Mardi 15 septembre 2015
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C E C A H I E R D E H U I T PA G E S E S T É D I T É E T P U B L I É PA R R O S S I Y S K AYA G A Z E TA ( R U S S I E ) , Q U I A S S U M E L ’ E N T I È R E R E S P O N S A B I L I T É D E S O N C O N T E N U
CHÈRE RENTRÉE SCOLAIRE EN TEMPS DE CRISE Le ralentissement économique n’est pas sans conséquence : les foyers monoparentaux et les familles nombreuses doivent faire des choix pour assumer les grosses dépenses de la rentrée scolaire.
DOSSIER Premier bilan d’une année de sanctions et d’embargo entre la Russie et l’Union européenne
L’heure des comptes
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LE NUCLÉAIRE AU SERVICE DE L’INTERNET L’agence russe Rosatom propose de l’électricité fiable et bon marché aux géants de l’Internet tenus, par la loi sur les données personnelles entrée en vigueur le 1er septembre, d’implanter localement leurs opérations. PAGE 4
POURQUOI MOSCOU LORGNE VERS PÉKIN KOMMERSANT
Des magasins toujours bien achalandés, mais des consommateurs obligés de surveiller les prix de près.
Directeur du Centre Carnegie de Moscou, Dmitri Trenine évalue les raisons et les perspectives du rapprochement de la Russie avec la Chine.
Les sanctions occidentales et la crise ont contraint Moscou à adopter diverses mesures (dont l’embargo alimentaire au profit de son agriculture) alors que la chute du rouble renforce l’attrait du marché. RBTH fait le point. LOUIS BONAVENTURE
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POUR RBTH
L’économie russe est dans le rouge. Elle s’est contractée de 4,2% entre juin 2014 et juin 2015 et le pouvoir d’achat des ménages a baissé de 9,2% sur un an en
juillet dernier, selon l’Agence fédérale russe de statistiques Rosstat. Le niveau du rouble continue d’osciller au même rythme que les cours de l’or noir alors qu’en juillet l’inflation s’élevait à 15,6% sur un an. On pourrait croire que tout cela découle des sanctions économiques occidentales décrétées après le rattachement de la Crimée à la Russie en mars 2014. Mais en Russie, au sein de la communauté d’affaires internationale, le son de cloche est différent. « Le pro-
blème, c’est la chute du rouble. Les sanctions, c’est une musique de fond qui permet d’entretenir un climat chauviniste », affirme le directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe (CCIFR) Pavel Chinsky, tout en reconnaissant que les autorités russes « font un vrai effort pour tendre la main à ceux qui produisent localement et participent à la croissance ». En clair, si l’économie russe souffre, les sanctions n’en sont que partiellement responsables, puisque
la croissance russe avait donné ses premiers signes de faiblesse avant leur introduction.
Une réalité économique plus complexe Le problème de la Russie, c’est d’abord la chute des prix du pétrole, poste qui constitue l’essentiel des exportations russes et auquel la valeur du rouble est structurellement corrélée. SUITE EN PAGE 2
DÉFENSE Moscou examine le remplacement des BPC que la France n’a pas voulu livrer
Mistral : la Russie construira ses propres navires LA SIBÉRIE DANS TOUS SES ÉTATS Lacs bleus, montagnes enneigées, nature intacte : survol de six sites enchanteurs d’une province très variée. PAGE 6
Suite à la décision française d’annuler le contrat des deux bâtiments de projection et de commandement construits à Saint-Nazaire, Moscou cherche des fournisseurs alternatifs. Mais cette fois, au sein de son propre complexe militaro-industriel. Plusieurs projets de substitution sont à pied d’œuvre. ALEXEÏ TIMOFEÏTCHEV RBTH
« Ressac » ou « Avalanche »
des navires français : tous les équipements et armements doivent être russes. S’agissant des caractéristiques, le Priboï est plus petit que le Mistral : son tirant d’eau est de 14 tonnes au lieu de 21, et il ne peut accueillir que 8 hélicoptères au lieu de 16. La conception du Priboï devrait être achevée fin 2016. C’est à ce moment-là que l’État décidera ou non de commander le bâtiment. Le Priboï n’est pas l’unique « réponse russe au Mistral ». Quelques jours après la publication des premières informations à son sujet, la presse a eu vent d’une autre alternative au BPC français : le projet Lavina (Avalanche). Le navire a un tirant d’eau de 24 tonnes, et il peut porter jusqu’à 16 hélicoptères.
Dans la Marine, on qualifie le projet d’« unique » – il ne reprend pas les innovations et systèmes techniques
SUITE EN PAGE 3
La maquette du navire d’assaut amphibie universel Priboï (Ressac) a été présentée à la mi-juin au forum Armée-2015 qui s’est tenu dans la région de Moscou. « C’est notre réponse au Mistral », a déclaré un représentant de la Marine russe.
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Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro
DOSSIER
Sanctions : un an d’adaptation EMBARGO Produire localement au lieu d’importer
Des mesures protectionnistes aux résultats mitigés Après une année de sanctions occidentales et d’embargo russe sur les importations, RBTH analyse les mutations et les effets des mesures prises par les autorités sur l’économie de la Russie. ALEXEÏ LOSSAN RBTH
La Russie est devenue un pays bon marché
Les effets positifs de la substitution
En juillet, les ventes de voitures ont baissé de 27,5% sur un an. Un chiffre qu’il faut néanmoins mettre en parallèle avec celui enregistré un mois plus tôt, -29,7%, et la diminution de 36% constatée au premier semestre. Si le groupe français PSA, dont les ventes sont en retrait de 60% pour Peugeot et de 68% pour Citroën, a institué des périodes de chômage technique pour s’adapter à l’évolution du marché, Opel, filiale de l’américain GM, a plié bagages et quitté la Russie. Mais la dégringolade du rouble, donc du pouvoir d’achat des Russes, n’a pas que des effets négatifs. Elle a fait de la Russie un pays bon marché en quelques mois. Adidas vient, par exemple, de racheter 120 000 mètres carrés d’entrepôts dans la région de Moscou et des entreprises françaises comme Alstom ou Sanofi réfléchissent sérieusement à monter dans le capital de leurs partenaires russes en attendant que la machine reparte.
Selon les analystes de l’agence de notation Moody’s, la substitution des importations en Russie ne fonctionne que pour la production alimentaire. « Il n’existe aucun signe clair que la substitution aux importations stimule la production domestique », affirme le rapport intitulé Global Macro Outlook, publié le 17 août 2015. Le seul secteur sur lequel le programme de substitution des importations fonctionne bien est l’agriculture, note l’agence. Une étude réalisée par l’Académie présidentielle russe d’économie nationale, l’Institut Gaïdar et le ministère du Développement économique, montre que la substitution aux importations s’est traduite par une augmentation des revenus des agriculteurs. Au premier trimestre 2015, les bénéfices nets des exploitations atteignaient 91,3 milliards de roubles (1,27 milliard d’euros), contre 32,3 milliards de roubles (442 millions d’euros) l’année passée, soit une multiplication par 2,82. Cette augmentation se retrouve sur tous les produits alimentaires de base : la viande (6,4%), le lait (0,9%), les œufs (1,7%) par rapport à la même période de l’année dernière. En revanche, la production de certains produits diminue. La comparaison des données de production de viande et de lait illustre ceci de façon frappante.
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une facture que le Russe moyen ne peut plus payer.
La Russie a pris des contre-mesures en réponse aux sanctions décrétées à son encontre par l’Union européenne et les États-Unis. Moscou a décidé le 6 août 2014 un embargo sur les produits alimentaires provenant de pays ayant adopté des sanctions contre la Russie. « Je considère qu’il est indispensable d’analyser rapidement les possibilités de remplacer de façon compétitive les produits importés dans l’industrie et le secteur agricole. De plus, nous mettrons en place tout un système de soutien aux industries nationales », annonçait Vladimir Poutine en juin 2014.
