La Russie d'Aujourd'hui

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Produit de Russia Beyond the Headlines

Vendredi 16 mars 2012

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Reconversion L’apparition de centres artistiques génère une nouvelle économie

Moscou s’abandonne à la création Depuis quelques années, la Russie s’est éveillée au concept d’industrie créative. Les projets de réhabilitation des friches industrielles se font une place dans le monde des affaires. VERONIKA DORMAN

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

En sortant de la gare Kourskaïa, traversez la place bruyante, en évitant les chiens errants, longez la petite décharge improvisée, faufilez-vous entre les kiosques déglingués de gadgets bon marché, entre deux murs aveugles, au bout de la rue, vous y êtes. Winzavod, centre d’art contemporain. Une oasis exubérante au cœur d’un quartier industriel lugubre proche du centre. Briques rouges et architecture industrielle, graffitis et jeunes branchés, c’est l’un des clusters artistiques de la capitale, né dans la foulée des Biennales d’art contemporain de 2005 et 2009 et fondé sur le modèle occidental de la transformation d’une fabrique abandonnée en un haut lieu culturel. Moscou, jadis capitale mondiale du prolétariat, abrite nombre d’usines désaffectées, partiellement ou totalement, souvent situées dans les quartiers du centre.

La fabrique de chocolat « Krasny Oktiabr » (Octobre Rouge), s’est métamorphosée en centre de création.

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CATER NEWS/LEGION MEDIA

Architecture Le métro de Moscou fut conçu par Staline comme un « palais du peuple »

Loisirs La nuit moscovite se transforme

Le musée souterrain de l’ère soviétique

Des clubs, de l’eau et un peu de chocolat

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Il circule sous terre à une profondeur allant de cinq mètres (station Petchatniki) à quatre vingt mètres (station Park pobedy). On peut y observer près de quatre-vingts ans d’histoire russe, découvrir les goûts, les idées, les rêves, les espoirs, voir l’histoire racontée par le marbre, le granit, le fer et le verre. La construction du métro moscovite a commencé en 1931, bien que

des trente ans suivants, au moins cinq autres projets de construction du métro moscovite n’ont pas été réalisés pour d i ff é re n t e s raisons. Le 15 mai 1935, le métro de Moscou a été mis en exploitation. Les premiers passagers ont alors mis leurs pieds sur les escaliers mécaniques (les escalators)

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Au coeur de Moscou, une friche industrielle s’est mutée en quartier chic et branché, avec galeries d’art, clubs sélects et filles splendides. GALINA MASTEROVA

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Ce samedi, il est 2 heures du matin lorsqu’un cortège de voitures hors de prix déboule sur le site de l’usine désaffectée, autrefois réputée pour ses cascades intarissables de chocolat et le parfum suave du cacao qui s’en dégageait. Depuis, la fabrique de chocolat accueille l’un des clubs les plus hype de la capitale. Un lieu dégoulinant d’opulence, qu’un blogger décrit comme « le cauchemar d’un en-

Fière gastronomie

Sept sœurs de pierre

Architectes, artistes et personnalités hexagonales ont laissé leur empreinte dans la capitale russe. Nous avons conçu un itinéraire pour les découvrir.

La scène des restaurants russes a radicalement changé depuis 10 ans. Les fins gourmets ont désormais l’embarras du choix pour satisfaire leur palais de mets russes.

Leurs silhouettes ont défini l’horizon moscovite depuis les années 50. Sept gratte-ciel voulus par Staline et qui incarnent toujours aujourd’hui le must de l’architecture locale.

