La Russie d'Aujourd'hui

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Les graffeurs habillent les murs de Moscou Des artistes russes se réclament de Rembrandt plus que du graffiti américain. P. 8

Art Paris Art Fair : regard vers l’Est La Russie est le pays invité de la foire d’art contemporain qu’accueillera le Grand Palais le week-end pascal.

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux

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Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 20 mars 2013

Diplomatie Les intérêts mutuels ont dominé la deuxième rencontre entre les présidents russe et français, occultant le dossier syrien

Poutine-Hollande : l’économie avant tout La visite à Moscou de François Hollande a mis en lumière les intérêts mutuels bien compris que France et Russie peuvent attendre d’une intensification des investissements croisés. PAUL DUVERNET LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

AFP/EASTNEWS

« Une bouteille de bon vin ne suffit pas, il faut une bouteille de vodka pour se comprendre », a plaisantéVladimir Poutine en recevant François Hollande le 28 février à Moscou. La phrase a été largement reprise par les commentateurs russes, alors qu’en réalité elle tranchait radicalement avec le ton général de la rencontre. C’est le pragmatisme qui a défini le sommet entre les deux chefs d’État. Une certaine anxiété régnait avant cette deuxième rencontre, après la courte escale en juin de Vladimir Poutine à Paris, qualifiée de « glaciale » par certains médias. Sans être franchement chaleureux, les échanges furent détendus. Les divergences fondamentales entre Paris et Moscou sur le dossier syrien ont de nouveau émergé, mais les autres grands sujets ont rapproché les deux hommes.

La photo pour lutter contre le cancer Le photographe Iouri Khramov aide des enfants malades en leur rendant visite à hôpital pour leur enseigner son art : une nouvelle forme de thérapie. TATIANA MARCHANSKIKH LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

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PHOTO DU MOIS

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Ces drôles de zèbres...

REUTERS

Rita Khaïroullina, 18 ans, championne du monde de triathlon, participe au projet photo de Ïouri Khramov « Nous vivons sur cette Terre ». Il y a un an, elle découvre sa leucémie et pen-

dant son traitement, elle commence à s’intéresser à la photo. « Je photographiais tout ce que je voyais : les médecins, les infirmières, la vue de ma fenêtre », raconte-t-elle en passant sa main dans ses cheveux courts, seule trace de sa maladie. « La photo me permettait de me détacher de ce qui se passait autour », ajoute-t-elle. Rita est restée cloîtrée près d’un an dans sa chambre, sans pouvoir sortir, recevoir ses amis et en suivant

une chimiothérapie qui lui faisait perdre ses cheveux. « Les psychologues affirment que dans de telles conditions, les gens commencent à souffrir de privation visuelle. La photographie, comme tout art, permet de donner libre cours à son imagination et de transformer une chambre d’hôpital aux murs oppressants en palais ou en forêt vierge », explique Iouri Khramov. Avec son projet « Nous vivons sur cette Terre », depuis six ans, il vient à la rencontre des enfants du Centre d’hématologie, oncologie et immunologie infantile de Moscou et leur apprend comment photographier les objets qui les entourent.

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MLADACHOIR.RU

Société La noble initiative d’un artiste auprès de jeunes malades

L’approbation par Moscou de l’intervention militaire française au Mali passe du baume sur les plaies. De son côté, François Hollande a réduit au minimum ses commentaires sur la situation des droits de l’homme en Russie pour ne pas froisser son hôte. Le terrain était donc bien dégagé pour parler affaires. « C’est l’économie qui donne le « la » à la rencontre », notait Pavel Chinsky, responsable de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe à Moscou. Quatorze grands patrons français (dont ceux d’Airbus, d’Astrium, de LVMH, de Sanofi, d’Arianespace, de Total, de la SNCF et de Thales) ont accompagné François Hollande à Moscou, ainsi que cinq ministres : Laurent Fabius (Affaires étrangères), Pierre Moscovici (Économie), Manuel Valls (Intérieur), Aurélie Filippetti (Culture) et Arnaud Montebourg (Redressement productif). Les neuf contrats signés lors de la rencontre ne représentent pas une grosse moisson. Mais le potentiel est là.

Insensibles au froid (comme à la chaleur), deux zèbres s’ébrouent dans la neige du zoo de Roïev Routchei, près de Krasnoïarsk (sud de la Sibérie). Suivez la Russie en photos quotidiennement sur notre site : www.larussiedaujourdhui.fr/photos_du_jour.

Le chœur Mlada, venu de Perm, revisite les traditions LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR/22353

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Les racines russes d’ITER

L’écran de demain

Souzdal, berceau des princes « rassembleurs des Russies » : ses monuments et monastères vous plongeront dans l’histoire le temps d’une visite.

Le réacteur thermonucléaire expérimental auquel collabore la Russie exploite un procédé testé par des scientifiques de l’ex-URSS.

La jeune société russe Displair a mis au point un système de projection d’images par air et eau.

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La cité des princes


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Politique & Société

Les enjeux économiques ont gommé les dissonances politiques SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Les échanges commerciaux franco-russes en chiffres

« Il y a eu de très gros contrats les trois années passées et nous sommes dans l’attente d’un second souffle », constate un diplomate français à Moscou. Comme l’a noté François Hollande, le développement de la grande vitesse ferroviaire en Russie représente l’une des grandes perspectives pour les industriels français. Mais il faudra s’armer de patience. « Il n’y aura pas de décision russe cette année. Peutêtre prise dans les deux ou trois ans à venir », indique Guillaume Pépy, PDG de la SNCF, forte de son vaste savoir-faire acquis avec le TGV. En attendant, le patron français continue à avancer ses pions : « Nous allons signer aujourd’hui la création d’un centre d’étude avec RZD [les chemins de fer russes] qui va permettre à nos ingénieurs de mieux échanger et de mieux se connaître, donc de mieux s’apprécier ». Vladimir Poutine a fixé les priorités de son pays. « L’accent dans les accords commerciaux a été essentiellement mis sur les secteurs de la technologie et de la haute-technologie », a-t-il indiqué. Moscou s’emploie à moderniser et à diversifier son économie, trop dépendante des exportations de matières premières. Écho symbolique, François Hollande a profité de son passage en Russie pour visiter le centre de recherche d’Airbus à Moscou. La remise sur pied de l’aéronautique figure parmi les priorités du gouvernement russe. Suivant cette logique, l’aéronautique et l’aérospatiale font partie des secteurs qui ont enregistré des signatures de contrats, comme en témoignent la création d’une entreprise conjointe entre l’Institut des systèmes satellites Rechetnev et Thales, ou l’accord de licence entre RKK Energia et Astrium. Les autres

NATALIA MIKHAYLENKO, RIA NOVOSTI

Les investissements russes en France 12 fois moindres que les investissements français en Russie publique du Tatarstan et la région PACA vont conclure un partenariat avec l’association des régions innovantes de Russie. Mais le volet des investisse-

ments russes en France reste en retrait, ceux-ci représentant 1 milliard d’euros contre 12 milliards d’investissements français en Russie. Conscient du problème, François Hollande a relevé que « des capitaux sont disponibles ici [en Russie], prêts à s’engager. Et nous avons besoin d’emplois en France. Nous devons faciliter les implantations, avec l’agence Invest in France et d’autres initiatives comme celle de la Caisse des Dépôts et Consignation et de plusieurs fonds d’investissements russes ». Pour l’économiste Jacques Sapir, « dans le domaine économique, tout pousse à un rapprochement rapide entre les deux

pays ». Il juge la situation économique en France « mauvaise », tandis qu’elle est meilleure « mais se dégrade » en Russie. Les deux pays auraient intérêt à développer leurs coopérations, car ils sont largement complémentaires. « Si l’on fait le compte des filières industrielles qui pourraient rapidement se développer en Russie, de la robotique appliquée à l’extraction des hydrocarbures et à l’entretien des oléoducs et gazoducs aux technologies de contrôle appliquées à l’énergie, en passant par les biotechnologies assurant le développement de nouveaux matériaux, on constate que l’on est dans des domaines où la com-

pétence des industriels français est internationalement reconnue », note l’économiste. La dynamique d’une intensification des échanges est déjà à l’œuvre. François Hollande a souligné que les échanges bilatéraux ont augmenté de 15% en trois ans et que « la Russie est le quatrième partenaire commercial de la France en dehors de l’Union européenne ». La France est aussi le sixème fournisseur de la Russie, exportant vers ce pays principalement des produits de moyenne gamme et de haut de gamme. « Seul le Japon fait mieux », s’est réjoui le président français. Quand la politique éloigne, l’économie rapproche.

