Russia Beyond The Headlines (Luxembourg)

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JEUDI 12 NOVEMBRE 2015 Distribué avec

Ce cahier de quatre pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta, qui assume l’entière responsabilité se son contenu PA R M I L E S A U T R E S PA R T E N A I R E S D E D I S T R I B U T I O N : T H E D A I LY T E L E G R A P H , T H E N E W YO R K T I M E S , L E F I G A R O , L A R E P U B B L I C A E TC .

L’OPÉRATION EN SYRIE L’opinion publique russe envers l‘engagement a basculé de l’indifférence au soutien

Syrie : les Russes entre soutien et confusion

EPA

mer d’emblée une position tranchée à l’égard de cette intervention, tout s’est passé beaucoup trop vite, soulignent les sociologues. Sur internet, dans les forums de discussions, beaucoup de commentaires disaient : « Pour le moment, EKATERINA SINELCHTCHIKOVA nous ne savons pas ce que nous devons RBTH en penser, car nous n’avons aucune inÀ peine 5 heures ont séparé, fin septembre, formation ». l’autorisation donnée au président d’uti- Une dizaine de jours plus tard, les deux liser les troupes à l’étranger et la pre- principaux services d’études sociolomière attaque aérienne russe en Syrie. giques du pays, VTsIOM et Levada, ont En Russie, la population n’a pu expri- publié des sondages montrant qu’une Les réactions populaires au premier engagement militaire russe hors de l‘ex-URSS penchent vers le soutien. Mais les experts et sociologues notent l‘existence d‘un malentendu.

majorité de Russes approuvaient globalement la campagne militaire. Dix jours plus tard, la cote de popularité deVladimir Poutine a battu son maximum historique, pour atteindre près de 90%. Mais certains s’interrogent : les Russes comprennent-ils réellement aux côtés de qui et contre qui se battent les militaires de leur pays ? Saisissent-ils les objectifs et les enjeux de cet engagement ? Les sondages semblent indiquer que la réponse est négative.

Ce n’était que la Syrie Il y a un an, la guerre civile en Syrie était un sujet secondaire dans les bulletins d’information russes. Parmi ceux qui se disaient au courant des événements en Syrie, plus de la moitié affirmaient ne soutenir aucune des parties du conflit. La menace posée par l’EI (organisation interdite en Russie) était perçue comme secondaire, certains sondés considérant même l’organisation comme un allié potentiel dans l’arène géopolitique, rappelle l’ex-

pert du centre Levada Stepan Gontcharov. « Cette situation a persisté jusqu’à la fin de l’été dernier, jusqu’à ce que les premières informations sur le transfert des troupes vers les bases russes en Syrie ne commencent à être publiées par la presse. Le grand public n’a été rattrapé par le conflit que plus tard encore, quand l’agenda des chaînes de télévision fédérales a commencé à changer », explique-t-il. SUITE EN PAGE 2

RÉFUGIÉS La Russie doit-elle résoudre la crise ?

Faire étape ou plus en Russie Les réfugiés et les organisations qui les aident s‘interrogent sur le rôle de l‘État russe. Devrait-il se montrer plus actif dans l‘une des plus graves crises migratoires de l‘histoire récente ? PAVEL KOCHKINE RBTH

La tragédie de la guerre civile syrienne, qui dure depuis 2011, a jeté sur les routes d’innombrables réfugiés. Et tous ne se dirigent pas vers l’UE. Ahmad, un robuste musulman chiite de 40 ans, a fui son pays pour atterrir dans un appartement douillet du sud-ouest de Moscou. Avant la guerre civile, il vivait en Syrie avec sa femme et leurs deux enfants dans la ville d’Al-Mleha, à quelque six kilomètres de Damas. Après avoir travaillé 5 ans en tant que chef cuisinier dans un restaurant moyen-oriental de Londres, il est retourné en Syrie et a utilisé l’argent qu’il avait gagné pour ouvrir une boutique de prêt-àporter et un élevage de poulets. À la suite de la guerre qui a frappé le pays en 2011, son élevage de poulets a été détruit et son appartement confisqué par des extrémistes qui le consi-

