguette magique qui va attirer la manne céleste sous forme d’investissement étrangers, néanmoins l’intégration de la Russie dans un cadre réglementaire international contribuera à rassurer les entrepreneurs étrangers et à leur donner des garanties. Même avant, l’Europe avait commencé à s’intéresser à la Russie non pas uniquement comme fournisseur de matières premières, mais aussi comme un marché inépuisable au pouvoir d’achat toujours croissant et comme pays en recherche de partenariats technologiques. Comme l’a révélé, dans un entretien privé, un haut fonctionnaire européen, la Russie représente pour l’Europe le dernier Eldorado. Fait non négligeable dans le contexte actuel de stagnation du marché européen et de l’instabilité des marchés mondiaux. Les entrepreneurs européens souhaiteraient vivement que les divergences politiques n’entravent pas leur coopération économique avec la Russie, tout comme cela ne les a jamais gênés d'investir en Chine. Bien sûr, le climat d’investissement en Russie n’est pas au beau fixe, mais à défaut d’autres débouchés... Reste la question : comment parvenir à joindre ces deux tendances contradictoires - ce désaccord idéologique et cette attirance économique ? Cette situation ne pourra pas durer éternellement. Ou bien les partenaires européens devront fermer les yeux sur les particularités nationales russes, ou bien la Russie devra se tourner de nouveau vers le modèle politique européen, ou bien la coopération économique risque de pâtir de ces querelles. Moscou à bien conscience des changements qui se produisent, particulièrement révélateurs sur le marché de l’énergie. L’âge d’or et de la toute puissance de Gazprom est révolu. Dorénavant, il va falloir se battre pour garder ses clients et adapter ses tarifs, et en Europe et en Asie, vers laquelle la Russie se tourne de plus en plus. Sur le plan culturel et historique, la Russie est certainement plus proche de l’Europe et cela ne risque pas de changer. Mais l’Europe se retrouve soudainement reléguée à la périphérie mondiale. La Russie étant situé au trois quarts sur le continent asiatique, elle se doit d’y affirmer rapidement sa position stratégique. Et c’est sans doute vers quoi seront tournés ses efforts ces prochaines années. Rédacteur en chef du journal Russia in Global Affairs

LU DANS LA PRESSE UNE MARQUE INFAMANTE POUR LES ONG Désormais, toute ONG russe recevant des financements étrangers et menant une activité reliée d'une manière ou d'une autre à la politique doit se déclarer "agent de l'étranger", l'indiquer sur toute ses publications et se soumettre à un contrôle plus strict de la part des autorités. Les premières concernées sont les ONG de défense des droits de l'homme, qui dénoncent une mesure répressive. Le Kremlin agite-t-il les vieux démons de l'ingérence américaine ?

Préparé par Veronika Dorman

EN ATTENDANT LES AGENTS

LA LOI DE "L'ÉTOILE JAUNE"

AGENTS DE WASHINGTON

Éditorial

Andreï Kolesnikov

Alexei Moukhin

VEDOMOSTI, 21 NOVEMBRE

GAZETA.RU, 21 NOVEMBRE

NEZAVISSIMAÏA GAZETA, 19 NOVEMBRE

Le règlement pour l'enregistrement des agents de l'étranger n'a pas encore été mis au point. Ceux qui sont d'accord pour "s'autodénoncer" n'ont nulle part où s'adresser pour l'instant. Les lenteurs administratives peuvent être utiles : le temps que le réglement soit achevé, la loi draconienne peut être adoucie. Sinon, les autorités risquent de se retrouver dans une situation ambigüe : il faudra fermer des organisations mondialement connues et poursuivre en justice leurs dirigeants. Il apparaîtra que Poutine lui-même s'est entouré d'ennemis de la Russie : au moins huit potentiels "agents" siègent au Conseil présidentiel pour les droits de l'homme.

