Russia Beyond The Headlines (Belgique)

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Mercredi 7 octobre 2015

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C E S U P P L É M E N T D E S I X P A G E S E S T É D I T É E T P U B L I É P A R R O S S I Y S K AYA G A Z E T A ( R U S S I E ) , Q U I A S S U M E L ’ E N T I È R E R E S P O N S A B I L I T É D E S O N C O N T E N U

Crise migratoire La Russie doit-elle contribuer à résoudre la crise des réfugiés ?

Les hauts et les bas du protectionnisme Quelles mutations ont été observées sur le marché russe après une année de sanctions et d'embargo ? RBTH analyse l'effet sur l'économie russe des mesures prises par les autorités. ALEXEÏ LOSSAN RBTH

Voici un peu plus d'un an, le 6 août 2014, Moscou décrétait un embargo sur les produits alimentaires provenant de pays ayant adopté des sanctions contre la Russie. « Je considère qu’il est indispensable d’analyser rapidement les possibilités de remplacer de façon compétitive les produits importés dans l’industrie et le secteur agricole. De plus, nous mettrons en place tout un système de soutien aux industries nationales », annonçait Vladimir Poutine en 2014. Selon les analystes de l’agence de notation Moody’s, la substitution des importations en Russie ne fonctionne pour le moment que pour la production alimentaire. « Il n’existe aucun signe clair que la substitution aux importations stimule la production domestique », affirme le rapport intitulé Global Macro Outlook, publié le 17 août 2015. SUITE EN PAGE 2

© REUTERS

Des réfugiés syriens en quête d'un abri en Russie Les réfugiés et les organisations qui les aident s'interrogent sur le rôle de l'État russe. Devrait-il se montrer plus actif dans l'une des plus graves crises migratoires de l'histoire récente ? PAVEL KOCHKINE RBTH

La tragédie de la guerre civile syrienne, qui dure depuis 2011, a jeté sur les routes d'innombrables réfugiés. Et tous ne se dirigent pas vers l'Union européenne. Ahmad, un robuste musulman chiite de 40 ans, a fui son pays

pour atterrir dans un appartement douillet du sud-ouest de Moscou. Avant la guerre civile, il vivait en Syrie avec sa femme et leurs deux enfants dans la ville d'Al Mleha, à quelque six kilomètres de Damas. Après avoir travaillé 5 ans en tant que chef cuisinier dans un restaurant moyen-oriental de Londres, il est retourné en Syrie et a utilisé l'argent qu'il avait gagné pour ouvrir une boutique de prêt-à-porter et un élevage de poulets.

NOUVEAU DESIGN ATTRAYANT

À la suite de la guerre qui a frappé le pays en 2011, son élevage de poulets a été détruit et son appartement confisqué par des extrémistes qui le considéraient comme un infidèle. Il a dû déménager à la périphérie de Damas, mais son nouveau quartier est rapidement devenu la cible des bombardements. Quand les obus se sont mis « à siffler au-dessus de nos têtes, maisons et écoles et tuer des civils pacifiques » – un jour sa femme a vu une voiture exploser et déchiqueter plusieurs écoliers – il a

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décidé de fuir pour sauver sa famille. Ahmad a fui en Russie en 2013 avec un visa touristique. Il y a obtenu un asile temporaire dans un second temps. Cela lui a permis de trouver un emploi dans un restaurant de la capitale russe. Pourtant, en 2014, le Service fédéral des migrations russe a refusé de prolonger son statut et a ordonné la déportation de sa famille. Ahmad a fait appel de la décision et attend actuellement avec angoisse la décision du tribunal.

FACILE À PARTAGER

OPINION

« Les papiers sont un grand problème pour moi », dit-il. « Je n'ai pas besoin de l'aide du gouvernement, je veux simplement vivre comme une personne normale – je veux pouvoir travailler et pourvoir aux besoins de ma famille ». L'avenir de ses enfants est une autre source de soucis. Ils se sont facilement adaptés à leur nouvelle vie en Russie – ils parlent correctement le russe et ont récemment commencé à étudier dans une école russe ordinaire. Mais c'est l'incertitude qui préoccupe Ahmad : il ne sait simplement pas combien de temps ils pourront continuer à vivre en Russie. Interrogé sur l'éventualité d'un déménagement de sa famille vers l'Union européenne, comme la plupart des réfugiés syriens, Ahmad répond qu'il essaiera d'abord d'y trouver un emploi.

L'expert en relations internationales Gueorgui Bovt revient sur le discours prononcé parVladimir Poutine à la tribune des Nations unies. Il décrypte les intérêts sous-jacents et la volonté de Moscou de présenter une alternative à l'approche de Washington dans les dossiers syrien et ukrainien.

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ONU : la quête du compromis

© IORSH

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EMBARGO ALIMENTAIRE LES AUTORITÉS RUSSES ONT SOULEVÉ UN DÉBAT À L'ÉCHELLE MONDIALE EN ORDONNANT LA DESTRUCTION DE DENRÉES ALIMENTAIRES. L'EMBARGO RUSSE SUR LES IMPORTATIONS S'AVÈRE COMPLEXE À METTRE EN ŒUVRE

BILAN D’UN AN D’EMBARGO SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Le seul secteur sur lequel le programme de substitution des importations fonctionne bien est l’agriculture, note l’agence. Une étude réalisée par l’Académie Présidentielle Russe d’Économie Nationale, l’Institut Gaïdar et le Ministère du Développement Économique, montre que la substitution aux importations a d’ores et déjà augmenté les revenus des agriculteurs. Au premier trimestre 2015, les bénéfices nets des compagnies agricoles russes atteignaient 91,3 milliards de roubles (1,27 milliard d’euros), contre 32,3 milliards de roubles (442 millions d’euros) l’année passée, soit une multiplication par 2,82. Cette augmentation de la production se retrouve sur tous les produits alimentaires de base : la viande (6,4%), le lait (0,9%), les œufs (1,7%) par rapport à la même période de l’année dernière. En revanche, la production de certains produits diminue. La comparaison des données de production de viande et de lait illustre ceci de façon frappante. D’après les données du Service fédéral russe des statistiques (Rosstat), au premier trimestre 2015, l’importation de viande et de produits à base de viande a diminué de 54% par rapport au premier trimestre 2014, alors que dans l’ensemble, la production importée est remplacée par de la production domestique. Dorénavant, la part de marché des produits à base de viande fabriqués en Russie atteint 97%. À titre de comparaison, sur la même période, la production de lait n’a augmenté que de 34 000 tonnes, ce qui représente moins de 3% du volume des importations interrompues, qui ont chuté de 75%. Cela signifie que l’industrie laitière subit un lourd déficit de matières premières. Les importations de fromage ont été divisées par 9,4 entre juillet 2014 et juillet 2015 pour atteindre 41 000 tonnes, alors que le volume de production nationale n’a crû que de 22,6%.