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Parcours français

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ANNA LEGOSTAEVA

les premiers projets des ingénieurs Piotr Balinski et Evguéni Knorré aient été proposés à la Douma de Moscou en 1902. « Ses paroles conviaient à la tentation : comme un vrai démon, il promettait de faire descendre Moscou dans les fonds marins et de l’élever au-dessus des nuages », écrivit un journaliste du journal Russkoe Slovo à propos de l’idée de Balinski. Toutefois, la Douma ne trouva rien de tentant dans la proposition des ingénieurs : la bourgeoisie aisée vivait dans le centre de la ville, ne prenait pas les tramways bondés, et, à l’époque, les fonctionnaires déclinèrent le projet : « Refusons les sollicitations de Messieurs Knorré et Balinski ». Au cours

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Le métro moscovite est le moyen de transport urbain le plus rapide. C’est aussi un musée de l’architecture soviétique et contemporaine... pour moins d’un euro.

et se sont assis sur les bancs moelleux des premiers trains (les bancs des tramways étaient en bois). La première ligne de métro, de la station Sokolniki jusqu’au Palais des congrès (aujourd’hui, la station Kropotkinskaïa) était de 11 km et comprenait 13 stations. Aujourd’hui, le métro de Moscou compte plus de 300 km de chemins de fer, 12 lignes et 182 stations. Selon le plan du développement de la ville, vers 2020, le métro s’agrandira de 120 km. Pendant ses vingt premières années, le métropolitain portait le nom de Lazare Kaganovitch, dit le « commissaire de fer », bras droit de Staline qui dirigea la construction de la première tranche.

fant de 7 ans qui aurait mangé trop de bonbons et se serait endormi ». Perchées sur leurs talons aiguilles, les filles sortent des taxis et se dirigent furtivement vers l’imposant bâtiment en briques rouges, sorte de jardin d’Eden. Certains affirment que le Raï, qui signifie « paradis » en russe, n’est plus la boîte la plus chaude de Moscou. Pourtant, longue est la file d’attente de clubbers qui s’y pressent en ce samedi soir. L’entrée est gratuite, mais la porte n’est franchissable que par les clients les plus aisés. Le Raï reste le royaume de la nuit moscovite. SUITE EN PAGE 3


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tendance depuis quelques années, la mairie de Moscou a autorisé la reconversion de plusieurs sites industriels en zones d’expérimentation

Moscou, jadis capitale mondiale du prolétariat, abrite nombre d’usines désaffectées, partiellement ou totalement, souvent situées dans les quartiers du ­centre, car la mégapole a depuis longtemps avalé ses premières couronnes. Mais contrairement aux homologues britanniques ou allemands, les clusters russes n’ont pas surgi dans un contexte de reconversion postindustrielle, quand il a fallu créer des emplois perdus avec le déclin des industries traditionnelles et réhabiliter des espaces urbains, tout en structurant la place croissante de la production intellectuelle et créative dans l’économie nationale et mondiale. « La Russie n’en est pas là », ex­plique

Elena Zelentsova, directrice de l’agence de conseil Industries Créatives, à Moscou. « Elle ne présente pas un terreau naturel pour l’apparition d’une économie culturelle et d’une industrie créative au sens occidental du terme, ni économiquement, ni socialement, ni surtout mentalement ». Le pays souffre encore d’un lourd héritage soviétique et d’une transition mal digérée. L’État n’a pas encore mis en route de politique économique et culturelle pour une « industrie créative » en Russie, fondée notamment sur la petite et moyenne entreprise. Ce qui n’empêche pas l’essor de divers centres artistiques d’un type nouveau pour le pays, hybrides, polyvalents, résolument modernes. À Moscou, Winzavod, Strel-

ka, Artplay, Garage, Proekt Fabrika ou encore Flakon, ont investi avec succès des fabriques, s’appropriant des milliers de mètres carrés de hangars. Ces entreprises sont souvent financées par de richissimes mécènes comme Alexandre Mamut et Serguei Adoniev (Strelka). Garage appartient à Dasha Joukova, la compagne du milliardaire Abramovitch. D’autres (Artplay et Winzavod) affichent des résultats équilibrés en sous-louant leurs locaux. De vastes espaces d’exposition accueillent des rétrospectives prestigieuses (Ilya Kabakov en 2008 à Winzavod) ou des expos-ventes pour artistes débutants : le salon annuel « Student Artfair » de Artplay expose des étudiants, en sollicitant galeristes, experts et médias.

