Russia Beyond The Headlines

Page 1

be.rbth.com

Russia Beyond the Headlines est le nouveau nom de

Mercredi 18 juin 2014

supplément en français au journal Le Soir

Les actualités de la Russie Distribué avec

Parmi les autres partenaires de distribution : The Daily Telegraph, The New York Times, The Washington Post, Le Figaro, etc.

C E S U P P L É M E N T D E S I X P A G E S E S T É D I T É E T P U B L I É P A R R O S S I Y S K AYA G A Z E T A ( R U S S I E ) , Q U I A S S U M E L ’ E N T I È R E R E S P O N S A B I L I T É D E S O N C O N T E N U

DOSSIER

Vers une relecture sans idéologie de la Première Guerre mondiale

Une bière née dans un tank

Les brasseurs belges de la ville d'Anthisnes célèbrent le centenaire de la Première Guerre mondiale. En mémoire des soldats belges ayant combattu aux côtés de l'armée russe, ils ont créé une bière originale, combinant la recette du cocktail russe "Iorsh" et le brassage belge traditionnel. PAGE 4

OPINIONS

Nouvelle donne en Ukraine Le politologue Fedor Loukianov décrypte les enjeux de la récente élection présidentielle en Ukraine et lance des hypothèses sur l'évolution des relations russo-ukrainiennes. Il revient sur les attentes de Moscou en les comparant aux propositions du nouveau président. PAGE 5

CULTURE & LOISIRS

Nouvel élan après les JO ©MUSÉE D'ÉTAT CENTRAL D'HISTOIRE CONTEMPORAINE DE RUSSIE

Durant les 70 années de l'époque soviétique, les origines et les enjeux de la Première Guerre mondiale ont été opportunément cachés sous le tapis par un pouvoir déterminé à exalter la révolution bolchevique. Aujourd'hui, alors que l'Europe entière se remémore le début de la "Grande Guerre", les Russes redécouvrent un conflit dans lequel ils ont joué un rôle déterminant. Un travail de mémoire qui pourrait avoir une influence y compris sur les historiens européens. Image : "Délire de Guillaume" (1914), l'affiche de propagande russe. LISEZ NOTRE DOSSIER EN PAGES 2 À 4

be.rbth.com/29463

PAGE 6

3

À lire sur notre site Web Équipe nationale russe : qui est capable de faire la différence ?

La première tournée européenne deYouth Symphony Orchestra, dirigé parYouri Bashmet, débutera à Bruxelles.

Immobilier : en Crimée, la saison des achats est ouverte be.rbth.com/29465 RECEVEZ LES MEILLEURS ARTICLES CONCERNANT LA RUSSIE DIRECTEMENT DANS VOTRE MESSAGERIE ÉLECTRONIQUE.

BE.RBTH.COM/SUBSCRIBE

Le septembre

Prochain numéro


02

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES

Dossier

www.be.rbth.com

Supplément réalisé par Rossiyskaya Gazeta et distribué avec

Société Historiquement, le terme « grande » est appliqué en Russie et en Occident à deux guerres bien distinctes

Les leçons oubliées de la guerre Pour la Russie, la "Grande Guerre", c'est bien sûr la Grande Guerre patriotique de 1941-1945. La Première Guerre mondiale reste pour les Russes "la grande inconnue". ALEXANDRE VERCHININE POUR RBTH

© CORBIS/ALL OVER PRESS

© RIA NOVOSTI

« Cet oubli injustifié de la Première Guerre mondiale au sein de la conscience nationale est principalement dû aux interprétations idéologiques déformées dont elle a fait l’objet à l’époque soviétique », explique Natalia Narotchnitskaïa, historienne russe. En effet, la Première Guerre mondiale fut oubliée en Russie dès sa fin et pour longtemps. L’idéologie soviétique l’a qualifiée d’impérialiste : des groupes de la bourgeoisie se seraient affrontés pour conquérir des marchés en utilisant les ouvriers et les paysans trahis. En très peu de temps, tous les souvenirs de la guerre furent détruits. Le cimetière fraternel de Moscou, où étaient enterrés les soldats russes morts au front, fut rasé. On n’évoquait la Première Guerre mondiale que parce qu’elle fut le catalyseur des événements révolutionnaires qui, finalement, amenèrent les bolcheviks au pouvoir. Les colossales pertes humaines subies par la Russie et la mémoire des succès de l’armée russe tombèrent dans l’oubli. Et, une fois que l’Union soviétique eut vaincu l’Allemagne d’Hitler, la guerre impérialiste perdue fut effacée de la mémoire collective. Dans le discours idéologique soviétique, la Première Guerre mondiale n’avait tout simplement pas d'utilité. Elle était perçue différemment en Occident. La guerre de 1914-1918 fut pour l’Europe une épreuve grave et douloureuse : des millions de victimes, des villes détruites, l’effondrement des principes traditionnels. En Russie, où cette guerre fut suivie d’une guerre civile qui s’acheva par un régime totalitaire, elle fut rapidement oubliée. Les Européens, en revanche, durent parcourir un long chemin pour exorciser ce traumatisme. Les tentatives visant à héroï-

3

FAITS SUR LA GUERRE

La 1re GM a entraîné la disparition de quatre empires : l’Allemand, l’Austro-Hongrois, l’Ottoman et le Russe.

1 2

55 millions de personnes, militaires et civils, ont été blessées ou mutilées durant ce conflit, qui a duré plus de quatre ans (1914-1918). La Russie, déjà bolchevique, est sortie de la guerre le 3 mars 1918, en signant le traité de Brest-Litovsk avec les Allemands et les Autrichiens.

3

L’expérience de la guerre est assimilée, on la considère comme un événement important, mais historique

Les représentants militaires des puissances alliées. De gauche à droite : Marsengo (Italie), le Baron Rikkel (Belgique), Nicolas II (Russie), le Général Williams (Grande-Bretagne), le Marquis de Gramont (France) et le Colonel Land Kievitch (Serbie).

ser la guerre, à la transformer en une ressource symbolique pour former le nationalisme européen et surmonter ainsi les souvenirs négatifs, se soldèrent par la catastrophe encore plus importante que fut la Seconde Guerre mondiale. Cette leçon concerna la génération suivante d’Européens. Les petits-enfants de ceux qui combattirent sur la Marne ou à Verdun voyaient la Première Guerre mondiale d’un tout autre œil que leurs aïeux. Pour eux, les citoyens d’une Europe engagée dans l’unification, ce fut une tragédie commune dont la mémoire devait être préservée pour prévenir sa répétition dans le futur. Une attitude de respect paisible envers cette guerre s’installa dans la conscience des Européens. Le jour de sa fin, le 11 novembre, célébré dans plusieurs pays d’Europe, est devenu plutôt une journée dédiée à la mémoire. Et ce n’est pas uniquement parce que le dernier vétéran de la Première

