Russia Beyond the Headlines (Belgique)

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Mardi 12 mai 2015

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C E S U P P L É M E N T D E S I X P A G E S E S T É D I T É E T P U B L I É P A R R O S S I Y S K AYA G A Z E T A ( R U S S I E ) , Q U I A S S U M E L ’ E N T I È R E R E S P O N S A B I L I T É D E S O N C O N T E N U

Victoire de 1945 : 70 ans après, le souvenir à vif

En mai 1945, l’URSS et ses alliés célèbraient la victoire sur l’Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Alors que l’on s’apprête à en commémorer le 70ème anniversaire, il convient de rappeler le bilan sans précédent d’un conflit qui fit 50 millions de morts. Outre ce chiffre astronomique et terrifiant, la Seconde Guerre mondiale a laissé derrière elle des centaines de millions de témoins à travers le monde, dont chacun garde des souvenirs singuliers. Les témoignages de cette guerre, notamment les souvenirs d’anciens combattants ou des récits relatant l’expérience d’enfants emportés dans la tourmente, ont inspiré à RBTH l’idée de lancer le projet « La guerre méconnue ».

Nous vous invitons à le découvrir dans les pages de ce numéro spécial, mais aussi sur notre site Web : LAGUERREMECONNUE. BE.RBTH.COM

DOSSIER SPÉCIAL

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DES TÉMOIGNAGES INÉDITS

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RUSSIA BEYOND THE HEADLINES

1945-2015

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Mémoires Unies par le souvenir de la guerre, deux rescapées racontent leur destin

Deux grand-mères russes de Belgique Les Sorcières de la nuit

Découvrez notre projet spécial ''La guerre méconnue" sur notre site Web : LAGUERREMECONNUE.BE.RBTH.COM

VIKTOR ONOUTCHKO POUR RBTH

Juin 2015 marquera l'anniversaire solennel des 90 ans deVera Kouchnariowa, militante infatigable à l'origine de nombreux temps forts de l'amitié russo-belge.Vera est née à Lysytchansk (aujourd'hui en Ukraine). Ses parents partent s'établir dans la région de Moscou dès avant la guerre et confient la petite fille à sa grand-mère. À l'été 1942, les troupes allemandes occupent Lysytchansk, commencent à imposer le travail forcé aux jeunes de la région, dont Vera, dénoncée aux nazis comme fille de communiste et expédiée en Allemagne dans un wagon de marchandises. Vera se retrouve dans une usine métallurgique et travaille en tant qu'opératrice de grue-poutre. Elle vivait dans des baraques près de l'usine, entourées de fils barbelés. « Nous nous moquions des Allemands. Lorsqu’il est devenu évident que leur sort était réglé et que les alliés s'approchaient, nous avons crié aux soldats à travers les barbelés : 'Attendez, ordures ! Les nôtres vont vous mettre la pâtée !' ». À l'été 1943, des Italiens, des Français et des Belges sont arrivés au camp de l'usine. « Ils haïssaient les nazis autant que nous, nous étions unis par cette haine commune et par notre soif de vie ». C'est alors que Vera a rencontré le grand amour et son destin. Le futur mari de Vera, le Belge Paul Moulin, de Péruwelz, avait également été déporté en Allemagne et travaillait dans la même usine. Il tombe amoureux de la jeune et jolie slave. Ils se marient après la libération du camp par les alliés le 9 mai 1945.

« Nous chantions des chansons russes... »

Vera avec ses petits-petits-enfants : Lucas et Nicolas.

Maria Kostileva et Vera Kouchnariowa.

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mands eux-mêmes les considéraient comme des individus de second ordre. Ils poursuivent les jeunes filles de Nikolaïev de leurs assiduités, mais sont vigoureusement repoussés. En colère, ils dénoncent les jeunes filles aux Allemands. Maria et ses amies sont convoquées pour un interrogatoire et envoyées à Buchenwald six semaines avant la fin de la guerre. Elles subissent un nouvel interrogatoire dans le camp, cette fois par les SS, et atterrissent dans une baraque pleine de femmes russes. Un beau jour, l'agitation gagne les gardes, les Allemands brûlent les archives et préparent visiblement leur fuite. Les Américains arrivent le matin suivant et libèrent les filles, qui n'avaient pas de papiers. Où aller ? Le seul endroit qu'elles connaissaient et où elle pouvaient trouver des visages familiers était Saalfeld. En deux jours, elles atteignent la ville encore occupée par les Allemands, et retournent dans l'unité militaire dans laquelle elles avaient travaillé. Les Allemands comme les travailleurs déportés qui savaient que les filles avaient été envoyées là d'où on ne revient

FAITS SUR LES FEMMES ET LA GUERRE

Les femmes représentaient jusqu'à 50% des volontaires souhaitant rejoindre les forces armées.

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Sur différentes périodes, entre 600 000 et un million de femmes se sont battues au front, dont 80 000 officiers. Woody Guthrie, chanteur américain de country, a dédié sa chanson Miss Pavlitchenko au sniper soviétique Lyudmila Pavlichenko qui a tué plus de 300 nazis.

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« Nous nous moquions des Allemands en leur disant : 'Attendez, ordures, les nôtres vont vous mettre la pâtée !' »

Lidia Likhota, née en 1940 à Leningrad

© ARCHIVES PERSONNELES

Avec une année de décalage, l'histoire de Maria Kostileva suit de près le destin de Vera. Elle vivait dans le sud de l'Ukraine, à Nikolaev, alors occupée par les Allemands. En septembre 1943, elle est arrêtée avec ses amis dans une rafle. Comme dans l'histoire précédente, les Allemands venaient à la gare sélectionner des travailleurs. Maria et ses amies ont été jugées inaptes au travail dans les fermes et les ateliers. Les huit jeunes sont alors affectées au nettoyage dans une unité militaire à Saalfeld. On les installe dans l'étable avec les chevaux. « C'était très dur. En plus du brouet, on nous donnait pour la journée une boule de pain pour huit et parfois 2 ou 3 pommes de terre, souvent gâtées. Mais nous étions jeunes, désespérées et nous n'avions pas peur de railler les Allemands, de prédire leur défaite. Nous chantions des chansons russes et avons même fêté le 1er mai ». Des jeunes venus d'Europe travaillaient dans la garnison. Maria devient amie avec le Belge Julien Dhuygelaere, déporté comme elle par les Allemands. Un jour, quelques soldats de l'armée collaborationniste du général Vlassov débarquent dans l'unité. Les Alle-

