Russia Beyond The Headlines (France)

Page 1

Vendredi 13 novembre 2015

fr.rbth.com

Visions de la Russie Distribué avec

Parmi les autres partenaires de distribution : The Daily Telegraph, The New York Times, The Washington Post, La Repubblica, etc.

C E C A H I E R D E H U I T PA G E S E S T É D I T É E T P U B L I É PA R R O S S I Y S K AYA G A Z E TA ( R U S S I E ) , Q U I A S S U M E L ’ E N T I È R E R E S P O N S A B I L I T É D E S O N C O N T E N U

LE « RÊVE RUSSE » D’UN ENTREPRENEUR FRANÇAIS

INVESTISSEMENTS Les grands groupes français présents en Russie adaptent leur stratégie

L’étonnant parcours de Nicolas Chavrot : de la débrouille à la réussite commerciale. PAGE 4

GUERRE EN SYRIE : QUELLE STRATÉGIE DE SORTIE ? Le politologue Fedor Loukianov décrypte les enjeux de l’opération militaire russe et les incertitudes de tout engagement au Proche-Orient. PAGE 6

LES SENSATIONS EXTRÊMES DE L’HIVER MOSCOVITE

Face à la crise, des solutions pour ne pas baisser pavillon Dans une économie russe affaiblie par la chute du rouble et des cours du pétrole, des entreprises françaises tirent leur épingle du jeu. Exemples. LOUIS BONAVENTURE POUR RBTH

Promenades en traîneau, bain russe, croisière en yacht « brise-glace » : le Moscou hivernal offre un large éventail de loisirs insolites. PAGE 7

LES DEUX PAYS D’ÉLISABETH VIGÉE LE BRUN La portraitiste française, qui fait l’objet d’une rétrospective à Paris, a laissé sa marque à Moscou et Saint-Pétersbourg après avoir vécu sept ans en Russie, sa « seconde patrie ». PAGE 8

Les incertitudes liées à l’évolution des cours du baril de pétrole, qui continue à osciller sous la barre des 50 dollars, couplées aux sanctions occidentales et à la dégringolade du rouble, plombent la consommation en Russie. « L’environnement économique russe est diffi-

cile, mais absolument pas comparable à l’effondrement qui s’est produit en Ukraine », souligne Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, un centre analytique créé à l’initiative de la Chambre de commerce et d’industrie des deux pays (CCIFR).

DMITRI DIVINE

« Il faut nuancer selon les secteurs. Si certaines entreprises se portent très bien, d’autres sont à la peine », poursuit l’expert. Des investisseurs français nous disent comment ils ont pu faire face. SUITE EN PAGE 4

SYRIE La population se rallie à l’intervention militaire de la Russie après une période d’incertitude

Comment lire le soutien de l’opinion La réaction de la population russe au premier engagement militaire hors de l’ex-URSS emporte l’adhésion. Mais les spécialistes évoquent une certaine confusion dans les esprits. EKATERINA SINELCHTCHIKOVA RBTH

Moins de cinq heures ont séparé, fin septembre, l’autorisation donnée au président Poutine d’utiliser des troupes à l’étranger et la première attaque aérienne russe en Syrie. La population n’a pu se former d’emblée une idée dominante à l’égard de cette opération, tout s’étant passé beaucoup trop vite, soulignent les sociologues. Dans les groupes de discussion, les commentaires

le plus souvent émis étaient sur le mode : « pour le moment, nous ne savons pas ce que nous devons en penser, car nous n’avons aucune information ». Une dizaine de jours plus tard, les deux principaux instituts d’opinion publique du pays,VTsIOM et Levada, publiaient des sondages montrant qu’une majorité de Russes approuvaient globalement la campagne militaire. Dans les mêmes moments, la cote de popularité de Vladimir Poutine battait son record historique pour atteindre près de 90%. Mais les Russes comprennent-ils aux côtés de qui et contre qui se battent les militaires de leur pays ? Saisissentils bien les objectifs et les enjeux de cet engagement ? Les sondages

semblent indiquer que la réponse est négative.

La Syrie occultée par l’Ukraine Il y a un an, la guerre civile en Syrie était loin d’arriver en tête des bulletins d’information russes. Parmi les personnes qui s’affirmaient au courant des événements dans ce pays, plus de la moitié disaient ne soutenir aucune des parties du conflit. La menace posée par les terroristes de l’État islamique (EI, organisation interdite en Russie) était perçue comme secondaire, certains sondés mal renseignés la qualifiant même comme un allié potentiel de la Russie dans l’arène géopolitique. C’est ce que rappelle l’expert du centre Levada, Stepan Gontcharov : « Cette situation a

persisté jusqu’à la fin de l’été dernier, lorsque les premières informations sur le transfert des troupes vers la base russe en Syrie ont commencé à être reprises par la presse. Le grand public n’a pris conscience du nouveau conflit que plus tard encore, quand les chaînes de télévision fédérales ont commencé à s’y intéresser ». Au moment des premières frappes, les opérations des islamistes de l’EI, du Front alNosra (branche locale d’Al-Qaïda, également interdite en Russie) et des autres radicaux n’avaient pas encore remplacé le sujet qui jusqu’alors faisait la Une de la presse russe, à savoir la crise dans le sud-est de l’Ukraine. SUITE EN PAGE 2

VOTRE SOURCE FIABLE D’ACTUALITÉS ET D’ANALYSES SUR LA RUSSIE * 83 % des lecteurs font confiance à rbth.com pour recueillir les avis d’experts russes sur les grandes questions. 81 % des lecteurs estiment que rbth.com fournit des informations et des analyses allant au-delà de la couverture dans les autres médias.

77 % des lecteurs estiment que le site de RBTH s’adresse au grand public, et pas seulement à un lectorat spécialisé concernant la Russie. * Statistiques basées sur un sondage public effectué le 15 mars 2015 sur le site de RBTH.

Rendez-vous sur un réseau en ligne mondial à l’accent russe : fr.rbth.com


Vendredi 13 novembre 2015

2

Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro

POLITIQUE & SOCIÉTÉ

Syrie : entre soutien et confusion SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

« Quand le Conseil de la Fédération a été saisi de la demande d’autorisation d’utiliser les forces armées à l’étranger et quand il s’est avéré qu’il ne s’agissait ‘que’ de la Syrie, la première réaction, paradoxalement, fut celle du soulagement. On craignait une nouvelle aggravation sur le front ukrainien et cela nous effrayait beaucoup plus. C’était ma réaction et celle de nombreuses autres personnes sur Facebook », raconte Ekaterina Schulmann, politologue et professeur associé de l’Institut des sciences sociales au sein de l’Académie présidentielle russe d’économie nationale et d’administration publique. D’autant qu’on a vite compris que la campagne syrienne était par ailleurs une tentative visant à reprendre le dialogue avec les pays occidentaux et éviter l’isolation, ajoute-t-elle.

ment l’expression d’une tendance antiaméricaine. « L’essentiel est qu’il y ait un ennemi évident et que nous fassions mieux que les Américains – cela suffit, ce qui s’y passe concrètement n’est pas très important », explique Mikhaïl Korostikov, spécialiste de la politique internationale et directeur du département du développement stratégique de l’Université d’État d’économie, statistique et informatique de Moscou. En somme, un pays exposé à un conflit armé, quel qu’il soit, pourrait être substitué à la Syrie, en ce sens que la réaction à une intervention militaire de la Russie serait la même, constatent nos interlocuteurs. La dernière étude de l’École des hautes études en sciences économiques montre que l’opinion publique russe peut changer très rapidement, note M. Korostikov. C’est par exemple le cas des relations avec Pékin. « Il y a deux ans, la Chine ne figurait pas sur la carte des alliés de la Russie ; aujourd’hui c’est l’allié numéro 1 sur toutes les questions », fait-il remarquer.

Approuvez-vous les frappes russes contre l’EI ?

Suivez-vous la situation en Syrie ?

« C’est sans doute nécessaire » En réalité, en dépit d’un pourcentage élevé de personnes approuvant l’intervention en Syrie, peu nombreux sont les Russes à comprendre les subtilités du Proche-Orient et ils ne cherchent pas toujours à les comprendre. « Quand ils en savent quelque chose, ils en restent aux vieux clichés soviétiques : ‘les Arabes’ et ‘Israël’. La situation à l’intérieur de la Syrie et ses différents mouvements islamistes ne les intéressent tout simplement pas », estime Leonti Byzov, de l’Institut des recherches sociales mondiales. Les gens se forgent une opinion à partir des émissions de télévision et des bulletins d’information, explique M. Byzov. C’est ce qui apparaît clairement dans la simplicité de leurs réponses à la question : qui combat qui et pourquoi ? « Ils pensent que Poutine sait ce qu’il fait et que si le Conseil de la Fédération lui a donné un feu vert, c’est que l’intervention est nécessaire », précise-t-il. Par ailleurs, le soutien de l’opinion à l’intervention en Syrie est manifeste-

« Ce n’est pas notre guerre » En chiffres

72% des Russes jugent que l’EI présente un danger qui justifie les frappes aériennes russes en Syrie, selon le Centre Levada.

