La Russie d'Aujourd'hui

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Kamtchatka : terre de glace et de feu Les volcans et la nature sauvage pour un tourisme à l’écart de toute civilisation. P. 5

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Le chic d’habiller « à la russe » Les grands couturiers internationaux redécouvrent le style russe en s’inspirant de ses motifs traditionnels.

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux

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Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 20 novembre 2013

Société Intolérance grandissante et tensions entre les communautés, alors qu’il faut compenser la chute de la démographie russe

Le pouvoir face au défi de l’immigration des grands sujets de préoccupation sont passés de 7% à 27%, et même le premier dans la capitale. Le thème de la lutte contre l’immigration illégale a d’ailleurs été central dans la course à la mairie de Moscou l’été dernier. L’essor de la xénophobie au quotidien, sans lien idéologique apparent, est devenu visible à partir de la seconde moitié des années 1990, expliquent les sociologues. « Avec le lancement des réformes et la frustration provoquée par la destruction du tissu social, une affirmation de soi négative et une recherche de l’identité nationale se sont mises en marche. Et comme il n’y avait pas de quoi être spécialement fier, cette affirmation de soi se traduisait essentiellement par un transfert de nos propres complexes et antipathies vis-à-vis de tous les étrangers, explique le directeur du Centre Levada, Lev Goudkov. Ce processus s’est intensifié dans les années 2000, lorsque le pays a pris le cap du renouveau des traditions nationales, du conservatisme, de la stabilité ».

Des troubles récents à Moscou ont conduit les autorités à réexaminer la politique migratoire et à lutter contre la clandestinité pour enrayer la montée du racisme et de la xénophobie. YOULIA PONOMAREVA

Les événements de Biriouliovo (banlieue de Moscou), qui ont attisé les tensions à la suite du meurtre d’Egor Chtcherbakov, un Russe « ethnique » âgé de 25 ans, ont donné une nouvelle impulsion au débat sur l’éventuelle instauration d’un régime de visas pour les ressortissants des anciennes républiques soviétiques situées en Transcaucasie et en Asie Centrale. Dans un sondage effectué par le Centre Levada en juin 2013, 84% des Russes se disaient favorables à un tel projet. Mais le Président Vladimir Poutine s’y oppose, craignant des retombées diplomatiques négatives avec les pays concernés. L’immigration n’en devient pas moins un thème sensible. Les sondés la classent parmi les problèmes majeurs de la société russe. Ceux qui considèrent l’immigration massive comme l’un

ITAR-TASS

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Une majorité de citoyens russes réclament l’établissement d’un régime de visas pour les immigrés venus des pays de l’ex-URSS.

Paix en Syrie Les négociations de Genève-2 compromises

Moscou maintient la pression pour un règlement politique Dans l’attente d’une date pour les négociations entre l’opposition et le régime syrien, la Russie se dit prête à accueillir des représentants des deux bords. ANDREÏ ILIACHENKO LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Même si les commentaires sur les raisons des désaccords sont rares, il est surtout question de la participation de l’Iran à la conférence. La Russie y est favorable, les États-Unis, non. Tout

comme l’Arabie Saoudite, très impliquée dans ce conflit, mais du côté de l’opposition. Washington rejette Téhéran par crainte du prestige sur la scène internationale que pourrait retirer le pouvoir iranien d’une participation aux négociations sur la Syrie. De fait, l’Iran n’a pas signé l’accord de Genève de 2012, qui définit les étapes du règlement politique du conflit. Mais la raison profonde des difficultés est que l’opposition sy-

rienne, ou plutôt sa partie radicale, qui est soutenue par Riyad, ne veut pas de cette conférence pour la paix. Les Saoudiens exigent l’exclusion du président al-Assad du processus de règlement politique du conflit. Or, comme le fait remarquer le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, chargé du dossier syrien pour la Russie, « un règlement politique ne convient peut-être pas à tout le monde. Il y a bien sûr l’opposition, sans parler des rebelles et des groupes de terroristes radicaux qui misent uniquement sur la force et la guerre. Mais, il y a aussi des forces extérieures qui encouragent ces tendances, non seulement sur le plan moral et politique mais aussi matériel ». SUITE EN PAGE 2

Maëlle Gavet dirige le site leader du commerce en ligne en Russie « Je n’ai pas une conscience forte de mon statut d’étrangère. Ni de mon statut de femme, car je suis sûre que vous allez y venir ! » Installée depuis plusieurs années en Russie, Maëlle Gavet dévoile une personnalité hors du commun. Cette Française de 35 ans est à la tête du groupe Ozon dont le site de commerce en ligne est leader en Russie. « Nous nous sommes développés en parallèle d’Amazon, c’est-à-dire que nous ne l’avons pas copié », préciset-elle. Elle s’est entretenue avec notre journal sur son parcours et le marché Internet russe. RIA NOVOSTI

Lisez sur notre site La caricature ou l’art de faire de la politique larussiedaujourdhui.fr/26463

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Le décembre

La voix soviétique qui faisait enrager Hitler larussiedaujourdhui.fr/26253

Prochain NUMÉRO


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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO

Politique & Société

Visite officielle Les relations bilatérales entre la France et la Russie dopées par des intérêts commerciaux complémentaires

Diplomatie économique en action La récente visite du Premier ministre français à Moscou a confirmé la priorité réservée aux affaires tandis que les divergences persistent sur les volets politique et droits de l’homme.

Bienvenue ! Jean-Maurice Ripert vient de remplacer Jean de Gliniasty au poste d’ambassadeur de la République française en Russie. Né en 1952, M. Ripert, diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris, assumait précédemment les fonctions de chef de la délégation de l’Union européenne en Turquie (janv. 2012-oct. 2013). Il a aussi été représentant permanent de la France auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York. C’est un proche de François Hollande et de Bernard Kouchner.

IOULIA KOUDINOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Du 31 octobre au 2 novembre, Jean-Marc Ayrault s’est attaché avant tout à se faire l’avocat des technologies et des valeurs françaises. Le Premier ministre français a inauguré un salon « Open Innovations », rencontré la communauté d’affaires française, visité des usines et une université. Il a aussi dîné puis mené des négociations avec son homologue russe Dmitri Medvedev. Il a même obtenu une audience auprès du président russe Vladimir Poutine, ce qui est loin d’être le cas de tous les Premiers ministres en visite à Moscou.

Promotion de l’innovation Le chef du gouvernement français avait inclus dans sa délégation les ministres Stéphane Le Foll (Agriculture), Arnaud Montebourg (Redressement productif), Geneviève Fioraso (Recherche), Nicole Bricq (Commerce extérieur) et Fleur Pellerin (Numérique). Une sélection reflétant la priorité donnée à la promotion de l’innovation française et des PME hexagonales. JeanPierre Chevènement, le « Monsieur Russie » du gouvernement, était bien entendu présent. Apprécié à Moscou pour son « tropisme russe » – dixit un diplomate –, il s’efforce d’arrondir les angles de part et d’autre. Des angles, il y en avait en particulier autour de l’affaire Greenpeace et de la Syrie. Sur le premier dossier, JeanMarc Ayrault a demandé à Dmitri Medvedev un geste humanitaire à l’égard du militant français Francesco Pisanu, précisant que la France « ne souhaitait pas donner de leçons mais

Jean-Marc Ayrault et Dmitri Medvedev à Moscou.

20 propositions de coopération Le conflit syrien, le régime des visas ou la construction d’un complexe culturel russe à Paris : ces sujets sont les dossiers phares des relations franco-russes. Il y en a d’autres, moins médiatisés, mais qui méritent d’être approfondis. « Nous voulions mettre en avant des axes de coopération moins exploités », explique Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, qui vient de publier une liste de 20 propositions pour

Les échanges bilatéraux ont quintuplé en dix ans pour atteindre 21 milliards d’euros

intensifier les relations bilatérales. Au terme d’un été de réunions et de consultations auprès du monde des affaires et des institutions scientifiques entre Paris et Moscou, ont été retenus des projets de coopération universitaire, scientifique, spatiale ou sportive, mais aussi en matière d’immigration ou encore de la participation russe au défilé du 14 juillet. larussiedaujourdhui.fr/ 26265

rappeler les droits internationaux en vigueur ». M. Medvedev lui a opposé une fin de non recevoir lors de la conférence de presse conjointe : « Cette affaire sera traitée dans le strict respect de la législation et de la justice

RIA NOVOSTI

GETTY IMAGES/FOTOBANK

Le courant passe bien

russes ». Mais, polissant son image d’homme politique moderne, il a admis « partager les inquiétudes des écologistes » sur le danger de l’exploitation pétrolière « où travaillent des employés assurant la fonction de sapeurs-pompiers », manipulant des technologies à risque. Sur le dossier syrien où, audelà de l’ornière des armes chimiques, les lignes n’ont guère bougé, Jean-Marc Ayrault s’est contenté de déclarer que la France et la Russie s’accordaient sur un règlement politique en Syrie. Il a aussi chaudement remercié Moscou pour son soutien logistique dans l’intervention de la France au Mali. « Nous avons parfois des approches différentes sur des sujets d’actualité, a résumé M. Ayrault, mais nous partageons une histoire commune et nous visons des objectifs communs ».

