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Mercredi 15 octobre 2014

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Visions de la Russie Distribué avec

Parmi les autres partenaires de distribution : The Daily Telegraph, The New York Times, The Washington Post, La Repubblica, etc.

C E C A H I E R D E H U I T PA G E S E S T É D I T É E T P U B L I É PA R R O S S I Y S K AYA G A Z E TA ( R U S S I E ) , Q U I A S S U M E L ’ E N T I È R E R E S P O N S A B I L I T É D E S O N C O N T E N U

LES JEUNES SE FONT ENTENDRE Le Forum Jeunesse de Rhodes parrainé par Moscou a renforcé le réseau international d’une organisation non gouvernementale axée sur le « soft power ».

La littérature dans tous ses états scrute la réalité russe

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QUEL AVENIR POUR RENAULT ET SA FILIALE RUSSE ? Le recul du marché automobile russe pourrait pousser le constructeur français à revoir son alliance avec AvtoVAZ. Mais les experts n’imaginent pas un désengagement. PAGE 3

NOVOSSIBIRSK OU LE FROID PAYS EN EFFERVESCENCE Partez avec nous à la découverte de la « capitale » de la Sibérie, cité de la culture et des sciences où un nouveau pont sur l’Ob réunit un peu plus l’Est et l’Ouest du pays. PAGE 7

À lire sur notre site Web Des graffitis lourds de sens dans les rues de Moscou fr.rbth.com/28197

REUTERS

Le destin de la Russie, pays dont l’histoire est une succession de bouleversements, alimente une source d’inspiration inépuisable pour les écrivains russes. L’identité nationale reposant sur un tissu de coutumes et de cultures aussi nombreuses que variées, les œuvres,

protéiformes à l’image du pays luimême, fournissent au lecteur les morceaux du puzzle lui permettant d’assembler une vision de la réalité russe profondément enracinée dans les traditions, pour mieux comprendre le présent et entrevoir l’avenir. Mais si la réputation et les écrits des

grands auteurs ont franchi toutes les frontières, la littérature contemporaine, miroir de la Russie actuelle, demeure peu explorée. D’où notre dossier qui rassemble une analyse de la situation du livre russe en France, un panorama critique d’ouvrages contemporains traduits

en français, une évocation des dédicaces – fort prisées dans les enchères – qui révèlent parfois des faits méconnus de la vie des écrivains, ainsi que les portraits de deux muses de la littérature russe. LIRE NOTRE DOSSIER EN PAGES 4-5 et 8

Mode : découvrez les plus grands stylistes russes fr.rbth.com/28283

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Mercredi 15 octobre 2014

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SupplĂŠment de Rossiyskaya Gazeta distribuĂŠ avec Le Figaro

POLITIQUE & SOCIÉTÉ

Ĺ?g Ĺ? La Russie prĂŞte un intĂŠrĂŞt nouveau Ă la ÂŤÂ puissance douce  (soft power)

1 * Ĺ?(!/Ĺ?&!1*!/Ĺ?&!00!*0Ĺ? des ponts entre les nations +10$Ĺ? %)!ÄŒĹ?1*!Ĺ?+.# *%/ 0%+*Ĺ?*+*Ĺ? gouvernementale (ONG) rĂŠunissant des &!1*!/Ĺ?0 (!*0/Ĺ? 1Ĺ?)+* !Ĺ?!*0%!.ÄŒĹ?2%!*0Ĺ? !Ĺ?0!*%.Ĺ?/+*Ĺ?/+))!0Ĺ? **1!(Ĺ?!*Ĺ? .t !ÄŒĹ? 2! Ĺ?(!Ĺ?, .. %* #!Ĺ? !Ĺ? +/ +1Ä‹

Ĺ? POUR RBTH

PlacĂŠ sous le signe du centenaire du dĂŠbut de la Première Guerre mondiale, avec pour thème la prĂŠvention des guerres futures par la solidaritĂŠ entre les peuples et pour figure emblĂŠmatique Mahatma Gandhi, le Forum Jeunesse de Rhodes s’est dĂŠroulĂŠ du 25 au 29 septembre dernier dans le cadre paradisiaque de l’Île grecque. Une centaine de participants, pour la plupart entre 20 et 25 ans, venant de 65 pays ont activement dĂŠbattu Ă la faveur de tables rondes, d’exposĂŠs et de discussions informelles. Le forum s’est focalisĂŠ au maximum sur des dossiers actuels, avec des panels consacrĂŠs Ă l’entrepreneuriat social, la diplomatie des jeunes et la jeunesse en zone de conflit. Point notable, le Forum Jeunesse de Rhodes (FJR) s’est dĂŠroulĂŠ en marge d’une manifestation plus large, le Dialogue des Civilisations, organisĂŠ Ă Rhodes depuis douze ans et qui rassemble des personnalitĂŠs de premier plan dans les sphères politiques, scientifiques et religieuses. L’un des aspect les plus importants de l’ÊvĂŠnement rĂŠsidait dans l’interaction entre les deux forums, avec des jeunes dĂŠsireux de faire remonter leurs idĂŠes et initiatives vers leurs aĂŽnĂŠs, tandis que ces derniers participaient volontiers aux table rondes de leurs cadets. La sauce a si bien pris que dans les derniers jours, les deux instances avaient pratiquement fusionnĂŠ.

Le Forum Jeunesse de Rhodes a rĂŠuni en Grèce une centaine de participants de moins de 30 ans venus de 65 pays, qui ont pu comparer leurs projets. Il a tĂŠmoignĂŠ de l’intĂŠrĂŞt croissant de la Russie pour le ÂŤÂ soft power .

Au diable la guerre et la politique

En dĂŠpit des conflits en Ukraine et de la commĂŠmoration de 1914, les discussions n’ont guère portĂŠ sur les aspects politiques. La seule intervention consa-

SERVICE DE PRESSE

nous divise, c’est pourquoi je n’y prĂŞte pas attention , explique-t-il Ă notre journal. Une attitude pragmatique dĂŠroutante pour beaucoup d’aĂŽnĂŠs du Dialogue des Civilisations, pressant le jeune homme de s’expliquer sur la politique gouvernementale de Pristina. ÂŤÂ J’Êtais un peu sceptique au dĂŠbut, mais je suis surpris par le haut niveau des participants, confie Baptiste Amieux, jeune diplomate travaillant pour l’ONU Ă Tunis et ÂŤ ambassadeur Âť du mouvement pour la France. Ce qui me plaĂŽt, c’est que tous portent des projets concrets. Ce sont tous des professionnels pleins de potentiel .

crĂŠe Ă la guerre fut celle d’Alexandre Volvak, un jeune Ukrainien du Donbass. Dans son exposĂŠ remontant aux racines du conflit, il a admis que les jeunes sont clairement divisĂŠs en deux camps antagonistes et que tout reste encore Ă faire pour rĂŠtablir le dialogue. D’autres intervenants (palestiniens, armĂŠniens) ont dĂŠtaillĂŠ diffĂŠrentes stratĂŠgies permettant aux jeunes de camps opposĂŠs de bâtir des projets ensemble ou d’influer positivement sur les autoritĂŠs. Taulent Hoxha (Kosovo), un jeune entrepreneur très actif dans la sociĂŠtĂŠ civile, a pour sa part fait complètement abstraction de la politique pour se focaliser sur l’organisation de manifestations culturelles rapprochant Kosovars et Serbes. ÂŤÂ Les goĂťts, les centres d’intĂŠrĂŞt nous unissent. La politique

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Chaque annÊe, le Forum Jeunesse est l’aboutissement de l’action menÊe par

