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supplément en français au journal Le Soir
Mercredi 3 septembre 2014
Les actualités de la Russie Distribué avec
Parmi les autres partenaires de distribution : The Daily Telegraph, The New York Times, The Washington Post, Le Figaro, etc.
C E S U P P L É M E N T D E S I X P A G E S E S T É D I T É E T P U B L I É P A R R O S S I Y S K AYA G A Z E T A ( R U S S I E ) , Q U I A S S U M E L ’ E N T I È R E R E S P O N S A B I L I T É D E S O N C O N T E N U
SOCIÉTÉ
Une production nationale dopée pour surmonter les sanctions © MIKHAIL MORDASOV
Revivre loin de la guerre
La guerre dans le Donbass force des centaines de milliers d'habitants à fuir vers la Russie ou d'autres régions d'Ukraine. Nous avons visité un camp d'accueil provisoire en Crimée et accompagné des volontaires à Moscou, qui se dévouent pour aider les victimes de la guerre civile à reconstruire leur vie. PAGE 4
OPINION
Diplomatie silencieuse Fedor Loukianov souligne à quel point les diplomates se trouvent face à une tâche ardue pour tenter de résoudre le conflit qui fait rage dans l'Est de l'Ukraine. Des solutions atypiques devront être trouvées alors que les deux camps sont déterminés à en découdre. PAGE 5
TOURISME
© GETTY IMAGES/FOTOBANK
Le refroidissement diplomatique dû à la crise ukrainienne s'est étendu au commerce. Pendant que les entrepreneurs tentent de parer au plus pressé, le gouvernement russe planche sur une nouvelle architecture des relations économiques internationales, dirigée vers
l'Asie et l'Amérique Latine. Mais l'axe le plus important est celui du développement retardé du potentiel national. La Russie possède des terres très fertiles, mais a tardé à mettre en place un environnement propice aux investisseurs privés. Il est toutefois clair que les me-
sures protectionnistes ne sont pas à elles seules suffisantes pour provoquer un sursaut national. Raison pour laquelle le gouvernement russe veut désormais renforcer un marché concurrentiel intérieur, ne serait-ce que pour éviter une hausse des prix et le mécontentement des
consommateurs. Quant aux fournisseurs étrangers, qu'ils ne désespèrent pas : ils devraient pouvoir revenir d'ici un an, sur un marché plus sain que celui dont ils viennent d'être exclus. LISEZ NOTRE DOSSIER EN PAGES 2 À 3
© LORI/LEGION MEDIA
La capitale des cloches
Visitez avec nous Kamensk-Ouralsky, une ville de l'Oural au profil unique, grâce à son architecture et à ses églises. PAGE 6
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Dossier
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SANCTIONS LA RÉPONSE DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE AUX SANCTIONS OCCIDENTALES N’AFFECTERA PAS SEULEMENT LES PRODUCTEURS EUROPÉENS
INFLATION DANS L'ASSIETTE La Russie recherche activement des fournisseurs capables de livrer des substituts aux importations en provenance de l’Union européenne, des ÉtatsUnis, du Canada et d’Australie. ANNA KOUTCHMA, ALEKSEÏ LOSSAN RBTH
Moscou a introduit le 7 août dernier un embargo sur certains produits alimentaires en réponse aux sanctions internationales contre sa politique vis-à-vis de l'Ukraine. La mesure s’applique pour une durée d’un an. Selon l’Institut d’études stratégiques complexes (IESC), la Russie réalisait en Europe 31,5% de ses achats de viande et y achetait 42,6 % des produits laitiers et 32% des légumes importés. En Belgique, la Russie se fournit dans pratiquement toutes les catégories de produits. Selon l’IESC, la part la plus importante de la Belgique au sein des importations alimentaires désormais « interdites » concerne la viande de porc (3,3% de la valeur des importations totales de porc en Russie pour l’année 2013). Les livraisons en provenance de Belgique représentent 2,1% des importations de fruits, 1,7% des importations de légumes, 1,6% pour celles de
lait et de crème, et 1,1% pour la volaille. Le reste (le beurre, le fromage, la viande de bœuf et les saucisses) compte pour moins d’1% des importations. Pour les producteurs belges, le coup est rude : en 2013, la Russie a absorbé 50,5% des exportations belges d’abricots, de cerises, de prunes et de pêches ; 26,5% des exportations de pommes et de poires, ainsi que 9,1% des tomates. Ces pourcentages très importants témoignent d'une très forte expositions des agriculteurs belges au marché russe. Citant une source gouvernementale, le quotidien Kommersant indiquait que les autorités russes avaient en quelque sorte pris les devants, craignant que les pays étrangers prennent eux-mêmes au cours des prochains mois la décision de limiter leurs exportations de produits alimentaires. En réalité, le gouvernement espère aussi stimuler le développement de substituts aux importations. En développant en premier lieu la
production locale dans le domaine des produits laitiers et des légumes. À l’Union russe des producteurs de lait (Soyouzmoloko), on est globalement convaincu que les laiteries russes sont en mesure de produire du camembert et du par-
européens a conduit l’une des principales holdings agricoles russes, AgroMir, à réexaminer sa stratégie de développement et entreprendre la construction de serres supplémentaires. Selon les prévisions, les serres s’étendront sur 11 hectares et produiront chaque
Moscou a pris les devants, craignant que l'UE décide de limiter les exportations de produits alimentaires
L’augmentation des prix des produits agroalimentaires pourrait se situer entre 5 et 10%
mesan d’aussi bonne qualité que les produits originaux. Selon la directrice du centre d’analyse de Soyouzmoloko Tatiana Rybalova, voici quelques années, des entreprises de la région de Stavropol et de Krasnodar avaient à titre expérimental entrepris de produire du camembert, mais le produit s’est avéré trop onéreux et n'a pas rencontré la demande escomptée sur le marché local. L’arrêt des importations de légumes
année jusqu’à 10 000 tonnes de concombres. Des technologies néerlandaises seront utilisées au cours de la construction des serres. « Pendant un certain temps, la Russie ne sera pas en mesure de combler le manque grâce à la production domestique. Avec une politique gouvernementale appropriée, il sera possible de remplacer par des produits nationaux 15 à 20% des produits visés par les sanctions. Mais dans l’intervalle, la Russie va se tourner vers les fournisseurs étrangers », nous déclare Alexeï Skopine, professeur à l'Ecole Supérieure d’Économie. La Russie peut trouver des four-