Cette loi détruit à la racine le milieu des ONG en Russie et le remplace par de "fausses" ONG, créées par le pouvoir pour imiter l'activité non-gouvernementale. L'application de la loi de "l'étoile jaune" en dira beaucoup sur notre pouvoir. Qui il n'aime pas. Dans quelle domaine il ne supporte pas la concurrence. Qui il envie. Quand aux citoyens, cette nouvelle loi ne leur facilitera pas la vie. Le gouvernement n'investit pas les lieux qu'abandonnent les défenseurs des droits de l'homme. Mais personne ne pense aux citoyens, une victime sacrifiée de plus sur l'autel du vieux mythe sur l'ingérence étrangère dans la vie politique russe. Qui, avouons-le, n'intéresse personne.

La loi sur les ONG est d'une logique élémentaire pour tout pays qui se respecte. Désormais, les possibilités de Washington d'influencer la vie politique russe sont sérieusement limitées. Entretemps, après les élections présidentielles, les États-Unis sont dans l'urgence d'intensifier le financement de l'oppostion en Russie. Certes, il y a un an, du haut de la tribune, la victoire semblait possible, à condition d'avoir les financements. Que l'opposition manque d'argent aujourd'hui n'est un secret pour personne. Les leaders, qui étaient jadis presqu'ouvertement entretenus par le contribuable américain, cherchent désespérément des nouvelles sources de revenus.

L’ISLAM POLITIQUE ISOLE MOSCOU Evgueni Satanovski POLITOLOGUE

e « printemps arabe » se propage d'un État à l’autre, même si le processus a dérapé en Syrie. En 18 mois, la guerre civile a tourné à la lutte entre ethnies et confessions, avec ingérence étrangère. La visite du ministre des Affaires étrangères russes dans la péninsule arabique a démontré le refus des acteurs locaux de tenir compte de la position de la Russie. Mais cela témoigne aussi de l’efficacité de la tactique de la Russie et de la Chine, qui ont bloqué au Conseil de sécurité de l’ONU la résolution qui aurait débouché sur une intervention selon le scénario libyen. Ce qui n’exclut pas la délimitation d’une zone d’exclusion aérienne ; la création, à la frontière avec la Turquie, d’enclaves territoriales indépendantes de Damas ; ainsi que des opérations contre l’armée syrienne. La renaissance de l’islam politique au Proche-Orient est susceptible de s’étendre au-delà. La possibilité d’un « printemps centrasiatique » en Ouzbékistan et au Kazakhstan s’accroit, surtout à cause du changement imminent des chefs d'État, avec le recours aux places d’armes kirghizes et tadjikes. Ce qui impliquerait la propagation de « l’islamisation démocratique » au Xinjiang chinois, à la région de la Volga et au littoral russe de la Caspienne. Il n’est pas impossible de provoquer des affrontements entre islamistes et autorités locales dans la zone transfrontalière russe et chinoise, sous les slogans de la liberté de religion et de l’égalité sociale, avec le soutien de la communauté internationale. Les cellules salafistes d’Asie centrale et de Russie, ainsi que les sépara-

L

tistes ouïghours de Chine, peuvent être sollicités avec des soutiens financiers identiques à ceux du « printemps arabe ». Les capacités de la Russie à endiguer la menace islamiste sur son territoire sont importantes. La situation dans le Caucase du nord montre qu'il ne faut pas se relâcher. Une coopération avec les gouvernements centrasiatiques est urgente dans la perspective de la sortie prochaine des troupes occidentales d’Afghanistan. La capacité russe à influencer les États impliqués dans la propagation du « printemps arabe » sont limitées, voire nulles. Le seul pays intéressé par un dialogue avec la Russie, en vertu de ses intérêts économiques, est la Turquie. Les monarchies du Golfe manifestent une hostilité croissante

Les rivalités gazières mettent tout le monde d'accord pour pousser la Russie sur le banc de touche à Moscou, la rhétorique des médias sous leur contrôle rappelle l’époque de la guerre d’Afghanistan, à la différence près qu’ils craignaient alors l’URSS. Et l’Iran n’éprouve aucune gratitude envers la Russie ni pour son rôle à l’ONU, ni pour la construction de la centrale nucléaire de Busher. Téhéran exige une redéfinition des sphères d’influence autour de la Caspienne et saisit la justice pour le refus russe de fournir des missiles C-300, sous le coup des sanctions internationales. Evgueni Satanovski est président de l’Institut du ProcheOrient.