les grands parcs • La vie moscovite est assourdissante, et les citadins, comme les visiteurs d’un soir aiment trouver refuge dans les nombreux grands parcs proposés par la ville. Les berges

de la rivière Moskova peuvent être un bon choix, de jour ­comme de nuit. Les soirs d’été, le parc Gorki organise en effet des soirées dansantes, qui réunissent des Moscovites de tous âges. Les parcs sont des lieux de dé­tentes et de fête pour les Russes, de nombreux événements et activités les font vivre, été comme hiver, en particulier aux moments des fêtes. Patinoires, toboggans et statues en glace, pistes de ski de fond en hiver, et activités diverses

Petites perles moscovites hautement recommandées aux hôtes de la capitale.

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lieux choisis

Ces clusters réunissent des professionnels sous les mêmes toits et ambitionnent de sortir la Russie de son « provincialisme culturel » pour l’intégrer à la scène internationale. Ils entendent promouvoir et populariser l’art contemporain et ses applications. L’innovation et le design, leur vaen été, en plus de nombreux cafés à découvrir et à apprécier. Les parcs semblent avoir gardés pour certains cette idée de « divertissement du peuple » issue de l’époque soviétique. Le long du quai s’étend le jardin Neskouchni, une vraie forêt au cœur de la ville. Vous pouvez nourrir les canards et les cygnes, vous promener à cheval ou tout simplement vous détendre sur un banc à l’ombre des arbres dans le parc Troubetskoï.

leur marchande, et les problématiques socio-économiques connexes, sont le ressort de spécialistes qui se sont investis d’une mission civilisatrice. L’Institut média, design et architecture Strelka, présidé par Ilya Oskolkov-Tsentsiper, a ouvert il y a deux ans un pro-

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kommersant

les friches livrées aux créateurs

le cinéma « khoudojestveni » • Ce cinéma situé juste à côté de la station de métro Arbatskaia a une programmation variée, des événements très créatifs et des prix imbattables. Le cinéma offre

gramme d’enseignement supérieur. « Avant de pouvoir parler d’une industrie, il faut former une couche solide de professionnels de haut niveau », expliquet-il, installé dans le café cossu de Strelka, autour duquel se structure la vie du centre, tissée de manifestations ouvertes au une large gamme de films étrangers, de films russes de tous les temps, de rediffusions d’opéras, de festivals, et bien d’autres. Le cinéma propose essentiellement des films traduits en russe, et le nombre de films en VO est limité. Néanmoins, un club d’adeptes de films en anglais propose des classiques du cinéma tous les samedis soirs pour les Russes souhaitant pratiquer leur niveau de langue ou les étrangers à la recherche de films qu’ils peuvent comprendre.

Itinéraire Promenade à travers une sélection de monuments et de constructions réalisées par des Français

Ils ont laissé leur marque dans la pierre L’amitié franco-russe est inscrite dans la toponymie et la géographie de Moscou, de la place Romain Rolland à l’église Saint-Louis des Français, en passant par les boulevards. Veronika Dorman

Spécialement pour La russie d’aujourd’hui

En Russie, les « expats » français n’ont pas attendu le phénomène de la mondialisation pour manifester leur présence. En particulier dans la capitale russe. Depuis le XVIIIe siècle, une importante communauté française vit et travaille à Moscou, en laissant sa marque sur la ville et sa culture, en partageant avec les Moscovites ses traditions culinaires et littéraires, et en laissant aux rues les noms de ses grands hommes. Du quartier du Pont des Maréchaux, investi jadis par les marchands, libraires et perruquiers venus de France, et dont seul le fier souvenir demeure aujourd’hui, au monument de l’art constructiviste laissé par l’architecte Le Corbusier, Moscou se prête volontiers à une « balade française ». Suivez notre itinéraire en huit étapes.