DES CHEFS L'ONT DIT

Aziz Saffar RESTAURANT FRANÇAIS « LE RESTAURANT »

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J’ai découvert du bœuf, du veau, de l’agneau de Briansk et de Voronej, des oies, des canards et des cailles, des chanterelles de fermes des alentours de Moscou, des crabes de Kamchatka. Mais ma plus grande découverte sont les truffes de Crimée.

Baisse des importations de produits

Alexandre Katchinski

©ALEXANDR KRYAZHEV/RIA NOVOSTI

Aliments concernés par l’embargo

Lutte contre la contrebande Le soutien à la production nationale se fait aussi à travers la lutte contre la contrebande de nourriture en provenance des pays sous embargo. Depuis le 6 août, les autorités russes prennent le taureau par les cornes et n’hésitent pas à détruire les produits confisqués à la frontière et concernés par l’embargo russe. Dès que les autorités vétérinaires se sont lancées dans une chasse aux denrées interdites à l’importation, une vague de protestations a grondé sur l’Internet, car certains produits alimentaires détruits étaient autorisés d’un point de vue technique. Mais les autorités se sont montrées intraitables. Lorsque l’UE a décidé de prolonger les sanctions à l’encontre du pays, Moscou a répliqué début août par un renforcement de son embargo. Par la même occasion, l’Albanie, le Monténégro, l’Islande, le Liechtenstein et l’Ukraine ont été ajoutés à la liste des pays dont les exportations sont concernées par ces mesures d’interdiction. En revanche, les particuliers ont toujours le droit

RESTAURANT AUSTRALIEN « GLENUILL » ET BUFFET ITALIEN « ZUPPERIA »

© GAIA RUSSO

552 tonnes de denrées interdites ont été ainsi détruites par les autorités au cours du premier semestre 2015

d’importer des denrées alimentaires pour leur consommation personnelle. Tous les moyens sont bons pour détruire des chargements entiers de camions, tant que l’on respecte les normes environnementales. Les autorités ne cherchent pas uniquement les denrées prohibées aux frontières du pays, mais aussi sur l’ensemble du territoire russe, jusque dans les hangars et les rayonnages des supermarchés ou des détaillants.

D’après les services des douanes russes, 552 tonnes de denrées interdites ont été ainsi détruites par les autorités compétentes au cours du premier semestre 2015. Le vice-Premier ministre russe Arkadi Dvorkovitch a fait savoir qu’au cours des derniers mois, on avait officiellement recensé entre 700 et 800 violations de l’embargo sur les denrées alimentaires. Selon lui, 44,8 tonnes de marchandises prohibées ont été confisquées dans les magasins. La destruction des produits d’importation a touché d’abord une livraison à la frontière russo-ukrainienne, où 10 tonnes de fromage d’origine inconnue furent saisies. Peu de temps après, ce fut le tour d’un camion frigorifique transportant 1,5 tonne de tomates illégales, découvertes dans la région de Pskov, à la frontière occidentale du pays. Un porte-parole des autorités de contrôle agricoles a précisé que le plus souvent, les denrées sont incinérées. Certaines marchandises sont transportées dans des décharges pour déchets solides et broyées à l’aide de machinerie lourde. L’analyste en chef de la société d’investissements UFS, Timour Nigmatoulline, souligne l’impossibilité de mettre en œuvre l’embargo dans son intégralité : « C’est dû aux particularités de la législation supranationale et aux règlements douaniers en vigueur au sein de l’Union eurasiatique ». Ainsi, la Biélorussie, qui fait partie de l’Union douanière avec la Russie, n’a pris aucune sanction envers l’Union européenne. Or, il n’existe aucun contrôle douanier entre la Russie et ce pays.

Réaction indignée de l’opinion publique La plupart des Russes ne comprennent pas pourquoi les denrées d’importation doivent être détruites. D’après un sondage du Centre Levada, 48% de la popu-

lation est opposée au décret, seuls 40% s’y déclarent favorable. 41% des sondés préfèreraient voir les importations clandestines transférées aux orphelinats, aux foyers pour sans-domicile fixe ou encore à des retraités dans le besoin, des personnes handicapées ou des familles nombreuses. 27% des personnes interrogées suggèrent de faire don des marchandises illégales à des œuvres caritatives. 24% des sondés sont quant à eux favorables à l’envoi des denrées confisquées dans le Donbass en proie à un conflit et 12% proposent de les expédier dans les pays africains souffrant de la famine. De fait, l’indignation de la population est palpable. 250 000 personnes ont signé une pétition contre la destruction des produits. À Novossibirsk, capitale de la Sibérie, le parti d’opposition Iabloko a manifesté contre le décret. L’association de défense des consommateurs a même déposé un recours en justice contre la décision gouvernementale auprès de la Cour suprême de Russie. Dans une interview accordée au webzine Gazeta.ru, le directeur des autorités de contrôle agricoles Sergueï Dankvert a répondu fermement qu’une redistribution aux nécessiteux était trop hasardeuse. Selon lui, une telle pratique encouragerait la corruption. Face à ceux qui dénoncent un gaspillage, il répond : « Le système fonctionne comme cela partout dans le monde : si des documents douaniers sont falsifiés ou si l’origine des produits est inconnue, il faut détruire ces derniers ». Les dirigeants russes se sont justifiés par un souci sanitaire. Pour Dmitri Peskov, porte-parole de Vladimir Poutine, « il s’agit de produits de contrebande sans certificats d’authenticité. Personne ne peut garantir que ces denrées ne soient pas nocives pour la santé, même si elles ont l’air délicieux ».

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Notre menus a rétréci. Nous n’avons rien trouvé pour remplacer la mozzarella. Nous achetons le saumon à Mourmansk, mais nous avons dû remplacer les crevettes royales par des crevettes tigrées, parce que ce qui se trouve sur le marché est devenu très cher.