Guerre mondiale est mort il y a quelques années ; l’Occident a profondément changé depuis 1918. Dans l’Europe unifiée, il n’y a pas de place pour le nationalisme. L’expérience de la guerre est comprise et assimilée, on peut la considérer comme un événement, certes important, mais désormais historique. Paradoxalement, la Russie a parcouru le même chemin. Les Européens ont traversé la période « d’expiation » de la guerre comme une expérience directe de la génération présente. La Russie, elle, n’a pas connu cette période. Dans la mémoire nationale, la niche « héroïque » est pour toujours occupée par la Grande Guerre patriotique. C’est une mémoire vivante, transformée en mythe, qui est protégée par tous les moyens de réécritures et interprétations. La Première Guerre mondiale ne possède pas un tel halo de sainteté, mais grâce à cela, elle est perçue précisément comme un fait

© RIA NOVOSTI

historique. Aussi, on peut l’étudier et la comprendre librement. L’historien russe Anatoli Outkine écrit : « La Première Guerre mondiale est la guerre la plus intéressante, car après cette guerre, la Russie a changé. En outre, la mémoire de cette guerre est encore plus vive des dizaines d’années plus tard, quand les erreurs et les pertes de cette époque ont trouvé un nouvel écho. Globalement, la Première Guerre mondiale fut un test de maturité pour la Russie. Et, malheureusement, la Russie n’a pas passé ce test, bien qu’elle ait montré une dignité et un héroïsme incroyable ». La leçon historique tragique que la Russie n’a pas apprise – c’est bien la vision que la plupart des Russes ont de la Première Guerre mondiale. Beaucoup de choses sont difficiles à com-

prendre. Pourquoi s’être impliqué dans un conflit dont l’issue ne pouvait qu’être dévastatrice ? Comment ne pas voir, dans les épreuves militaires, le mirage d’une révolution en devenir ? Et surtout, pourquoi perdre une guerre quasiment gagnée, et ce non sur le champ de bataille, mais suite à l’effondrement définitif du système politique en place ? Les tentatives de répondre à ces questions clés de l’histoire russe suscitent un intérêt vif des Russes vis-à-vis de la Première Guerre mondiale. Les tirages des livres consacrés à cette guerre vont croissant, des musées se créent, la mémoire familiale de ces événements lointains renaît. En août, Moscou se dotera d’un monument à la mémoire des soldats russes de la Première Guerre mondiale. Cent ans plus tard, la justice historique a triomphé.

remplacées sur cinq tombes à Chimay, ce qui a été l'occasion d'installer un signe commémoratif en l'honneur des soldats russes, ayant péri en Belgique. En 2012, l'ambassade de Russie à Bruxelles a lancé sur son site web officiel un projet d’inventaire électronique complet concernant les sépultures militaires russes de la Première Guerre mondiale en Belgique. Le projet comprend des photographies des lieux de sépulture, leurs descriptions et les listes des noms des morts. L'un des meilleurs exemples de la véritable confrérie militaire des peuples belge et russe est la participation du corps blindé belge à des combats au sein de l'armée russe pendant la Première Guerre mondiale. Il existe un projet visant à réaliser un film documentaire sur cet épisode marquant mais peu connu de l'histoire militaire commune. Les almanachs, les albums et les guides publiés en Belgique à la veille du 100e anniversaire de la Première Guerre mondiale et consacrés aux sépultures militaires de l'époque de la guerre

sur le territoire belge font invariablement état des prisonniers de guerre russes enterrés ici, des cérémonies commémoratives organisées par l'ambassade russe sur leurs tombes et font référence à la base de données électronique. Des millions de vies humaines perdues dans ce conflit insensé interpellent toujours la mémoire des habitants de l'Europe et de la Russie. Et si les générations d’antan ont été incapables d'en tirer les leçons appropriées et se sont enlisées par la suite dans un nouveau conflit mondial abominable, il est à présent de notre devoir commun de ne pas permettre à l'avenir de nouvelles tragédies de ce genre. Il est important que la mémoire historique de cette tragédie, qui ne fait défaut ni aux Belges, ni aux Russes, nous fasse redoubler d'efforts afin de trouver des solutions aux problèmes sécuritaires contemporains.

LE MOT DE L'AMBASSADEUR

Notre devoir de mémoire passe par l'inventaire complet des sépultures Alexandre Romanov AMBASSADEUR

a Russie et la Belgique sont des amis et partenaires de longue date. L'année dernière, les deux pays ont célébré une date historique, le 160e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques. 160 ans est une bien longue période, qui a été marquée par des pages glorieuses de notre histoire commune. Cette année, on célèbre une autre date importante, le 100e anniversaire de la Première Guerre mondiale, où la Belgique et la Russie étaient alliées. Au cours de la Première Guerre mondiale, des milliers de prisonniers de guerre russes sont passés par le territoire du Royaume, dont bon nombre

L

sont restés ici pour toujours. Il nous reste les souvenirs fourni par de simples Belges sur les conditions inhumaines dans lesquelles étaient gardés les prisonniers russes et sur les tentatives de la population locale à les aider. Et aujourd'hui, en Belgique, on entretient soigneusement les tombes de tous ceux qui ont péri dans ce terrible conflit. L'ambassade de Russie en Belgique, pour sa part, initie de nombreux projets qui permettent de préserver le patrimoine militaire et d'élargir la connaissance sur les soldats russes enterrés en Belgique. L'ambassade s'active pour trouver des données sur les sépultures militaires russes de la Première Guerre mondiale sur le territoire belge, dont les plus grandes sont situées à Liège (157), Tournai (118), Mons (74) et Saint-Vith (60).

Un monument dédié aux soldats et officiers russes et soviétiques morts pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, l'œuvre du sculpteur russe Alexandre Bourganov, est érigé au Mémorial Interallié de Cointe

Grâce à la recherche menée par l'ambassade, 24 sites d'inhumation ont pu être identifiés, et la coopération avec le ministère de la Défense belge, les organisations belges d'anciens combattants, les chercheurs amateurs russes et belges a permis d'établir la liste comprenant 525 noms des Russes enterrés en Belgique pendant cette période-là. En 2013-2014, trois tombes de prisonniers russes, jusque-là inconnues, ont été dé-

Aujourd'hui, en Belgique, on entretient soigneusement les tombes de tous ceux qui y ont péri

Il est à présent de notre devoir commun de ne pas permettre à l'avenir de nouvelles tragédies de ce genre

(Liège). Des plaques commémoratives en l'honneur des soldats russes sont installées à Gouvy et à Moresnet. Les noms des soldats russes figurent sur les monuments aux morts de cette guerre dans les villes d'Amay et de Wanze (province de Liège).

couvertes à Mochamps et à Beffe. L’ambassade de Russie surveille également l'état des tombes et veille aux réparations nécessaires. En 2013, a été achevé l'entretien des 12 tombes de la Première Guerre mondiale à Gand et les pierres tombales délabrées ont été

Alexandre Romanov est l'ambassadeur de la Russie auprès du Royaume de Belgique.