Pour Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou, « la visite de JeanMarc Ayrault a été fructueuse. Ce qui a été très important en termes d’image, c’est la présence de la France au Salon « Open Innovations ». Ce qui est aussi important, c’est que le courant passe très bien entre Medvedev et Ayrault, ce qui est utile pour régler des dossiers très techniques voire même politiques ». Sur le versant économique, les Premiers ministres français et russe étaient effectivement à l’aise. M. Ayrault a noté que les échanges bilatéraux avec la Russie ont quintuplé en dix ans pour atteindre 21 milliards d’euros. Si la balance reste favorable à la Russie en termes d’exportations (12 milliards contre 9 milliards pour la France), le Premier ministre

note que l’hexagone exporte principalement des nouvelles technologies vers la Russie. La relation connaît effectivement un développement important, mais asymétrique. Les Français achètent de l’énergie et des matières premières russes et, attirés par un vaste marché de 146 millions de consommateurs dont les revenus augmentent rapidement, investissent massivement en Russie (12 milliards d’euros). La création d’un nouveau fonds d’investissements francorusse a été évoquée pour accompagner le rachat de sites industriels français en difficulté. Laurent Vigier, le directeur des affaires internationales de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) a signé avec le Fonds russe des investissements directs (RDIF) une lettre d’intention pour la réalisation de ce projet, avec une injection de 300 millions d’euros dans un premier temps, montant jusqu’à un milliard d’euros à terme. Parmi les projets de coopération signés entre les entreprises françaises et russes figurent Safran (création d’un technoparc et partenariat avec Uralvagonzavod), Thalès (lasers à haute intensité), Danone (élevages bovins laitiers, voire article en p.4) et Thomson Broadcast (téléradiodiffusion). La coopération intense entre sociétés du complexe militaire démontre que le degré de confiance entre les deux pays n’a jamais été aussi élevé. Là où le bât blesse, c’est du côté des investissements russes en France. Des projets de reprises d’entreprises françaises en difficulté par des sociétés russes en phase d’expansion internationale échouent trop souvent à cause de la méfiance souvent irrationnelle de syndicats ou de décideurs français. Là encore, M. Chevènement travaille à combler le fossé.

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Selon l’accord américano-russe concernant l’organisation de cette conférence de paix Genève-2, Moscou est chargé d’assurer la présence du gouvernement de Bachar al Assad, tandis que les États-Unis sont responsables de la participation d’une délégation unifiée de l’opposition. Assad a accepté mais, apparemment, les États-Unis ont plus de difficulté à remplir leurs obligations. En effet, regrouper des centaines de groupuscules plus ou moins importants, souvent opposés entre eux, voire en conflit armé les uns avec les autres pour certains, n’est pas chose aisée. Mais sans cette unification, pas question de paix en Syrie. Guennadi Gatilov, un autre vice-ministre des Affaires étrangères également en charge du problème syrien, souligne que

les États-Unis « ne possèdent pas de leviers d’influence suffisants pour fédérer l’opposition… Une simple représentation de l’opposition n’est pas suffisante, il faut que ce soit une délégation reflétant l’éventail le plus large possible de l’opposition. Et c’est ce que les Américains ne parviennent pas à faire ». Selon Washington, la coalition nationale de l’opposition syrienne doit prendre très prochainement une décision sur sa participation à Genève-2. Aux dires d’un diplomate américain, « l’opposition syrienne a enfin pris conscience que les négociations politiques sont la seule solution pour mettre fin au conflit. L’opposition commence à se tourner sérieusement vers cette voie, davantage qu’il y a, disons, quatre ou cinq mois ». Il n’est pas exclu que les Américains parviennent à faire évoluer les choses, mais il n’existe

à ce stade aucune garantie de réussite. Aussi, pour débloquer la situation, Moscou tente de mettre l’accent sur une participation de l’opposition, axée sur les négociations plus que sur la prolongation du combat.

L’impuissance des « faiseurs de paix » fait craindre une « somalisation » de la Syrie, une spirale de la violence Les diplomates russes ont déjà organisé à Genève une série de pourparlers avec le Comité national de coordination syrien, avec les Kurdes de Syrie, avec l’oncle de Bachar al-Assad, Rifaat Assad, membre de l’opposition, ainsi qu’avec les représentants de la coalition des forces laïques et démocratiques syriennes. Suite à ces réunions, Mikhaïl

Bogdanov a déclaré que la Russie était prête à accueillir à Moscou une rencontre informelle entre représentants du régime syrien, de l’opposition syrienne et des partenaires étrangers. « Nous avons profité de cette réunion pour expliquer en détail notre projet de permettre d’établir à Moscou des contacts informels entre les représentants de l’opposition et du régime syrien, avec la participation de nos collègues américains et de l’émissaire de l’Organisation des Nations Unies et représentant de la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi ». Les prochaines semaines vont être décisives. Le 25 novembre doit se tenir à Genève une autre réunion préparatoire tripartite entre les États-Unis, la Russie et l’ONU. Entre-temps, la situation humanitaire en Syrie continue de se dégrader. Si la date limite symbolique pour l’organisation

REUTERS

Moscou maintient la pression pour un règlement politique

M. Brahimi entouré des chefs de la diplomatie américaine et russe.

de cette conférence Genève-2, prévue avant la fin de l’année, est dépassée, l’impuissance des « faiseurs de paix » peut tourner à une véritable « somalisation » de la Syrie, c’est-à-dire d’une chute en spirale incontrôlée du pays dans la violence. « La situation est extrêmement alarmante…, souligne Brahimi. En moyenne, 6 000 Syriens sont forcés de quitter leur pays tous les jours. Près d’un tiers de la population a souffert de la guerre, des gens sont expulsés ou contraints à l’exil. L’ONU parle de 9 millions de

personnes touchées directement par le conflit, ce qui représente près de la moitié de la population de la Syrie ». Dans un tel contexte, ce processus de « somalisation » peut s’avérer encore plus destructeur et plus long qu’en Somalie, craint l’émissaire de l’ONU. Sans parler du risque d’effet domino sur les pays voisins. larussiedaujourdhui.fr/14464

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Société

Le pouvoir en quête de solutions pour canaliser l’immigration rendue dès que le travailleur rentrera dans son pays à l’échéance de son contrat. Par suite des événements de Biriouliovo, le directeur du Service fédéral des migrations, Konstantin Romodanovski, a envisagé de réviser le système de quotas appliqué à la maind’œuvre étrangère, en promettant de présenter des propositions au Parlement d’ici à la fin de l’année. Il juge en outre nécessaire de « décréter la responsabilité pénale des employeurs d’immigrés clandestins, par exemple audelà de 50 salariés illégaux». À ce jour, un employeur de main-d’œuvre clandestine est seulement passible d’une pénalité administrative, soit une amende pouvant atteindre huit cent mille roubles (dixhuit mille cent soixante euros), et l’activité de son entreprise peut être suspendue pour une durée maximale de 90 jours. Désormais, il est envisagé de punir l’emploi d’immigrés clandestins plus sévèrement sous la forme d’une peine de privation de liberté pouvant aller jusqu’à cinq ans. Le propriétaire du marché de gros (fruits et légumes) de Biriouliovo, théâtre de l’assassinat qui a déclenché les violences, semble avoir subi les foudres de la loi de manière rétroactive. Pour avoir été soupçonné d’employer des clandestins (juste après les émeutes), le président du directoire de la compagnie gestionnaire du centre de distribution

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Les démographes assurent qu’il faut encourager l’afflux des immigrés en Russie, car ces derniers contribuent à compenser la baisse de la population russe. Anatoli Vichnesvki, directeur de l’Institut de démographie de l’École des hautes études en sciences économiques, explique que « depuis 1992, notre taux de natalité est dans le rouge. En 20 ans, nous avons perdu 13,4 millions de personnes et la population aurait donc dû baisser d’autant ; or le recul n’est que de 5,3 millions. Le reste a été compensé par l’immigration ». Lev Goudkov estime que les tensions ethniques sont la conséquence de l’importation illégale de main d’œuvre à bas prix. Il existe un marché noir de la maind’œuvre dont l’une des raisons réside dans les quotas d’employés étrangers – les limites sont bien inférieures à la demande. En 2013, les quotas s’élevaient à 1,7 million de personnes, alors que la Russie, selon les estimations de Goudkov, a besoin de 4,5 à 5 millions d’ouvriers. Le médiateur chargé des relations avec les entreprises, Boris Titov, indique que sur les 11 millions de travailleurs immigrés en Russie, près de la moitié sont des clandestins, ce qui s’explique en bonne partie par l’existence d’un quota sur l’emploi de la maind’œuvre étrangère. Cette année, le quota représente 1,75 million de migrants ; l’an prochain, il sera ramené à 1,63 million. Tous les autres se voient obligés de travailler dans la clandestinité. Titov propose de supprimer les quotas et de régulariser les immigrés clandestins se trouvant en Russie en les obligeant à conclure un contrat de travail avec leur employeur et à se faire enregistrer auprès des services fiscaux. Selon le projet proposé par Titov, l’employeur devra avancer une caution pour chaque salarié étranger, laquelle lui sera

Chiffres et perceptions migratoires

NATALIA MIKHAYLENKO

de Biriouliovo a été placé en détention. En plus des mesures de contrôle des lieux de travail des immigrés, le maire de Moscou Sergueï Sobianine a chargé la police de capitale de vérifier tous les logements de la ville pour s’assurer du respect par les propriétaires de la législation en vigueur en matière d’immigration. Après vérification d’une première tranche de 3 500 appartements, il a été établi que 57 étaient loués sur une base illégale. L’un d’eux, situé dans la rue où l’habitant

de Biriouliovo Egor Chtcherbakov a été tué, comptait à lui seul 196 personnes enregistrées. Il s’agit de ce qu’on appelle un « appartement élastique » dont le propriétaire touche un pourcentage sur l’enregistrement des immigrés à son adresse. Ceux-ci vivent en réalité à d’autres adresses. Le plus souvent, ils logent sur leur lieu de travail, par exemple dans des préfabriqués de chantier. Il faut rappeler que tous les étrangers doivent officiellement être enregistrés dans un appartement, et que

beaucoup de propriétaires refusent ce service à leurs locataires afin de ne pas payer d’impôts sur ces loyers. En septembre, le ministre de l’Intérieur russe Vladimir Kolokoltsev a annoncé que le régime d’exemption de visa avec les pays de la CEI (Communauté des États indépendants) est activement exploité par les délinquants, notamment dans le but d’échapper aux poursuites judiciaires. Le sentiment anti-immigrés est particulièrement fort dans les quartiers où la situation sociale est difficile, comme à Biriouliovo, qui est coupé du reste de la ville car non desservi par le métro. Le coût du logement y est le plus bas de Moscou, ce qui attire de nombreux immigrés désargentés. « Biriouliovo est peuplé de personnes à faibles revenus et, compte tenu du climat conflictuel général, la xénophobie et l’empressement à canaliser l’agressivité sur les étrangers y sont plus prononcés », explique Lev Goudkov. Les événements de Biriouliovo ont forcé les autorités à réagir. Le Parlement a commencé l’examen accéléré d’amendements durcissant la législation. Différentes mesures de contrôle et de régulation sont étudiées, comme la création d’un fichier électronique d’empreintes digitales pour les immigrés ou la création d’un département spécial de lutte contre la criminalité ethnique. Un projet de loi établissant des cours de russe obligatoires pour les immigrés suivis d’un examen a été déposé au Parlement. Selon un rapport de l’ONU publié en septembre, la Russie arrive en deuxième position pour le nombre d’étrangers habitant sur son territoire, derrière les États-Unis, avec 11 millions d’immigrés pour 143,5 millions de Russes.

