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Le "cover-art" belge au service du rock russe Les trois Belges de Leroy Brothers font un tabac avec une exposition de pochettes d'albums. P. 6
L'œuvre du cinéaste russe fait l’objet d’une rétrospective en Belgique. P. 6
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Bruxelles célèbre Alexandre Sokourov
Ce supplément est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Moscou, Russie) qui assume seule l'entière responsabilité de son contenu Mercredi 2 octobre 2013
Réfugiés Récit d'une famille syrienne installée en Russie, après des mois de lutte pour survivre dans l'enfer du conflit
Renouer avec la vie, après la guerre civile Quand la guerre civile a embrasé la Syrie, des milliers de familles ont été contraintes de fuir pour survivre. Certaines d'entre elles ont pu trouver un refuge en Russie. MOUNZER HALLOUM LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
La famille de Yarob est arrivée à Moscou à la fin du mois de janvier. Aujourd’hui, elle vit dans un appartement que leur a trouvé son frère et les enfants vont à l’école, mais les souvenirs pénibles restent vifs. Yarob, 39 ans, revient sur le début des troubles. Les gens sortaient dans la rue pour participer à des manifestations qui ressemblaient à des fêtes. On y emmenait les enfants, personne n’arrêtait les manifestants… Yarob lui-même n’a « pas remarqué comment un jour, subitement, on ne sait pourquoi et comment, des armes sont apparues dans l’un de ces rassemblements. On nous a expliqué que c’était pour la protection des civils. Personne n’a été tué ou arrêté dans notre village jusqu’à ce qu’une moto piégée explose près du check-point à l’entrée de AlSkelbia (20 000 habitants chrétiens). Après cela, l’armée a installé un camp près de notre village ». SUITE EN PAGE 2
© MIKHAIL SINITSYN
Starts-ups De jeunes entrepreuneurs vous simplifient le quotidien
Un gadget mobile qui peut vous sauver la vie
© KOMMERSANT
Dmitri Iourtchenko et Irina Linnick, fondateurs du "Bouton de vie".
Le "Bouton de vie" est un système de signalisation d'urgence qui stimule le secteur de la médecine mobile en Russie. Il a déjà sauvé plus de 250 vies. MARIA KARNAUH POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
L'inventeur du "Bouton de vie", Dmitri Iourtchenko, a eu l'idée du gadget qui permettrait aux proches d'obtenir une assistance médicale d'urgence en 2009 lors
de ses études à Skolkovo, une grande école moscovite. « Nous envisagions trois domaines : l'informatique, l'efficacité énergétique et la médecine », raconte Iourtchenko. L'informatique les a effrayés par la forte concurrence, l'énergie par les énormes capitaux nécessaires pour démarrer. « Nous avons opté pour la médecine : en Russie, la concurrence est faible, la fragmentation très importante et la tendance est à
l'augmentation des dépenses sur fond de vieillissement de la population et de faible niveau de compétence des médecins ». Dmitri Iourtchenko s'est associé avec Irina Linnick, sa collègue au MBA de Skolkovo. Le stage d'études est tombé à pic. Deux mois aux États-Unis, pays leader en médecine mobile, ont bien servi. Au final, les entrepreneurs débutants se sont arrêtés sur l'idée du "Bouton de vie". Il devait devenir le premier système de signalisation médicale en Russie, un outil électronique permettant aux personnes âgées et aux handicapés d'appeler facilement une assistance médicale. Le service comporte deux éléments : le gadget et un centre d'assistance. C'est un pendentif, un bracelet ou un téléphone mobile. Son prix varie entre 67,5 et 232,5 euros. Le dispositif transmet un signal d'urgence au centre d'assistance, où les opérateurs sont médecins. Le dispositif est destiné aux personnes âgées, mais la cible prioritaire sont les personnes qui vivent séparément de leurs parents âgés et veulent être rassurés. La Russie compte plus de 18 millions de personnes âgées. Chaque année, 3 millions d'entre eux sont victimes d'incidents et ne parviennent pas à prévenir les secours ; 1,5 million oublient leur adresse et 2,4 millions sont incapables d'appeler une ambulance. SUITE EN PAGE 4
De glace et de feu
En Corée du Nord
L’une des plus vastes étendues sauvages du monde, la péninsule du Kamtchatka est célèbre dans le monde entier pour ses volcans, ses ours, sa nature intacte et ses paysages stupéfiants.
Le transsibérien possède depuis le 22 septembre une extension vers le pays le plus fermé du monde. Non pas pour y transporter des touristes. Plutôt pour exporter du charbon. Et pour faire la nique aux Chinois.
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© IGOR SHPILENOK/FOCUS PICTURES
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Réquisition pour motif politique dans une galerie de Saint-Pétersbourg
La vibrante Russie racontée autrement ! larussiedaujourdhui.be/art Inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire sur www.subscribe.larussiedaujourdhui.be/subscribe et recevez des nouvelles de Russie directement dans votre boîte mail ! Suivez-nous sur Facebook et partagez votre avis sur les sujets d'actualité.
02
LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE SUPPLÉMENT RÉALISÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA ET DISTRIBUÉ AVEC
International
Coopération Commerce ou diplomatie ?
Souvenirs de guerre de réfugiés syriens Inopinément, les combattants issus des Frères musulmans ont commencé à tirer tous les jours en direction du camp militaire. Ils ignoraient les demandes des habitants de ne pas utiliser leurs maisons pour mitrailler l’armée. « Un jour j’étais dans ma pharmacie et un homme armé est entré. Je lui ai dit : vous dites que vous avez pris les armes pour protéger les civils, mais alors pourquoi vous nous utilisez comme des boucliers vivants, vous tirez à partir de maisons dans lesquelles vivent des gens. Bien sûr, il ne m’a rien répondu. Mais le lendemain, une fusillade a éclaté entre l’armée et les combattants et un enfant de trois ans a été tué. C’était la première victime civile », raconte le pharmacien. Son épouse Suzanna se mêle à la conversation : « Il y avait une pièce dans notre maison que nous utilisions comme refuge. Nous avons été obligés de quitter la maison et une semaine plus tard, un obus est tombé précisément sur cette pièce. Mais là où nous avons fui la guerre, elle nous a rattrapée ».Yarob et sa famille ont d’abord loué un appartement dans une région plus sûre, et puis ont déménagé à Al-Skelbia. Yarob se rappelle ce qui est arrivé à leurs amis et proches : « Deux amis se sont disputés, l’un était dans l’armée libre, l’autre dans l’armée régulière. Résultat : celui de l’armée régulière a tué celui de l’armée libre. Le frère de celui qui a tué soutenait l’armée libre en lui versant 4 500 d'euros par mois ». Par la suite, raconte
© RIA NOVOSTI
SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
Cérémonie d'inauguration sur le terminal portuaire de Rajin.