63% des sondés justifient pour les mêmes raisons les frappes françaises en Syrie.

ALENA REPKINA

RIA NOVOSTI

L’intervention en Syrie est largement approuvée par les Russes, selon les sondages dont les chiffres sont toutefois sujets à interprétation.

Certains Russes affirment de leur côté être prêts à partir combattre les terroristes sur le champ, et ce quelle que soit la destination. « La Syrie ou la Novorossia [Nouvelle Russie, ndlr], quelle différence ? Dans les deux pays, c’est l’anarchie et quelqu’un doit y mettre fin. Dans les deux pays, il y a des enfants. Si on les laisse tomber, ils seront tous morts », estime Igor, un habitant d’Ouglitch (Russie) qui s’était engagé dans le Donbass comme combattant volontaire. Aujourd’hui, des hommes comme lui forment de petits groupes sur les réseaux sociaux et recherchent ensemble les moyens de partir en Syrie. Ils reconnaissent toutefois la difficulté actuelle de la chose en l’absence de filières officielles et compte tenu des obstacles qui compliquent la recherche de canaux informels. Le ministère de la Défense n’a pas souhaité répondre aux questions du journal sur le nombre de volontaires russes engagés en Syrie. Pourtant, dans leur majorité, les Russes considèrent que « ce n’est pas notre guerre » : les Syriens ne sont pas subitement devenus un peuple ami et le conflit qui les font fuir n’est pas une « guerre sacrée » qu’il faut mener jusqu’au bout et à tout prix, analysent les sociologues. Il s’agit pour beaucoup d’une guerre virtuelle. Certes, ni les réfugiés syriens (qui n’affluent pas en Russie), ni les éventuelles pertes économiques ne semblent refroidir l’enthousiasme de ceux qui veulent partir : le besoin de participer à une grande mission reste fort chez les Russes. « Cependant, estime la politologue Ekaterina Schulmann, la société russe a un point faible, lié en partie au traumatisme afghan et, plus généralement, à la mémoire de la Seconde Guerre mondiale… Dès qu’on est confronté à des pertes humaines potentielles, l’opinion se dégrade brutalement. La société est prête à se réjouir de la manifestation de la puissance militaire et internationale russe, mais pas à payer pour ça ».

HANDICAP Les enfants souvent victimes de rejet et d’indifférence en dépit d’une émergence de l’action sociale en Russie

Le combat pour que la différence ne fasse plus l’objet de discrimination Il a suffi que la sœur autiste du mannequin Natalia Vodianova soit scandaleusement expulsée de la terrasse d’un café pour que les médias s’emparent du problème des handicapés en Russie. MARIA FEDORICHINA POUR RBTH

Cet été, la famille de Natalia Vodianova s’est retrouvée sous le feu des médias, mais pour une fois, ce n’était pas en raison de sa beauté mondialement célèbre. Tout a commencé lorsque le mannequin vedette a relaté sur sa page Facebook que sa sœur Oksana, atteinte d’autisme et d’IMC, avait été chassée d’une terrasse de café, car son apparence « faisait fuir les clients ». La justice a condamné les propriétaires de l’établissement de Nijni-Novgorod à une amende de 3 millions de roubles (43 700 euros) et engagé une procédure pénale pour violation des droits d’une personne en situation de handicap. Toutefois, un mois après l’incident, les parties au conflit ont opté pour la conciliation. Dans son entretien, NataliaVodianova a déclaré : « Ce n’est pas parce qu’ils sont mauvais que la plupart des gens se comportent ainsi, mais parce qu’ils manquent d’information. Il faut éduquer la population ». Pour la presse russe, l’incident a servi d’appel à l’action – les médias ont commencé à publier de nombreuses histoires sur les enfants aux besoins spéciaux, no-

Natalia Vodianova et sa sœur Oksana.

ARCHIVES PERSONNELES

tamment le cas de Nastia, atteinte de trisomie 21 et abandonnée par ses parents à la maternité sur les conseils des médecins, ou encore de Macha, qui « gâche » les photos de classe.

Un syndrome non photogénique En chiffres

13 millions de personnes handicapées, dont 604 000 enfants, vivent actuellement en Russie.

Atteinte elle aussi de trisomie 21, la petite Macha, 7 ans, est élevée par une mère solitaire. N’ayant personne à qui elle pouvait laisser sa fille, la jeune femme, institutrice, l’amenait avec elle à l’école. Installée au dernier rang, Macha dessinait tranquillement. Tout allait bien jusqu’à ce que son visage apparaisse sur les pages de l’album de classe. Un scandale a alors éclaté : les parents des élèves ont demandé à ce que la photo de la petite fille soit

retirée. Cinq élèves ont même été transférés dans d’autres classes. Ce cas est loin d’être isolé : selon un sondage de VTsIOM, 17% des Russes s’opposent à ce que les enfants handicapés fréquentent les mêmes classes que leurs enfants et petits-enfants. « La société manque toujours d’expérience de la communication avec des personnes ‘différentes’. Et tant que nous ne croiserons pas ces enfants autour de l’aire de jeux, au théâtre et dans les classes avec nos propres enfants, nous n’aurons pas cette expérience, explique la сhef du service de presse de la fondation caritative Downside Up Ioulia Kolestnitchenko. Sans cette expérience, les mythes et les préjugés perdureront ».

L’argent public ne suffit pas La vie de la journaliste Ekaterina Men a changé il y a 9 ans quand sont fils a été diagnostiqué d’autisme. « Du point de vue du système, mon enfant était un rebut. Moi, j’estime que mon enfant est précieux. Mon activité est née de cette contradiction, raconte Ekaterina qui dirige actuellement le Centre des problèmes d’autisme. J’ai été confrontée à l’absence totale d’aide pour mon enfant. Je devais soit quitter le pays pour un lieu où une aide appropriée existait, soit faire quelque chose pour lui ici ». Pourtant, quand la jeune femme s’est lancée, elle s’est rendu compte qu’il était

Manque de professeurs spécialisés Les enfants autistes ne sont admis que dans des écoles spécialement adaptées. Pourtant, bien qu’officiellement inscrits dans ces établissements, ils restent pour la plupart à la maison, faute de spécialistes qui sachent s’occuper d’enfants atteints de ce handicap. L’école envoie un enseignant à domicile deux fois par semaine aux enfants qui ont officiellement renoncé à la scolarité, mais il s’agit des mêmes enseignants et cela ne change pas la situation.

impossible d’obtenir des changements pour un seul enfant – ils devaient être systémiques pour tous. D’abord, Ekaterina s’est battue pour que son enfant ait le droit de fréquenter l’école publique. Il y a quatre ans, son association a mis au point un modèle inclusif d’intégration des enfants autistes dans l’environnement scolaire général. « Il a fallu former des personnes capables de l’enseigner, car ce personnel n’existait simplement pas. Nous avons créé un modèle d’inclusion pour lequel nous avons formé des spécialistes et une école spéciale. Aujourd’hui, on tente d’introduire ce modèle dans d’autres établissements. Dans notre école, nous avons 22 enfants atteints d’autisme qui, auparavant, n’auraient jamais pu intégrer le système scolaire », explique Ekaterina. Elle avoue que son projet a pu être réalisé grâce au financement de la fondation caritative Galtchonok, car l’argent public ne suffit pas. Pavel Astakhov, un médiateur russe pour les droits des enfants, confirme que de nombreuses associations aident actuellement les enfants handicapés. Ce qui manque, c’est « un travail systémique ». En particulier, alors que le nombre d’enfants handicapés a crû de près de 10% au cours de ces cinq dernières années en Russie, il n’existe toujours pas de registre fédéral unique de ces cas, souligne-t-il. Ioulia Kolestnitchenko partage son avis : « Un système suppose une continuité dans le soutien aux familles, ou du moins un parcours éducatif et social clair. Actuellement, l’État ne propose qu’un choix de services dont il est très difficile de bénéficier. Aucune réponse claire n’est apportée. Dans la plupart des cas, les parents utilisent les services qu’ils sont parvenus à trouver tout seuls ».