La photo pour lutter contre le cancer SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

ALEXANDRE LAKTIONOV

Iouri a été fonctionnaire, puis chef d’entreprise ; il faisait de la photo pour son plaisir. Puis il a répondu à une annonce où un photographe bénévole était recherché pour venir une fois par mois expliquer aux enfants les bases de l’art photographique. Très vite, il s’aperçut que c’était insuffisant, il s’attacha aux enfants et commença à venir toutes les semaines. Une fois, à l’issue d’un cours, il apprit qu’un de ses élèves était en salle de réanimation et qu’il lui restait une demi-heure à vivre, les soins palliatifs se trouvant dans un autre hôpital. Iouri se souvient avoir sauté dans sa voiture et foncé sur la route verglacée, poussé par une montée d’adrénaline incontrôlable. Il arriva à temps avec le médicament et réussit à sauver l’enfant. Le lendemain, il passa huit heures dans l’antichambre d’un haut fonctionnaire pour obtenir une signature pour son entre-

AMVROSSII CHRAMOV

Sauver une vie, plus simple qu’obtenir une signature

voyage ? Un ou deux seulement », explique Khramov. La plupart des enfants sont issus de familles défavorisées. Selon Katia Kazakova (26 ans), guérie de son cancer il y a sept ans, les problèmes psychologiques chez les anciens malades restent ancrés pour longtemps. Certains ados rendus trop maigres ou trop gros par les traitements hormonaux sont la Les participants du programme « Nous vivons risée de sur cette Terre » en voyage à Heidelberg. leurs camarades à prise, ce qui lui fit réaliser toute une quinzaine de ses l’école. l’absurdité de la situation : élèves guéris du canD’autres se quinze minutes pour sauver la cer font un voyage en culpabilisent vie d’un enfant ou tout ce temps Allemagne, visitent d’avoir été maperdu pour un papier sans va- villes, musées, châlades et d’avoir leur réelle. Depuis ce jour, le pro- teaux et bien sûr fait souffrir leurs gramme « Nous vivons sur cette s’adonnent à la proches. « Mais la Terre » est devenu l’affaire de sa photo. Ce séjour plupart n’ont Iouri vie. Et aucun des grands photo- est entièrement simplement perKhramov graphes invités à faire des ate- gratuit pour sonne à qui para changé liers pour enfants n’a refusé. ler », souligne tous les jeunes. sa vie pour Katia. « Pendant « Combien auUne fois dehors aider les leur hospitalisaraient pu se Tous les ans, Iouri Khramov et p a y e r l e autres. tion, ils ont perdu leurs amis. Et

Grand Moscou : Maurice Leroy nommé conseiller

La presse russe plutôt réservée Les médias russes ont couvert poliment mais sans enthousiasme la venue du chef de l’État français. Ils ont noté la prédominance très nette de l’économie sur les sujets plus conflictuels de la politique. « Moscou et Paris ont bavardé en mettant l’accent sur l’économie », titrait le quotidien Nezavissimaïa Gazeta, avec un sous-titre louant la volonté de François Hollande de lever le régime des visas pour les Russes. Moins flatteur, l’éditorialiste du quotidien libéral Kommersant a trouvé le président français « très bavard » et « moins convaincant que Chirac, et même que Sarkozy ». Kommersant note toutefois que « Hollande et Poutine ont trouvé un terrain d’entente sans trop d’efforts ». Le quotidien populaire Komsomolskaïa Pravda avance une explication assez convenue : c’est grâce à cette inévitable « bouteille de vodka » évoquée par Poutine.

contrats touchent aussi la haute technologie : deux mémorandums d’accord entre Rostekhnologuii et Technip, ainsi qu’entre le Centre scientifique d’endocrinologie et Sanofi Aventis. La ré-

EN BREF

leur vision du monde a changé ». La photographie leur permet de tout oublier, même les perfusions et la chimio. Les résultats impressionnants de leurs efforts artistiques sont ensuite exposés ou publiés dans des livres, dont les tirages se vendent plutôt bien. Nul besoin d’insister sur leur valeur. Iouri Khramov cite l’exemple de ce garçon que ses camarades traitaient de « chauve » et qui leur répondit : « Chauve peut-être mais j’ai déjà fait deux expos à Moscou. Et vous ? ». Le rêve de Iouri : créer une sorte de colonie de vacances réunissant de jeunes photographes du monde entier pour qu’ils puissent échanger leur expérience. Et il y croit vraiment. C’est un grand optimiste qui plaisante tout le temps et quand il affirme financer le projet de sa poche, on croit d’abord à une blague. Pourtant, c’est bien vrai. « Et s’il vous manquait l’argent pour organiser votre séjour photographique à Heidelberg ? » Il répond sans hésiter : « Je prendrais un crédit à la banque ».

AFP/EASTNEWS

L’ex-ministre français de laVille en charge du Grand Paris, Maurice Leroy, a été désigné pour occuper le poste de conseiller du maire adjoint de Moscou, Marat Khousnoulline sur le dossier du Grand Moscou. « M. Leroy prendra part à l’élaboration du Grand Moscou, qui porte sur plus de 140 000 hectares dans le sud-ouest de la capitale », a expliqué ce dernier. M. Leroy pourrait être également chargé de concevoir le plan urbain de l’ensemble de l’agglomération métropolitaine. Selon le maire de Moscou Sergueï Sobianine, les nouveaux territoires pourraient accueillir jusqu’à 100 millions de m2 de nouveaux bâtiments.

Visas : l’heure est aux concessions entre Moscou et Bruxelles Un régime sans visa entre l’espace Schengen et la Russie pourrait être enfin mis en place à la fin de l’année 2014. L’Allemagne a levé ses objections la à une clause réclamée par la Russie prévoyant d’exempter de visas les détenteurs de passeports de service. Le ministère russe des Affaires étrangères a manifesté, au terme des pourparlers qui se sont tenus le 11 mars à Moscou avec le directeur général des Affaires intérieures de la Commission européenne, l’espoir de conclure dans les plus brefs délais un accord avec Bruxelles sur l’allègement du régime des visas. Des pays de l’Union européenne exigent des citoyens russes qu’ils se rendent en personne dans un consulat, même s’il se trouve à des milliers de kilomètres de leur lieu de résidence. Un visa est exigé par la Russie pour tous types de séjours.

Tournoi d’échecs en mémoire d’Alekhine

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Le 20 avril se tiendra le premier tournoi d’échecs en mémoire de l’un des grands maîtres les plus marquants de l’histoire, Alexandre Alekhine. Le coup d’envoi du premier Mémorial Alexandre Alekhine sera donné au musée du Louvre (Alekhine est enterré dans la capitale française), qui accueillera la première moitié de la compétition. La deuxième se jouera à Saint-Pétersbourg.

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE •DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NATION, ARGENTINE • FOLHA DE SAO PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE. EMAIL : REDAC@LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)


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Régions

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Tourisme Perle précieuse de l’Anneau d’or, la petite ville située sur les berges de la Kamenka a conservé l’ambiance des siècles passés

Souzdal : la cité des princes russes Dmitri Khan LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

EN LIGNE

La ville de Souzdal, située à quelque 200 kilomètres au nordest de Moscou et à 26 de la ville de Vladimir, est l’une des cités les plus populaires de l’Anneau d’or de Russie, réunissant les anciennes villes de la région centrale du pays. Elle apparaît pour la première fois dans l’histoire en l’année 1024. Souzdal est le berceau de l’État russe car ses princes, devenus princes de Vladimir puis de Moscou, allaient être les rassembleurs « de toutes les Russies » avant de prendre le titre de tsars. Aujourd’hui, cette agglomération de 11 000 habitants héberge 200 monuments architecturaux, dont cinq monastères, plus de 30 églises et plusieurs musées. La ville est toute petite : le trajet corespondant à la périphérie du centre-ville ne vous prendra qu’une dizaine de minutes. Si vous voulez visiter Souzdal, n’ayez pas peur des touristes : vous n’en trouverez probablement pas ! Raison de plus...

Pour une visite virtuelle de Souzdal, visionnez notre diaporama consacré à la ville. larussiedaujourdhui.fr/ 22285

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SAMEDI

DIMANCHE LA SIMPLICITÉ À L’ANCIENNE

constituant un obstacle naturel pour ceux qui voulaient s’emparer des trésors du prince de Souzdal. Les murs ne sont pas impressionnants. On dit ici que par le passé, les marchands qui visitaient la ville prenaient pour le kremlin le monastère du Sauveur-Saint-Efim, dont la façade était beaucoup plus imposante. À l’intérieur du kremlin, prê-

tez attention à l’horloge du beffroi de la Cathédrale de la Nativité de la Vierge : au lieu de chiffres, les heures sont indiquées par des lettres de l’alphabet vieux-slave. En effet, avant l’époque du Pierre le Grand, les Russes marquaient les heures par des combinaisons de lettres : « a » pour 1, « б » pour 2 et « i » (qui n’est plus utilisée dans l’alphabet russe) pour 10.