Handicap Reportage sur le combat des malvoyants pour mener une vie active dans la Russie d’aujourd’hui

Avec la force « aveugle » de la volonté Il leur est plus difficile qu’à l’époque soviétique de trouver leur place dans le monde du travail, faute d’un vrai programme gouvernemental de soutien.

IL L’A DIT

Pavel Obiyoukh

VLADIMIR ROUVINSKI LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

CE NON-VOYANT MOSCOVITE TRAVAILLE POUR LA MULTINATIONALE « DIALOGUE IN THE DARK »

"

J’ai très envie de mettre au point une méthode pour franchir la barrière de la timidité, pour que les non-voyants se libèrent de leurs complexes.

ARCHIVES PERSONNELLES

À l’époque soviétique, le village de Roussinovo, à 200 km de Moscou, était une sorte de « paradis pour aveugles ». Ces derniers y étaient regroupés, avaient tous un logement et du travail. Aujourd’hui, n’y restent que ceux qui n’ont nulle part où aller, principalement des personnes âgées. Comme Sergueï Moulloev, 55 ans, un homme aux cheveux blancs et aux lunettes à double foyer, que son extrême myopie n’empêche pas de prendre le train tous les jours pour se rendre dans la capitale. « Je dois nourrir mes quatre enfants », explique Sergueï. Ouvrier à la chaîne dans une usine qui fabrique de la pâte à modeler et des stylos, il gagne 340 euros. C’est peu, mais trois fois plus qu’à Roussinovo. Selon les estimations de l’Association panrusse des aveugles, le pays compte environ un million de cas semblables à celui de Sergueï. La plupart de ces malvoyants peuvent travailler. Or, en

Je suis indépendant. Je gagne assez pour louer un appartement et m’assurer mon pain quotidien ”. Pavel Obiyoukh, 34 ans, mène une vie très active malgré sa cécité.

l’absence d’un effort de l’État, qui ne prévoit aucun programme d’aide pour les handicapés ou les gens atteints de déficiences physiques, cette catégorie de la population se retrouve complètement marginalisée. Cette situation remonte à l’époque soviétique, qui avait sa « solution » au problème : parquer les malvoyants pour qu’ils vivent entre eux. Des villages spéciaux étaient bâtis pour les loger, les faire travailler. On construisait des écoles, des

centres de réhabilitation. Mais avec la chute du régime, tout le système s’effondra. À la différence de Sergueï, Pavel Obiyoukh, 34 ans, est totalement aveugle. Tous les matins, comme des milliers de Moscovites, il se rend au bureau. Lui aussi a commencé à travailler dans une usine de l’Association des aveugles, mais il a vite bifurqué parce qu’il voulait fréquenter les mêmes lieux que les voyants. Il a su tourner son défaut à

son avantage et en faire un atout. Enseignant, juriste, manager de formation, il travaille maintenant pour la multinationale « Dialogue in the Dark », qui existe depuis 25 ans et assure des formations en gestion dans une trentaine de pays. Depuis deux ans, l’organisation s’est installée sur le marché russe et c’est Pavel qui dirige l’équipe de formateurs malvoyants en Russie, dont l’objectif est de développer les facultés de compréhension et de collaboration chez des per-

sonnes voyantes, notamment en collaboration avec de grosses sociétés. Les cours sont donnés dans l’obscurité totale. Dans ces conditions, la concentration porte sur les intonations de l’interlocuteur, pour mieux comprendre sa pensée. « Si une personne a tendance à vouloir trop prendre la parole aux dépens des autres, ça se voit au bout de dix minutes. Parallèlement, les qualités cachées de leader ressortent très vite », raconte Sergueï. Pavel a perdu la vue progressivement, depuis son enfance, à la suite d’un glaucome. Aujourd’hui, sa vie est bien remplie. Pavel a déjà à son actif trois sauts en parachute en tandem avec instructeur. Il fait du ski alpin et lit beaucoup. Le Braille est dépassé, la nouvelle génération écoute des livres audio. IPhone et Facebook ont une application de synthèse vocale. Ce qui l’a aidé à s’adapter, c’est de comprendre que les gens n’accordent pas énormément d’importance à l’apparence ou à la cécité. Son plongeon dans le monde normal, il le compare à un saut en parachute. « Le plus difficile est de faire le premier pas. Après, c’est l’euphorie ».

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NOTE DE LECTURE

Parole de détenu

AUTEUR : M. KHODORKOVSKI ÉDITION : STEINKIS TRADUIT PAR VERONIKA DORMAN

Mikhaïl Khodorkovski, ancien PDG du groupe pétrolier Ioukos, s’ajoute désormais à la liste de ceux que la prison et les camps ont inspirés. Il prend la plume pour tenter d’analyser et de comprendre le comportement de ceux qui l’entourent dans l’univers carcéral, matons, mouchards, voleurs. Le petit recueil publié à l’occasion du dixième anniversaire de l’arrestation de Khodorkovski, réunit dix-sept textes courts rédigés à la sauvette après son travail en colonie pénitentiaire sibérienne. Khodorkovski trace le portrait de ses geôliers ou de ses codétenus, s’attachant à illustrer ce qu’il a découvert en côtoyant ceux que rien ne le prédestinait à rencontrer. Même si ces hommes ont commis des actes répréhensibles, ils ne sont pas dénués de tout principe moral. Ils sont même parfois prêts à payer très cher pour leur dignité. Même si certains d’entre eux « manquent de capacité à lutter pour leur propre vie », ils peuvent soudain braver la peur ; refuser la délation, les arrangements que leur proposent des autorités obsédées à « faire du chiffre » et qui piègent d’abord les faibles. Khodorkovski livre un message clair : ce qui se passe derrière les barreaux est la réplique grotesque de ce qui se passe à l’extérieur. « Nous qui avons peur de défendre nos droits, qui nous adaptons en nous cachant derrière un masque de docilité ? Cette servitude ne finit-elle pas par devenir notre vrai visage ? Nous nous transformons progressivement en esclaves muets prêts à toutes les ignominies dès que l’ordre vient ‘d’en haut’ ». Christine Mestre

ÉCLAIRAGE

Langage carcéral Veronika Dorman TRADUCTRICE

L

a vie en prison a marqué l’homme Khodorkovski, jusque dans son langage. Au fil de ses « croquis », le jargon carcéral est utilisé de plus en plus adroitement. Pour décrire la réalité si particulière du milieu carcéral russe, Khodorkovski emploie – et explique – le vocabulaire propre au milieu. Ses textes sont plus « parlés » qu’écrits, ce qui accroît la force du témoignage. Le narrateur est au cœur de chaque récit, extrêmement présent, et pourtant le lecteur n’est jamais écrasé par sa subjectivité. Khodorkovski raconte, montre, mais ne juge pas.


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Économie

EN BREF

ENTRETIEN AVEC MAËLLE GAVET

Dans « un pays d’entrepreneurs » CETTE FRANÇAISE DIRIGE LE PREMIER GROUPE DE VENTE PAR INTERNET EN RUSSIE. ELLE ÉVOQUE LES DÉFIS ET LES SUCCÈS RENCONTRÉS DANS UN PAYS DONT ELLE SALUE L’ESPRIT D’ENTREPRISE. d’énergie ! Les montagnes sont difficiles à déplacer, mais elles se déplacent. Des boîtes se créent, il y a de la demande, et le niveau de vie augmente : on en parle rarement, mais il n’a jamais été aussi élevé. Les tendances macroéconomiques sont bien meilleures qu’en Europe – la dette russe est extraordinairement bien portante. Certes, les taux de croissance seront plus faibles dans les années à venir, mais comparezles à ceux publiés en France !

Quel a été votre parcours avant d’arriver en Russie ? Difficile à résumer ! Je suis entrée en classe préparatoire littéraire à Paris avec pour objectif d’intégrer l’École normale supérieure (ENS). J’ai réussi à la seconde tentative, mais me suis vite rendu compte que c’était une erreur de parcours ! J’ai cherché une porte de sortie et me suis dirigée vers Sciences Po-Paris. En parallèle, j’ai lancé ma première start-up en Russie, que j’ai gérée pendant quatre ans.

De la même manière que les Russes ont leur propre système de décisions, aussi bien en politique que dans le monde des affaires. La France a tendance à l’oublier.

Quels sont les inconvénients auxquels vous êtes confrontée ? La bureaucratie est pesante, c’est une réalité. Mais l’est-elle davantage qu’en Chine ou en Inde ? Un exemple parmi d’autres : la façon dont sont payés les employés durant leurs congés. Certains critères entrent en ligne de compte dans le calcul de la rémunération, si bien que le salaire varie selon les mois. Toutes ces questions administratives sont compliquées et devraient être simplifiées. Par ailleurs, nous n’avons pas encore suffisamment de ressources managériales, de gens sachant diriger des équipes, formés « à l’occidentale ». La gestion, ça s’apprend. La Russie est encore dans ce processus d’assimilation des techniques de management. Enfin, les infrastructures ne sont pas encore suffisamment développées.