Le transsibérien s'étend jusqu’en Corée du Nord Les Chemins de fer Russes (RZD) ont inauguré le 22 septembre une ligne reliant la Russie au terminal portuaire de Rajin, en Corée du Nord. Un projet plus politique que commercial. Les deux fils de la famille Rachid sur un terrain de jeu à Moscou.
"La terreur qu'éprouvaient nos enfants et notre crainte pour leur sécurité me poussait à fuir" "Nous aimerions tant rentrer au pays. Mais c'est impossible. Nous avons demandé le statut de réfugiés"
Des femmes russes devenues otages de la guerre
Dans la salle de sport où je m'entraînais, le propriétaire a refusé de prendre de l'argent russe car la Russie a mis son veto à toutes les résolutions anti-syriennes. Au centre culturel, où je donnais des cours de russe, les relations envers moi se sont même améliorées, elles sont devenues encore plus respectueuses. Les gens ont des avis différents, des points de vue divergents, c'est pourquoi nous ne parlions pas de politique avec mes amis. Mais d'un autre côté, j'ai cessé d'aller en ville seule, du moins dans les quartiers sunnites. Elena, MÈRE DE DEUX GARÇONS, VIT À LATTAQUIÉ : © ELENA POCHETOVA
Nadejda avec l'une de ses filles dans une rue de Moscou.
MUNZER HALLUM LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
NADEJDA, MÈRE DE DEUX FILLES, VIVAIT À LATTAQUIÉ :
L'attitude des Syriens envers moi n'a pratiquement pas changé, mais la vie a radicalement changé : la journée commence et se
PAUL DUVERNET LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Suzanna, la maison de ce frère, son usine de lait, la maison de son fils et quelques boutiques ont été brûlées, comme cinq autres maisons de ses parents les plus proches. « La maison de mon oncle qui n’y était pour rien dans cette histoire a été incendiée. Et le magasin aussi. Et la maison de ma tante, et la pharmacie ». C’était l’une des plus grandes pharmacies du district de Hama. Il y en avait pour 225 000 d'euros rien qu’en alimentation pour enfants. Le propriétaire a proposé 52 500 d'euros pour sauver son commerce. On lui a pris
Témoignage Le versant féminin du conflit
Tout a changé en Syrie : la vie quotidienne, le rapport à l'avenir et les perspectives d'avenir. Des épouses russes de maris syriens relatent leur expérience du conflit.
© MIKHAIL SINITSYN
termine par les bulletins d'informations. Aujourd'hui, il n'est pas question de vie, mais de survie. Cependant, si avant j'aimais le pays, je suis aujourd'hui tombée amoureuse d'un peuple qui s'oppose au mal. Si le gouvernement Assad chute, il n'y aura pas d'avenir à court terme, ni pour moi, ni pour ma famille, ni pour le peuple syrien. LARISSA, MÈRE DE DEUX ENFANTS, AYANT VÉCU SUR LA CÔTE, ELLE VIT DEPUIS UN AN DÉJÀ EN RUSSIE :
Dans mon lycée, on a remercié la Russie pour son aide et dans certains magasins, on a tenté de me donner des produits gratuitement. C'est un peuple émotif... Mais d'un autre côté dans les magasins des quartiers sunnites, quand la Russie a utilisé son veto pour la première fois, un jeune vendeur m'a demandé : « D'où viens-tu ? ». J'ai répondu que j'étais Russe, il m'a regardée avec un sourire et m'a dit : « Bon, allez, tu n'es pas responsable... » À chaque rencontre, et dans toute conversation, les sujets de discussions sur ce qui arrive dans le pays surgissent, parfois sur des tons très chargés, car le stress, la peur, la douleur ou juste un sentiment d'incertitude constante sont dans l'air, mais nous avons appris à vivre avec.
l’argent, mais la pharmacie a quand même été incendiée. Après cet incident, les habitants de la ville ont décidé de faire grève et ont fermé toutes les pharmacies pour une journée. « Moi aussi j’ai fermé boutique, mais on m’a prévenu : si tu ne l’ouvres pas, elle sera incendiée », raconte Yarob. C’est ce qui s'est passé avec les autres pharmacies, où des grenades ont été balancées. La situation empirait. Trois fois la maison des Rachid a été touchée par des obus, avant qu’ils ne quittent le pays, et deux fois après qu’ils se sont retrouvés en Russie. « Ça tirait tout le temps », se souvient Suzanna. En regardant son deuxième fils, elle se rappelle qu’avant la guerre, il se rendait tout seul chez son grand-père, même quand il faisait déjà nuit. Maintenant il a peur d’aller aux toilettes sans se faire accompagner. Quand un feu d’artifice a détonné à Moscou à l’occasion d’une fête, les enfants ont cru que la guerre recommençait. La famille Rachid n’est pas la seule à avoir décidé de fuir : « Près de 65% des habitants ont quitté notre district, en direction de la Turquie ou d'ailleurs en Syrie. Beaucoup d’entre eux n’avaient ni passeports, ni argent ». Tout a disparu dans la ville natale deYarob : nourriture, eau, électricité. Suzanna s’est mise à fabriquer du pain à la maison, mais la farine est devenue hors de prix. « Il est arrivé que nous passions trois jours sans manger une miette. Il faisait très froid l’hiver. Une fois, une fusillade violente a commencé. Nous nous sommes cachés dans le couloir, assis sur le sol en pierre. Nous étions gelés mais il était impossible d’aller chercher des vêtements chauds car les balles traversaient nos fenêtres sans cesse », raconte Suzanna. Malgré tout ce qu’il a traversé, Nasser continue d’avoir des préoccupations d’enfant : « Je ne connais personne ici… Mes amis Ibrahim, Mahmoud, Rachid me manquent... ». « Moi, tonton et grand-père me manquent », lâche le fils cadet. Yarob secoue la tête : « Le plus important pour moi maintenant est d’obtenir un permis de travail. Comment vivre sans travail ? Mais notre situation est tout de même mille fois meilleure que celle des autres ».