La chaîne d’assemblage de l’usine Peugeot à Kalouga. SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
Pour le président de l’Association of European Businesses (AEB) en Russie, Philippe Pégorier, l’économie russe souffre d’un cocktail de facteurs défavorables. « Le prix du pétrole a un impact majeur sur les difficultés actuelles de l’économie russe ; vient ensuite la chute structurelle du PIB russe due au manque d’investissements dans les infrastructures ; et enfin, les sanctions », explique-t-il. Toutes ces difficultés ont un avantage, estime encore Pavel Chinsky, « c’est que le thème de la modernisation de l’économie est désormais discuté sur la place publique » et n’est plus cantonné « à la rhétorique déclamatoire entendue dans les discours politiques depuis 2007 ». Sans pouvoir parler de révolution, des progrès tangibles sont perceptibles : un poste de médiateur pour les entreprises auprès des autorités a été créé pour surmonter les blocages administratifs, une réforme du code du travail est en cours, des incitations étatiques pour les entrepreneurs sont apparues. Un véritable effort de gestion pour diversifier l’économie du pays et améliorer la gestion des grandes entreprises d’État a aussi été engagé.
PSA a institué des périodes de chômage technique pour s’adapter à l’évolution du marché, mais Opel a plié bagage
Après une décennie de forte croissance, les restructurations à l’ordre du jour « Les autorités russes ont pris conscience de l’obligation d’améliorer la gestion des entreprises publiques avec une nouvelle génération de dirigeants », commente Philippe Pégorier. C’est ainsi qu’Igor Komarov a repris la direction de la Compagnie spatiale unifiée, après plusieurs échecs de l’industrie spatiale russe. De 2009 à 2013, il avait déjà restructuré le producteur automobile russe AvtoVAZ, avant la prise de contrôle du groupe par Renault-Nissan. Après une décennie de forte croissance quasi ininterrompue, les entreprises qui ont des activités en Russie doivent se restructurer, revoir leurs circuits d’approvisionnement ou changer de modèle d’affaires pour s’adapter. Les expatriés connaissent un exode important. « Il y a moins de contrats, le marché est moins tendu et, du coup, il est plus facile de recruter des cadres russes que par le passé, d’autant qu’ils coûtent moins cher », indique Philippe Pégorier. Le secteur automobile, dont les ventes ont été divisées par deux depuis leur sommet de 2012-2013, illustre très clairement les difficultés de l’économie russe car même si les voitures sont assemblées en Russie, beaucoup de composants viennent d’Europe, renchérissant
Vers une stabilisation ?
La dégringolade du rouble et du pouvoir d’achat n’a pas que des effets négatifs. Et l’embargo redynamise l’agriculture russe
Pour l’heure, l’économie russe semble se stabiliser. La production industrielle reste en recul de 4,7% sur un an au mois de juillet 2015, mais cet indicateur progresse de 2,3% sur un mois. L’embargo décrété par Moscou sur les produits agricoles européens a certes permis d’amorcer la redynamisation du secteur agricole russe, « laissé pour compte depuis Eltsine », fait remarquer Pavel Chinsky, mais son faible poids dans l’économie russe, 3,4% du produit intérieur brut, n’explique pas, à lui seul, ce léger mieux. En revanche son influence sur les manifestations d’agriculteurs en Europe est évidente : les douanes françaises évaluent à 244 millions les pertes à l’exportation et la Fédération allemande des agriculteurs parle d’un milliard d’euros. Seule inconnue, « la profondeur et la durée de la crise actuelle [qui] ne sont pas mesurables compte tenu des incertitudes qui entourent l’évolution des cours du pétrole, la demande russe et la situation en Crimée », souligne le président de l’AEB. Les entreprises européennes, dont les investissements en Russie atteignent 170 milliards d’euros, soit 75% des investissements étrangers dans le pays, « ont actuellement le sentiment d’être prises en otage », conclut Philippe Pégorier.
Affaires à suivre
FRANCERUSSIE : HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN LE 17 SEPTEMBRE,
À PARIS Sous la présidence de Vladimir Iakounine, coprésident du Dialogue Franco-Russe, et de Claude Goasguen, député-maire du 16ème arrondissement de Paris, des responsables politiques, chefs d’entreprise, experts, journalistes français et russes débattront de l’état et des perspectives de la coopération franco-russe. › dialoguefrancorusse. com
Aliments concernés par l’embargo
D’après les données du Service fédéral russe des statistiques, au premier trimestre 2015, l’importation de viande et de produits à base de viande a diminué de 54% par rapport au premier trimestre 2014, alors que les importations étaient remplacées par la production locale. Aujourd’hui, la part de marché des produits fabriqués en Russie atteint 97%. À titre de comparaison, sur la même période, la production de lait n’a augmenté que de 34 000 tonnes, ce qui représente moins de 3% du volume des importations interrompues, qui ont chuté de 75%. Cela signifie que l’industrie laitière subit un lourd déficit de matières premières et ne parvient pas à compenser la chute des importations. Les importations de fromage ont été divisées par 9,4 entre juillet 2014 et juillet 2015 pour atteindre 41 000 tonnes, alors que le volume de production nationale n’a crû que de 22,6%. Hormis l’agriculture, d’autres secteurs devraient en principe bénéficier du protectionnisme, soulignent les analystes de Gazprombank. Selon eux, la production des sociétés nationales dans les secteurs de l’industrie lourde, de l’aérospatiale et de l’aéronautique conserve un niveau de compétitivité élevé sur le marché mondial.
Lutte contre la contrebande Le soutien à la production nationale s’exerce aussi à travers la lutte contre la contrebande de nourriture en provenance des pays sous embargo. Depuis le 6 août, les autorités russes prennent le taureau par les cornes et détruisent les produits illicites confisqués à la frontière ou saisis dans les magasins et les stocks des détaillants. Dès que les autorités responsables se sont lancées dans une chasse aux denrées interdites à l’importation, les consommateurs ont manifesté leur désaccord sur l’Internet, estimant que les produits détruits auraient dû être donnés à des bonnes œuvres. Mais les autorités se sont montrées intransigeantes, indiquant que l’opération de destruction était conforme à la pratique internationale. Lorsque l’UE a décidé de proroger les sanctions à l’encontre du pays, Moscou a répliqué début août par un renforcement de son embargo alimentaire qui a été élargi à l’Albanie, au Monténégro, à l’Islande et au Liechtenstein.
Baisse des importations de produits
GAIA RUSSO
RUSSIA BEYOND THE HEADLINES (RBTH) PUBLIE 36 SUPPLÉMENTS DANS 29 PAYS POUR UN LECTORAT TOTAL DE 27,9 MILLIONS DE PERSONNES ET GÈRE 22 SITES INTERNET EN 16 LANGUES. LES SUPPLÉMENTS ET CAHIERS SPÉCIAUX SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), ET DIFFUSÉS DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX SUIVANTS: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • HANDELSBLATT, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE • NEDELJNIK, GEOPOLITI KA, SERBIE • LE JEUDI, TAGEBLATT, LUXEMBOURG • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES, FOREIGN POLICY, INTERNATIONAL NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATSUNIS • THE ECONOMIC TIMES, THE NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • HUANQIU SHIBAO, CHINE • LA NACION, ARGENTINE • EL PAÍS, CHILI • EL PERUANO, PÉROU • EL PAÍS, MEXIQUE • FOLHA DE S.PAULO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • JOONGANG ILBO, JOONGANG SUNDAY, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • THE NATION, PHUKET GAZETT, THAÏLANDE • THE AGE, SIDNEY MORNING HERALD, AUSTRALIE. COURRIEL : FR@RBTH.COM. POUR DE PLUS AMPLES INFORMATIONS, CONSULTER FR.RBTH.COM. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)
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POLITIQUE & SOCIÉTÉ
Comment la Russie entend se passer des Mistral français
Soïoustov, docteur ès sciences historiques et spécialiste de la marine militaire, précise que ce qui importait le plus dans ces navires pour la Russie était le système français de surveillance et de contrôle. « Pour nous, les Mistral n’étaient pas considérés comme des ponts flottants pour les hélicoptères, mais comme une sorte de navires d’état-major assurant le commandement des groupes de la Marine dans des zones océaniques éloignées, avec d’excellentes capacités de communication, l’unification de toutes les unités en un seul réseau, etc. Les tentatives de créer quelque chose de similaire avant l’effondrement de l’URSS ont toutes échoué. […] Selon certaines informations, tous les documents et spécifications techniques ont été transmis à la Russie. Dans les faits, […] la Russie a pu avoir accès à ces technologies ». Pour leur part, les autorités russes démentent avoir reçu de la France les technologies propres aux Mistral. L’analyste estime que les navires que construira la Russie peuvent être très différents de l’original français car il s’agit de répondre à d’autres besoins. En outre, M. Soïoustov affirme que les navires de contrôle sont bien adaptés à la nouvelle version de la doctrine maritime adoptée fin juillet qui porte sur la « présence suffisante » de la Russie dans l’océan Atlantique, la présence permanente dans la Méditerranée et la nécessité de réduire les risques dans l’Arctique.
SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
« Une approche légèrement différente »
« Une question de temps et d’argent » RIA NOVOSTI
Le commandement de la flotte laisse entendre que la « réponse russe au Mistral » se démarquera du modèle français. Le 26 mai dernier, Oleg Botchkarev, vice-président de la Commission militaro-industrielle russe, déclarait que les navires d’assaut amphibies seraient créés « selon une approche légèrement différente. […] Notre idéologie concernant le débarquement n’est pas tout à fait la même. Nous n’allons pas copier bêtement le Mistral », assure l’industriel. Sur cette question, les experts russes supputent que les navires, qui seront construits par les chantiers navals russes, ne ressembleront aux Mistral que dans leur apparence et qu’ils seront fondamentalement différents car ils répondent à d’autres objectifs. Pour eux, le dédain désormais affiché par les décideurs russes envers le Mistral français s’explique par le dépit. « Les déclarations sur l’air du type ‘au fond, nous n’en voulions pas’, ont une explication émotionnelle », estime Andreï Frolov, rédacteur en chef de la revue Exportations d’armes, qui souligne par ailleurs qu’actuellement, la Russie a besoin de tous types de navires amphibies, car la flotte de débarquement existante est obsolète. Konstantin Sivkov, capitaine de vaisseau et premier vice-président de l’Académie des problèmes géopolitiques, affirme que la Russie n’a pas besoin des Mistral car ils sont conçus pour assurer des débarquements à une grande distance des côtes nationales. Il souligne à cet égard que la principale mission de la Marine russe « n’est pas de
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Le 16 mai dernier, le stand du commandement des Forces navales de Russie a présenté un modèle réduit du navire de débarquement universel Priboï (Ressac).
débarquer quelque part dans l’Atlantique, mais d’assurer la défense de nos côtes et de prêter assistance au flanc maritime de l’armée ». Au lieu des Mistral, la situation exige des bâtiments de classe Nossorog (Rhinocéros), concept élaboré à l’époque soviétique et gelé depuis. Selon la presse russe, l’échec des Mistral pourrait avoir pour conséquence la réactivation par la Marine russe des
deux Nossorog déjà construits, en attendant la construction d’exemplaires supplémentaires et plus modernes, susceptibles de les remplacer.
En ligne
Transfert de technologies ou non Les missions qui devaient être assurées par le Mistral ne se limitent pas au transport des unités de débarquement sur de grandes distances et au soutien aérien des opérations de débarquement. Andreï
Les nouveautés de l’industrie navale russe sur fr.rbth.com/168175
Les experts soulignent que les projets de substitution au Mistral rendus publics ne sont que des avant-projets aux caractéristiques largement conceptuelles. Ils permettent aux constructeurs russes de démontrer leur capacité à lancer un chantier. Le choix final a des chances de différer significativement des maquettes présentées en public. Les experts sont convaincus que les constructeurs navals russes sauront fabriquer des navires d’assaut amphibies de nouvelle génération. Andreï Frolov reconnaît qu’il s’agit d’un formidable défi. Mais pour lui, c’est avant tout une « question de temps et d’argent ».
POUVOIR D’ACHAT La contraction des revenus se fait sentir à un moment crucial pour les ménages
Une chère rentrée scolaire en temps de crise Le ralentissement économique oblige les Russes à se serrer la ceinture. Les foyers mono-parentaux et les familles nombreuses appréhendent les grosses dépenses de la rentrée scolaire. ALEXANDRE BRATERSKI POUR RBTH
Les familles nombreuses reçoivent une aide de l’État pour les fournitures scolaires, mais le montant ne couvre pas les dépenses
RIA NOVOSTI
Victoria élève seule son fils Egor, 13 ans. Ses revenus mensuels s’élèvent à 60 000 roubles (760 euros). Cette jeune mère vient de calculer que la rentrée scolaire va dévorer à elle seule un tiers de ses revenus mensuels. « Je dois lui acheter un uniforme, et comme les produits importés sont chers, je vais en chercher un fabriqué en Russie », explique-t-elle. Or, le prix des uniformes de fabrication russe a également augmenté car une partie des matières premières est importée. Il y a un an et demi, le pouvoir d’achat deVictoria était deux fois supérieur. Mais la dévaluation du rouble de 50% par rapport à l’euro et au dollar, ainsi que la crise économique qui l’a accompagnée, sont passées par là. De ce fait, Victoria se dit contrainte de réduire les dépenses, notamment en nourriture. « Parfois, je refuse même le raisin à mon fils. Avant, j’achetais tout le temps des concombres et des poivrons, mais ils coûtent désormais beaucoup plus cher », confie la jeune femme, qui avoue utiliser de plus en plus sa carte de crédit. Selon les estimations des parents, le coût
de tous les produits nécessaires aux écoliers a crû de 15% environ par rapport à l’an dernier. L’agence TASS précise que c’est dans le District fédéral central que le coût de l’ensemble des fournitures scolaires est le plus élevé : il peut atteindre de 25 000 à 27 000 roubles (330-360 euros environ). Dans la région de la Volga, les prix sont plus modérés : dans l’oblast de Nijni Novgorod, le tout revient à 10 000 roubles (133 euros), mais le salaire mensuel moyen dans cette région n’est que de 27 000 roubles (360 euros).
Grande famille, grosses dépenses Si les familles de petite taille avec un revenu moyen parviennent à réunir les fonds nécessaires pour équiper leurs enfants pour l’école, les familles nombreuses sont à la peine. L’année dernière, les Moscovites Irina et Pavel ont eu leur troisième enfant. Pour le moment, seul l’aîné va à l’école, mais les dépenses scolaires semblent déjà prohibitives pour le ménage dont les revenus, prestations sociales comprises, s’élèvent à 40 000 roubles (532 euros). « Selon mes estimations, préparer notre fils pour l’école nous reviendra à 15 000 roubles [200 euros, ndlr] cette année. Les prix de certaines fournitures ont presque doublé, estime Irina à une semaine de la rentrée. Pour réduire les dépenses, nous avons décidé de simplement retailler l’uniforme de l’année dernière – le gilet
et le pantalon. L’école exige une veste, mais nous devrons y renoncer – les enfants ne les portent que dans les grandes occasions, et nous ne pouvons pas nous permettre de faire la dépense d’un vêtement inutile. Le cartable a déjà trois ans, mais nous attendrons les soldes pour en acheter un neuf. Mon fils est soigneux, c’est ce qui nous sauve ». En tant que mère de famille nombreuse, Irina reçoit une aide de l’État (5 000 roubles, soit 66 euros) pour les fournitures scolaires, mais cette somme ne couvre pas toutes les dépenses. La jeune femme avoue que sa famille a été durement frappée par la crise : « Nous sommes contraints de priver les enfants de jeux éducatifs, par exemple. Les cadeaux sont réservés aux anniversaires ». Pour le moment, la famille n’a pas be-
U N E P U B L I C AT I O N D ' A N A LYS E Q U I S E CO N C E N T R E E XC LU S I V E M E N T S U R L E S D É F I S E T L E S O P P O RT U N I T É S CO MP L E X E S D É T E R MI N A N T LES RELATIONS AMÉRICANO-RUSSES
C O N V E R T I R M O N O LO G U E E N D I A LO G U E
I NSC R IVEZ-VOU S AUJ O U R D 'HU I E T O BT E NE Z : • 30 % D E R ÉD U C T I O N SU R VOT RE A B O NNEM E N T AN N U E L • 12 NUMÉROS PAR AN • ACC ÈS TOTAL AUX A RC HI V ES DES P U B L I C AT I O N S
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Le coût du « cartable de l’écolier » a augmenté en moyenne de 15% à la rentrée 2015.
soin de réduire les dépenses en nourriture : la datcha les aide. « En été, nous préparons les conserves pour l’hiver. Je fais moi-même les gâteaux et les biscuits, cela revient beaucoup moins cher », dit la jeune mère. C’est tout le vaste groupe social des familles aux revenus modestes qui est menacé par la pauvreté. La vice-première ministre russe Olga Golodets a déclaré en juin que les Russes dont les revenus sont passés sous le seuil de pauvreté (9 700 roubles par mois, soit 122 euros) représentent désormais 23 millions de personnes. Les autorités régionales prennent des mesures en faveur des plus démunis. Par exemple, les familles défavorisées de la région de Sakhaline reçoivent pour la première fois cette année une aide couvrant le coût de l’uniforme. La région de Novossibirsk verse 30 euros pour chaque enfant de famille nombreuse. Des bénévoles aident les familles pauvres. Fin juillet, une initiative d’entraide à Smolensk a donné lieu à un appel à l’aide. « Les gens donnent moins que l’année dernière, mais l’entraide continue d’exister », explique Natalia Popova, responsable du département du service social et de la charité religieuse. Natalia reste toutefois optimiste : « Les temps sont durs, et les cœurs se sont endurcis, mais nous en avons vu d’autres et nous nous en sortirons ».