nisseurs alternatifs au Belarus et au Kazakhstan. Une partie des produits, par exemple la viande et les fromages, peuvent être fournis par la Suisse, laquelle n’est pas ciblée par les sanctions. Le volume des exportations vers la Russie de produits alimentaires suisses, essentiellement du café et des fromages, a atteint en 2013 221 millions de dollars (167,5 millions d'euros), soit 2,4% des exportations alimentaires du pays. Mais les principaux candidats sont les fournisseurs asiatiques et d’Amérique du Sud. Il s’agit en fait d’approfondir des partenariats déjà existants. L’Inde est prête à fournir de la viande bovine, des fruits de mer et des noix. La seule question en suspens concerne l’amélioration des contrôles vétérinaires. La Chine pourrait accroître ses livraisons de produits finis à base de viande, de légumes, de fruits et de noix, ainsi que de légumes et de fruits entiers. La Turquie et l’Amérique du Sud sont également prêtes à fournir ce type de marchandises, ainsi que des produits laitiers. « Les étals russes seront loin d’être vides : la Turquie et les pays d’Amérique latine sont prêts à combler entièrement les conséquences du déficit européen. Le seul problème concerne la hausse des coûts de transport, qui va se répercuter sur les
prix. Par ailleurs, ces nouveaux produits pourraient s’avérer de moins bonne qualité que leurs équivalents européens », estime M. Skopine. Selon ce dernier, l’augmentation des prix des produits agroalimentaires pourrait se situer entre 5 et 10%. Les autorités russes ont toutefois promis de créer un système de surveillance des prix des produits alimentaires figurant sur la « liste des marchandises prohibées ». Le ministère de l’Agriculture a par ailleurs indiqué que des procédures administratives voire criminelles pourraient être engagées à l’encontre des producteurs gonflant indument leurs prix... Les effets négatifs de l’embargo se font cependant déjà sentir à Moscou et dans les régions de l’Extrême-Orient. Selon le département moscovite des marchandises et services, le prix du porc destiné aux usines de transformation de viande a augmenté de 6% dans la capitale. Les prix ont par ailleurs évolué de manière sensible dans la région du Primorié, où le prix de certaines espèces de poisson a augmenté de 40%. La palme revient à la région de Sakhaline, dans laquelle la hausse du prix des cuisses de poulet a atteint 60%, d’après le ministère régional de l’Agriculture. Les experts craignent que les difficultés actuelles entraînent une hausse de l’inflation pour cette année. « L’inflation pourrait augmenter d’environ un point de pourcentage, pour s’établir à 7% en 2014. Pour l’essentiel, la hausse des prix ne sera pas causée par de réelles pénuries de produits mais par les anticipations inflationnistes de la population », indique l’analyste d’Inveskafe, Roman Grintchenko. Le ministère russe de l’Économie n’a toutefois pas l’intention de corriger sa prévision du taux d’inflation pour l’année en cours : cette dernière se situe toujours à 6%. « Les importations concernées par l’embargo pourront sans difficulté être remplacées par des livraisons de marchandises en provenance d’autres pays. Dans ce contexte, les principaux bénéficiaires seront bien sûr nos partenaires commerciaux des pays de l’Union douanière et de la CEI, les pays du Proche-Orient, d’Amérique latine et de la région AsiePacifique », indique Maxime Kliagine, analyste du cabinet juridique Finam Management. Selon ce dernier, certains coûts sont tout de même à prévoir, même s’il ne s’agit pas véritablement des conséquences d’une réduction de l’offre, mais de l’impact du surcoût lié au remplacement et à la modification des circuits logistiques.
© GAIA RUSSO
LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX : • LE SOIR, BELGIQUE • LE FIGARO, FRANCE • THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE •DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • THE ECONOMIC TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES CHINE • LA NACION, ARGENTINE • FOLHA DE S. PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE • NATION, THAÏLANDE. EMAIL : BE@RBTH.COM. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ BE.RBTH.COM. LE SOIR EST PUBLIÉ PAR SA ROSSEL ET CIE. RUE ROYALE. 100 - 1000 BRUXELLES - BELGIQUE . TÉL: 0032/2/225.55.55. IMPRESSION : ROSSEL PRINTING COMPANY SA. DIFFUSION : 94 800 EXEMPLAIRES
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QUESTIONS & RÉPONSES
La Belgique ne figure pas parmi les pays fermés à la Russie Arkady Arianoff, directeur général de la chambre de Commerce Belgo-Luxembourgeoise en Russie, évoque les perspectives des relations commerciales belgorusses. Non sans optimisme. Quels secteurs sont les moins touchés par les sanctions ? Nous n'avons pas de problèmes avec le commerce de diamants, de pierres précieuses brutes. Tout est normal aussi sur le marché des métaux. Pour l'instant, il n'y a pas non plus de sanctions sévères sur les produits pétroliers. On livre comme auparavant les équipements de transport consacrés uniquement à l'usage civil. Le marché russe est une place très importante pour les plastiques et les matériaux polymères. Mais là non plus, si ce n'est pas destiné au domaine militaire, il n'y a aucune sanction. Les problèmes essentiels concernent le secteur agricole. Les légumes, les fruits, la viande et le lait. Pour la Belgique, ce sont des pertes énormes, qui peuvent atteindre 500 millions d'euros ! Bien que les liens commerciaux se maintiennent globalement, il y a tout de même des pertes significatives, en particulier dans le secteur énergétique. En Belgique, près de 100 entreprises coopèrent avec la Russie dans le domaine des hydrocarbures.Le nombre de contrats se réduit de façon significative, en particulier dans les livraisons liées au secteur militaire. Il est vrai que les
entreprises liées à la production de biens dits à « double usage » [civil et militaire, ndlr] ne sont pas nombreuses. Parmi les plus connues, on peut citer la fabrique d'armements FN Herstal. Je veux encore souligner que des problèmes sont apparus sur le marché financier.Voici à peine deux jours, un homme d'affaires de mes connaissances racontait qu'il voulait payer une commande faite pour le marché russe, mais que la banque belge, en lien avec les sanctions, a tout simplement bloqué les mouvements de fonds. Cette situation n'est heureusement pas emblématique. Quel est l'état d'esprit des entrepreneurs belges actifs en Russie ? Les investisseurs belges ont-ils l'intention de continuer à investir dans le pays ? Tous les dirigeants d'entreprises que j'ai rencontrés cet été disent d'une seule voix : « Oui, bien sûr, nous poursuivrons nos investissements en Russie ! Cela nous intéresse toujours ». Comme on le sait, la compagnie belge Lhoist investit 120 millions d'euros dans la construction d'une usine moderne de fabrication de chaux dans la région de Sverdlovsk. Dans la région de Nijni-Novgorod, la holding pétrochimique russe Sibur et le géant chimique belge Solvay ouvriront le 18 septembre une joint venture pour la fabrication de substances tensioactives et de produits pour l'industrie d'extraction d'hydro-
© REUTERS
BIOGRAPHIE
Arkady Arianoff il dirige la Chambre de commerce belgo-luxembourgeoise en Russie et en Biélorussie. Celle-ci réunit plus de 250 entreprises belges, luxembourgeoises et russes. Le bureau moscovite de la Chambre a été officiellement inauguré en février 2014.