Chen Yongjian RESTAURANT CHINOIS « SOLUXE CLUB »

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Nous n’utilisons pratiquement pas les produits interdits : une cuisine chinoise authentique suppose des produits exclusivement chinois. En revanche, la hausse du dollar et de l’euro nous a touchés : les produits sont déjà plus chers de 20%.

Maxime Goriatchev RESTAURANT FUSION « KOUSSOTCHKI »

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Le bœuf marbré de Voronej, auquel beaucoup se convertissent, est meilleur au goût et moins cher. Nos fromages du Caucase sont une alternative aux fromages étrangers. Ils sont nettement moins chers, mais bien sûr, leur goût est différent.

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX : • LE SOIR, BELGIQUE • LE FIGARO, FRANCE • LE JEUDI, TAGEBLATT, LUXEMBOURG • HANDELSBLATT, ALLEMAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES, INTERNATIONAL NEW YORK TIMES, FOREIGN POLICY ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • EL PAÍS, ESPAGNE, CHILI, MEXIQUE • EL OBSERVADOR, URUGUAY • LA NACION, ARGENTINE • EL PERUANO, PÉROU • FOLHA DE S. PAOLO, BRÉSIL • NEDELJNIK, GEOPOLITIKA, SERBIE • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE • JOONGANG ILBO, JOONGANG SUNDAY, CORÉE DU SUD • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • HUANQIU SHIBAO, CHINE • THE ECONOMIC TIMES, THE NAVBHARAT TIMES, INDE • NATION, PHUKET GAZETT, THAÏLANDE • THE AGE, SIDNEY MORNING HERALD, AUSTRALIE. EMAIL : BE@RBTH.COM. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ BE.RBTH.COM. LE SOIR EST PUBLIÉ PAR SA ROSSEL ET CIE. RUE ROYALE. 100 - 1000 BRUXELLES - BELGIQUE . TÉL: 0032/2/225.55.55. IMPRESSION : ROSSEL PRINTING COMPANY SA. DIFFUSION : 94 800 EXEMPLAIRES


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QUESTIONS & RÉPONSES

« Le niveau de coopération a toujours été soutenu » Anatoli Gorchkov, qui a récemment été nommé au poste de représentant commercial de la Russie en Belgique et au Luxembourg, parle à RBTH des relations bilatérales belgo-russes, des conséquences des sanctions et des perspectives. Vous avez accepté un poste en Belgique à une période délicate dans les relations bilatérales. Quelles ont été vos objectifs ? Nous devons bien sûr établir des contacts personnels avec les représentants des milieux d'affaires et les autorités de Belgique et du Luxembourg, les associations professionnelles, les agences d'importexport régionales, etc. À cette fin, nous avons, par exemple, d'ores et déjà lancé la préparation de la 10ème session de la Commission mixte de coopération économique entre la Russie et l'Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL), prévue initialement pour février 2016. Depuis 1993, l'union œuvre activement pour le développement du commerce et de la coopération économique. Les sanctions ont-elles suscité l'émergence de nouveaux types d'échanges ? Le niveau de coopération entre les entreprises russes et belges a toujours été soutenu. Cette barre reste élevée dans les domaines tels que la santé, la chimie, la pharmacie, la métallurgie et l'innovation. En outre, en dépit des sanctions, les entreprises belges affichent un grand intérêt pour les domaines des transports et de la logistique, de l'éducation et de la science fondamentale en Russie. Par exemple, la principale compagnie logistique belge Catoen Natie est en train de créer un complexe de transports et de logistique dans la région de Moscou.

Relations bilatérales russo-belges de janvier à juin 2015

BIOGRAPHIE Diplômé de l'Académie diplomatique du ministère des Affaires étrangères. Il a travaillé au ministère des Affaires étrangères de l'URSS, à la Fondation russe pour les réformes sociales et au Bureau du Gouvernement, engagé dans les projets de développement de la coopération avec les organisations financières internationales.

Lorsque nous présentons le climat d'investissement en Russie lors de nos rencontres avec les entrepreneurs belges, nous cherchons toujours à attirer leur attention vers ces facteurs. Une situation unique s'offre aux investisseurs étrangers aujourd'hui, car ils peuvent créer de nouveaux complexes industriels et localiser leur production en Russie. Plusieurs entreprises belges déjà présentes en Russie sont en passe d'accroître leurs capacités. C'est, par exemple, le cas de Solvay, Bekaert, Lhoist, Lamifill ou Resilux.

Les domaines qui affichent un fort potentiel sur le plan de la coopération bilatérale sont la micro et la nano-électronique, la santé publique, la pharmacie et les biotechnologies, ainsi que la construction. D'après nos informations, notre marché intéresse les entreprises de construction belges. Les experts estiment que la dépréciation du rouble et la baisse du coût de la main-d'œuvre consécutive pourraient devenir l'un des principaux atouts de la Russie, lui permettant d'encourager les entreprises étrangères à délocaliser leur production. Les entreprises belges envisagent-elles d'en profiter ?

© ALENA REPKINA

Lorsdel'undevospremiersvoyages d'affaires, vous avez visité Ostende, oùvousavezparticipéàdesréunions

d'affaires à l'aéroport international d'Ostende-Bruges et au port maritime d'Ostende. Ces importants pôles de transport sont-ils intéressés par une coopération avec les entreprises russes ? Ces infrastructures de transport, mais aussi les entreprises belges qui collaborent avec elles, sont très intéressées par une coopération avec les entreprises russes. La statistique montre qu'en poids et en trafic, le port d'Ostende cède le pas aux autres ports belges tels qu'Anvers, Zeebruges et Gand. Cependant, il présente l'avantage d'être situé à 5 km seulement de l'aéroport d'Ostende-Bruges, ce qui facilite considérablement la livraison et le transit des marchandises périssables pour les compagnies de transport et permet d'élaborer des schémas de transport intéressants. Ostende développe également un projet très intéressant de création de parcs éoliens extraterritoriaux en mer du Nord. Ainsi, la coopération entre les entreprises russes et belges dans les domaines de l'énergie éolienne, du transport et de la logistique a fait l'objet de discussions actives lors de nos négociations avec la direction de l'aéroport d'OstendeBruges et du port d'Ostende, ainsi qu'avec les représentants de plusieurs compagnies pétrolières et de transport belges. Les représentants de l'industrie des transports de Flandre occidentale nous ont indiqué qu'ils étaient très intéressés par la coopération avec les régions et ports russes. Actuellement, ils sont concentrés sur la promotion active de leurs services et la recherche de partenaires en Russie. Les représentants des milieux d'affaires belges présents aux négociations nous interrogeaient sur les moyens d'accéder au marché russe, le choix des régions et des partenaires pour leurs activités en Russie, la recherche des fournisseurs de certains types de produits russes et la possibilité d'impliquer les compagnies pétrolières russes déjà présentes sur le marché belge dans l'approvisionnement de l'aéroport d'OstendeBruges en carburant aviation. Propos recueillis par Viktor Onuchko