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX : • LE SOIR, BELGIQUE • LE FIGARO, FRANCE • THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE •DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • THE ECONOMIC TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES CHINE • LA NACION, ARGENTINE • FOLHA DE S. PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE • NATION, THAÏLANDE. EMAIL : BE@RBTH.COM. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ BE.RBTH.COM. LE SOIR EST PUBLIÉ PAR SA ROSSEL ET CIE. RUE ROYALE. 100 - 1000 BRUXELLES - BELGIQUE . TÉL: 0032/2/225.55.55. IMPRESSION : ROSSEL PRINTING COMPANY SA. DIFFUSION : 94 800 EXEMPLAIRES


RUSSIA BEYOND THE HEADLINES

www.be.rbth.com

Dossier

Supplément réalisé par Rossiyskaya Gazeta et distribué avec

03

Histoire La guerre dans le destin et les mots des grands hommes

Les artistes russes face à la Première Guerre mondiale 1 O. FEDIANINA, M. BESMERTNAÏA, N. SOLDATOV KOMMERSANT

L’année 1914 en Europe est celle d’un renouveau patriotique général, qui voit pour la première fois la scission d’une classe cosmopolite et cultivée se considérant jusqu’alors comme euro-

péenne et unie. À l’origine de cette fracture, ceux qui se feront appeler plus tard les « maîtres de la culture ». La rhétorique patriotique apparaît à l’époque dans les journaux intimes et les lettres des écrivains et artistes les plus respectés du pays, émanant des intentions les plus sincères.

Vladimir Maïakovski POÈTE ÂGE EN 1914 : 21

Juste après la déclaration de guerre, il prend part à un rassemblement patriotique où il lit pour la première fois son poème La guerre est déclarée. Il tente de se faire enrôler comme volon-

Alexandre Benois

taire dans l’armée, mais ne reçoit pas le certificat de loyalisme politique. Il écrit plusieurs articles sur le rôle des écrivains dans la guerre, dessine des affiches de guerre et des cartes postales. Mais dès 1915, il écrit son célèbre pamphlet pacifiste À vous !, dont la lecture au café Le chien errant se terminera par un scandale général. Le café échappe de justesse à la fermeture. Le 8 octobre de la même année, il est appelé à servir l’armée et grâce à l’intervention de Maxime Gorki, il est envoyé à l’École de Construction automobile de Saint-Pétersbourg. Durant les années 1915 et 1916, il écrit des vers contre la guerre, dont son poème Guerre et paix. Durant l’été 1916, à la suite d’une nouvelle intervention de Gorki, il est déclaré inapte au service militaire.

La vie de nombreuses personnalités issues de la culture russe, écrivains, poètes ou compositeurs, a été affectée par la guerre. Certains d'entre eux ont partagé leurs expériences dans des lettres à leurs proches, d'autres les ont exprimées sous forme de nouvelles ou romans, et d'autres encore les ont transformées en musique.

© RIA NOVOSTI

1. Sur la ligne de front, Kouzma Petrov-Vodkine 2. L'ennemi des humains. Roerich a créé cette affiche en 1914, dans laquelle il condamne la destruction barbare de monuments culturels à Louvain, Chantilly et Reims. 3. L'affiche de guerre de Maïakovski.

Boris Pasternak POÈTE, ÉCRIVAIN ÂGE EN 1914 : 24

Juste avant la guerre, on lui remet un livret militaire blanc [document relatif à un service dans des unités de base arrière, ndlr]. À l’automne 1914, il souhaite s’inscrire comme volontaire, mais renonce. Il n’écrira pas de vers patriotiques. En 1916, il qualifie la vie pendant la guerre de sombre et inutile, en attente d’être remplacée par une nouvelle ère.

Alexandre Kouprine

"

Non mais, dites-moi, papa, quels salauds ! La duplicité avec laquelle ils ont mené la diplomatie par le bout du nez, le discours de Guillaume, leur comportement vis-à-vis de la France ! Le Luxembourg et la Belgique ! ". EXTRAIT D’UNE LETTRE À SES PARENTS, LE 20 JUILLET 1914

Igor Stravinski

ÉCRIVAIN

COMPOSITEUR

ÂGE EN 1914 : 44

ÂGE EN 1914 : 32

2 © SERVICE DE PRESSE(2)

PEINTRE, SCÉNOGRAPHE ÂGE EN 1914 : 44

Dès les premiers mois de guerre, Alexandre Benois devient un pacifiste convaincu, fustige les patriotes. Il affirme que la guerre détruit tous les arts, y compris l’art russe.

"

Nous luttons pour défendre l’intégrité complète de notre âme russe, et donc de notre art ".

3

EXTRAIT DE L’ARTICLE L’ART ET LA GUERRE, 1914

À l’automne 1914, il s’enrôle comme volontaire dans le régiment de réserve et est envoyé en Finlande pour entraîner les soldats. En janvier 1915, malade, il est démobilisé. Dans sa maison à Gatchina, il crée une infirmerie pour les blessés au combat.

Alexandre Blok POÈTE

"

Je sens la guerre et je sens qu’elle est de tout son poids sur les épaules de la Russie. Quant aux autres, tant pis… "

Qu’ont fait de mal la Russie et les Russes à l’Allemagne ? Pourquoi cette haine contre nous règne-t-elle sur le Rhin ? Serait-ce parce que la Russie les a nourri de son pain, parce que ces centaines de milliers d’Allemands ont reçu le plus chaleureux des accueils ? "

Ma haine pour les Allemands ne grandit pas de jour en jour, mais d’heure en heure, et je brûle de plus en plus de jalousie lorsque je vois que nos amis, Ravel, Delage et Schmitt, sont tous au combat. Tous ! "

EXTRAIT D’UNE LETTRE, 6 OCTOBRE 1914

SUR LA GUERRE, 1914

TEMBRE 1914

ÂGE EN 1914 : 34

En juillet 1916, Alexandre Blok est appelé à l’âge de 35 ans à travailler en tant que chronométreur dans une troupe d’ingénierie et de construction. Jusqu’en mars 1917, il sert dans la construction de routes et de fortifications.