NÉ : 20 FÉVRIER 1947 POSTE : DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CCBLR
Arkady Arianoff est une autorité en matière d’import-export de biens et de services. Depuis 2003, © PHOTOXPRESS
carbures. La coopération active entre la compagnie belge Bekaert et la Russie continue. Etc, etc. Des complications sont apparues seulement avec la Crimée. Les autorités belges ont envoyé une lettre aux entreprises ayant des relations avec la Russie, dans laquelle elles rappellent que la Commission européenne a mis en place des restrictions vis-àvis de la Crimée. Pour autant, la Belgique n'interdit pas, mais ne « recommande » pas non plus, d'avoir des relations d'affaires avec la péninsule visée par les sanctions. Entretemps, la Région wallonne a décidé de participer à la grande exposition internationale sur l'innovation qui se tiendra à Moscou en octobre, et elle a déjà payé sa place. Cela démontre aussi que la Belgique n'est pas le pays le
plus fermé aux affaires en et avec la Russie.
cette hausse était d'un peu plus de 7%. La comparaison n'est clairement pas en faveur du petit entrepreneuriat belge. Quant à savoir comment tout cela va évoluer, pour l'instant rien n'est clair. En tenant compte de la baisse du volume des livraisons, les pertes seront effectivement énormes.
Quel est le poids du petit entrepreneuriat belge en Russie et quel est l'état d'esprit du petit business ? C'est là que ça fait le plus mal. Rien que pour le premier trimestre de cette année, les pertes des petits entrepreneurs belges étaient de 23%. C'est un chiffre très important ! Globalement, près de 3 000 sociétés belges font du commerce avec la Russie. Le volume d'échanges était de 5,2 milliards d'euros l'année dernière. Si la dégradation se poursuit jusqu'à la fin octobre, alors les pertes atteindront un milliard d'euros ! Pour les petites et moyennes entreprises belges, ce sont bien sûr des pertes énormes. Il est vrai que la Russie a augmenté ses exportations vers la Belgique, mais
Existe-t-il des domaines dans lesquels il est possible d'élargir de façon significative la coopération russo-belge ? Bien sûr ! C'est avant tout le cas de la recherche et de la création dans le domaine des nouvelles technologies. Les petites et moyennes entreprises de Belgique représentent une base importante pour le développement de nouvelles technologies et la mise en œuvre des processus. Je pense que c'est très important pour la Rus-
sie en ce moment. Le système actuel rend obligatoire la création de joint ventures en Russie et notre mission est de trouver les outils pour élargir les possibilités. Pour cela, notre chambre de commerce a ouvert une représentation à Moscou à la fin de l'année dernière. Elle contribuera à rechercher efficacement des partenariats et à promouvoir la création de sociétés utiles pour les uns et les autres. On peut par exemple citer le partenariat en cours visant à la création d'incubateurs scientifiques de type Skolkovo. Les laboratoires d'études de l'Université catholique de Louvain (UCL) y ont activement participé. Du côté russe, différents instituts de recherche scientifique sont impliqués. D'autres projets concernent des domaines comme l'industrie aérospatiale, l'automobile, le diagnostic médical, les matériaux de construction etc. Tout cela est très intéressant et indispensable à développer en Russie. Avant, il était bénéfique d'apporter des briques et des pierres des antipodes, désormais c'est une nouvelle époque. Quelque 32 entreprises belges produisent différents matériaux en Russie. Et l'horizon reste très dégagé pour de telles relations. Propos recueillis par Leonid Sokolnikov
Gastronomie Les chefs russes devront faire preuve d'inventivité pour trouver des substituts aux produits interdits
Cuisine étrangère à base d'ingrédients locaux Les contre sanctions russes forcent les restaurants à trouver très rapidement des fournisseurs alternatifs, sous peine d'être contraints à changer leurs menus. Et leurs tarifs ! MARINA OBRAZKOVA RBTH
© RIA NOVOSTI
Les chefs-cuisiniers et les dirigeants d'établissements de cuisine fine se grattent la toque pour trouver des produits de substitutions. Comment se passer des huîtres françaises ou de la mozzarella italienne ? Les seuls à être à peu près rassurés sont les restaurants russes et... ukrainiens ! Valentino Bontempi, chef-cuisinier et restaurateur, explique qu’il a déjà vu de la mozzarella en Russie et qu’il trouvera bien la viande, la farine et les œufs. « La cuisine italienne a de la chance. Outre les produits de la mer et le Parmesan, la Russie produit presque tout ce qu'il faut. Bien sûr, la qualité des produits n’est pas la même qu’en Italie, mais enfin. Les cuisiniers devront faire preuve de davantage d'imagination ! », dit-il. « Dans notre restaurant, les sanc-
tions ne se verront d'aucune façon : le Japon n'est pas sous le coup d'une interdiction, et c'est justement de là-bas, du marché de Tsukiji de Tokyo, que nous importons une multitude de poisson frais », assure Nona Kim, directeur général des restaurants Novikov Restaurant & bar et Tatler-Club. « La saison des huîtres commence en septembre, là aussi nous sommes tranquilles : nous avons accès à d'excellentes huîtres de l'Extrême-Orient. Nous espérons que globalement plus de poissons russes et d'Extrême-Orient feront leur apparition sur les menus ». Cet optimisme n’est pas partagé par ceux qui, dans leurs restaurants, créent des plats à base de produits importés impossibles à remplacer. La directrice du restaurant Sumosan Tania Michina explique qu’elle retient son souffle. « En Californie, nous achetons des huîtres, des crabes et du thon dont la qualité fait la réputation de Sumosan. Nous ne pouvons même pas y acheter des fèves edamame, car elles sont classées comme légume-racine ! La seule chose que nous pouvons encore acheter aux États-Unis sont les al-
De nombreux restaurants ont déjà opté pour des produits russes.