Le fameux transsibérien n’a été allongé que de 50km, mais c’est un tronçon peu ordinaire. Une incursion dans le pays le plus fermé du monde. Le président de RZD Vladimir Iakounine s’est personnellement déplacé pour l’occasion et a été accueilli par son homologue Jeong Gil Su, ministre des Chemins de fer de la RPD de Corée du Nord. Il s’agit en effet de sortir le petit pays de son isolement complet : diplomatique et économique. En revitalisant un lien ferroviaire construit lorsque les deux pays partageaient la même idéologie communiste, Moscou signale aussi au monde entier, et au puissant voisin chinois en particulier, qu’elle redevient un canal d’influence en Corée du Nord. Rappelons qu’à cause de la minuscule jointure (10 km) entre la Russie et la RPD, toute la région chinoise de Harbin est privée d’accès à la mer. RZD et le ministère des Chemins de fer coréens ont conjointement investi 207,5 millions d’euros dans la reconstruction de la ligne (126,8 millions) et dans le port de Rajin (80,7 millions). Une société commune, RasonKonTrans, a été créée pour opérer la ligne. RasonKonTrans a signé un bail de location des chemins de fer sur le tronçon Tumangang (ville située à la frontière
avec la Russie) - Rajin avec le Ministère des Chemins de fer de RPD de Corée du Nord, pour une durée de 49 ans. La reconstruction a concerné 54 km de voie ferroviaire combinée de rails 1435 (format nord coréen) et 1520 mm (format russe), des ouvrages d'art ont été construits : 18 ponts, 12 ponceaux tubulaires et trois tunnels d'une longueur totale de plus de 4,5 kilomètres. Des équipements modernes de signalisation, de centralisation, de blocage et de communication, ont été mis en place. Le tronçon n’est pas destiné à transporter des voyageurs du transsibérien, mais des marchandises. À l’heure actuelle, le port de Rajin n’est équipé que pour transborder du charbon (à une capacité de 4 millions de tonnes par an). Dans un second temps, Vladimir Iakounine estime qu’un terminal destiné aux containers sera construit. Il s’agit donc d’exporter du charbon russe vers la Chine via la Corée du Nord. « C’est un projet essentiellement politique », admet en catimini un dirigeant de RZDStroi, la filiale de RZD qui a reconstruit la ligne. Présents lors de la cérémonie d’inauguration, une poignée de diplomates occidentaux partageaient entièrement cet avis. « C’est évidement un geste positif qui signale le regain d’intérêt de la Russie pour cette région », confie un diplomate européen préférant garder l’anonymat. Reste à savoir si le voisin chinois verra un intérêt à acheter du charbon russe passant par cette voie.
EN BREF
AFFAIRES À SUIVRE
L'OTAN se réunira à Bruxelles Fin septembre, le général Knud Bartels, président du Comité militaire de l’OTAN, a annoncé la réunion des ministres de la Défense des 28 pays membres de l’OTAN à Bruxelles les 22 et 23 octobre. Comme annoncé précédemment, en marge de cette réunion des ministres de la Défense, une session du Conseil OTAN - Russie pourrait réunir les chefs des départements militaires pour une rencontre qui n’a pas été convoquée depuis deux ans. Sergueï Choïgou, ministre de la Défense russe, devrait participer à la réunion.
BE-LUX-RU COMMISSION MIXTE LE 13 NOVEMBRE, PALAIS D’EGMONT - BRUXELLES
À l'agenda, la discussion du programme de coopération entre les partenaires russes, belges et luxembourgeois pour les 3 prochaines années. Dmitri Rogozine, vice-Premier ministre russe, sera présent, accompagné d’une délégation de 20 entrepreneurs. › www.ccblr.org TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE
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Régions
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Voyage La péninsule du Kamtchatka, dans l'Extrême-Orient russe, est l’une des dernières zones totalement sauvages du monde
Terre de glace et de feu
GUIDE
Les volcans du Kamtchatka Ploski Tolbatchik © ITAR-TASS
Ploski Tolbatchik abrite un cratère de 3 kilomètres et est entouré de forêts dont la végétation a été détruite par les éruptions successives.
Klioutchevskoï © ALAMY/LEGION MEDIA
© GEOPHOTO
L’isolement de la région et son manque d’infrastructures constituent à la fois une bénédiction et une malédiction.
La péninsule du Kamtchatka, une des plus des grandes étendues sauvages au monde, offre aux intrépides voyageurs une gamme de paysages vierges sans équivalent au monde. AJAY KAMALAKARAN POUR LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Le mot Kamtchatka évoque des images de sources bouillonnantes, de myriades de volcans enneigés et de rivières sauvages regorgeant de saumon en été et cachées sous des couches de glace et de neige en hiver. La péninsule du Kamtchatka, une plus des grandes étendues sauvages au monde, est située sur la ligne de changement de date. Certaines parties de cette péninsule longue de mille kilomètres étant encore très sauvages, ses habitants n’hésitent pas à dire affectueusement que le Kamtchatka n’a pas de routes... seulement des directions. L’isolement de la région et son manque d’infrastructures constituent à la fois une bénédiction et une malédiction. La nature du Kamtchatka reste en grande partie inaccessible au tourisme de masse. Il est quasiment impossible pour un voyageur seul (et au budget limité) d’y voyager sans solliciter une agence.
Petropavlovsk a été fondée dans les années 1740. Située sur la baie d’Avatcha, la ville offre de formidables vues sur deux volcans et plusieurs sommets enneigés. La capitale de la région reste cependant un bon point de départ pour les excursions dans les autres sites de la péninsule, dont beaucoup ne sont accessibles que par hélicoptère. Si vous ne disposez pas de beaucoup de temps, les volcans Avatchinski et Koriakski, visibles depuis Petropavlovsk, sont les plus faciles à visiter. Une personne ayant une bonne condition physique met environ six heures pour arriver au sommet de l’Avatchinski, qui culmine à 2 741 mètres d’altitude, alors que le Koriakski (3 456 mètres) se montre plus exigeant : il faut au moins douze heures aux randonneurs les plus en forme pour atteindre son pic. Comme souvent en ExtrêmeOrient russe, le temps change aussi vite que l’humeur d’une jolie femme et les orages peuvent venir de nulle part un matin ensoleillé d’août. Mais les vues de la mer, les paysages verts luxuriants et certains des espaces les plus sauvages au monde méritent d’y consacrer du temps, de l’énergie et de la patience. Si vous faites
À CHEVAL 2 euros pour une promenade à poney ou à cheval
Il est possible de faire une balade à cheval ou en poney dans le parc d'Izmaïlovo, qui dispose de sa propre écurie. Les promenades ont lieu tous les samedis, les weeks-ends et les jours fériés de 11h à 12h. Deux équipages travaillent dans la partie nord et centrale du parc.
C'est le plus haut volcan actif d'Eurasie (4 850 m). Au cours des 270 dernières années, il s'y est produit plus de 50 éruptions violentes.
Pour s’y rendre Depuis Bruxelles, le vol via Moscou vers Petropavlovsk-Kamtchatski dure 15 heures et démarre à 730 euros aller/retour. Il n'existe pas de liaison ferroviaire, mais des croisières desservent le Kamtchatka.