Depuis le début des années 1910, il partage sa vie entre Saint-Pétersbourg et Paris, où sont joués L’Oiseau de feu, Pétrouchka et Le Sacre du printemps. Début 1914, il dit « tomber par chance » avec sa famille en Suisse, qu’il ne quittera pas pour rentrer en Russie, pour cause de guerre.

"

Les récits de vie de Tsiolkovski, Barychnikov, Nijinski et d'autres grands hommes russes.

Rendez-vous dans la section "Histoires russes" be.rbth.com/blogs/histories_russes

"

EXTRAIT DE SA LETTRE À LEV BAKST, LE 20 SEP-

Kouzma Petrov-Vodkine PEINTRE ÂGE EN 1914 : 36

Le peintre est enthousiaste au début de la guerre. Mais comme l’affirmait Benois, dès l’été 1916, appelé comme réserviste dans le régiment Izmaïlovski, il ne peut « cacher l’horreur d’être envoyé au front ». Cette même année, il peint son tableau Sur la ligne de front, ou la mort d’un jeune officier mène ses soldats à l’attaque.


04

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES

Dossier

www.be.rbth.com

Supplément réalisé par Rossiyskaya Gazeta et distribué avec

Histoire Un brasseur belge commémore l'alliance militaire belgo-russe de la Première Guerre mondiale

Le souvenir d'un tank fait des bulles dans une bière belge Les brasseurs belges de Fulltime Hops consacrent une bière russobelge à un corps de blindés belges qui combattit au sein de l'armée russe lors de la Première Guerre mondiale LEONID SOKOLNIKOV POUR RBTH

En août 1914, les troupes allemandes portent un coup terrible à la Belgique. Les Allemands occupent la majorité du pays, mais les Belges ne se rendent pas sans combattre. Dès le début de la guerre, les survivants du Royaume conquis par les Prussiens sont parmi les premiers à utiliser massivement les blindés sur le front. La Belgique disposait d'une base industrielle pour la production de véhicules avec le constructeur de voitures de luxe Minerva Motor Car Company, implanté à Anvers. Au début de la guerre, ces objets de luxe furent transformés en véhicules blindés. Mais quand Anvers fut prise à son tour, les belligérants se retrouvèrent dans la tristement célèbre « impasse de position ». Heureusement, les blindés belges n'ont pas disparu de l'histoire – ils attirèrent l’intérêt de l’attaché militaire russe. La dem a n d e o ffi c i e l l e d u t s a r Nicolas II fut rapidement adressée au roi Albert de Belgique. Cette demande fut satisfaite. Un corps expéditionnaire volontaire belge fut rapidement formé et envoyé sur le sol russe en mars 1915. Il était composé de 58 véhicules, dont 12 blindés, ainsi que de 23 motos et 120 vélos.

Le centenaire du début de la Première Guerre mondiale et le souvenir de cet épisode étonnant de l’histoire belge et russe inspirèrent une idée intéressante aux brasseurs de Liège. Pour l'occasion, ils ont préparé une sorte de bière très particulière, appelée bière russo-belge. Eric Hendrikx et Christophe Sarlet, auteurs de cette idée, ont souvent entendu leurs proches et leurs amis parler de cette célèbre division de blindés. Ils ont contacté les musées russes et communiqué avec des historiens militaires. Bien sûr, on leur a rapidement raconté que la bière mélangée à la vodka est une boisson répandue en Russie qui porte le nom de « Iorch ». Toutefois, elle est dangereuse pour la santé et n’a strictement rien à voir avec les sortes de bières belges célèbres dans le monde entier. Il fallait à tout prix maintenir ce haut niveau de qualité qui fait sa notoriété dans le monde. L’expérience a nécessité l’utilisation de technologies spéciales et, au final, a été couronnée de succès. Comme vous le savez, les bières brunes sont obtenues grâce au traitement thermique du principal ingrédient de la bière – l’orge. Les amis ont enrichi le processus de torréfaction du malt de l’arôme de copeaux de bois consumés, obtenus à partir de vieux fûts utilisés pour la fabrication du rhum. La manipulation des températures, la durée de cuisson des

ARMEMENT

Le "Minerva" va à l'Armée russe

IL L'A DIT

Marcel Thiry LE COMMANDANT DE LA DIVISION DES BLINDÉS BELGE

"

Si nous ne devions garder qu’une chose du peuple russe et de la vie russe, ce serait que l’amour est plus fort que l’amertume des défaites et des déceptions. Pour nous, ce sera toujours le pays où nous avons passé trois merveilleuses années ". © GETTY IMAGES/FOTOBANK

grains d’orge et l’ajout d’une petite quantité de cristaux de sucre naturel a permis d’obtenir un produit fini aux saveurs uniques, rivalisant avec les productions les plus raffinées de vodka russe et même d’un whisky écossais de qualité. Par ailleurs, les processus de fermentation et de maturation répondent aux plus hautes exigences de brassage belge. Le processus compliqué de préparation de la bière russobelge ne permet de réaliser qu’une fermentation tous les trois mois. Cela représente environ 1 000 bouteilles qui se vendent très rapidement. Les amateurs comme les dégustateurs professionnels s’accordent à dire que cette bière « n’assomme pas », qu’elle a une saveur agréable et, très franchement, assez familière des meilleures vodkas russes doublée d’une belle couleur ambrée et qu’elle rencontre un franc succès. L’ancienne brasserie en pierre brute de la petite ville belge d'Anthisnes, perdue aux pieds des Ardennes, accueille de plus en plus de Russes. Les photographies, affiches et reliques historiques vieilles de cent ans y conservent la mémoire des courageux Belges et de leurs aventures incroyables en Russie.

EN IMAGES

Le Vezdekhod ("passe-partout") : premier char de l’histoire char était fournie par un moteur d'une puissance de 10 chevaux. Le 18 mai 1914, l'inventeur entreprend les premiers essais du Vezdekhod. Le char atteint une vitesse de 25 km/h sur la chaussée, un résultat sans précédent. Porokhchtchikov décide de finaliser le prototype et le présente finalement aux autorités militaires le 20 juillet. Le véhicule s'avère rapide, mais c'est son unique avantage. La machine souffre de plusieurs problèmes techniques. Les autorités décident alors d'abandonner le projet. L'inventeur est forcé de rembourser à l'État les fonds dépensés pour la conception et d'envoyer le seul prototype du Vezdekhod au Département militairo-technique de l'armée russe. Il n'a jamais pris place dans l'arsenal, mais il a inauguré l'histoire des blindés russes. Lisez la version intégrale de cet article sur notre site.