Youth Time, une ONG basĂŠe Ă Prague, pour tisser des liens tout autour du globe permettant de fĂŠdĂŠrer et partager les projets de dĂŠveloppement lancĂŠs par des jeunes. L’organisation, fondĂŠe en 2010 et dirigĂŠe par Julia Kinash, une jeune femme russe de 25 ans, est parrainĂŠe par Vladimir Yakounine, fondateur du Dialogue des Civilisations et PDG des Chemins de fer russes (RZD). Grâce Ă ses liens dans le monde des affaires, ce dernier trouve des sponsors soutenant l’organisation, particulièrement auprès de grandes sociĂŠtĂŠs de transport comme Alstom et Siemens. La forte prĂŠsence russe cĂ´tĂŠ organisationnel (la majeure partie de l’Êquipe est russe) et financier ne se ressent pas sur le versant activitĂŠs, contrairement au Dialogue des Civilisations, lourdement dominĂŠ par le monde russophone et par des orientations politiques nettement favorables au Kremlin. ÂŤÂ Les positions de Monsieur Yakounine [très proche de Vladimir Poutine] sont connues de tous, explique Baptiste Amieux. On assiste Ă certains discours aux accents anti-amĂŠricains et conservateurs [au Dialogue des Civilisations]. Mais, cela n’influe pas sur les activitĂŠs du Youth Forum. Nous ne sommes pas dans l’idĂŠologie, nous sommes concentrĂŠs sur les rĂŠsultats . Certes, quelques voix discordantes se font entendre. ÂŤÂ Julia Kinash [la prĂŠsidente] manque d’indĂŠpendance, on voit bien que son discours est façonnĂŠ pour plaire Ă son patronVladimirYakounine, persifle un participant venu d’Asie. D’autre part, l’AmĂŠrique latine et l’Afrique subsaharienne ne sont presque pas reprĂŠsentĂŠes dans l’organisation . Une lacune qui sera bientĂ´t comblĂŠe, indique une source parmi les organisateurs. Youth Time dĂŠveloppe son rĂŠseau. Rome ne s’est pas faite en un jour ! Serait-ce pour la Russie l’Êmergence d’un engagement de longue durĂŠe dans la ÂŤÂ puissance douce  [soft power] ? Cette forme très efficace d’influence globale a longtemps ĂŠtĂŠ sous hĂŠgĂŠmonie amĂŠricaine. Vladimir Yakounine, qui cultive depuis longtemps un profil international, relève le gant avec l’appui tacite du Kremlin. Bien sĂťr, Youth Time reste une organisation Ă la taille bien modeste. Mais ce rĂŠseau international de futurs dirigeants pourrait bien se rĂŠvĂŠler très utile pour les dirigeants russes, qui ont depuis une vingtaine d’annĂŠes complètement nĂŠgligĂŠ de faire de leur pays un pĂ´le d’attraction mondial auprès de la jeunesse.

Ĺ? Le dĂŠfi d’une jeune entreprise pour montrer que la fuite des talents russes Ă l’Êtranger appartient au passĂŠ

Retenir les meilleurs cerveaux, c’est possible

Ĺ?/+ %h0hĹ? $ *#!((!*#!Ĺ? +) (!Ĺ?(!Ĺ? fossĂŠ entre les entreprises et les brillants diplĂ´mĂŠs dĂŠbarquant sur le ) . $hĹ?* 0%+* (Ĺ? !Ĺ?(Äš!),(+%Ä‹

L’idÊe de changement et d’excellence est au au cœur de la philosophie de la jeune entreprise.

Ĺ? POUR RBTH

SERVICE DE PRESSE

La crise est riche de possibilitĂŠs pour les entreprises souples et innovantes. Changellenge en est l’illustration. Alors que la tendance gĂŠnĂŠrale est au resserrement des budgets et Ă la rĂŠduction des effectifs, Changellenge recrute, trouve de nouveaux clients, change de stratĂŠgie. L’idĂŠe motrice est contenue dans le nom de l’entreprise, un jeu de mots exprimant le dĂŠfi du changement. DirigĂŠe par AndreĂŻ Aliassov, Ă peine 25 ans, la sociĂŠtĂŠ fondĂŠe en 2010 occupe une niche depuis longtemps vacante entre les grandes ĂŠcoles russes et le monde de l’entreprise. Les premières offrent une formidable formation thĂŠorique, mais restent loin Ă la traĂŽne de leurs consĹ“urs occidentales en matière de formation pratique. Les secondes n’ont ni le temps ni les moyens d’Êtablir des partenariats fructueux avec le monde de l’enseignement. L’idĂŠe est d’attirer les plus brillants cerveaux, ceux qui deviendront demain des

En ligne La dĂŠmocratie russe passe au format ĂŠlectronique : ".Ä‹. 0$Ä‹ +)ÄĽÄƒÄ€ÄŠÄ‡Ä†

dirigeants d’entreprises, vers des formations et des championnats de ÂŤÂ business cases Âť, au cours desquels ils seront repĂŠrĂŠs par les chasseurs de tĂŞtes des grands groupes. Changellenge aide ces derniers Ă ĂŠlaborer des cas d’affaires adaptĂŠs Ă Â leurs besoins, organise des championnats et bat la campagne pour trouver la matière première â€“ en l’occurrence la matière grise. ÂŤÂ Au dĂŠbut, nos clients ĂŠtaient essentiellement des multinationales prĂŠsentes en Russie. Ils ont tout de suite compris notre fonctionnement et l’intĂŠrĂŞt que nous reprĂŠsentions pour eux ,

Alors que la tendance est au resserrement des budgets et Ă la rĂŠduction des effectifs, Changellenge recrute et trouve de nouveaux clients

explique AndreĂŻ Aliassov, lui-mĂŞme diplĂ´mĂŠ du MGIMO, l’une des ĂŠcoles les plus prestigieuses du pays. Peu Ă peu, grâce Ă son talent de nĂŠgociateur et au bouche-Ă -oreille, Changellenge commence Ă convaincre quelques grands groupes russes comme RZD (chemins de fer) et les banques Alfa et Gazprombank. ÂŤÂ C’est aussi grâce au fait que les directeurs des ressources humaines passent d’un groupe Ă l’autre et nous recommandent Ă chaque fois , prĂŠcise Aliassov. Il note au passage qu’il existe un très fort roulement dans le monde du travail russe :  Je ne connais personne qui travaille plus de trois ans dans la mĂŞme entreprise. C’est liĂŠ Ă notre appĂŠtit bien russe de risque et de changement . La conjoncture actuelle difficile, en raison des sanctions et du ralentissement ĂŠconomique, impose une grande adaptabilitĂŠ Ă des entreprises comme Changellenge. ÂŤÂ Tous nos clients ont rĂŠduit leurs budgets. Nous sommes forcĂŠs de changer de stratĂŠgie et de fournir de nouveaux services , souligne son jeune responsable. Changellenge se lance aujourd’hui dans deux nouvelles directions. La première vise Ă faire connaĂŽtre les concepts de cas d’affaires et de

championnats sur le marchĂŠ europĂŠen. La seconde consiste Ă lancer des partenariats avec les grandes ĂŠcoles et universitĂŠs russes. ÂŤÂ Nous disposons aujourd’hui d’un vaste catalogue de cas d’affaires dont nous aimerions faire profiter les enseignants . En gros, il s’agit de populariser et de dĂŠmocratiser la formation pratique des futurs dirigeants d’entreprises en amont. Les grandes entreprises restent toutefois le cĹ“ur du mĂŠtier de Changellenge, pour la simple et bonne raison que ce sont elles qui gĂŠnèrent le chiffre d’affaires. UniversitĂŠs et ĂŠtudiants profitent gratuitement des services de Changellenge. Changement ne rime pas avec ĂŠmigration. Pour AndreĂŻ Aliassov, la fuite des cerveaux, c’est fini. ÂŤÂ Aujourd’hui, les meilleurs salaires sont en Russie. Beaucoup de ceux qui ont ĂŠmigrĂŠ reviennent. C’est ici que se trouve la croissance, mĂŞme si elle est moins forte que dans les annĂŠes 2000 , assure-t-il. Une ĂŠtude rĂŠalisĂŠe par Changellenge montre que ce qui attire le plus les surdiplĂ´mĂŠs, c’est le salaire (51,5%) et une ascension rapide dans l’entreprise (30,8%). Et ils ne sont que 2% Ă rĂŞver de travailler dans une entreprise ĂŠtrangère.