LA PLACE DU MARCHÉ

UN REPAS MONASTIQUE

La Place du marché est située en plein centre, au bout de la rue Lénine. Dans ce décor, on se voit en personnage de la littérature russe du XIXème siècle... Actuellement, l’ancienne place semble être trop grande par rapport au nombre de marchands, mais le commerce marche bien.

On peut y acheter toutes sortes de souvenirs - des objets artisanaux en bois et même des valenkis - bottes de feutre traditionnelles russes. Vous pouvez aussi simplement vous promener et déguster du kvas (boisson traditionnelle fermentée) ou du medovoukha (hydromel russe).

Entreprenez un voyage dans le temps pour revenir quelques siècles en arrière en visitant soit le monastère du Sauveur-SaintEfim (pour hommes), soit celui de l’Intercession (pour femmes), qui avaient à l’époque plusieurs fonctions – ils servaient à la fois de monastère, de forteresse et même de prison. Plusieurs tsars russes, dont Ivan le Terrible et Pierre le Grand, avaient enfermé leurs épouses dans le monastère de l’Intercession. Ne manquez pas une vue panoramique sur la ville depuis le monastère du Sauveur-Saint-Efim.

NUIT DANS UNE ISBA

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MONASTÈRES ET PRISONS

NIKOLAY KOROLEV

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Tant que vous êtes dans un monastère, pourquoi ne pas y déjeuner ? Ici, tout est absolument russe et authentique : « viande du monastère » et « salade de l’évêque » sont des exclusivités de Souzdal. Ou vous pouvez vous rendre dans l’un des nombreux restaurants et cafés situés rue Kremlevskaïa : le Rousskaïa Restoratsiya propose une dizaine de variétés de pelmeni.

Après votre voyage dans l’histoire, passez la nuit dans l’une des isbas qui ressemblent plutôt à de petits musées. Si vous voyagez à pied, vous pourrez trouver un petit hôtel dans la rue Kremlevskaïa. Si vous avez une voiture, rendez-vous à Pavlovskoïe Podvorie (rue Mitchourina 14).Vous avez à votre disposition une vraie petite maison avec meubles traditionnels, rideaux de fabrication locale, odeur alléchante du bois… Quant au déjeuner, les hôtels proposent des plats traditionnels au prix moyen de 3 euros.

Faites une incursion dans la vie de villageois ou de simples paysans russes. Le musée de l’architecture en bois de Souzdal reconstitue un village typique. Au cœur se trouve l’église, de laquelle part la rue principale. L’intérieur de l’isba est garni de meubles intégrés, incrustés dans les murs en bois. Au centre de la maison se trouve le poêle, élément essentiel de l’isba.

L’oblast de Vladimir et l’Anneau d’or

LA VIE DES ANCIENS SLAVES

Pour plonger dans la vie des Slaves du IXème siècle, il faut visiter Chtchourovo Gorodichtche (rue Korovniki 14), un musée-village en plein air qui abrite un véritable arsenal : lances, épées, etc. La taverne locale offre des plats cuisinés et cuits dans d’énormes pots. Un repas comprenant une soupe, de la viande, des salaisons et une tasse de sbiten (boisson faiblement alcoolisée avec des épices) vous coûtera 25 euros.

Situé au centre de la partie européenne de la Russie, l’oblast de Vladimir dans lequel se situe Souzdal est traversé par l’un des plus grands affluents de la Volga, l’Oka, dans lequel se jette la Kliazma. D’une superficie de 30 000 km carrés, il compte une population de 1 422 134 personnes. Son climat tempéré continental, s’il incite à programmer une visite en été, ne rend pas l’hiver trop glacial - en janvier, la température moyenne est d’environ -11°C.

La plus grande ville de l’oblast est Vladimir, plus connue pour les trois « Monuments en pierre blanche de Vladimir et Souzdal » reconnus comme patrimoine mondial de l’UNESCO : la cathédrale de la Dormition, la cathédrale St-Dmitri et la Porte d’or. Tout comme Souzdal, Vladimir se situe dans l’Anneau d’or : un ensemble d’itinéraires touristiques des villes de la vieille Russie qui abritent des monuments uniques de l’histoire et de la culture russes.

LA FIN DU CONTE

« J’y étais, là ; du miel, de la bière j’ai bu » — cette formule marque la fin de presque tous les contes russes. Bien qu’on ignore la capitale de la bière, Souzdal est celle de l’hydromel, ou medovoukha. Pour en goûter les meilleures variétés, il faut se rendre à la brasserie d’hydromel de Souzdal. La participation à la dégustation coûte 5 euros, mais la gamme est vaste : à la menthe, au houblon, aux épices, la meilleure étant celle au raifort.

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Pour avoir déjà visité des villes russes, on n’est pas sans savoir que le mot « kremlin » signifie la forteresse ou la citadelle de la ville. Et il est à noter que le kremlin de Souzdal est beaucoup plus ancien que celui de Moscou : à en croire les chroniques, il a été construit en 1024. Son emplacement a été très bien choisi : la forteresse est entourée de trois côtés par la rivière Kamenka,

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VISITE DU KREMLIN

Le plan de la ville

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Économie

Nucléaire Plusieurs filiales de Rosatom fournissent des composants essentiels au projet

ITER : coup de projecteur sur la souche russe du réacteur L’agence russe de l’énergie atomique collabore au réacteur thermonucléaire expérimental international, dont le principe de la fusion avait été testé par des chercheurs soviétiques. E. ZAGREBNOV,A. REZNITCHENKO

Vue aérienne du site d’ITER dans la région PACA, entre Aix-en-Provence et Manosque.

EN CHIFFRES

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mds d’euros seront investis en tout dans le projet ITER. La Russie contribue à hauteur de 9%, à travers la livraison de composants.

Des chercheurs soviétiques ont été les premiers à créer une machine utilisant le principe de la fusion

menés près du Centre nucléaire de Cadarache, en Provence, où dans les années 1980 un tokamak équipé de bobines supraconductrices Tore-Supra a été réalisé. « Il faut à peine quelques grammes de combustible pour produire la réaction, explique Carlos Alejandre, vice-directeur pour la sécurité, la qualité et la sûreté chez ITER, alors qu’un dispositif, au sein duquel se produit une fission nucléaire classique, nécessite des tonnes de matériel. Cela garantit également la sécurité de notre dispositif, étant donné qu’il permet d’obtenir un

maximum d’énergie sans produire intrinsèquement des déchets radioactifs ». Le financement du projet ITER n’est pas réparti de manière égale entre ses parties prenantes. Le coût total de la construction représente 13 milliards d’euros. L’Union européenne en assure 45%, tandis que tous les autres pays membres participent par le biais de leurs agences atomiques à hauteur de 9%. La Russie construira en tout 19 éléments du réacteur d’ITER. Il s’agit des bobines du champ poloïdal PF1, des systèmes de réchauffement du plasma et de

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La fusion nucléaire, une réaction qui résulte d’une jonction des noyaux atomiques, se produit sur le Soleil sous une température de 20 millions degrés. La production d’électricité à partir de cette réaction, considérée comme une source d’énergie abondante, sûre et propre, pourrait devenir une réalité avec la construction d’un réacteur expérimental dans le Sud de la France. Le projet résulte d’une collaboration scientifique des pays de l’Union européenne avec la Russie, les États-Unis, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l’Inde. Ce sont les chercheurs soviétiques qui ont été les premiers à créer à la fin des années 1960 un tokamak - une chambre torique de confinement magnétique qui permet de contrôler le plasma. En 1985, EvguenyVelikhov, alors chercheur à l’Institut Kourtchatov, le principal centre de recherche nucléaire de l’URSS, a proposé à des collègues européens, américains et japonais de développer ensemble ce procédé. C’est ainsi que le projet du Réacteur expérimental thermonucléaire international (ITER) a vu le jour en 1992. Depuis 2011, les travaux de construction du réacteur sont

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40% du mur de béryllium. Les métaux supraconducteurs seront fournis dans une proportion de 20 par l’agence de l’énergie atomique russe. Le principal fournisseur des supraconducteurs russes pour le projet d’ITER est l’usine mécanique de Tchepetsk (Oudmourtie), une filiale de Rosatom. L’Institut Efremov de Saint-Pétersbourg est chargé de la fabrication de cinq systèmes dont la valeur atteint 54% de l’apport financier de la Russie dans ce projet. « Outre les avantages technologiques pour la Russie, toutes ces unités de production peuvent

devenir une véritable base de production internationale », estime Anatoly Krassilnikov, directeur de l’agence russe d’ITER. « Certains pays fabriquent de bons supraconducteurs. D’autres ont mis en place des unités de fabrication des chambres à vide ». Le début de l’assemblage du tokamak est prévu pour 2015. Et vers 2027, après la réalisation d’une série de tests sur le réacteur thermonucléaire, ITER va se transformer en DEMO, un projet qui devrait permettre à chaque participant de construire son propre réacteur thermonucléaire à usage industriel.