déraient comme un infidèle. Il a dû déménager à la périphérie de Damas, mais son nouveau quartier est rapidement devenu la cible des bombardements. Quand les obus se sont mis « à siffler au-dessus de nos têtes, maisons et écoles et tuer des civils pacifiques », il a décidé de fuir pour sauver sa famille. Ahmad a fui en Russie en 2013 avec un visa touristique. Il y a obtenu un asile temporaire dans un second temps. Pourtant, en 2014, le Service fédéral russe des migrations (FMS) a refusé de prolonger son statut et a ordonné la déportation de sa famille. « Les papiers sont un grand problème pour moi », dit-il. « Je n’ai pas besoin de l’aide du gouvernement, je veux simplement vivre comme une personne normale – je veux pouvoir travailler et pourvoir aux besoins de ma famille ». L’avenir de ses enfants est une autre source de soucis. Ils se sont facilement adaptés à leur nouvelle vie en Russie – ils parlent correctement le russe et ont récemment commencé à étudier dans une école russe ordinaire. Mais c’est l’incertitude qui préoccupe Ahmad :

lu.rbth.com/opinion

YURI KOZYREV / NOOR

il ne sait simplement pas combien de temps ils pourront continuer à vivre en Russie. Interrogé sur l’éventualité d’un déménagement de sa famille vers l’UE, Ahmad répond qu’il essaiera d’abord d’y trouver un emploi. « Je n’ai pas l’intention de déménager dans un camp de réfugiés », souligne-t-il. « Je parle l’anglais, j’ai une profession, je chercherai donc de meilleures options ». Deux semaines après l’entretien, RBTH a appris qu’Ahmad avait quitté la Russie pour l’UE.

Les attentes frustrées Muez Abu Al-Jadael, journaliste syrien et militant des droits de l’homme, aborde la crise sous un angle différent. Il est luimême réfugié politique, ayant obtenu la

protection de la Suède. Diplômé de l’Université russe de l’amitié des peuples, il a tenté à plusieurs reprises, en vain, d’obtenir l’asile en Russie. Aujourd’hui, il aide à distance ses compatriotes à s’adapter à la vie en Russie, en leur apportant une assistance juridique, par le truchement d’ONG et d’associations de défense des droits de l’homme telles que le Comité d’assistance civile caritative, basé à Moscou. Les deux principaux défis auxquels il a été confronté sont « la corruption et la bureaucratie ». Selon lui, de nombreux réfugiés sont déçus et préfèrent quitter la Russie pour l’Europe. La Russie est également utilisée comme pays de transit. SUITE EN PAGE 3


Jeudi 12 novembre 2015

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INTERNATIONAL

L’OPÉRATION EN SYRIE LA MAJORITÉ DES RUSSES APPROUVENT LA DÉCISION DU PRÉSIDENT DE DÉPÊCHER L’AVIATION DANS LE SECTEUR. TOUTEFOIS, LES SONDÉS SONT NOMBREUX À NE PAS COMPRENDRE DE QUEL CÔTÉ COMBAT LA RUSSIE

SYRIE : LES RUSSES ENTRE SOUTIEN ET CONFUSION SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Au moment des premières frappes russes, l’intervention contre les islamistes de l’EI, le Front al-Nosra (branche locale d’Al-Qaïda, également interdite en Russie) et les autres mouvements considérés comme radicaux par la Russie n’avait effectivement pas encore remplacé le sujet jusque-là le plus populaire dans la presse russe : la crise dans le sud-est de l’Ukraine. « Quand le Conseil de la Fédération a été saisi de la demande d’autorisation pour utiliser les forces armées à l’étranger et quand il s’est avéré qu’il ne s’agissait « que » de la Syrie, la première réaction, paradoxalement, fut celle du soulagement. On craignait une nouvelle aggravation sur le front ukrainien et cela nous effrayait beaucoup plus », nous raconte Ekaterina Schulmann, politologue et professeur associé de l’Institut des sciences sociales de l’Académie présidentielle russe d’économie nationale et d’administration publique. D’autant qu’on a vite compris que la campagne syrienne était par ailleurs une tentative de reprendre le dialogue avec les pays occidentaux et d’éviter l’isolation, ajoute la politologue.