Rapport mensuel d'août LES CONFLITS GELÉS DANS L'ESPACE POST-SOVIÉTIQUE Le dernier numéro de Russia Direct examine le conflit en cours en Ukraine, les relations tendues entre la Russie et la Géorgie et la capacité russe d’assurer la stabilité aux frontières du pays. Le Kremlin peut-il efficacement gérer les risques potentiels en matière de sécurité en évitant le déclenchement de crises nouvelles ?
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ÉCONOMIE
ÉNERGIE Rosatom invite Google et Facebook à stocker près d’une centrale les informations personnelles collectées en Russie
Le nucléaire au service de la conservation des données Le groupe russe Rosatom construira en 2016 un nouveau centre de stockage dont pourront se servir les géants de l’Internet. Créé auprès d’une centrale nucléaire, il se distinguera par son efficacité énergétique et sa fiabilité. ANDREÏ RETINGER POUR RBTH
Le 1er septembre dernier, la loi obligeant les acteurs étrangers de l’Internet à stocker les données personnelles de leurs utilisateurs sur le territoire russe est entrée en vigueur. Désormais, qu’il s’agisse de petites entreprises proposant des services de réservation d’hôtel et d’achat de billets d’avion, ou des géants de l’Internet que sont entre autres Google ou Facebook, tous devront construire des centres de stockage en Russie pour y conserver les données des utilisateurs russes de leurs services. À titre d’exemple, Google compte plusieurs millions de serveurs physiques situés au minimum dans 14 centres de données à travers le monde, y compris en Europe (Finlande, Belgique et Irlande). Ces centres concentrent un grand nombre de serveurs consommant d’énormes volumes d’énergie. C’est un point que souligne Sergueï Smirnov, expert de l’Association de l’efficacité énergétique : « ainsi, pour leur construction, il faut s’assurer une sécurité d’approvisionnement en énergie qui ne connaîtra pas une minute d’interruption. Sans cela, les pertes des entreprises se chiffreront en millions chaque jour et,
pour les grands groupes, en centaines de millions ». L’énergie n’est pas tout : les centres de données devront avoir accès à d’immenses volumes d’eau pour le refroidissement des équipements.
Atout maître : la proximité d’une source d’énergie garantie Pour régler le problème d’accès à une infrastructure adaptée en Russie, le groupe nucléaire Rosatom s’est déclaré prêt à fournir à Google ou à Facebook un site pour l’installation de leurs bases de données près de la centrale nucléaire de Kalinine, située dans la région de Tver (à 360 km de Moscou). « En s’installant près d’une source d’énergie, dans ce cas les unités énergétiques de la centrale, la société réduit ses dépenses et obtient une source d’énergie garantie. Les coûts sont maîtrisés également grâce à la plus grande proximité de la source d’énergie. Nous avons de l’électricité, et nous pouvons tout mettre en place aujourd’hui ou dans un mois », estime Sergueï Novikov, directeur de la communication de Rosatom. Facebook et Google n’ont pas souhaité commenter la proposition du groupe russe. Karen Kazarian, analyste en chef de l’Association russe des communications électroniques, évalue la portée du projet : « Concrètement, l’accès aux réseaux électriques reste la question la plus épineuse en Russie ». Par conséquent, l’accès à l’électricité peut influencer la décision des entreprises,
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Force de loi Adoptée en 2014, la nouvelle loi sur le stockage de données exige que les informations personnelles collectées en Russie soient hébergées sur le sol russe. En cas de non-respect de la loi par une entreprise, les autorités auront le droit de restreindre son accès aux données collectées.
mais un réseau de transmission stable à haut débit, tel celui de la fibre optique, est tout aussi important. « Dans tous les cas, un projet de cette ampleur nécessitera des dépenses supplémentaires pour le développement de l’infrastructure », dit M. Kazarian. D’après lui, il est possible que Rosatom assume une partie de ces dépenses. Cela, dans le but d’inciter Google et Facebook à envisager une localisation des installations requises dans la région de Tver. Mais l’expert ajoute que ces deux géants « n’ont pas encore annoncé la construction de centres de données en Russie. Ils privilégient la location et n’ont pas l’intention de construire leurs propres installations de stockage. Par ailleurs, pour ces entreprises, l’accès à l’électricité n’est pas un facteur déterminant ». La première unité du centre de données près de la centrale nucléaire de Kalinine entrera en service vers le milieu de l’année 2016. Le maître d’œuvre pour la construction a déjà été choisi, et les formalités administratives ont été amorcées. « Le centre de données servira partiel-
En chiffres
32% 2,6 12,8 des recherches en ligne en Russie ont été menées via l’instrument de recherche Google en 2014.
millions d’entreprises travaillant avec des données personnelles seront prochainement vérifiées.
heures par mois, c’est le temps moyen que passent les Russes sur les réseaux sociaux.
lement aux besoins du groupe Rosenergoatom (filiale à 100% de Rosatom), compte tenu de la spécificité de nos activités et du grand volume de données traitées, indique Sergueï Smirnov. Mais Rosenergoatom, société qui exploite toutes les centrales nucléaires en Russie, n’occupera que 5 à 10% des capacités totales du centre de données. Le volume restant sera proposé sur le marché », conclut le spécialiste.
TRANSPORT AÉRIEN Fin de la concurrence après la reprise par Aeroflot dans un contexte de baisse de la demande
Les billets d’avion vers la Russie vont grimper à la suite du rachat de Transaero Aeroflot vient d’avaler son principal concurrent et se retrouve en situation de monopole sur de nombreuses destinations. Une hausse des prix des billets est inéluctable. KIRA EGOROVA RBTH
La plus grande compagnie aérienne du pays, Aeroflot (détenue à 51% par l’État), a racheté pour 1 rouble symbolique le second transporteur du pays, la compagnie privée Transaero, criblée de dettes en raison du retournement du marché. Aeroflot redevient un géant de l’aviation avec une capacité de transport d’environ 50 millions de passagers par an, soit l’équivalent d’Air France (sans KLM). « Environ 95% du parc long-courrier revenait à Aeroflot et Transaero », explique Andreï Kramarenko, expert in-
dépendant et membre de la Haute École d’Économie. Selon lui, la disparition de Transaero en tant qu’acteur indépendant mènera à une situation de monopole d’Aeroflot pour les liaisons internationales depuis la Russie. Les prix des vols internationaux seront les premiers à augmenter, car Transaero était le seul concurrent d’Aeroflot sur les vols long-courrier, explique l’expert. Sur la liaison Paris-Moscou, longtemps réservée au couple Aeroflot-Air France, l’entrée de Transaero (avec Aigle Azur) en 2012 avait conduit à une baisse du billet. Cependant, selon M. Kramarenko, les prix des vols intérieurs ne changeront pas, car le gouvernement russe ne permettra pas de les augmenter.
Vols vers l’Europe Selon les résultats d’une étude de la compagnie Aviasales.ru, le plus impor-
En chiffres
34 700 000 de passagers ont voyagé avec Aeroflot en 2014.