RUSSIA BEYOND THE HEADLINES (RBTH) PUBLIE 29 SUPPLÉMENTS DANS 23 PAYS POUR UN LECTORAT TOTAL DE 30 MILLIONS DE PERSONNES ET GĂˆRE 20 SITES INTERNET EN 16 LANGUES. LES SUPPLÉMENTS ET CAHIERS SPÉCIAUX SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), ET DIFFUSÉS DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX SUIVANTS: Ä‘Ĺ?LE FIGARO, FRANCE Ä‘ LE SOIR, BELGIQUEÄ‘ THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE Ä‘Ĺ? HANDELSBLATT, ALLEMAGNE Ä‘Ĺ? Ĺ? ƒ , ESPAGNE Ä‘Ĺ? Ĺ? , ITALIE Ä‘Ĺ? , BULGARIE Ä‘Ĺ? Ĺ? , MACÉDOINE đĹ? ÄŒĹ? Ĺ? , SERBIE Ä‘Ĺ? Ĺ? Ĺ? ÄŒĹ? Ĺ? Ĺ? Ĺ? Ĺ?ETĹ? Ĺ?

Ĺ? Ĺ? , ÉTATS-UNIS Ä‘Ĺ? Ĺ? Ĺ? , INDE Ä‘Ĺ? Ĺ? , JAPON Ä‘Ĺ? Ĺ? SHIBAO, CHINE Ä‘Ĺ? Ĺ? , ARGENTINE Ä‘Ĺ? Ĺ? Ĺ? Ä‹ , BRÉSIL Ä‘ Ĺ? , URUGUAYĹ?Ä‘Ĺ? Ĺ? Ĺ? ÄŒĹ? Ĺ? , AUSTRALIE Ä‘Ĺ? Ĺ? , GRĂˆCE Ä‘Ĺ? Ĺ? , CORÉE DU SUD Ä‘Ĺ? Ĺ? ÄŒĹ? Ĺ? , ÉMIRATS ARABES UNIS Ä‘Ĺ? Ĺ? , PHUKET GAZETT, THAĂ?LANDE. COURRIEL : ÄŽ Ä‹ . POUR DE PLUS AMPLES INFORMATIONS, CONSULTER Ä‹ Ä‹ . LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)


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ÉCONOMIE

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INDUSTRIE AUTOMOBILE Les pertes de sa filiale russe dans un marché en recul pèsent sur la stratégie du groupe

Renault à la croisée des chemins Le constructeur français enregistre une chute des ventes et une poussée des pertes de sa filiale. Le tassement du marché automobile russe fait craindre une remise en cause des investissements – prématurée selon les experts. ALEXANDER RATNIKOV POUR RBTH

Renault a publié fin juin ses résultats financiers pour le premier semestre 2014. Ils indiquent que les pertes de l’entreprise imputables à sa filiale russe AvtoVAZ s’élèvent à 55 millions d’euros. Les bénéfices nets du groupe français s’élevant à 801 millions d’euros sur cette période, le trou n’est pas catastrophique. Mais il reflète une spirale qui pourrait pousser la direction parisienne à perdre patience : en un an, les pertes d’AvtoVAZ ont été multipliées par 5,5.

Le marché automobile russe traverse une mauvaise passe

Un autre facteur révèle la pression qui pèse sur Renault : la baisse des ventes de voitures en Russie. Elle s’est accélérée durant l’été 2014. Selon des chiffres plus représentatifs de l’Association des entreprises européennes, sur le seul mois d’août, la demande pour les différents modèles Renault a chuté de 18% et de 10% sur les huit mois de l’année en cours. Les performances de Lada, principale marque d’AvtoVAZ, sont encore pires : ses ventes ont diminué de 32% en août et de 18% entre janvier et août. Une des raisons de la crise dans l’industrie automobile russe est la modification du programme relatif aux crédits préférentiels. Lancés suite à une chute de 49% du marché en 2009, ils étaient considérés comme le principal vecteur des ventes de véhicules entre 2010 et 2013. Le programme prévoyait des subventions par le budget fédéral d’une partie du taux d’intérêt des crédits pour les véhicules légers nationaux ou importés et pour le transport automobile commercial léger dont le prix ne dépassait pas 750 000 roubles (15 200 EUR). L’année dernière, une voiture sur dix en Russie a été achetée grâce au soutien de l’État. Ce programme a été arrêté le 31 décembre 2013.

La dévaluation du rouble constitue une autre cause de la baisse de l’intérêt des Russes pour l’achat de nouvelles voitures. Un euro valait près de 45 roubles en janvier, contre 49 à 50 roubles en septembre. En cas de dévaluation importante de leur monnaie nationale, les Russes préfèrent différer l’achat de produits plus chers.

Les analystes russes conseillent à Renault de se montrer patient

Les spécialistes du marché de l’automobile estiment toutefois que même si AvtoVAZ devait être encore dans le rouge à la fin de l’année, ce qui est probable, Renault n’aurait pas fini de tirer profit de son union stratégique. « Cette année, AvtoVAZ a lancé un plan de réformes à grande échelle. L’entreprise a changé de direction [c’est désormais Bo Andersson, ancien dirigeant du groupe GAZ, qui est à sa tête, ndlr]. Sa principale tâche sera de sortir AvtoVAZ du rouge. Un plan est prévu pour y arriver d’ici à la fin de cette année, mais l’entreprise devrait normalement redevenir rentable de manière permanente en 2016 et bénéficier d’un excédent brut d’exploitation d’au moins 6% », explique Sergueï Baranov, rédacteur en chef du magazine AutoBusinessReview. Il ajoute par ailleurs que Renault-Nissan, qui possède un paquet de contrôle d’actions d’AvtoVAZ, pourra difficilement se passer d’une collaboration avec un grand producteur automobile russe car « des moyens considérables ont déjà été investis dans ce projet et la Russie revêt une grande importance pour le groupe ». Selon M. Baranov, en cas de scénario négatif, la stratégie d’AvtoVAZ pourrait changer en privilégiant un ensemble dominant de modèles Renault, Nissan et Datsun au lieu de la production d’automobiles à meilleur prix sous la marque Lada. Mais pour le moment, AvtoVAZ croit en sa Lada et possède une bonne conception du développement de la marque. Sergueï Litvinenko, directeur de PwC Russia, conseille également d’attendre le processus de réformes d’AvtoVAZ. « L’entreprise russe se trouve actuellement dans une période de restructura-

AFP/EASTNEWS

La baisse du rouble et la hausse des crédits ont affaibli le marché automobile russe. Toutefois, selon les analystes, cette situation n’est pas appelée à perdurer.

tion. De plus, elle dispose d’un programme d’investissements assez important qui entraînera d’autres dépenses. Cependant, un travail considérable est fourni afin de réduire les frais. Si la société arrive à respecter les délais de production des nouveaux modèles, elle pourrait devenir rentable dès 2016 », précise l’analyste. Il attire aussi l’attention sur les dernières initiatives du gouvernement russe sur le marché de l’automobile. Le 14 juillet dernier, le premier ministre Dmitri Medvedev a interdit l’achat de véhicules fabriqués à l’étranger pour les besoins de l’État ou des municipalités. Ces restrictions s’appliquent non seulement aux fonctionnaires, mais aussi aux voitures des organisations publiques, aux transports en commun, au matériel spécifique des services d’urgence et aux agents communaux. Elles ne s’étendront évidemment pas à Avto-

Frein brutal Les ventes de voitures et de véhicules utilitaires légers neufs en Russie ont reculé de 25,8% (à 172 015 unités) en août 2014 par rapport à la même période en 2013, selon l’Association des affaires européennes. Chevrolet, Ford, Daewoo, Suzuki, Peugeot, Citroën et Geely ont connu une chute supérieure à 50%.