4 Le Pont des Maréchaux Dès le XVIIIe siècle, une communauté française fleurit à Moscou (précepteurs, médecins, marchands, cuisiniers), et se concentre peu à peu dans le quartier commerçant du Pont des Maréchaux (Kouznetski Most). 3 Le Café Pouchkine C’est là que Gilbert Bécaud , dans sa célèbre chanson, imaginait boire des chocolats avec son guide Nathalie. Et c’est justement un autre guide, Andreï Dellos qui, après avoir expliqué des milliers de fois aux touristes qu’il s’agissait d’une légende, décida d’en faire une réalité en ouvrant un vaste restaurant haut de gamme. Lequel sert effectivement le meilleur chocolat de la capitale. 2 Tverskoï bulvar Le centre historique de Moscou est ceint par ce que l’on appelle « l’anneau des boulevards », des avenues boisées. Le premier, Tverskoï, a été tracé par un architecte français, à la place de l’ancienne muraille. 1 Les parfums Nouvelle Étoile En 1884, Henri Brocard arrive de France pour se lancer dans la parfumerie de luxe mais aussi les produits de beauté bon marché. Il sera le fournisseur de la tsarine Alexandra. Son usine sera rebaptisée « Novaïa Zoria » (Nouvelle Étoile) par les bolcheviques.

8 Place Charles de Gaulle

Elle a été baptisée ainsi en

1990. En 2005, pour le 60e anniversaire de la Victoire des Alliés, la place fut dotée d’une statue monumentale du général de Gaulle. La place est enveloppée par les murs de l’hôtel Cosmos, conçu par des architectes français. 7 Cimetière Vedensky

Il abrite un grand carré français

où reposent des pilotes de l’escadron Normandie-Niemen (1942). Non loin de là, un monument commémore les héros de la Grande Armée, morts en 1812. 6 Tsentrosoyouz

Dans les années 1930, l’archi-

tecte Le Corbusier réalise son unique projet moscovite, le bâtiment constructiviste du Bureau central des coopératives de l’URSS (Tsentrosoyouz), qui abrite aujourd’hui l’agence fédérale des statistiques. 5 Saint-Louis des Français La première église française est consacrée en 1791. L’édifice actuel date en réalité du début des années 1830. C’est l’un des seuls lieux de culte qui n’a jamais cessé de fonctionner pendant la période soviétique.


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Les principaux clusters créatifs Winzavod. Fondé en 2007, dans une ancienne brasserie, et dirigé par Sofia Trotsenko, ce centre d’art contemporain se consacre à tous les arts visuels, en réunissant, autour de ses 6 espaces d’exposition, des galeries privées, showrooms, boutiques et cafés. Artplay, le pionnier du genre, a été fondé en 2003, chapeauté par l’architecte Serguei Dessiatov. Installé depuis 2009 dans les bâtiments de l’ancienne usine Monomètre, ce cluster rassemble les professionnels de l’architecture, design, urbanisme, ingénierie, meuble. Garage. Fondé et financé par Dacha Joukova en 2008, ce « Centre de la culture contemporaine » est l’un des plus grands espaces d’exposition à Moscou, très en vogue.

L’exposition des travaux du collectif AES+F, « Le Festin de Trimalcion », a eu lieu au centre d’art contemporain Garage.

les gorodki • Les gorodki, jeu traditionnel russe a depuis la ­chute du régime soviétique, perdu de sa popularité. Selon les statistiques, autour de 1500 personnes jouent régulièrement à gorodki à

en Chiffres

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millions de passagers utilisent le Metropolitain de Moscou par jour. C’est l’un des plus fascinants et luxueux chemins de fer souterrains au monde.

40

tonnes pèse le Tsar de canons, le plus grand canon du monde créé en 1856 par Andrei Chokhov. Il n’a jamais été tiré à cause d’un défaut de fabrication.

200

tonnes pèse leTsar de Cloches, exécuté par les artistes Ivan et Mikhaïl Motorin au XVIe siècle. Il détient le record d’être la plus grosse cloche du monde.

15

milles mètres carrés est le surface de la patinoire qui a été installé en décembre 2011 dans le parc Gorki.