© ARCHIVES PERSONNELES(3)

Pendant les premiers mois suivant l’attaque surprise de l’Allemagne nazie, le gouvernement soviétique recevait une grande quantité de lettres venant de femmes pilotes d’écoles, qui demandaient qu'on les envoie combattre au même titre que les hommes. Marina Raskova, médaillée Héros de l’Union soviétique, a avancé l’idée de mettre en place un régiment féminin. Les demandes des volontaires ont commencé à être acceptées à l’automne 1941. À l’issue d’une formation accélérée, le 46e régiment fut formé. Il est devenu l’unique régiment féminin au monde de bombardiers de nuit. Le 27 mai 1942, le régiment des « Sorcières de la nuit » (un surnom donné ensuite par les Allemands, prouvant la crainte qu'il leur inspirait) comptant 115 jeunes femmes de 17 à 22 ans, est arrivé au front. Les femmes avaient à leur disposition de petits biplans Polikarpov Po2 et effectuaient les attaques en pleine nuit. Les Allemands surnommaient ces avions « les contreplaqués » parce qu'ils étaient essentiellement en bois. À l’approche des positions ennemies, elles coupaient le moteur pour ne pas être repérées et effectuaient le bombardement en vol plané. Au début, les pilotes traçaient sur les bombes des phrases telles que « Pour la patrie ! ». Mais après avoir perdu les premières camarades, « Pour Liouba ! » ou « Pour Vera ! » remplacèrent les slogans. Les pilotes du 46e régiment de Taman ont effectué environ 24 000 missions de combat. Pour chaque avion abattu de ce régiment, tout aviateur allemand recevait la Croix de fer, la plus haute distinction militaire allemande. Les jeunes filles ont fêté le jour de la Victoire près de Berlin. Elles se sont souvenues de leurs camarades qui n’ont pas eu la chance de vivre jusqu’à ce jour : 33 jeunes femmes ont trouvé la mort dans les combats pour la patrie. Neuf pilotes se sont vu décerner le titre de Héros de l’Union soviétique.

De nombreux symboles illustrent la victoire sur le nazisme hitlérien. L'un d'entre eux réside dans l'histoire de deux anciennes jeunes filles soviétiques, Vera Kouchnariowa et Maria Kostileva.

Lorsque la guerre a commencé, je n’avais même pas un an. Ma mère et moi, nous sommes restées dans une ville assiégée. Le froid, la pluie de bombes et la mort des proches étaient notre quotidien. Durant le blocus, la famine était affreuse. Pour me nourrir, ma mère mâchait le pain que l’on nous distribuait – 125 grammes par personne – et le plaçait à l’intérieur d’un tissu. C’était ça mon biberon. Vers la fin de 1943, nous avons été évacués vers la « Grande Terre » [territoire

Maria Kostileva.

pas, étaient stupéfaits de leur apparition. Julien qui pensait aussi ne jamais revoir Maria, est transporté. Les Américains entrent dans la ville deux jours plus tard. Cherchant à retourner à la maison, les amies errent quelques temps à travers le pays. Sur la route, elles parviennent à persuader les Américains de les transporter en voiture. Ces derniers les conduisent de nouveau à Saalfeld. Le sort réunit une nouvelle fois Maria et Julien. Libérés, les Belges retournent dans leur patrie et parcourent 350 km à pied. Maria les accompagne et se retrouve en Belgique. Sur leur chemin, il trouvent un camion abandonné. Bon mécanicien, Julien parvient à réparer le véhicule. Ils arrivent par ce moyen jusqu'à Drongen, où Julien présente alors sa fiancée de 18 ans à ses parents. Contrairement aux craintes de la jeune fille, ces derniers l'accueillent très cordialement.

Une rencontre loin du pays En 1961, deux activistes de l'Union des citoyens soviétiques de Belgique, Maria Dhuygelaere et Vera Moulin se rencontrent au consulat soviétique. Elles font connaissance et deviennent amies. Le fils aîné deVera, Roland, fait connaissance avec Monique, la fille de Maria. Le mariage est célébré en 1972. En 1977, Maria rend visite à ses parents àVoronej avec ses deux petits-enfants : Maxime et Mikhaïl. La famille parle aujourd'hui trois langues : le néerlandais des Dhuygelaere, le français des Moulin et le russe des grands-mères Vera et Maria. Maxime, qui continuait de rendre visite à ses parents en Russie, a rencontré sa femme Aliona à Voronej. Les petits-petits enfants Lucas et Nicolas parlent russe et rendent visite à leurs grands-parents russes.

sous contrôle soviétique, ndlr]. Sous le feu de l’ennemi, les véhicules nous transportant roulaient sur le lac glacé de Ladoga. Je ne m’en souviens pas, mais ma mère m’a plus tard raconté que le véhicule qui était juste devant le nôtre a été détruit par une bombe. Nous avons passé le reste de la guerre à Soligalitch, dans la région de Kostroma. On se nourrissait principalement d’épluchures de pommes de terre. Ma grand-mère en faisait de petits pâtés. Ils me paraissaient si délicieux ! 70 ans se sont écoulés depuis la fin de la guerre, mais je ne cesse d'y penser.