© ALEKSEI IORSH

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Culture & Loisirs CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Histoire Entièrement financé par des fonds privés, il se présente comme le "plus grand musée Juif du monde"

Le nouveau musée Juif de Moscou lance un appel à la tolérance EMMANUEL GRYNSZPAN LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Le musée s'est installé dans les murs d'un bâtiment constructiviste dont la charpente reste apparente.

© ANYA SHILLER POUR THE VILLAGE(2)

Le président israélien Shimon Peres s’est déplacé à Moscou pour l’inauguration de ce qui est désormais le plus vaste musée Juif du monde. Il occupe les 8500 m2 du « Garage Bakhmetievski », un bâtiment constructiviste construit en 1927 par le célèbre architecte Konstantin Melnikov. Jusqu’à l’année dernière, le « Garage » abritait un centre d’art contemporain très couru. La fédération des communautés juives de Russie, qui est propriétaire des murs depuis 2001, caressait depuis dix ans le projet d’y ouvrir un musée, ce qui est devenu possible après de longs travaux de recherche et la levée de 50 millions de dollars auprès de donateurs privés. Le résultat est remarquable. Par sa conception, par la richesse de sa collection et par l’émotion qu’il suscite, ce musée se hisse dès son ouverture parmi les lieux incontournables à visiter dans la capitale russe. « Nous avons pensé le musée comme un parcours chronologique sur deux axes amenant tous deux à la seconde guerre mondiale », explique Ralph Appelbaum, concepteur du musée. « Nous avons peu d’objets originaux à part le tank T-34 qui a libéré l’Europe, mais nous avons concentré nos efforts sur la collecte et la création de films documentaires ». L’agencement savant des éclairages attire l’attention du visiteur sur de vastes photographies murales, sur des sculptures et artefacts décrivant la vie

Un écran tactile (sur le tonneau) offre des réponses aux visiteurs.

des Juifs, depuis les shtetls (village à population majoritairement juive) du VIIIème siècle, dans la « zone de résidence » où les Juifs étaient cantonnés par le pouvoir tsariste, jusqu’aux grandes villes du XXème siècle.

Le parcours démarre par la projection d’un film de 10 minutes, « le commencement » depuis la création jusqu’au début de la Diaspora. En sortant de la salle de cinéma, on tombe sur une vaste « carte de l’émigration » sphé-

rique illustrant l’éparpillement géographique singulier des Hébreux. Des maquettes grandeur nature, avec hologrammes, vidéos, sculptures, reconstituent les intérieurs des foyers juifs dans les shtetls. Puis l’exode vers les villes à la fin du XIXème, retracé avec l’exemple d’Odessa, ville ouverte, où l’on peut s’asseoir à la table de l’écrivain et dramaturge Cholem Aleikhem (et à celles d’autres personnalités juives locales). Ralph Appelbaum s’assied en face de l’humoriste Aleikhem, pointant du doigt les livres virtuels posés sur la table, tactile comme un iPad. Les livres s’ouvrent comme des menus. « L’histoire n’est pas toujours un sujet passionnant pour les jeunes », explique cet homme, qui est l’un des concepteurs de musées les plus respectés au monde. « Notre effort se dirige essentiellement vers les jeunes. Nous utilisons des tech-

MARIA AFONINA LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

ÉDITION : LE BRUIT DU TEMPS TRADUIT PAR L.JURGENSON

© RUSLAN SUKHUSHIN

LE 14 DÉCEMBRE, HÔTEL DE WOLUWÉ SAINT-LAMBERT, BRUXELLES

Cette soirée commémorative propose les dernières découvertes historiques. Ces « documents chantés » sont tous liés directement aux événements de 1812 et à la bataille de Borodino. Un concert de Piotr Rosniansky et son ensemble vocal masculin « Rossa i Nota » viendra clôturer la soirée. Réservation avant le 7 décembre auprès de la Fondation pour la préservation du Patrimoine russe dans l'UE.

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© RUSLAN SUKHUSHIN

EN LIGNE SUR LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE

1. Hans Op de Beeck dans la salle de projection de son film « Sea of Tranquility ». 2. « L'ange noir » de Richard Kuiper. 3. « Ludwig » de la série « Le sang royal », crée par l'artiste hollandais Erwin Olaf.