Moscou. Ce jeu, dont le nom signifie « petites villes », se joue avec des bâtons avec lesquels sont construits des petites forteresses que le joueur doit faire s’écrouler à l’aide d’un autre bâton. Le gouvernement souhaitant raviver cette pétanque russe, typiquement nationale a annoncé son projet de faire construire des terrains de jeu dans les parcs de la ville. Le jeu devrait arriver en premier au parc Petrovski, ensuite à de nombreux autres.

Usine-design Flakon. À partir de 2009, cette ancienne usine de verre se transforme en zone mixte de business et de création, partagée entre espaces d’événementiel, bureaux, agences de pub et de design, studios d’enregistrement et show-rooms. Strelka. L’Institut média, architecture et design a été inventé sur un coin de table par une bande d’amis qui, en visite à Venise pour la Biennale d’art, regrettaient que Moscou n’ait pas d’école d’urbanisme moderne.

Proekt Fabrika partage les lieux avec une usine de papier encore en activité et héberge des ateliers et agences de tous les horizons créatifs : architecture, design,

Octobre Rouge. Splendide ancienne usine de chocolat en plein cœur de Moscou, au bout d’une île, qui accueille aujourd’hui des galeries de photo et d’art, des boîtes et des restaurants branchés, quelques rédactions de magazines et une chaîne de télévision dans le vent.

que, sans autre unité que l’adresse géographique, mais un lieu vivant de la vie culturelle et de la nuit moscovite. « Nous devons éduquer le re­ gard. L’art contemporain ne va pas de soi, les gens sont conser­ vateurs », explique Alena Saprykina, directrice artistique d’Artplay, qui rassemble les grandes agences de design et architecture. Les clusters accordent une place de choix aux projets interactifs afin de ne pas devenir des réserves introverties d’experts, mais des fabriques culturelles populaires, des lieux ouverts de transmission. Malgré tous ces obstacles et la crise éco-

nomique de 2008, les centres moscovites se félicitent d’être en développement constant, la demande restant largement supérieure à l’offre. Le centre de réflexion Strelka a été choisi par la mairie de Moscou pour l’aider à la restructuration de l’immense parc Gorki, au centre de la capitale. « Il y a deux ans, nous avions l’impression d’être les seuls à avoir besoin de cette aven­ ture, ni la société, ni les autori­ tés n’étaient particulièrement in­ téressées », se réjouit Ilya. « Le pouvoir comprend qu’il faut évo­ luer, se moderniser, mais il ne sait pas comment s’y prendre, et c’est là que nous intervenons ».

itar-tass

Koolhaas ou Reinier De Graaf ». Strelka a investi un coin de l’ancienne usine de chocolat Octobre Rouge, désaffectée depuis 2007 et prise d’assaut par diverses galeries d’art, rédactions de médias indépendants, studios de design, cafés et boites branchés. Pas vraiment un cluster artisti-

vdnkh • Un des plus grands complexes d’expositions et de ­foires de Russie se situe à la station VDNKh dans le nord de Moscou. Il est considéré comme le modèle de l’esthétique sovié­tique.

Aujourd’hui la plupart de ses soixante-dix pavillons construits à la gloire du régime, sont devenues des vitrines commerciales pour des grandes marques. Peu de visiteurs connaissent les bijoux conservés par ce grand parc depuis plus de 50ans. Des films sont diffusés dans un cinéma en plein air, sur 11 écrans simultanément, créant un effet panoramique exceptionnel. Ce cinéma permet au visiteur pour moins de 2euros de revivre une expérience historique.

restaurants Varvari (Les barbares) Cuisine avant-gardiste et patriotique

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Le temple de la gastronomie russe, cuisinée par le chef avant-gardiste Anatoli Komm. Borchtch au foie gras et ses brioches, hareng en manteau de betterave, ravioli au crabe de Kamchatka. « Tous nos produits sont issus de l’agriculture russe » clame Varvari, l’unique restaurant russe de la liste The San Pellegrino World’s 50 Best restaurants. 8A, boulevard Strastnoï