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX : • LE SOIR, BELGIQUE • LE FIGARO, FRANCE • THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • HANDELSBLATT, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE, CHILI, PÉROU, MEXIQUE • LA REPUBBLICA, ITALIE • DUMA, BULGARIE • NEDELJNIK, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES, INTERNATIONAL NEW YORK TIMES, FOREIGN POLICY ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • THE ECONOMIC TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • HUANQIU SHIBAO, CHINE • LA NACION, ARGENTINE • FOLHA DE S. PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • AL AHRAM, ÉGYPTE • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE • NATION, PHUKET GAZETT, THAÏLANDE • TAGEBLATT, LE JEUDI, LUXEMBOURG. EMAIL : BE@RBTH.COM. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ BE.RBTH.COM. LE SOIR EST PUBLIÉ PAR SA ROSSEL ET CIE. RUE ROYALE. 100 - 1000 BRUXELLES - BELGIQUE . TÉL: 0032/2/225.55.55. IMPRESSION : ROSSEL PRINTING COMPANY SA. DIFFUSION : 94 800 EXEMPLAIRES


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Édition La Bande dessinée belge se penche sur le rôle des soldats soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale

L'Armée rouge fait des bulles Deux dessinateurs et une historienne sortent chez Casterman un album, La Chute du Reich, qui rétablit le rôle de l'Armée rouge dans la libération de l'Europe. BENJAMIN HUTTER POUR RBTH

À l'approche des dates anniversaires de la victoire, on ne compte plus à la télévision les documentaires ou les fictions relatant l'héroïsme des troupes alliées qui ont débarqué le 6 juin 1944 en Normandie pour libérer la France et marcher jusqu'à Berlin. « On ne parle que des Américains ! », note Yves Plateau, le dessinateur belge qui a réalisé la recherche documentaire et les crayonnés pour La Chute du Reich. Déjà familier de la BD historique avec plusieurs albums sur l'aviation, c'est lui qui a insisté pour remettre la libération de l'Europe en perspective.

Un héritage soviétique oublié Selon un sondage de l'agence britannique ICM Research mené auprès de 3 000 personnes du 20 mars au 9 avril 2015 au RoyaumeUni, en France et en Allemagne, la majorité pense que les principaux libérateurs de l'Europe sont les armées américaine et britannique. A contrario, le rôle de l'URSS dans la guerre est souvent minimisé en Europe. En France, 61% des personnes interrogées considèrent que le rôle principal a été joué par l'armée américaine. 52% sont de cet avis en Allemagne. Seulement 8% des Français réalisent le véritable rôle de l'armée soviétique. Pourtant, l'importance des troupes de l'Union soviétique peut difficilement être passée sous silence. Après la défaite de Stalingrad en 1942-43, l'Allemagne, puis le Japon, sont passés de l'offensive à la défensive. « Stalingrad est un véritable tournant dans la guerre », souligne Yves Plateau. Pour beaucoup, l'issue du conflit aurait pu être totalement différente si les Soviétiques n'avaient pas résisté : « C'est bien l'armée russe qui a éventré la machine de guerre allemande », admettait le chef d'État britannique Winston Churchill.

© ÉDITIONS CASTERMAN

Une page de l'album La Chute du Reich consacrée aux matériels de combat soviétiques.

Le rôle de l'Union soviétique dans la guerre est trop souvent passé sous silence en Europe « Il est important de savoir d'où on vient, de comprendre comment l'Europe actuelle a été construite »

Au fil de l'album, on lira aussi que dans la bataille de chars de Koursk, les troupes soviétiques ont définitivement sapé le moral de l'armée allemande et le forçage du Dniepr a ouvert la voie à la libération de l'Europe. Qu'en 1944 les troupes soviétiques libéreront les camps d'extermination de Majdanek, Belzec, Sobibor ou encore Treblinka... avant Auschwitz le 25 janvier 1945. Le 2 mai 1945, les troupes soviétiques prenaient Berlin. Bilan de la guerre pour l'URSS ? 27 millions de morts, soit le plus lourd tribut parmi les Alliés.

Une guerre, deux fronts « Quand on constate les dégâts

matériels et humains subis par l'URSS, on peut difficilement faire l'impasse. Il fallait mettre les choses au point. J'ai donc tenu à mettre en avant le rôle de l'armée soviétique, le front de l'Est », raconte Yves Plateau. Résultat : un album complet sur cette phase de la Seconde Guerre mondiale, entre illustrations des scènes les plus marquantes et mises au point historiques par Isabelle Bournier, directrice culturelle et pédagogique du Mémorial de Caen, en France. « Elle nous a apporté beaucoup de documentation - et j'ai été très surpris par les découvertes que j'ai faites ! Quand j'ai appris l'histoire à l'école, le front

Pour lui, l'objectif de ce travail était clairement pédagogique. « Pour les jeunes de 12-13 ans, apprendre l'histoire en lisant seulement de gros pavés peut

être un peu repoussant, expliquet-il. Avec la bande dessinée, l'approche est plus ludique, plus imagée ». « La BD peut être un très bon outil pour les enseignants », ajoute Yves Plateau. Surtout, Olivier Weinberg espère que le message va passer. « Pour moi, participer à cette bande dessinée était un devoir de mémoire. Car tous ces événements portent en eux les racines de l'Europe actuelle », rappellet-il. Et de conclure : « Il est important de savoir d'où on vient, de comprendre comment l'Europe actuelle a été construite. Si nous pouvons contribuer à cette compréhension, le pari sera gagné ».

Serge en 1926. Adolescent de 15 ans, les tournants brutaux de l'histoire mondiale le conduisent en 1944 à prendre les armes. S'en suit une longue et terrible captivité, sa participation à la Résistance et son installation en Belgique en 1951. « J'y suis né en 1958. J'ai été baptisé en l'honneur de mon célèbre grand-père Sergueï, avec le nom de famille Alexandroff de mon père », raconte Serge, qui perpétue la tradition militaire de sa famille. Education militaire, infanterie de marine, "points chauds" et service dans une unité d'élite des forces spéciales. Son désir de créer sa propre exposition militaire remonte à l'enfance. « A-t-il été difficile de créer un musée ? Non ! Les vétérans ont très bien réagi à cette idée. C'était un défi ! Mais j'aime beaucoup les défis. Et j'aime surtout les surmonter », raconte Serge. «J'ai mis dans ce musée tout ce que j'avais. À la fin des fins, je suis parvenu à monter quelque chose qui n'existe dans aucune autre collection similaire ». Les étages du musée recèlent aujourd'hui des pièces historiques rares. Les premiers casques d'acier au monde, des armes de soldats

de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, des photographies originales de ces terribles années, le formulaire militaire des défenseurs du fort et les équipements de l'ennemi. Des balles, obus et munitions. La collection de Serge comporte également des ordres et distinctions de l'armée tsariste russe, des insignes militaires honorifiques de l'armée rouge et une légendaire mitrailleuse Maxim. La clairière du musée abrite une colonne de chars authentiques, des "Tigres" autrefois redoutés, des énormes "Ferdinand" capables de balayer tout ce qui vit pendant le combat, de l'artillerie automotrice et des véhicules blindés. « La guerre est affreuse. J'espère que nous n'aurons plus jamais à vivre cette tragédie, explique Serge. Je trouve assez inquiétant que l'Europe et les États-Unis interprètent chacun à leur manière les événements du printemps 1945. Je voudrais que ce musée ne serve que la vérité. Je connais peu la Russie, mais je veux apprendre autant que possible à son sujet et transmettre aux autres ».