gues kaiso, mais impossible de les transporter seules par avion : c’est trop cher ». Selon elle, il faudra se tourner vers des produits japonais et sudcoréens, bien que les prix soient déjà trop élevés. Les établissements de cuisine espagnole seront également en difficulté, assure le chef-cuisinier et copropriétaire des restaurants Delicatessen et Tapa de Comida et des café Buterbro et Dary Prirody Ivan Chichkine. Il s’inquiète à l’idée
que la décision en question puisse priver les gens de diversité culinaire. « Je n’ai pas de problème avec la viande et la volaille, cela fait longtemps que je n’achète plus de viande importée. Mais les noix, les fruits, les légumes et les produits laitiers sont fondamentaux pour moi », explique-t-il. « Pour Delicatessen, l’assortiment alimentaire interdit n’est pas critique, mais pour Tapa de Comida, il l’est. C’est un restaurant de
cuisine espagnole qui survit sur fond de restriction des importations de produits espagnols. Désormais, nous devrons synthétiser les saveurs espagnoles avec des produits importés d’autres pays ». Certains entrepreneurs voient s'ouvrir des opportunités. Boris Akimov, créateur de la coopérative agricole LavkaLavka, note que « l’État ne s'intéressait qu'au développement des grandes compagnies. Ce serait bien si son attention se concentrait sur les PME ». « Il y a une forte probabilité que cela serve d'impulsion pour les productions très spécialisées et de petits volumes, ainsi que pour les petits producteurs. Qui forment d'ailleurs l'agriculture de la majorité des pays du monde, c'est une source de revenus importante, et même de survie », considère Evgueni Ikonnikov, le propriétaire du restaurant de cuisine grecque Sito. « On peut aussi fabriquer nos fromages, c'est pourquoi remplacer la feta importée est réaliste. En ce qui concerne le reste, par exemple les olives grecques, on peut les importer d'autres pays. En Turquie, il y en a qui ne sont pas mauvaises du tout ».
SONDAGE
Oui aux contre sanctions SELON UN SONDAGE, 84% DES RUSSES APPROUVENT L’INTERDICTION DES IMPORTATIONS EUROPÉENNES
© ALENA REPKINA
80% des Russes sont convaincus que l’embargo sera bénéfique pour la Russie. Seuls 9% des sondés appréhendent des conséquences négatives, toutefois 63% des sondés prédisent une croissance des prix dans l'alimentation.
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Réfugiés Des milliers de personnes ont fui les combats dans l'Est de l'Ukraine
Oublier la guerre et les destructions dans les bras de la Crimée La guerre dans le Donbass force les civils à fuir massivement, vers l'Ukraine ou vers la Russie. Visite dans un camp accueillant les réfugiés à proximité de Simféropol. DMITRI VOSTRIKOV RBTH
Depuis que la Crimée est devenue russe il y a quelques mois, la vie des habitants de Simféropol a été bouleversée. La péninsule a échappé à la guerre, mais ses effets s'y font quand même sentir. À dix kilomètres de la capitale Simféropol, dans le village de Mazanka, 800 réfugiés du Donbass tentent d'oublier le conflit. Un camp de tentes a été dressé par le ministère des Situations d’urgence. Des familles entières de déplacés sont installées ici. Les bambins apeurés et confus se blottissent contre leurs mères pendant qu’elles évoquent la situation. « Nous habitions pas loin de la ville de Teplogorsk, bombardée régulièrement. Nous avions peur tout le temps », raconte Elmira Maltseva, originaire de la région de Lougansk. Formé par les villes de Stakhanov, Bryanka et Altchevsk, le territoire qu’Elmira a quitté a été baptisé par les locaux « Triangle des Bermudes ». « Les villes sont pratiquement vides. Avec mon mari et nos deux enfants, nous avons décidé de partir. J’ai traversé la frontière par Izvarino, dans l’oblast de Rostov. Puis, nous avons pris un bus et un ferry pour la Crimée ». Elle parle de sa maison comme d’un lieu où elle ne retournera pas de sitôt, mais espère tout de même pouvoir y revenir. « Quand je suis partie, j’ai collé des rubans blancs
© MIKHAIL MORDASOV(4)
sur nos fenêtres. On le faisait pendant la Seconde Guerre mondiale pour éviter que les fenêtres ne se brisent lors des explosions ». À Mazanka, le camp de réfugiés est composé de quelques grandes tentes et d’un foyer dortoir disposant de toilettes, de douches et d'une cuisine. Vu le grand nombre de déplacés, de longues files se forment dans tous les lieux à usage collectif. Mais personne ne se plaint. Bien que les maisons de nombreux réfugiés soient détruites et que certains aient perdu des proches dans cette guerre, les habitants du camp ne perdent pas espoir. Difficile d’y trouver des personnes qui ne croient pas que,
tôt ou tard, tout rentrera dans l’ordre. « Bien sûr, nous avons hâte de rentrer chez nous, mais pour le moment, c’est impossible. Il n’y a presque plus personne làbas, la ville est bombardée. Les produits qu’on peut encore acheter sont devenus très chers, témoigne Ekaterina Gorelkina, originaire de Lissitchansk dans la région de Lougansk. « Ici, on nous donne de la nourriture pour bébés, des couches, du dentifrice, des brosses à dents. Le quotidien basique est assuré ». Les habitants du camp vivent séparément : les femmes dans le foyer, les hommes dans les tentes installées dans la cour. Les chambres du foyer sont grandes,
elles accueillent entre 10 et 20 personnes chacune. Dans la cour, il y a un bac à sable pour les enfants. Les déplacés veillent euxmêmes à la propreté et au confort. Les nouveaux arrivants ne parviennent pas toujours à accepter cet environnement, ils ne se sentent pas à l’aise ici, mais ceux qui se sont déjà habitués plongent dans les tâches quotidiennes avec les autres : il faut préparer à manger, faire la lessive, nettoyer le camp, aider les nouveaux à s’installer. Comme Elmira Maltseva, Artiom Mamykine vient de Teplogorsk. Mais il s’est habitué à sa nouvelle vie bien plus vite qu’elle. « Nous avons de nouveaux amis, on discute avec nos voisins.