Koriakski © ALAMY/LEGION MEDIA
Où se loger Doté d'un restaurant et d'une petite bibliothèque, Petropavlovsk Hotel est situé dans la partie nord de la ville. 5 Stars Apartments offre des chambres avec une vue panoramique sur les volcans.
Quelles agences ? Terres d'aventure (www.terdav.com) propose un circuit de 14 jours avec un guide local français et prend tout en charge. Sinon, vous avez le choix entre deux agences à Petropavlovsk : Explore Kamchatka (www.explorekamchatka.com), The Lost World (www.travelkamchatka.com). Elles proposent une large gamme de circuits.
À VÉLO 20 euros pour la location d'un vélo
Louer des vélos dans Moscou n'a rien d'exceptionnel, mais de véritables excursions à vélo n'ont été mises en place que récemment. Plusieurs clubs de passionnés de vélo organisent des excursions allant de la simple balade à la course d'orientation, avec ses missions et ses véritables aventures dans le centre de Moscou. Les tarifs et les horaires des excursions sont disponibles en plusieurs langues sur le site www.moscowbiketours.ru.
© GETTY IMAGES/FOTOBANK
tout le voyage jusqu’à la péninsule, n’hésitez pas à y consacrer quelques semaines. Aucun voyage dans la péninsule ne serait complet sans une visite de la vallée des geysers. La vallée de la rivière Geysernaïa fait partie de la réserve naturelle de Kronotski d’où jaillissent de la vapeur, de l’eau et de la boue. La zone offre plusieurs circuits de randonnées et il est assez facile d’explorer une majeure partie de la vallée en une journée. L’accès à cette zone est néanmoins onéreux. Elle se trouve en effet à 200 kilomètres de Petropavlovsk et
EN TROLLEYBUS 2 euros pour une excursion d'une heure
Sur la ceinture des jardins entourant le centre historique de la ville, on peut apercevoir des trolleybus peu ordinaires qui, pendant le voyage, invitent leurs usagers à chanter à l'aide de guitares les chansons de célèbres interprètes. Après le concert, le trolleybus bleu effectue un retour à la normale - on remballe affiches, micros et hauts-parleurs - et on le renvoie au dépôt. Les horaires des excursions sont disponibles sur le site du "siniï trolleybus" (www.sin-troll.ru, en russe) ou par téléphone au +7 (499) 760-21-56, +7 (926) 215-48-49.
l’hélicoptère constitue presque le seul moyen de s’y rendre. Le trajet vous coûtera facilement 450 euros. Pour visiter Tolbatchik, l’un des endroits les plus isolés et extraordinairement beaux de la péninsule, il vous faudra pénétrer une des forêts les plus denses au monde et vous déplacer en bateau sur la rivière.Les environs du Tolbatchik, toujours actif, sont très similaires au paysage de la Lune. C’est pourquoi l’Union soviétique y a testé son véhicule lunaire avant de l’envoyer dans l’espace.
EN LOCOMOTIVE RÉTRO 17 euros le voyage
Partir en voyage sur le petit anneau ferroviaire cerclant Moscou à bord d'une locomotive à vapeur, c'est possible. Départ de la gare de Riga d'où s'en va une rame conduite par une véritable locomotive à vapeur de la fin du XIXe siècle. Vous pourrez admirer le monastère de Novodievitchi, voir Moscou City, VDNKh et le jardin botanique. Des précisions concernant les horaires, la durée et le trajet exact de l'excursion sont disponibles sur le site spécialement dédié aux trains rétros : www.retropoezd.ru (en russe). Les excursions ont lieu habituellement le week-end, mais il est possible de réserver en semaine par téléphone au +7 (495) 608-01-58.
En 1996, ce volcan a été ajouté à la liste des 16 volcans qui, de l'avis de l'ONU, doivent être tout spécialement étudiés.
Moutnovski © RIA NOVOSTI
Ce volcan, un des plus grands du sud du Kamtchatka. Il atteint 2323 m d'altitude. Le cratère central mesure 2 km sur 1,5 km.
EN TRAMWAY RÉTRO À partir de 2,5 euros pour 15 minutes de trajet et jusqu'à 120 euros pour une heure de location
L'histoire d'Annouchka commence en 1911 quand les rues de la capitale virent défiler le premier tramway électrique. Le trajet A (surnommé Annouchka par ses passagers) traversait alors le centre ville de Moscou. Après plusieurs années, Annouchka s'est vu dotée de son propre café directement à l'intérieur du tramway : aujourd’hui, on peut y arpenter Moscou tout en profitant d'une délicieuse collation. Le vieux tramway circule sur de multiples lignes dont l'une des plus populaires s'étend entre les gratte-ciels staliniens du sud-ouest et les monuments à la gloire de l'Empire Russe dans le centre historique.
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Économie
Des start-ups qui changent la vie teuses. Le projet sera présenté en intégralité sur le site larussiedaujourdhui.be à la fin de l'année. Ce sont de nouveaux visages du management russe, entrepreneurs et innovateurs.
Les principaux critères évalués sont les qualités professionnelles et personnelles des jeunes entrepreneurs et l’importance de leur activité pour la communauté d’affaires russe et inter-
Deux ans et demi après le lancement du projet, Iourtchenko est certain que son entreprise a dépassé le statut d'une start-up. Les services de la société sont proposés dans 7 villes russes, notamment à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Actuellement, la société emploie 24 personnes. « La colonne vertébrale de l'entreprise, ce sont moi (directeur général), Irina Linnick (co-fondatrice, directrice commerciale), Maria Karaban (directrice du développement régional) plus trois autres personnes responsables des relations avec les partenaires et des ventes, Kuan Nguyen (directeur technique) plus quatre spécialistes techniques. Les autres sont des opérateurs du call-center et des collaborateurs dans les régions », explique Iourtchenko. Les fondateurs affirment que les profits à court terme ne sont pas leur principal objectif. Ils veulent lancer une industrie dont l'idée principale est d'assurer la sécurité des proches. « J'ai une raison d'être fier : qui peut se vanter d'avoir sauvé ne serait-ce qu'une vie humaine ? Nous en avons sauvé 250. Nous sommes à l'origine d'une industrie qui aide les gens ». La société prévoit une expansion sur tout le territoire russe via une simplification du service. Iourtchenko croit que c'est le moyen optimal d'augmenter la capitalisation de sa société. La société envisage aussi une expansion internationale. Bouton de vie travaille sur un service global de monitoring du poids et de l'activité humaine. Une autre niche qui intéresse les entrepreneurs : les parents d'enfants en bas âge, avec un gadget spécifique.