Le bateau est un lieu rassemblant toutes les disparités de l'existence : financières, sociales et autres Une photo noir et blanc. Un homme trempe ses pieds dans la piscine. Malgré le faste qui l'entoure, il est seul

la piscine. Malgré tout ce faste, il est seul. « Cette photographie fait partie d’une série de cinq, mais celleci elle est la seule a être parvenue jusqu’à Moscou », sourit Hans. En plus de ses oeuvres, l’exposition nous fait découvrir quelques photos de l’artiste hollandais Erwin Olaf : des portraits de Ludwig, de la princesse Diana. Des toiles claires éclaboussées de taches de sang. Et des versions contemporaines des naturemortes du XV-XVIè siècles par Richard Kuiper et d’autres artistes hollandais.

© NIYAZ KARIM

Un long couloir débouche sur une salle sombre. Un film, accompagné d’une musique mélancolique, est projeté. Les images muettes se succèdent. Derrière le projecteur, un homme s’affaire aux réglages. Cet homme est le peintre flamand Hans Op de Beeck. Il est à Moscou pour la première fois et fait partie des artistes européens regroupés dans le cadre de l’exposition « Vanitas » pour faire partager leur vision de la vacuité des biens terrestres et de la futilité de l'existence. Le travail de Hans Op de Beeck illustre ce thème. Sa vidéo de 30 minutes Sea of tranquility se passe à bord d'une croisière. Ce film agrémenté d’animations en 3D relate les différentes vies qui s’entrecroisent à bord du paquebot futuriste et où, parfois, transparaissent les émotions à peine perceptibles des personnages.

« Voici un couple en croisière. Que rêver de mieux ? Mais, au fur et à mesure, vous comprenez que pour l’homme, c’est un deuxième mariage, sa femme est beaucoup plus jeune. Elle devrait se réjouir de ce voyage mais son mari regarde la jeune chanteuse », raconte Hans. Les images se suivent, la musique devient angoissante, l’artiste continue : « Je ne suis pas de nature mélancolique, mais je me pose des questions : sur ces gens, sûrement de pauvres immigrés, qui ont construit ce bateau, sur ceux qui travaillent pour tous ces riches, qui doivent profiter de ces plaisirs ». « Voici les Brésiliennes. Ou plutôt, vous avez l’impression que ce sont des Brésiliennes, mais non. Elles sont payées pour jouer ce rôle, pour divertir les passagers du bateau », poursuit Hans. Selon l'artiste, le bateau concentre tous les niveaux d'existence, avec toutes ses disparités financières, sociales, etc. Le film se termine et l'artiste nous guide à travers l’exposition vers une autre de ses oeuvres. Sur une photo noir et blanc, une grande cour d’un palais exotique. Un homme trempe ses pieds dans

AUTEUR : JULIUS MARGOLIN

CONFÉRENCE & CONCERT « BORODINO »

© SERVICE DE PRESSE

Jusqu’au 9 décembre, le musée d’Art moderne de Moscou présente les oeuvres du flamand Hans Op de Beeck, sur le thème des vanités. « Vanitas : réflexions contemporaines ».

TITRE : LE LIVRE DU RETOUR

À L'AFFICHE

Exposition Retour de l'existentialisme

Plaisirs terrestres et fascination pour la mort

Plus forte est la vie...

nologies sociales comme le vote, les tests de connaissance interactifs, les écrans tactiles pour rendre la connaissance conviviale aux enfants ». Le musée met l’accent sur l’interactivité et l’ouverture vers un public le plus large possible, en particulier vers les jeunes. Cet effort pour se tourner vers les autres marque une volonté de ne pas rentrer dans le communautarisme ou le sectarisme, un préjugé dont le peuple juif est souvent la victime. Ce n’est clairement pas un musée « fait par des Juifs et pour des Juifs », mais un lieu destiné à améliorer l’image des Juifs dans la population russe. « L’idée, c’est de souligner la diversité des peuples vivant en Russie », note Ralph Appelbaum. « Quelle que soit votre origine ethnique, vous pouvez vous affirmer en tant que tel en Russie ». D’où le nom à rallonge « Musée Juif et centre de tolérance », qui paraît avoir un peu sacrifié au « politiquement correct ». Le parcours se fait moins dense sur les passages douloureux de la coexistence entre Juifs et Russes, par exemple les pogromes de la Russie tsaristes et l’invention du célèbre faux « Protocole des Sages de Sion » fabriqué par la police du Tsar. L’accent est placé sur les fléaux endurés conjointement par les deux peuples : la deuxième guerre mondiale. Le message envoyé par Vladimir Poutine lors de l’inauguration rappelle que les deux peuples sont farouchement attachés à défendre la mémoire de cette époque tragique et à lutter contre toute forme de révisionnisme historique. Malgré le lissage diplomatique, le musée Juif prend une place honorable parmi les lieux de mémoire.