Énergie Une société privée russe a invité le groupe français à gérer un système de réseaux de chaleur dans la région d’Arkhanguelsk

Dalkia va chauffer le Grand Nord autrement Le français Dalkia va participer à la restructuration du réseau urbain de chauffage d’Arkhanguelsk, au moyen d’énergies renouvelables. MARIA TCHOBANOV

Le leader européen des services énergétiques Dalkia a conclu, fin février à Paris, un accord avec son partenaire russe, la compagnie privée Mejregionsoyouzenergo (MRSEN), sur la modernisation des réseaux urbains d’Arkhanguelsk et de sa région, mettant l’accent sur les énergies renouvelables. La MRSEN a estimé le montant des investissements relatifs au projet à 200 millions d’euros. Dalkia (filiale de Veolia Environnement) avait déjà tenté un partenariat avec le russe Kvadra, interrompu faute d’atteindre un seuil de rentabilité par le biais d’une augmentation des tarifs (gelés pour cinq ans). MRSEN estime que le retour sur investissement dans les systèmes de chauf-

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

fage peut être réalisé sans hausse des tarifs eau ou chauffage pour la population. Le partenaire français sera chargé d’élaborer un véritable plan de restructuration du réseau collectif de chauffage de la ville d’Arkhanguelsk et de sa région, étalé sur les quinze années à venir. « Ce projet à long terme permet de prendre en compte les parti-

cularités de l’évolution de la ville et de trouver les solutions les mieux adaptées en utilisant aussi bien les méthodes traditionnelles (rénovation et remplacement des capacités de génération d’électricité) que les techniques innovantes en matière de chauffage et de système de gestion », considère Jean Sacreste, responsable de Dalkia pour la Russie et les Pays baltes.

La MRSEN se chargera de trouver les financements tandis que Dalkia jouera un rôle d’opérateur, prenant en charge la gestion du système et la transmission de son savoir-faire. En 2009, la MRSEN a lancé un partenariat public-privé Énergie de la mer Blanche portant sur la restructuration et la modernisation des systèmes communaux de la ville d’Arkhanguelsk et de sa région. Le coût du projet est estimé entre 1,7 et 2 milliards d’euros. Les responsables misent sur le passage aux énergies renouvelable comme la biomasse et la tourbe. À Arkhanguelsk, l’industrie du bois est le secteur principal et ses nombreux sous-produits sont capables de fournir de l’énergie-bois en quantité importante. Actuellement, les carburants utilisés sont le charbon et le fioul. « Nous voulons créer une ville intelligente, en minimisant la corruption dans la sphère communale grâce à une automatisation des réseaux et une transparence accrue des processus de produc-

tion et de consommation d’énergie. L’efficacité du système aura une incidence directe sur la qualité de vie des consommateurs. En introduisant les technologies nouvelles, nous espérons réduire de deux à trois fois les dépenses communales de la population », promet le PDG de Mejregionsoïouzenergo, Iouri Choulguine.

« La Russie offre un grand potentiel pour optimiser l’efficacité énergétique », estime le partenaire français De son côté, Jean Sacreste affirme que c’est justement cette approche globale de la MRSEN qui rend particulièrement intéressante la collaboration. Selon lui, « il est nécessaire de contrôler l’ensemble du processus, de la production à la consommation. Notre expérience nous montre que la Russie offre un grand po-

tentiel pour optimiser l’efficacité énergétique ». Le projet est conçu pour favoriser une percée technologique dans le domaine des service communaux grâce aux technologies de pointe et au savoir-faire des partenaires étrangers. Toutefois, les Français sont persuadés qu’on ne peut pas changer tout le système de manière radicale. « Il faut penser de manière pratique. Il faut essayer d’atteindre un maximum de sûreté et d’efficacité avec des investissements raisonnables. Je pense qu’après la mise au point du réseau de chauffage de la ville d’Arkhanguelsk, nous serons à même de proposer une formule optimale applicable dans les autres régions de Russie », assure Jean Sacreste. La MRSEN entend faire valoir l’expérience internationale de Dalkia comme argument principal pour attirer les investisseurs. Elle poursuit parallèlement des négociations avec Gaz de France et Schneider Electric.


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Économie

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Investissements Uralvagonzavod a investi en trois ans plus de 35 millions d’euros dans la fonderie d’acier moulé Sambre-et-Meuse

Une collaboration qui a de la trempe Le constructeur russe de matériel ferroviaire a repris en 2010 l’usine du nord de la France qui poursuit sa fabrication de pièces pour wagons et locomotives après avoir échappé à la faillite. ELENA SHIPILOVA

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Durant les quatre dernières années, près de 900 usines françaises ont dû cesser leur activité. Et c’est ce qui attendait l’usine Sambreet-Meuse de Feignies, à 100 km de Lille. Dans les années 80 et début 90 cette usine prospérait : 2 400 employés, des dizaines de milliers de tonnes d’acier, des clients comme les métro de Paris, Londres, Singapour et les sociétés Bombardier et Alstom. Mais, petit à petit, avec la mondialistaion et la domination du marché de l’acier par la Chine, l’Inde et la Turquie, les clients se sont tournés vers d’autres fournisseurs. Au début des années 2000 Sambre-et-Meuse s’est retrouvée au bord de la faillite sans candidat à son rachat... jusqu’à l’arrivé du russe Uralvagonzavod en 2010, dont 100% d’actions appartiennent à l’État russe. En 2010, le repreneur rachète la part majoritaire de Sambreet-Meuse. Le montant du contrat est estimé à 20-30 millions d’euros, pour un chiffre d’affaire annuel de 15 millions. Le contrat était suivi par le bureau juridique international Hogan Lovells, dont le partenaire Xenia Legendre a précisé au journal Kommersant que plusieurs compagnies étaient visées par l’OPA (offre publique d’achat) d’Uralvagonzavod, et le choix s’est arrêté sur Sambre-etMeuse. Ce qui a déterminé l’issue est l’expérience de l’usine fran-

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L’usine Sambre-et-Meuse dans le Nord-Pas-de-Calais. À droite, le stand présenté par Uralvagonzavod lors d’une l’exposition sur les chemins de fer.

çaise dans la fabrication de pièces en acier et sa collaboration avec de grosses sociétés comme Schlumberger, Bombardier, Alstom, LAF, MAN et Rolanfer. La reprise a donné à Uralvagonzavod la possibilité de travailler avec Caterpillar et de s’introduire sur de nouveaux marchés européens, explique le directeur général de la société russe, Oleg Sienko, au journal Kommersant. Dès le rachat, Uralvagonzavod a entamé une restructuration de la production. « La collaboration entre les spécialistes russes et français a débouché sur un plan de modernisation de l’usine Sambreet-Meuse dont l’objectif est la re-

lance et l’accroissement de la force de production », a précisé à La Russie d’Aujourd’hui le service de presse d’Urarlvagonzavod.

Les Russes veulent continuer à « investir dans les entreprises françaises, créer des emplois, contribuer à mettre en place un dialogue entre les entreprises françaises et russes pour favoriser le développement et la croissance dans les deux pays », liton dans le communiqué officiel d’Uralvagonzavod. « Nous sommes satisfaits des résultats de la collaboration avec l’usine et désireux de continuer à établir les mêmes relations avec d’autres compagnies françaises, prioritairement dans les secteurs de l’acier, de la construction et réparation des wagons et des locomotives, des machines agricoles et celles de la maintenance des

Sambre-et-Meuse riche de son expérience dans la fabrication des pièces en acier et de ses prestigieux clients Cela implique de gros investissements. Le service de presse de l’entreprise indique qu’Uralvagonzavod a déjà investi plus de 35 millions d’euros dans le développement de l’usine Sambre-etMeuse.

ENTRETIEN AVEC MARC CHMOULEVITCH

Start-up Displair : une innovation russe des plus prometteuses

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Une technique de projection d’images composées d’air et d’eau.

Vous souvenez-vous des écrans tactiles transparents du film de Spielberg Minority Report ? La fiction est devenue réalité, sous la forme d’un moniteur formé à partir d’air et d’eau. KIRILL ROUDENKO LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’idée est née dans l’esprit de Maxim Kamanine, directeur général de Displair, la jeune société qui a mis au point l’appareil du même nom, au début de l’année 2010, alors qu’il terminait ses études. Avec l’aide de son frère et de son père, Maxim assemble le premier Displair qui combine un projecteur et un système d’affichage sans écran.