VAZ, ce qui devrait permettre d’augmenter les ventes de celle-ci. L’analyste d’IFK Metropol Andreï Rojkov se montre encore plus optimiste sur l’avenir de Renault et d’AvtoVAZ. Pour lui, le russe ne peut que provoquer des pertes « insignifiantes » pour Renault sur l’ensemble de l’année, et pourrait même redevenir rentable d’ici là. Il estime que le marché russe de l’automobile se stabilisera à long terme car son affaissement de 2014 a été entraîné par une conjugaison rare de facteurs négatifs comme la baisse du cours du rouble et la hausse des crédits, mais la Russie devrait encore connaître une croissance économique, aussi modérée soit-elle. L’analyste deVTB CapitalVladimir Bespalov juge pour sa part que Renault a déjà trop investi dans AvtoVAZ pour abandonner si facilement cette collaboration : « Ils n’ont tout simplement aucune raison de partir ».

FINANCE Les banques et entreprises russes en quête de substituts aux crédits occidentaux coupés par les sanctions

Pistes de survie à l’asphyxie financière Un volet des sanctions occidentales concerne la restriction de l’accès au crédit pour les banques dont l’État russe détient la majorité, ainsi que pour les principaux groupes énergétiques. ANTON SVETCHNIKOV POUR RBTH

Deux mois se sont écoulés depuis l’entrée en vigueur des sanctions, mais pour le moment, les personnes juridiques touchées par les mesures de rétorsion n’ont pas rencontré de problèmes majeurs : les banques publiques se servent des dépôts de la population qui leur permettent de recevoir des flux réguliers de liquidités en roubles. Quant aux grandes entreprises, elles n’ont pas jusqu’à présent rencontré de difficultés majeures : d’après les experts, leurs ressources n’ont pas encore été épuisées. Mais la situation actuelle ne doit pas faire oublier que l’effet négatif ne s’est pas encore fait sentir.

Rembourser les crédits

La question principale pour les banques citées est le remboursement de leurs créances en devises. L’année dernière, le secteur bancaire a levé plus de 11 milliards d’euros sur les marchés financiers, dont 70% pour les banques « sanctionnées ». Entre septembre 2014 et mars 2015, elles devront régler 27 milliards d’euros de dettes extérieures. Natalia Orlova, économiste en chef d’Al-

fa Bank, souligne que les sanctions occidentales signifient que les banques citées seront confrontées à des problèmes de refinancement sur les marchés mondiaux. L’une des solutions possibles est de souscrire des prêts en devises à l’intérieur du pays. Toutefois, les banques non soumises aux sanctions et disposant toujours d’accès au marché occidental des devises ne peuvent lever des fonds selon les mêmes termes que les leaders du marché. Les entreprises ont tendance à recourir davantage aux prêts sur le marché russe, explique Igor Dmitriev, vice-président de Bank of Settlements and Savings. Le quotidien RBC Daily a annoncé que les compagnies Rosneft et Gazprom Neft, frappées par les sanctions, ainsi que d’autres groupes, ont lancé des négociations pour souscrire des crédits auprès de plusieurs banques privées russes. « Depuis que les marchés financiers occidentaux sont fermés aux principaux emprunteurs russes, nous sommes sollicités par des compagnies de premier plan qui, historiquement, ne nous prenaient pas en considération. Pour le moment, il n’y a pas eu de transaction, nous sommes au stade des négociations, mais c’est déjà beaucoup », a expliqué Alexeï Petrov, directeur du département des syndications d’Alfa Bank, à RBC. Toutefois, Alexeï Kotlov, directeur du département des financements syndiqués

pense que les marchés financiers asiatiques sont plutôt une solution supplémentaire prometteuse pour des emprunts relativement peu chers. L’État est disposé à partiellement aider les banques publiques et les grandes entreprises. Le 2 octobre, lors d’un forum financier, le président russeVladimir Poutine a confirmé que le pays aiderait les banques visées par les mesures économiques occidentales à augmenter leurs capitaux. Anton Soroko estime que l’État soutiendra sans faute les cinq premières banques frappées par les sanctions.

En chiffres

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La chute du rouble REUTERS

banques russes sont interdites de levée de capitaux sur les marchés de l’Union européenne : Sberbank, VTB Bank , Gazprombank, Vnecheconombank et Rosselkhozbank.

de Gazprombank, avertit que les banques russes ne pourront sauver tout le monde. Il estime qu’elles ne disposent pas de capital suffisant pour remplacer tous les créditeurs étrangers et répondre à tous les besoins supplémentaires de crédit et d’investissement. En outre, selon lui, de nombreuses banques préfèrent augmenter leurs réserves plutôt que consacrer leur capital aux crédits.

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À la recherche de solutions

compagnies russes – Rosneft, Transneft et Gazprom Neft – ont perdu la possibilité de refinancer leur dette.

Kira Ioukhtenko, analyste en chef de la société de courtage FBS, explique qu’à l’avenir, les banques d’État continueront à augmenter leur présence sur les marchés financiers asiatiques pour répondre aux besoins en devises. « Il est possible et nécessaire d’accéder au marché asiatique, mais il est un problème sérieux : les capacités de ce marché ne sont pas aussi importantes qu’on le croit.Tout le monde ne parviendra sans doute pas à lever les sommes nécessaires à des taux acceptables pour les banquiers russes », estime Anton Soroko, analyste de la holding d’investissement Finam. Il

Depuis l’introduction des sanctions, les principales banques et entreprises russes sont privées d’accès aux sources de financement occidentales.

Les sanctions ont également affecté la devise nationale russe : au cours de ces dernières semaines, le rouble s’est considérablement affaibli et sa chute se poursuit. La question principale est de savoir à quel point cette chute sera dommageable et quelles seraient ses conséquences sur l’économie. Autre aspect tout aussi important : la Banque centrale (BC) envisage-t-elle de sauver le rouble ? « La Banque centrale a clairement l’intention d’épargner les réserves de devises, perdues dans la bataille pour un cours du rouble acceptable. Ainsi, nous devons nous attendre à une nouvelle vague d’affaiblissement du taux de change », prédit Natalia Orlova. Toutefois, la BC devrait suivre de près l’ampleur des variations du taux de change pour éviter une nouvelle chute brutale du rouble. Elena Fedotkova, analyste à Promsvyazbank, estime pourtant que la situation de la devise nationale n’est pas aussi simple qu’elle puisse paraître à un observateur extérieur : d’une part, la chute du rouble se traduit par une hausse de l’inflation, d’autre part, une monnaie faible favorise les sociétés exportatrices, principales pourvoyeuses du budget fédéral russe.


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Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro

DOSSIER

LIRE LA RUSSIE POÉSIE, AVANT-GARDE, ÉPOPÉES HISTORIQUES, RÉALISME, LYRISME, FICTION POPULAIRE : UNE PRODUCTION LITTÉRAIRE PROTÉIFORME

LES NOUVEAUX VISAGES DES LETTRES RUSSES Depuis quelques années, la littérature russe revient sur le devant de la scène française avec des romans grand public, mais aussi des auteurs qui, plus discrets, s’inscrivent pourtant dans la lignée des grands écrivains russes.