Une impressionnante collection de documents historiques et de films documentaires retrace les deux derniers siècles de présence des Juifs sur le territoire russe.

Lisez le poème de Sergueï Mikhalkov en russe avec nous ! LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE/16509

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Le lecteur francophone a redécouvert l’an dernier, grâce aux éditions Le bruit du temps, le récit kafkaïen des années de Goulag de Julius Margolin, Voyage au pays des Zeka, livre étouffé lors de sa première publication en 1947, tant il contrariait l’air du temps. L’éditeur et la traductrice poursuivent leur travail. Luba Jurgenson a exhumé des textes inédits, Huit chapitres sur l’enfance, et un volet, Le Chemin vers l’Occident, qui constituent Le Livre du retour. Nous retrouvons Julius Margolin là où nous l’avions laissé, à sa libération en 1945. En haillons, affamé, il arrive en relégation à Slavgorod dans l’Altaï. Au printemps 1946, la nouvelle tombe, invraisemblable : les Polonais déportés du Goulag sont rapatriés vers Lodz et Varsovie. À Lodz, le rescapé du Goulag prend la mesure de l’ampleur de la Shoa. Puis vient le vrai départ, celui qui l’amène à franchir la frontière entre deux mondes, entre Varsovie et Paris. C’est de Marseille qu’il regagne ensuite la Palestine. L’Héliopolis affrété par les organisations juives prend la mer « vers l’Occident, l’Occident du cœur, l’Occident de la pensée… ». Un Occident qui ne correspond pas à une réalité géographique, mais politique, qu’il oppose à un Orient où l’on inculque le « respect du fouet […], où la Peur marche sur la pointe des pieds ». À bord du navire, Margolin prend la plume et s’empresse de faire lire son premier récit à l’un de ses compatriotes, expliquant son sentiment « d’être en dette à l’égard de quelqu’un… d’être obligé de faire quelque chose… pour ne pas être un salaud à (ses) propres yeux ». Son interlocuteur, jugeant qu’il est plus sain de tirer un trait sur le passé, prédit qu’avec le temps il renoncera peut être à « crier plus fort que la vie ». On l’a compris, Julius Margolin ne renoncera jamais, mais devra porter seul sa croix. Il l’a appris, la vie ne fait que confirmer le traumatisme d’enfance lorsque sa nounou le regarde se noyer sans réagir à ses appels… vous êtes sur le point de périr, et vos amis contemplent votre malheur, indifférents, le visage impassible. Telle est donc l’existence et nous avons appris son amère leçon. Mais ce qui frappe chez cet homme qui sort de l’enfer, c’est une gourmandise pour la vie, le goût retrouvé des pommes, de la chair d’une femme, de l’animation des cafés de Marseille, d’un livre découvert… L’absence de haine et aussi, une volonté farouche de comprendre, d’analyser et de témoigner de ce qui se joue dans sa vie d’homme. Christine Mestre Découvrez d’autres chroniques sur larussiedaujourdhui.be


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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE SUPPLÉMENT RÉALISÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA ET DISTRIBUÉ AVEC

Dossier

L’hiver en Russie Dans des régions marquées par les températures extrêmes, hommes et animaux s’adaptent aux rigueurs climatiques

Parés pour les froids sibériens La Russie est souvent associée au « froid sibérien ». C'est une image d'Epinal. C’est vrai qu’il peut faire très froid en Russie européenne, même si le climat varie énormément du polaire dans le Nord au climat subtropical sur les bords de la mer Noire, où la température moyenne en janvier est de 15 degrés. Rappelons que la station balnéaire de Sotchi se trouve sur la même latitude que Nice. Les Russes des autres régions envient les habitants du sud. Les plus jaloux doivent être les 470 habitants de la petite ville d’Oïmiakon, en Iakoutie, où la température, en 2010, est tombée jusqu’à -72° ! Bien sûr, l’hiver conditionne tous les aspects de la vie, mais les Russes y sont habitués.