Entreprenariat Les agriculteurs optent pour le statut d'entrepreneur individuel pour obtenir des subventions

Les fermiers entrepreneurs ont le vent en poupe Les sanctions rehaussent le prestige du métier de fermier. Sur fond de restrictions budgétaires, l'agriculture est l'un des rares secteurs à conserver le même niveau d'aide de l'État. MARIA KARNAOUKH POUR RBTH

53,2 milliards d’euros, c’est la valeur de la production agricole en Russie en 2014, soit 4% de la valeur ajoutée brute.

© REUTERS

Youri Orlov, fermier de Mordovie (région de la Volga), possède une exploitation laitière et a obtenu sa première allocation. Le financement de l’État lui a permis d’équiper sa ferme de matériel dernier cri et d’acheter quinze vaches de race. Afin de poursuivre le développement de son entreprise individuelle, il envisage de participer au concours pour l’obtention d’allocations aux fermes d’élevage. Ce programme du ministère de l’Agriculture accepte les demandes de ceux qui ont déjà obtenu l’allocation « Fermier débutant ». L’État débloque entre 43 000 et 100 000 euros pour les fermes « familiales ». Selon les informations du Ser-

EN CHIFFRES

vice fiscal de Russie, le nombre d’entrepreneurs dans le secteur agricole a augmenté de 4 670 unités rien qu’au cours du premier trimestre de l’année. Le nombre de nouvelles entreprises agricoles n’avait pas dépassé les 3 000 pour toute l’année 2014. La présidente du Parti agraire de Russie, Olga Bachmatchnikova, note que ce programme existe depuis 2012, mais qu’il bénéficie d’un intérêt accru cette année. L’allocation s’élève à environ 22 000 euros. Parmi les candidats, on trouve 60% de fermes d’élevage et 40% d’agriculture (dont 25% d’exploitations céréalières). Selon les estimations des fermiers interrogés par RBTH, cette allocation constitue une aide significative pour le démarrage d’une exploitation. Elena Chtcherbakova, avicultrice dans l’Altaï, a enregistré son entreprise individuelle le 15 juillet dernier. « Mon objectif est de présenter une demande pour l’allocation, a-t-elle indiqué. Pour nous c’est une chance de toucher des ressources afin d’obtenir ce que nous ne pouvons pas acheter nousmêmes : des couveuses, notamment industrielles, qui coûtent 8 000 euros pièce ». Les affaires dans le monde agricole ont le vent en poupe, sur fond de croissance de la demande des consommateurs russes générée par les contre-sanctions. « L’embargo a libéré de la place sur les rayons des supermarchés pour les entrepreneurs russes », souligne Mikhaïl Nikolaïev, partenaire gérant de

l’entreprise Nikolaïev & fils et de la propriété viticole Lefkadia. D’après lui, le nombre de Russes achetant les fromages du pays a augmenté de 40% au cours de cette année. À la fin de l’année dernière, ses entreprises ont augmenté leurs capacités afin de répondre à la forte croissance de la demande. Selon les experts, la Russie possède près de 40 millions d’hectares de terres arables inexploitées. L’année dernière, la production des fermes a constitué 51,4% du marché russe, selon les données de l’Association des exploitations paysannes et des coopératives agricoles de Russie (AKKOR). Des fermiers reconnaissent la possibilité d’accroître cet indicateur, mais font remarquer qu’il faut pour cela augmenter le financement et préserver l’embargo... Olga Bachmatchnikova explique que pour le moment, les subventions de l’État ne sont pas suffisantes pour soutenir tous les fermiers en herbe. Or, le financement du programme d’allocations a été élargi cette année pour passer de 27 millions à 46 millions d’euros. « Cette année, les demandes d’allocation en provenance de toutes les régions de Russie se montent à plus de 360 millions d’euros. Nous comptons entre sept et dix candidats pour chacune, en fonction des régions », poursuit-elle. Le ministère de l’Agriculture promet de débloquer ces cinq prochaines années environ 30 milliards d’euros pour le soutien de l’agriculture.

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Bénévolat S'adapter à une nouvelle culture

Étape russe avant l'émigration vers l'UE SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

© SERVICE DE PRESSE(3)

« Je n'ai pas l'intention de déménager dans un camp de réfugiés », souligne-t-il. « Je parle l'anglais, j'ai une profession, je chercherai donc de meilleures options ». Il se dit pressé de choisir pour ne pas compromettre l'avenir de ses enfants. « Ils ont à peine commencé à s’intégrer en Russie. Si nous partons dans deux ou trois ans, ils devront tout recommencer à zéro pour s'acclimater à un nouveau pays», dit-il.

Au centre, l'enseignement commence dès l'âge préscolaire.

Enfants réfugiés : le défi de l'éducation

Les attentes frustrées Muez Abu Al-Jadael, journaliste syrien et militant des droits de l'homme, aborde la crise sous un angle différent. Il est lui-même réfugié politique, ayant obtenu la protection de la Suède. Diplômé de l'Université russe de l'amitié des peuples, il a tenté à plusieurs reprises, en vain, d'obtenir l'asile en Russie. Aujourd'hui, il aide à distance ses compatriotes à s'adapter à la vie en Russie, en leur apportant une assistance juridique, par le truchement d'ONG et d'associations de défense des droits de l'homme telles que le Comité d'assistance civile caritative, basé à Moscou. Les deux principaux défis auxquels il a été confronté sont « la corruption et la bureaucratie ». De plus, il existe un risque d'abus des droits de l'homme envers les réfugiés qui, selon Abu Al-Jadael, peuvent être exploités par certains employeurs, notamment d'origine syrienne. Selon lui, de nombreux réfugiés sont déçus et préfèrent quitter la Russie pour l'Europe. La Russie est également utilisée comme pays de transit. L'un des itinéraires populaires parmi les réfugiés syriens consiste à prendre d'abord l'avion de Beyrouth à Moscou, puis le train jusqu'à Mourmansk. Enfin, de rejoindre la frontière avec la Norvège ou la Finlande. Selon les autorités norvégiennes, plus de 400 réfugiés sont entrés sur le territoire du pays par la Russie cette année, et ce nombre semble être en hausse constante. Les statistiques officielles du Service fédéral russe des migrations semblent confirmer cette tendance : en 2015, 7 103 Syriens sont arrivés en Russie et 7 162 ont quitté le pays. Le FMS ne donne pas de statistiques sur la destination des réfugiés.