be.rbth.com/26985

Histoire cachée : Affiches de la Première Guerre mondiale

© MUSÉE D'ÉTAT CENTRAL D'HISTOIRE CONTEMPORAINE DE RUSSIE(5)

Inventeur dès sa plus tendre enfance, Alexandre Porokhchtchikov, créateur du premier char de combat Vezdekhod, concevait également des avions. Un de ces modèles, un monoplan, a été apprécié par le célèbre savant russe et créateur des sciences aérodynamiques Nikolaï Joukovski. L’ingénieur a en outre créé en 1914 l’avion espion bifuselage Bi-Cock et a conçu de 1917 à 1920 une série entière d'avions d'entraînement. Mais c'est le Vezdekhod qui fut sa création la plus célèbre. En août 1914, l'inventeur présente le premier projet de char au commandement de l'armée russe. Au début de 1915, il réussit à obtenir le financement et les ouvriers et lance la construction du prototype. Le design du Vezdekhod était assez inhabituel. Sa coque était fuselée et devait être hermétique pour que le véhicule puisse se déplacer sur l'eau. Pesant quatre tonnes, le char avait à l'avant une entrée d'air et était protégé par un blindage multicouche. Le blindage à plusieurs couches était une nouveauté technique. La motorisation du

© LEONID SOKOLNIKOV(4)

1. L’ancienne brasserie en pierre brute de la petite ville belge d'Anthisnes. 2. Eric Hendrikx et Christophe Sarlet. 3. Le véhicule blindé "Minerva".

Les historiens militaires racontent que les Belges avaient pas mal de succès au front – au cours des opérations militaires, ils ne perdirent qu’un seul blindé (capturé par les Allemands). Les exploits militaires des blindés ont été récompensés royalement : 104 Belges furent décorés de l’ordre impérial et militaire de Saint-Georges, les commandants étaient choyés par la cour impériale, les courageux Wallons et Flamands avaient beaucoup de succès auprès des dames. Une autre Minerva blindée servit la révolution d’Octobre. Elle transportait l’or, l’argent et les objets de valeur dans les réserves d’État. La veille des grands événements, l'incarnation du prolétariat mondial Vladimir Lénine grimpa sur le blindé pour adresser aux soldats et matelots rebelles un discours enflammé à la gare de Finlande de Saint-Pétersbourg.

Début mai, à l'occasion du 100e anniversaire du début de la Première Guerre mondiale, dans 48 grandes villes, de Kaliningrad à Iouzhno-Sakhalinsk, démarre le projet "Histoire cachée : Affiches de la Première Guerre mondiale". Une exposition d'affiches de propagande russe de 1914-1916, issues de la collection du Musée d'État central d'histoire contemporaine de Russie.


RUSSIA BEYOND THE HEADLINES

www.be.rbth.com

Opinion

Supplément réalisé par Rossiyskaya Gazeta et distribué avec

ALEXEY IORSH

NOUVEAUX CHEFS, NOUVELLE DONNE Fedor Loukianov POLITOLOGUE

es élections peuventelles être considérées comme légitimes lorsqu’elles ont lieu dans un contexte de guerre civile et sur une partie du territoire seulement ? Oui, si le résultat est le bon. C’est ainsi que l’Europe et les États-Unis ont présenté, avec un soupir de soulagement, leurs félicitations au président fraîchement élu de l’Ukraine, Petro Porochenko. Tout en continuant de qualifier de « farce » la victoire de Bachar al-Assad. La Russie pense au contraire que l’élection de Bachar est légitime, mais ne s’empresse pas de reconnaître le nouveau président ukrainien. Mais ce n’est pas le propos : le deux poids deux mesures a toujours existé, et il restera une base de la politique internationale, personne ne le conteste. Au début du mois de mai, on pensait encore que Moscou rejetterait le résultat des votes en Ukraine. La Russie insistait sur la légitimité de Viktor Ianoukovitch, renversé à la suite des effusions de sang à Kiev et jugeait par conséquent illégitimes les actions ultérieures entreprises par le gouvernement temporaire de Kiev. Y compris l’organisation d’élections anticipées. Pourtant, la Russie a, peu de temps après, mis de l'eau dans son vin. Au final, et bien que Vladimir Poutine ne soit pas allé jusqu’à féliciter Porochenko pour sa victoire, l’ambassadeur de

D

Russie Mikhaïl Zourabov, rappelé de Kiev en février, y a été renvoyé récemment pour assister à la cérémonie d'investiture. Le niveau de représentation est bien sûr faible, mais étant donné les circonstances et les opérations militaires en cours dans l’Est du pays, c'est mieux que rien. Qu’attend la Russie du nouveau président de l'État voisin ? Les attentes russes concernant l’Ukraine ont été annoncées depuis un bon moment et ne changent pas : un État décentralisé qui puisse permettre une

s’est répandue dans la société russe durant la chute de l’URSS. De tels sentiments n’ont jamais existé à l’égard de Donbass, même si subsiste une certaine sympathie pour les gens qui y vivent. Kiev s'emplit déjà de rumeurs concernant les plans présumés de Porochenko sur des accords secrets avec le Kremlin. En tant qu’homme d’affaires qui sait « résoudre les problèmes », il est effectivement à la recherche d’une approche vis-à-vis de Moscou pour contourner toute rhétorique idéologique.

Le deux poids deux mesures a toujours existé et restera une base de la politique internationale

La Russie n’est pas prête à reconnaître les républiques populaires d’Ukraine, mais ne peut pas non plus les ignorer

certaine liberté administrative, culturelle et linguistique dans les régions de l’Est et du SudEst. Et le statut neutre de l’Ukraine : la garantie que le pays n’entrera dans aucune structure européenne ou euroatlantique. Pendant les deux mois de confrontation dans la région orientale du pays, il est devenu évident que Moscou ne souhaitait pas la répétition du scénario criméen en Ukraine. La Crimée est un cas tout à fait unique de par son histoire et la mentalité de sa population. D’ailleurs, en Russie, les gens pensent que l’appartenance de la péninsule à l’Ukraine est un malentendu historique, idée qui

Pourtant, ce n’est pas si simple du point de vue de la situation interne : le président, qui a beau avoir réussi à obtenir un mandat de façon convaincante, ne s'appuie pas sur sa propre force politique. Et le monde de la politique ukrainienne est comme une intrigue sans fin, mêlée à l’argent et aux changements de postes. La condition d’une coopération entre Moscou et le président ukrainien est sans doute l’arrêt des opérations militaires contre les rebelles de l’Est de l’Ukraine, tournés vers la Russie. Porochenko peut désormais changer la donne puisqu’il ne répond pas formellement des actions du gouvernement temporaire.