Luba Jurgenson à notre journal. D’autres, en revanche, tout en créant dans leurs œuvres une certaine image de l’existence souterraine que générait l’imaginaire soviétique ont su transposer cette image sur la Russie nouvelle. Les deux grandes réussites auxquelles je pense sont Sorokine et Mamleïev, dont les univers fictionnels fonctionnent tout aussi bien dans la Russie actuelle », poursuit-elle. Le prix Andreï Biély reflète bien cette période chaotique. Instituée en 1978, cette récompense indépendante prestigieuse, quoique symbolique (un rouble, une pomme et une bouteille de vodka), honorait les mérites de nombreux auteurs et poètes dont les œuvres étaient censurées en URSS. Parmi ses lauréats figurent Andreï Bitov et Sergueï Ak-

CHLOÉ VALETTE POUR RBTH

Si les libraires et éditeurs français ont été très friands de littérature russe dans les années 1970, on assiste, après le boum de la perestroïka, à un recul de cet engouement depuis les années 1990. Écrivaine et traductrice, Luba Jurgenson, qui co-dirige la collection russe Poustiaki (petits riens) aux éditions Verdier, confirme cette tendance. « Aujourd’hui il y a de moins en moins d’espaces éditoriaux consacrés aux Russes, déploret-elle. Les grandes maisons d’édition sont plus frileuses, et ce sont souvent les petits et moyens éditeurs qui semblent plus exigeants et cohérents ». Cette défiance s’explique notamment par le fait que, dans les années 1990, les éditeurs se sont mis à publier un peu tout et n’importe quoi. La transition (parfois violente) a bouleversé le paysage littéraire russe et de nombreux écrivains n’ont pas résisté à ce changement. « Pour certains, la sortie de la clandestinité a été parfois difficile à négocier, puisque cette littérature des marges se nourrissait en grande partie de son rejet de l’idéologie et de cette existentialité soviétique. Ce fond existentiel a disparu du jour au lendemain, tout comme le langage qui l’accompagnait, et beaucoup d’écrivains n’ont pas pu ouvrir cette nouvelle page, explique

Luba Jurgenson Émigrée en France en 1975, Luba Jurgenson se considère comme une écrivaine francophone. Toutefois, ce fait ne l’a pas empêchée de revenir, dans son livre Au lieu du péril publié en septembre dernier, sur cette identité d’émigrée « qui n’est plus » et sur « la reconstitution de (sa) carte géographique personnelle » après l’effondrement de l’Union soviétique. En s’intéressant à son rapport aux deux langues, le russe et le français, elle livre une expérience personnelle et tente d’ébaucher « une physique du bilinguisme », dans laquelle la (les) langue(s) nous façonne(nt) : « à une nouvelle naissance, correspond une nouvelle langue ».

DANS LA RUBRIQUE LIRE LA RUSSIE : đƫ LES LOOKS DE LA LITTÉRATURE đƫ LE RETOUR D’UNE LITTÉRATURE D’IDÉE

FR.RBTH.COM/LIRE_LA_RUSSIE

ssionov. Toutefois, au début des années 1990, ce prix traverse une période creuse. Ce n’est qu’en 1997 qu’il revient sur la scène littéraire avec, entre autres, Vladimir Sorokine.

La littérature russe se cherche une nouvelle identité

Ces bouleversements ont incité la littérature à participer à la reconstruction identitaire du pays : identité individuelle, géographique, mémorielle. Dans son roman La limite de l’oubli, le jeune écrivain Sergueï Lebedev propose ainsi de repenser la mémoire de la répression au présent, dans la vie de sa génération, et s’inscrit, par la puissance de son style, dans la lignée des grands écrivains de la prose russe. Dans ce vaste espace littéraire, l’émigration russe se cherche elle aussi une place, mais reste souvent la grande oubliée de la littérature contemporaine russe. Écrivain de génie, Léonid Guirchovitch, qui a quitté l’URSS dans les années 1970, n’a été publié en Russie qu’après la chute de l’Union. Pourtant, même dans la Russie nouvelle, sa littérature a fait l’objet de critiques virulentes. Dans le contexte actuel, l’auteur et musicien rencontre à nouveau des difficultés pour se faire publier en Russie.

Peintre, poète et traductrice littéraire, Christine Zeytounian-Beloüs vit en France depuis 1966. C’est à elle que nous devons la traduction vers le français de plusieurs romans contemporains, dont ceux de Vladimir Makanine, Sergueï Dovlatov, et Victor Pelevine, mais aussi de nombreux poèmes, tels les œuvres de Bela Akhmadoulina, Andreï Biély, Ossip Mandelstam, Ivan Jdanov. Ses propres poèmes étant plus publiés en Russie qu’en France (la poésie y étant plus populaire), elle avoue se sentir « plus poète russe que poète française », bien qu’elle aime écrire dans les deux langues.

Sur le marché du livre, la littérature russe progresse timidement

La poésie, « la mal-aimée » du genre littéraire

En France, c’est un tout autre genre qui, dans les librairies, a atterri au rayon des oubliettes. « Le roman règne en maître dans la littérature russe publiée en France », admet la poète et traductrice Christine Zeytounian-Beloüs, qui s’efforce néanmoins de donner une visibilité à son genre de prédilection, la poésie. Elle vient de terminer la traduction d’une anthologie de 50 jeunes poètes susceptible d’offrir un panorama de la poésie contemporaine russe, mais n’a pas encore trouvé d’éditeur. « La poésie reste la mal-aimée en France. Pourtant, il y a un renouveau actuel de la poésie en Russie d’une très grande richesse, avec des poètes très différents », souligne-t-elle dans un entretien avec notre journal. Pour elle, il est donc primordial de redonner le goût de la poésie aux lecteurs français, mais aussi des nouvelles, également très présentes sur la scène littéraire russe. Celle qui vient de recevoir la Bourse de traduction du Prix européen de littérature pour le roman Assan deVladimir Makanine espère ainsi sensibiliser les lecteurs français avec un recueil de nouvelles d’Olga Slavnikova, à paraître en 2015.

NATALIA MIKHAYLENKO

Christine Zeytounian-Beloüs

En ligne Toutes les nouveautés littéraires sur fr.rbth.com/6364

La littérature contemporaine russe n’est pas une et indivisible. Au contraire, elle est aussi foisonnante que variée. Un seul et même écrivain n’aura pas le même écho à l’étranger ou en Russie. « Il y a forcément toujours un décalage entre le succès d’un livre en Russie et celui rencontré, ou pas, en France. On ne sait jamais à l’avance ce qui va marcher », avoue Christine Zeytounian-Beloüs, qui dirige le domaine russe aux éditions Albin Michel. « Pour moi, c’est une question de coup de cœur », confie-t-elle. S’agissant de son positionnement sur le marché du livre, les libraires sont unanimes. La littérature russe contemporaine a du génie, mais elle peine à percer auprès du grand public. Pour la librairie Contretemps, « le problème de la Russie, c’est d’arriver à se faire connaître. Chose que les Américains savent très bien faire : tout le monde connaît Paul Auster, beaucoup moins Ludmila Oulitskaïa. C’est simple, il y a un empire du sucré et un empire du salé. Le salé, c’est la littérature russe contemporaine, qui possède un vrai potentiel, mais manque cruellement de visibilité ». Cependant, pour Luba Jurgenson, les lignes bougent à la faveur de manifestations remarquées : « Aujourd’hui, le désintérêt n’est pas total. Depuis le Salon du Livre en 2005 avec la Russie en invitée d’honneur, suivie de l’année croisée France-Russie, puis l’année de la littérature russe en France en 2012, il y a eu une ouverture timide sur la littérature contemporaine russe. Ces trois grands événements ont quand même permis aux lettres russes d’avoir une visibilité ».