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES (RBTH) PUBLIE 36 SUPPLÉMENTS DANS 29 PAYS POUR UN LECTORAT TOTAL DE 28,4 MILLIONS DE PERSONNES ET GÈRE 21 SITES INTERNET EN 17 LANGUES. LES SUPPLÉMENTS ET CAHIERS SPÉCIAUX SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), ET DIFFUSÉS DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX SUIVANTS: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • HANDELSBLATT, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE • NEDELJNIK, GEOPOLITIKA, SERBIE • LE JEUDI, TAGEBLATT, LUXEMBOURG • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES, FOREIGN POLICY, INTERNATIONAL NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATSUNIS • THE ECONOMIC TIMES, THE NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • HUANQIU SHIBAO, CHINE • LA NACION, ARGENTINE • EL PAÍS, CHILI • EL PERUANO, PÉROU • EL PAÍS, MEXIQUE • FOLHA DE S.PAULO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • LA RAZON, BOLIVIE • JOONGANG ILBO, JOONGANG SUNDAY, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • AL-AHRAM, ÉGYPTE • THE NATION, PHUKET GAZETT, THAÏLANDE • THE AGE, SIDNEY MORNING HERALD, AUSTRALIE. COURRIEL : FR@RBTH.COM. POUR DE PLUS AMPLES INFORMATIONS, CONSULTER FR.RBTH.COM. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)



Vendredi 13 novembre 2015

4

Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro

DOSSIER

INVESTIR EN RUSSIE

LA CRISE ? SAVOIR FAIRE AVEC SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Leroy Merlin, qui a ouvert sa première enseigne en Russie il y a 11 ans, fait partie des sociétés qui ont le vent en poupe. « Nous avons un peu moins de clients, et ils achètent moins d’articles qu’auparavant mais notre chiffre d’affaires progresse. Pas autant que les autres années, mais de 5% à 10% tout de même pour 2015 », se féliciteVincent Gentil, directeur général de la filiale associée à la construction et au bricolage. Ce succès, il le doit au concept de prix bas qui colle à la demande de la clientèle russe et que la marque a toujours mis en avant sur ce marché. « Nous n’avons pas modifié notre stratégie et nous maintenons nos plans de développement, comme notre niveau d’investissement en Russie », explique M. Gentil en précisant qu’à partir de 2017, Leroy Merlin ouvrira 20 magasins par an en Russie. Si la construction de nouveaux logements est à la baisse, Leroy Merlin peut s’appuyer sur le marché de la rénovation et l’amour que les Russes portent à l’aménagement de leurs datchas.

Le secteur de la construction reste sinistré « La baisse du marché de la construction est importante et nous nous attendons à ce que cela continue en 2016 », confirme Gonzague de Pirey, directeur de Saint-Gobain Russie, avant de souligner que le groupe français parvient néanmoins à conserver ses positions sur le marché russe grâce à la stratégie mise en place depuis 2012, année où il a décidé d’accroître ses capacités locales de production, notamment dans la fabrication de mortiers qui étaient jusqu’alors partiellement importés de Finlande. « Peu de nouveaux projets de construction ont été lancés au deuxième semestre 2015, ce qui veut dire que les huit prochains mois seront difficiles », analyse le responsable qui reste cependant convaincu du potentiel du marché russe. « En Russie, un habitant dispose d’une habitation de 24 mètres carrés, contre 40 en Europe. Les besoins de la population en mètres carrés, ainsi qu’en termes de qualité et de confort des bâtiments d’habitation sont très importants et Saint-Gobain est bien positionné sur ce marché », poursuit Gonzague de Pirey.

En chiffres

14 milliards d’euros, volume cumulé des investissements directs français en Russie, cite Emmanuel Quidet, président de la CCI France Russie. L’usine Isover (groupe Saint-Gobain) à Yegorievsk, dans la région de Moscou.

Maïsadour fait également partie de ces entreprises françaises qui font le dos rond et s’adaptent en attendant que les affaires reprennent. « Nous avons connu en 2014-2015 une baisse des volumes et du chiffre d’affaires d’environ 30%, sachant que lors de l’exercice 2013-2014, il s’élevait aux environs de 20 millions d’euros », précise Marc Lefort, directeur de la Business Unit Russie du producteur français de semences de maïs et de tournesol hybrides.

Des solutions originales pour gérer l’instabilité monétaire Pour amortir les conséquences de la fluctuation du rouble, la société a mis en place, l’année dernière, une politique commerciale plus souple à l’égard des agriculteurs. Ces derniers paient les se-

En ligne

Cinq conseils pour améliorer l’engagement des salariés en Russie fr.rbth.com/483365

mences après la récolte, soit un délai de plusieurs mois, durant lesquels le cours du rouble peut fortement osciller. Maïsadour a décidé de fixer le prix des semences à un taux inférieur de cinq roubles au taux de change tel qu’il est le jour du paiement. Cette mesure a permis au groupe français de limiter les pertes, sans empêcher la diminution des volumes de vente. « Cette année et malgré les risques de dévaluation future, nous sommes revenus à une politique commerciale en roubles de manière à rester compétitifs sur un marché où tous les leaders mondiaux sont présents », souligne M. Lefort. En parallèle, « nous commençons à développer la sélection et la production de nos semences en Russie avec l’objectif à moyen terme de nouer des parte-

SAINT-GOBAIN

nariats avec des producteurs locaux, afin d’optimiser le coût de nos semences et la rentabilité des fermes qui nous font confiance », précise encore le directeur. Pour l’instant, le semencier français ne remet pas en cause sa présence sur le marché russe qui « constitue 45% du marché européen de semences hybrides de tournesol et 15% de celui des semences de maïs. En volume et en chiffre d’affaires, la Russie est notre deuxième marché après la France », explique M. Lefort pour souligner l’importance de ce débouché pour Maïsadour. La localisation en Russie de l’appareil de production des entreprises constitue un avantage pour amortir l’impact de la crise, mais il est des secteurs où elle n’est pas indispensable. C’est notamment le cas de celui des services.

PORTRAIT L’entrepreneur français Nicolas Chavrot retrace son fulgurant parcours professionnel en Russie

Un « rêve russe » : quand la débrouille conduit à la réussite commerciale semblait, se remémore-t-il. Les légendes, les espions, les jeans, les rasoirs jetables »... Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989, c’est à peu près tout ce qu’il en savait. Nicolas Chavrot avait donc trois mois à tuer dans la capitale russe, « sans savoir grand chose, sans argent et sans parler russe ». L’ami français chez qui il logeait, dans la troisième rue Frounzenskaya (au centre de Moscou), vendait des papiers peints ? Il va tenter les pots de peinture.

Arrivé en Russie sans un sou en 1995, Nicolas Chavrot est aujourd’hui un entrepreneur accompli au pays de Pouchkine. Plusieurs de ses sociétés dominent déjà le marché local. BENJAMIN HUTTER POUR RBTH

Pour Nicolas Chavrot, la Russie fut longtemps ce pays immense au milieu de la mappemonde de ses parents. Un grand point d’interrogation pour celui qui était alors un jeune étudiant en sciences économiques. « Je regardais cette carte et me demandais à chaque fois comment ce pays avait réussi à conserver une aussi grosse part du gâteau », avoue-til aujourd’hui dans un entretien à RBTH. La réponse, il ira la chercher lui-même, à 23 ans, avant même d’avoir terminé ses études. En 1995, il débarque à Moscou pour trois mois, sans trop savoir à quoi il occupera son temps. « À l’époque, la Russie, c’était le grand inconnu, l’aventure, personne ne savait vraiment ce qu’il s’y passait ni à quoi le pays res-

Premiers pas, premiers millions

En ligne

Des grand bassins européens au grand bain russe fr.rbth.com/427497

« À l’époque, beaucoup d’entreprises européennes voulaient faire quelque chose avec la Russie, y vendre leurs produits, mais ne savaient pas s’y prendre », raconte-t-il. Il décide alors de se lancer comme agent commercial. « En 1995, pratiquement tous les hommes d’affaires russes avaient cinq ans d’expérience maximum, donc ils n’avaient aucun a priori par rapport à moi, se souvient M. Chavrot. C’était facile, il fallait juste

Le secret de la réussite ? « Quand la plupart des entrepreneurs étrangers quittent le pays, nous restons en Russie »

bosser. Certainement comme nos parents après la guerre : tout était à faire ». La débrouille fera le reste. Il retourne en France, démarche une dizaine d’entreprises et rencontre une PME intéressée pour vendre ses peintures en Russie, qui lui fera confiance. Bien sûr, il dira parler russe couramment et connaître le marché comme sa poche. « En réalité mon seul allié était le recueil ‘Produits et prix’, la bible du commerce russe où l’on pouvait trouver tous les acheteurs potentiels classés par catégories », raconte celui qui fut d’abord « démarcheur ». Très vite, Nicolas Chavrot génère un chiffre d’affaires « de 20-25 millions de francs [environ 3,5 millions d’euros, ndlr] » en vendant de la peinture française en Russie. Alors qu’il n’a pas encore 25 ans, le jeune entrepreneur a la vie belle. Il apprend le russe « pour ne plus avoir à recourir à des interprètes lors des ventes », et profite des nuits moscovites. « À l’époque il n’y avait pas beaucoup d’étrangers à Moscou, c’était très tendance de nous inviter aux soirées », se souvient-il.