Les problèmes juridiques des Syriens en Russie

Le centre d'éducation et d'adaptation pour les enfants de réfugiés, qui existe en Russie depuis près de 20 ans, aide à maîtriser le russe, mais aussi à s'adapter au nouveau pays. DARIA LIOUBINSKAÏA

Vers un rôle plus actif?

RBTH

L’ONG Amnesty International appelle la Russie à accepter les réfugiés de Syrie et d'autres pays du Moyen-Orient de manière plus engagée. Le directeur de la branche russe de l'organisation Sergueï Nikitine a déclaré à la presse russe que la Russie, un acteur mondial important, devrait être plus active sur la question. Elena Bourtina, directrice adjointe du Comité d'assistance civile pour les réfugiés affirme que la législation russe actuelle est, en fait, favorable aux réfugiés et pourrait les aider à obtenir l'asile pour des raisons humanitaires. « Si la Russie accepte peu de réfugiés, ce n'est pas la conséquence de lois inadaptées. C'est plutôt la conséquence d'une politique gouvernementale », a-t-elle expliqué à RBTH. Entre-temps, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré que les réfugiés syriens peuvent utiliser la Russie comme point de transit, mais la question de l'accueil des réfugiés ne se pose pas en Russie. Son autre argument contre l’accueil des réfugiés syriens est le risque de voir les terroristes de l’État islamique (EI) entrer en Russie sous le couvert des réfugiés. Alexeï Grichine, président du cabinet d'experts russe Religion et Société, acquiesce. « L'EI a activement utilisé les flux de migrants dans son propre intérêt », indique M. Grichine à RBTH en marge d'une conférence au Centre Carnegie de Moscou le 16 septembre dernier. C'est pourquoi, dans l'esprit des autorités russes, la dimension sécuritaire du problème prime pour le moment sur les autres aspects de la crise humanitaire.

Originaire de Grozny, Aminat est arrivée à Moscou en 2000, alors que la deuxième guerre de Tchétchénie battait son plein. Ses frères, sa sœur et elle-même ne disposaient pas de tous les documents nécessaires pour avoir le droit de s'inscrire dans une école normale. C'est le comité Assistance civile – la première organisation sociale de charité pour les réfugiés en Russie – qui a aidé ses parents à les réunir et leur a parlé des leçons dans son centre pour enfants. « Ma sœur suivait des cours d'anglais et je lui ai collé aux pattes. Pas à cause de la leçon, mais simplement parce que le centre était intéressant et chaleureux : il était agréable d'y passer du temps, il y avait beaucoup de personnes généreuses... Je suis encore en contact avec certaines d'entre elles – le professeur d'anglais par exemple », raconte Aminat à RBTH. Ce professeur parlait beaucoup de la vie à Moscou, essayant autant que possible de familiariser les élèves à la nouvelle réalité. Après l'école, Aminat est entrée à l'Université d’État des Sciences humaines de Russie puis, diplôme en poche, est revenue au centre pour y travailler en tant qu'administratrice. Né en 1996, le centre aide les enfants et leurs parents à surmonter le grand nombre de problèmes auxquels ils doivent faire face dans le pays d'accueil. Pour beaucoup, le centre est même la seule possibilité de recevoir une éducation. « On a une famille d'Afghanistan, par exemple, qui est dans ce cas. Le père, Haroun, a fui en Russie après que les Talibans ont tué son père et menacé le reste de sa famille. Haroun vit déjà à Moscou depuis trois ans et n'a toujours pas reçu de statut officiel : aucun de ses neuf enfants ne peut donc étudier dans une école russe », explique Olga Nikolaenko, directrice du centre. Réunir les documents nécessaires n'est pas toujours le principal obstacle : beaucoup d'enfants ne peuvent pas entrer à l'école car ils ne parlent pas le russe. Au centre, l'enseignement commence donc dès l'âge préscolaire. « Ixène est Congolais, il a quatre ans. Il parle déjà russe, raconte Olga. Il dit même qu'il est tombé amoureux de notre volontaire Lena ». « Un autre problème est celui de l'abandon. Les enfants arrêtent souvent leur scolarité à cause de la différence des programmes ou d'une période trop importante passée loin des bancs de l'école », remarque Olga. C'est pourquoi,

© ALENA REPKINA © AP

Selon le Service fédéral migratoire russe (FMS), 12 000 personnes sont arrivées en Russie de Syrie depuis 2011, 2 000 d'entre elles ont obtenu l'asile temporaire dans le pays, 2 666 ont reçu le permis de séjour temporaire, 2 029 le permis de séjour permanent et 5 000 autres attendent la décision de la justice concernant leur statut. Les statistiques réunies par Human Rights Watch indiquent qu'une douzaine de Syriens seulement ont obtenu le statut de réfugiés. « En 2012, quand l'UNHCR a demandé aux représentants des pays signataires de la convention sur les réfugiés d'introduire un moratoire sur leur déportation en Syrie, les autorités russes ont affiché leur fidélité aux réfugiés et ont même commencé à préparer les papiers pour ces derniers », explique Svetlana Gannouchkina, présidente du Comité d'assistance civile. « Mais lorsque les réfugiés ukrainiens ont commencé à affluer dans le pays l'année dernière, les Syriens ont été pratiquement oubliés ». Elle affirme que les autorités moscovites ont même commencé à déporter des Syriens alors que la situation en Syrie s'aggravait. Toutefois, Nikolaï Smorodine,

directeur adjoint du FMS, affirme que la position du pays quant aux réfugiés syriens n'a pas changé. « Nous accordons l'asile aux Syriens en tenant compte de la situation en Syrie, et le FMS en rend régulièrement compte au ministère des Affaires étrangères ».