Qu’observez-vous de positif sur le marché russe ? La Russie est un pays d’entrepreneurs, vous pouvez tout y faire à condition d’avoir beaucoup

C ’e st p ré c i s é m e n t l e d é f i d’Ozon.ru : livrer des marchandises sur un territoire démentiel… Pour cela, nous avons notre propre service de livraison,

Pourquoi vous lancer dans les affaires en Russie ? J’avais commencé à apprendre le russe au collège en deuxième langue. J’ai passé un été dans un orphelinat à Kostroma. L’établissement était financé par des hommes d’affaires russes dont l’un est devenu mon partenaire en affaires. C’est lui qui a avancé les fonds pour la création de la nouvelle entreprise. Avez-vous ressenti un choc culturel à votre arrivée ? Je suis revenue en Russie il y a presque cinq ans. Le fait de parler la langue aide beaucoup. Je fais l’effort de m’intégrer, et mes amis sont essentiellement russes. Les Russes sont à la fois très proches et très éloignés des Européens : la Russie, c’est un continent entre l’Occident et l’Orient, et elle a emprunté des traits à l’un et à l’autre. L’une des erreurs des Occidentaux est de vouloir lui appliquer leurs schémas de pensée, alors que ce pays a une histoire et une culture différentes.

KOMMERSANT

BIOGRAPHIE NATIONALITÉ : FRANÇAISE ÂGE : 35 ANS

Diplômée de Science Po-Paris, elle a lancé une start-up, puis a travaillé pour le cabinet de conseil américain BCG. En 2010, la société Ozon (Russie) l’a embauchée.

O-Courier, qui nous permet de couvrir l’ensemble du pays. Nous avons recours à la poste russe à hauteur de 10% des commandes. Sur le terrain, le problème vient clairement des infrastructures, et je pense que cela aura un impact sur la croissance future de la Russie. Ce pays a besoin de plus de routes, de plus d’avions, de plus de tout. Nous réalisons 45% de nos ventes à Moscou et Saint-Pétersbourg. Or, ces deux villes – les plus importantes du pays – sont reliées par une route au nombre de voies limité. Il y a deux ans, j’ai voulu me rendre à l’entrepôt d’Ozon, situé à Tver (au nord-ouest de Moscou). Il m’a fallu presque six heures pour l’atteindre, car un camion s’était renversé sur la route. De quoi bloquer complètement l’axe principal du pays ! Envisagez-vous d’implanter Ozon.ru en dehors de Russie ? Nous travaillons déjà au Kazakhstan, et nous pensons aussi aux autres pays de la CEI. Mais Ozon se concentre avant tout sur la Russie dont le potentiel est énorme : il s’agit du premier marché d’usagers internet en Europe, et le taux de pénétration est encore inférieur à 50%. Peut-on vous envoyer des CV ? Oui, Ozon recrute. Des Russes, mais aussi des étrangers, à condition qu’ils parlent russe. Nous sommes toujours à la recherche de personnes ayant de l’expérience en entreprise. Propos recueillis par Etienne Bouche

Dispense de visa pour 72 heures sur le sol russe Les ressortissants de 20 pays, dont la France, arrivant par avion pourront être admis en Russie sans visa pour une période de trois jours. Seule condition : ils devront voyager à bord d’une compagnie aérienne russe. Si le projet de loi est adopté, la mesure relative aux séjours touristiques pourrait entrer en vigueur dès l’été prochain. Les touristes français qui feront escale dans l’un des 11 aéroports russes, dont ceux de Moscou – Cheremetievo, Domodedovo etVnoukovo – pourront donc en bénéficier.

ALAMY/LEGION MEDIA

AFFAIRES À SUIVRE FORUM ÉCONOMIQUE FRANCO-RUSSE LE 28 NOVEMBRE, MEDEF, 55 AVENUE BOSQUET, PARIS

Le Forum portera sur le développement des investissements et la coopération commerciale et économique entre la Russie et la France, le partenariat des petites et moyennes entreprises, les projets « Grand Paris » et « Grand Moscou ». www.dialoguefrancorusse.com

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE

LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

Agro-alimentaire La baisse de la production de lait modifie la structure du marché

Danone innove en Russie en se lançant dans l’activité fermière Numéro 2 du secteur, Danone s’associe à un important producteur russe pour se garantir des volumes. Un projet qui exigera un investissement allant jusqu’à 400 millions d’euros. PAUL DUVERNET

30 entrepreneurs de moins de 30 ans vous racontent le succès de leur parcours.

Rendez-vous sur larussiedaujourdhui.fr/ 30_entrepreneurs_de_moins_de_30_ans

Le groupe français a profité de la venue à Moscou du Premier ministre Jean-Marc Ayrault pour signer en sa présence un important accord destiné à asseoir ses positions sur le secteur laitier russe. Il s’agit d’une coentreprise avec le groupe russe Damate, dont la mission sera de bâtir et d’opérer deux grosses fermes laitières dans les régions de Tioumen et en Bachkirie. Dans la ferme bachkire, 10 000 vaches donneront autour de 105 000 tonnes de lait par an, tandis que la ferme de Tioumen comptera 8 800 têtes pour une capacité annuelle de 88 000 tonnes de lait. La production démarrera dans un an et demi, selon le président du conseil des directeurs de Damate, Naoum Babaïev. On estime que les investissements avoisineront les 400 millions d’euros, en partie prélevés sur des fonds propres et en partie via des crédits. M. Babaïev n’a pas précisé la part respective des efforts de Damate et de Danone. La

ITAR-TASS

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Jusqu’ici, Danone se contentait d’acheter son lait à des producteurs locaux.

porte-parole de Danone Marina Balabanova indique que les pourparlers sont encore en cours sur ce point. Le groupe français est censé acheter la totalité de la production des deux fermes. Jusqu’ici, Danone ne s’était pas aventuré dans l’activité fermière, se contentant d’acheter du lait à des producteurs, et soutenant ici ou là des partenaires à travers des programmes de formation. Selon Naoum Babaïev, Danone ne devrait pas participer au versant opérationnel des fermes, mais se limiter au développement et à la construction, où son expérience est confirmée.

Marina Balabanova explique que « le partenariat sera mutuellement bénéfique, puisque Damate obtient la garantie d’écouler sa production de lait et profitera de l’expérience de gestion de Danone qui, pour sa part, verra sa base de ressources augmenter considérablement ». Le volume des achats de lait de Danone Russie a atteint 1,7 millions de tonnes en 2012. Du coup, la coentreprise avec Damate couvrira environ un huitième de ses besoins en matières premières sur le marché russe. En outre, selon Mme Balabanova, une formule de prix stables sera décidée entre les deux

partenaires, offrant une stabilité sur un marché global plutôt fluctuant. La situation russe a connu une chute rapide de la production de lait, conduisant à une montée des prix gênante pour Danone. La Russie traverse une grave crise dans l’industrie laitière. Selon le Service fédéral des statistiques, sur la période allant de janvier à septembre 2013, le cheptel de vaches a fondu de 151 000 têtes. Avec pour conséquence un bond de 25 à 30% des prix sur un an. Le litre de lait se négocie en gros autour de 0,37 euros en moyenne. Le syndicat national des producteurs de lait se plaint qu’en l’absence de soutien gouvernemental, la situation va continuer à se dégrader. Danone est le deuxième acteur du secteur laitier russe derrière Pepsico, avec respectivement 14,4% et 16,2% du marché russe. Le groupe français a réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 1,8 milliards d’euros en Russie. En juillet dernier, Danone avait annoncé un investissement de 67 millions d’euros dans une usine sibérienne, afin d’augmenter de 40% sa capacité de production. Le groupe français concentre ses efforts sur les produits à plus haute valeur ajoutée, comme Activia, Danissimo.


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Régions

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Découverte La péninsule du Kamtchatka, dans l’Extrême-Orient russe, est l’une des dernières zones totalement sauvages sur la planète À NE PAS MANQUER

Au bout de l’aventure sur une terre de glace et de feu

Les volcans du Kamtchatka

ITAR-TASS

Ploski Tolbatchik

Le Ploski Tolbatchik abrite un cratère de 3 kilomètres de diamètre et est entouré de forêts dont la végétation a été détruite par les éruptions successives.

RIA NOVOSTI

Le Kamtchatka, territoire volcanique formant l’une des plus des grandes étendues sauvages au monde, offre aux intrépides voyageurs une gamme de paysages vierges sans équivalent sur notre globe.

L’isolement de la région et son manque d’infrastructures constituent à la fois une bénédiction et une malédiction.

AJAY KAMALAKARAN POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

tecture de l’URSS. La capitale de la région reste cependant un bon point de départ pour les excursions dans les autres sites de la péninsule, dont beaucoup ne sont accessibles que par hélicoptère. Si vous ne disposez pas de beaucoup de temps, les volcans Avatchinski et Koriakski, visibles depuis Petropavlovsk, sont les plus faciles à visiter.

Un volcan encore actif a été utilisé par les Soviétiques pour tester un véhicule lunaire avant son lancement Une personne ayant une bonne condition physique met environ six heures pour arriver au sommet de l’Avatchinski, qui culmine à 2 741 mètres d’altitude, alors que le Koriakski (à 3 456 mètres) se montre plus exigeant : il faut au moins douze heures aux randonneurs les plus en forme pour atteindre son pic. Comme souvent en ExtrêmeOrient russe, le temps change aussi vite que l’humeur d’une jolie femme et les orages peuvent venir de nulle part. Mais les vues de la mer, la verdure des paysages luxuriants et certains des espaces les plus

sauvages au monde méritent d’y consacrer du temps, de l’énergie et de la patience. Si vous faites tout le voyage jusqu’à la péninsule, n’hésitez pas à y consacrer au minimum deux semaines, voire un mois entier.

La vallée des geysers Aucun voyage dans la péninsule ne serait complet sans une visite de la vallée des geysers. La vallée de la rivière Geysernaïa fait partie de la réserve naturelle de Kronotski d’où jaillissent de la vapeur, de l’eau et de la boue. La zone offre plusieurs circuits de randonnées et il est assez facile d’explorer une majeure partie de la vallée en une journée. L’accès à cette zone est néanmoins onéreux. Elle se trouve en effet à 200 kilomètres de Petropavlovsk et l’hélicoptère constitue presque le seul moyen de s’y rendre. Le trajet vous coûtera au bas mot dans les 450 euros.