Il est vrai que le futur président a déclaré à plusieurs reprises son plein soutien aux mesures radicales, mais un tournant après l’arrivée au pouvoir est un phénomène fréquent en politique. Les négociations sur la Crimée, que Porochenko avait promis de restituer à l'Ukraine, sont exclues. La question de son appartenance à la Russie ne sera examinée sous aucun prétexte. En cas de dialogue constructif entre les deux parties, la discussion portera sur des sujets techniques : compensations, questions de propriété, etc. Mais étant donné le niveau de confiance actuel, mieux vaut ne pas commencer par cela. La Russie n’est pas prête à reconnaître les « républiques populaires » à l’Est de l’Ukraine, mais ne peut pas non plus les ignorer, pour des motifs politico-moraux. Moscou a intérêt à ce que le mouvement d’opposition à Kiev devienne une véritable force politique, mais uniquement dans le cadre de la politique ukrainienne. Et Porochenko devrait lui aussi y trouver son compte, puisque pour mener un dialogue avec les régions orientales, il va falloir de vrais interlocuteurs. Le thème qui constituera un test pour la capacité à s'entendre sera la résolution du conflit gazier : résolution des points de dissension, problème de la dette, transit, prix du gaz à venir. La Russie, selon toute vraisemblance, est prête à faire preuve d'une plus grande souplesse que par le passé, car elle comprend qu’une nouvelle guerre du gaz peut porter préjudice à Gazprom. Mais pour cela, l’Ukraine devra rembourser ne serait-ce que ses anciennes dettes. Et comme l’Europe veut absolument se débarrasser de la menace d’une rupture d’approvisionnement, un compromis est possible. Si la question du gaz arrive à avancer ne serait-ce que d’un pas, ce sera déjà un signe positif. Moscou reste sceptique quant aux perspectives de l’Ukraine, quel que soit son dirigeant, car les bouleversements n’ont pas mené à un changement de son élite politique, et elle connaît déjà parfaitement la qualité de cette même élite. Pourtant, malgré une attitude négative envers les événements sur la place Maïdan et le coup d’État de février dernier, la Russie ne semble pas opposée à une stabilisation de ses relations avec l’Ukraine. La principale condition en vue du rétablissement prompt d’une Ukraine viable est de mettre fin à la guerre civile dans l’Est du pays sans que les principaux participants n’aient l’impression de perdre la face. Tout dépendra ici des premières actions entreprises par Petro Porochenko, qui prédétermineront la nouvelle ligne de conduite de Kiev.

05

REDÉCOUVRIR LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE Konstantine von Eggert POLITOLOGUE

’année 2014 marque un anniversaire dont peu de gens se souviennent en Russie. Je suis d’accord avec l’opinion d’une partie des historiens pour qui le XXe siècle a débuté le premier août 1914, avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale. La Grande Guerre, comme l’appellent les pays vainqueurs de « l’Entente cordiale » — la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis —, a infligé une blessure mortelle à la vieille Europe aristocratique. Elle a remis en question toutes les valeurs, y compris religieuses, auparavant considérées comme immuables. Fait intéressant, dans les années 1913-1914, tout le monde s’attendait à un conflit mondial. Mais tous y ont pris part pour des raisons qui à l'heure actuelle apparaîtraient futiles, comme la défense des « frères serbes » par l’Empire Russe, ou le « prestige national » en Autriche-Hongrie. Durant ce mois d’août funeste, tout le monde était convaincu que le conflit serait terminé avant Noël. Il a duré 4 ans. À un an et demi près, la Russie aurait figuré parmi les vainqueurs. Qui sait, si les choses s’étaient déroulées autrement, la Russie aurait peut-être été en mesure d’assouplir les conditions du Traité de paix de Versailles pour l’Allemagne et d’empêcher ainsi la Seconde Guerre mondiale ? Après tout, la Seconde Guerre mondiale est pour beaucoup le prolongement et la conclusion de la Première, une tentative de la part des vaincus allemands de prendre leur revanche. Dans notre pays, on ne sait pratiquement rien de cette première guerre qualifiée d’« impérialiste » par Lénine. À ce propos, regardez les sondages élevés de ce fossoyeur de la Russie historique. De toute évidence, les Russes ne comprennent toujours pas : les Bolcheviques ont débuté leur ascension vers le pouvoir de manière ignoble, par une

L

collusion avec l’État-major allemand. C’est donc, entre autres, d’une trahison directe qu’est née la terreur communiste du XXe siècle que nous ne sommes pas parvenus à surmonter jusqu’à présent. C’est l’histoire de cette guerre que les Russes doivent découvrir par eux-mêmes et réécrire. Mais quelques leçons me semblent pour ma part évidentes dès aujourd’hui. Premièrement, l’intérêt national n’est pas proche des intérêts ou du « prestige » de la classe dominante, avec lesquels ils est bien souvent en contradiction. Deuxièmement, faire preuve de mansuétude envers le vaincu est le meilleur moyen de pérenniser la victoire.

Sans la révolution, la Russie aurait peut-être pu assouplir le Traité de Versailles pour l’Allemagne ? C’est ce que n’avaient pas compris les artisans du Traité de Versailles ayant mis un terme à la Première Guerre mondiale. Mais c’est ce qu’ont réalisé les alliés occidentaux après la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’ils se sont abstenus d’humilier l’Allemagne et le Japon. Aujourd’hui, l’une et l’autre sont des démocraties exemplaires incapables d’imaginer l’idée même d’agression. Au final, la troisième et peutêtre la plus importante des conclusions : les soldats des guerres perdues sont aussi dignes d’honneur que les vainqueurs. Si en 2014, le premier monument dédié à la mémoire des morts de cette guerre voit véritablement le jour, nous nous réapproprierons un nouveau fragment de la mémoire collective, sans laquelle il n’y a, en vérité, pas de nation. Konstantine von Eggert est journaliste indépendant. Article publié dans Kommersant

Fedor Loukianov est président du Conseil sur la politique étrangère et de défense. KONSTANTIN MALER

D’autres points de vue sur l’actualité dans la rubrique Opinions sur BE.RBTH.COM/OPINIONS ESPACE POSTSOVIÉTIQUE : LA FIN DES POLITIQUES MULTIVECTORIELLES be.rbth.com/29439 E X P R I M E Z- V O U S

E N

A L L A N T

S U R

N OT R E

LA BATAILLE DE STALINGRAD A-T-ELLE EU LIEU ?