Suivez-vous la situation en Syrie ? Le sondage a été réalisé par le Centre national d’étude de l’opinion publique.

Approuvez-vous l’opération russe ? RIA NOVOSTI

« Ce n’est pas notre guerre »

Sondages effectués par le Centre Levada.

« C’est sans doute nécessaire » En réalité, en dépit d’un pourcentage élevé de gens qui approuvent l’intervention en Syrie, les Russes sont peu nombreux à comprendre les subtilités du Proche-Orient et ne cherchent pas toujours à les comprendre. « Quand ils en savent quelque chose, ils restent dans les vieux clichés soviétiques : « les Arabes » et « Israël ». La situation à l’intérieur de la Syrie et ses différents mouvements islamistes ne les intéressent tout simplement pas », estime Leonti Byzov, directeur de recherches de l’Institut des recherches sociales globales. Les gens forgent leur opinion grâce aux émissions télé et aux bulletins d’information, explique le sociologue. Cela apparaît clairement quand on les interroge en détail : qui combat qui et pourquoi ? « Ils pensent que Poutine sait ce qu’il fait et que si le Conseil de la Fédération lui a donné un feu vert, c’est que l’intervention est nécessaire », estime-t-il. Par ailleurs, ce soutien traduit manifestement aussi l’expression d’un sentiment anti-américain. « L’essentiel est qu’il y ait un ennemi évident et que nous faisions mieux que les Américains », explique Mikhaïl Korostikov, spécialiste de la politique internationale et directeur du département du développement stratégique de l’Université d’État de Moscou d’économie, statistique et informatique. Ainsi, un autre pays exposé à un conflit armé pourrait remplacer la Syrie, mais l’attitude face à l’intervention militaire serait la même, constatent nos interlocuteurs. La dernière étude de l’École des hautes études en sciences écono-

ALENA REPKINA

miques montre que l’opinion publique russe peut changer très rapidement, note Korostikov. C’est, par exemple, le cas des relations avec la Chine. « Il y a deux ans, la Chine ne figurait pas sur la carte des alliés de la Russie, aujourd’hui c’est l’allié numéro 1 », explique-t-il.

Pourtant, dans leur majorité, les Russes considèrent que « ce n’est pas notre guerre », le peuple syrien n’est pas subitement devenu un peuple ami et cette guerre n’est pas une « guerre sacrée », suggèrent les sociologues. Il s’agit pour beaucoup d’une guerre virtuelle. Et ni les réfugiés syriens, ni les éventuelles pertes économiques ne peuvent refroidir cet enthousiasme : le fait de faire partie d’une grande mission est bien plus cher aux Russes. « Cependant, la société russe a un point faible, lié d’une part au traumatisme afghan et, plus généralement, à la mémoire de la Seconde Guerre mondiale… Dès qu’on est confronté à des pertes humaines potentielles, l’opinion se dégrade brutalement. La société est prête à se réjouir de la manifestation de la puissance militaire et internationale, mais nous ne sommes pas prêts à payer pour cela », estime la politologue Ekaterina Schulmann.

Il y a aussi parmi les Russes des personnes qui sont prêtes à partir combattre les terroristes aujourd’hui même. « La Syrie ou la « Nouvelle Russie », quelle différence ? Dans les d e u x p ay s , c ’e s t l’a n archi e e t quelqu’un doit l’arrêter. Dans les deux pays, il y a des enfants. Si on les laisse tomber, ils seront tous tués », estime Igor, un habitant d’Ouglitch, qui s’était engagé dans le Donbass comme combattant volontaire. Aujourd’hui, des hommes comme lui forment de petits groupes sur les réseaux sociaux et cherchent ensemble des moyens de partir en Syrie. Ils reconnaissent, toutefois, que c’est difficile pour le moment, car il n’y a pas de canaux formels et les canaux informels sont difficiles à trouver. Le ministère de la Défense n’a pas souhaité répondre à nos questions sur le nombre de volontaires russes engagés en Syrie.