VIE SAUVAGE

Les températures de janvier

Oïmiakon est un village situé dans le nord-est de la république de Sakha (à 3000 km du pôle Nord). Officiellement, c’est l’endroit habité le plus froid du monde, mais en été, la température peut y monter jusqu’à 30 degrés.

Sotchi est une ville située dans la région de Krasnodar sur la mer Noire. La station balnéaire a été édifiée à la fin du XIXe siècle, et elle est devenue populaire après que Staline y fit construire une datcha. En 2014, la ville accueillera les Jeux Olympiques... d’hiver.

© NIYAZ KARIM

Loisirs La capitale russe se couvre de bazars de Noël

Ski de piste, patinoires géantes en plein Moscou

MODE DE VIE

Ces dernières années, l'hiver a réjoui les Moscovites avec de la neige en abondance, un vif soleil et un gel qui pince le nez.

© EKATERINA CHESNOKOVA_RIA NOVOSTI

ville. Traditionnellement la plus intéressante se trouve à Touchino dans la forêt Aleshkinski. La capitale regorgera de bazars de Noël. Près de la cathédrale anglicane Saint-André, à partir du 1er décembre, on vendra chaque week-end autour de la patinoire des décorations pour sapins de

Un plongeon par -20°, ça vous tente ? MAURITZ GATMAN LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le jour de l’année le plus important pour un vrai « morse », c’est le 19 janvier. Les morses sont ainsi baptisés parce qu'ils pratiquent le bain dans un trou de glace. La nuit du 19 janvier est le jour du baptême du Christ pour les Orthodoxes. Tous les ans, aux alentours de minuit, des milliers de « morses » se jettent à l'eau préalablement

La Russie d'Aujourd'hui EN LIGNE

© REUTERS/VOSTOCK-PHOTO

« L’extrême à la russe » s’observe en hiver. Aucun danger pour la santé à condition de respecter certaines règles.

bénie. Des sauveteurs et des infirmiers sont présents, mais il suffit de respecter des règles : s’immerger trois fois, se frotter le corps énergiquement puis se rhabiller

Noël, des jouets, des gaufres belges chaudes, du vin chaud et tout ce qu'il faut pour la période précédant Noël. Les 22 et 23 décembre dans le jardin de l'Ermitage se tiendra la foire traditionnelle de Noël du magazine Seasons. On peut y acheter des cadeaux, s'amuser sur une chaudement. Ou, mieux, aller au « bania ». Les particularités du bania russe se résument à l’alliance de températures très élevées (80 à 100°) et de l’humidité de l’air. Rien n’est comparable aux sensations que procure l’immersion dans l’eau glacée entre deux séances de bania. Pendant que les enfants font de la luge et du patin à glace, les adultes sillonnent la forêt à ski de fond. Et si un nouveau riche peut dépasser sur sa Lamborghini un retraité russe dans sa Lada, sur les pistes de ski, tout le monde est à égalité : il n’est pas rare de voir un retraité sur de vieux skis « soviétiques » en bois laisser loin derrière les jeunes sur des skis dernier cri. Pour aller dans la forêt, on prend d’habitude avec soi une bouteille thermos de thé chaud ou une gourde de liquide... plus fort, qui réchauffe aussi très bien.

énorme balançoire, faire du patin à glace et regarder des crèches. Du 24 décembre au 7 janvier, sur la place principale de la ville se tiendra le marché de Strasbourg. À cette occasion, on livrera de France 20 chalets en bois, qui abriteront des points de ventes d'articles liés à Noël.

prises allemandes en Russie ont montré que l’utilisation de technologies modernes de chauffage et d’isolation permettrait d’économiser jusqu’à 80% sur les coûts. Mais le chauffage central traditionnel n’en continue pas moins d’être omniprésent...