Bouton de vie : l'aide médicale en un clic Bouton de vie Depuis le lancement et en six mois seulement, le nombre de points de vente de téléphonie commercialisant le Bouton de vie a été multiplié par 100 pour passer de 5 à 500. Le Bouton est commercialisé dans sept villes, notamment à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Le projet est finaliste du concours des start-ups organisé par Forbes, c'est le « Meilleur projet à caractère social » en 2011 et 2012.
© KOMMERSANT
Irina Linnick avec un exemple de "gadget" signé Bouton de vie. SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
Le projet a été lancé en un an, neuf mois ont été consacrés à l'élaboration du projet et aux essais des canaux de distribution. Durant cette période, les associés
lèvent 375 000 euros de financements. « Irina Linnick et moimême avons investi le capital initial (15 000 euros environ), puis nous avons emprunté 75 000 euros à un ami et ensuite nous avons fait appel au fonds d'investisse-
ment à risque Venture Angels », raconte Iourtchenko. Puis, les entrepreneurs récoltent 875 000 d'euros auprès d'un investisseur stratégique, le groupe IT. Au total, ils lèvent 1,5 millions d'euros. Sa société s'évalue aujourd'hui à 7,5 millions d'euros, sur la base des dernières prises de participation au capital. Il y a eu des difficultés, mais les créateurs de la start-up ont leur propre approche des problèmes qui leur a empêché de baisser les bras. « Quand on lance une entreprise, on a un gros problème : on veut une grande entreprise qui réussit, et on n'en a pas. Alors, on divise ce problème en plusieurs composantes et on le résout », sourit Iourtchenko.
nationale. Nous vous présentons en avant-première trois "jeunes pousses" ayant déjà fait leurs preuves sur leur marché natal et qui attaquent déjà leur expansion internationale.
Workle : 400 emplois créés en 4 ans d'existence une personne s’inscrit sur le site, reçoit un poste dans un bureau en ligne et devient représentant d’une ou de plusieurs sociétés partenaires de la firme. Elle peut alors vendre des articles ou des services de ces entreprises sur internet et percevoir un pourcentage. L’entreprise oeuvre dans trois secteurs : les services bancaires, l’assurance et le tourisme. D’ici la fin de cette année, près de vingt autres domaines seront également proposés, comme la vente, les centres d’appels et le secrétariat. Workle envisage une expansion internationale, avec d'abord l'Ukraine et le Kazakhstan, puis l’Inde et le Brésil.
Workle propose à ceux qui le souhaitent de travailler à distance pour de grandes entreprises des secteurs de l’assurance, des services bancaires et du tourisme. TATIANA GLAZKOVA LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Vladimir Gorbounov a eu l’idée de lancer ce projet innovant en juillet 2009 alors qu'il recrutait des travailleurs à domicile via Internet. Le fondateur de Workle et ses compagnons avaient pour cela besoin d’investisseurs, ce qui n’était pas facile à trouver. 370 000 personnes sont désormais inscrites sur le site, et certaines d’entre elles gagnent à distance plusieurs milliers d'euros par mois. Cette start-up est en plus tout-à-fait légale, à la différence de plusieurs autres sites pour indépendants : Workle a un statut d’employeur et signe des contrats avec les prestataires. Elle devient ainsi leur agent fiscal et permet de travailler pour des sociétés connues, sur le principe de la sous-traitance. La composante sociale est importante : c'est un outil très pratique pour les handicapés et les mères d'enfants en bas âge. Le concept de Workle est simple :
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La Russie d'Aujourd'hui et la société de conseil Ward Howell ont sélectionné fin septembre 30 entrepreneurs russes de moins de 30 ans ayant fondé les start-ups les plus promet-
Marre des plats décevants ? Le site Dish.fm a la solution
MARIA KARNAUKH POUR LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Tout a commencé au cours d'un mémorable déjeuner dans un restaurant de San Francisco réunissant les trois fondateurs de Dish.fm – Diliara Mingalieva, Andreï Sourine et Jeanna Charipova. Un repas... excécrable ! « Au cours du repas, une idée nous a traversé l'esprit : pourquoi ne pas
lancer un service qui aiderait les utilisateurs à naviguer sur les cartes de restaurants ? », raconte Diliara. « Évaluer non pas les restaurants, mais les plats. Et, outre les réactions, ajouter à chaque plat des photos ! Quant aux utilisateurs, qu'ils puissent donner des notes, indiquant s'ils ont apprécié les pâtes ou la viande ». À peine une semaine plus tard, les trois entrepreneurs passent à table. Ils ont de la chance : au moment même le fonds russe Farminers lance un programme de soutien aux start-ups. Les trois entrepreneurs parviennent à convaincre le fonds. Le lendemain,
Modèle d'affaires La start-up a remporté le concours Global Start-up organisé dans le cadre de la conférence GMIC Silicon Valley, puis a décroché le prix de Russian Startup Awards 2013 de The Next Web dans la catégorie « Meilleur style ». L'application est téléchargeable gratuitement. Pour l'instant seulement en anglais. Les revenus viennent des restaurants prêts à payer pour certains services, comme la distribution de notifications aux utilisateurs.
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Dish.fm est le TripAdvisor des gourmets : une application mobile au contenu généré par les utilisateurs, dont le nombre dépasse déjà les 50 000 personnes.
ils reçoivent 111 000 euros de financement, et une semaine plus tard, ils déménagent au bureau de Farminers Startup Academy. « La première version du projet, celle employant du contenu généré par les utilisateurs, a été lancée aux États-Unis, à SanFrancisco. Mais nous nous sommes retrouvés face à un problème : pour couvrir complètement San-Francisco et ses 5 000 restaurants, nous aurions du collecter près de 500 000 commentaires. En moyenne, il nous faut les réactions sur dix plats par restaurant, dix commentaires pour chaque plat », raconte Di-
liara. Des services comparables comme TripAdvisor ont pris quelques années pour le faire. Dish.fm a trouvé une solution en agrégeant les millions d'avis déjà existant sur le Web. Pour promouvoir le projet, les fondateurs ont eu recours à des sites thématiques. Ils forment des partenairiats avec des bloggeurs crit i qu e s g a s t ro n o m i qu e s e t journalistes de mode. La priorité est désormais de fidéliser les utilisateurs et de porter leur nombre à 150 000. Dish.fm couvre déjà tous les restaurants américains et veut devenir le géant global de l'e-gastronomie.