Le centre les aide à surmonter les problèmes psychologiques.

Plus tôt l'enfant apprend le russe, mieux c'est.

au-delà du russe, les enfants apprennent aussi les mathématiques et peuvent recevoir de l'aide dans les autres matières. Le centre les aide également à surmonter leurs problèmes psychologiques. « Nous avons accueilli il y a un an et demi Maurice, cinq ans, et Djad, sept ans. Leur mère Renée avait réussi à les sortir de Syrie sous les bombardements. Ils étaient traumatisés, très fermés. Aujourd'hui, grâce au travail de notre psychologue, ils sortent progressivement de leur coquille », témoigne Olga. Aujourd'hui, 73 enfants étudient au centre. « La plupart sont originaires de Syrie, d'Afghanistan, du Congo et des anciennes républiques soviétiques comme le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Kirghizstan. Quelques uns viennent d'Ukraine et duYémen », précise la directrice. Le 1er septembre, le centre a reçu des bonnes nouvelles : Marichal, du Congo, et Djad, de Syrie, ont enfin pu intégrer une école russe. « Nous avons eu beaucoup de chance, raconte Olga. C'est une bonne école privée avec de petites classes. Nous nous sommes entendus pour payer une petite somme en accord avec le directeur. Et l'argent nécessaire a été collecté avec l'aide de bénévoles ». Jusque là, Djad s'était vu refuser l'entrée dans 16 écoles. « Lui et sa mère sont donc très heureux », conclut Olga.


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UN EFFORT VERS LE PRAGMATISME Vladimir Tchijov AMBASSADEUR

ujourd’hui, alors que la tempête géopolitique secoue notre voisinage commun, la Russie et l’Union européenne se trouvent dans une situation qui n’est pas sans rappeler les temps anciens. Une fois de plus, il est urgent de trouver une équation mutuellement acceptable et capable de concilier la sécurité régionale, la modernité et le progrès. La Russie et l’UE sont-elles toujours capables de négocier et de trouver un arrangement sincère ? La réponse est "oui". L’accord récent sur le programme nucléaire iranien en est la preuve. Pourtant, ce qui est en jeu dans nos relations aujourd’hui dépasse largement la question iranienne. Il s’agit de l’avenir du continent européen, dont la Russie et l’UE font toutes deux partie. La crise ukrainienne nous a enfin confrontés à la question décisive : la Russie et l’UE sont-elles réellement capables et prêtes à construire une sécurité et une architecture économique pan-européennes indivisibles, qui poursuivraient un scénario de coopération gagnantgagnant ou sommes-nous voués à voir nos chemins se séparer ? En ce qui concerne l’Union européenne, nous nous sommes efforcé, depuis le début des années 1990, à construire une relation mutuellement bénéfique et interdépendante. Malgré de nombreux revers, nous avons parcouru un long chemin. Avant l’éclatement de la crise ukrainienne, le volume d’échanges commerciaux entre la Russie et l’Union européenne s’élevait à 1 milliard d’euros par jour. Il avait triplé entre 2002 et 2012. Encore

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aujourd’hui, la Russie reste le troisième plus gros partenaire commercial de l’UE et son principal fournisseur d’énergie. Il ne s'agit pas d'idéaliser cette relation. Elle a été de plus en plus truffée de défauts et de handicaps systémiques qui ont été partiellement corrigés grâce à nos canaux de communication structurés sur différents niveaux. En particulier, la transformation interne de l’Union européenne suite à l’expansion « big bang » de 2004 et le traité de réforme de Lisbonne qui a suivi ont abouti à une restriction de la flexibilité des positions européennes sur la scène internationale. Sur de nombreux sujets d’importance mutuelle, comme la gestion des crises, la Russie a souvent été confrontée à une approche « à

La Russie a souvent été confrontée à une approche « à prendre ou à laisser » niant ses intérêts

prendre ou à laisser » qui semblait régulièrement nier ses préoccupations et intérêts. Ces tendances inquiétantes ont convergé en Ukraine. En mai 2013, les hauts fonctionnaires européens ont clairement indiqué que l’enjeu du sommet du Partenariat oriental à Vilnius à venir serait de « gagner l’Ukraine » dans la « bataille géopolitique d’Europe ». Cette approche était clairement erronée. L’Ukraine n’aurait jamais dû servir de terrain de jeu géopolitique. C’est un pays économiquement fragile et culturellement hétérogène, en proie à des contradictions internes. Ce dont l’Ukraine a besoin est une identité nationale commune, suffisamment vaste pour embrasser tous les groupes ethniques et

linguistiques qui peuplent le pays. Mais pour qu’une telle identité puisse émerger, le temps, la stabilité et les bonnes relations tant avec l’UE qu’avec la Russie sont essentiels. Et maintenant, une question à un million d’euros : comment développer nos relations pour parvenir à une situation gagnant-gagnant pour les deux parties ? Pour commencer, nous devons œuvrer pour le retour à la normale. Le simple « redémarrage » de nos relations, pour utiliser ce terme en vogue, n’éliminera pas leurs défauts systémiques. Premièrement, notre relation doit devenir un partenariat authentique entre sujets égaux, soucieux de prendre systématiquement et soigneusement en compte nos préoccupations mutuelles. Deuxièmement, la coopération économique entre la Russie et l’Union européenne, dans laquelle nous avons investi tant de temps et

d’efforts, doit rester un important « coussin de sécurité ». Non seulement elle fournit des emplois et de la croissance à travers le continent européen, mais elle isole nos pays des tensions politiques. Troisièmement, notre relation doit devenir moins idéologique et plus pragmatique. L’implacable rhétorique antirusse des médias occidentaux, répétée malheureusement dans certaines institutions européennes, ne peut guère être qualifiée de stratégie dans les relations avec la Russie. Elle n’en est qu’un frêle substitut. Et enfin, la Russie et l’Union européenne doivent s’unir pour gérer les multiples crises qui secouent notre « voisinage commun ». Pour la Russie, le tournant désastreux dans les régions du soi-disant « printemps arabe » ainsi qu’en Ukraine a beaucoup à voir avec les tentatives d’injecter l’idée de la suprématie des valeurs occidentales dans des environnements régionaux très complexes. Évidemment, étant une puissance à la fois européenne et eurasienne, la Russie ne tournera pas aveuglément son dos à l’Union européenne. L’espace de l’Union européenne restera, dans un avenir prévisible, son principal partenaire commercial et investisseur. Néanmoins, le monde alentour change rapidement. En pensant à l’avenir des relations entre la Russie et l’Union européenne et aux choix auxquels nous sommes tous confrontés, je crois que nous devons réfléchir de manière pragmatique et réaliste, mais aussi stratégique. Vladimir Tchijov, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire, Représentant Permanent de la Fédération de Russie auprès de l'Union européenne.