L’AVIS D’EXPERT

RÉFUGIÉS POUR TOUJOURS ET IMMIGRÉS TEMPORAIRES

R

MAXIME IOUSSINE JOURNALISTE

Chroniqueur du quotidien Kommersant.

écemment, dans un talk-show organisé par une chaîne de télévision, nous avons parlé des problèmes de migration en Europe. Mon voisin, un expert polonais, a dit, sur un ton moqueur : « Vous parlez autant de la migration en Union européenne parce que vous êtes jaloux que les gens viennent chez nous et pas chez vous ». Mon voisin polonais n’est visiblement pas au courant de la situation. Il suffit de se promener dans les rues de Moscou ou de descendre dans son métro pour réaliser que les immigrés sont for t nombr eu x e n Ru s sie également. Nous avons des millions d’immigrés. Ils sont simplement très différents des réfugiés prenant d’assaut les trains à Budapest ou voyageant à bord des

frêles embarcations clandestines libyennes. Les ressortissants des anciennes républiques du sud de l’exURSS que l’on croise dans les rues de Moscou et d’autres villes sont des travailleurs immigrés. Ils viennent chez nous pour gagner de l’argent, mais n’ont, dans leur majorité, aucune intention de s’installer en Russie. Ils laissent leurs familles, maisons, fiancées et amis dans leurs pays d’origine et, tôt ou tard, ils partiront les retrouver. Je me suis récemment rendu en Ouzbékistan où j’ai discuté avec des dizaines de jeunes ayant, à des périodes différentes, travaillé en Russie. Certains sont rentrés pour de bon, d’autres espèrent revenir travailler, mais aucun n’envisage de s’installer

«

Ils viennent chez nous pour gagner de l’argent, mais n’ont aucune intention de s’installer en Russie »

en Russie ni d’y déménager sa famille. Au contraire, ils fondent leurs foyers dans leurs pays d’origine et organisent des mariages somptueux — on m’a raconté qu’en Ouzbékistan, les célébrations, qui peuvent durer une semaine et réunir une centaine de proches, amis et villageois, coûtent entre 10 000 et 15 000 euros aux familles. C’est en partie pour cette cérémonie qu’on vient gagner de l’argent en Russie. Ou encore pour acheter une maison. Le crédit immobilier se développe rapidement dans les anciennes républiques socialistes. Ou encore pour lancer son entreprise – j’ai rencontré des personnes qui ont utilisé l’argent gagné en Russie pour ouvrir un garage, un restaurant ou


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INTERNATIONAL

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BÉNÉVOLAT S’adapter à une nouvelle culture

Enfants réfugiés : le défi de l’éducation Le centre d’éducation et d’adaptation pour les enfants de réfugiés, qui existe en Russie depuis près de 20 ans, aide à maîtriser le russe, mais aussi à s’adapter au nouveau pays. DARIA LIOUBINSKAÏA RBTH

EPA

Réfugiés : faire étape ou plus en Russie SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Selon les autorités norvégiennes, plus de 400 réfugiés sont entrés sur le territoire du pays par la Russie cette année. Les statistiques du Service fédéral russe des migrations semblent confirmer cette tendance : en 2015, 7 103 Syriens sont arrivés en Russie et 7 162 ont quitté le pays. Le FMS ne donne pas de statistiques sur la destination des réfugiés.

En chiffres

2 666 des réfugiés syrienes ont reçu le permis de séjour temporaire en Russie depuis 2011.

Les problèmes juridiques

5 000

Selon le FMS, 12 000 personnes sont arrivées en Russie de Syrie depuis 2011, 2 000 d’entre elles ont obtenu l’asile temporaire dans le pays. Les statistiques réunies par Human Rights Watch indiquent qu’une douzaine de Syriens seulement ont obtenu le statut de réfugiés. « En 2012, quand l’UNHCR a demandé aux représentants des pays signataires de la convention sur les réfugiés d’introduire un moratoire sur leur déportation en Syrie, les autorités russes ont affiché leur fidélité aux réfugiés et ont même commencé à préparer les papiers pour ces derniers », explique Svetlana Gannouchkina, présidente du Comité d’assistance civile. « Mais lorsque les réfugiés ukrainiens ont commencé à affluer dans le pays l’année dernière, les Syriens ont été pratiquement oubliés ». Elle affirme que les autorités moscovites ont même commencé à déporter des Syriens alors que la situation en Syrie s’aggravait. Toutefois, Nikolaï Smorodine, directeur adjoint du FMS, affirme que la position du pays quant aux réfugiés syriens n’a pas changé. « Nous accordons l’asile aux Syriens

des réfugiés attendent actuellement la décision de la justice concernant leur statut.