13 200 000 de passagers ont emprunté les vols de Transaero sur la même période.
tant moteur de recherche de billets d’avion russe, Transaero proposait sur la première moitié de 2015 les prix les plus bas vers l’Europe. « La vente de Transaero pourrait faire augmenter de façon significative le prix des billets vers plusieurs destinations simultanément. Cela concernera surtout les vols vers Barcelone, New York et Erevan, sur lesquels la position de leader des prix du transporteur était indiscutable », explique Janis Dzenis, responsable des relations publiques d’Aviasales.ru. Le monopole d’Aeroflot aura également un effet sur les acteurs externes. « Les acteurs majeurs, par exemple Lufthansa et British Airways, pourront faire concurrence à Aeroflot sur les vols de transfert et les villes européennes les plus populaires. Mais la plupart des petits transporteurs, comme AirBaltic,
En ligne
Moins de vols de l’étranger vers Moscou, plus de vols directs vers la province fr.rbth.com/33881
Estonian Air ou Air Serbia vont s’aligner sur les prix pratiqués par Aeroflot », estime M. Kramarenko. Les acteurs du marché devront de toute façon s’adapter à la chute de la demande et du pouvoir d’achat, considère Philipp Brinkmann, directeur général de l’agence de voyages en ligne Tripsta. « Le dumping sur les prix que pratiquait Transaero cessera ; cependant les prix des transporteurs russes seront toujours meilleurs que ceux des compagnies européennes, dont les dépenses sont libellées en euros et qui ont donc plus de mal à couvrir leurs frais », affirme-t-il. Les experts considèrent que le monopole d’Aeroflot après le rachat de Transaero pourra se renforcer avec la sortie du marché des acteurs internationaux et la baisse de la demande. Comme l’explique Andreï Kramarenko, « aujourd’hui, le marché russe n’est pas intéressant pour les compagnies étrangères. Le rouble a vu sa valeur divisée par deux, la demande diminue très fortement. De nombreux étrangers préfèrent quitter le marché russe en attendant des jours meilleurs ».
Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro
Mardi 15 septembre 2015
OPINIONS
« QUI DOIS-JE APPELER SI JE VEUX PARLER À L’EUROPE ? » VLADIMIR IAKOUNINE HAUT FONCTIONNAIRE Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, coprésident du Dialogue Franco-Russe et ancien dirigeant de RZD, société des chemins de fer russes.
À
DMITRY DIVIN
la recherche d’un homme d’État qui pourrait exprimer le point de vue du continent européen, l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger ironisait : « Qui dois-je appeler si je veux parler à l’Europe ? ». Le confort du « guichet unique » est indéniable. Une union d’États souverains, telle que l’Union européenne, apporte beaucoup au développement de l’économie. Tout observateur actif verra que le dialogue au nom des objectifs communs au sein de l’Europe unie se poursuit. Ainsi, il est d’autant plus étonnant que l’Europe unie, qui a réussi à surmonter bien des crises économiques, prenne le chemin de l’autodestruction, de la stagnation de son économie, la voie de la dépendance à l’égard de conditions extérieures dictées par des politiciens qui n’ont rien à voir avec l’Europe. Parfois, nous, les hommes d’affaires éloignés de la grande politique, avons l’impression que le train de la coopération internationale n’est dirigé que par des hommes politiques, et que les hommes d’affaires n’ont que peu d’influence. Pourtant, je suis convaincu qu’aujourd’hui, ce sont les entreprises, la partie la plus lésée par les soi-disant « sanctions », qui doivent attirer l’attention des dirigeants de l’Europe à la contre-productivité des décisions adoptées. J’ai utilisé le terme « sanctions », car il est entré dans le discours officiel, même si la pression exercée actuellement sur la Russie se situe hors du cadre du droit international, contrairement aux vraies sanctions que seule l’Organisation des Nations unies est en droit d’appliquer. Ces « sanctions » dirigées contre la Russie ont un impact négatif équivalent sur l’économie des pays européens. Les hommes politiques ont pris l’habitude de penser de manière globale. Pourtant, s’ils quittent brièvement le piédestal du pouvoir et s’adressent à leur peuple, celui qui les élit, ils verront de leurs
propres yeux à quel point ces « sanctions » s’avèrent être une arme à double tranchant. Par exemple, pas une semaine ne passe sans que les agriculteurs ne manifestent pour exiger une hausse des prix d’achat et la possibilité d’élargir le marché de la vente, en Russie en premier lieu. Celle-ci a été contrainte d’adopter des mesures de rétorsion et, quand je parle avec mes partenaires en affaires, je constate qu’ils le comprennent. Mais ils peinent à comprendre au nom de quoi cette ligne de démarcation est actuellement tracée entre la Russie et l’Europe. Aujourd’hui, la société et les entreprises européennes, et plus particulièrement françaises, constatent qu’un nouveau « mur de Berlin », qui menace de diviser la Russie et l’Europe, est érigé selon le projet et les desseins des politiciens venus de l’autre côté de l’océan. Le pa-
tron de la société américaine de renseignement Stratfor, George Friedman, a dit un jour qu’une éventuelle union économique entre la Russie et l’Allemagne – une alliance des technologies européennes et des matières premières russes – était un cauchemar pour les États-Unis, car ce pays y verrait un très puissant concurrent. Au cours des cinq dernières années, les banques américaines ont pris une large avance sur leurs concurrents européens en termes de capitalisation boursière et de valeur des actions. Depuis 2010, les titres des principaux organismes de crédit américains ont crû en moyenne de 45%, alors que les organismes européens sont confrontés à une baisse de leurs actions de 17% en moyenne. Quand les banques européennes réduisent leur présence, les banques américaines
«
Un nouveau « mur de Berlin », qui menace de diviser la Russie et l’Europe, est érigé selon [un projet et des desseins] venus de l’autre côté de l’océan »
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étendent la leur. Et ces restrictions tirées par les cheveux, que l’Europe s’est imposées comme une pénitence, ne feront que renforcer les positions de l’économie américaine. C’est sous cet angle qu’il faut voir la pression politique dirigée actuellement contre la Russie. Les Européens sont contraints de suivre cette orientation tout en s’affaiblissant plus que les autres. Les entreprises étrangères sont actuellement confrontées à de sérieuses difficultés dans leurs activités en Russie. Par exemple, il est impossible pour les entreprises russes de transférer de l’argent aux entreprises européennes et inversement ! Cette stratégie vise non seulement à expulser les entreprises européennes du marché russe, mais également à les remplacer par des entreprises américaines. Malgré le « serrement des ceintures » temporaire, parfois nécessaire, les restrictions artificielles déboucheront, dans un avenir prévisible, sur un progrès dans des dizaines de secteurs de l’économie russe. Les gens de ma génération se souviennent bien de cette expérience… Mais où et avec qui se retrouvera l’Europe unie qui a montré son appétit pour les « sanctions » si impétueusement et avec une telle assurance ? Les principaux instituts de recherche publient des informations sur les pertes financières auxquelles s’exposera l’Europe. Ainsi, selon les estimations de l’Institut autrichien de recherches économiques (WIFO), les restrictions lancées par l’Union européenne et les mesures de rétorsion appliquées par la Russie pourraient conduire à long terme à une perte de 90 milliards d’euros et de 2,2 emplois en Europe. L’ancien président de la République française, Valéry Giscard d’Estaing, que je respecte profondément, s’est exprimé dans les mêmes termes lors de sa conférence à l’Université d’État de Moscou en mai de cette année. Il estime que l’Occident commet une erreur en optant pour la pression sur la Russie plutôt que pour le dialogue. Néanmoins, M. Giscard d’Estaing a exprimé son espoir d’une évolution positive de la politique occidentale vis-à-vis de la Russie et souligné que l’application des sanctions personnelles contre des personnalités de la politique et des affaires était contraire aux valeurs européennes. Alors, qui dois-je appeler si je veux parler à l’Europe ?
POURQUOI MOSCOU LORGNE VERS PÉKIN
L DMITRI TRENINE POLITOLOGUE Directeur du Centre Carnegie de Moscou
’évolution des relations entre la Russie et la Chine, sur fond de crise ukrainienne et de confrontation entre la Russie et l’Occident, modifie considérablement l’équilibre géopolitique mondial. « L’entente » déplace le centre de gravité dans la grande Eurasie, loin à l’est. À moyen terme, le rapprochement est susceptible de conduire à une reconfiguration de l’Eurasie. Le projet de « Grande Europe » est en souffrance. Au lieu d’un espace unique de Lisbonne à Vladivostok, on pourrait voir apparaître une zone de développement économique tout à fait concrète, dont le centre serait en Asie de l’Est, un « espace de prospérité partagée », de Shanghai à Saint-Pétersbourg. Les projets chinois en matière d’infrastructures, tel le train à grande vitesse Pékin-Moscou, contribueront à lier plus étroitement les parties orientale et centrale du continent eurasien. Avec le concours de la Chine, la route maritime du Nord bénéficiera, sans doute, d’infrastructures modernes ; le projet chinois de développement économique de la route de la Soie sera couplé avec l’Union économique eurasiatique. Il n’en résultera pas une « Grande Chine », mais l’inflexion à l’est du vecteur de coopération internationale de la Russie fera basculer le centre de gravité de l’Eurasie du côté de la Chine.