© DMITRY DIVIN

L'ONU : UN MÉCANISME FRAGILE POUR TROUVER DES COMPROMIS Gueorgui Bovt POLITOLOGUE

resque tous les orateurs qui ont précédé Vladimir Poutine à la tribune de l'ONU ont évoqué la Seconde Guerre mondiale. D’une part, pour rendre hommage à l’anniversaire de la Victoire, d’autre part, pour rappeler que c’est un « pont » vers les temps modernes où l'accent est mis sur la prévention des conflits. Beaucoup soulignent le manque d’efficacité de l'ONU, et exigent des réformes. Une initiative appelle à limiter le recours au droit de veto par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Cette proposition a un aspect conjoncturel : plusieurs pays veulent priver la Russie du droit de veto dans le contexte de la crise ukrainienne. L’idée n’est soutenue que par un peu plus d’un tiers des pays membres. Et si l’on fait abstrac-

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tion de la crise ukrainienne et du désir de « punir » Moscou, personne ne peut prévoir l’impact de la suppression du droit de veto sur le fonctionnement des Nations unies. La menace du veto pousse les « grandes puissances » à chercher un compromis. Comme l’a fait remarquer Vladimir Poutine, l'ONU « ne suppose pas une unanimité… L’objectif central de l’organisation est d’encourager à trouver des compromis ». Ce qui était inattendu dans le discours deVladimir Poutine, c’est la critique de l’URSS pour « ses tentatives de lancer des expériences socialistes dans d’autres pays », ce qui a débouché parfois sur des désastres. Tout le monde a compris la motivation d’une idée aussi farfelue : selon lui, de telles tentatives se matérialisent actuellement dans « l’exportation des révolutions ». L’allergie aux révolutions est une idée fixe du Kremlin, mais le fait est que le droit international moderne, no-

tamment les documents des Nations unies, se sont révélés impuissants face aux situations dans lesquelles des pays entiers se retrouvent en ruines, sans institutions d’État fonctionnelles, à la suite de révolutions soutenues de l'étranger. La Libye a déjà subi une « démocratisation » de ce genre. La Syrie est au bord d’une catastrophe semblable. Contrairement à toute attente, le leader russe n’a pas donné le détail des désaccords sur la Syrie entre Moscou et Washington, réservant le sujet pour son tête-àtête avec Barack Obama. Il s’est tourné vers un dossier « consensuel » de la lutte contre l'État Islamique. Comme contrepoids aux États-Unis en Syrie, Vladimir Poutine a proposé de mettre en place une coalition anti-terroriste « qui aurait pour base les pays islamiques ». Sur le dossier ukrainien, politiquement explosif, l’homme fort du Kremlin ne s’y est arrêté que

pour réitérer la position officielle de Moscou. Mais Vladimir Poutine ne serait pas ce qu’il est s’il n’avait pas vilipendé une nouvelle fois « la mentalité des blocs » (qui se manifeste dans l’élargissement de l'OTAN) et les tentatives de domination unilatérale sur le monde. Et si une heure plus tôt, Barack Obama déclarait que les sanctions contre la Russie resteraient en vigueur, Vladimir Poutine a répliqué : « Les sanctions unilatérales adoptées en contournant l’ONU visent des objectifs politiques et, en outre, permettent d’éliminer des concurrents économiques ». Ayant sans doute en vue les projets de création des zones de libre-échange transatlantique et transpacifique, il a condamné « la formation d’unions économiques exclusives fermées », en proposant d’examiner le sujet aux Nations unies et au sein de l’Organisation mondiale du commerce. « Il semble qu’on veuille nous

placer devant un fait accompli : les règles du jeu ont été réécrites au gré d’un nombre restreint de pays. Ce qui risque de déséquilibrer l’économie internationale », a souligné le président russe, en laissant entendre qu’il engagerait des débats sur ce dossier au niveau du G20. Un format dont la Russie n’a pas été exclue, à la différence du G8. Moscou s’y manifestera vraisemblablement en commun avec Pékin, car les ÉtatsUnis ne cherchent pas à cacher que le partenariat transpacifique est créé dans une grande mesure en contrepoids à la puissance croissante de la Chine. Poutine a également fixé les priorités dans le contexte global : éviter toute ingérence dans les affaires de pays souverains et soutenir les gouvernements légitimes, surmonter la « mentalité de blocs » en faveur de l’intégration économique, lutter ensemble contre les défis globaux et revenir à « la bonne volonté » figurant à la base des documents fondamentaux des Nations unies. Dans la foulée,Vladimir Poutine a rencontré Barack Obama – pour la première fois depuis deux ans dans le cadre de négociations officielles. Les deux hommes se sont efforcés de convaincre de leur bonne foi leur interlocuteur.

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QUESTIONS & RÉPONSES

© SERVICE DE PRESSE(3)

Le futur, synthèse de l'art vidéo et des grands maîtres Extraits de l'installation vidéo Festin chez Trimalcion.

« Brève histoire de l'avenir », une création en deux volets, est présentée simultanément dans deux grands musées, le Musée royal des Beaux-Arts de Bruxelles et le Louvre. Les membres du collectif russe AES+F nous présentent leurs projets et les spécificités de la création en commun.

À Bruxelles, 60 artistes sont inclus dansl'œuvre.Desquelsvoussentezvous les plus proches ? De Warhol, entre autre. Nous le considérons comme une figure ayant influencé l'art de la fin du XXe siècle. Parmi les artistes vivants – Jake et Dinos Chapman, Andreas Gursky, David LaChapelle... Parmivosœuvres,laquelleparticipe au projet ?

De gauche à droite : Vladimir Fridkes, Tatiana Arzamasova, Evgeny Svyatsky et Lev Evzovitch.