un petit hôtel privé. C’est la différence fondamentale entre les jeunes hommes tadjiks, ouzbeks ou kirghizes qui viennent chez nous et la vague d’immigration à laquelle l’Europe est actuellement confrontée. Les réfugiés affluant en Union européenne s’y installent pour toujours et n’ont aucune intention de rentrer dans leurs pays. Tôt ou tard, ces millions de personnes installées en Allemagne, en Autriche et en Suède finiront par bouleverser l’équilibre religieux, ethnique et culturel de ces pays. Je ne sais si c’est bien ou mal. Après tout, ce n’est pas mon affaire – les Allemands, les Autrichiens et les Suédois se débrouilleront sans moi. Je veux simplement dire que mon collègue polonais, qui assurait que les immigrés ne viennent pas chez nous, a tort. Ils viennent, et ils sont nombreux.

ALENA REPKINA

en tenant compte de la situation en Syrie ».

Il l’a dit

Vers un rôle plus actif ?

«

L’ONG Amnesty International appelle la Russie à accepter les réfugiés de Syrie de manière plus engagée. Le directeur de la branche russe de l’organisation Sergueï Nikitine a déclaré à la presse russe que la Russie devrait être plus active sur la question. Elena Bourtina, directrice adjointe du Comité d’assistance civile pour les réfugiés affirme que la législation russe actuelle est, en fait, favorable aux réfugiés et pourrait les aider à obtenir l’asile pour des raisons humanitaires. « Si la Russie accepte peu de réfugiés, ce n’est pas la conséquence de lois inadaptées. C’est plutôt la conséquence d’une politique gouvernementale », a-t-elle expliqué à RBTH. Entre-temps, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré que les réfugiés syriens peuvent utiliser la Russie comme point de transit, mais la question de l’accueil des réfugiés ne se pose pas en Russie. Son autre argument contre l’accueil des réfugiés syriens est le risque de voir les terroristes de l’État islamique (EI) entrer en Russie sous le couvert des réfugiés. Alexeï Grichine, président du cabinet d’experts russe Religion et Société, acquiesce. « L’EI a activement utilisé les flux de migrants dans son propre intérêt », indique M. Grichine à RBTH en marge d’une conférence au Centre Carnegie de Moscou le 16 septembre dernier. C’est pourquoi, dans l’esprit des autorités russes, la dimension sécuritaire du problème prime pour le moment sur les autres aspects de la crise humanitaire.

Originaire de Grozny, Aminat est arrivée à Moscou en 2000, alors que la deuxième guerre de Tchétchénie battait son plein. Ses frères, sa sœur et elle-même ne disposaient pas de tous les documents nécessaires pour avoir le droit de s’inscrire dans une école ordinaire. C’est le Comité d’assistance civile – la première organisation sociale de charité pour les réfugiés en Russie – qui a aidé ses parents à les réunir et leur a parlé des leçons dans son centre d’adaptation pour enfants. « Ma sœur y suivait des cours d’anglais et je lui ai collé aux pattes. Pas pour les cours, mais simplement parce que le centre était intéressant et chaleureux : on pouvait y passer de bons moments, les gens se montraient souvent généreux... Je suis encore en contact avec certaines de ces personnes – le professeur d’anglais par exemple », raconte Aminat à RBTH. Ce professeur parlait beaucoup de la vie à Moscou, essayant autant que possible de familiariser les élèves à la nouvelle réalité. Après l’école, Aminat est entrée à l’Université d’État des Sciences humaines de Russie puis, diplôme en poche, est revenue au centre pour y travailler en tant qu’administratrice.