Bénévolat Les volontaires apportent non seulement des dons mais aussi un soutien moral
Un Ecossais investi d'une mission d'aide Des ONG s'évertuent à venir en aide aux réfugiés alors que l'administration russe est noyée sous les demandes. LEONID MATVEÏEV RBTH
Les réfugiés préfèrent trouver l'asile dans la région de Rostov, en Crimée et à Moscou. Cette dernière possède le réseau le plus large d'organisations non-gouvernementales et associatives. Stephen Wilson, Ecossais de 53 ans qui vit à Moscou depuis plus de vingt ans avec sa femme russe et sa famille, est un des meilleurs exemples de volontaire sans frontière. Sa profession : l'enseignement de l'anglais. Ensemble avec un groupe de quatre militants pour les Droits de l'Homme russes, il a mis en
place une organisation de volontaires qui se concentre non seulement sur les dons mais aussi sur le parrainage et le soutien psychologique des réfugiés. « Nous n'avons pas de joli bureau, pas de secrétaire rémunérée, ni de structure bureaucratique », explique Stephen Wilson, ajoutant qu'ils fournissent des vêtements, des jouets pour enfants, des couches, de la soupe et du dentifrice. « Nous avons rapidement découvert que les réfugiés voulaient une aide dans les démarches pour demander le statut de réfugié ou trouver du travail et, bien sûr, un endroit où vivre s'ils ne sont pas dans une datcha ou à l'hôtel. Je pense pour ma part que nous devrions leur offrir aussi un soutien moral et spirituel, leur consacrer
Dossier complet be.rbth.com/ukraine
du temps. Il est important de leur offrir de l'amitié. Certains réfugiés sont orthodoxes et demandent à ce que l'on prie pour eux ». Selon Wilson, même si un volontaire n'a pas d'argent à donner, il peut donner du temps. Ne fut-ce que pour jouer avec les enfants ou leur apprendre quelque chose d'utile... L'organisation préfère pouvoir compter sur l'action intensive de généreux bénévoles plutôt que sur des dons versés sur un compte bancaire. « Un volontaire peut être assigné à l'aide aux besoins d'une famille tandis qu'un autre s'occupera d'une autre famille », explique Stephen Wilson. L'idée rejoint celle des Big Brothers, Big Sisters, un programme international de parrainage d'enfants
dans le besoin qui a su créer des liens d'amitié avec des enfants du monde entier depuis 1904. Les volontaires se plaignent également du fait que l'afflux de réfugiés en Crimée, à Rostov-surle-Don et à Moscou ait provoqué un véritable chaos administratif. « Les services d'immigration ne peuvent gérer la totalité des demandes à Moscou et encouragent donc les réfugiés à se rendre dans d'autres régions de Russie. Certains réfugiés se voient actuellement refuser le statut par des officiers locaux et s'entendent dire qu'ils n'ont pas le droit de travailler sans « propiska » (permis de séjour). Il y a un grand désordre qui doit être résolu », témoigne Wilson. Ajoutant que son organisation travaille activement à la résolution de ces problèmes.
Ils nous aident beaucoup », raconte-t-il. « Ma femme et mon enfant se sont retrouvés à l’hôpital, quand les gens ont appris que nous étions des réfugiés, ils nous ont apporté de l’argent, des affaires, de la nourriture ». Dans le camp, on entend çà et là : « Alors, comment vont les nôtres ? » Les communications avec plusieurs villages dans la zone des combats sont coupées depuis de nombreux jours. Les déplacés rassemblent des miettes d’information sur la situation chez eux, les plus fiables venant de ceux qui viennent de rejoindre les rangs des réfugiés. On leur demande si des amis sont encore en vie, si les maisons sont encore entières, si les bombardements continuent. La plupart de réfugiés sont arrivés en Crimée par la région de Rostov, située à la frontière avec l’Ukraine. Ils disent que les autres itinéraires sont dangereux. Ceux qui se sont aventurés à passer par les postes de contrôle ukrainiens se plaignent des pots-devin exigés par les forces de l’ordre. « Ils ont essayé de nous faire descendre du bus plusieurs fois malgré notre autorisation d’entrée russe », témoigne Ekaterina de Lissitchansk. Mais la jeune femme a eu de la chance : les soldats l’ont laissée passer contre un pot-de-vin de 200 hryvnias (environ 11 euros) pour traverser la frontière. Ekaterina restera au camp de Mazanka une semaine environ, comme la plupart des réfugiés. Ensuite, tour à tour, l’avion du ministère des Situations d’urgence évacue les déplacés vers la Russie continentale. La famille Maltsev, par exemple, partira à Kemerovo, dans le sud de la Sibérie occidentale, à 3 500km de Moscou. Là-bas, on a promis un travail à son mari, mineur professionnel.
Des familles entières sont réfugiées dans le camp de Mazanka, près de Simféropol. Elles y passent quelques jours, avant d'être déplacées en Russie. Toutes espèrent pouvoir rentrer tôt ou tard chez elles.
CHIFFRES CLÉS
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centres d’hébergement temporaire ont été ouverts, principalement en Crimée et dans les régions occidentales de Russie, mais aussi à Moscou et à Saint-Pétersbourg.
775 mille Ukrainiens sont réfugiés en Russie depuis le début du conflit, dont 598 000 se trouvent dans des centres d'hébergement temporaires, d'après le ministre Lavrov.