Une partie de notre trilogie – l'installation vidéo Festin chez Trimalcion. Elle combine plusieurs techniques : l'animation, la photographie et l'infographie. Dans sa version maximum, c'est une installation en neuf canaux – c'est ainsi qu'elle a été présentée à la biennale de Venise, puis à Sydney, à Moscou et ailleurs. D'ailleurs, le musée privé de la famille Vanhaerents se trouve à Bruxelles – l'œuvre appartient à ce musée et y a été exposée pendant près de deux ans. Pour sa création, nous nous sommes inspirés d'un chapitre du Satyricon de Pétrone. Il parle des festins qui se tiennent dans la maison de Trimalcion, esclave affranchi devenu riche, où il cherche à épater ses amis et connaissances occasionnelles par sa richesse. Il parle également de la com-

© VLAD LOKTEV

Les musées qualifient le projet de « principale exposition de l'année ». Pourquoi, à votre avis ? Il s'agit d'un projet inter-muséal majeur impliquant un grand nombre d'artistes, vivants et disparus. Il compile une longue période d'histoire, près de huit siècles, ainsi qu'une strate sémantique qui émeut aujourd'hui, car l'humanité a le sentiment de se trouver dans un état de transition, à la veille de changements globaux et locaux. Ce sentiment est diffus et partout, c'est pourquoi il émeut. Étant donné que deux principaux musées du monde ont préparé un projet en commun et ont longtemps travaillé sur ce projet, il mérite bien le titre de principal événement muséal européen.

nouent. Les relations se renversent à un certain point, et les clients finissent par servir leurs anciens serviteurs. Cette chaîne de relations est ponctuée des catastrophes perturbant ce « paradis sur terre ».

plexité des relations humaines, notamment. Des rapports entre les esclaves et les maîtres, définis par les règles formelles, mais aussi par leurs relations. Parfois, ces relations inversent les rôles, celui du maître est joué par l'esclave et vice versa. Dans notre œuvre, nous avons donné un sens légèrement différent au nom Trimalcion. Chez nous, ce nom est porté par un hôtel luxueux situé sur une île dans une mer chaude. Cet hôtel a tout, c'est une station balnéaire paradisiaque fréquentée par les puissants de ce monde. Ils sont accueillis par les habitants de ce paradis, les représentants du « tiers-monde », c'està-dire principalement des gens de couleur. Tout semble aller bien, dans l'ennui rituel de ce genre de stations. Puis des relations humaines se

Racontez-nous la naissance de votre collectif. Il est né par hasard. Lev et Tatiana sont architectes de formation, plus précisément des « architectes de papier ». Lev s'est essayé à l'animation et à la direction artistique. Tatiana créait des estampes et faisait de la décoration d'intérieur. Ils travaillaient toujours séparément, car ensemble, ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord. À ce moment-là, Anatoli Vassiliev, célèbre metteur en scène, a proposé de créer un livre sur l'histoire du spectacle Le Cerceau qu'il donnait alors au Théâtre de la Taganka, à Moscou. Il avait de vastes archives du spectacle et voulait en faire un livre. Mais amis ont accepté la commande, mais ne savaient pas trop comment s’y prendre. Ils ont cherché un partenaire connaissant la polygraphie et l'illustration. Comme je suis illustrateur, ils m'ont trouvé par des amis en commun. Nous avons réalisé le projet et avons décidé de continuer à travailler ensemble. Ce livre reste à ce jour le principal souvenir du théâtre. Volodia Fridkes nous a rejoint au milieu des années 1990, quand nous avons commencé à expérimenter avec la photographie.

Vous êtes ensemble depuis plus de 20 ans. Comment travaillez-vous à quatre ? Tout se fait dans un dialogue – nous passons beaucoup de temps à discuter de nos idées. D'abord, c'est un éventail d'idées, puis cela se précise de plus en plus. D'habitude, nous discutons d'un nouveau projet pendant près d'un an jusqu'à ce qu'il deviennent intelligible pour nous. Ensuite, nous arrivons à l'étape où nous sommes prêts à mettre l'idée en œuvre. Nous lançons les préparatifs, imaginons les costumes, consacrons plusieurs mois au casting. Puis, arrive le processus court, mais intense, de tournage – un énorme travail stressant où nous tournons pendant 10 à 14 jours du matin au soir. Nous analysons cet immense enregistrement et lançons la post-production – l'animation, le morphing, etc. En sa qualité de photographe, Volodia Fridkes est la caméra principale. Lev Evzovitch devient le metteur en scène du tournage. Evgueni et Tatiana sont des assistants réalisateurs, car nous devons attribuer des rôles comme dans un tournage de cinéma. Ils veillent à ce qu'aucune idée ne soit oubliée. Le projet muséal actuel est inspiré du livre éponyme du Français Jacques Attali. On dit de lui qu’il prédit l’avenir. Vous êtes également qualifiés de prophètes, surtout par rapport au « Projet islamique ». Avez-vous le sentiment de l'être ? Parfois, oui (rires). Le projet est

devenu célèbre dans les années 90, puis, après le 11 septembre 2001, il a connu un succès aux États-Unis et au Canada. Il reste demandé à ce jour. Le thème de l'islam était déjà alors, comme aujourd'hui, extrêmement sensible. Nous sommes partis de la guerre en Tchétchénie dans les années 1994-95. Cette guerre peut être décrite comme un conflit autour de l'islam. À un certain point, nous avons décidé de faire abstraction des conflits locaux concrets, pour viser plus haut et de tenter une vision plus large de l'histoire et de la pratique des relations entre les civilisations, les religions et les cultures. À mesure que nous approfondissions nos recherches sur l'histoire des relations, nous avons décidé de créer une série d'images des villes du monde en y implantant des éléments de l'architecture islamique au milieu de l'architecture occidentale. Nous avons, par ailleurs, choisi des vues d'anthologie – avec Notre-Dame de Paris ou Manhattan, où nous avons détruit certaines choses et avons remplacé d'autres par des mosquées. Par exemple, nous avons installé le dôme de la mosquée de Boukhara sur le Musée Guggenheim. Un déplacement de certaines réalités d'un monde à l'autre. Nous voulions que le projet devienne une plate-forme de discussions pour le public, et c'est ce qui s'est passé. Une sorte de psychanalyse publique. Propos recueillis par Oleg Krasnov


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