En 2011, l’équipe produit un prototype utilisant la technologie « multi-touch » de contrôle de l’image par des gestes. Le système peut enregistrer simultanément jusqu’à un millier d’effleurements avec un temps de réponse inférieur à 0,2 seconde. La base de l’image est un flux d’air de 4 mm d’épaisseur intégrant des microparticules d’eau. La taille des particules est si petite que lorsqu’elles sont heurtées par des objets physiques – les doigts de l’utilisateur ou tout autre objet –, elles restent solides en raison de leur tension superficielle. Les inventeurs, originaires d’Astrakhan (sud de la Russie), ont remporté tous les

TIC : retenir les jeunes pousses sie pour qu’elles n’émigrent pas aux États-Unis, où les conditions sont bien meilleures. Il faut améliorer la fiscalité et former une quantité suffisante de spécialistes. Jusqu’à 2017, les entreprises dont 90% de l’activité portent sur les TIC bénéficient d’une réduction d’impôts à 14% au lieu de 30%. Mais c’est encore trop peu pour soutenir la dynamique de croissance.

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Un écran tactile tout droit sorti de la science-fiction

concours russes d’innovation, et surtout le prix Zvorykine, qui leur ont valu une célébrité mondiale. « Une fois que le projet a été décrit par TechCrunch et Mashable, la messagerie de la société a littéralement explosé sous une avalanche de courriels d’investisseurs enthousiastes », affirme le directeur opérationnel de Displair, Andreï Melnikov. La chasse aux investissements a rapporté 109 500 euros. Displair compte aujourd’hui 50 employés. Une tranche supplémentaire d’un million de dollars a servi à une plateforme expérimentale de production. « Un dispositif fondamentalement nouveau exige la mise en place d’un réseau international, afin de ne pas se retrouver limité au marché régional », explique Maxime Kamanine. L’appareil génère un écran de 60 x 45 centimètres avec une diagonale de 30 pouces, la qualité de l’écran permettant de lire un texte. Le concept d’un tel dispositif est en réalité connu depuis le début des années 2000, quand la société finlandaise Fog Screen a lancé le premier système de projection. En plus de la Finlande, la technologie d’ « écran à air » est exploitée par des entreprises américaines et russes, mais l’équipe de Displair ne les considère pas comme des concurrents directs. « Leurs produits sont beaucoup moins compacts – le poids de l’appareil oscille entre 80 et 200 kg, alors que notre système n’en pèse que 10 », note Andreï Melnikov. « La deuxième chose importante est qu’il s’agit d’un dispositif interactif. Personne, à part Displair, n’offre de contrôle multi-touch. Enfin, parmi toutes les sociétés qui élaborent des « écrans à air », seul Displair vise le grand public ».

puits », poursuit l’investisseur russe. En effet, à l’automne 2012, il était question de rachat par Uralvagonzavod du constructeur français de wagons ABRF Industries, qui était en difficulté à l’époque. La compagnie russe voulait y développer la fabrication de wagons téléscopiques et de porteautomobiles. Le montant avancé se chiffrait à 15-25 millions d’euros. En acquérant deux divisions d’ABRF (Sambre-et-Meuse faisant précédemment partie d’ABRF), ce qui représente 60% des parts, le russe aura les moyens de « consolider l’ensemble de l’entreprise ».

Le vice-ministre russe de la Communication et des Médias, Marc Chmoulevitch.

Vous vous êtes fixé pour but de voir le secteur des technologies de l’information et des communications (TIC) exporter autant que l’industrie militaire. Pourquoi ? Les exportations de TIC russes ont atteint 4 milliards de dollars en 2012, avec une croissance annuelle de 20% ces dernières années. La vente d’armes a rapporté à la Russie 15 milliards de dollars en 2012. Si les conditions sont bonnes, d’ici à quelques années, nous serons proches des chiffres de l’industrie militaire. Kaspersky Lab est mondialement connu, mais qu’y-a-t-il d’autre ? Nous observons le succès de nombreuses start-ups. L’enjeu est de retenir ces sociétés en Rus-

Quel est le principal avantage concurrentiel des Russes dans le secteur TIC ? La débrouillardise est notre principal avantage compétitif. Nous formons de très bons ingénieurs, mais pas en quantité suffisante. Aujourd’hui, en Russie, moins de 1% de la population active travaille dans le secteur des TIC. Aux États-Unis, ils sont 4% et plus de 3% en Europe. Notre ministère a pour mission de rendre la profession attractive. Lors du Xème Forum économique de Krasnoïarsk, nous avons organisé une table ronde autour du problème du manque de cadres dans le secteur TIC ; y ont participé des start-ups mais aussi des géants comme Yandex, Microsoft, la Banque Mondiale et Sberbank. Nous commençons à appliquer certaines des solutions proposées, comme celle de mettre sur pied des olympiades de l’informatique.

Le groupe russe Uralvagonzavod est le plus important producteur russe de wagons, de machines ferroviaires et de tanks. Fondé en 1936, il a commencé par la construction de wagons de marchandise. À l’époque, travailler dans cette industrie était prestigieux. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’usine a été reconvertie en fabrique de tanks. Aujourd’hui, Uralvagozavod est un conglomérat public regroupant 30 compagnies qui emploient plus de 70 000 personnes.

EN BREF Les Russes au MIPIM Lors du 24ème marché international des professionnels de l’immobilier (MIPIM), organisé à Cannes du 12 au 15 mars, Igor Sliouniaev, ministre du Développement régional, a conduit une délégation russe pour présenter au milieu professionnel plusieurs projets d’infrastructures et de nature industrielle dans six régions de Russie. La participation russe était l’une des plus importantes du salon. Elle regroupait 413 sociétés qui ont fait le voyage jusqu’à Cannes, ce qui représente une augmentation de 13,2% par rapport à l’année précédente.

Une femme à la Banque centrale

RIA NOVOSTI

Le Président Vladimir Poutine, a nommé à la tête de la Banque centrale de Russie Elvira Nabioullina, ancienne ministre de l’Économie et son actuelle conseillère pour les questions économiques. Àgée de 49 ans, Mme Nabioullina, devrait remplacer en juin Sergueï Ignatiev. Elle aura à trancher le débat entre les opposants à une baisse des taux d’intérêt pour combattre l’inflation, et les partisans d’un coup de pouce à la croissance, qui s’est ralentie.


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Opinions économique, dont le moteur a toujours été l’Europe. Malgré les éternelles discussions sur sa réorientation vers l’Asie, la Russie reste tournée vers l’Europe (voir le nouveau Concept de la politique étrangère russe, où les régions d’Asie-Pacifique n’apparaissent qu’au 75ème point). Ainsi, ces différends politicoidéologiques entre Russie et Europe, qui se sont accrus ces derniers temps, ne peuvent pas entraver leur coopération. Évidemment, une proximité idéologique faciliterait les choses, mais le développement des relations économiques qui se poursuit est la preuve d’une volonté de rapprochement mutuel.

L’affaire Mistral

FRANCE-RUSSIE : UNE COOPÉRATION SUR LE LONG TERME Fedor Loukianov POLITOLOGUE

V

ladimir Poutine et François Hollande se connaissaient déjà avant la visite de ce dernier, fin février à Moscou. Le président russe était passé à Paris, bien que très brièvement, dès son premier voyage officiel, le lendemain de son investiture au printemps dernier. Cette rencontre n’avait pas été très chaleureuse, en raison des désaccords sur la Syrie, question sur laquelle les deux pays ont des positions radicalement opposées. Malgré cela, Poutine avait cru bon de souligner l’importance particulière que revêt pour Moscou la relation avec Paris, l’un des principaux partenaires de la Russie en Europe, au même titre que Berlin.

De bonne guerre La visite de François Hollande devait être très courte, une demijournée seulement, ce qui très vite s’est avéré insuffisant. Le thème incontournable de la Syrie était bien sûr au rendez-vous, mais cette fois la discussion était plus

détendue : les deux chefs d’État ont déclaré publiquement que la question étant complexe, « il faudrait une bonne bouteille pour l’éclaircir » : vodka pour Poutine, vin pour Hollande. Par rapport à la dernière fois, leur position est restée la même mais le contexte a changé.