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LA CARTE DIPLOMATIQUE RUSSE
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Richard Sakwa POLITOLOGUE
algré les efforts queVladimir Poutine a déployés dès les premiers jours de sa présidence pour « normaliser » les relations entre la Russie et l’Ouest, ces relations restent fondamentalement anormales. Pour le président russe, la définition de la « normalité » était simple, à savoir que la Russie ne devait plus être traitée comme un cas à part, mais uniquement comme tout autre pays souverain et indépendant. À cette fin et à la première occasion venue, Poutine remboursa le gros de la dette souveraine et mit fin à différentes formes de dépendance accumulées depuis les années 1990, notamment vis-à-vis du Fonds monétaire international. Parallèlement, il accéléra le processus d’intégration, à la traine sous Eltsine, intensifiant les relations avec l’Union européenne et, après les attentats du 11 septembre 2011, s’efforçant de créer un partenariat « entre égaux » avec les États-Unis.
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Toutefois, il fut rapidement évident que cette stratégie de la « normalisation » serait vouée à l’échec. La Russie n’a pu devenir une grande puissance comme une autre, en partie parce qu’elle a dû accepter en 1991 les fortes exi-
Après la Guerre froide et au-delà de la « paix froide », la Russie peut se repositionner dans un rôle constructif gences politiques liées au processus qui en font un État-Nation, et en partie parce qu’elle s’est identifiée elle-même comme un État européen et un membre clé de la communauté internationale des nations. Du fait des contradictions systémiques et identitaires qui perdurent en Russie, les relations de ce pays avec le monde occidental continueront d’être entachées par des éléments « anormaux » pour un bon moment. L’accep-
tation de la Russie au sein de la communauté transatlantique s’est révélée problématique depuis le début, comme en témoigne l’évocation par le président Boris Eltsine de la « paix froide » dès décembre 1994. L’une des carac-
Obama et Poutine comprennent qu’il n’existe aucun fossé idéologique entre la Russie et l’Occident téristiques de ce syndrome de la paix froide est le langage absurde de « redémarrages » et de « pauses » dans la relation américano-russe. Ce langage est la mesure du chemin qu’il reste à parcourir avant que des relations normales ne puissent être établies. L’heure est venue de faire preuve d’une plus grande maturité de part et d’autre. Pour l’Occident, une relation forte avec la Russie est essentielle pour des rai-
sons stratégiques, économiques ou simplement diplomatiques. Bien que de nombreux sénateurs et activistes de la société civile cherchent à sortir de l’ombre en tapant sur la Russie, et qu’ils en tirent un bénéfice politique non négligeable, ce jeu est stérile et dangereux. Le drame de ces dernières années est que l’Union européenne n’a pas été capable de se doter d’une voix à part pour se faire entendre parmi les pricipaux représentants des nations européennes, et pour jouer un rôle de médiation dans la transformation de la communauté transatlantique. Bien que l’Europe dispose d’une voix propre, son incapacité à s’opposer aux errements de la puissance américaine dominante au sein de l’hégémonie occidentale sur un certain nombre de sujets, notamment la guerre en Irak, a sapé sa crédibilité en tant que puissance normative. C’est bien sûr l’occasion pour la Russie de relever le défi, et plutôt que de renforcer la marginalité dans laquelle ses adversaires voudraient la confiner, d’intervenir de manière constructive pour contribuer à résoudre certaines des impasses qui sont le fait de l’Occident lui-même. La soumission de type britannique à l’hégémonie américaine ne rend pas service. Il est du devoir d’un ami de signaler leurs erreurs à ses amis. Plutôt que d’être perçue comme un fauteur de troubles, la Russie peut ainsi se repositionner comme fournisseur de solutions. Ce sera peut-être le cas en Syrie. Obama et Poutine comprennent, l’un comme l’autre, qu’il n’existe aucun fossé idéologique fondamental entre la Russie et l’Occident ; il est donc déplacé de parler d’une nouvelle Guerre froide. Pour autant, les tensions existent bel et bien et elles favorisent une atmosphère de « paix froide ». De la Syrie à Snowden, la liste des sujets sur lesquels la Russie a sa propre analyse est sans fin. Bien qu’un lanceur d’alerte ne soit naturellement pas du goût de Poutine, le pays dispose de bases normatives lui permettant d’accorder à Snowden l’asile politique, ne serait-ce que pour un an. De la même manière, l’analyse russe de la crise en Syrie est, depuis le début, plus juste que celle des puissances occidentales. La principale source de l’influence que la Russie peut exercer aujourd’hui réside dans un rôle de force modératrice en politique internationale. L’Occident s’est mis en difficulté sur un certain nombre de fronts ; la Russie peut servir d’intermédiaire dans la recherche de solutions aux conflits et contradictions de la politique occidentale. Richard Sakwa est professeur spécialiste des politiques russe et européenne à l’Université du Kent (Angleterre).
LU DANS LA PRESSE SATISFAITS DU MAINTIEN D'ANGELA MERKEL
Sans surprise, la formation d’Angela Merkel, la CDU, a remporté les élections allemandes du 22 septembre, permettant à la chancelière d’accéder à un troisième mandat. Elle entend désormais former une coalition afin de gouverner à la majorité absolue au Bundestag. La presse russe brosse des portraits laudateurs de la « Dame de fer » allemande et voit en sa réélection non seulement une chance pour l’Europe, mais aussi pour la Russie. Préparé par Étienne Bouche
UN GAGE DE STABILITE POUR LES ANNEES À VENIR
DES SOCIAUX-DÉMOCRATES JUGES PRAGMATIQUES
DES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES COMMUNS
Ekaterina Kravtsova
Maria Gorkovskaïa IZVESTIA / 23.09 Les conservateurs et les sociauxdémocrates (SPD) ont déjà été au pouvoir de 2005 à 2009. C’est de cette nouvelle coalition, la plus vraisemblable selon les experts, que dépend aujourd’hui le rapprochement entre Berlin et Moscou. Les deux formations défendent l’idée de nation et partagent le même esprit. La politique étrangère les rapproche, notamment la volonté de renforcer les partenariats avec la Russie et l’aspiration à jouer un rôle de médiateur international. Les sociaux-démocrates sont traditionnellement reconnus pour leur politique orientale pragmatique. Ils pourraient notamment mener ce processus de rapprochement entre la Russie et l’UE.
Fiodor Loukianov RIA NOVOSTI / 24.09 La réélection de Merkel n’entraînera certainement aucun changement pour la Russie, bien que l’on ne sache pas encore qui intégrera la coalition avec les chrétiens démocrates. Moscou a toujours coopéré en bonne intelligence avec les sociaux-démocrates. Bien sûr, une potentielle alliance avec les Verts réjouirait moins le Kremlin, ce parti prêtant une attention particulière aux problèmes des droits de l’Homme et des minorités. Dans tous les cas, les relations russo-allemandes sont solides, fondées sur des intérêts économiques communs qui ont traversé toutes les perturbations depuis les années 1960. Des changements radicaux paraissent de fait improbables.