Marcher sur la Lune Pour visiter Tolbatchik, l’un des endroits les plus isolés et extraordinairement beaux de la péninsule, il vous faudra pénétrer une des forêts les plus denses au monde et vous déplacer en bateau sur la rivière. Le volcan Ploski Tolbatchik abrite un cratère de trois kilomètres

Pour s’y rendre Depuis Paris, le vol via Moscou vers Petropavlovsk-Kamtchatski dure 15 heures et les tarifs démarrent à 730 euros aller/retour. Il n'existe pas de liaison ferroviaire, mais des croisières desservent le Kamtchatka.

Où se loger Doté d'un restaurant et d'une petite bibliothèque, Petropavlovsk Hotel est situé dans la partie nord de la ville. 5 Stars Apartments offre des chambres avec une vue panoramique sur les volcans.

Quelles agences ? Terres d'aventure (www.terdav.com) propose un circuit de 14 jours avec un guide local français et prend tout en charge. Sinon, vous avez le choix entre deux agences à Petropavlovsk : Explore Kamchatka (www.explorekamchatka.com), The Lost World (www.travelkamchatka.com). Elles proposent une large gamme de circuits.

DÉCOUVREZ LA VILLE QUI ACCUEILLE LES J.O. 2014 Les bons restaurants, les sites à ne pas manquer et les magasins de souvenirs larussiedaujourdhui.fr

Koriakski

GETTY IMAGES/FOTOBANK

et est entouré de forêts dont la végétation a été détruite par les éruptions successives. Les environs du Tolbatchik, toujours actif, sont très similaires au paysage de la Lune. C’est pourquoi l’Union soviétique y a testé son véhicule lunaire avant de l’envoyer dans l’espace. Plusieurs éruptions du volcan se sont produites dernièrement et les voyages dans la région peuvent être annulé au dernier moment si la situation l’exige

ALAMY/LEGION MEDIA

GETTY IMAGES/FOTOBANK

C'est le plus haut volcan actif d'Eurasie (4 850 m). Au cours des 270 dernières années, il s'y est produit plus de 50 éruptions violentes. Lors des éruptions de 2004-2005, la colonne de cendres s’est élevée à 8 000 m. La dernière éruption s’est produite en 2009.

En 1996, le Koriakski a été ajouté à la liste des 16 volcans qui, de l'avis de l'ONU, doivent être tout spécialement étudiés. Il culmine à 3 456 m. Son sommet présente un cratère de 180-200 m de diamètre. Le volcan est situé à 35 km de Petropavlovsk-Kamtchatski et s’inscrit dans le panorama de la ville.

Le lac de Kourile D’un rayon de 77 kilomètres, le lac de Kourile est entouré de volcans et sa nature est totalement préservée, même si le tourisme commercial commence doucement à amener ses excès dans la région. Comme plusieurs parties de la péninsule, le Kourile est plus facilement accessible par hélicoptère en partant de Petropavlovsk. On peut théoriquement s’y rendre seul, mais les incidents mortels avec les ours ne sont pas rares, surtout pendant le printemps. Se déplacer accompagné de guides professionnels expérimentés reste la meilleure option. Ne vous prenez pas pour Indiana Jones !

Moutnovski

LORI/LEGION MEDIA

Le mot Kamtchatka évoque des images de sources bouillonnantes, de myriades de volcans enneigés et de rivières sauvages regorgeant de saumon en été et cachées sous des couches de glace et de neige en hiver. La péninsule du Kamtchatka, une plus des grandes étendues sauvages au monde, est située sur la ligne de changement de date, et sa capitale, PetropavlovskKamtchatski, est plus proche de Tokyo et Seattle que de Moscou. Certaines parties de ce territoire long de mille kilomètres étant restées à l’écart de toute « civilisation », ses habitants n’hésitent pas à dire affectueusement que le Kamtchatka n’a pas de routes... seulement des directions. L’isolement de la région et son manque d’infrastructures constituent à la fois une bénédiction et une malédiction. La nature du Kamtchatka reste en grande partie inaccessible au tourisme de masse. Il est quasiment impossible pour le voyageur individuel (surtout avec un budget limité) de l’explorer sans solliciter une agence. Petropavlovsk a été fondée dans les années 1740. Située sur la baie d’Avatcha, la ville offre de formidables vues sur deux volcans et plusieurs sommets enneigés. Mais mis à part son emplacement idéal, peu de choses différencient Petropavlovsk d’autres petites bourgades de l’ancien bloc soviétique, qui ont toutes gardé un important héritage de l’archi-

ALAMY/LEGION MEDIA

Klioutchevskoï

C’est l’un des plus grands volcans du sud du Kamtchatka. Il atteint 2 323 m d'altitude. Le cratère central mesure 2 km sur 1,5 km.


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Opinions

GÉORGIE-RUSSIE : LE CHANGEMENT Sergueï Markedonov POLITOLOGUE

L DEUX TYPES DE MIGRATION Xavier Le Torrivellec POLITOLOGUE

L

es émeutes de Biriouliovo, provoquées par le meurtre d’un Russe par un autre Russe d’« origine caucasienne », ont relancé les débats sur l’état de la société et son rapport à l’État : la Russie serait vouée à la violence et à l’impérialisme. La montée d’une xénophobie à tendance islamophobe accentuerait les tensions interethniques. Certes, la situation des 20 millions de musulmans de Russie s’est dégradée après les deux guerres de Tchétchénie, la lutte anti-terroriste engagée en 2001 et le soi-disant complot antirusse des printemps arabes. Aujourd’hui, des groupuscules islamistes contestent par la violence le contrôle exercé par l’État, les muftis et généralement les « experts ». Leur purisme doctrinaire s’implante sur les rives de laVolga et jusqu’en Sibérie. Le tableau est heureusement plus nuancé quand on vit en Russie. Au quotidien, on n’observe aucune tension entre orthodoxes, musulmans, juifs et bouddhistes. La Russie reste un modèle de coexistence pacifique entre les grandes religions, qui y cohabitent sans heurt majeur depuis des siècles. Cela n’a rien d’une figure de style : il suffit pour s’en convaincre, de traverser les villages de la région Volga-Oural. On plonge dans des espaces de tolérance interconfessionnelle et de pratiques syncrétiques. Aujourd’hui, les positions des musulmans autochtones de Russie (Tatars, Avars, Bachkirs…) sont contestées par les exigences pu-

ristes des jeunes salafistes et par les pratiques ostentatoires des nouveaux musulmans, ces migrants économiques venus des anciennes républiques soviétiques du Sud-Caucase et d’Asie centrale. À ce titre, les musulmans de Russie participent, au même titre que les Russes ethniques, d’un sentiment patriotique anti-immigrés. Tous ont du mal à supporter la transformation de leur quartier en « ghetto », comme ce fut le cas de celui de Biriouliovo. Même si

forcent les soupçons de collusion entre migrants et policier. Face à l’inaction de l’État, les cas se sont multipliés d’émeutes déclenchées par des habitants excédés par la présence immigrée dans leur quartier. La confrontation violente est inévitable dans une société russe marquée par la prégnance des rapports de force. Peu remarqué, un élément du drame de Biriouliovo explique l’ampleur de la réaction populaire : Egor, âgé de 25 ans, est mort pour avoir défendu sa fiancée. Or,

Les nationalistes opèrent sciemment un amalgame entre migration interne et migration externe

La Russie n’a jamais été un pays de migrants et, État multiethnique, elle n’est toujours pas un État-nation

aucune étude statistique ne confirme le lien, le sentiment d’insécurité est communément rapporté à une forte présence immigrée, notamment illégale. Les énoncés sur la criminalité ethnique sont repris dans les médias : qu’un crime soit commis par un immigré, et son appartenance ethnique est aussitôt précisée. Ces indications ethnicisantes ne sont plus mentionnées lorsque le criminel est d’origine slave, laissant croire que les crimes sont majoritairement le fait des immigrés. Ces pratiques de double standard et leur responsabilité dans la montée d’un racisme culturel sont régulièrement dénoncées. Sans succès : les récits des habitants victimes d’agression alimentent un climat de défiance et l’impunité des migrants illégaux ren-

le rôle protecteur des hommes relève d’une norme sociale incontournable. Comme ailleurs en Europe, des courants identitaires se greffent sur les mouvements d’autodéfense. Lié à l’illusion d’une invasion, un sentiment de vexation l’emporte chez la plupart des Russes, qui restent persuadés que les peuples centrasiatiques ont voulu quitter l’URSS. Simplifications idéologiques et affirmations de soi se radicalisent dans un contexte de crise : le délitement du consensus autour de la figure titulaire deVladimir Poutine participe d’une perte de repères. Ce faisant, les nationalistes opèrent un amalgame entre migrations interne et externe. Ils ne distinguent pas les citoyens russes des républiques du Nord-Caucase

des étrangers arrivés d’Asie centrale. Ces « étrangers » qu’ils conspuent ont un passeport russe et leurs ancêtres étaient installés en Russie avant les Slaves ! La conscience impériale est largement partagée : la Russie était un empire composé d’une centaine de peuples autochtones. Comme les Ouzbeks, les Tchétchènes étaient sujets du Tsar et disposaient de leur république à l’époque soviétique. À la différence des États-Unis ou de l’Union européenne, la Russie n’a jamais été un pays de migrants et, État multiethnique, elle n’est toujours pas un État-nation. La fierté nationale de la centaine de peuples non russes de Russie réduit l’attrait pour une citoyenneté transcendant les appartenances ethniques. Les tensions actuelles concernent les populations immigrées et non pas les rapports entre les différents peuples de la Fédération de Russie. Il en va de même sur la question de l’islam : on ne perçoit pas en Russie la pression des réflexes islamophobes quotidiens en Europe. L’islam de Russie est une religion traditionnelle et les musulmans de Russie sont les premiers à condamner les pratiques ostentatoires de leurs coreligionnaires immigrés. Mais pour faire face à la montée des réflexes xénophobes, l’État doit réguler les deux types de migration, intérieure et extérieure. Seule l’élaboration d’une unité citoyenne de tous les habitants de Russie serait susceptible de réduire les confusions et de clarifier les enjeux de politique intérieure et de politique étrangère. L’auteur est professeur à l’université d’État deVoronezh.