115 mille personnes ont quitté les zones de l'Est de l'Ukraine pour venir s'installer dans d'autres régions du pays, selon le département des situations d'urgence d'Ukraine.
Réportage : la ville de Donetsk vit depuis plusieurs semaines au rythme des explosions.
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LAISSEZ LES DIPLOMATES TRAVAILLER EN SILENCE Fedor Loukianov POLITOLOGUE
L
base est donc tout à fait possible. Malheureusement, discuter autour de l’arrêt des combats est quasi inutile. Le conflit ukrainien est une guerre civile qui entraîne
tants politiques. Les affrontements armés et les consultations diplomatiques ne peuvent donc que s’effectuer parallèlement. Pourquoi les négociations ont-
La solution sera diplomatique ou ne sera pas ; elle exigera des efforts surhumains et des solutions atypiques
Les affrontements et les consultations diplomatiques doivent s’effectuer parallèlement
avec elle des forces et des intérêts extérieurs. Il se rapporte au type d’opposition dans lequel la définition des contours d’un compromis possible et le futur équilibre politique doivent être précédés d’une trêve. Les succès militaires des forces en opposition servent d’arguments et d’atouts supplémentaires dans les négociations entre les représen-
elles néanmoins repris ? Mi-juillet, sur fond de tempête médiatique consécutive à la destruction de l’avion malaisien, tout semblait pourtant joué : plus aucune négociation n’aurait lieu et la guerre battrait son plein jusqu’à désigner un vainqueur. À cela plusieurs raisons. La Russie, qui ne cache pas sa sympathie politique pour les
forces d’autodéfense populaire, a bien conscience de la ligne à ne pas franchir. La question de l’intervention militaire n’a pas lieu d’être, ce qui veut dire que la phase armée du conflit doit prendre fin. Mais Moscou n’a pas l’intention « d’abandonner » les Républiques populaires autoproclamées. L’idée serait plutôt d’obliger les participants au processus de paix à reconnaître leurs représentants et donc d’éviter qu’ils concèdent une défaite militaire face aux forces de sécurité ukrainiennes. Les brigades populaires ont par ailleurs besoin de représentants politiques capables de s’impliquer dans ce processus. Les commandants des insurgés, qui plus est d’origine russe, ne conviennent pas, ils ont un autre rôle à jouer. Kiev, bien sûr, ne peut pas reculer. Le nombre de victimes et de dégâts l’oblige à obtenir la victoire militaire, ou la société ukrai-
© KONSTANTIN MALER
a zone de turbulence politico-militaire que traverse actuellement l’Europe à cause de l’Ukraine semble sans issue. La solution sera diplomatique ou ne sera pas, et demandera des efforts surhumains et des solutions atypiques. Les deux prémisses ne tolèrent aucune transparence : la moindre petite fuite, qu’elle soit voulue ou fortuite, fait entrer le processus dans le domaine public où règne un rejet mutuel total. Et s’il s’agit d’un processus de négociations sérieuses, nous ne connaîtrons l’issue qu’à la fin : soit en cas d’échec, soit, au contraire, couronné d’un accord quelconque. À quel accord les parties pourraient-elles parvenir ? Son contenu a semblé clair dès avril dernier, lors de la première tentative de trêve entreprise à Genève, bien avant les effusions de sang massives dans le Donbass, avant les violents combats, les sièges des villes et la destruction du Boeing de Malaysian Airlines. Aujourd'hui, la situation s’est fortement détériorée, mais le fond du problème reste le même. Sur la table des négociations trônent
plusieurs thèmes. Le premier concerne le système politique de l’Ukraine, qui garantirait à l’Est un statut spécial avec la conservation de ses particularités culturelles et historiques. Le deuxième est celui du statut « neutre » de l’Ukraine, soit de son renoncement à intégrer l’OTAN, que la Russie considère comme une menace fondamentale. Le troisième concerne le vaste éventail de questions liées au gaz : les dettes, le prix, le transit, etc. Le quatrième thème touche à la relance économique de l’Ukraine après la guerre, ce qui est très improbable en cas de rupture complète des relations avec la Russie. Pris séparément, chacun de ces thèmes représente un lourd fardeau. Que dire alors si les quatre sont réunis dans une même barque ? Mais en réalité, les chances de parvenir à un accord sont plus importantes s'ils font l’objet d’une négociation globale que s'ils sont pris indépendamment. Ce sont là les bases de la diplomatie. Plus il y a de possibilités de traiter des questions différentes, plus l’espace pour les concessions mutuelles s’élargit. Certains thèmes considérés comme secondaires par une partie, seront en revanche essentiels pour l’autre. Un échange sur cette
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nienne se retrouvera elle-même face à l’épineuse question de savoir pourquoi elle a payé un prix si catastrophique. La guerre va laisser une économie nationale en ruine totale, alors qu'elle était déjà en piteux état. L’Ukraine ne peut compter que sur l’aide extérieure, dont les sources sont connues comme le loup blanc, mais qui ne montrent pour l’instant pas le bout de leur nez. Personne ne possède la quantité de fonds nécessaire. La principale charge du sauvetage financier de Kiev devra, selon toute évidence, être assumée par l’Europe, mais cette dernière manque de liquidités. Et même ceux, parmi les Européens, qui ne voient la Russie que négativement, l’accusant de tous les maux qui touchent l’Ukraine aujourd’hui, reconnaissent que sans une aide économique de Moscou, la question ukrainienne ne se résoudra pas. À l’horizon, plane une possible crise gazière. Ce qui semblait impensable il y a encore quelques mois ne semble aujourd’hui plus totalement exclu. Le jeu des sanctions et des contre sanctions dicte sa propre loi. Et voilà que Kiev, de son propre chef, se dit prêt à interdire le transit du gaz en Europe, et que Moscou, froissée que l’Occident puisse s’adresser à un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU comme s’il s’agissait d’un pays du tiersmonde que l’on peut contraindre à quelque chose, étudie les possibilités de riposte les plus dures. La crise ukrainienne a déjà détruit ce qui, après la guerre froide, était considéré comme le nouveau système de sécurité européen. Si la diplomatie peut arrêter cette crise, ce sera peut-être le premier pas vers un véritable nouveau système de sécurité européen. Fedor Loukianov préside le Conseil de politique étrangère et de défense. Article publié dans Rossiyskaya gazeta