Des crises pour mieux rebondir En 1998, le rouble dégringole. « Tout s’est arrêté. Les importations ont été complètement stoppées et les clients ne pouvaient pas payer leurs dettes », résume Nicolas Chavrot. Pour lui, pas question d’abandonner. Là encore, il se laissera guider par son sens des occasions à saisir. Les Russes n’importent plus ? Il va essayer de trou-

ver des produits à exporter hors de Russie. « À l’ambassade de France, le service économique ne traitait que les demandes des entreprises françaises intéressées par la Russie. Par contre ils n’avaient pas encore de service dédié à l’export russe vers la France », constate alors l’entrepreneur. Qu’à cela ne tienne : il demande qu’on lui transmette toutes les télécopies adressées par les sociétés russes à l’ambassade. Lampadaires, feux d’artifices... Nombreuses sont les velléités d’exportation. C’est finalement sur la poudre de diamants – utilisée par l’industrie pour polir ou couper le verre et la pierre, par exemple – qu’il jettera son dévolu. « Ça m’a permis de survivre pendant la crise et de voyager en Russie », se remémore Nicolas Chavrot.

À la conquête du marché russe En 2000, il lance Ascott avec un partenaire russe. Son ambition : occuper 10% du marché de la colle de bricolage en Russie. En 2005, la société en a déjà conquis 25%. Aujourd’hui, Ascott peut se vanter de détenir 55% des parts de marché à l’intérieur du pays. C’est aussi 250 salariés, 3 000 clients et un milliard de roubles de chiffre d’affaires (environ 14 millions d’euros), selon Nicolas Chavrot. Le secret de la réussite ? « À chaque crise nous avons augmenté nos parts de marché. En effet, quand la plupart des entrepreneurs étrangers quittent le pays, nous restons en Russie », livre-t-il. C’est


Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro

Vendredi 13 novembre 2015

DOSSIER AGROALIMENTAIRE Le groupe souffle ses 20 bougies en Russie

Évolution des investissements directs depuis l’UE à destination de la Russie (en milliards de dollars)

Bonduelle poursuit son enracinement à l’est

Origine par pays des investissements en Russie y compris depuis les paradis fiscaux (2014) TASS

Récolte de petits pois dans la région de Krasnodar (sud-ouest du pays).

3

FAITS SUR BONDUELLE EN RUSSIE

1

En Russie, cinq marques forgent l’identité du groupe : Bonduelle Fusion, Bonduelle, Globus, Vernet et Nach Koutorok (« Notre petite ferme »).

ALENA REPKINA

L’importance du facteur humain « Nous n’avons pas perdu un seul client du fait de la crise », assure Richard van Wageningen, directeur général d’Orange Business Services (filiale du groupe Orange) en Russie, qui avoue également « que la croissance n’est pas aussi importante que ces dernières années, mais que les activités progressent toujours ». Un succès que le directeur attribue à la décision stratégique de cibler les gros clients, russes ou étrangers. Il admet volontiers que la loi entrée en vigueur en septembre dernier et qui contraint les entreprises à stocker les données personnelles des citoyens russes sur le territoire du pays, a stimulé la demande en matière de stockage local. « Les accords potentiels pour notre service de nuage ont augmenté de 70% », souligne

M. van Wageningen, qui estime qu’indépendamment de la conjoncture, la très bonne qualité de ses produits n’est pas étrangère à son succès. Indépendamment de la localisation de la production, d’une stratégie de développement adaptée aux réalités du marché russe, tous ces dirigeants, sans exception, insistent sur l’importance du facteur humain dans leur réussite. « Il faut pouvoir garder une équipe russe et ses cadres à un niveau de motivation maximal, tout en évitant qu’ils passent à la concurrence », résume Marc Lefort. Les chiffres de Leroy Merlin parlent d’eux-mêmes : le taux de rotation des 16 000 employés de l’entreprise est inférieur à 15%, ce qui est très bon en Russie, alors qu’il était encore de 30% il y a quatre ou cinq ans.

2

Entre 2010 et 2014, les ventes de Bonduelle en Russie ont crû de 160% pour atteindre 131 000 tonnes. Ce pays représente 9% du chiffre d’affaires global du groupe.

3

En Russie, le groupe possède deux conserveries et exploite 11 000 hectares. En 2016, Bonduelle compte ouvrir une troisième ligne de fabrication, ce qui augmentera de 14% sa capacité de production.

Malgré un contexte économique défavorable, le groupe français réalise en Russie un chiffre d’affaires en constante progression et investit pour renforcer son implantation locale. ÉTIENNE BOUCHE POUR RBTH

« Ici, nous avons enregistré un record de production : nous avons sorti de terre 32 500 tonnes de petits pois. Bien sûr, la météo y est pour beaucoup, mais c’est également grâce à notre connaissance et notre maîtrise des techniques ». Entre deux exploitations, plein soleil, le responsable du complexe agro-industriel de Bonduelle, Sergueï Kovalev, vante les mérites de la terre noire du Kouban. Au début des années 2000, des tests agronomiques ont convaincu le groupe français d’investir ici, dans le kraï de Krasnodar, dans le sud-ouest du pays. Aujourd’hui, Bonduelle exploite 11 000 hectares dans la région et règne sur le marché du légume en conserve. L’entreprise a commencé à travailler en Russie en 1995. Dans un premier temps, les produits commercialisés sont importés de l’usine hongroise de la marque. En 1998, la crise économique qui secoue la Russie incite la direction à modifier sa stratégie. Bonduelle ouvre sa première usine locale en 2004 à Novotitarovskaïa, au nord de Krasnodar. « Exporter ce type de produits, pas chers au kilo, vers un pays éloigné comme la Russie, c’est impossible. Les coûts logistiques finiraient par devenir supérieurs au coût du produit lui-même », explique le PDG du groupe, Christophe Bonduelle, venu célébrer vingt ans de présence de son entreprise familiale en Russie. À Timachevsk, où le groupe a mis en route une deuxième usine, un chapiteau blanc a été dressé pour l’occasion. À l’abri du soleil, les représentants des autorités locales se succèdent au micro pour féliciter l’équipe dirigeante qui retrace son ascension russe. Bonduelle y réalise aujourd’hui plus de 10% de son chiffre d’affaires, plaçant

ARCHIVES PERSONNELES

Nicolas Chavrot : « À l’époque la Russie, c’était le grand inconnu... »

90% des parts de marché en Russie après le rachat des magasins de cadeaux en ligne Smile Smile et Evo Impressions. Là encore, le filon est porteur. « Les produits sont 100% en roubles et les Russes n’économisent pas sur les cadeaux, la demande est bonne », note Nicolas Chavrot. Et ce grand mystère de la mappemonde de ses parents, l’a-t-il percé après 20 ans de vie en Russie ? « Je crois que ce qui fait la force des Russes, c’est qu’ils ont des fondamentaux et qu’ils n’en bougent pas. Ils seraient prêts à se battre à mort pour les conserver. Leur secret, c’est ce jusqu’au-boutisme ».

la Russie parmi ses principaux marchés avec l’Amérique du nord et l’Allemagne. « C’est l’accomplissement magnifique d’une aventure qui, au départ, paraissait très risquée. Ce pays, nous le connaissions à peine dans les années 1990, se félicite Guillaume Debrosse, directeur du secteur Russie-Communauté des États indépendants (CEI). La chance de Bonduelle, c’est d’être arrivé au moment où toutes ces grandes chaînes de distribution se sont mises à se développer à une vitesse vertigineuse. Notre essor a accompagné le développement très fort de nos clients », explique-t-il. La marque jouit aujourd’hui d’une solide notoriété dans le pays et Bonduelle entend développer les capacités de production locales : pour ce faire, le groupe compte investir cinq millions d’euros dans les deux prochaines années. « En Russie, nous courons en permanence après notre développement, indique M. Bonduelle. Nous n’y sommes pas encore autonomes, nous devons encore compléter par un peu d’importations, et à chaque fois que nous ajoutons de la capacité, nos ventes augmentent aussi ». Le marché russe a par ailleurs une place stratégique dans la mesure où Bonduelle exporte également depuis la Russie vers d’autres pays de la CEI – Kazakhstan, Biélorussie, Arménie.