La France maintient de bonnes relations avec Moscou par souci de stabilité et d’équilibre avec Washington

Charles de Gaulle à Nicolas Sarkozy, ont appliqué la même politique face à Moscou : la préservation des relations, pour deux raisons essentielles. Il s’agit d’abord d’assurer la stabilité en Europe. En l’absence de rapports clairs avec la Russie, l’Europe ne sait sur quel pied

Malgré les éternelles discussions sur sa réorientation vers l’Asie, la Russie reste tournée vers l’Europe

Priorité à l’économie François Hollande s’attache à mettre l’accent sur l’exclusivité des relations politiques entre les deux pays afin de s’en servir pour accroître leur rapprochement économique. Actuellement, les pays européens se concentrent sur la quête de nouveaux marchés, porteurs de nouveaux emplois et de croissance économique, préoccupations majeures des électeurs. En France, tous les présidents de la Cinquième République, de

danser. Ensuite, la bonne entente avec Moscou est l’un des trois piliers essentiels sur lesquels reposent le prestige et la force de la politique défendue par Paris, les deux autres étant une Europe unie, où la France se positionne d’emblée comme chef de file, et la relation avec les États-Unis, sur la base d’une équité maximale avec Washington. La Russie, quant à elle, a besoin d’un essor technologique et

Les projets franco-russes majeurs, lancés par les présidents respectifs précédents (l’achat de deux porte-hélicoptères Mistral et la participation de la France au développement de Sotchi) ont été freinés par la Russie pour des raisons internes. La nouvelle direction du ministère de la Défense s’est opposée à l’achat de technologies militaires à l’étranger, le secteur militaire ayant besoin de créer des emplois en Russie et non en France. L’affaire Sotchi, avec ses scandales et ses licenciements, peut être vue comme une redistribution des forces. La participation française pourrait avoir un rôle régulateur et stabiliser les conflits. Quant au dossier Mistral, ce projet intergouvernemental est trop important pour s’en détourner. L’affaire du Mistral permet de tirer une leçon. La tentative de deux pays de faire du commerce à court terme peut entraîner des réactions négatives. Ce genre de coopération n’a de sens que dans le cadre d’un projet commun d’envergure au niveau de l’industrie militaire, profitable aux deux pays à long terme. Si étrange que cela puisse paraître, Moscou et Paris ont tout intérêt à s’inspirer des accords de coopération militaire et technique entre la Russie et l’Inde (construction d’avions de chasse de la cinquième génération). Bien sûr, le fait que la France soit membre de l’OTAN pose des limites, mais ces vingt dernières années, nous avons appris que dans le monde moderne il ne fallait jamais dire jamais, et que tout reste possible. En tout cas, l’évolution des relations franco-russes laisse apparaître, et ce malgré la conjoncture actuelle, une véritable perspective de coopération à long terme.

DES PROBLÈMES POUR LA RUSSIE ? Evgueni Arsioukhine

Leonid Radzikhovski POLITOLOGUE

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hose étrange, « la Russie est un pays normal » est une phrase qui résonne comme une insulte personnelle pour de nombreux Russes. Et de nombreux Occidentaux y voient un paradoxe ou de la propagande financée par le Kremlin. La diabolisation de la Russie dans les médias à l’Ouest n’est pas une conspiration, ni une intrigue maçonnique et mondialiste financée par la CIA. C’est une mode. L’intellectuel occidental doit forcément être de gauche. Il se doit de défendre les minorités sexuelles, avoir de la compassion pour les peuples d’Afrique ou le dalaï-lama, condamner l’impérialisme américain, Israël et la « dictature de Poutine ». Le conservateur occidental refuse de pleurer sur le sort terrible des minorités sexuelles, mais se sent obligé d’évoquer la « menace islamique » et le « socialisme d’Obama », il doit protéger les « valeurs traditionnelles occidentales » et peut défendre Israël. Mais « la Russie de Poutine », il la condamne non moins que son adversaire gauchiste. La litanie « Russie - mafia fonctionnaires corrompus ivrognes - combattants courageux contre la dictature - peuple passif et souffre-douleur » est un cliché. Comme si on jugeait les États-Unis en se basant sur le film Pulp Fiction. En Russie il y a bien une mafia et des pots de vin. Mais nous n’avons pas plus de sans-abri qu’à Paris. Les statistiques de la criminalité sont plus élevées qu’en Europe, et même qu’aux États-Unis, mais c’est une moyenne. L’écologie et la médecine y sont pires que dans l’Union européenne. La fiscalité est meilleure. Pour le service et la consommation, c’est à peu près la même chose. Les possibilités

de carrière et de profit sont meilleures. « Depardieu citoyen russe » est un indicateur intéressant. Il possède un avantage sur nous - il peut comparer ! La situation en France, il connaît ! Ainsi, en comparant, par exemple, les bureaucrates européens, les impôts de l’UE et la bureaucratie russe, il « choisit la Russie ». Depardieu n’est pas la vérité ultime, mais son « choix » indique que, sous certains aspects, notre réalité n’est pas pire. La frontière entre l’UE et la Russie n’est pas un rideau de fer, ni un fossé infranchissable. Il existe une migration constante de part et d’autre. En 2010, selon l’agence Rosstat, 3 700 Russes sont partis en Allemagne, 1 400 aux États-Unis et 900 en Israël. En 2010, 2 600 Allemands, 650 Américains et 800 Israéliens ont établi leur résidence permanente en Russie. Les Occidentaux vivant en Russie savent que l’image de notre pays dans les médias est une caricature. En Russie même, nous avons l’habitude soit de vanter sans retenue la « grandeur de la Patrie », soit de déchirer notre chemise en nous lamentant sur ce « pays de cons ». Oui, notre vie politique est qualitativement différente de l’Occident. Pas la même concurrence, pas la même liberté d’expression. Mais nous n’avons pas le monopole de la démocratie dirigée. Notez les dynasties Bush ou Clinton. La manipulation en Occident est plus raffinée que chez nous. Et pourtant, Poutine est élu par une majorité de Russes. La raison ? On mange mieux, on est plus libre et tranquille que jamais auparavant. Est-ce grâce à lui ou non ? On peut en discuter à l’infini. Leonid Radzikhovski est politologue. Article publié dans Rossiyskaya Gazeta

Fedor Loukianov, président du Conseil pour la politique de sécurité et de défense de la Fédération de Russie. Article publié dans RIA Novosti

LU DANS LA PRESSE APRÈS CHAVEZ, LE DÉLUGE ?

LA RUSSIE EST UN PAYS « NORMAL »

L’ANOMALIE CHAVEZ

LOURD HÉRITAGE

Fedor Loukianov GAZETA.RU / 07.03

Konstantin Eggert

Les relations entre la Russie et le Vénézuéla vont redevenir normales. L’exclusivité des années 2000, quand deux pays si différents étaient grands alliés, était une anomalie. Elle était le fait de Chavez qui voyait en la Russie une version allégée de l’URSS et comptait utiliser son influence à ses propres fins idéologiques. Moscou entretenait volontiers cette impression mais ne dépassait pas le cadre des affaires : tant que Caracas avait de l’argent, tout se passait bien. Mais quand les fonds ont diminué, l’enthousiasme russe s’est tari. Quelle que soit la nouvelle donne politique au Vénézuéla, la Russie perdra son statut de partenaire particulier.

On chante aujourd’hui la gloire posthume d’un lieutenant-colonel qui laisse en héritage une inflation galopante, une économie stagnante, une bande de complices avec les poches bourrées de pétrodollars, et une idée brumeuse de la « révolution bolivarienne ». Ce bilan sera dressé par des gens moins charismatiques. Pleurez, gauchos de tous pays ! Le chavizme meurt avec Chavez. Ce sera bientôt le tour des frères Castro et du mythe de « Cuba, l’île de la liberté », et de la Bolivie et de l’ Équateur. L’Amérique latine passera aux mains de politiciens de droite et de gauche normaux, démocrates et qui ne se font pas passer pour des guides du peuple.

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KOMMERSANT.FM/ 07.03

KOMSOMOLSKAYA PRAVDA / 06.03

La mort du président vénézuélien a été accueillie avec gravité par un pouvoir russe qui veut souligner que les relations privilégiées entre les deux pays étaient surtout d’ordre économique, et non pas politique. Ni Vladimir Poutine, ni Dmitri Medvedev ne se sont rendus aux obsèques du « grand ami de la Russie » que fut Chavez. Mais la presse rappelle que le Kremlin avait beaucoup misé sur ce fidèle allié et évalue les pertes. Préparé par Veronika Dorman

Ni le président ni le premier ministre ne se sont rendus à ses funérailles, mais cela ne signifie pas que nous sommes indifférents. La Russie risque d’avoir de gros problèmes. Il est très probable que le successeur de Chavez commence à renier l’héritage de l’ancien président. La mort de Chavez est un puissant facteur déstabilisant. Les prix du pétrole risquent de chuter, ce qui est dangereux pour la Russie. Pas sûr non plus que le nouveau pouvoir vénézuélien continue de nous acheter des armes. Si toute la région sombre dans la crise économique, nous aurons à faire face à un envol des prix du bœuf que nous achetons à plus de 20% à l’Argentine voisine.