Mode : n’oubliez pas vos « valenki » Portées durant des siècles dans les villages russes, les valenki redeviennent tendance aujourd'hui. EKATERINA ZABROVSKAYA LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Les Russes en ont portées durant des siècles, mais les valenki sont tombées en désuétude au XXème siècle. Les valenki traditionnelles étaient fabriquées en laine de mouton séchée et ne comportaient pas de semelles dures. Elles protègent de températures en dessous de -30°. Mais les valenki ne sont pas imperméables et n’ont en principe pas de véritable semelle. Elles étaient généralement seulement

disponibles en noir, gris ou blanc. Avec l’apparition d’un choix plus large pour les amateurs de mode, les valenki ont été remplacées dans les villes russes par des bottes plus lég è re s e t i m p e rméables. Tous les ans, on continue à produire 4,5 millions de bottes de feutre. Désormais, les valenki sont proposées dans plusieurs couleurs et son brodées avec des motifs très différents, allant des plus enfantins aux

© GETTY IMAGES/FOTOBANK

© EKATERINA CHESNOKOVA_RIA NOVOSTI

LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

« Je m’en vais au bania, fais chauffer la petchka et bouillir le samovar ». Ainsi parlait un Russe ordinaire à son épouse il y a encore 50 ans. « Bania », c’est le sauna russe. « Petchka », c’est un grand four en briques qui se trouvait jadis dans chaque isba. « Samovar » est un gros chaudron réservé à la préparation du thé, et le symbole de l’hospitalité russe. L’urbanisation a eu raison de ces traditions. Dans la Russie contemporaine, le chauffage est central, réglé par un thermostat unique pour tous les appartements. Seule solution s’il fait trop chaud : ouvrir la fenêtre. Un air sec dans des pièces surchauffées, c’est aussi une mine d’or pour les fabricants et marchands d’humidificateurs. Les expériences menées par les entre-

© DPA/VOSTOCK-PHOTO

Du bania au chauffage central

MARIA BACHAREVA

En hiver, la capitale offre un grand nombre de divertissements. Par exemple, le patinage sur glace. Outre la patinoire principale du Goum sur la Place Rouge, celle du Parc Gorki, la plus grande d'Europe, est très populaire. Ses 18 000 mètres carrés hébergent plusieurs zones distinctes : pour les enfants, le hockey et la danse. La piste est entourée de cafés acessibles en patin. Aussi bien dans le parc Gorki que sur la Place Rouge, les patinoires fonctionnent par tous les temps, même en cas de dégel possible, jusqu'à début mars. Et si la neige est bonne cette année, des pistes de ski serout ouvertes dans tous les parcs de la

Le tigre sibérien, connu aussi sous le nom de tigre de l’Amour, n’est pas seulement le plus grand de ses congénères, mais le seul dont l’espace de vie est lié à la neige et la glace. Les températures peuvent chuter jusqu’à -45° sur le fleuve Amour, en Extrême-Orient. Le tigre est protégé du froid par un poil long et épais, et une couche de graisse de 5 cm. Pendant les troubles qui ont suivi la révolution d’Octobre, l’espèce a failli disparaître. Aujourd’hui, on recense 500 tigres blancs dans les régions frontalières entre la Russie, la Chine et la Corée du Nord, mais leur espace de vie est de plus en plus réduit et l’espèce est toujours menacée d’extinction. Encore plus menacé : le léopard caucasien, qu’on a longtemps cru disparu avant d’en redécouvrir un spécimen en 2003.

© REUTERS/VOSTOCK-PHOTO

Tigres et léopards tous climats

concepts modernes plus élaborés. Les valenki sont également disponibles avec des imprimés ou de la fourrure. Elles ne se limitent plus à garder au chaud les pieds des citadins russes toujours pressés. Elles sont désormais de véritables objets d’art populaire. « J’ai vraiment le sentiment que les valenki sont de plus en plus demandées. Les gens n’ont plus peur du mot "valenki". Ils aiment les porter », indique Tatiana Efimova, issue d’une famille qui fabrique des valenki depuis 15 ans.

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