de l'Est était vraiment survolé », témoigne Olivier Weinberg, le dessinateur français qui a réalisé les encrages et retravaillé les plans de La Chute du Reich. Ce dernier retiendra particulièrement "la force et la ténacité" des Soviétiques, et, en tant que dessinateur, les prouesses techniques inégalées de l'URSS comme les "orgues de Staline", de redoutables lance-roquettes multiples.

Une bande dessinée comme devoir de mémoire

Musée Le mémorial des deux guerres mondiales dans les murs d'un ancien fort belge

Il fonde un musée militaire pour honorer la tradition familiale Un musée, créé par un citoyen belge descendant d'une lignée d’officiers russes, raconte l’histoire des deux plus terribles conflits armés du XXe siècle.

LÉONID SOKOLNIKOV POUR RBTH

Il y a plus de cent ans, le fort de Boncelles, un ensemble défensif titanesque, fut construit à proximité de la ville belge de Liège. Après deux guerres mondiales, les ruines décrépites et effrayantes de l’ancienne plus importante forteresse d’Europe ont été envahies par les buissons et les mauvaises herbes. Jusqu'à ce qu'en 2005, le jeune entrepreneur Serge Alexan-

droff ne décide de lancer un audacieux projet visant à transformer les ruines de l’ancien fort en un complexe muséal impressionnant. « L'idée de la création du musée a germé il y a 15 ans. À cette époque, j'ai remarqué que l'on accordait en Europe un grand intérêt à la réhabilitation de la mémoire des années écoulées. Je savais qu'ici, dans le bourg de Boncelles, existait un immense fort lourdement fortifié. Nous voulions que les touristes visitent les sites historiques afin que les adultes comme les enfants n'oublient pas leur histoire », explique Serge. Pour lui, la conservation du pa-

Char belge fabriqué à Liège aux années 30 du XXe siècle.

trimoine historique n'est pas simplement un passe-temps, c'est aussi un pan de l'histoire familiale. Le grand-père de Serge a servi dans l'armée tsariste russe, a combattu au début du XXe siècle dans la Première guerre mondiale, puis a participé à la lutte contre les bolcheviks et est devenu officier dans l'Armée blanche. Le sort l'a conduit en Bulgarie, où est né le père de

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SUR LE WEB

QUESTIONS & RÉPONSES

Survivre au zoo

La Seconde Guerre mondiale a mobilisé l’Union soviétique tout entière, y compris les zoologistes. Ces derniers avaient pour mission de sauver et d’évacuer les animaux du zoo de Moscou. Nombreux sont ceux qui n’ont survécu, en ces années difficiles, que grâce au personnel qui les protégeait avec abnégation. › www.be.rbth.com/33453

Dans l’enfer de la guerre, avec pour arme une caméra Vous êtes-vous retrouvé au front dès le début de la guerre ? J’avais 21 ans en 1941. À cause de la guerre, nous avons abrégé nos études dans mon école supérieure de cinéma [l’Institut Guerassimov, ndlr]. J’étais sur le point de passer mon diplôme. L’établissement commençait tout juste à former des équipes de cameramen. J’ai présenté une demande d'engagement mais elle a été rejetée. Les premiers à être engagés étaient bien sûr ceux qui avaient déjà de l’expérience. Pourquoi était-ce si important pour vous ? Le pays tout entier était engagé dans la guerre ! « Tout pour le front, tout au nom de la victoire »,

tel était l’impératif du moment. Je voulais à tout prix y participer, mais, malheureusement, je ne me suis retrouvé au front qu’en 1944. Au moment de l’offensive, vous aviez peur ? Oui, la peur était omniprésente, mais dès qu’on commençait à travailler, on l’oubliait. Et pourtant nos pertes furent importantes. Au cours de la guerre, 258 cameramen ont filmé plus de 3,5 millions de mètres de pellicule 35 mm. Un sur cinq a été tué, sans compter les blessés. On me demande souvent si quelqu’un nous couvrait pendant le tournage. Non, personne, nous étions seuls. Y avait-il des interdictions de tourner ? Par exemple, les retraites ? Non, on pouvait tout filmer. Mais c’était à la censure de décider s’il fallait le rendre public ou non. Je n’étais pas sur le front lorsque notre armée reculait, mais mes camarades disaient que les re-

© ARCHIVES PERSONNELES(3)

blait que la guerre était finie. Le soulagement était le sentiment éprouvé par tout le monde. Malheureusement, je me trompais. Mais à ce moment-là, c’est ce que j’ai ressenti. © PAVEL INZHELEVSKI

Dans un entretien accordé à Russia Beyond The Headlines, Boris Sokolov, un opérateur soviétique de 95 ans, relate la signature de l’Acte de capitulation de l’Allemagne nazie ainsi que son travail au front.

Chants de victoire

traites étaient très peu tournées. Parfois les opérateurs voulaient filmer une retraite, mais les soldats ou les réfugiés priaient de ne pas le faire, accompagnant même leur demande de menaces.

BIOGRAPHIE

Boris Sokolov NÉ LE : 13 FÉVRIER 1920

Quel est le tournage qui vous a le plus marqué ? La signature de l’Acte de capitulation de l’Allemagne, bien sûr. Nous avions pour mission de filmer la délégation allemande. J’ai été surtout frappé par le comportement du feld-maréchal Keitel [chef du commandement suprême de la Wehrmacht, ndlr].