On ne peut qu’esquisser à grands traits les perspectives de développement à plus long terme des relations russo-chinoises. L’union politico-militaire ne se fera pas ; en revanche, la coopération militaire et technique se développera. Les manœuvres de la Marine des deux pays en Méditerranée, qui ont eu lieu au printemps 2015, indiquent une phase qualitativement nouvelle des relations, qui se situent à un plus haut niveau, géographique mais aussi politique. Les Américains continuant à développer leur système de défense antimissile, on peut s’attendre à ce que la Russie et la Chine unissent leurs efforts dans ce domaine en Asie du Nord-Est. Pékin et Moscou peuvent fonder leur coopération sur une plateforme politique commune, consistant à promouvoir leur projet d’une nouvelle architecture de sécurité en Asie, visant, en fait, à éroder et démonter le système d’alliances créé par les Américains. Il n’y aura évidemment pas d’intégration de la Russie dans l’économie de la Chine, mais l’économie russe se liera de plus en plus étroitement au marché chinois des biens et des services, des investissements, des finances et de l’écoulement de sa production. L’Union économique eurasiatique entretiendra des liens plus forts avec le marché chinois, et ses membres d’Asie centrale seront
orientés à la fois vers la Fédération et la République populaire. L’influence plus large de la Chine au centre de l’Eurasie – à côté d’autres régions voisines – sera une étape importante pour que la Chine poursuive son essor, la transformant, à terme, en puissance mondiale. La coopération culturelle entre Russes et Chinois se développera et s’approfondira, avec des limites évidentes. La barrière des civilisations gardera toute sa signification. On étudiera davantage, en Russie, la langue et la culture chinoises, mais pour des considérations essentiellement pragmatiques. Le rapprochement des peuples sera restreint, les cas d’assimilation demeureront rares. Au demeurant, une proximité trop étroite pourrait susciter, de part et d’autre, des phénomènes de rejet mutuel, de l’antipathie, voire de l’hostilité. L’avenir des relations russo-chinoises dépendra, au premier chef, des élites de chaque pays : seront-elles capables de maintenir les deux États à égalité, alors même qu’elles sont inégales dans leur puissance nationale ? Il est clair queVladimir Poutine et Xi Jinping y parviennent. Envisager les relations de ceux qui leur succéderont est prématuré. Bien évidemment, si, au fil du temps, le nationalisme se renforce en Chine, impliquant une attitude dédaigneuse envers la Russie, si des revendications sur cer-
«
La Russie est déçue par l’incompréhension des Européens à son endroit. [Elle] est contrainte de se rapprocher encore de la Chine, gage d’un relâchement de la pression occidentale »
tains territoires d’Extrême-Orient et sur des ressources naturelles de Sibérie se font jour, les relations changeront du tout au tout. L’Europe constitue un autre facteur. Du point de vue russe, le conflit ukrainien est d’abord une lutte engagée contre les États-Unis pour défendre les intérêts nationaux. La Russie est déçue par l’incompréhension des Européens à son endroit et par le ralliement des pays de l’UE aux sanctions. Moscou n’a pas renoncé, néanmoins, à l’« option européenne ». Elle espère que les intérêts économiques des États de l’Union et leur désir latent de s’émanciper de leur allié américain changeront la situation et remettront à l’ordre du jour l’orientation européenne de sa politique étrangère. Aujourd’hui et dans un avenir proche, la Russie est contrainte de se rapprocher encore de la Chine, et dans des conditions moins favorables qu’elle ne le souhaiterait. Mais prendre appui sur l’Est est, pour Moscou, le gage d’un relâchement de la pression occidentale. La stratégie d’Alexandre Nevski fait toujours recette. Extrait de RUSSIE 2015. Regards de l’Observatoire franco-russe, Cherche Midi, 648 pages Disponible en librairie le 22 octobre
RUSSIA BEYOND THE HEADLINES EST PUBLIÉ PAR LE QUOTIDIEN RUSSE ROSSIYSKAYA GAZETA. LA RÉDACTION DU FIGARO N’EST PAS IMPLIQUÉE DANS SA PRODUCTION. LE FINANCEMENT DE RBTH PROVIENT DE LA PUBLICITÉ ET DU PARRAINAGE, AINSI QUE DES SUBVENTIONS DES AGENCES GOUVERNEMENTALES RUSSES. RBTH A UNE LIGNE ÉDITORIALE INDÉPENDANTE. SON OBJECTIF EST DE PRÉSENTER DIFFÉRENTS POINTS DE VUE SUR LA RUSSIE ET LA PLACE DE CE PAYS DANS LE MONDE À TRAVERS UN CONTENU DE QUALITÉ. PUBLIÉ DEPUIS 2007, RBTH S’ENGAGE À MAINTENIR LE PLUS HAUT NIVEAU RÉDACTIONNEL POSSIBLE ET À PRÉSENTER LE MEILLEUR DE LA PRODUCTION JOURNALISTIQUE RUSSE AINSI QUE LES MEILLEURS TEXTES SUR LA RUSSIE. CE FAISANT, NOUS ESPÉRONS COMBLER UNE LACUNE IMPORTANTE DANS LA COUVERTURE MÉDIATIQUE INTERNATIONALE. POUR TOUTE QUESTION OU COMMENTAIRE SUR NOTRE STRUCTURE ACTIONNARIALE OU ÉDITORIALE, NOUS VOUS PRIONS DE NOUS CONTACTER PAR COURRIER ÉLECTRONIQUE À L’ADRESSE FR@ RBTH.COM. SITE INTERNET FR.RBTH.COM. TÉL. +7 (495) 7753114 FAX +7 (495) 9889213 ADRESSE 24 / 4 RUE PRAVDY, ÉTAGE 7, MOSCOU 125993, RUSSIE. EVGENY ABOV : DIRECTEUR DE LA PUBLICATION RUSSIA BEYOND THE HEADLINES (RBTH), PAVEL GOLUB : RÉDACTEUR EN CHEF DES RÉDACTIONS INTERNATIONALES, TATIANA CHRAMTCHENKO : RÉDACTRICE EXÉCUTIVE, FLORA MOUSSA : RÉDACTRICE EN CHEF, JEAN-LOUIS TURLIN : DIRECTEUR DÉLÉGUÉ, DIMITRI DE KOCHKO : CONSEILLER DE LA RÉDACTION, ANDREÏ CHIMARSKI : DIRECTEUR ARTISTIQUE, MILLA DOMOGATSKAÏA : DIRECTRICE DE LA MAQUETTE, MARIA OSHEPKOVA : MAQUETTISTE, ANDREÏ ZAITSEV, SLAVA PETRAKINA : SERVICE PHOTO. JULIA GOLIKOVA : DIRECTRICE DE LA PUBLICITE & RP (GOLIKOVA@RG.RU) OU EILEEN LE MUET (ELEMUET@LEFIGARO.FR). EVGUENIA SHIPOVA : REPRÉSENTANTE À PARIS (E.SHIPOVA@RBTH.COM, 06 67 42 20 42 ) © COPYRIGHT 2015, AFBE "ROSSIYSKAYA GAZETA". TOUS DROITS RÉSERVÉS. ALEXANDRE GORBENKO : PRÉSIDENT DU CONSEIL DE DIRECTION, PAVEL NEGOITSA : DIRECTEUR GÉNÉRAL, VLADISLAV FRONIN : DIRECTEUR DES RÉDACTIONS. TOUTE REPRODUCTION OU DISTRIBUTION DES PASSAGES DE L’OEUVRE, SAUF À USAGE PERSONNEL, EST INTERDITE SANS CONSENTEMENT PAR ÉCRIT DE ROSSIYSKAYA GAZETA. ADRESSEZ VOS REQUÊTES À FR@RBTH.COM OU PAR TÉLÉPHONE AU +7 (495) 7753114. LE COURRIER DES LECTEURS, LES TEXTES OU DESSINS DE LA RUBRIQUE “OPINIONS” RELÈVENT DE LA RESPONSABILITÉ DES AUTEURS OU DES ILLUSTRATEURS. LES LETTRES DE LECTEURS SONT À ADRESSER PAR COURRIEL À FR@RBTH.COM OU PAR FAX (+7 (495) 775 3114). RUSSIA BEYOND THE HEADLINES N’EST PAS RESPONSABLE DES TEXTES ET DES PHOTOS ENVOYÉS. RBTH ENTEND OFFRIR DES INFORMATIONS NEUTRES ET FIABLES POUR UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA RUSSIE. CE SUPPLÉMENT A ÉTÉ ACHEVÉ LE 11 SEPTEMBRE 2015
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Mardi 15 septembre 2015
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Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro
RÉGIONS
DÉCOUVERTE Survol de sites enchanteurs dont la variété contredit l’image uniforme d’une province méconnue
La Sibérie dans tous ses états
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RBTH vous propose une liste des sites russes qu’il faut voir au moins une fois dans sa vie : montagnes austères, lacs bleus, architecture en bois ou encore désert de sable, à chacun de choisir. ANNA GROUZDEVA POUR RBTH
L’Altaï Site le plus populaire de Sibérie auprès des touristes, le massif montagneux et le territoire de l’Altaï en général ont toujours été et restent un lieu intrigant, énigmatique, fort de nombreuses richesses avant tout naturelles. Il offre un itinéraire de prédilection aux amateurs de peintures rupestres et de statues en pierre. Les spéléologues et les rafteurs trouve-
C’est un véritable désert de dunes entouré de taïga, de rivières au courant rapide et de montagnes quasi infranchissables. Le désert sans doute le plus « anormal » au monde mais, par la même occasion, un lieu unique en son genre. On peut s’y promener pieds nus dans le sable chaud et contempler le paysage assis sur les énormes dunes, mais également se baigner dans un lac et cueillir des myrtilles des marais. Les Chara Sands, c’est le point de fusion entre la taïga et l’Orient, ce qui lui confère un caractère tout à fait particulier. Depuis les montagnes voisines de Kodar, on découvre au col de Mramorny (de marbre) les ruines d’un camp de rééducation par le travail (baraquements, galeries de mines et brouettes de bois) qui donne une idée de l’histoire horrible des camps staliniens en Sibérie.