LU DANS LA PRESSE ESPIONNAGE : BONS BAISERS DE RUSSIE

Le Trésor américain a inscrit un célèbre chanteur russe, Grigori Lepsveridze, alias Leps, sur une liste noire, le soupçonnant de liens avec le « Cercle fraternel », une organisation criminelle transnationale regroupant les chefs de différents groupes mafieux surtout basés dans l’ex-Union soviétique. La diplomatie russe est en émoi, d’autant plus que le chanteur est très apprécié du président Vladimir Poutine, qu’il soutient ouvertement. Préparé par Veronika Dorman

CHASSE À LA POP RUSSE

VRAIE ET FAUSSE RUSSIE

Michael Bohm

Éditorial

ARTISTE OU MAFIEUX ? Maria Zheleznova

THE MOSCOW TIMES / 15.11

GAZETA.RU / 01.11

VEDOMOSTI / 05.11

Les autorités russes ont demandé au Trésor de fournir des preuves de la participation supposée de Leps dans le crime organisé international. C’est leur droit que les États-Unis doivent respecter. Mais il est peu vraisemblable que les autorités russes enquêtent en profondeur sur les dizaines de citoyens russes, dont Leps, figurant sur la liste des membres du « Cercle fraternel ». Il y a une solidarité forte au sein des élites russes, qui obéissent à une omerta, « On ne livre pas les siens », surtout quand il s’agit de personnalités comme Leps, qui était un « délégué de confiance » de Poutine durant la campagne présidentielle de 2012.

En 24 heures, les États-Unis ont réussi à flatter un Russe célèbre et à en vexer un autre. Poutine a été désigné homme le plus puissant de l’année par la revue Forbes. Leps a été inscrit sur une liste noire. Ces deux histoires correspondent bien à l’image de la Russie en Occident : dangereuse, criminelle et imprévisible, et qui ne peut être dirigée que d’une main de fer. Mais la véritable Russie est différente. Bien sûr, Leps peut chanter à d’un gala d’« hommes d’affaires influents », mais de là à trimbaler des valises d’argent pour eux... De même, Poutine n’est pas omnipotent, et toute la politique nationale n’est pas, par défaut, la « politique de Poutine».

Se retrouver sur la liste noire du Trésor américain peut être un bon moyen de témoigner son amour de la patrie et obtenir une déclaration réciproque. Les États-Unis ne savaient pas à qui ils s’attaquent : homme de confiance de Poutine, artiste émérite de Russie, et le musicien le plus riche du pays selon Forbes. Un tel homme ne peut pas être un vulgaire coursier, explique le porte-parole du Kremlin. C’est un citoyen exemplaire, qui soutient toujours Poutine et le pouvoir. Qui le lui rend bien, en exigeant des États-Unis qu’ils cessent de se mêler de ce qui ne les regarde pas. La Russie est parfaitement capable de faire la différence entre un artiste et un mafieux.

e 27 octobre dernier, un nouveau chef d’État, Georgy Margvelachvili, a été élu à la tête de la Géorgie, succèdant à Mikheil Saakachvili, au pouvoir depuis 10 ans. Durant cette période, les relations russogéorgiennes sont tombées au plus bas depuis la désagrégation de l’URSS, jusqu’à un conflit militaire de cinq jours. La reconnaissance par Moscou de l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, jusque-là parties du territoire géorgien, a marqué le premier cas de révision des frontières des pays de l’ex-Union soviétique depuis 1991. La fin de l’ère Saakachvili est considérée comme une chance de normalisation des relations bilatérales. Les dirigeants du « Rêve géorgien », la coalition au pouvoir, ont l’intention de « faire tomber la fièvre dans les rapports avec la Russie ». Lors d’un de ses discours précédant le vote, Georgy Margvelachvili, s’est fixé cette mission. Dans quelle mesure la normalisation des relations profite-t-elle à la fois à la Russie et à la Géorgie, ainsi qu’à d’autres acteurs extérieurs ? La Géorgie dispose d’une position extrêmement importante dans la géopolitique européenne. Elle joue le rôle d’intermédiaire entre les régions de la mer Noire et celles de la mer Caspienne. Ainsi, ce n’est pas un hasard si du temps de l’Empire tsariste, la résidence du gouverneur russe dans le Caucase se trouvait précisément à Tiflis [ancien nom de Tbilissi, ndlr]. La frontière russogéorgienne coupe des espaces politiques instables : la Tchétchénie, le Daghestan, l’Ingouchie. On trouve sur le territoire géorgien une voie permettant à la Russie d’atteindre son partenaire stratégique dans le Caucase : l’Arménie. La Géorgie est un partenaire indispensable pour les projets stratégiques de transport ferroviaire et le transit des hydrocarbures. La Géorgie, qui contrôle les ports de Batoumi et de Poti, fait par ailleurs le lien entre le Caucase et la Turquie. La normalisation des relations offrirait la possibilité de mieux contrôler les zones troubles du nord Caucase. Il ne faut pas oublier que pour « l’Émirat caucasien », la Géorgie chrétienne représente un ennemi stratégique au même titre que la Russie. D’ailleurs, en particulier depuis l’attentat de Boston, Washington prête une grande attention à la

stabilité du Caucase russe. Il n’est ainsi pas étonnant que lors de sa dernière visite dans la capitale américaine, le ministre géorgien de la Défense, Irakli Alassania, ait annoncé son intention de collaborer avec Moscou dans la lutte antiterroriste, et cela « malgré le douloureux souvenir de la guerre de 2008 ». Deuxièmement, l’amélioration des relations entre la Russie et la Géorgie est conforme aux intérêts américains. Les États-Unis évitent tout conflit frontal avec Moscou et ont une approche pragmatique de la situation. Dans cette optique, le départ du troisième président géorgien est un premier pas. Washington peut maintenir l’orientation transatlantique choisie initialement par Tbilissi (intégration dans l’OTAN et rapprochement avec l’Union européenne) tout en évitant une confrontation ouverte avec Moscou. Troisièmement, la normalisa-

« Accord dans le désaccord » : l’amélioration du dialogue entre Moscou et Tbilissi a du bon pour tous, mais... tion des relations bénéficiera aux autres républiques du Caucase en permettant à l’Arménie d’accroître sa marge de manœuvre en politique extérieure. L’Azerbaïdjan, partenaire de Tbilissi, ne se sentirait plus otage de la politique aventureuse de la Géorgie. L’option d’une orientation univoque avec la Russie ou avec l’Occident n’est pas dans les intérêts de la diplomatie azerbaïdjanaise. L’amélioration du dialogue entre Moscou et Tbilissi semble n’avoir que des avantages pour tous. Cependant, on ne doit pas s’adonner à des excès d’optimisme. Certes, la responsabilité de Saakachvili était grande dans la détérioration des rapports entre les deux pays. Toutefois, de nombreux points de tension existaient déjà par le passé, et d’autres facteurs sont à prendre en compte (notamment les volontés indépendantistes de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud). Quoi qu’il en soit, le passage d’une politique empreinte d’idéologie à un pragmatisme permettant « l’accord dans le désaccord » serait déjà un grand pas en avant. Segueï Markedonov est chercheur invité au « Center for Strategic and International Studies » de Washington.

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Culture

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ENTRETIEN AVEC RADU MIHAILEANU

Le cinéma russe face à une société en quête d’identité

BIOGRAPHIE NÉ À BUCHAREST ÂGE : 55 ANS

Mihaileanu quitte la Roumanie en 1980 pour se réfugier en Israël, puis se rend en France pour étudier le cinéma à l’IDHEC. Il obtient le César 2006 du meilleur scénario original pour Va, vis et deviens, le César 2010 de la Meilleure musique et du Meilleur son pour Le Concert, le Prix Henri Jeanson de la SACD en 2009 et le Prix Henri-Langlois en 2010 pour l’ensemble de son œuvre.

LE RÉALISATEUR FRANÇAIS D’ORIGINE ROUMAINE PRÉSIDE CETTE ANNÉE LE JURY DU FESTIVAL DE HONFLEUR

MARIA TCHOBANOV

Qu’est-ce qui a motivé votre décision de présider cette année le jury du Festival ? J’ai un lien très étroit avec la culture russe. Mes parents sont nés en Moldavie, mes arrière-arrière grands-parents viennent d’Odessa. J’ai grandi sous l’influence énorme de la culture russe, ce qui a laissé des traces dans mon éducation, comme de tout Roumain à l’époque, quand la Roumanie faisait partie de ce qu’on appelait le bloc de l’Est. Andreï Tarkovski est pour moi un génie absolu, je le place parmi mes cinq cinéastes préférés de l’histoire du cinéma, au même rang qu’Ingmar Bergman et Charlie Chaplin. Son film Andreï Roublev fut un choc pour moi, comme L’Enfance d’Ivan et surtout Stalker. Je n’oublierai jamais une scène qui m’a beaucoup marqué dans Stalker. C’est la troisième fois qu’on me propose de présider le jury du festival de Honfleur, mais les années précédentes ce n’était pas possible à cause de mon planning des tournages et la promotion de mes films. Heureusement pour moi, cette année je suis disponible pendant la période du festival et j’ai hâte de voir les nouveaux films russes, de me réimprégner de la culture

russe pendant quelques jours, de voir ces merveilleux acteurs.

mais comme toute autre culture, il est aussi normal qu’elle soit en perpétuelle évolution. Le public en Europe et aux États-Unis a beaucoup aimé les personnages de mon film Le Concert où je montre ces gens qui ont souffert sous Brejnev et qui maintenant prenaient leur revanche, se remettaient debout. Mon bonheur, c’était qu’à la fin du film dans toutes les salles, les gens se levaient et manifestaient leur adoration de cet orchestre, ils avaient adopté mes personnages, qui étaient touchants et humains. Pour moi, le pari était gagné : l’âme slave montrait toute sa beauté et sa maestria pour atteindre ce que j’appelle l’ultime harmonie.