À : PETROGRAD PROFESSION : OPÉRATEUR

En 1941, Boris Sokolov reçoit son diplôme de la célèbre école de cinéma VGIK. Il est affecté au studio des actualités cinématographiques de Moscou. En octobre 1941, le studio est évacué à Alma-Ata, alors capitale de la République soviétique du Kazakhstan. En 1944, il est envoyé au Premier front biélorusse. Il filme les combats en Pologne et en Allemagne, fait un bref passage sur le front de Sibérie Orientale. En 1945, Sokolov est l'un de ceux qui ont participé au tournage de la signature de la capitulation de l'Allemagne. Il s’est vu décerner deux ordres de l’Étoile Rouge et 31 médailles.

Quel était son comportement ? Celui d’un vainqueur et non d’un vaincu. À sa descente d’avion, il salua de son bâton de maréchal, alors qu’il n’était accueilli que par les gardes. Il n’y avait aucune personnalité officielle. Dans la salle de signature, il salua également de son bâton de maréchal, mais personne ne lui répondit. Lorsque Keitel a signé l’Acte, il me sem-

Le moment où le drapeau de la Victoire a été planté sur le Reichstag n’a pas été filmé par vous, d’après ce que je sais. Ne le regrettez vous pas ? Pas du tout. Au moment du tournage, personne ne pensait à l’importance de ce drapeau dans le vent. Ce n’est que plus tard que le Reichstag est devenu le symbole de la Victoire. Il aurait très bien pu ne pas le devenir. Je ne me souviens même plus où j’étais à ce moment-là. Tout le monde sait aujourd’hui que le tournage du drapeau de la Victoire sur le Reichstag était une mise en scène… Pendant les combats les drapeaux, qui étaient plus de dix, ont été plantés tour à tour à différents étages du Reichstag, passés par les fenêtres. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un drapeau a fait son apparition sur le toit. Toutefois, nous ne pouvions pas filmer la nuit, il y avait trop peu de lumière. Nombreux sont ceux qui qualifient ce tournage de mise en scène, mais c’est une reconstitution des faits. Propos recueillis par Mikhaïl Bolotine

À la guerre, la chanson revêt une importance particulière. RBTH a sélectionné les mélodies qui ont aidé les soldats russes à garder le moral pendant les combats les plus durs, tout en allégeant l'attente de leurs proches. › www.be.rbth.com/33423

Voix combattante

Tout au long des années de guerre, la voix de Iouri Levitan se confondit avec la voix officielle de l’URSS. L’annonceur était un ennemi juré d’Adolf Hitler, qui avait mis sa tête à prix. › www.be.rbth.com/33543

EN IMAGES

Le spectre de la guerre hante nos rues DES MÉDAILLES EN QUÊTE DE LEURS BÉNÉFICIAIRES TOMBÉS AU FRONT Vassili Maslenkov, maître d’école soviétique, put envoyer plus de 150 lettres depuis le front, mais il n’eut malheureusement pas la chance de revenir en personne auprès de sa femme et de sa fille – il est tombé en août 1943 près de Smolensk (à 400 km de Moscou). Ce n’est qu’en 2015 que Tamara Maslenkova, enseignante comme son père, a appris qu’il avait été décoré de l’Ordre de la Guerre patriotique de 2ème classe après sa mort. Elle a obtenu cette information grâce au portail spécialisé Zvezdy Pobedy (Les Étoiles de la Victoire) publié par le site de Rossiyskaya Gazeta (en langue russe) avec le soutien du ministère russe de la Défense. Sur près des quatre années de la Grande Guerre patriotique, entre 1941 et 1945, les soldats de l’Armée rouge furent honorés dans différents ordres à plus de 38 millions de reprises. Désormais, les vétérans et leurs proches peuvent facilement obtenir des informations sur les décorations non remises. Au cours des sept décennies écoulées depuis la fin de la guerre, de nombreux vétérans, ainsi que leurs descendants, se sont dispersés à travers le monde. Notre rédaction espère que le projet Zvezdy Pobedy les aidera à être honorés dans les ordres pour lesquels ils ont été nommés, et à recevoir leurs décorations. La base de données, disponible sur rg.ru/zvezdy_pobedy, comprend 8 200 noms. Avec l’aide de nos lecteurs, nous avons déjà retrouvé les familles de cinq femmes figurant sur la liste. Malheureusement, légalement, seule la personne décorée peut récupérer la médaille qui lui a été attribuée pendant la Grande Guerre patriotique. Si cette personne est décédée ou portée disparue et que la distinction non remise n’a été retrouvée que maintenant, ses enfants ou leurs conjoints peuvent obtenir le certificat de décoration à condition de pouvoir présenter les documents requis. Les héros inconnus doivent être retrouvés et honorés ! © SERGUEÏ LARENKOV(2)

Dans les mains du pilote de navire Sergueï Larenkov, un appareil photo devient une machine à voyager dans le temps. Depuis six ans, il consacre tout son temps libre à réaliser des collages photographiques dans lesquels il relie les photos d’archives des villes russes et européennes prises pendant la guerre et les images contemporaines. En 2009-2010, Sergueï a réalisé un projet sur Moscou. Puis, des projets sur l’Europe –Vienne, Prague, Berlin, Paris, la Normandie. Ensuite, sur Kiev, Odessa, Sébastopol, Kertch et bien d’autres. En 2014, il a pu élargir le projet à Dresde, Novorossiïsk et Mourmansk. Au total, le projet « Link to the Past » comprend plus de 2 000 œuvres. « Je suis moi-même fasciné à l’idée de pouvoir effleurer l’histoire, de montrer l’ampleur des guerres passées et leurs conséquences, de rendre hommage à l’héroïsme de notre peuple», raconte l'artiste. « Il y a encore un tas d’endroits que je voudrais photographier : le Caucase, les pays baltes, la Pologne, la Hongrie, la Serbie ».