La crise : un accélérateur

Dans un climat parasité par les sanctions économiques et l’embargo, le groupe exécute sur place 70% de sa production »

Découvrez notre projet spécial

ainsi qu’Ascott s’est, peu à peu, affirmée comme l’entreprise-leader du marché de la colle de bricolage dans le pays. La dévaluation du rouble depuis 2014, M. Chavrot la prend comme une nouvelle chance : « Nos produits sont de plus en plus compétitifs à l’export et on ambitionne de prendre la place de la Chine sur le marché européen ». Parmi les autres casquettes de l’entrepreneur français : Le Bon Goût, une marque de saucisses et charcuteries sans additif, lancée en 2009 et particulièrement prisée par les jeunes mamans ; ainsi que sa société de coffretscadeaux PS Box qui a atteint près de

5

Cap sur le marché russe Un guide du monde des affaires franco-russe, où des entrepreneurs français vous dévoilent les détails du climat économique et partagent leur expérience de l’activité commerciale en Russie.

fr.rbth.com/cap_sur_le_marche_russe

Dans un climat d’affaires parasité par les sanctions économiques contre la Russie et l’embargo décrété par Vladimir Poutine visant les produits agro-alimentaires, le groupe Bonduelle affiche une santé enviable : il produit 70% de sa marchandise sur place. Le reste n’est pas concerné par l’embargo : les aliments en conserve ne figurent pas sur la liste des produits interdits. Néanmoins, l’entreprise n’est pas totalement hermétique au contexte économique, nuance Christophe Bonduelle : « Une partie importante de nos coûts est libellée en dollars - la logistique, les semences, les produits phytosanitaires, mais aussi les boîtes vides. Nous sommes impactés non pas par l’embargo, mais par le niveau du rouble qui s’est énormément dévalué ». Selon M. Bonduelle, la crise peut avoir un effet accélérateur : inciter à approfondir l’implantation locale et ainsi réduire la dépendance envers les importations. Pour l’heure, le groupe semble avoir mis entre parenthèses sa gamme de produits surgelés, visés par l’embargo – une part marginale de ses ventes. Les légumes composant ses marchandises viennent de Pologne, et il n’existe pas de filière de surgélation en Russie. Sur place, Bonduelle dit avoir des difficultés à trouver techniciens et agronomes suffisamment qualifiés, si bien que des formations sont organisées dans les usines européennes. Pour pallier cette faiblesse, le groupe a noué un partenariat avec l’université de Krasnodar.


Vendredi 13 novembre 2015

6

Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro

OPINIONS

GUERRE EN SYRIE : QUELLE « STRATÉGIE DE SORTIE » ? L FEDOR LOUKIANOV POLITOLOGUE Président du Conseil pour la politique étrangère et la politique de défense

’automne 2015 marque une nouvelle étape importante de l’histoire politique russe. Pour la première fois en plus d’un quart de siècle, le pays mène officiellement une grande opération militaire à l’étranger. Celle-ci n’est pas motivée par le maintien « politiquement correct » de la paix, mais par des raisons tout à fait stratégiques. Moscou appelle à la création d’une coalition internationale contre la terreur, mais montre clairement que le pays est prêt à agir et peut le faire seul. Les raisons qui ont incité le Kremlin à prendre la décision de conduire une opération militaire bien au-delà des frontières nationales sont claires. L’État islamique [organisation interdite en Russie, ndlr], est un ennemi indubitable de la Russie. Le sens politique de Vladimir Poutine a joué son rôle également. Il a saisi l’occasion de retourner la situation et a obligé les autres à réagir à son initiative, et non l’inverse. La démonstration des capacités militaires russes, considérablement élargies, n’est pas un but, mais un facteur. Tout comme la formation d’un cercle de partenaires importants dans une région allant de Téhéran à Beyrouth. Les risques sont tout aussi évidents. Dans les faits, Moscou participe à une guerre civile cruelle aux côtés d’une des parties, Bachar el-Assad, ainsi qu’à une guerre confessionnelle en se solidarisant (même ponctuellement) avec la minorité chiite du monde musulman contre la majorité sunnite. Ce qui exige une grande habileté dans la manœuvre, faute de quoi les dégâts peuvent être conséquents, y compris

«

La notion de victoire ne fait pas partie des guerres menées aujourd’hui par les grandes puissances »

DMITRY DIVIN

en politique intérieure compte tenu des particularités confessionnelles des musulmans russes. Les relations avec l’Occident vont certainement se compliquer encore plus. S’il est dans l’intérêt de presque tout le monde de vaincre les islamistes, le succès potentiel de la Russie passe non seulement par le renforcement de son influence, mais aussi par celui des positions du régime d’el-Assad. Ce à quoi la réaction négative des États-Unis et de leurs alliés est garantie.

Il est à ce stade difficile de prédire qu’il en résultera une confrontation directe avec Moscou, mais l’on peut espérer que certaines leçons ont été tirées de l’expérience du passé. Quoi qu’il en soit, au mieux, les principaux acteurs s’en tiendront à une neutralité bien comprise. Toutefois, une guerre médiatique violente est inévitable et elle a déjà commencé. Les guerres menées aujourd’hui par les grandes puissances présentent un dilemme majeur : la notion de « vic-

toire » n’en fait plus partie. Les campagnes militaires sont conduites presque uniquement dans le but d’un changement de régime, et cet objectif a certainement été atteint – en Afghanistan, en Irak et en Lybie. Mais les vainqueurs n’ont jamais osé le qualifier ouvertement de victoire, tout en affirmant bizarrement ne pas avoir recherché la destruction d’un pouvoir indésirable. Le succès militaire obligeait soit à se lancer dans une reconstruction du pays (en Afghanistan et en Irak) coûteuse et inefficace, soit à se retirer immédiatement (en Lybie), laissant derrière un État en ruines. Dans tous les cas, la recherche d’une « stratégie de sortie » a constitué invariablement l’objectif de chacune de ces campagnes militaires. L’implication russe en Syrie présente évidemment une différence fondamentale par rapport aux opérations des États-Unis et de l’OTAN depuis le début des années 2000 : Moscou ne vise pas à changer le pouvoir en place, mais à le conserver et à le consolider. Bien qu’el-Assad ait perdu sa légitimité et le contrôle de la majeure partie du territoire syrien, la collaboration avec l’armée régulière et l’appareil administratif, certes considérablement affaiblis, offre bien plus de possibilités que le soutien aux insurgés. Pour autant, la question de la « stratégie de sortie » n’en est en rien réglée, surtout si les choses n’évoluent pas comme prévu. Après tout, les Américains frappent l’EI depuis la base aérienne d’Incirlik en Turquie, où ils resteront en cas d’évolution défavorable, alors que les pilotes russes campent en Syrie directement. Toute guerre a sa propre logique qui, à un certain point, finit par l’emporter sur l’opportunisme politique. Il est très difficile d’éviter l’enlisement, comme le prouve au Proche-Orient l’expérience de presque toutes les puissances qui ont cherché à s’y livrer à de grandes manœuvres. L’histoire de cette région nous enseigne une leçon essentielle : les choses ne s’y passent jamais comme prévu. Il convient de la retenir.

TROIS SCÉNARIOS POUR L’ÉCONOMIE RUSSE

L IAKOV MIRKINE ÉCONOMISTE Directeur du département des marchés internationaux des capitaux à l’Institut de l’économie mondiale et des relations internationales de l’Académie des sciences de Russie

es choses vont-elles si mal en Russie ? La chute des cours du pétrole a porté un rude coup à l’économie, mais les principaux rouages de la société continuent de fonctionner, le pays ne souffre pas de pénuries alimentaires, certains secteurs de la production domestique progressent grâce aux sanctions et à la dévaluation du rouble, et les exportations de matières premières ont augmenté. Avant 2014, d’importantes réserves en devises ont été accumulées, éloignant la menace d’un défaut de paiement. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant, de 12 900 dollars en 2014, devrait baisser à 8 200 dollars en 2015, ce qui placera le pays au niveau de la Chine. À Moscou, le PIB régional par habitant en 2015 devrait être supérieur à 20 000 dollars. C’est le niveau d’un pays développé, qui devrait épargner au pays de violentes manifestations dans ses rues. Les réserves accumulées sont suffisantes pour permettre à l’économie de tenir 18 mois à deux ans. Toutefois, si le cours du baril de pétrole reste au niveau de 30-35 dollars et que

«

Seul le scénario consistant à placer au cœur de la politique économique la libération des énergies dans les entreprises et la classe moyenne [...] permettra de changer la situation »

le dollar américain atteint la parité avec l’euro, entraînant une baisse des prix de toutes les matières premières exportées par la Russie, la période de stabilité pourrait être de courte durée. Sans compter que la politique européenne consistant à réduire sur les marchés la part de matières premières achetées à la Russie risque d’entraîner une baisse des exportations russes vers l’Ouest. Quant aux exportations vers l’Est, des investissements de plusieurs milliards sont nécessaires pour achever les infrastructures destinées à fournir la Chine en matières premières. À l’avenir, la Russie pourrait être confrontée à un déficit de technologies et d’équipements, car la construction mécanique et l’électronique dépendent des importations dans une proportion de 80 à 90%. Le pays fabrique entre 180 et 250 découpeuses à métaux par mois – un pourcentage infime des machines qui tombent en obsolescence. En raison des sanctions, les importations de biens liés aux industries mécaniques de l’Union européenne ont brutalement chuté de 50% et celles des équipements

mécaniques, de 43%. Par ailleurs, le poids de la fiscalité en Russie est aussi lourd qu’en Europe occidentale, alors que les taux d’intérêt et l’inflation sont à deux chiffres et le taux d’investissements est inférieur à 20% du PIB. Avons-nous apporté des réponses fortes à ces défis majeurs ? Je crains que non. Le fait que le navire reste plus ou moins à flot donne la fausse certitude que tout va bien et qu’il suffirait de « colmater les brèches », car « tout fonctionne ». Nous sommes confrontés à trois scénarios possibles. Le premier, c’est la stagnation, la contraction des débouchés, une économie vieillissante et semi-fermée, affichant de grandes ambitions et une concentration croissante des ressources dans le complexe militaro-industriel – un cas typique de l’Amérique latine. Le deuxième, c’est l’économie fermée, la mobilisation, l’idéologie de la « tour d’ivoire », semblable à ce que les marxistes appelaient le mode de production asiatique. Le troisième scénario, c’est un nouveau départ, ou la Russie 3.0, la mobilisation des efforts au service d’un « miracle économique »