QUI SONT LES BANDERISTES ?

be.rbth.com/29413

be.rbth.com/28935

S I T E ,

FA C E B O O K / L A R U S S I E D A U J O U R D H U I

O U

T W I T T E R . C O M / R B T H _ F R

LE COURRIER DES LECTEURS, LES OPINIONS OU DESSINS DE LA RUBRIQUE “OPINIONS” PUBLIÉS DANS CE SUPPLÉMENT REPRÉSENTENT DIVERS POINTS DE VUE ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT LA POSITION DE LA RÉDACTION DE LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI OU DE ROSSIYSKAYA GAZETA. MERCI D’ENVOYER VOS COMMENTAIRES PAR COURRIEL : BE@RBTH.COM

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES EST PUBLIÉ PAR LE QUOTIDIEN RUSSE ROSSIYSKAYA GAZETA. LA RÉDACTION DU SOIR N’EST PAS IMPLIQUÉE DANS SA PRODUCTION. LE FINANCEMENT DE RBTH PROVIENT DE LA PUBLICITÉ ET DU PARRAINAGE, AINSI QUE DES SUBVENTIONS DES AGENCES GOUVERNEMENTALES RUSSES. RBTH A UNE LIGNE ÉDITORIALE INDÉPENDANTE. SON OBJECTIF EST DE PRÉSENTER LES DIFFÉRENTS POINTS DE VUE SUR RUSSIE ET SA PLACE DANS LE MONDE À TRAVERS UN CONTENU DE QUALITÉ. PUBLIÉ DEPUIS 2007, RBTH S’ENGAGE À MAINTENIR LE PLUS HAUT NIVEAU RÉDACTIONNEL POSSIBLE ET À PRÉSENTER LE MEILLEUR DE

LA PRODUCTION JOURNALISTIQUE RUSSE AINSI QUE LES MEILLEURS TEXTES SUR LA RUSSIE. CE FAISANT, NOUS ESPÉRONS COMBLER UNE LACUNE IMPORTANTE DANS LA COUVERTURE MÉDIATIQUE INTERNATIONALE. POUR TOUTE QUESTION OU COMMENTAIRE SUR NOTRE STRUCTURE ACTIONNARIALE OU ÉDITORIALE, NOUS VOUS PRIONS DE NOUS CONTACTER PAR COURRIER ÉLECTRONIQUE À L’ADRESSE BE@RBTH.COM. SITE INTERNET BE.RBTH.COM. TÉL. +7 (495) 7753114 FAX +7 (495) 9889213 ADRESSE 24 / 4 RUE PRAVDY, ÉTAGE 7, MOSCOU 125993, RUSSIE.

EUGÈNE ABOV : DIRECTEUR DE LA PUBLICATION, PAVEL GOLUB : RÉDACTEUR EN CHEF DE RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, MARIA AFONINA : RÉDACTRICE EN CHEF DE LA RÉDACTION FRANCOPHONE, EKATERINA TCHIPOURENKO : ASSISTANTE DE LA RÉDACTION, MILLA DOMOGATSKAYA : RESPONSABLE DE L’ÉDITION (VERSION PAPIER), ANDREÏ CHIMARSKI : DIRECTEUR ARTISTIQUE, ANDREÏ ZAYTSEV, SLAVA PETRAKINA : SERVICE PHOTO. JULIA GOLIKOVA : DIRECTRICE DE PUBLICITE & RP, VICTOR ONUCHKO : REPRÉSENTANT À BRUXELLES. © COPYRIGHT 2014, AFBE "ROSSIYSKAYA GAZETA". TOUS DROITS RÉSERVÉS.

ALEXANDRE GORBENKO : PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉDACTIONNEL, PAVEL NEGOITSA : DIRECTEUR GÉNÉRAL, VLADISLAV FRONIN : DIRECTEUR DES RÉDACTIONS. TOUTE REPRODUCTION OU DISTRIBUTION DES PASSAGES DE L’OEUVRE, SAUF À USAGE PERSONNEL, EST INTERDITE SANS CONSENTEMENT PAR ÉCRIT DE ROSSIYSKAYA GAZETA. ADRESSEZ VOS REQUÊTES À BE@RBTH.COM OU PAR TÉLÉPHONE AU +7 (495) 775 3114. CE SUPPLÉMENT A ÉTÉ ACHEVÉ LE 11 JUIN


06

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES

Culture & Loisirs

www.be.rbth.com

Supplément réalisé par Rossiyskaya Gazeta et distribué avec

Musique Le Youth Orchestra de Youri Bashmet réunit des jeunes artistes venus des quatre coins de la Russie

Un nouvel élan après les Jeux olympiques L'orchestre de jeunes créé à l'occasion des Jeux olympiques de Sotchi commence aujourd'hui une nouvelle vie : son premier concert européen aura lieu à Bruxelles le 20 juin prochain. DARIA MOUDROLIOUBOVA POUR RBTH

© SERVICE DE PRESSE

Permettre aux jeunes musiciens de jouer dans un vrai orchestre avant même d’avoir terminé leurs études : voici la mission de ceux qu'on appelle les "Youth Orchestras" (les orchestres de jeunes). Ces formations existent dans la plupart des pays occidentaux, à commencer par l’Orchestre Symphonique Simon Bolivar, l’un des plus anciens et des plus connus, jusqu’à l'arrivée du BalticYouth Symphony Orchestra, créé il y a quelques années et se produisant déjà dans les meilleures salles du monde. La Russie est l’un des derniers pays en Europe à se doter d’un tel orchestre au niveau national. L’enjeu était de taille. Dans un pays où il faut 9 heures d'avion et l’équivalent d’un salaire moyen mensuel pour rejoindre la capitale depuis l'extrémité orientale de son territoire, permettre à de jeunes musiciens de venir répéter ensemble de tous les coins du pays tenait de la gageure. Côté finances, ce sont les Jeux olympiques de Sotchi qui ont permis de débloquer les fonds : créé en novembre 2012, le Youth Sym-

phony Orchestra of Russia avait pour horizon la participation à la cérémonie de clôture des JO en mars dernier. Quant à la caution artistique, c’est le chef d’orchestre et altisteYouri Bashmet, d é j à conquis à la cause des jeunes avec son orchestre Novaya Rossia créé en 1990, qui a accepté de relever le défi. Restait à d é fi n i r l e cadre. Plutôt que de créer un orchestre pour des musiciens adultes en fin de formation, modèle prédominant dans le

Youri Bashmet a ouvert le concours aux élèves à partir de 9 ans, souvent sans expérience

monde, Youri Bashmet a ouvert le concours à des élèves à partir de 9 ans, souvent sans aucune expérience d’orchestre. En théorie, les enfants peuvent rester au sein de l’orchestre jusqu’à l’âge de 22 ans. Mais, deux ans après sa création, l'orchestre a dû être renouvelé d’un

tiers, certains de ses membres ayant dépassé l’âge limite, d’autres étant partis pour l’étranger. Proche dans l’esprit de l’Orchestre du Festival de Verbier, le Youth Symphony Orchestra of Russia fonctionne comme un festival, et a pour but premier l’éducation à la pratique orchestrale plutôt que l'organisation de tournées de prestige.