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Opinions

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LES RAISONS DE LA VICTOIRE DE 1945 L’ARMÉE ROUGE EN PREMIÈRE LIGNE DE FRONT Michael Jabara Carley HISTORIEN

e 3 juillet 1941, onze jours après que la Wehrmacht eut envahi l’URSS, Ivan Maïski, l’ambassadeur soviétique à Londres, rencontra le ministre des Affaires étrangères britannique, Anthony Eden, pour évoquer la situation militaire. Selon M. Maïski, attaquer l’URSS a été la première grosse erreur commise par Hitler. « La Russie est éternelle » et ne peut pas être vaincue. Cependant, elle avait besoin d’aide. Le gouvernement britannique pouvait-il organiser un débarquement sur les côtes françaises ? Il s’agissait de la première des nombreuses demandes soviétiques concernant l’ouverture d’un second front à l’ouest. Durant l’été 1941, la GrandeBretagne n’était pas en mesure de débarquer sur les plages françaises : l’armée britannique n’avait pas encore remporté la moindre bataille contre la Wehrmacht.Tout en comprenant la situation, Joseph Staline demanda à Winston Churchill s’il ne pouvait pas envoyer des divisions britanniques combattre sur le front soviétique. Churchill était effrayé à l’idée d’envoyer des Tommies dans le hachoir à viande du front de l’Est. Les services de renseignement de l’armée britannique estimaient que l’Armée rouge serait vaincue en quatre à six semaines. Ce même été, la Grande-Bretagne commença à envoyer du renfort, des chars et des avions de chasse, mais en petite quantité : 200 chasseurs et quelques centaines de véhicules. Ce n’était qu’une goutte d’eau dans la mer face aux besoins soviétiques. Les pertes de l’Armée rouge au cours des six premiers mois de la guerre étaient inimaginables : trois millions de soldats disparus, tués, blessés ou prisonniers de guerre. Les pertes civiles étaient plus énormes encore, conséquence du véritable génocide orchestré par les nazis. L’Armée rouge n’en poursuivait pas moins le combat. Londres avait beau dire qu'elle faisait de son mieux pour l'aider, même l’opinion du pays en doutait. L’ambassadeur britannique à Moscou, Sir Stafford Cripps, accusa son propre gouvernement de fuir le combat et de laisser l’Armée rouge subir toutes les pertes, précisant que l’opinion en URSS disait la Grande-Bretagne prête à « se battre jusqu’à la dernière

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goutte de sang russe ». Les choses n’allaient pas mieux du côté du Département d’État américain, profondément hostile à Moscou. Par bonheur, le président Roosevelt s’efforça de surmonter la résistance antisoviétique et, en novembre 1941, annonça l’extension du prêt-bail à l’URSS. Puis, en décembre 1941, la situation changea : l’Armée rouge remporta une victoire stratégique dans la bataille de Moscou, brisant ainsi l’aura d’invincibilité de la Wehrmacht. Les agents des renseignements britanniques durent alors manger leur chapeau. Au sein du Foreign Office, on en vint à craindre que l’Armée rouge gagne la guerre sans l’aide de la GrandeBretagne. Le second front en France redevint d’actualité. Roosevelt, qui avait reconnu son importance dès le début, se heurtait à Churchill sur ce point. Staline était furieux que les Britanniques se défilent. Le Premier ministre britannique se rendit alors à Moscou en août

« Allez-vous nous laisser nous battre tout seuls ? », avait dit Staline à Churchill en août 1942

1942 pour tenter d’apaiser sa colère. « Nous perdons 10 000 soldats par jour, lui dit Staline, allezvous nous laisser nous battre tout seuls ? ». L’Armée rouge affrontait 80% des forces allemandes en Europe. Mais Churchill avait une autre idée : celle d’une stratégie qui consistait à attaquer l’Italie, la mettre rapidement hors d’état de nuire puis se diriger vers les Balkans pour bloquer l’avance de l’Armée rouge. En février 1943, la victoire de l’Armée rouge à Stalingrad scella le sort de l’Allemagne nazie. L’Afrique du Nord était le seul endroit où les Britanniques et les Américains affrontaient les forces terrestres allemandes – et encore, il ne s’agissait que de trois divisions alors que sur le front soviétique, Berlin en avait déployé 183. En septembre 1943, les forces britanniques et américaines débarquèrent en Italie. La prétendue guerre éclair dans « la botte » fut un fiasco, les alliés n’atteignant Rome qu’en juin 1944. Le président Roosevelt mit enfin le holà. À la conférence de Téhéran en novembre 1943, il s’allia avec Staline et insista sur l’importance d’ouvrir un second front en France. Churchill n’était pas d’accord mais finit par accepter. La priorité fut donnée à la planification de l’invasion en Normandie. Au moment où les Alliés débarquèrent en France en juin 1944, le sort du fascisme en Europe était scellé depuis longtemps. Mais Staline n’en fut pas moins satisfait du soulagement que le Débarquement apporta à ses forces armées. N’empêche que sans le second front en France, les Anglais et les Américains auraient vu se réaliser leur crainte que l’Europe soit libérée par la seule Armée rouge. Michael Jabara Carley est professeur d’histoire à l’Université de Montréal.

LE DEUXIÈME FRONT A ASPIRÉ LA LUFTWAFFE Alexeï Issaïev HISTORIEN

a coopération en matière d’organisation des opérations a toujours été la composante la plus complexe de la stratégie s’appliquant à une coalition. Certes, les frappes simultanées sur différents fronts offrent des avantages manifestes, mais dans la pratique, cette synchronisation rencontre d’importantes difficultés. Or, dans le cas de la Seconde Guerre mondiale, il n’y avait pas de coopération réelle ni de coordination des opérations entre l’URSS et ses alliés occidentaux. Toutefois, les causes en étaient liées à des problèmes objectifs qui n’avaient rien à voir avec la politique. Au cours de la préparation de la campagne de l’été 1944, les difficultés d’approvisionnement en munitions avaient contraint l’Armée rouge à repousser le début de l’opération Bagration en Biélorussie qui, de ce fait, ne put absolument pas être synchronisée avec le débarquement en Normandie. De la même manière, en janvier 1945, de mauvaises conditions climatiques obligèrent le commandement soviétique à retarder l’entrée en Pologne. En conséquence, lorsque l’offensiveVistule-Oder fut lancée, la bataille des Ardennes était déjà terminée. Dans les deux cas susmentionnés, un lancement avancé des opérations aurait conduit les troupes soviétiques à