L E CO U R R I E R D E S L E C T E U R S , L E S O P I N I O N S O U D E SS I N S D E L A R U B R I Q U E “ O P I N I O N S ” P U B L I É S DA N S C E S U P P L É M E N T R E P R É S E N T E N T D I V E R S P O I N T S D E V U E E T N E R E F L È T E N T PA S N É C E S S A I R E M E N T L A P O S I T I O N D E L A R É D A C T I O N D E R U S S I A B E Y O N D T H E H E A D L I N E S O U D E R O S S I Y S K AYA G A Z E TA . MERCI D’ENVOYER VOS COMMENTAIRES PAR COURRIEL : FR@RBTH.COM RUSSIA BEYOND THE HEADLINES EST PUBLIÉ PAR LE QUOTIDIEN RUSSE ROSSIYSKAYA GAZETA. LA RÉDACTION DU FIGARO N’EST PAS IMPLIQUÉE DANS SA PRODUCTION. LE FINANCEMENT DE RBTH PROVIENT DE LA PUBLICITÉ ET DU PARRAINAGE, AINSI QUE DES SUBVENTIONS DES AGENCES GOUVERNEMENTALES RUSSES. RBTH A UNE LIGNE ÉDITORIALE INDÉPENDANTE. SON OBJECTIF EST DE PRÉSENTER DIFFÉRENTS POINTS DE VUE SUR LA RUSSIE ET LA PLACE DE CE PAYS DANS LE MONDE À TRAVERS UN CONTENU DE QUALITÉ. PUBLIÉ DEPUIS 2007, RBTH S’ENGAGE À MAINTENIR LE PLUS HAUT NIVEAU RÉDACTIONNEL POSSIBLE ET À PRÉSENTER LE MEILLEUR DE LA PRODUCTION JOURNALISTIQUE RUSSE AINSI QUE LES MEILLEURS TEXTES SUR LA RUSSIE. CE FAISANT, NOUS ESPÉRONS COMBLER UNE LACUNE IMPORTANTE DANS LA COUVERTURE MÉDIATIQUE INTERNATIONALE. POUR TOUTE QUESTION OU COMMENTAIRE SUR NOTRE STRUCTURE ACTIONNARIALE OU ÉDITORIALE, NOUS VOUS PRIONS DE NOUS CONTACTER PAR COURRIER ÉLECTRONIQUE À L’ADRESSE FR@RBTH.COM. SITE INTERNET FR.RBTH.COM. TÉL. +7 (495) 7753114 FAX +7 (495) 9889213 ADRESSE 24 / 4 RUE PRAVDY, ÉTAGE 7, MOSCOU 125993, RUSSIE. EVGENY ABOV : DIRECTEUR DE LA PUBLICATION RUSSIA BEYOND THE HEADLINES (RBTH), PAVEL GOLUB : DIRECTEUR DE LA PUBLICATION ADJOINT, VSEVOLOD PULYA : RÉDACTEUR EN CHEF DES RÉDACTIONS INTERNATIONALES, TATIANA CHRAMTCHENKO : RÉDACTRICE EXÉCUTIVE, FLORA MOUSSA : RÉDACTRICE EN CHEF, JEAN-LOUIS TURLIN : DIRECTEUR DÉLÉGUÉ, DIMITRI DE KOCHKO : CONSEILLER DE LA RÉDACTION, ANDREÏ CHIMARSKI : DIRECTEUR ARTISTIQUE, MILLA DOMOGATSKAÏA : DIRECTRICE DE LA MAQUETTE, MARIA OSHEPKOVA : MAQUETTISTE, ANDREÏ ZAITSEV, SLAVA PETRAKINA : SERVICE PHOTO. JULIA GOLIKOVA : DIRECTRICE DE LA PUBLICITE & RP (GOLIKOVA@RG.RU) OU EILEEN LE MUET (ELEMUET@LEFIGARO.FR). EVGUENIA SHIPOVA : REPRÉSENTANTE À PARIS (E.SHIPOVA@RBTH.COM, 06 67 42 20 42 ) © COPYRIGHT 2015, AFBE "ROSSIYSKAYA GAZETA". TOUS DROITS RÉSERVÉS. ALEXANDRE GORBENKO : PRÉSIDENT DU CONSEIL DE DIRECTION, PAVEL NEGOITSA : DIRECTEUR GÉNÉRAL, VLADISLAV FRONIN : DIRECTEUR DES RÉDACTIONS. TOUTE REPRODUCTION OU DISTRIBUTION DES PASSAGES DE L’OEUVRE, SAUF À USAGE PERSONNEL, EST INTERDITE SANS CONSENTEMENT PAR ÉCRIT DE ROSSIYSKAYA GAZETA. ADRESSEZ VOS REQUÊTES À FR@RBTH.COM OU PAR TÉLÉPHONE AU +7 (495) 7753114. LE COURRIER DES LECTEURS, LES TEXTES OU DESSINS DE LA RUBRIQUE “OPINIONS” RELÈVENT DE LA RESPONSABILITÉ DES AUTEURS OU DES ILLUSTRATEURS. LES LETTRES DE LECTEURS SONT À ADRESSER PAR COURRIEL À FR@RBTH.COM OU PAR FAX (+7 (495) 775 3114). RUSSIA BEYOND THE HEADLINES N’EST PAS RESPONSABLE DES TEXTES ET DES PHOTOS ENVOYÉS. RBTH ENTEND OFFRIR DES INFORMATIONS NEUTRES ET FIABLES POUR UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA RUSSIE. CE SUPPLÉMENT A ÉTÉ ACHEVÉ LE 6 NOVEMBRE 2015

fr.rbth.com/opinion

russe, qui consisterait à placer au cœur de la politique économique la libération des énergies dans les entreprises et la classe moyenne, la primauté de la qualité et de la durée de vie, ainsi que la croissance du patrimoine des familles de génération en génération. Seul ce troisième scénario permettra de changer radicalement la situation, de préserver les forces vives de la nation, de protéger les capitaux, de résoudre les conflits et de stabiliser l’espace géopolitique en Europe. Le premier et le deuxième scénarios fragiliseront la stabilité économique et sociale avec le temps. Les risques auxquels est confronté notre pays sont valables pour le monde entier. La Russie est une puissance mondiale dotée d’armes nucléaires stratégiques qui nécessitent des contrôles stricts et une stabilité intérieure. Il nous appartient donc d’achever ce que nous avons commencé dans les années 90 – la construction d’une économie de marché ouverte, intégrée dans le groupe des pays développés et reconnue pour bien d’autres choses que ses matières premières.


Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro

Vendredi 13 novembre 2015

RÉGIONS RÉGIONS Plonger dans l’ambiance « Grand Nord » sans s’éloigner de la capitale et de ses autres attraits

7

Questions & Réponses

TASS

« Un potentiel touristique énorme » mais sous-exploité Excursion en troïka à travers des paysages enneigés.

Quelle est la situation générale sur le marché touristique russe ? Bien meilleure que ce que pourrait laisser penser l’image de crise que l’on accole en ce moment à l’économie russe. En réalité, le pays a un potentiel touristique énorme et il ne commence que maintenant à se révéler, à être exploité. D’une certaine façon, la situation actuelle qui conduit les Russes à se tourner vers le tourisme intérieur est une chance formidable de prise de conscience des richesses de ce vaste pays, si divers. Ce n’est pas bien sûr une découverte pour TsarVoyages qui s’efforce depuis plus de dix ans de faire découvrir ces richesses aux touristes étrangers, mais le renforcement du tourisme intérieur multiplie les possibilités et les infrastructures, ce dont profitera à son tour le tourisme international.

RIA NOVOSTI(2)

Promenade au pas de course des chiens de traîneau.

Les Bains Sandounovskie.