gaki admirer les chutes d’eau, cueillir des myrtilles, amasser des pommes de pin pour un feu de bois, plonger dans l’eau glacée des lacs environnants ou escalader les pics pour mieux apprécier les monts majestueux et l’épaisse taïga.
Le plateau de Poutorana
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Le parc naturel de Iergaki
En ligne
Cette région compacte « à cheval » sur les montagnes et la taïga est l’une des plus accessibles et mais aussi les plus pittoresques de Sibérie. Elle attire aussi bien des familles avec enfants que des professionnels de l’alpinisme ou des amateurs de randonnées, qui viennent à Ier-
Kaliningrad, creuset culinaire de saveurs européennes : fr.rbth.com/327809
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À l’occasion d’un festival son et lumière grandiose, des spectacles de mapping vidéo et des jeux de lumière illumineront simultanément 9 sites historiques de la capitale russe.
L’ENSEMBLE DES BÂTIMENTS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE SUR LE QUAI FROUNZÉ
Du 26 septembre au 4 octobre MOSCOU
Des artistes de l’illumination venus de Russie, de France, de Grande-Bretagne et des Émirats arabes unis projetteront une série de contes sur l’ensemble des bâtiments du ministère de la Défense. Le pont Andreïevski au-dessus de la Moskova reliera les différents éléments de la performance.
La Sibérie garde d’énormes espaces naturels sauvages. Le Poutorana, classé sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, est un plateau basaltique dont les paysages pourraient combler le spécialiste du cinéma fantastique qu’est Peter Jackson. Les cols et les vallées sont innombrables, mais la région est surtout célèbre comme celle des dix mille lacs et des mille chutes d’eau. Le plateau recèle le plus grand nombre de cascades en Russie. C’est ici qu’est situé le lac de Vivi, le centre géographique du pays. Le Poutorana : dépaysement garanti.
Tomsk La Sibérie compte nombre de villes où l’architecture en bois a survécu, mais c’est à Tomsk que vous retrouverez l’esprit de la province sibérienne qui sent bon le vieux temps. La ville est célèbre pour les détails ciselés du musée Chichkov (du nom de cet écrivain sibérien mort en 1945), sa Maison aux oiseaux de feu, les jardins de son université et les chambranles sculptés de ses demeures. Elle est faite pour les amateurs de constructions en bois, d’art nouveau et de baroque sibérien, sans oublier ses blinis et ses pelménis que l’on déguste en se mêlant aux jeunes de cette vénérable cité où un résident sur cinq est étudiant.
lightfest.ru
LE THÉÂTRE DU BOLCHOÏ La façade du théâtre du Bolchoï sera le support accueillant des variations sur le thème de l’opéra Carmen et du ballet Le lac des cygnes. On pourra aussi y voir les meilleurs spectacles rétro du Bolchoï.
LE VDNKH (CENTRE PANRUSSE DES EXPOSITIONS) Le parc VDNKh, restauré, hébergera un spectacle de lumière sur glace auquel participeront des stars russes du patinage artistique. Le pavillon principal accueillera un concert son et lumière. À l’entrée du parc les visiteurs découvriront les installations lumineuses qui les suivront le long de l’allée principale.
LE MAGASIN CENTRAL POUR ENFANTS SUR LA PLACE LOUBIANKA Des personnages fantastiques dans d’étonnantes histoires contées en lumière et un défilé de jouets transformeront la façade du plus grand magasin pour enfants du pays en un monde féerique.
LES ÉTANGS DU PATRIARCHE Les héros du roman mystique de Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite, renaîtront sur l’eau en plein cœur de Moscou.
LA RIVIÈRE MOSKOVA À partir de la Maison de la musique dans la rue Paveletskaïa jusqu’au quai Loujnetskaïa, on pourra voir voguer une « péniche multimédia » qui diffusera des projections dynamiques sur les murs des bâtiments des deux quais.
LORI/LEGION MEDIA(3)
Réserve d’eau douce la plus grande du monde, la « mer sacrée », comme l’appellent les Russes, fascinera même ceux qui ont admiré l’immensité de l’océan. Certains touristes choisissent de visiter l’île d’Olkhon, d’autres privilégient les promenades en barque et en canot, tandis que les randonneurs chevronnés font le tour du Baïkal à vélo ou à pied. Profiter des bords du lac, c’est aussi déguster de délicieux salmonidés, admirer l’architecture en pierre du vieil Irkoutsk et les monuments du baroque sibérien, visiter le musée ethnographique de Taltsy et s’arrêter devant les panoramas à vous couper le souffle de la taïga et de la capricieuse rivière Angara. C’est une rencontre avec la Sibérie sous ses formes les plus différentes.
Les Chara Sands (ou le désert de Tcharski)
1 - Les Monts Altaï, dans le sud de la Sibérie ; 2 - Une dune dans le désert de Tcharski (Transbaïkalie) ; 3 - Le plateau de Poutorana dans le kraï de Krasnoïarsk ; 4 - Le lac des Peintres dans le parc naturel de Iergaki (kraï de Krasnoïarsk).
ANTON PETROV
Le lac Baïkal
ront eux aussi des parcours à leur goût. Les familles avec enfants aimeront les coins douillets des forêts au bord du lac Teletski, les cyclistes pourront traverser tout le territoire par le « trakt » (la route) de Tchouïski qui se prolonge jusqu’à la frontière mongole.
LES ÉTANGS PURS T R AV E L 2 M O S C O W. C O M
Le lieu de rencontre des jeunes de la capitale, Tchistye Proudy, littéralement les « Étangs purs », sera le site d’installations sur le thème « La vie en ville de lumière ».
SupplĂŠment de Rossiyskaya Gazeta distribuĂŠ avec Le Figaro
vendredi 24 Mai 2013
RUBRICA
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Mardi 15 septembre 2015
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Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro
CULTURE
QUESTIONS & RÉPONSES
À L’AFFICHE kov, l’homme d’affaires devenu un collectionneur passionné d’art contemporain qui a créé la fondation en 2014. Il a produit l’une de mes expositions à Londres. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’artistes qui ne peuvent pas réaliser leurs projets pour différentes raisons, tant politiques que commerciales. Même un artiste célèbre comme Santiago Sierra est confronté à de tels problèmes.