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assumer un risque d’échec élevé. De la même manière, les alliés occidentaux ne jugeaient pas opportun de concentrer leurs efforts sur l’organisation de convois arctiques au risque de devoir affronter une crise en Méditerranée. L’ouverture d’un second front en Europe a fait pendant longtemps l’objet de violents débats politiques. Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont même été accusés de retarder l’ouverture du deuxième front dans le but d’épuiser l’URSS. Pourtant, la thèse de la grande difficulté technique que représentait l’invasion par la mer paraît plus crédible. Le principal problème résidait dans la conquête d’un port maritime permettant d’assurer un flot ininterrompu d’une grande quantité de troupes (un petit contingent aurait rapidement été rejeté à la mer). Le raid de Dieppe en 1942 a montré que les Allemands étaient conscients de cette menace. La défense des ports français était bien préparée. Par ailleurs, la prise d’un port

La réaffectation des forces allemandes à l’Ouest offrait une marge de manœuvre à l’aviation soviétique

ne garantissait pas le succès, car son infrastructure pouvait être détruite par les Allemands battant en retraite. C’est pourquoi le débarquement des alliés ne put avoir lieu qu’après l’élaboration du projet de formation d’un port provisoire directement sur une plage normande, avec un brise-lames, des quais flottants Mulberry et une défense antiaérienne robuste. Par ailleurs, n’oublions pas que les Américains étaient la principale force motrice derrière cette opération et que le président Roosevelt tenait absolument à ce que le débarquement en France ait lieu en 1944. S’il fallait résumer le rôle joué par le second front et les alliés occidentaux dans la victoire contre l’Allemagne en une phrase, on pourrait dire en gros que « les Anglais et les Américains ont brisé le cou de la Luftwaffe, alors que l’URSS a rompu la colonne vertébrale de l’armée de terre allemande ». En effet, 75% des soldats allemands tués sont tombés sur le front germano-soviétique. Même après le débarquement de Normandie et l’ouverture du second front en Europe, les Allemands subissaient trois fois plus de pertes sur le front de l’Est que sur celui de l’Ouest. D’un autre côté, après la concentration de la quasi-totalité des forces armées allemandes à l’Est en 1941, de larges contingents de la Luftwaffe étaient progressivement réaffectés au front de l’Ouest et à la défense aérienne du Reich. Les attaques en plein jour des bombardiers américains accompagnés d’avions de chasse constituèrent une sorte de « pêche à l’appât vivant » pour les pilotes allemands. Les pertes d’avions à l’Ouest surpassèrent celles de l’Est en automne 1942 et pendant la première moitié de 1943. Ainsi, en juillet 1943, les Allemands perdirent 558 avions sur le front de l’Est, 711 en Méditerranée, 526 à l’Ouest et dans la défense du Reich. En 1944, le front germano-soviétique ne totalisait que quelque 20% des pertes irréparables d’avions de guerre de la Luftwaffe. À la veille du débarquement de Normandie, 2 340 des 4 475 avions de la Luftwaffe se trouvaient sur le front de l’Ouest. Il faut noter que la réaffectation des forces aériennes allemandes à l’Ouest offrit une large marge de manœuvre à l’aviation soviétique. Il est impossible de sousestimer la contribution des militaires soviétiques. La victoire fut remportée au prix de millions de leurs vies, de leur héroïsme, de leur abnégation, de leur combat. Néanmoins, l’ouverture d’un deuxième front accéléra la victoire contre l’Allemagne et permit de sauver la vie de très nombreux autres soldats soviétiques. Alexeï Issaïev est candidat ès sciences historiques et auteur de plusieurs livres sur la guerre de 1941-1945.

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LA RUSSIE A UNE CHANCE DE TRANSFORMER LA TURQUIE EN ALLIÉ

PRÉSIDENT POPULAIRE D’UN PAYS IMPOPULAIRE

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Dossier spécial

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À l’affiche

Festival "Rendez-vous avec la Russie" à Bruxelles Le 70ème anniversaire de la Victoire dans la Seconde Guerre mondiale sera le thème principal du cinquième festival annuel de la culture russe : "Rendez© ANDREW GUSTAR/FLICKR.COM vous avec la Russie", qui se tiendra à Bruxelles le 17 mai. Cette année, le festival aura lieu au parc Elisabeth, l'un des plus beaux endroits de la capitale belge. Au programme : concerts, présentations d'organisations russes, de studios d'art et d'ateliers. Le festival propose aux participants de goûter la cuisine traditionnelle russe et d'admirer son artisanat. Le programme du concert sera divisé en deux parties. La première, celle des enfants, est intitulée "La planète enfance". La seconde, celle des artistes adultes : "Les mélodies du printemps".

Krasnikholm : un « Champ de Mémoire » où ont été ensevelis dans des fosses communes les restes de soldats soviétiques.

© JS CARTIER(2)

BIOGRAPHIE

JS Cartier (Jean Cartier)

Il revient en Eupart en 1951 aux États-Unis. Né en 1932 à Paris, JS Cartier des beaux-arts et sin des à l’école Ruskin de rope pour étudier la peinture ture. Dans les pein la à e sacr con se et York (Oxford), puis retourne à New en Bourgogne allé Inst e. ière de photograph années 1970, il entame sa carr çaise pour son fran mie adé l’Ac par 5 nsé en 200 depuis 1994, il est récompe la mer du Nord de liés oub s Guerre, Les vestige ouvrage Traces de la Grande à la Suisse.