UN FUTUR GAZODUC CHER, MAIS FIABLE Alexandre Kourdine POLITOLOGUE
a viabilité du gazoduc South Stream est-elle de plus en plus douteuse ? L'objectif-clé du projet est de garantir les approvisionnements de gaz de la Russie vers l'Europe. L'existence de South Stream permettra de se passer de n'importe quel itinéraire actif actuellement - et avant tout celui de l'Ukraine. Cela ne signifie pas que Gazprom fait une croix sur le transit via l'Ukraine, mais la dépendance vis-à-vis des autorités ukrainiennes diminuera considérablement. Ajoutez à cela que, dans les conditions d'une concurrence assez forte sur le marché gazier européen et l'anticipation
L
par Gazprom d'une diminution des prix, les consommateurs européens pourront ne plus avoir peur d'une hausse des dépenses. En 2014, les pays européens se sont beaucoup inquiétés des risques d'une interruption du transit par l'Ukraine. South Stream peut supprimer cette question de l'agenda pour les deux prochaines années, parce que le projet est bénéfique pour le consommateur européen. Bien que d'un point de vue économique, ses caractéristiques puissent susciter de sérieuses questions. Il est notamment difficile d'imaginer que la mise en place du projet South Stream s'accompagne d'une augmentation du volume des livraisons de gaz depuis la Russie : le débit du nouveau gazoduc peut atteindre 63 milliards
de mètres cube, et une telle hausse de la demande de gaz russe dans une perspective visible paraît peu vraisemblable. La réalisation de ce projet est freinée par la période de transition du marché européen, ce qui a plongé South Stream au cœur de l'actuel contexte d'affrontement en renforçant sa coloration politique. Il est victime d'un double cyclone politique. D'un côté, ces dernières années, la question se pose de son rapport avec le "troisième paquet énergétique", auquel la Commission européenne exige depuis longtemps que les États membres se soumettent. En gros, dans le cadre de cette législation, la Commission ne peut pas interdire aux compagnies russes et bulgares de poser des tuyaux conformément aux accords inter-
nationaux conclus, mais elle peut faire en sorte d'interdire à ces tuyaux de livrer du gaz. Au final, les autorités des pays participant au projet ont le choix : continuer les travaux en prenant le risque de provoquer de facto l'irritation de la Commission européenne, ou interrompre le travail et attendre. Le gouvernement bulgare a choisi la seconde solution. Non sans que cela provoque un certain fracas, avec la menace de s'adresser à la justice. Dans les faits, les autorités du pays ont montré à la Commission européenne que la Bulgarie est un acteur solidaire, mais en réalité, rien n'a été abandonné et cela ne menace pas vraiment les perspectives du projet. Dans tous les cas de figure, il nous faut un compromis entre
Gazprom et les autorités européennes, cependant il y a entre eux un conflit politique de fond : aucune des parties n'est prête à changer son modèle économique. D'un côté, les Européens sont en droit d'exiger des compagnies qui se trouvent sur le territoire de l'Union de respecter la législation européenne. De l'autre, il y a des exemples contraires, par exemple l'activité de l’OPEP. Cette organisation constitue un cartel dans toute sa splendeur, et les cartels sont strictement interdits en Europe. Cependant, cela n'empêche pas les Européens d'acheter aux compagnies des pays de l'OPEP du pétrole et du gaz, sans exiger d'autorisations supplémentaires. Le deuxième niveau d'opposition est lié au conflit ukrainien.
Malgré une envie évidente de diversification des approvisionnements en gaz, l'obtention de n'importe quel consensus entre les partenaires russes et européens est devenue beaucoup plus compliquée en raison d'une accumulation des tensions des deux côtés. Malheureusement, de ce fait, le processus de recherche de solution pour le South Stream a été franchement ralenti. Au demeurant, l'intérêt des parties pour le projet permettra probablement de trouver un compromis, mais cela exigera désormais plus de temps, au moins quelques mois de plus et de gros efforts. Alexandre Kourdine est directeur des études stratégiques sur l'énergie au Centre d'analyses du gouvernement russe.
D’autres points de vue sur l’actualité dans la rubrique Opinions sur BE.RBTH.COM/OPINIONS LES CONVOIS RUSSES FONT RIRE L’OCCIDENT, QUI NE BOUGE PAS be.rbth.com/30475
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ENTRE RUSSES ET UKRAINIENS, PLUS DE TEMPS POUR LA JUSTICE
AFFAIRE IOUKOS : LA RUSSIE MENACÉE D’EXCLUSION DU CONSEIL DE L’EUROPE
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Voyage Percez les secrets entourant la naissance de certaines des plus belles cloches du monde
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Magique capitale des cloches Des milliers de personnes se rassemblent religieusement chaque année pour écouter le son majestueux des cloches de Kamensk-Ouralski. Plongée dans un monde envoûtant. DARIA KEZINA RBTH
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Les cloches fondues à Kamensk sont connues pour la pureté de leur sonorité et la beauté des icônes qui les ornent.
Pour s’y rendre
Où se loger
Où se restaurer
Kamensk-Ouralski est situé à 101 km au sud de l'aéroport le plus proche, celui d'Ekaterinbourg. Le vol depuis Moscou dure 2h, et le prix des billets démarre à 66 euros. Prendre le train depuis Ekaterinbourg (2h30 de trajet, prix minimum du billet – 6,50 euros).
L’hôtel 4 étoiles Green Hall, situé en dehors de la ville, propose des chambres confortables à un prix variant entre 62,50 (standard) et 115 euros (luxe) par nuit. Vous trouverez plus d'information sur le site officiel de la ville de Kamensk : www.old.kamensk-uralskiy.ru.
Le restaurant Port Stanley propose un large assortiment de poissons frais et de fruits de mer, préparés selon votre choix à l’eau, au sel ou au grill. Le restaurant-club Fregat attirera l'attention par son décor insolite qui rappelle celui des anciens voiliers.