L’Europe Fournir une assistance vieillissante pédagogique et psychologique reçoit la Créé en 1996, le centre aide les enfants chance de se et leurs parents à surmonter les nombreux problèmes auxquels ils doivent développer faire face dans leur pays d’accueil. Pour beaucoup, c’est même la seule possibigrâce à des de recevoir une éducation. gens sains et lité « On a une famille d’Afghanistan qui pleins d’éner- est dans ce cas. Le père, Haroun, a fui en Russie après que les Talibans ont gie, compte tué son propre père et menacé le reste tenu que la de sa famille. Haroun vit déjà à Moscou depuis trois ans et n’a toujours pas plupart des de statut officiel : aucun de ses réfugiés sont reçu neuf enfants ne peut donc étudier dans jeunes. Il faut une école russe », explique Olga Nileur offrir une kolaenko, directrice du centre. Réunir les documents nécessaires n’est chance de pas toujours le principal obstacle : nombreux sont les enfants qui ne peuvent travailler »

pas être admis à l’école car ils ne parlent pas le russe. Au centre, l’enseignement commence donc dès l’âge pré-scolaire. Autre problème : celui de l’abandon. « Les enfants arrêtent souvent leur scolarité parce que les programmes sont différents de ceux qu’ils ont connus ou en raison d’une période trop importante passée loin des bancs de l’école », témoigne Olga. C’est pourquoi, au-delà du russe, les élèves apprennent aussi les mathématiques et peuvent recevoir une assistance dans les autres matières. Le centre aide par ailleurs les enfants réfugiés à surmonter leurs problèmes psychologiques. « Nous avons accueilli il y a un an et demi Maurice, cinq ans, et Djad, sept ans. Leur mère Reina avait réussi à les sortir de Syrie sous les bombardements. Ils étaient traumatisés, très fermés. Aujourd’hui, grâce au travail de notre psychologue, ils sortent progressivement de leur coquille », dit Olga.

Un exemple à suivre Actuellement, 73 enfants étudient au centre. « La plupart sont originaires de Syrie, d’Afghanistan, du Congo et des anciennes républiques soviétiques comme le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Kirghizstan. Quelques-uns viennent d’Ukraine et du Yémen », précise la directrice. L’expérience passée montre que ces enfants ont toutes les chances de se forger un avenir digne de ce nom. Olga poursuit : « Une fille tadjique qui avait appris la physique au centre a réussi à entrer à l’Université Bauman [la plus prestigieuse école d’ingénieurs de Russie, ndlr]. Le garçon tchétchène, Amirkhan, est allé étudier en Amérique avec l’aide du centre, et travaille aujourd’hui dans le secteur bancaire ». Le 1er septembre, le centre a reçu des bonnes nouvelles : Marichal, du Congo, et Djad, de Syrie, ont enfin pu intégrer une école russe. « Nous avons eu beaucoup de chance, avoue Olga. C’est une bonne école privée avec de petites classes. Nous nous sommes entendus pour payer une petite somme en accord avec le directeur. Et l’argent nécessaire a été rassemblé avec l’aide de bénévoles ». Jusque là, Djad s’était vu refuser l’entrée dans 16 écoles. « Lui et sa mère sont donc très heureux », conclut Olga. Devoir accompli, mais сette initiative complètement bénévole reste modeste : le centre n’a pas pour le moment d’équivalent à Moscou. Une lacune à combler...

ADAM HANNA JOURNALISTE SYRIEN RÉFUGIÉ EN RUSSIE

Au centre, l’enseignement commence dès l’âge préscolaire.

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Simplement, ce ne sont pas les mêmes personnes, ils ne viennent pas des mêmes pays et leur objectif est différent. Article publié dans KOMMERSANT

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INTERNATIONAL

NOUS NE SOMMES PAS ENNEMIS

TROUVER UNE STRATÉGIE DE RETRAIT

D

FEDOR LOUKIANOV POLITOLOGUE

ANDREI SOUCHENTSOV POLITOLOGUE Professeur agrégé de l’Institut d’État des relations internationales de Moscou et directeur du programme du club Valdaï.