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DOSSIER ÉDITION Sélection de livres contemporains traduits en français

Sous la steppe glacée coule un sang brûlant

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MARCHÉ Une galerie d'autographes très recherchés

En Russie, les écrivains continuent d’interroger l’histoire et de scruter la société. Mieux que tous les discours politiques, ils nous donnent des clefs pour comprendre en profondeur le pays. CHRISTINE MESTRE

C’est une tradition en Russie, de Dostoïevsky à Soljenitsyne, de Pouchkine à Brodsky : la patrie est au cœur de sa littérature et le contexte actuel, avec l’émergence de mentalités nouvelles, la critique ou la glorification de l’alternative démocratique, l’apparition de mouvements sociaux d’ampleur et le conflit avec l’Ukraine, est particulièrement propice. En 2014, qu’il s’agisse de talents confirmés ou de jeunes plumes, les écrivains russes n’en finissent pas de revenir sur leur histoire pour tenter de comprendre le présent. Et dans cette galerie d’auteurs, les femmes sont en bonne place.

Le Chapiteau vert de Ludmila Oulitskaïa

L’histoire est un perpétuel recommencement impliquant, semble-t-il inéluctablement, qu’on brûle ce que l’on a adoré et qu’on porte au pinacle ce que l’on a stigmatisé. L’heure en Russie est à la nostalgie pour l’époque soviétique et s’accompagne d’une condamnation des dissidents. C’est justement au rôle des dissidents dans la période entre la mort de Staline et celle du poète Brodsky que Ludmila Oulitskaïa consacre une fresque qui retrace sur près d’un demi-siècle le destin de trois gamins soudés par leur amitié et leur goût de la littérature. Elle a la grâce d’éviter le réquisitoire et de proposer la concorde : sous ce chapiteau vert, qui est une métaphore de l’au-delà, tous se retrouveront, « ceux qui ont été irréprochables et ceux qui ont trébuché, ceux qui ont tenu bon et ceux qui n’y sont pas parvenus, les témoins, les héros et les victimes ». Elle fait en même temps un sombre constat : ses héros sont les derniers porteurs d’une culture qui est arrivée à son terme.

La Limite de l’oubli de Sergueï Lebedev

C’est aussi vers l’ère soviétique que nous ramène Sergueï Lebedev dans un premier ouvrage incandescent qui interroge à travers la quête de son héros le silence

SHUTTERSTOCK/LEGION-MEDIA

POUR RBTH

et l’oubli et répond, comme Oulitskaïa, au besoin de témoigner. Sergueï Lebedev conduit son roman comme une enquête ; son héros part sur les traces d’un homme qui a donné sa vie pour sauver la sienne et se retrouve aux confins du continent et de l’horreur, car cet homme dont le sang coule en lui était le directeur zélé d’un camp du Goulag.

Je viens de Russie de Zakhar Prilepine

« Mes vertèbres sont en place, mon sang coule dans mes veines, je viens de Russie », proclame Prilepine. Avec un recueil de chroniques dont le titre claque comme un étendard, Je viens de Russie, l’auteur renoue avec un genre littéraire cher aux écrivains russes. Il y développe ses thèmes favoris : sa nostalgie de l’Union soviétique à jamais perdue qui se fond avec celle de l’enfance, la ruralité, mais aussi la nature, l’amour, la littérature et, toujours, ce « bonheur insupportable » de se sentir vivant, là, dans cette Russie généreuse et cruelle, fière et servile, sur cette terre où reposent ses ancêtres. Même mépris de la société de consommation chez Igor Saveliev (Les Russes à la conquête de Mars) qui, à travers une histoire d’amour, met en scène sa génération, nonchalante, exigeante, dont l’avenir ne semble pas radieux, ainsi que chez Maxime Ossipov (Histoires d’un médecin russe), qui dépeint sa province avec affection mais sans concession, puis assène : « Ce qui nous attend ce n’est pas une vie, c’est un épilogue sans fin ».

La littérature, miroir de l’histoire de la Russie La quête qui consiste à comprendre l’imperfection de la société et la malédiction qui semble peser sur elle conduit certains écrivains à interroger l’histoire. En voici deux exemples. DMITRI SMIRNOV POUR RBTH

La conscience des « péchés historiques » qui pèse sur les intellectuels russes depuis la parution des Lettres philosophiques de Tchaadaïev continue de troubler les auteurs contemporains.Vladimir Sorokine et Mikhaïl Chichkine étudient, chacun à sa façon, l’impact des revers de l’histoire sur la mentalité russe tout en jouant avec les faits, les traditions et les légendes.

La trilogie de Vlidimir Sorokine

L’époque actuelle, marquée par un retour graduel aux concepts soviétiques dans la politique ainsi que dans la vie de la société, a trouvé un reflet controversé dans la trilogie du chevalier du postmodernisme russe Vladimir Sorokine : Journée d’un opritchnik – Le Kremlin en sucre – La Tourmente. La pièce centrale, composée d’une douzaine de récits, présente sous divers angles une vision de « l’avenir médiéval » de la Russie dont l’idéologie est basée sur une fusion rabelaisienne de l’orthodoxie rampante style XVIIème siècle et de la lourdeur soviétique : la faucille et le marteau sont désormais accompa-

« Les écrivains russes n’en finissent pas de revenir sur leur histoire pour tenter de comprendre le présent »

gnés de la croix. Le pays, après avoir cédé de vastes pans de son territoire aux Chinois, érige sa propre Grande muraille le long de ses frontières. Au sein de la société, l’atrocité pure et simple règne en maître : on pense au village répugnant dans L’Arrache-cœur de Vian, où les paysans crucifient un cheval pour « avoir péché ». Écrite en une langue qui semble parfois simpliste, la trilogie de Sorokine est un véritable « loubok d’horreur » débordant de prophéties menaçantes.

« La Prise d’Izmail » de Mikhaïl Chichkine

Dans ce livre, Chichkine se penche sur l’histoire globale de la Russie qui se déroule lentement à travers les siècles, avec beaucoup de mystère et peu de signes de civilisation. Il est en quête de la réponse à cette simple question : comment survivre si l’on est faible ? Le drame russe réside, selon l’un des personnages du livre, dans l’impossibilité de vivre sa vie tranquillement, même sans déranger personne. L’auteur cherche à élucider les racines de l’agressivité, de la méfiance et du mépris qui enveniment la vie humaine dès la petite enfance. Il décrit les choses ainsi : la loi est futile ; la parole est omnipotente ; la prison est omnivore ; le corps n’a pas d’identité ; la guerre est permanente ; le ciel est neigeux ; l’avenir est ravissant. Bref, un livre percutant.

Les dédicaces et les petits secrets des grands auteurs font grimper les enchères Les écrivains russes les plus connus ont une griffe unique, reconnaissable et très prisée lorsque sous la dédicace perce un aspect méconnu de leur vie. GUEORGUI MANAÏEV RBTH

En ligne Les femmes de Lazar dans la chronique de Christine Mestre : fr.rbth.com/31055