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Culture

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La Russie est le pays invité du rendez-vous de l’art moderne contemporain « Art Paris Art Fair », ouvert à tous les publics (du 28 mars au 1er avril). Coup d’œil sur la participation russe. DARIA MOUDROLIOUBOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Une dizaine de galeries venues de Moscou, Saint-Pétersbourg, Rostov-sur-le-Don et Vladivostok occuperont une plateforme centrale, tandis que de nombreuses galeries européennes présenteront leurs artistes russes. La sélection permet ainsi de se familiariser avec l’art russe des années 1930 à nos jours. Si l’on découvre dans ce domaine quelques étoiles de la scène actuelle et de jeunes talents prometteurs, la sélection demeure consensuelle et ravira tant les amateurs d’art figuratif que les nostalgiques de l’art abstrait des années 1930. De nombreuses œuvres vendues moins de 5 000 € devraient même permettre à certains amateurs de commencer une collection...

L’art politique fait toujours recette Andrey Molodkin, qui vit aujourd’hui à Paris, fait partie des artistes qui, tout en exploitant les liens entre l’art et la politique, ont su trouver leur propre voix. Ses sculptures à travers les-

quelles coule du pétrole mettent en accusation la politique de mondialisation actuelle, dénonçant les guerres provoquées par la soif de l’or noir. Evgeniy Fiks, établi à New York depuis 1994, adopte une approche d’historien et mélange les techniques pour explorer les liens du communisme en URSS et aux ÉtatsUnis avec l’art, et notamment le cinéma, dans une intéressante série, « Song of Russia ».

Y a pas photo ! La photographie russe est magnifiquement représentée avec à la fois des maîtres établis tels que Boris Savelev, Nikolay Bakharev ou l’inévitable Oleg Kulik, de nouvelles valeurs sûres comme Anastasia Khoroshilova (qu’Ernst Hilger a déjà présentée dans une exposition collective au Palais de Tokyo ainsi que lors de la dernière Biennale de Venise), et de nombreux photographes émergents déjà très remarqués. Le galeriste Vincent Sator présente ainsi quelques œuvres d’Alexeï Vassiliev. Dans sa sublime série « Dés-apparitions », des personnages se dissolvent dans le flou de la pellicule jusqu’à ce que l’on ne distingue plus que des silhouettes aux lueurs rembrandtiennes, révélant soudain leur essence. La dernière série « Mountains & Waters » du tren-

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1) Sans titre, série « Montagnes et fleuves », Alexandre Gronsky de la galérie Grinberg. 2) Série « Quel monde magnifique », Piotr Lovigin, °Clair Galerie.

EN LIGNE En avantpremière de Art Paris Art Fair 2013, visionnez notre diaporama. larussiedaujourdhui.fr/ 22259

tenaire Alexandre Gronsky (chez Grinberg) se révèle exceptionnelle et a déjà valu le prix Photo-Levallois 2011 à son auteur. Réalisés dans les mégalopoles chinoises, ces grands dyptiques explorent le paysage chinois contemporain tout en le liant à la tradition shan shui où le paysage est conçu comme une métaphore d’un voyage humain, entre la forme et le néant. Autre trentenaire (31 ans), Petr Lovigin s’appuie lui aussi sur le genre du paysage pour créer un univers poétique et décalé. La mise en scène attire toujours autant les photographes

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L’art russe d’aujourd’hui en force au Grand Palais

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Exposition Paris Art Fair : regard vers l’Est

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russes, et le chemin commence à être bien rôdé, depuis les clichés d’adolescentes surréalistes « comme chez Erwin Olaf » de Katerina Belkina aux nombreuses reconstructions bibliques d’Arsen Savadov et The Fourth Height en passant par l’extraordinaire Raouf Mamedov. Mais ce n’est que dans les bas-reliefs et sculptures d’Andrey Blokhin et Georgiy Kuznetsov, du collectif Recycle, que le thème de la religion dépasse enfin la simple reconstitution des tableaux bibliques ; on y découvre ainsi une inhabituelle cène vue de derrière ou une rosace illus-

trant la vie d’Homer… Simpson. Leur œuvre monumentale Façade décorera l’entrée du Grand Palais pendant la durée de la foire.

La relève Si nombre de galeries russes ont misé sur des œuvres figuratives réputées plus grand public, celles de Rostov-sur-le-Don et de Vladivostok reflètent le renouveau de la création russe d’aujourd’hui. La 16th Line Gallery (Rostov), l’un des rares espaces dédiés à l’art contemporain dans le sud du pays, promeut des artistes locaux ori-

Littérature Andreï Makine est un écrivain russe plus connu en France qu’en Russie, car il écrit en français

À la charnière de deux cultures Au milieu des années 90, Andreï Makine faisait une entrée fulgurante dans les lettres françaises avec Le Testament français. Il publie aujourd’hui son treizième roman. CHRISTINE MESTRE LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

OPALE/EASTNEWS

Entrée fulgurante en effet que celle d’Andreï Makine dans le panorama littéraire hexagonal puisque Le Testament français, a été couronné en 1995 par le prix Goncourt, le prix Médicis et le Prix Goncourt des Lycéens. Depuis, Makine a reçu le prix RTL-Lire pour La Musique d’une vie, le prix de la Fondation Prince Pierre de Monaco pour l’ensemble de son œuvre et divers prix étrangers. Il nous a donné aussi des livres essentiels : La femme qui attendait, L’amour humain, L’histoire d’un homme inconnu, Le livre des brèves amours éternelles. De lui, on sait peu de choses et il ne se livre pas volontiers, éludant systématiquement la moindre tentative de pointer des échos autobiographiques dans son œuvre. Oui, il a eu une enfance baignée par la langue française, celle de sa grand-mère qui l’a élevé. Enfance sibérienne : il est né le 10 septembre 1957 à Krasnoïarsk. Des blessures profondes sans doute… absence des parents, déportés peut-être, l’orphelinat dont on imagine la du-

reté dans les années 60. Après des études de lettres à Moscou où il soutient une thèse sur la littérature française, il arrive en 1987 à Paris pour enseigner. Il demande l’asile politique, fait une thèse sur Ivan Bounine. Suivent des années d’extrême pauvreté jusqu’à la publication de la Fille d’un héros de l’Union soviétique, puis après maints refus, du Testament français qu’il présente comme une traduction. Comme beaucoup de ses héros, Andreï Makine campe à la charnière du siècle, entre deux Russies que tout oppose, entre deux cultures, nous offrant d’un côté l’accent rocailleux et la stature d’un bûcheron sibérien, de l’autre une des plumes les plus raffinées de la littérature française. D’un côté, Requiem pour l’Est, de l’autre Cette France qu’on oublie d’aimer. C’est grâce à un autre pseudonyme, Gabriel Osmonde, sous lequel il a publié plusieurs romans (Le Voyage d’une femme qui n’avait plus peur de vieillir, Les 20 000 Femmes de la vie d’un homme, Alternaissance) qu’il échappe à cette problématique

duelle, tout en continuant sa quête spirituelle dans le second versant de son œuvre, empreint d’un optimisme dont Makine n’est pas coutumier. Andreï Makine publie aujourd’hui son treizième roman, Une femme aimée, l’histoire d’une petite princesse protestante allemande mariée à 15 ans au futur Pierre III et qui devint la Grande Catherine, impératrice de toutes les Russies sur laquelle le cinéaste Oleg Erd-

BIOGRAPHIE

Andreï Makine NÉ : LE 10 SEPTEMBRE 1957 À : KRASNOÏARSK FORMATION : MGU (MOSCOU)

mann écrit un film. Étrange figure que cette femme, amie des philosophes français, qui fit de son pays une puissance économique et défraye la chronique par ses appétits sexuels. Ses

amants sont nombreux, les détails croustillants. À travers le travail d’Oleg et ses tentatives de cerner le personnage de Catherine, Andreï Makine peut multiplier des angles, les points de vue et les éclairages. En convoquant diverses époques et le regard de leurs représentants, il crée une profondeur de champ qui donne plus d’épaisseur au personnage. Il fait aussi le choix, récurrent, de prendre le lecteur à contre pied : Catherine et les mœurs de la Russie qu’elle gouverne ne sont pas plus cruelles que celles de la France des révolutionnaires. L’époque soviétique, malgré la censure politique, a produit les films de Tarkovski, qui « prenait des postures accablées, on aurait dit un bagnard de la Kolyma… dans son terrible exil de Venise, où il vivait accueilli par de généreux mécènes », dit Jourbine le producteur d’Oleg. Mais au-delà de l’être social, au-delà des gesticulations et de la mascarade de l’Histoire, la vérité des êtres palpite, dans un endroit intime et fragile comme la vie que l’on voit battre sous la veine, dans le regard aimant de l’être aimé. C’est le souvenir d’Oleg d’une étreinte fugace dans un petit matin d’hiver qui arrache Zoïa, sa voisine disparue, au néant et c’est l’amour sincère et désintéressé de Lanskoï qui nous dira la vraie Catherine.

ginaux, tels le Sito Art Group, Belka & Strelka du courant fluxus, ou Alexandre Selivanov, venu de la musique expérimentale à la peinture. La galerie Arka de Vladivostok mise sur l’œuvre de la plasticienne et mathématicienne Olga Kisseleva. L’économie et la sociologie y retrouvent l’art dans quelques installations fascinantes sur le theme du temps, tandis que des natures mortes à première vue inoffensives déploient le panorama de notre vie. Devant ces artistes libérés d’un héritage historique souvent handicapant, on voit la relève en marche...