Président du Conseil pour la politique étrangère et la défense.

DMITRI DIVINE

L

’automne 2015 est une nouvelle étape importante de l’histoire politique russe. Pour la première fois en plus d’un quart de siècle, le pays mène officiellement une grande opération militaire à l’étranger. Celle-ci n’est pas motivée par le maintien « politiquement correct » de la paix, mais par des raisons tout à fait stratégiques. Moscou appelle à la création d’une coalition internationale contre la terreur, mais montre clairement qu’il est prêt à agir et peut le faire seul. Les raisons qui ont incité le Kremlin à prendre la décision de conduire une opération militaire bien au-delà des frontières nationales sont claires. L’État islamique [organisation interdite en Russie, ndlr] est un ennemi indubitable de la Russie. Le sens politique de Poutine a joué son rôle également. Il a saisi l’occasion de retourner la situation et a obligé les autres à réagir à son initiative, et non l’inverse. La démonstration des capacités militaires russes, considérablement élargies, n’est pas un but, mais un facteur. Tout comme la formation d’un cercle de partenaires importants dans une région allant de Téhéran à Beyrouth. Les risques sont tout aussi évidents. Dans les faits, Moscou participe à une guerre civile cruelle aux côtés d’une des parties, Bachar el-Assad, ainsi qu’à une guerre confessionnelle en se solidarisant (même ponctuellement) avec la minorité chiite du monde musulman contre la majorité sunnite. Cela demande une construction méticuleuse de la politique, sinon l’ampleur

T R AV E L 2 M O S C O W. C O M

En un a n dans le , les frais de s c de la ca entre historiq éjour remarq pitale russe on ue u Aujourd ablement bais t étoiles ’hui, contemplesé. d de la M u Kremlin, les r les oskova du Bolc ou le th quais h éâtre o ï sera un vos yeu p la x is , ir po m ais auss bourse. i pour v ur otre

des dégâts, y compris dans la politique intérieure, compte tenu des particularités confessionnelles des musulmans russes, peut être conséquente. Les relations avec l’Occident vont certainement se compliquer davantage. Une défaite importante des islamistes est dans les intérêts de presque tout le monde. Mais, comme le succès potentiel de la Russie est conditionné non seulement au renforcement de son influence, mais aussi de celle des positions du régime d’el-Assad, l’attitude négative des ÉtatsUnis et de leurs alliés est garantie. Il est difficile de prédire aujourd’hui si cela en viendra à une confrontation directe avec Moscou, mais l’on peut espérer que certaines leçons ont été tirées de l’expérience du passé. Quoi qu’il en soit, au mieux, les principaux acteurs garderont la neutralité. Toutefois, une guerre médiatique violente est inévitable, et elle a déjà commencé. Le principal dilemme des guerres menées aujourd’hui par les puissances mondiales est qu’elles n’impliquent pas de notion de « victoire ». Les campagnes militaires ont été conduites presque uniquement dans le but de changer les régimes et cet objectif a toujours été atteint – en Afghanistan, en Irak et en Lybie. On n’osait pas le qualifier ouvertement de victoire, d’autant que la destruction d’un pouvoir indésirable n’y a jamais conduit à la victoire. Le succès militaire obligeait le vainqueur soit à se lancer dans une reconstruction nationale (Afghanistan et Irak) couteuse et inefficace, soit à se retirer immédiatement

(Lybie), laissant derrière lui un État en ruines. Dans tous les cas, la recherche d’une stratégie de retrait devenait invariablement l’objectif de toute campagne militaire. L’implication russe en Syrie présente, évidemment, une différence fondamentale par rapport aux actions des ÉtatsUnis et de l’OTAN depuis le début des années 2000 : Moscou ne cherche pas à changer le pouvoir en place, mais à le conserver et le renforcer. Quoi qu’on dise de la légitimité perdue d’el-Assad et de l’absence de contrôle efficace sur la majeure partie du territoire, la collaboration avec l’armée régulière et l’appareil administratif, certes considérablement affaiblis, offre bien plus de possibilités que le soutien aux insurgés. Pourtant, tout cela ne supprime pas la question de la « stratégie de retrait », surtout si les choses n’évoluent pas comme prévu. Après tout, les Américains frappent l’EI depuis la base aérienne d’Incirlik en Turquie, où ils resteront en cas d’évolution défavorable, alors que les pilotes r u s se s sont i n st a l lé s e n Sy r ie directement. Toute guerre a sa propre logique qui, à un certain point, l’emporte sur les intérêts politiques. Il est très difficile d’éviter ce piège, l’expérience proche-orientale de presque toutes les puissances qui ont cherché à y jouer de grandes parties, en est la preuve. L’histoire du Proche-Orient ne nous apprend qu’une chose : les choses ne s’y passent jamais comme prévu. Il ne faut pas l’oublier.