Au printemps dernier, un ouvrage dédicacé de la poétesse Marina Tsvetaïeva, La Vierge-tsar, s’est vendu aux enchères au prix record de 185 000 euros. La vente était organisée par la maison moscovite V Nikitskom. Parmi les autres livres mis aux enchères par cette institution figurent des œuvres signées par des géants tels que Dostoïevsky, Tchekhov, Brodsky… La valeur de chaque autographe est déterminée par l’importance de l’auteur, mais aussi par de nombreux autres facteurs. Dans quelles circonstances et où le livre a-t-il été signé ? À qui s’adressait l’autographe et quelle était la relation du destinataire avec l’auteur ? Le contenu de l’autographe joue, bien sûr, un rôle primordial. Lorsque Marina Tsvetaïeva (1982-1941) signait un livre, elle savait trouver des mots pour chaque destinataire ; aussi ses autographes sont-ils très recherchés. Leur valeur est estimée dans une fourchette de 80 000 à 95 000 euros, mais dans le cas de La Vierge-tsar, publié à Berlin en 1922, c’est l’identité du destinataire de la dédicace qui avait fait grimper les enchères beaucoup plus haut. Tsvetaïeva avait offert ce livre à Aleksandr Kerenski, ancien chef du Gouvernement provisoire, à qui des rumeurs non confirmées prêtent une relation avec la poétesse. « Pour mon cher Aleksandr Fiodorovitch Kerenski – un conte de fée russe qui finit mal… », signa Tsvetaïeva en 1924. Une histoire d’amour se cache également derrière l’autographe de la grande poétesse Anna Akhmatova (1989-1966) apposé au dos de sa photographie prise par son troisième époux Nikolaï Pounine en 1920 : « Bons baisers à mes chers amis en Asie ». Le cliché fut envoyé au compositeur Alexeï Kozlovski et à son épouse Galina qui vivaient à Tachkent, où Akhmatova les avait rencontrés lors de son exil. Akhmatova cachait et masquait soigneusement ses relations. Ce n’est que récemment que les chercheurs ont confirmé que Kozlovski était l’un des amants de la poétesse, ce qui a considérablement augmenté la valeur de la vieille photographie. Les autographes de Pouchkine, Dostoïevsky et Tolstoï sont si prisés qu’ils font l’objet de nombreuses falsifications. Le document reproduit plus haut montre un portait de Dostoïevsky (1821-1881) assorti de son autographe. Est-il réel ? C’est ce qu’a permis de vérifier une expertise : oui, confirment les experts de la Bibliothèque d’État de Russie, qui ont déterminé qu’il s’agit de l’écriture de Dostoïevsky. La maison qui a mis le document aux enchères a indiqué sa provenance, son histoire

Portrait photo de Fiodor Dostoïevsky (à gauche). La dédicace et l’autographe d'Anton Tchekhov (à droite).

Autographe de Maïakovski (en haut) et la Viergetsar de Marina Tsvetaïeva.

SERVICE DE PRESSE

et le nom de ses propriétaires. L’autographe avait été adressé à Sofia Khitrova, fille adoptive de l’écrivain Alexeï Tolstoï (1817-1875). L’autographe d’Anton Tchekhov (19601904) ci-dessus était destiné à Nikolaï Leïkine, écrivain et éditeur de la revue humoristique Oskolki (Les Éclats) dans laquelle Tchekhov publia plus de 200 nouvelles. C’est sur le conseil de Leïkine que l’écrivain se lança dans les nouvelles courtes qui le rendirent célèbre. Tchekhov et Leïkine restèrent proches toute leur vie : l’autographe est un témoignage de leur longue amitié. Admiré pour son style,Vladimir Maïakovski (1893-1930) était assez conservateur quand il s’agissait de la signature de ses recueils. Ce poète vénéré fut l’une des premières figures de la littérature russe à attirer un large public venant en grand nombre assister à ses lectures poétiques. D’ordinaire, l’écrivain se contentait de signer « Maïakovski » sans rien de plus. Mais sur la première de couverture de l’édition de son poème Le nuage en pantalon, on peut lire : « Maïakovski – à une gentille fille ». Parfois, le hasard met en présence d’autographes « involontaires » qui sont précieux, car l’auteur ne s’attendait pas à leur publication. Le poète Joseph Brodsky (1940-1996) laissa de nombreux autographes sur les pages de titre de ses livres ; pourtant, c’est la fiche d’employé contractuel de la maison d’édition Progress, remplie et signée par le poète en août 1964, alors que Brodsky cherchait un emploi de traducteur pigiste, qui revêt une valeur particulière. À première vue, il s’agit d’un document tout à fait ordinaire. Mais dans la case « activité principale », Brodsky écrit « ouvrier de sovkhoze », et pour adresse du lieu de travail, il indique la localité où il a été envoyé en exil – le village Norinskaïa, dans l’oblast d’Arhangelsk. Et l’on comprend alors que le poète, qui souffrait du manque d’occupations intellectuelles au village, envoyait à tout-va des fiches de renseignements professionnels dans l’espoir que les maisons d’édition lui confieraient quelques travaux de traduction ou de rédaction.


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OPINIONS

LA CRISE POUSSE AUX RÉFORMES L VLADIMIR MAU ÉCONOMISTE Récteur de l’Académie russe de l’économie nationale et de l’administration publique

e monde traverse actuellement une crise systémique internationale comparable à celles des années 1930 et 1970. Il s’agit d’une situation très délicate, capable de détériorer le paysage économique en Russie et en Europe. Les sanctions ne sont cependant pas responsables des problèmes économiques de la Russie et du Vieux continent, qui sont apparus bien avant. Elles constituent plutôt une conséquence de la crise. Ces dernières années, l’économie européenne s’est caractérisée par une croissance faible ou nulle, tandis que la Russie est sur le point de tomber en récession. Ce n’est pas encore le cas, mais le pays connaît un sérieux ralentissement pour plusieurs raisons. Premièrement, de nombreux pays de l’Union européenne, principal partenaire commercial de la Russie avec plus de 50% de son chiffre d’affaires, ont connu une récession. Il aurait donc été étrange d’observer une croissance vigoureuse en Russie. Deuxièmement, on dénote des raisons conjoncturelles : la baisse des activités d’investissement par les grandes sociétés en 2012 et 2013, en particulier par les entreprises publiques, et la fin d’un cycle d’investissements (les préparatifs pour les Jeux olympiques de Sotchi, par exemple). Troisièmement, la réserve de croissance réparatrice avait pris fin en 2008. Mais en 2009, le pays a connu un déclin significatif lié à la crise, suivi d’une reprise qui, pendant une courte période, a permis une croissance modérée. Mais la principale cause du ralentissement de la croissance est que le modèle économique des années 2000, avec une demande qui n’a cessé de progresser, s’est épuisé. Cette situation est liée aux circonstances externes, le prix du pé-

TATIANA PERELYGUINA

trole ayant cessé d’augmenter, ainsi qu’à des raisons internes. Certains économistes appellent cela le « piège des revenus moyens ». La Russie est désormais un pays dont les coûts du travail sont élevés, alors que ses institutions économiques ne sont pas de grande qualité comme le montre l’étude intitulée « Doing Business » de la Banque mondiale. En matière de produit intérieur brut (PIB) par habitant, la Russie a rejoint ces dernières années la queue des pays développés, alors que la qualité de ses institutions est restée au niveau des pays en voie de développement. Il s’agit aujourd’hui du principal problème structurel de l’économie russe et sa solution n’est pas simple. Les entreprises souhaitent soit travailler avec des institu-

RUSSIE-UE : DES RACINES COMMUNES, MAIS DES CHEMINS DIVERGENTS

L FEDOR LOUKIANOV POLITOLOGUE Président du Conseil pour la politique étrangère et la politique de défense

es relations entre la Russie et l’Union européenne restent plus que tendues, et aucune éclaircie n’est visible pour le moment. Bruxelles ne reviendra probablement pas sur ses sanctions, en tout cas pas dans un avenir proche. Car tous les troubles se produisant dans l’est de l’Ukraine sont interprétés comme étant exclusivement de la faute de Moscou. La Russie et l’UE peuvent-elles revenir à des relations plus constructives ? Récemment encore, il était habituel de parler au niveau officiel de partenariat stratégique, dont la base juridique était l’Accord de partenariat et de coopération (APC). Personne n’annulera l’APC, mais lorsque tôt ou tard les contacts entre Moscou et Bruxelles reprendront pleinement, il faudra mettre en place un nouveau modèle de relations qui ne serait pas la

concrétisation de souhaits formulés depuis longtemps, mais de la réalité acceptée, et fonctionnerait dans les limites du possible. Nées quasiment en même temps, la Russie et l’UE sont cependant le résultat de la longue histoire de leurs prédécesseurs. Affirmer que tout a commencé à l’aube des années 90 ne serait pas correct. Il faut toutefois tenir compte de cette envie d’un tout nouveau départ et d’un rapprochement maximal. L’UE est une structure inhabituelle. Sa complexité intérieure et sa composante idéologique clairement exprimée rendent difficiles ses relations avec les partenaires extérieurs. En particulier ceux pouvant être considérés comme des participants potentiels au projet européen. La Russie n’a jamais sérieusement envisagé l’adhésion, et Bruxelles ne l’a jamais vue comme une candidate