Le thème de la recherche de l’identité revient souvent dans vos films. Depuis la chute du régime communiste, la société russe partage cette interrogation. N’est-elle pas excessive parfois ? Le monde vit aujourd’hui une vague migratoire très forte. Nous nous trouvons aux confluences de plusieures cultures, grâce aussi à la télévision par satellite et aux nouvelles technologies. Nous conjuguons sans cesse l’universel avec le spécifique. Il est donc logique de se poser la question : sommes-nous encore les Russes d’il y a 50 ans, quand nous n’avions pas de contacts avec le monde extérieur, ou bien notre identité est-elle en train d’évoluer ? Nous serons toujours à la recherche de nous-mêmes, surtout en période de crise. Certains répondent à cette question par les vieux réflexes – ils ne veulent pas que les étrangers viennent déranger leur façon d’être –, d’autres sont plus ouverts et se laissent influencer, tout en gardant leur profonde identité et leur singularité. Cela m’attristerait que les Russes cessent de développer leur culture,

Pendant votre tournage en Russie, avez-vous observé la fameuse « âme russe » ? Racontez-nous vos rapports avec vos collègues russes. Il y a une infinité de façons d’être russe. Mais si l’on généralise sur « l’âme slave », les Russes comme les Roumains sont plutôt des passionnés, parfois excessifs, des extrémistes par rapport aux Français, qui sont cartésiens pour la plupart. Si nous aimons la musique, nous faisons de la musique.

Ça déborde parfois, mais c’est ce que j’ai adoré en travaillant avec les Russes. C’était vraiment merveilleux de travailler avec ces immenses acteurs, ces monstres que sont Aleksei Guskov, Dmitri Nazarov,Valeriy Barinov, Anna Kamenkova. Après, pour les maîtriser, ce n’est pas la même chose qu’un acteur français, qui est un peu plus discipliné. Mais quand on va dans un autre pays, on doit s’adapter et comprendre la façon de faire des autres. À votre avis, pourquoi le cinéma russe n’arrive-t-il pas à trouver son chemin vers le public et les écrans étrangers ? Il faut un certain temps pour digérer tout ce qui se passe en Russie depuis 20 ans. Parmi les cinéastes contemporains, j’ai une grande estime pour le travail de Pavel Lounguine, qui est un ami. Taxi Blues m’avait bouleversé. La noce est un moment de tragi-comédie très fort, très proche de mon type de cinéma et L’Ile est d’une rare puissance, très tarkovskien. J’ai beaucoup aimé Le larussiedaujourdhui.fr/ 26159

Retour aussi, de même qu’ Elena, films forts d’un véritable auteur : Andreï Zviaguintsev. Une fois que les cinéastes russes sauront prendre le recul nécessaire, avec le talent qu’ils ont, ils pourront enfin s’exprimer de façon plus convaincante. Peut-être leurs films ne sont-ils pas suffisamment forts, non pas au plan technique, parce que ce n’est pas ça qui compte, mais du point de vue de la narration, du style, de la force de l’histoire. Cela étant, peut-être vous dirai-je à la fin du festival : voilà, il y a déjà, aujourd’hui, de grands films russes ! Propos recueillis par Maria Tchobanov

ELLE VOUS LE DIT

Françoise Schnerb PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION DES AMIS DU FESTIVAL DU CINÉMA RUSSE DE HONFLEUR

"

Il y a aura des films jamais projetés en France, notamment La Soif, qui parle de la vie d’un vétéran de la Tchétchénie, et Parties Intimes qui traite avec audace du sexe. Il y aura des avant-premières, comme L’Amour en URSS de Karen Shakhnazarov, qui sortira à la fin de l’année ”.

Le Festival du cinéma russe à Honfleur Du 26 novembre au 1er décembre 2013, le port normand de Honfleur vivra au rythme du Festival du cinéma russe. Cette 21ème édition proposera au public les dernières productions, un programme documentaire, des rétrospectives, ainsi que des rencontres avec les cinéastes. Le festival ren-

dra hommage à deux réalisateurs récemment disparus en projetant leurs derniers films : Je veux aussi, d’Aleksei Balabanov et, de Gennadi Sidorov, Roman avec cocaïne, adaptation moderne du célèbre livre du même nom. Dans le cadre des années croisées FranceRussie, le festival montrera une rétrospective des studios Mosfilm.

Musique Du répertoire russe au grand opéra français, Dmitry Korchak affiche à trente-quatre ans une redoutable polyvalence

Dmitry Korchak vient de terminer les répétitions de Cosi fan tutte à l’Opéra de Bastille avant de commencer celles des Puritains de Bellini (première le 25 novembre). DARIA MOUDROLIOUBOVA POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Lorsqu’on lui demande d’imaginer un spectacle parfait auquel il aimerait prendre part, Dmitry Korchak indique modestement que non seulement ce spectacle existe, mais qu’il en fera partie dans quelques jours : interpréter à l’Opéra Bastille le rôle de Lord Arturo dans Les Puritains de Bellini – « rêve de tout vrai ténor » et l’un des rôles les plus difficiles – dirigé sur scène par Laurent Pelly et en fosse par Michele Mariotti. Une consécration pour ce ténor russe âgé de 34 ans qui chante aujourd’hui sur toutes les grandes scènes, y compris le Metropolitan Opera de New York

où il fera ses débuts la saison prochaine. La carrière de Korchak étonne par son succès, mais aussi par le répertoire qu’il aborde : Bellini, Donizetti, Rossini, Mozart… des rôles rarement accordés à des chanteurs non italiens, mais auxquels sa voix se prête étonnamment bien. Et, lorsqu’il se décide enfin à aborder le rôle de Lensky dans Eugène Onéguine, c’est aux côtés d’Anna Netrebko et Dmitri Khvorostovski à l’Opéra de Vienne, ni plus ni moins. Plus étonnant encore, Korchak n’entend pas s’y arrêter, et rêve désormais de Roméo et Juliette, Faust, Manon, Werther – des rôles du répertoire français que sa voix devrait lui permettre d’aborder d’ici à cinq ans. En attendant, il ne cesse de peaufiner son français, langue diaboliquement exigeante pour les chanteurs étrangers. Et pourtant, qui eût cru que cet enfant de chœur deviendrait un soliste brillant et un gagnant

KOMMERSANT

Le ténor enfile les rôles comme des perles

Dmitry Korchak (à gauche) et Daniele Rustioni lors du concert.

de ces concours de chant qui l’ont fait connaître ? « Enfant, je ne pouvais pas chanter solo. Mes jambes, mes mains, ma voix tremblaient, j’en oubliais tout ce que je savais ! », raconte Korchak à propos de ses débuts dans le chœur de garçons Sveshnikov.

Il a de la chance : le célèbre Viktor Popov, qui dirige alors le chœur, met un point d’honneur à ce que chacun de ses élèves aborde des parties solo aussi souvent que possible. C’est finalement cette éducation qui a permis à Korchak d’occuper les

devants de la scène quinze ans plus tard. « Les chœurs russes sont un héritage qui n’a pas son pareil dans d’autres pays, et j’en suis extrêmement fier : je pense non seulement à la musique populaire, mais surtout à la musique religieuse, car tout le rituel orthodoxe est bâti sur la voix ». Héritage que Korchak compte bien transmettre : son fils de cinq ans fréquente déjà le jardin d’enfants du chœur des Petits Chanteurs de Vienne et a été soliste dans deux spectacles à l’Opéra deVienne. « Je l’emmène voir des spectacles depuis qu’il est tout petit : il n’y a pas longtemps, il est venu m’écouter dans « Cenerentola », le jour suivant on est allé voir « Carmen », et le jour d’après, « Le Trouvère ». C’est toujours lui qui insiste pour rester jusqu’au bout », se réjouit Korchak de son rejeton qui « adore aller encourager les chanteurs dans leurs loges pendant l’entracte » et fait collection de

baguettes de chef d’orchestre : « il les demande à tous : Daniel Barenboim, Zubin Mehta, Kent Nagano - la dernière lui a été offerte par Riccardo Muti ». Loin d’avoir la grosse tête, Dmitry Korchak fait partie de ces chanteurs qui ont le professionnalisme et l’humilité de ne jamais cesser d’étudier. « On a toujours besoin d’une oreille extérieure. Je sais que je dois maintenir ma voix dans un état belcantiste, et enfiler les rôles comme des perles à partir de cette base », explique-t-il. S’il vit à Vienne, la vie d’artiste l’amène aux quatre coins du globe : « Cette année, je n’ai passé que trois semaines à la maison, mais j’aime travailler voyager. Le monde des grandes maisons d’opéra est petit : dans chaque spectacle, je retrouve des gens avec qui j’ai déjà travaillé et que j’apprécie. Même si ce n’était pas le cas, il s’agit d’un travail. Simplement, ce travail, je l’aime ! »


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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO

Magazine

Style De Dolce & Gabbana à Kenzo, les motifs traditionnels de la culture et de l’art locaux trouvent leur place dans les collections

Les grands couturiers taillent à la russe C’est inattendu, mais c’est pourtant réel : les stars et les stylistes du monde entier montrent un intérêt croissant pour le style dit « à la russe ».

La manière russe Khokhloma Ce style de peinture à la main date du XVIIème siècle et correspond à l’une des manifestations les plus brillantes de l’artisanat folklorique russe. Il est caractérisé par des motifs de fleurs très vifs, rouges et dorés sur un fond noir.

INNA FEDOROVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

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Les foulards de Pavlovsky Possad Ces foulards de coton très colorés sont produits à l’usine de Pavlovo Possad, à 70 km seulement de Moscou. Ils sont d’une telle précision que les motifs de fleurs ou légumes et les ornements produisent un effet en trois dimensions. Gzhel Cette porcelaine bleue et blanche tient son nom du village de Gzhel, à proximité de Moscou, qui abrite sa production depuis 1802. Les dessins de Gzhel sont visibles sur des vases aux petites sculptures animales.