Biographie
Andreï Molodkin
AP
Cet été, l’artiste russe Andreï Molodkin a ouvert « The Foundry », un nouvel espace d’exposition et de résidence d’artistes au sein d’une ancienne fonderie située à Maubourguet, près de Toulouse. Il le conçoit comme un site artistique libre de toute censure. Comment avez-vous trouvé cet espace et pourquoi avez-vous décidé d’y ouvrir une galerie d’exposition et résidence ? Au début des années 2000, je venais souvent ici pour mes créations – des sculp-
Diplômé en architecture et design industriel de l’Académie Stroganov de Moscou, Andreï Molodkin est un artiste conceptuel russe internationalement reconnu qui vit et travaille à Paris. Il est surtout connu pour ses tableaux au stylo à bille et ses sculptures emplies de pétrole. En 2009, il a représenté la Russie à la Biennale de Venise.
tures en plastique et en métal que je préparais dans les usines consacrées à l’industrie aéronautique, nombreuses dans la région. Quand j’ai visité pour la première fois cette fonderie, construite en 1870, elle était encore en activité. J’ai été frappé par cet espace. Quand j’y suis retourné en 2013, je l’ai trouvé vide : l’usine avait fermé. J’ai demandé à la mairie si je pouvais racheter ces bâtiments. C’était possible. C’est 4 500 mètres carrés de surfaces dont 2 000 mètres carrés pouvant servir pour des expositions. Les surfaces restantes sont réservées aux ateliers et résidences d’artistes qui y prépareront leurs expositions. C’est pratique pour eux, car les usines alentour ont ce qu’il faut pour réaliser leurs œuvres. Ici, ils auront à leur disposition des machines, des engins de levage, des instruments pour l’assemblage final des installations. J’élabore ce projet en collaboration avec la fondation londonienne A/Political, spécialisée dans l’aide aux projets artistiques audacieux, auxquels les galeries et les musées n’osent pas s’attaquer.
L’œuvre de Jens Haaning et Santiago Sierra exposée à « The Foundry ».
En ligne
Vladimir Sorokine : « En Russie, nous servons l’État depuis des siècles » fr.rbth.com/6364
Depuis quand collaborez-vous avec cette fondation ? En 2008, j’ai rencontré Andreï Tretia-
GLEB KOSSOROUKOV
« The Foundry » ou la liberté artistique totale
DA ! : LA SEMAINE DE LA RUSSIE AU PROGRAMME À PARIS DU 17 AU 20 SEPTEMBRE, 16ÈME L’Association Dialogue Franco-Russe et la Mairie du 16ème arrondissement de Paris présentent « Da ! La Semaine de la Russie » et son cortège de manifestations : expositions, conférences, ateliers, cinéma, concerts, spectacles et même un marché sont au programme. Une occasion pour les Parisiens de découvrir ou redécouvrir quelques éléments forts de la culture, de l’histoire et de l’actualité russes. Entrée libre.
Pourquoi avez-vous choisi, pour le lancement de « The Foundry », cette réalisation commune de Santiago Sierra et de l’artiste danois Jens Haaning, qui avait déjà été exposée à Copenhague ? Les artistes ne sont pas satisfaits de la présentation qui en a été faite à l’exposition de Copenhague. Cette œuvre est une sculpture qui se présente comme une phrase composée de 31 lettres de trois mètres – TIRED OF THIS GLOBAL SADISTIC REGIME. À Copenhague, elle a été présentée dans l’espace raffiné de la galerie avec des plafonds bas. L’œuvre ne collait pas avec les murs. Quand je leur ai montré l’espace de « The Foundry », ils ont tout de suite compris que, dans l’entourage brut de la fonderie, l’œuvre se verrait très différemment.
› www.dialoguefrancorusse.com
FESTIVAL DU CINÉMA RUSSE À NICE : ACTE 3 DU 22 AU 26 SEPTEMBRE
Vous évoquez des projets que les galeries et les musées n’osent pas présenter. Pour quelles raisons ? Les raisons sont nombreuses. Aujourd’hui, la pression commerciale sur les artistes se fait de plus en plus forte. Les galeries ne veulent pas prendre de risques lorsqu’elles investissent. Les musées doivent faire valider les projets par les mécènes et les sponsors. Les musées vous diront combien de visiteurs ont assisté à l’exposition, combien de titres elle a fait dans la presse – tout est chiffré. Et on se sent alors comme un otage d’une production capitaliste. De nombreux artistes sont lassés par cette situation, moi compris. The « Foundry » sera un espace qui apportera aux artistes invités une liberté optimale et un confort artistique. L’artiste sera libre de choisir à qui il veut présenter ou non son œuvre : il pourra s’agir du grand public ou des invités seulement. C’est un espace privé et nous pourrons y montrer des œuvres qui pourraient être considérées comme politiquement incorrectes, sans qu’on puisse interdire leur présentation.
Le 70ème anniversaire de fin de la Seconde Guerre mondiale sera le thème de cette troisième édition. Au programme : dix films de fiction et deux documentaires, dont six avantpremières. Entrée libre. › www.perspectiva.free.fr
WEEK-END CHAGALL EN MUSIQUE DU 16 AU 18 OCTOBRE, PARIS Dans le cadre de ses week-ends thématiques, la Philharmonie de Paris rend hommage au grand peintre franco-russe Marc Chagall. Au programme : ateliers, projection de documentaires et concerts. Le maestro russe Valery Gergiev et London Symphony Orchestra sont les invités spéciaux du week-end.
Propos recueillis par IGOR GREBELNIKOV, POUR RBTH
› www.philharmoniedeparis.fr
EXPOSITION Pesanteur du métal et légèreté de l’idée à la Galerie d’art contemporain Insula à Paris
Le sculpteur poète Andreï Sadko, ce voyageur ailé de l’esthétique sations. Et si mon univers n’a pas changé, il cherche à tendre vers la dématérialisation ».
« Le Poète est semblable au prince des nuées », écrit Baudelaire dans « Spleen et Idéal ». Semblable à l’Albatros du « Poète maudit », les sculptures d’Andreï Sadko ne trouvent pied que dans les airs. ELLÉA TCHETOV POUR RBTH
Né en France de parents russes, Andreï Sadko, se définit comme un « Russe de Paris ». Comme son frère jumeau Vladimir, il a étudié la sculpture avec Zadkine, la peinture avec Annenkov et l’architecture aux Beaux-Arts de Paris.
Les œuvres de Sadko prennent leur place dans la cité
Une poésie de la matière qui s’exprime par des lignes épurées et graphiques Ses sculptures sont telles des Haïkus grandeur artistique, s’évertuant à personnifier une vision de l’évanescence des choses. Avec Les Justes, Andreï Sadko décrit, avec toute la finesse qui le caractérise, l’aspect périssable du temps, métaphore de la condition humaine face à l’élévation de la pensée, à la fois grande dans l’immensité et minuscule dans l’infinité. « Bien sûr, l’élévation est un idéal. La fonction de l’art n’est pas ou pas seulement de provoquer, de faire rire… Elle est de nous élever», estime Sadko, dont le pseudonyme fait référence à un personnage des légendes slaves, est aussi une dissociation du réel et de la pure création.
GALERIE INSULA
L’exposition « Sculptures » d’Andreï Sadko, qui investira la Galerie Insula à Paris (24 rue des Grands Augustins dans le 6ème), du 24 septembre au 31 octobre, est une ode à la poésie. Un yoga de l’esprit, où la matière s’efface au profit du spirituel. Au travers de situations (Trajectoire), de réflexions (Les justes) ou de figures de style (Soleil noir), les œuvres de l’artiste Sadko laissent présager toute la complexité de son cheminement artistique, poétique et philosophique. « Plus jeune, j’ai commencé par la terre, puis, j’ai découvert la pierre », raconte Andreï Sadko à RBTH. « Je m’en suis encore éloigné pour affiner mes réali-
Un « Russe de Paris »
de l’imaginaire, à la recherche d’un paradis perdu.
La Course aux nuages, 2014.
Le caractère « litotien », tel qu’exprimé dans ses sculptures Trajectoire ou La course aux nuages, laisse présager toute l’élégance graphique et la profondeur subtile de sa nouvelle étude de l’Œuvre. Les lignes de force, minutieusement travaillées, explorent les limbes
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F R . R B T H . C O M / M U LT I M E D I A
Les amoureux de Paris découvriront au détour des ruelles de la capitale des réalisations du poète et sculpteur Sadko (qui expose régulièrement à Moscou et St-Pétersbourg) : une fontaine, Les nuages, rue de Saussure (17ème arr.), La Promenade au viaduc des Arts (12ème), ou encore Les Marches du Voyage, dans le quartier de La Défense. « C’est à cause de Michel-Ange, que nous sommes devenus... », avance l’artiste. Lui qui, depuis tout petit, aspirait aux côtés de son frère Vladimir à l’inaccessible, les yeux levés vers le tableau de grand-père, Le Jugement Dernier, un dessin attribué à un peintre de l’entourage de Michel-Ange, a depuis pris de la hauteur. Et sous ses airs de frêle simplicité, son envol artistique est purement majestueux.