Les sensations extrêmes garanties de l’hiver moscovite Au-delà de ses innombrables églises orthodoxes et salles d’opéra, le Moscou hivernal offre un large choix de loisirs pittoresques et de randonnées insolites sur la neige dans un décor de Noël. I. CHANDOURENKO, O. TCHEREDNITCHENKO RBTH

Bania : la quintessence de l’esprit russe L’amour du bania (bain russe) a toujours été un trait typique de la nature russe. Les gens simples comme les membres des familles royales allaient tous au bania. Le tsar Pierre le Grand aimait beaucoup les bains de vapeur : pendant son séjour aux PaysBas, le bania lui manqua tant qu’il s’en construisit un de ses propres mains. C’est en outre l’aversion du Premier Faux Dimitri (l’usurpateur du trône russe de 1605 à 1606) pour le bania qui finit par trahir en lui l’étranger qu’il était et permit de le démasquer. Au premier abord, le bania russe se présente comme une activité de l’extrême : les gens se fouettent avec des brindilles de bouleau dans une chaleur infernale, puis courent se jeter dans l’eau glacée. Mais après un bania russe, vous sentirez un regain d’énergie, car vous y laisserez toutes les toxines et sortirez avec une peau nettoyée, ferme

Infos pratiques Les Bains Sandounovskie sanduny.ru +7 (495) 782-1808 Banny Dvor banniy-dvor.ru +7(495)441-1100

Infos pratiques Promenades et excursions en troïka au parc Kolomenskoïe mogomz.com +7 (499) 615-2771

Balade en troïka à la forêt de Serguiev Possad tsarvoyages.com +7 (495) 649-6624

T R AV E L 2 M O S C O W. C O M

et rajeunie. « Avec le temps, j’ai compris que la vapeur n’était pas tout. Le bania, certes, est bon pour la santé. Il aide aussi à se détendre et à apprendre à mieux connaître les gens. Mais rien n’est comparable aux sensations ressenties quand on sort du bania dans le froid hivernal », confie l’Américain Joe Crescente. Dans la Russie d’aujourd’hui, pour plonger dans la neige au sortir d’un bania, il faut s’éloigner des grandes villes. Les banias moscovites contemporains sont plutôt des descendants des banias de la noblesse russe, décorés de mosaïques et de moulures. À la campagne, les paysans les aménagent dans des cabanes en bois en pleine nature.

Infos pratiques Les promenades fluviales partent du parc Gorki ou de l’hôtel Ukraine radisson-cruise.ru +7 (495) 228-5555

Croisière en yacht « brise-glace » « Si vous êtes las de regarder Moscou du sol, faites une croisière », conseille Alexandra, une Mexicaine, sur le site TripAdvisor. Les excursions à bord de yachts « brise-glace » fluviaux ultra-modernes sur la Moskova partent du quai Radisson au parc Gorki. Ces navires cassent la glace fine au contact de leur proue et passent devant les principaux sites touristiques de la capitale, tels que le couvent Novodevitchi ou la cathédrale du Christ-Sauveur. « Savourer un merveilleux repas dans une cabine de première classe en glissant doucement sur la rivière et en regardant les lumières de Moscou est un plaisir à ne pas rater », écrivent Larry et Liouba, un couple américain, sur le site TripAdvisor.

Traîneaux et troïkas La troïka de chevaux tirant un traîneau : c’est l’un des symboles culturels russes les plus traditionnels. Avant l’ère de l’automobile, c’était le moyen de transport le plus populaire, capable d’atteindre une vitesse de 60km/h. Cette chevauchée à vive allure est très appréciée par les Russes. Selon un vieux proverbe, la balade en troïka est un luxe, un loisir hivernal et un plaisir inoubliable. Héritage du passé lointain, la troïka impressionne toujours : le cheval du milieu marche au trot, levant haut les pattes, tandis que les chevaux de côté galopent en incurvant élégamment leur cou comme s’ils recherchaient la pose la plus harmonieuse. Le traîneau et le harnais sont décorés de peintures et de cloches qui tintent au rythme de la course. Une ancienne tradition russe dit d’ailleurs qu’une balade en troïka « musicale » vous permet de vous débarrasser du mauvais sort et de toute énergie négative.

Infos pratiques Husky Land huskyland.ru +7 (499) 502-9503

Au pas de course des chiens de traîneau Six chiens duveteux dégageant une fine vapeur, le vent qui caresse le visage, les patins du traîneau qui sillonnent les vastes espaces enneigés : aujourd’hui, nul besoin d’aller en Sibérie, vous pouvez en profiter autour de Moscou. Les huskys sont endurants et aiment tellement courir qu’ils sont capables de parcourir 250 km en traîneau à une vitesse allant jusqu’à 35 km/h. D’après les recherches des scientifiques américains Heather Huson et Michael S. Davis, chaque chien brûle environ 13 500 calories par jour, deux fois plus que les coureurs du Tour de France. « La balade avec chiens de traîneau fait partie de mes dix expériences les plus fortes, écrit Sanj, un voyageur new-yorkais, sur le site Trip Advisor. C’est un plongeon exaltant dans une époque où les gens dépendaient de ces chiens. C’est aussi un moyen unique d’admirer la beauté de la nature hivernale ».

Au cours des douze derniers mois, le rouble russe a perdu près de 40% de sa valeur par rapport à l’euro. Cette chute a rendu les séjours en Russie beaucoup plus accessibles aux touristes étrangers.

En un a n, les fr ais le centr e histor de séjour dan s ique de russe o la ca nt baissé. remarquablem pitale Au en les étoil jourd’hui, cont t empler es du K r emlin, le de la M osk sq du Bolc ova ou le théâ uais hoï sera tre un plais vos yeu ir x, mais aussi po pour bourse. ur votre

Benoît Lardy, directeur de l’agence Tsar Voyages, évalue pour RBTH l’état et les perspectives du secteur touristique russe.

La dévaluation de la devise nationale a-telle encouragé la fréquentation ? Il est difficile de donner des chiffres, mais la fréquentation est clairement en hausse, en particulier depuis la France. Avec la chute du rouble la destination est bien sûr devenue beaucoup plus concurrentielle, d’autant plus que le ralentissement de l’économie a réduit le nombre de voyages d’affaires, ce qui a conduit les hôtels à offrir des forfaits touristiques beaucoup plus avantageux. Quels sont, selon vous, les principaux freins au développement du tourisme ? La question majeure reste bien sûr celle des visas ! Il n’est pas possible de partir en week-end à Moscou ou Saint-Pétersbourg sur un coup de tête. Que pourrait faire le gouvernement russe pour améliorer le secteur ? Il pourrait certainement consacrer plus de moyens au marketing touristique, notamment en assurant une présence russe beaucoup plus importante et visible sur les grands salons professionnels que sont Berlin, Londres et Paris. J’ai participé personnellement à de tels salons sur les stands russes et j’ai beaucoup regretté qu’ils ne soient pas vraiment représentatifs de la grandeur russe… Que recherchent principalement les clients français en Russie ? L’avantage paradoxal d’être une destination touristique encore peu développée est qu’on a finalement accès très vite et très facilement à une véritable authenticité ! Et que cette authenticité de la vie russe, que ce soit les marchés, l’expérience du bania ou de la pêche sur glace est précisément ce qui fascine le plus le visiteur. Propos recueillis par MARIA SOKOLOVSKAÏA

Restaurants En 2015, vous pouvez savourer les confections des chefs moscovites sans vous ruiner (prix indiqué par personne).

Taxi Prix moyen de transfert de ou vers l’aéroport.

Auto-partage / minute Le système d’auto-partage de véhicules a été lancé à Moscou en septembre 2015.

Excursion Prix moyen d’une excursion en anglais.

Théâtre du Bolchoï Une place de spectacle vous reviendra deux fois moins cher que dans les autres grandes salles internationales.

Service fédéral des statistiques, Jones Lang LaSalle Incorporated, 2GIS. Prix calculés selon le taux de change du 7 octobre 2015 Serv * Source: Se


Vendredi 13 novembre 2015

8

Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro

CULTURE

PEINTURE Rétrospective Élisabeth Vigée Le Brun à Paris : retour sur la période russe de la portraitiste

La Russie comme seconde patrie Le Grand Palais accueille jusqu’au 11 janvier 2016 les œuvres de l’artiste française, qui vécut plus de sept ans à Saint-Pétersbourg et Moscou, dont elle marqua la vie artistique. DMITRI SMOLEV

Élisabeth Louise Vigée Le Brun illustre parfaitement la maxime cornélienne selon laquelle la valeur n’attend pas le nombre des années – encore qu’il faille ici donner au mot valeur son sens actuel. Après la mort de son père, le pastelliste Louis Vigée, la jeune Élisabeth poursuit ses études auprès d’amis du peintre et, dès 14 ans, réalise des portraits de commande. Elle acquiert rapidement une clientèle parmi les aristocrates et se voit vite baptisée « peintre de la beauté et son incarnation ». Elle doit le tournant décisif de sa carrière à Marie-Antoinette qui fait d’elle sa « première portraitiste ». Le succès dure plusieurs années. Survient la Révolution. L’artiste est contrainte de s’exiler avec sa fille Julie. Elle vit alors à Rome, Naples et Vienne. Ses espoirs de retour rapide en France s’évaporent et, en 1795, Élisabeth part pour Saint-Pétersbourg, séduite par les rumeurs du règne éclairé de l’impératrice Catherine la Grande. Dans ses mémoires, rédigés bien plus tard, en 1835, l’artiste avoue : « J’ai supposé judicieusement que même un court séjour en Russie me permettrait de reconstituer mon capital ». Son séjour s’avère franchement prolongé : elle passe sept ans et demi de sa vie en Russie.