Julia Roberts en robe rouge Dolce & Gabbana. REUTERS

russe s’est fait une place dans le monde de la mode. En Occident, l’intérêt pour la culture et la mode russe connaît des variations au fil de l’histoire. Chaque nouvelle vague de sympathie pour la Russie se voit guidée par un changement dans le pays, qu’il s’agisse d’une succession au trône, d’une révolution ou d’une réorganisation du système politique. Au XVIIIème siècle d’abord, l’esprit des Européens est avivé par le tsar réformateur

Pierre Ier, puis un peu plus tard par les cosaques et hussards de l’armée russe après la prise de Paris en 1814. Plus loin encore, à la fin du XIXème et au début du XXème siècles, ce sont les « bals russes » costumés qui font leur entrée en Europe. C’est avec un nouvel entrain que l’Europe s’empare du thème russe en 1909, à la suite de la première saison des Ballets russes de Diaghilev en France. Boris Godunov, Le Sacre du Printemps,

L’Oiseau de feu et autres spectacles venus de Russie reçoivent un succès colossal. Deux ans plus tard, le célèbre couturier français Paul Poiret introduit dans ses créations un type de broderie ukrainienne et les bottes cosaques, suite à un voyage en Russie. Et après la révolution, l’afflux des Russes blancs en France et dans nombre d’autres pays marque un nouvel engouement. Dans l’esprit du « fashionista » européen, le col de boyard est l’agrément slave par

VOYAGE DANS L’ANCIENNE RUSSIE

ky, génial touche-à-tout, entrepreneur, inventeur, photographe, peintre et violoniste à ses heures, qui a bouleversé la société russe du siècle dernier naissant avec ses « vues optiques en couleur ». Après leur récente redécouverte et leur restauration par la Bibliothèque du Congrès à Washington, ces clichés gardent un pouvoir de fascination renouvelée. Cent d’entre eux sont exposés pour la première fois à Paris.

REGARD SUR LA TCHÉTCHÉNIE

LA VIE DES RUSSES DE RIVES

JUSQU’AU 4 DÉCEMBRE, CHAPELLE DE L’ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS, PARIS

DU 26 AU 30 NOVEMBRE, CENTRE RUSSE DE LA SCIENCE ET DE LA CULTURE, PARIS

JUSQU’AU 13 AVRIL 2014 MUSÉE ZADKINE, PARIS

Découvrir un monde disparu il y a près de cent ans dans des photographies en couleur provoque une émotion particulière : soudain, cette Russie du début du XXème siècle nous paraît bien plus proche que la vision en noir et blanc de l’enfance de nos parents. On le doit à Sergueï Procoudine-Gors-

› larussiedaujourdhui.fr/26573

Le photographe italien Davide Monteleone consacre un reportage à mi-chemin entre photographie d’art et photojournalisme à la Tchétchénie. Sa série cherche à révéler ce qu’est l’identité tchétchène aujourd’hui. « C’est un peu trop facile de résumer la Tchétchénie aux abus des droits de

excellence, tout comme le célèbre couvre-chef « kokoshnik » et le châle à frange. L’engouement pour la mode russe remonte aux années 2000, avec les collections des plus grands : celle de Roberto Cavalli et le « Paris-Moscou » de Karl Lagerfeld pour Chanel, la « ligne russe » d’Antonio Marras pour Kenzo, ou encore les collections de John Galliano, Valentino et Dolce & Gabbana, dans un style « à la russe ». L’abondance des

DAVIDE MONTELEONE

Pourtant connue pour son goût immodéré des tailleurs classiques et de la couleur noir, l’actrice Julia Roberts est apparue à la première du film August : Osage County dans une robe rouge signée Dolce & Gabbana. La coupe et le style de la robe, brodée de dentelle, ainsi que la coiffure de l’actrice, qui ose la raie au milieu, ont transformé la diva d’Hollywood en véritable beauté... russe ! Cela peut paraître incroyable, et pourtant, ces dernières années, les stars du monde entier montrent un intérêt croissant pour le style « à la russe ». « À la russe » se traduit par une silhouette ultra-féminine, des jupes bouffantes (souvent longueur maxi) à la taille bien soulignée, et des foulards aux imprimés floraux, en dentelles ou brodés. Ce style s’inspire également d’éléments du folklore russe : châles traditionnels (de grande taille, en soie, avec des franges, aux couleurs vives et aux motifs floraux) et peintures de Khokhloma. L’année dernière, Lady Gaga a surpris tout le monde en se montrant à son public dans des tenues de la styliste russe Ulyana Sergeenko. Créatrice de sa propre marque Ulyana Sergeenko, la jeune femme participe depuis peu aux « Fashion Weeks ». Et c’est grâce à cette créatrice aux jupes soyeuses et bouffantes qu’un style

motifs russes, ainsi que la grande variété des châles et autres broderies fait main, les cols de fourrure, les jupes bouffantes aux tailles marquées et les cols sages, les colliers massifs et les boucles d’oreilles imposantes, tous ces éléments sont devenus la carte de visite du style dit « à la russe ». Un style soulignant la féminité et la séduction, par contraste avec le minimalisme et l’androgynie qui règnent ces dernières années dans le monde de la mode.

l’homme. Le fait est que la vie est désormais plus facile à Grozny », souligne-t-il. Son reportage relate autant les moments de prière et d’étude que le commerce renaissant et les moments de fête.

Des clichés retraçant la vie des Russes de Rives (1924-1974) dans le Bas-Dauphiné et leur château de l’Orgère, dit « Château des Russes » : cette exposition est présentée par la Maison des Russes de l’étranger sur la base de photographies d’époque.

› larussiedaujourdhui.fr/26625

› russiefrance.org

LE THÉÂTRE EN LANGUE FRANÇAISE DE MOSCOU

Ce théâtre fut créé au début de la Seconde Guerre mondiale par Alexandra Oranovskaia, alias Alice Oran, traductrice célèbre et membre de l’Union des écrivains de l’URSS. Toutes les productions du théâtre se font en français uniquement et sont dirigées par Elena Gueorguievna Oranovskaia, la fille de la fondatrice. Le répertoire comprend des œuvres classiques tant françaises que russes. Le 29 septembre dernier a marqué l’ouverture de la soixantequinzième saison. Au programme : La voix des âges, le premier acte de la pièce de Tchékhov La Mouette, ainsi qu’un extrait de la comédie de Molière, Le Malade Imaginaire. L’entrée est gratuite pour tous les spectacles.

АТA

L’Association du Théâtre d’auteur est un théâtre amateur créé à Moscou. Conçu comme un lieu de loisirs plus que d’enseignement, il se consacre au travail avec des enfants et des adolescents, notamment en matière de développement de leur potentiel artistique. L’art théâtral est enseigné aussi bien en russe qu’en langues étrangères. Outre l’anglais traditionnel, les cours sont proposés en espagnol et en italien. Les jeunes acteurs y apprennent la langue (des cours de grammaire sont dispensés aux enfants qui ne maîtrisent par les langues étrangères), mais surtout les disciples apprennent à jouer comme de vrais professionnels – d’abord de petits extraits, ensuite des spectacles entiers en langue étrangère.

S P E C TA C L E S À M O S C O U P O U R C E U X Q U I V E U L E N T R E S S E N T I R L ’ E S P R I T D U T H É ÂT R E E N C O M P R E N A N T C E Q U I S E PA S S E S U R S C È N E

Trois

LA FLÛTE ENCHANTÉE Production: Le Théâtre des Bouffes du Nord

spectacles

le 21 novembre

hors du commun

Adaptation libre de l’opéra de Wolfgang Amadeus Mozart par Peter Brook, Franck Krawczyk et Marie-Hélène Etienne. En choisissant d’aborder Mozart sous l‘angle du jeu, en refusant les effets de scène banals et en plaçant les chanteurs et l’orchestre à deux pas du public et à son niveau, Peter Brook a créé une Flûte à mille lieux

joués et réalisés en français

à Moscou

des chemins battus. Chaque spectateur est plo n g é d a n s l a t r a m e immortelle et pour en ressentir toute sa douceur et toute sa magie. « Mozart ne tient pas en place, il est différent à chaque fois. Nous allons suivre son exemple, en respectant l’esprit de l’œuvre. Il ne s’agit pas de le rendre moderne ou le dissimuler, mai s de le révéler », explique Peter Brook Théâtre des Nations, Petrovskiy pereulok, 3.

MEMENTO MORI Production: Le Théâtre de Gennevilliers

les 25, 26 novembre

Le réalisateur explique que « le seul sujet de Memento Mor i est le m o uve m e nt même. Ou plutôt ce qui précède le mouvement. Ce qui vient avant. Au tout début. Lorsque tout est encore immobile. Lorsqu’il n’y a encore rien. Nous imaginons ce que signifi e « avant le mouvement ». C’est-à-dire avant qu’on

ne puisse déceler quoi que ce soit. Nous écoutons et entendons son grondement arriver de loin. Et puis il arrive, et il est nu. Nous imaginerons tout ce qui nous habite : toutes ces images qui nous peuplent et nous appartiennent, mais appartiennent également à l‘Aurignacien et à ceux qui nous précèdent de loin. Le monde sans péché ».

Centre Meyerhold, rue Novoslobodskaia, 23.

ALBERT CAMUS LIT «L’ÉTRANGER» Réalisation : Pierre de Mûelenaere

le 21 novembre

D e s e x t r a it s du r om a n L’Étranger lu par l’auteur lui-même (enregistrement réalisé en 1954) sont mixés en live avec des musiques actuelles, principalement électroniques (Burial, Air, Apparat, Ben Frost, Frank B r e t s c h n e i d e r, e t c .) . Simultanément, des visuels se superposent au récit, mélangés en direct par les

artistes vidéo Orchid Bite. Quand les disciplines du monde de la nuit (DJ et VJ) se mettent au service d’une œuvre majeure de la littérature française, le texte classique y trouve un son inattendu et très moderne. Dans le cadre du projet « Les journées Albert Camus en Russie : à l‘occasion du centenaire de l‘é c r iv a i n ». Av e c le s éditions Gallimard. Centre Meyerhold, rue Novoslobodskaia, 23.

Moscou a beau être un centre culturel mondial qui attire quelque 5 millions de touristes par an venant du monde entier, la capitale compte relativement peu de théâtres pour les étrangers. Ce sont principalement des théâtres amateurs qui ne craignent pas d’expérimenter avec des interprétations audacieuses de Shakespeare, Molière, Elfriede Jelinek, Samuel Beckett et autres dramaturges de génie. Des troupes théâtrales françaises viennent régulièrement en tournée à Moscou.


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