THE MOSCOW TIMES / 24.09
La victoire d’Angela Merkel devrait assurer la stabilité des relations russo-allemandes pour les quatre années à venir. Dans le programme de son parti, Merkel a loué les relations « de bon voisinage » avec la Russie et plaidé pour un nouvel accord de partenariat entre la Russie et l’Union européenne, pour davantage de coopération entre les citoyens des deux pays ainsi que pour de nouvelles avancées en vue d’un régime sans visa pour les entrepreneurs, étudiants et universitaires. Même si Merkel continue de s’exprimer sans détour sur les problèmes des droits de l’Homme en Russie, les experts estiment que cela n’aura pas d’impact sur les affaires entre les deux pays.
Opinions
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L'AFGHANISTAN EN CRISE EN 2014 ? Mikhail Rostovski RIA NOVOSTI
es experts craignent des troubles sérieux en Afghanistan l'année prochaine. Le ton de l'ancien ambassadeur de France à Kaboul, Bernard Bajolet, est alarmiste : « Je ne parviens pas à comprendre comment la communauté internationale et le gouvernement afghan aboutissent à une situation où tout doit se régler simultanément en 2014 ». Le retrait des troupes américaines de l'Afghanistan. Les élections présidentielles. La transition vers un nouvel ordre économique où l'Afghanistan devra plus compter sur ses propres capacités et moins sur l'aide des donateurs internationaux. « Et tout cela, ajoute l'ambassadeur, doit avoir lieu alors que le processus de paix n'a en réalité pas démarré ». L'année 2014 s'annonce difficile pour l'Afghanistan, comme d'ailleurs pour ses voisins. Néanmoins, poursuivre sur la même voie que celle que l'on connaît en Afghanistan depuis 2001 n'est pas une solution non plus. La politique afghane nécessite un puissant bouleversement. C'est sa seule chance pour pouvoir prétendre à un avenir meilleur. Savez-vous qu'en 1977, l'Afghanistan était l'une des destinations touristiques les plus populaires au monde ? Des paysages montagneux stupéfiants, les prix bas et la sécurité du pays attiraient des foules de touristes étrangers. Puis, la combinaison de deux facteurs, l'aventurisme et l'incompétence du gouvernement afghan et l'impuissance des nations sur lesquelles s'appuyait ce gouvernement, a joué son rôle. Premier acte. Avant la révolution afghane de 1978, les représentants soviétiques essayaient par tous les moyens de convaincre les marxistes locaux de ne pas
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organiser une révolution socialiste dans le pays. La société afghane féodale n'y était pas prête ! Les chefs du Parti démocratique populaire de l'Afghanistan ne les ont pas écoutés et n'en ont fait qu'à leur tête. Ils étaient persuadés que, mis devant le fait accompli, l'URSS n'abandonnerait pas ses frères afghans à un moment difficile. C'est exactement ce qui s'est passé. Deuxième acte. Après la révolution de 1978, les messagers de Moscou suppliaient presque le gouvernement afghan de ne pas lancer une vague de terreur contre les représentants des « classes féodales », car cela conduirait à une guerre civile. Une fois de plus, les chefs afghans ont décidé autrement. Ils étaient persuadés que, si besoin était, l'URSS enverrait ses troupes. Les relations entre le leader officiel actuel de l'Afghanistan, Hamid Karzaï, et ses alliés occidentaux suivent un chemin similaire. Depuis 2001, ils enjoignent à Karzaï de compter sur ses propres forces, de lutter contre la corruption, de dépenser l'argent efficacement. Le président afghan acquiesce à chaque fois. Et n'en fait qu'à sa tête. L'Occident le tolère et lui envoie de l'argent régulièrement, malgré le fait qu'il reçoit simultanément des fonds du pire ennemi des Américains. Selon les traditions politiques afghanes, recevoir l'argent de deux puissances étrangères qui sont opposées, ne constitue absolument pas un fait qui compromet le président. Ce qui compromet effectivement Karzaï est son incapacité à améliorer la situation dans le pays ou, du moins, à la contrôler. Puisqu'il en est ainsi, peut-être que la tempête annoncée est préférable au bourbier politique actuel ? En fin de compte, tous les nouveaux chefs du pays, talibans compris, auront besoin de l'aide internationale. Il ne faut pas craindre la crise politique en 2014. Il faut juste bien s'y préparer.
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Culture & Loisirs
Arts plastiques Quand les artistes graphiques rencontrent les musiciens
Le "cover-art" belge au service du rock russe
Le fondateur du "rokapops"
YAN CHENKMAN LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
Ils sont trois frères : Nicolas, Gilles et Gregory. Les trois sont des artistes, leur groupe s'appelle Leroy Brothers. Il y a six ans, ils ont inventé une façon ingénieuse et élégante de faire de l'art en puisant dans les ressources des internautes du monde entier et en créant le service interactif Witness Your World. Voici comment cela fonctionne : vous vous enregistrez, vous téléchargez les photos de votre choix et leurs légendes. Cela peut être des photos de personnes souriantes, sombres ou bien des scènes de rue, des paysages, des chats, comme il vous plait. Quant aux légendes, le site regorge d'exemples : « If you're not a shark and not a spider then you are born in space » ou « Music is the lady ! » Ensuite, une machine spécia-
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lement programmée mélange tout cela pour en faire un objet d'art. Chaque objet a son étiquette. Sous le tag #mumiytroll sont rassemblés les travaux de la dernière parution, SOS Matrosou, de l'un des groupes de rock russes les plus célèbres, Mumiy Troll. Les images viennent de différents pays. « It is now that I realize you've », a écrit Galla Rogner-Cohen d'Israël. Oliver Vasconcelos du Monténégro a envoyé des photos de palmiers atteignant le ciel. Elena Rosenthal de Russie a quant à elle envoyé le dessin d'une jeune fille planant au-dessus du nez enneigé d'un sous-marin. Qu'est-ce que cela signifie ? Difficile de savoir, mais cela fait son effet. On peut ainsi dire que la pochette de l'album a été réalisée par tous dans le monde, sous la direction bien sûr des trois frères belges. Et l'album est sorti ainsi. Immédiatement après sa parution, il est devenu tellement populaire qu'il a occupé les premières positions de l'iTunes russe. Une partie de la gloire en revient aux frères Leroy. Dans la patrie des
Les Belges Leroy Brothers ont fait un tabac en Russie grâce à leurs procédés de créations originaux. Le groupe Mumiy Troll en a bénéficié pour son dernier album.
Leroy Brothers et Ilya Lagoutenko lors de la présentation du nouvel album SOS Matrosou à Vladivostok.