À L’AFFICHE L’EXPOSITION « PORTRAITS PARISIENS » D’ANNA FILIMONOVA DU 20 MARS AU 7 AVRIL I-GALLERY « INSTANT », 12 RUE DURANTIN, PARIS

Anna Filimonova, native de St-Pétersbourg, considère le voyage comme une exploration. Dans ses tableaux, elle porte le regard d’une étrangère émerveillée sur Paris. Ses dessins sont légers, fluides, avec un soupçon d’expressionnisme. › www.i-gallery.fr

« LE PRINTEMPS RUSSE 2013 » EN FRANCE DU 24 AU 31 MARS

Pour cette huitème édition du festival, 500 musiciens, acteurs et artistes russes sont attendus en France, plus une centaine de jeunes peintres. › www.larussiedaujourdhui.fr

PIERRE LE GRAND, LE TSAR INSPIRÉ JUSQU’AU 13 SEPTEMBRE FILIALE DE L’ERMITAGE À AMSTERDAM

Dans le cadre de l’année croisée Russie-Pays-Bas s’est ouverte le 9 mars l’exposition consacrée à Pierre Ier (1672-1725), le tsar réformateur de Russie. › www.hermitage.nl.

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO

Culture

Street Art Le Zuk Club : de Rembrandt à une esthétique particulière de la rue

L’art du pochoir sur les murs de Moscou et d’ailleurs... Dans la rue et les galeries, pour une poignée de roubles, le groupe de graffeurs moscovites Zuk Club redessine le monde à coups de zèbres et de gnomes, d’inspiration très classique. BENJAMIN HUTTER

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À gauche, une œuvre présentée au festival « BLK River 2012 » en Autriche ; à droite, au festival « Sretenka Design Week » à Moscou en 2010.

Leur nom vient d’un emblème : « Zebra Uletela Kuda » (ZUK), qui veut dire « Là s’est envolé le zèbre » « Les artistes moscovites ont copié le style new-yorkais et personne n’a cherché à aller plus loin »

Clin d’œil à la Saint-Valentin dans une rue de Paris.

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ENTRETIEN AVEC KIRILL STEFANOV

Moscou n’est pas la « plaque tournante du graffiti », alors... Rencontre avec Kirill Stefanov, artiste fondateur du groupe, après le passage des artistes moscovites dans la capitale française. Vous revenez de Paris : les murs de Moscou sont trop petits ? Nous voulions y aller depuis longtemps ! Et puis oui : à Moscou, le milieu du graffiti est tout petit, même si les murs sont gigantesques. La concurrence ne mise pas sur la qualité et on ne retrouve, sur les murs de la ville, que de pâles copies des graffitis européens et américains. C’est triste, et peu stimulant. Justement, qu’avez-vous vu d’excitant à Paris ? Ce qui est particulièrement intéressant dans les capitales européennes, c’est que le monde entier vient y « poser » ses œuvres. C’est d’ailleurs vrai pour l’art conventionnel aussi. Sur les murs de Paris, on retrouve des fresques des fondateurs du graffiti américain, comme Seen, aussi bien que des œuvres de jeunes débutants. On sent que ça fourmille, que les idées fusent. Bien sûr, tout n’est pas bon mais on constate une vraie envie d’inno-

ver. Je pense que Moscou n’est pas encore cette plaque tournante du graffiti mondial. Vous avez rencontré des graffeurs français ? Oui et là aussi, tout est assez différent. À Moscou chacun est dans son coin, peignant pour soimême. À Paris, nous avons passé le week-end sur un grand terrain où des dizaines de graffeurs étaient réunis pour peindre. Tout le monde se connaissait, parlait de graffiti et de sa dernière cuite… Nous n’avons pas pu peindre à ce moment-là mais l’ambiance suffisait ! Quelle marque avez-vous laissée là-bas ? Comme nous avions prévu d’être sur place pour le 14 février, jour de la Saint-Valentin, nous avons posé des posters liés à l’amour essentiellement en banlieue parisienne. Nous peindrons peutêtre la prochaine fois mais il faut déjà être familiarisé avec le pays, ses lois, ses policiers, avant de tenter l’impossible. En Russie, on peut toujours s’arranger avec les forces de l’ordre. En France, je ne crois pas.

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groupe, penche plutôt vers l’Antiquité : « J’aime le mystère des cultures antiques, le charme des beautés anciennes ». Des références bien éloignées des basfonds de New York. En Europe ou aux États-Unis, un graffeur exposé en galerie est un « vendu ». Le Zuk Club se moque de ces conventions. Les publicités pour la banque font vivre le groupe, répondent-ils. Aujourd’hui, le collectif rassemble cinq artistes, tous vivant de leur art. Ils recouvrent ainsi de gnomes, de zèbres ou de fresques sur plusieurs dizaines de mètres des murs d’Espagne, d’Autriche ou de la République tchèque. Un peu moins ceux de Moscou. « Je voudrais séparer l’art de mes revenus. L’art pour l’art. L’argent pour l’argent », regrette Sergueï. Il veut pouvoir peindre pour rien. Et revenir aux sources de cet art urbain.

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Ils exposent à Moscou, Paris, Vienne. Leurs peintures servent également de toile de fond aux publicités d’une grande banque russe, ou sont commandées par la ville de Rome. Pourtant, les artistes du Zuk Club n’en démordent pas : ils font du « street art », pas de l’art conventionnel. En 2002, la culture hip hop déferle sur Moscou. Et pénètre jusqu’à l’école n°1220. À deux pas du métro VDNKh, trois jeunes Moscovites suivent les traces de milliers de New-Yorkais, Parisiens ou Madrilènes avant eux. Ils achètent des bombes de peinture et repeignent les rues de leur quartier. Des ennuis avec la police, ils en ont connus, comme tout graffeur. « À Moscou ce n’est pas bien grave : il suffit d’avoir un peu d’argent sur soi pour régler le problème », ironise Sergueï Ovseïkine, membre fondateur du Zuk Club. Très vite, ils reçoivent des commandes. Le père d’un ami leur propose de repeindre son garage pour quelques roubles. Tout au long des années 2000, ils peaufinent leur style. « Nous avons continué à peindre d’énormes murs illégalement puis, après avoir découvert le travail de Shepard Fairey [l’auteur de l’affiche Hope de Barack Obama, en 2008, ndlr] nous avons migré vers les posters », raconte Sergueï Ovseïkine. Une méthode qui permet de peindre à la maison et de vite coller le poster sur un mur. Ils choisissent le zèbre pour emblème, qui donnera son nom au groupe : « Zebra Uletela Kuda » (ZUK) qui veut dire « Là s’est envolé le zèbre ». En 2008, la ville de Perm leur commande une grande fresque, la première œuvre vendue par le groupe. Pour Sergueï Ovseïkine, Moscou reste à la traîne : « Tout est semblable sur les murs : les artistes moscovites ont copié le style new-yorkais et personne n’a cherché à aller plus loin ». N’ont-ils pas fait pareil ? « Non. Mes principales influences, je les ai puisées dans un livre sur l’art mondial qu’un professeur d’université m’avait prêté. C’est Rembrandt qui m’inspire, pas les graffeurs américains », poursuit-il. Kirill Stefanov, autre membre fondateur du

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Bref, nous avons collé des posters d’amour ! Pour nous, c’est le seul moyen de nous faire connaître à l’étranger : peindre, poser des posters et montrer ensuite le travail aux clients potentiels. Ils voient que nous sommes déjà venus dans leur pays et c’est un premier pas. Justement, à notre retour de Paris, nous avons décroché un contrat à Nemours en Ile-de-France, pour une grande fresque murale que nous réaliserons en mai. Propos recueillis par Benjamin Hutter


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