L’orchestre se situe ainsi en amont des concours d'entrée au Conservatoire et de concours internationaux, en proposant aux enfants une formation complémentaire à leurs études sous forme de workshops très intensifs. Avec des horaires de travail défiant l’imaginaire de la DASS (une dizaine de jours de répétition de 10h à 20h, où de nombreux en-

fants continuent à s’entraîner une fois leurs chambres d'hôtel regagnées), c’est une expérience d’orchestre colossale qui est fournie par les meilleurs professeurs. La journée commence par une répétition d’orchestre, se poursuit avec des répétitions par groupes d’instruments, puis des répétitions ciblées par instrument, avant de se terminer par une dernière répétition d’orchestre. « C’était une atmosphère incroyable », raconte Elizaveta Babtchenko, hautbois, qui a fait partie de l’orchestre dès sa création, « on ne nous traitait pas comme des enfants; les meilleurs professeurs nous parlaient d’égal à égal et partageaient leur expérience. Nous n’aurions jamais pu vivre cela ailleurs, même pas au Conservatoire ». Après une tournée dans 4 villes russes et un concert hautement symbolique à Sotchi, l'aventure aurait pu s'arrêter là. Mais, devant les résultats obtenus et les échos enthousiastes des enfants, il a été décidé de pérenniser l'existence de l'orchestre. Premier concert après Sotchi, le concert bruxellois sera, espérons-le, le premier d'une longue série à venir. Youth Symphony Orchestra, direction Y. Bashmet, C. Vandelli. A. Tchaïkovski, piano. Le 20 juin 2014, Centre Flagey.

© PHOTOXPRESS

Festival La Russie sera représentée au Festival musical des Midis-Minimes de Bruxelles

« Retrouvailles heureuses avec le public belge » Du 1er juillet au 29 août 2014, la ville de Bruxelles accueillera le festival de musique classique des Midis-Minimes. EMILIE POUZAT POUR RBTH

Les deux musiciennes se produiront en duo, comme c'est le cas depuis environ un an, et offriront à l'auditoire le 11 juillet leur version de la Sonate no3 en do mineur pour violon et piano, opus 45, d'Edvard Grieg et Souvenir d'un lieu cher, opus 42 de Piotr Tchaïkovski. Ce dernier a d'ailleurs été enregistré sur disque, et sortira en septembre 2014. Comme le précise la violoniste Tatiana Samouil, « demander aux musiciens russes pourquoi ils aiment Tchaïkovski, c'est comme se demander pourquoi on aime notre mère ou notre patrie, tellement sa musique est ancrée dans notre nature profonde ».

© SERVICE DE PRESSE

Pendant cette période, un concert d'environ 35 minutes aura lieu tous les jours à 12h15 au Conservatoire Royal de Bruxelles. Durant tout l'été, chaque jour de la semaine sera consacré à un thème précis : le lundi, la « musique ouverte », concernant la musique d'ailleurs, d'un point de vue géographique, historique ou stylistique. Le mardi, la musique ancienne, du XVe au XVIIe siècle sera à

l'honneur, le mercredi sera destiné au XVIIIe siècle ; quant au jeudi et vendredi, ils concerneront respectivement le XIXe et la période du XXe au XXIe siècle. Aussi, des semaines à thèmes seront proposées au public, incluant le piano du 14 au 18 juillet, ainsi qu'une spéciale « quatuor à cordes » du 22 au 25 juillet. De nombreux musiciens locaux et internationaux seront présents, allant des nouveaux talents aux personnalités de renommée mondiale. Trois artistes représenteront la Russie lors de cet événement : Irina Lankova, Tatiana Samouil et Evgueny Starodubtsev.

Irina Lankova et Tatiana Samouil.

Les deux artistes ont conquis l'Europe à travers de multiples représentations notamment en Belgique, à Flagey, à l'Europalia, au Festival de Wallonie et récemment à la salle Gaveau de Paris. La pianiste Irina Lankova, dont The Independent qualifie le toucher de « vraiment poétique », n'en est pas à sa première expérience des Midis-Min i m e s e t s e ré j o u i t « d e s retrouvailles toujours heureuses avec le public belge ». En effet, elle a joué en solo un récital de Rachmaninov en 2005, à l'occasion du festival dont elle souligne la qualité et la diversité. « Artiste accompli » selon le New-York Times, Evgueny Starodubtsev connaît le succès en France. Nommé vainqueur du Premier Prix du Concours International de piano de Lyon en 2013, et du Concours International de musique Jean Françaix, en 2009, il jouera le 17 juillet des œuvres de Scriabine.

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE

À L'AFFICHE

WWW.BE.RBTH.COM « LE LAC DES CYGNES » DU MOSCOW CITY BALLET

CONCERT D'ORGUE « L'ÂME RUSSE »

LES 19 ET 24 JUIN, CINEMATEK, BRUXELLES

LE 29 JUIN, KURSAAL OOSTENDE, OSTENDE

LE 12 AÔUT, CATHÉDRALE SAINTSMICHEL-ET-GUDULE, BRUXELLES

L'invention du ciné-œil par Dziga Vertov, un cinéaste soviétique d'avant-garde, réalisateur de films documentaires et théoricien, qui explore, à travers la révolution du montage, toutes les possibilités d'observation en ville offertes par la technologie moderne.

Le Moscow City Ballet arrive en Belgique. Le chorégraphe Victor Smirnov-Golovanov, connu pour son succès à l’étranger, présente le plus célèbre ballet classique de tous les temps, Le lac des cygnes, avec la musique éblouissante de Tchaïkovski et la chorégraphie de Marius Petipa et Lev Ivanov.

L'organiste russe Svetlana Berezhnaïa est directrice artistique des concerts de la société philharmonique de Mineralnye Vody (Caucase) et excelle aussi dans l'art de la transcription pour orgue. Elle nous présente un concert d'orgue et nous propose de plonger dans le répertoire qui fait "l'âme slave".

› www.cinematek.be

› www.moscowcityballet.com

› www.cathedralisbruxellensis.be

Apprendre le russe... c'est facile !

© SERVICE DE PRESSE(3)

« L'HOMME À LA CAMÉRA » DE DZIGA VERTOV

Apprenez la langue russe avec le dictionnaire visuel BE.RBTH.COM/3801 Découvrez des exercices de grammaire et de vocabulaire, des podcasts et vidéos, des supports de lecture, ou encore des chants russes sur le blog d'Yulia Amlinskaya BE.RBTH.COM/12021


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.