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Kamensk-Ouralski est considérée comme la capitale russe de la cloche. C'est là que se trouve Pyatkov et K, la plus grande fonderie de cloches de Russie et d'Europe. On considère qu'une cloche sonne bien quand au moins six secondes s'écoulent entre le moment où elle est frappée et la fin de sa vibration. Les maîtres de Kamensk ont appris à créer des cloches dont le cycle oscille entre 9 et 12 secondes. Aujourd'hui les cloches de Kamensk ornent la cathédrale Saint-Basile et le monastère Donskoï à Moscou, les carillons de Yaroslavl, de Veliki Novgorod et du Palais de Marbre à SaintPétersbourg, et peuvent être entendues dans plus de mille églises de Moscou à Anchorage en Alaska, mais aussi dans des paroisses orthodoxes aux États-Unis, au Canada, en Grèce, en Afrique, en
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AU COUCHER DU SOLEIL, LA CAPITALE RUSSE SE TRANSFORME. UNE BRISE FRAÎCHE COMMENCE À SOUFFLER DEPUIS LA RIVIÈRE, LES PARCS DE LA VILLE S’ALLUMENT DE MILLIERS DE LUMIÈRES. NE MANQUEZ MOSCOW BY NIGHT SOUS AUCUN PRETEXTE !
VISITES PERSONNALISEES La compagnie de tourisme Visit Russia propose des visites de nuit de Moscou avec un guide personnel, en voiture ou en minibus. Une visite de trois heures coûte 65 euros et comprend des sites situés en dehors du centre-ville, notamment le quartier d’affaires Moskva-City ainsi que des monuments célèbres de la capitale. La visite comprend également le mont des Moineaux et le principal bâtiment de l’Université d’État de Moscou. Une vue imprenable sur Moscou s’ouvre depuis la plate-forme d’observation spéciale. www.visitrussia.com
LES MEILLEURS BARS ET CLUBS Mosguides propose un large choix de visites de nuit à Moscou. La compagnie propose plusieurs itinéraires et horaires. Les participants choisissent la durée du programme, les guides seront ravis de vous réserver une table dans un restaurant ou un club prestigieux. La compagnie propose des visites à pieds, en voiture ou en bateau. Les prix et les horaires sont disponibles sur demande. en.mosguides.ru/moscow/night
Asie et en Europe de l'Est. Chaque cloche, quel que soit son poids et sa taille, est polie à la main. Les touristes sont invités à observer le processus de production, mais aussi à apprendre comment les faire sonner. La fonderie des cloches n'est pas la seule curiosité de Kamensk-Ouralski. Cette ville pittoresque compte d'autres secrets historiques. Fondée en 1644, à la suite du
MONUMENTS DE LA NUIT L’agence moscovite de Tours by Locals propose un large choix de visites de nuit de la capitale pour des groupes (jusque 185 euros par groupe de huit personnes maximum) et des particuliers. La durée moyenne de la visite est de trois heures, l’itinéraire dépend entièrement des souhaits des participants. Chaque guide de Tours by Locals est prêt à proposer un itinéraire unique dans la ville. www.toursbylocals.com/nightmoscow
monastère de la Sainte-Assomption de Dolmatovsk, elle a trouvé sa vocation en 1682, quand les moines ont découvert du minerai de fer dans la région. En 1701, l'empereur Pierre Ier a choisi ce territoire pour construire la première usine métallurgique de l'Oural, autour de laquelle la ville s'est organisée. Kamensk semble exister dans deux dimensions : en tant qu’ancienne colonie de la fin du XIXe début du XXe siècle, et en tant que ville moderne. Car sa planification inhabituelle fait que les centres historiques et commerciaux sont nettement séparés. Dans la partie ancienne de la ville on trouve des ensembles architecturaux allant du début du XVIIIe siècle au début du XXe siècle. Le joyau architectural de Kamensk, la succession du marchand Vorobiov, est le seul endroit où la construction du XIXe siècle a été entièrement préservée : les écuries, les granges, les silos, les bâtiments pour les fournitures et les bâtiments résidentiels. Des forêts luxuriantes, des montagnes et deux rivières encadrent la ville. Des falaises et des canyons plongent le long de leurs rives, d'où saillent de petites boules de lave formées par l'activité d'un ancien volcan. Lorsque la rivière est en décrue et peu profonde, il est encore possible d'y trouver des dents d'anciens requins. Explorer les rives protégées de l'Iset peut se faire à pied, à vélo ou en bateau. Pendant le trajet, il est possible d'observer des hérons, des canards, des plantes et des fleurs qui fleurissent du printemps à l'automne, et le plus important : les sites religieux. La promenade s'ouvre par la croix du monastère Dalmotskovo dédié aux pères fondateurs de la ville, se poursuit le long des falaises des « Sept Frères », qui s'étendent sur 250 mètres le long de la rive gauche de l'Iset, le pont de chemin de fer « Papillon », les grottes Smolinski avec leurs galeries et passages, une gamme de pierres mystérieuses de 20 mètres de long connue sous le nom de Doigt sanglant, la Porte de Pierre, un pont karstique de 20 mètres de haut qui ressemble à un portail ouvert sur une autre dimension - l'un des sept monuments naturels similaires dans le monde -, et bien d'autres merveilles. Cette excursion inoubliable prend environ trois heures.
TUNNELS SECRETS ET KGB Pour les amateurs d'aventures et de légendes urbaines, la compagnie City Discovery propose une balade de nuit dans les tunnels secrets de Métro-2, la terrifiante prison du KGB et la tristement célèbre « maison du Diable » à Kulichki. Les visiteurs voyageront à bord d’un tram de nuit, verront le « kilomètre zéro » et visiteront la Khitrovka – le quartier le plus criminel de Moscou au 20e siècle. Le prix du billet adulte est de 25 euros. www.city-discovery.com/moscow
BALADE EN BUS A DEUX ETAGES La nuit, les embouteillages de Moscou se dissipent, aussi le voyage « Moscou ne dort jamais » à bord d’un bus à deux étages de City Sightseeing Moscow est bien plus agréable. Les bus partent de la place Rouge tous les jours entre 19:30 et 22:00. La visite d’une heure est un excellent moyen de voir les principaux sites du centre historique de Moscou. Le prix du billet adulte pour une visite flexible commence à partir de 18 euros. Il est valable 24 heures. www.city-sightseeing.com
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