Mumiy Troll à Vladivostock, une exposition des frères a eu lieu pendant plusieurs jours. Nicolas, Gilles et Gregory ont passé leur nuit à visser leurs images dans la galerie d'art contemporain Art-etaje, et dans la pièce voisine des artistes de Vladivostok ont organisé une exposition de cover-art (nom donné à la création de pochettes d'album). Des disques avec des portraits, des couvertures érotiques, des typographies exotiques : une vaste collection de couvertures était exposée en différentes sections.
L'album a connu un succès immédiat et a occupé les premières positions de l'iTunes russe
Principal port de l'Extrême Orient russe, Vladivostok possède une solide tradition musicale, et un intérêt très marqué pour la collection de pochettes d'album. Dans les années 1970, les habitants de Vladivostok étaient les premiers à recevoir de nouvelles informations musicales. Les vinyles étaient apportés par les marins revenant de l'étranger. Ainsi les Belges, avec leur site web, se sont parfaitement retrouvés dans l'ancienne tendance de Vladivostok. Dans la capitale de l'Extrême-Orient russe on adore les belles pochettes d'album. Les trois frères se sont longuement
Le groupe Mumiy Troll s'est formé en 1983, à Vladivostok. Leur premier album avait pour titre Nouvelle Lune. Il leur a causé de sérieux ennuis. Les autorités soviétiques ont lu dans les paroles de la chanson Nouvelle Lune des propos qui ont classé le groupe comme socialement dangereux. La musique du groupe ne correspondait pas aux concepts habituels des styles rock et pop de cette période, c’est pourquoi le chanteur Ilya Lagoutenko a qualifié le style de Mumiy Troll de rokapops, ouvrant ainsi la voie à un nouveau style musical. En 2001, Mumiy Troll a été le premier groupe russe à soutenir l’organisation PSI dans son combat contre le SIDA en Russie. En 20122013, le groupe a effectué un tour du monde à bord du voilier Sedov, au cours duquel un nouvel album a été enregistré.
occupés d'art à Shanghai, la thématique extrême-orientale leur est proche et familière. C'est d'ailleurs également à Shanghai que le leader du groupe Mumiy Troll, Ilya Lagoutenko, qui n'est pas seulement musicien mais également peintre, a exposé ses oeuvres. Lagoutenko peint à l'huile des toiles abstraites. C'est à Shanghai que le musicien et les trois frères belges se sont rencontrés. Aujourd'hui la collaboration des Mumiy Troll avec les Belges se poursuit : l'exposition ira à Moscou, puis à Saint-Pétersbourg et ensuite à Monaco puis probablement dans le monde entier.
Cinéma Connu pour son cinéma d'art et d'essai exigeant, le réalisateur dévoile aussi son combat pour la défense du patrimoine culturel
Bruxelles célèbre Alexandre Sokourov Son œuvre fait l’objet d’une rétrospective en Belgique. Le réalisateur a aussi supervisé l’exposition « Les Courageux », qui traite de la disparition du patrimoine culturel irakien. ETIENNE BOUCHE LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI
© AFP/EAST NEWS
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Lorsque son Faust a reçu le Lion d’or en 2011, la plus prestigieuse récompense de la Mostra de Venise, Alexandre Sokourov a réagi avec flegme. « La culture n’est pas un luxe. C’est la base du développement de la société », plaida-til face aux journalistes. Le discret cinéaste russe, dont le travail fut longtemps invisible, sait l’importance et la fragilité du patrimoine culturel. L’homme est d’ailleurs très impliqué dans la sauvegarde de l’héritage historique de Saint-Pétersbourg. Son prochain film, lui, portera sur le musée du Louvre durant l’Occupation allemande. Cette obsession inquiète de la préservation est le thème d’une exposition qu’il a lui-même su-
pervisée : « Les Courageux », présentée au cinéma Galeries de Bruxelles, dresse un terrible état des lieux du patrimoine culturel irakien. En deux décennies tourmentées, celui-ci a été quasiment annihilé. « Il faut avoir conscience de ce qu’il se passe dans le monde aujourd’hui », prévient Alexeï Jankowski, réalisateur documentaire à l’origine de l’exposition. « Le cas de l’Irak est un désastre national, au-delà de toute imagination », se désole ce collaborateur de longue date de Sokourov. « Son tissu culturel a été déchiré en morceaux : les écoles, les musées, les bibliothèques, tout a été
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(1) Alexandre Sokourov (2) "Mère et fils", 1997 (3) "Moloch", 1999 (4) "Faust", 2011.
- La fille de Maïakovski nous parle de son passé et de son héritage - Littérature LGBT en Russie : un courant constant - « Auteurs classiques à la Une » : devinez l'oeuvre
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pillé ou brûlé. Et cela se passe à notre époque ». L’exposition se présente comme un « film documentaire dans l’espace », rassemble photos et vidéos d’archives diffusés sur des écrans. Les différents documents multimédia offrent un aperçu du préjudice subi par la culture irakienne. « L’exposition ne se limite pas à Alexandre Sokourov », insiste Alexeï Jankowski. Les « courageux » auxquels rend hommage l’exposition, ce sont ces hommes qui, conscients de la valeur inestimable de ce patrimoine, se sentent la responsabilité d’agir pour sa sauvegarde. « On a dédié à chaque contributeur un écran afin de montrer qui sont ces gens qui s’investissent », indique Jankowski. Parallèlement, les films d’Alexandre Sokourov sont projetés dans trois établissements bruxellois : documentaires à Bozar, fictions et élégies à la Cinematek et cycle « L’art et les gens en guerre » au cinéma Galeries. Chéri par les cinéphiles occi-
dentaux, le cinéma de cet ancien élève d’Andreï Tarkovski est longtemps resté confidentiel. Sa notoriété éclot au milieu des années 90, dans une Russie affranchie du régime communiste. Auteur de nombreux documentaires, parmi lesquels L’élégie de la traversée, Sokourov s’est façonné une œuvre singulière et libre, qui se distingue notamment par ses expérimentations formelles (Mère et fils, Faust). Le cinéaste a notamment réalisé une tétralogie sur la perversité du pouvoir, ébauchée en 1999 avec Moloch – sur Adolf Hitler – et achevée en 2011 par son ambitieuse adaptation de Faust, tournée en allemand. Le film, sacré à Venise, avait enthousiasmé le président du jury, Darren Aronofsky : « Il y a certains films qui vous font pleurer, certains films qui vous font rire et certains films qui vous changent pour toujours. Celui-là en fait partie ». RÉTROSPECTIVE ALEXANDRE SOKOUROV ET EXPOSITION « LES COURAGEUX » JUSQU’AU 28 NOVEMBRE 2013.
6 Novembre
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