Yar histoire de luxe et d’exclusivité

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Restaurant somptueux, principal lieu de divertissement en Russie prérévolutionnaire, Yar ouvre ses portes en 1826. Parmi les habitués figurèrent les plus grands : Pouchkine, Tolstoï, Tchekhov, et bien d’autres. Sous l’URSS, il servait exclusivement les camarades du parti haut placés. Aujourd’hui, Yar propose des dîners-spectacles à l’ancienne mode. 32/2, avenue Leningradski

Turandot Rencontre improbable de la Chine et de Versailles

Des clubs, de l’eau et un peu de chocolat coûtent minimum 50 000 roubles (environ 1 250 euros). Naturellement, beaucoup cherchent une alternative aux clubs sélects. Ils préfèrent passer leurs soirées au Mayak, le bar du Théâtre Maïakovski. Le Mayak est devenu le lieu de prédilection des journalistes, des acteurs et des artistes qui s’y retrouvent chaque vendredi. Ces endroits démocratiques sont moins chers, mais ils n’échappent pas au face control. Si les critères diffèrent, la sélection est partout sévère.

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Pourtant, il se dit chez les noctambules que le club le plus glamour de la ville, aux rythmes techno et électro frénétiques, est un peu dépassé. Du moins connaît-il une concurrence plus rude. Depuis que le Raï a ouvert ses portes, de nombreux bars et boîtes de nuit ont fleuri à proximité, et ce même après la crise de 2008. De nouveaux lieux qui répondent à la demande de ceux qui n’ont pas les moyens d’accéder au VIP room du Raï, notamment des étudiants à la recherche d’une alternative à ce club très sélect. Une jolie jeune femme s’approche de l’entrée du Raï et scrute le videur. Celui-ci ne souhaite pas dévoiler son identité. Il préfère être présenté comme « Vladimir, l’homme du face control ». « Pouvez-vous nous laisser en­ trer, mon amie et moi ? », demande la jeune femme. « Je vou­ drais rejoindre l’espace VIP ». « Vous pouvez entrer, mais à condition de réserver une table », répond Vladimir. Ici, les tables

ruslan sukhushin

itar-tass

public. « Le système éducatif russe, dans le domaine du de­ sign et de l’architecture, ne pré­ pare pas à penser globalement, résoudre des problèmes à l’échel­ le d’une région, ou même d’une ville. C’est pourquoi nous faisons appel à des spécialistes de re­ nommée mondiale, comme Rem

cinéma, musique, livre, publicité, danse, théâtre.

Quelques heures avant la fermeture du club, Vladimir surveille les nouveaux venus qui souhaitent entrer au Raï. Les uns fonctionnent à l’espoir, les autres à l’arrogance. Deux jeunes hommes aux montres un peu trop lourdes pour leurs poignets chétifs s’approchent de la grille. Quand Vladimir leur refuse l’accès, l’un deux lui lance : « Je connais le propriétaire du club depuis des années. Sais-tu qui est mon père ? ». L’autre, Adam, se frotte le pouce et l’index et propose un pot-de-vin. Refusé. À 6 heures du matin, presque tous les clubs de Moscou ont fermé leurs portes. Quelques fêtards se dirigent vers Krisha Mira, le Toit du Monde en russe. Au sommet d’une usine désaffectée, le club offre une vue imprenable sur Moscow-City, le quartier financier. Dans ce club, un Cuba libre coûte entre 10 et 15 euros. Alors que les premiers rayons du soleil pointent déjà, les derniers fêtards viennent finalement s’effondrer sur les banquettes arrières des taxis. L’entrée est gratuite, mais encore et toujours triée sur le volet.