À la conquête de SaintPétersbourg

NATIONALGALLERY.ORG.UK

POUR RBTH

V.TEREBENINE , L.HEÏFETS/MUSÉE D’ÉTAT DE L’ERMITAGE, SAINT-PÉTERSBOURG, 2015(2)

À savoir

L’artiste est fascinée par Saint-Pétersbourg dès le premier jour, et la ville semblait être tout autant éprise d’elle. Le luxe de la vie aristocratique y allait au-delà de ce qu’elle avait connu dans les autres capitales européennes. La « Parisienne russe » est reçue à la cour et par les meilleures familles comme une égale, sans la moindre allusion à ses modestes origines. Élisabeth noue rapidement des relations avec le grand monde, dont les membres de la famille impériale et est même reçue par Catherine la Grande en personne sans en avoir fait la demande. Mais c’est de la grande-duchesse Élisabeth Alexeïevna, épouse du futur empereur Alexandre 1er, que

Une œuvre prolifique Au cours de sa longue vie (17551842), l’artiste a peint 662 portraits, 15 tableaux et près de 200 paysages. En Russie, elle a été témoin des règnes de Catherine II, Paul Ier et Alexandre Ier.

l’artiste est particulièrement proche. Les portraits de Vigée Le Brun se distinguent par leur volonté d’éviter les poses trop solennelles et les habits officiels. Cette qualité se manifeste déjà à Paris où, peu avant la Révolution, Élisabeth jouissait d’une réputation d’arbitre des élégances. À Saint-Pétersbourg, sa tendance à vêtir les dames de la cour de tuniques amples et de dénouer leurs cheveux à sa guise était parfois perçue comme un affront à la décence, mais de telles réactions étaient rares. Les aristocrates russes laissaient volontiers l’artiste expérimenter avec leur physique. Elle était, bien entendu, beaucoup plus réservée avec les hommes nobles, ce qui ne l’empêchait pas de se faire une renommée de portraitiste à la mode dans la gente mas-

culine également. Les commandes pleuvaient. Son entrée à l’Académie impériale des arts peut être considérée comme l’apothéose de son séjour en Russie. On peut dire que la « période russe » coïncide avec sa véritable maturité artistique.

Témoin de son époque À l’époque, à Saint-Pétersbourg comme à Moscou, il était de bon ton de commander des portraits à des artistes étrangers. Pourtant, cette mode touchait à sa fin : des noms russes synonymes de talent faisaient leur apparition sur la scène artistique du pays – Fedor Rokotov, Dmitri Levitski, Vladimir Borovikovski. Vigée Le Brun a exercé une influence évidente sur ce dernier, ainsi que sur plusieurs

1 - Autoportrait au chapeau de paille (après 1782), Londres, National Gallery ; 2 - Portrait du baron Grigori Stroganov (1793), Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage. 3 - Portrait de la grande duchesse Élisabeth Alexeïevna (1795), Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage.

autres jeunes portraitistes russes : c’est elle qui définit le plus clairement la transition en douceur du sentimentalisme au préromantisme dans la peinture de portrait. Autrement dit, outre son succès en tant qu’artiste invitée, elle a laissé sa marque dans l’histoire de la peinture russe. Sans oublier que la galerie de portraits qu’elle a créée est également un témoignage historique de la portraiture à la période charnière qui chevauche les XVIIIème et XIXème siècles. Les sept années et demie qu’Élisabeth passa à Saint-Pétersbourg et à Moscou eurent leur lot de joies, mais aussi de troubles (le plus dramatique étant la discorde et la rupture quasitotale avec sa fille Julie qui se maria contre la volonté de sa mère). Néanmoins, son expérience de la vie en Russie reste très positive. Dans ses mémoires,Vigée Le Brun raconte cette histoire : en passant un matin à cheval, Alexandre 1er, récemment couronné, s’arrête près de son coupé et entame une conversation amicale. Le lendemain, il lui demande par un intermédiaire de peindre son portrait. En apprenant que le séjour d’Élisabeth en Russie touche à sa fin, Alexandre et son épouse lui font promettre de revenir. Des décennies plus tard, cette promesse non tenue la tourmente encore : « Lorsque j’ai traversé la frontière russe, j’ai fondu en larmes. J’avais envie de faire demi-tour et je me suis juré que je reviendrais auprès de ceux qui m’ont entourée si longtemps de leur amitié et de leurs soins et dont la mémoire restera à jamais dans mon cœur. Mais le destin ne m’a pas permis de revoir le pays qu’à ce jour j’appelle ma seconde patrie ». La « période russe » d’Élisabeth Vigée Le Brun a officiellement produit une cinquantaine de portraits – mais ils sont sans doute plus nombreux. Certains tableaux ont disparu dans les révolutions et les guerres du XXème siècle ; quelques portraits de famille ont été emportés par les nobles émigrés qu’elle avait peints et leur destin reste inconnu. Mais les œuvres restantes sont conservées dans les collections nationales russes, principalement à l’Ermitage et au Musée russe de Saint-Pétersbourg ainsi qu’au Musée des beaux-arts Pouchkine à Moscou.

CINÉMA

« 14+ » D’ANDREÏ ZAÏTSEV : UN GÉNIE DANS UNE BOUTEILLE D’ALCOOL Le travail du réalisateur Andreï Zaïtsev, qui a été présenté en première mondiale au festival de Berlin et en première russe au festival Kinotavr, s’est forgé la réputation d’un film de qualité pour jeune public. C’est précisément ce dont on rêve : que le cinéma russe, embourbé, soit dans un snobisme d’art et d’essai, soit dans des productions commerciales, confronte enfin son public et la réalité. À titre de comparaison, prenons le film de la réalisatrice Valeria Gaï Germanica, Ils mourront tous sauf moi, dont les héros sont aussi des adolescents. Il est sorti il y a sept ans, dans une période de liberté pratiquement illimitée. Le conflit des générations y était

NOUVEAU DESIGN ATTRAYANT

À l’affiche

REGARDS DE RUSSIE La 13ème Semaine du cinéma russe à Paris se déroule du 11 au 17 novembre. Au programme : 16 films, dont 14+ d’Andreï Zaïtsev, Idiot ! d’Iouri Bykov, et La Patrie de Piotr Bouslov. › cinema-russe-paris.com

NAVIGATION SIMPLE

exprimé brutalement et sans compromis. Liocha, le héros de 14+ vit aussi dans un autre monde que sa mère solitaire, mais éprouve pour elle une reconnaissance virile et de la complaisance. Le sujet principal du film se construit autour de la relation du petit, le discret et introverti Liocha, fan de Spiderman, avec Vika, la bombe sexuelle locale. Le jeune homme conquiert cette diva de cour d’immeuble arrachée à une bande de voyous invétérés de l’école « ennemie ». On ne voit dans le film ni bagarres, ni aucune forme de violence, mais l’on ressent à fleur de peau l’agressivité de ce milieu. Andreï Zaïtsev a tourné son film à une époque totalement différente de celle de Gaï Germanica.

FACILE À PARTAGER

Beaucoup de choses étaient interdites, et pratiquement tous ces interdits ont été respectés : il n’y a pratiquement pas de langage vulgaire dans le film, ni de scènes sexuelles – la rencontre nocturne des amants est montrée d’une façon sobre, rappelant les standards soviétiques. Mais d’une façon étonnante, 14+ est une réalisation rare, où l’on ne ressent ni fausseté, ni conformisme dans la représentation de la vie des adolescents, mais au contraire une chaleur et une tendresse qui traverse tout le film, tout particulièrement sa fin, sans jamais tomber dans le mélo. Cela s’explique par l’introduction dans la structure même du film d’éléments centraux de la sous-culture adolescente

Réalisateur et scénariste Andreï Zaïtsev Pays Russie Année 2015

comme la musique et l’Internet. Sur les réseaux sociaux, le monde de l’adolescent hésitant et tourmenté par sa puberté se transforme en jeu de rôle, où l’on se sent facilement un surhomme, ou bien où l’on s’enhardit au moins à caresser le visage de sa passion avec le pointeur de sa souris. C’est peutêtre la première fois qu’un film russe démontre de façon convaincante que, qu’on veuille l’admettre ou non, la vie d’adulte de la génération actuelle commence désormais sur l’Internet. Il montre aussi que le monde virtuel ne procure ni un réel divertissement, ni une véritable expérience : tôt ou tard, il faudra faire ses preuves « en vrai ». Version raccourcie d’une critique d’ANDREÏ PLAKHOV POUR KOMMERSANT

F R . R B T H . C O M / M U LT I M E D I A

Du 24 au 29 NOVEMBRE SCANNEZ L’IMAGE POUR VOIR LA VIDÉO D’INTRODUCTION.

Gagnez des billets sur fr.rbth.com/536275


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.