Au cours des douze derniers mois, le rouble russe a perdu près de 40% de sa valeur par rapport à l’euro. Cette chute a rendu les séjours en Russie beaucoup plus accessibles pour les touristes étrangers.

ans les interventions de ces derniers mois, Vladimir Poutine propose un nouveau cadre pour les relations entre la Russie et les États-Unis. À New York, à Moscou et lors de la réunion du clubValdaï, Poutine a appelé la communauté internationale à se concentrer sur deux objectifs – la création d’une large coalition internationale contre l’EI et la restauration de l’État en Lybie, en Irak et en Syrie. « L’entreprise active » de la Russie en Syrie la place dans une position favorable – elle n’est pas obligée de compter avec les opinions des pays occidentaux sur les moyens de combattre l’EI. Moscou a créé une véritable coalition qui ne comprend, par ailleurs, que des pays intéressés par la victoire. Contrairement à l’opposition syrienne, sur laquelle parient les États-Unis et l’Union européenne, les alliés de Moscou – la Syrie, l’Irak, l’Iran et les combattants kurdes – luttent réellement contre l’EI. Le deuxième argument clé dans les derniers discours de Poutine est la nécessité de rétablir l’État dans les territoires de la Lybie, de la Syrie et de l’Irak où règnent actuellement le chaos. Moscou est le premier à proposer une solution radicale à la question des réfugiés du Proche-Orient qui devrait résonner dans les capitales européennes qui souffrent de la crise migratoire. Certes, la recette ne paraît pas simple – il ne sera pas facile de rétablir l’État dans les régions où celui-ci a été détruit. Le mémorandum d’entente mutuelle sur la sécurité des vols dans le ciel syrien, signé à la mi-octobre, est un résultat intermédiaire de la collaboration entre la Russie et les États-Unis. Il prévoit l’établissement d’une communication opérationnelle entre toutes les instances d’autorité militaire des deux pays et une entraide en cas de situations de crise. Cependant, une telle coordination ne suppose pas une pleine coopération. Elle ne prévoit pas d’échange de renseignements et ne signifie pas que les ÉtatsUnis soutiennent la politique russe en Syrie. Leur refus de coopérer pleinement sur la question syrienne est motivé par leur crainte de provoquer la colère de leurs alliés dans le golfe Persique et la réticence de voir les positions russes se renforcer dans la région. À en juger par le ton des derniers discours de Poutine, la Russie s’est résignée quant aux divergences insurmontables avec les États-Unis et l’OTAN. Il semblerait que Moscou a, pour la première fois, accepté la formule de relations proposée à Poutine par Georges W. Bush : « Nous ne sommes pas des ennemis, faîtes ce que vous voulez et nous ferons de même ».

Restaurants L’addition autour de 22 euros par personne En 2015, vous pouvez savourer les chefs d’œuvre des chefs moscovites sans vous ruiner.

Taxi Prix moyen de transfert de ou vers l’aéroport

Soldes à -40%

Auto-partage La minute (le système d’auto-partage de véhicules a été lancé à Moscou en septembre 2015).

Prix moyen d’une excursion en anglais

Théâtre du Bolchoï Prix moyen d’une place de spectacle: 55 euros (soit deux fois moins que dans les autres grandes salles internationales).

ques Jones Lang LaSalle Incorporated, 2GIS. Prix calculés selon le taux de change du 7 octobre 2015. statistiques, * Source : Service fédérale dess statistiq


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