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Une merveille du Moscou moderne : un palais baroque de trois étages, dans un style chinoiserie. Turandot est le restaurant russe le plus cher du monde (il a coûté environ 37,5 millions d’euros). La décoration intérieure y est sophistiquée et la cuisine extrêmement raffinée, avec les meilleures recettes européennes, japonaises et chinoises. 26/5 boulevard Tverskoï

taverne Iolki-palki Cuisine russe et prix démocratiques

© ruslan krivobok_ria novosti

Chaîne de petits restaurants décorés comme des chalets. On y mange des tartes russes et des plats inhabituels comme les soupes au pois présentée dans une casserole de pain. Et si comme toute personne branchée, vous aimez les bars à salade, la taverne détient également un chariot-buffet qui semble être sorti tout droit de la Russie Antique. 8/10, rue Neglinnaïa


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Architecture

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Patrimoine Gros plan sur les sept gratte-ciel staliniens qui ont longtemps dominé les toits de la capitale L’immeuble de la place Koudrinskaïa, le ministère des Affaires étrangères et l’hôtel « Ukraine ».

« Sept sœurs » de l’ère soviétique Les « Sept sœurs » ne dominent plus les sommets de Moscou, mais leurs silhouettes continuent de diviser. Chefs d’œuvre néoclassiques ou vaniteuses « pièces montées » ?

Les sept sœurs staliniennes sont tour à tour entrées en grâce et tombées en disgrâce au fil des années. Elles sont nées dans le triomphalisme soviétique et ont vécu quelques beaux jours, symboles d’un pays renaissant après la guerre, explique Douchkina. Elles rendaient un sens d’échelle à une ville ravagée par la ­guerre et les destructions par Staline du vieux Moscou.

Galina Masterova

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Elles ont surgi dans l’immédiat après-guerre. Les sept gratteciels ont été élevés en dix ans, un défi remarquable pour un pays en ruine. Ils ont accueilli deux hôtels, le « Leningrad » et l’ « Ukraine » ; deux bâtiments administratifs, le ministère des Affaires étrangères et les bureaux de Krasnye Vorota ; l’Université de Moscou et deux immeubles résidentiels, l’un sur les berges Kotelnitcheskaïa, l’autre sur la place Koudrinskaïa. « C’était le premier chantier d’une telle ampleur dans l’Europe d’après-guerre et le premier consistant à élever des gratteciels sur le Vieux continent », commente Natalia Douchkina, professeur à l’Institut d’architecture de Moscou, dont le grandpère, Alexeï Douchkine, a participé à la création de la tour de Krasnye Vorota.

Elles encerclent le centre-ville

Impossible, en observant les sept sœurs, de ne pas voir l’influence des tours de Manhattan et Chicago « Les nouveaux gratte-ciels ont bouleversé l’horizon, en restituant les accents verticaux jadis tenus par les églises et clochers récemment rasés », a pu écrire l’historien Karl Schlogl dans son ouvrage Moscou. Avant la construction, les autorités soviétiques ont stipulé par décret que les bâtiments ne devraient pas copier les gratte-ciels étrangers. Mais impossible de ne pas voir l’influence des tours de

Le métro moscovite : un « palais du peuple » à visiter Vingt ans après la disparition de l’URSS, d’innombrables plaques métalliques à l’entrée des stations indiquent toujours « Métropolitain du nom de Lenine». « Les lignes de développement de notre architecture dans la ville et dans le métro étaient iden­ tiques. Tout ce qui se passait làhaut trouvait sa réplique sous terre. Jamais dans le sens in­ verse : une bonne architecture en bas et une mauvaise en haut », résume l’architecte en chef du métro moscovite, Nikolaï Choumakov. On dit que les stations ont été décorées avec du ­marbre, des moulures, du smalt et du fer onéreux destiné à l’aéronautique parce que le pays ne pouvait pas

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La station Kievskaïa (1953), ornée de fresques.

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produire en aussi peu de temps assez de carreaux de ­faïence pour recouvrir les milliers de mètres carrés prévus. Les stations construites entre 1937 et 1955 offrent des exemples d’architecture souterraine de la première période. L’époque bénie pour l’architecture s’est achevée en 1955 après le décret du parti « sur la suppression du superflu dans l’ingénierie et la construction ». Résultat : des stations types, fades, sans moulures ni mo­saïques, sans colonnes origi­nales ni d’autres éléments décoratifs, ont alors été construites selon le slogan « plus de kilomètres, moins d’architecture ». ­Exemples des stations des années 1960 – 1980 : Tverskaïa, Ki­taï-Gorod, Kolomenskaïa.