© MARIA TCHOBANOV

Rencontre Le photographe JS Cartier sur les traces du conflit en Russie

L’horreur de la guerre : la photo contre l’oubli Fasciné par l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, le photographe JS Cartier a effectué un périple en Russie pour immortaliser les traces encore visibles de la bataille de Moscou et des combats sur le front de l’Est. MARIA TCHOBANOV POUR RBTH

« Photographe des traces de guerre » : une définition que ne saurait renier JS Cartier. Âgé aujourd’hui de 82 ans, l’artiste franco-américain a choisi la Russie pour immortaliser sur la pellicule les vestiges et les séquelles diverses témoignant de l’horreur de la guerre. Ses clichés ne se limitent pas au simple repérage des faits, mais véhiculent les émotions enracinées dans les lieux des combats. Après avoir passé près de douze ans sur son projet consacré à la Grande Guerre de 19141918, Cartier, qui a vécu son enfance sous l’occupation allemande, décide de réaliser un travail de mémoire sur la Seconde Guerre mondiale. Il

s’oriente donc vers la Russie, pays où l’impact de ce cataclysme est toujours vivant. La guerre sur le front de l’Est fascine JS Cartier depuis son enfance. Il se souvient que les médias français étaient réellement obnubilés par la guerre entre l’Allemagne et l’URSS. « C’était quelque chose de mythique, d’impressionnant, on imaginait une bataille de Titans, d’un côté des ‘rouges’, communistes, de l’autre, la force invincible des Allemands. Les échos de ce choc titanesque se répercutaient dans la tête des spectateurs que nous étions en France : je connaissais par cœur tous les noms de grandes batailles », raconte le photographe. Plusieurs décennies après, animé par cette passion, il décide de voir de ses propres yeux les empreintes de cette guerre. Il part en 2005 en Russie avec son inséparable chambre photographique 4X5 à la découverte de traces et de marques laissées par la bataille de Moscou, la première grande défaite de l’armée allemande.

L’histoire de cette énorme offensive, JS Cartier la connaît dans les moindres détails et peut en parler pendant des heures, avec des précisions dignes d’un témoin direct. Il a les larmes aux yeux pour évoquer la parade militaire du 7 novembre 1941 : « Tandis que les Allemands sont à quelques kilomètres à peine de Moscou, tous ces soldats qui défilent sous la neige sur la place Rouge pour partir directement se battre sur le front... C’est très émouvant ». Bien documenté et renseigné sur les lieux où se déroulent les batailles, Cartier prépare soigneusement son itinéraire. Il passe par Istra, Rouza, Borodino, Volokolamsk, Zoubtsov, Viazma, Rjev – villes qui ont vécu des combats dont l’enjeu était le contrôle de Moscou. Il cherche à repérer des vestiges de la guerre sur les murs des bâtiments, dans des paysages ou sur les anciens champs de bataille, semblables aux empreintes laissées par la Première Guerre mondiale en Europe. La tâche s’avère très compliquée,

car après le conflit, Joseph Staline a donné l’ordre d’effacer complètement toutes les traces des combats et de faire en sorte qu’il ne subsiste aucun signe du passage des Allemands en Russie. Par bonheur pour son projet, Cartier établit des relations avec des « poiskoviks », ces brigades de fouineurs déterminés à rechecher, identifier, exhumer et enterrer notamment les dépouilles de soldats qui gisent un peu partout dans le sol russe.

Lorsque le passé se met à parler Au fil de son voyage, il rencontre une multitude de témoins de la guerre et recueille des récits, plus tragiques les uns que les autres, qui l’aident à remonter le temps. À Volokolamsk, il visite la place où les nazis ont pendu des membres du Komsomol [organisation de la jeunesse communiste, ndlr]. Après que les Soviétiques eurent libéré la ville, les pendaisons furent reconstituées pour qu’un reporter étranger prenne en photo cette preuve de l’atrocité nazie. Une vieille dame,

Ivanovskoe : intérieur de l’église de l’Ascension, dévastée en 1941 au cours de la bataille de Moscou.

Evdokia, a été témoin de cet horrible épisode : elle figure sur un des clichés de Cartier. À Petrischevo, petit village aux allures tristes et pauvres, JS Cartier prend en photo deux fillettes souriantes qui papotent à côté du monument érigé à la mémoire de Zoïa Kosmodemianskaïa, torturée et tuée par les Allemands pour ses actes de sabotage. Dans un minuscule musée dédié à cette jeune martyre, le photographe découvre, très ému, que derrière ce personnage clef de la propagande soviétique se cache une charmante jeune fille, passionnée de littérature, de musique et de peinture. Tirés sur le papier, les clichés en noir et blanc immortalisent des moments vécus par JS Cartier au cours de ses deux voyages en Russie. « Mon projet, c’était de faire quelque chose de précis, historiquement exact et en même temps émotionnellement très chargé. Je voulais essayer de démontrer l’inanité des guerres », explique l’artiste. Son objectif a saisi, entre autres, Anatoli Kachine, un vétéran de Volokolamsk dont le revers de veste est couvert de médailles, que l’on voit poser devant

une photo de lui prise en 1941 – le portrait de cet ancien combattant fait par le photographe français a été le dernier, selon la lettre de sa fille reçue par Cartier à son retour en France ; un bunker à Yelnia (près de Borodino), dont une plaque indique qu’il fut érigé par la brigade des ouvriers du métro de Moscou en 1941. Une colonne commémorative construite pour le centenaire de la bataille de Borodino, défigurée par des impacts de balles et d’obus en 1941 ; ou encore une lignée de tombes communes, érigées par les « poiskoviks », avec pour seul décor de vieux casques posés sur des monticules de terre. En 2008 dans le livre Russie. 1941 - 1942. Traces de la bataille de Moscou, résultant de ces deux voyages, JS Cartier écrit : « J’espère néanmoins que cet humble effort trouvera un écho chez nos compatriotes d’Europe occidentale, pour qui le Front de l’Est n’est qu’un lointain souvenir et que ce modeste travail servira à leur rappeler l’immense dette que nous avons envers le peuple russe. Sans leur sacrifice, il nous aurait fallu souffrir et attendre de longues années avant d’être délivrés du joug nazi ».

APPEL À TÉMOINS : RACONTEZ-NOUS ! Toute personne ayant éprouvé la Seconde Guerre mondiale a une histoire à raconter, que ce soit un témoignage de souffrances, d’exploits ou d’amour. Cette période, considérée à juste titre comme l’une des plus grandes tragédies de tous les temps, a été vécue de manière très diverse par ses témoins. Notre devoir est de nous en souvenir pour prévenir toute répétition d’un tel cataclysme. Nous voulons nous assurer qu’aucune histoire ou anecdote digne d’être relatée ne restera ignorée. Envoyez-nous des témoignages et des photos, de vous, de vos amis ou de vos proches et aidez-nous

in P ro c h a o numér

à compléter nos archives. Pour prendre part à ce projet, écrivez-nous à be@rbth.com

Le 9 juin


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