Manhattan et de Chicago. Après la mort de Staline, les sept sœurs sont devenues des représen­tantes de son régime, jusqu’à ce que le style et les architectes, dépouillés de leurs décorations staliniennes, tombent en disgrâce. Aujourd’hui, ce style connaît un regain d’intérêt. Douchkina va bientôt diriger une thèse sur l’immeuble administratif de Krasnye Vorota. En outre, des protecteurs de l’architecture, russes et allemands, militent pour que les tours soient inscrites sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Le ministère des Affaires étrangères, lourdement gothique, est le plus imposant. Au départ, le projet ne comportait pas de tourelle, mais Staline aurait insisté pour qu’on en ajoute une. Quand Khrouchtchev est arrivé au pouvoir, les architectes sont venus lui demander de l’enlever, mais il aurait répondu : « Laissons la flèche comme un monument à la bêtise de Staline ». Les sept sœurs traînent leur lot d’horreurs, notamment la participation des prisonniers de ­guerre allemands et ceux du Goulag à la construction. Ainsi,

Une nouvelle et troisième étape de la construction du métro a débuté par la reconstruction de la station Vorobievy Gory (en 2002). Depuis le quai de cette station, on peut admirer la Moskova, le complexe sportif Loujniki et le bâtiment de l’Académie des Sciences. Des peintres ont été invités à travailler sur le décor des abords des quais. À la station Sretenski Bulvar, des sculptures de Pouch­kine, de Gogol, de Timiriazev et des images de Moscou sont ainsi apparues. La station Dostoevskaïa a été décorée de panneaux en noir et blanc inspirés par les romans de l’écrivain. Dans les dix années à venir, le métro de Moscou redeviendra sobre, car il faudra construire 120 km supplémentaires. « Nous voulons « déshabiller » les ­stations au maximum, dit Nikolaï ­Choumakov. Nous essayons de montrer le plus possible les constructions elles-mêmes, ce de quoi le métro est fait : le fer fondu, le béton, tout cela est très beau ».

pendant les travaux, le 22ème étage de l’université aurait été transformé en mini-goulag. L’écrivain Anne Nivat a décrit la peur et l’espionnage qui régnaient dans l’immeuble sur la Kotelnitcheskaïa, où logeaient les hauts fonctionnaires du parti et les privilégiés, pendant la période soviétique (La maison haute). Nivat, qui y a vécu, cite l’un de ses voisins : « Certains résidents de ce monstre sont des monstres eux-mêmes ». Aujourd’hui, les appartements dans les tours sont parmi les plus prisés de la ville et lorsque les administrations quitteront le centre de Moscou, deux autres sœurs staliniennes s’ouvriront aux résidents. Mais certains immeubles ont pris un coup de vieux. Les ascenseurs sont souvent en panne et l’ancienne nomenklatura (généraux, cosmonautes, dignitaires) cohabite difficilement avec des personnalités des affaires, des stars du showbiz ou des personnages franchement douteux. Finalement, celles des soeurs qui se sont reconverties en hôtels s’en sortent le mieux en cette époque tourbillonnante !

Les rames à thème poétique Avec un peu de chance, on peut tomber sur une rame à thème. Ces trains circulent sans horaires précis et sur quelques lignes du métro. « L’Aquarelle » ressemble à une boîte contenant fleurs et fruits peints. L’intérieur est agencé comme une galerie d’art, avec des reproductions de tableaux des frères Vasnetsov. À l’intérieur de « Moscou lit », on trouve des extraits d’œuvres littéraires assortis d’illustrations diffèrentes pour chaque wagon. Le train millésimé « Sokolniki » est identique à la toute première rame du métro moscovite, offrant des sièges moelleux et des parois d’époque. Le train “La poésie dans le métro” est consacrée aux poètes italiens : Dante, Pétrarque, Giacomo Leopardi. Toutes les œuvres sont présentées en russe et en italien.

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