tions relativement faibles dans un environnement à bas prix, soit payer davantage de taxes, mais avec la garantie de bénéficier de services publics de bonne qualité. Elles ne veulent évidemment pas d’un mélange de mauvaises institutions et de coûts élevés, ce qui ne favorise pas les investissements. Les analystes se penchent sur cette question depuis longtemps. D’un point de vue économique, le changement voulu est simple : nous devons passer d’une économie basée sur la demande à une économie basée sur l’offre, avec une stabilité et des règles du jeu bien prédéfinies, des emprunts accessibles (ce qui requiert une inflation basse) et une fiscalité modérée pour stimuler l’essor de la production. Le développement économique n’a rien

potentielle. Moscou a cependant accepté dans l’ensemble de baser le rapprochement sur le socle normatif européen. Or il est apparu que les conditions indispensables à une telle approche n’étaient possibles qu’avec une Russie très affaiblie. Suite au renouveau du pays après la crise des années 90, Moscou a commencé à exiger un modèle de relations d’égal à égal, à savoir fondé non pas sur la base juridique de l’UE, mais sur des règles convenues ensemble. L’UE n’y est toutefois pas disposée et la crise ukrainienne n’a fait que mettre cette situation en lumière. À quoi doit-on s’attendre ? Dans l’immédiat, la principale tâche consistera à limiter les dégâts. La nouvelle responsable de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a récemment déclaré ceci devant le Parlement européen : « La Russie… n’est peut-être pas un partenaire pour le moment, mais elle constitue un pays stratégique sur la scène internationale. Il nous faut revoir en profondeur nos relations avec la Russie dans les cinq prochaines années ». La Russie a besoin de la même chose : comprendre ce qu’elle peut attendre de l’UE si les illusions d’intégration se sont envolées. Et si le virage vers l’Asie devient la nouvelle priorité,

«

Nous devons passer d’une économie basée sur la demande à une économie basée sur l’offre »

«

Lorsque, tôt ou tard, les contacts entre Moscou et Bruxelles reprendront pleinement, il faudra mettre en place un nouveau modèle de relations »

D’AUTRES POINTS DE VUE SUR L’ACTUALITÉ DANS LA RUBRIQUE OPINIONS SUR LES MISTR VOGUERON ALS NE T PAS EN RUSSIE fr.rbth.com/ 30683

LE DIVORCEN S PAYS T AUSSI fr.rbth.com/ 31001

d’une opération simple. Face aux tensions croissantes en raison de la situation en Ukraine, une partie de l’élite politique russe se tourne vers la mobilisation des ressources de notre société. Il est toutefois très important de ne pas se voir imposer de nouvelles sanctions dans le monde actuel. La libéralisation économique assurant une modernisation nécessaire à la croissance institutionnelle pourrait apporter une réponse bien plus efficace. C’est le chemin qu’a pris la Chine afin de faire face aux sanctions internationales qui ont suivi les manifestations de la place Tiananmen [le 4 juin 1989, ndlr]. Dans ce contexte, Pékin avait considérablement renforcé ses réformes économiques. Et peu après, en 1992, le pays a connu une hausse spectaculaire des investissements. À tout cela, il faut ajouter un autre problème structurel : le besoin de moderniser l’État-providence. Cette nécessité concerne avant tout l’enseignement, la santé et les pensions. En Russie, l’État-providence a été créé durant la période d’industrialisation et et adapté aux besoins qu’elle a fait naître. Précédemment, un individu était formé pour n’exercer qu’une profession et l’espérance de vie était inférieure à l’âge de la retraite. La situation a changé depuis. Pour réussir sur le marché du travail, chacun doit apprendre toute sa vie et diversifier ses activités. On ne va plus chez le docteur seulement par nécessité, mais aussi à titre préventif, ce qui entraîne une charge d’un autre type sur le système des soins de santé. Afin de trouver une solution à tous ces problèmes, il est vital de préserver notre plus grande réalisation des 10-15 dernières années : la stabilité macroéconomique. Elle est difficile à trouver, mais facile à détruire.

il ne s’agira pas d’une réaction contre l’Europe, mais de la mise en place vitale d’une politique distincte dans les relations avec la région du monde qui possède le développement le plus vigoureux au XXIème siècle. Le Vieux continent reste pourtant la communauté la plus proche de nous d’un point de vue culturel et historique. Les relations passionnelles entre Moscou et Bruxelles sont justement la preuve de cette proximité. L’Asie, elle, ne provoque aucune émotion. L’Europe restera encore longtemps notre principal partenaire économique et technologique, même si pour le moment tout est fait pour limiter cette dépendance mutuelle. Le plus intelligent serait d’être pragmatique, de reconnaître que nos oppositions actuelles sont le fruit de nos racines communes qui prennent simplement des chemins différents. Par ailleurs, les tentatives croissantes visant à acquérir davantage d’« espace vital », que ce soit de manière militaire et politique ou informative et juridique, sont à éviter. Il nous faudra réaliser que l’harmonisation idéale n’existe pas et éviter en même temps les dissonances destructrices. On aura alors une chance de reconstruire une nouvelle « Grande Europe » transitant de manière fluide vers la « Grande Asie ».

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RÉGIONS

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VOYAGE Au cœur de la Sibérie

C’est la construction d’un pont de chemin de fer pour le Transsibérien qui a jeté en 1893 les bases de la fondation de Novossibirsk, aujourd’hui troisième ville du pays après Moscou et Saint-Pétersbourg. Il n’y a donc rien d’étonnant au fait que l’image de la ligne qui traverse toute la Russie figure sur les armoiries de la ville. Novossibirsk s’étend sur les deux rives de l’Ob. Au début du XXème siècle, ce cours d’eau démarquait encore la frontière entre deux fuseaux horaires, et sur la rive droite, la journée commençait une heure plus tôt que sur la gauche. Depuis 1986, un pont de métro aérien, d’ailleurs le plus long au monde (2 145 m), enjambe ce fleuve né dans l’Altaï.

Le centre culturel de la Sibérie

En plein cœur de Novossibirsk, sur la place Lénine, se dresse le symbole culturel de la ville : le Théâtre d’opéra et de ballet. Le plus grand de Russie, il pourrait héberger sous sa coupole le bâtiment entier du Bolchoï. La construction de cet édifice a été menée à son terme juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Une ancienne rumeur veut qu’une ville souterraine secrète, avec ses rues et ses feux de circulation, ait été édifiée sous le théâtre dans le but d’héberger le gouvernement soviétique au cas où Moscou aurait été prise par les Allemands. Selon d’autres légendes urbaines, un lac souterrain artificiel s’étendrait en bas du « panthéon des arts ». Toutefois, aucun de ces dires n’a jamais été confirmé.

La mer de l’Ob et les ligres

Sur l’Ob – qui est d’ailleurs le fleuve le plus long de Russie – se trouve le réser-

La « Silicon Valley » russe

L’un des quartiers les plus célèbres de Novossibirsk, Akademgorodok (cité des académiciens) représente une oasis destinée à accueillir les meilleurs scientifiques du pays. C’est ici que se trouve l’homologue russe de la Silicon Valley américaine : le Tekhnopark de Novossibirsk. Cette technopole héberge plusieurs groupes informatiques, des entreprises produisant du matériel high-tech et deux dizaines d’instituts de recherche impliqués dans tous les domaines, allant de la génétique à la philosophie, en passant par l’archéologie et la physique nucléaire. C’est ici qu’on crée des systèmes informatiques, qu’on invente un nouveau laser et qu’on travaille sur le vaccin contre le virus Ebola. Bien qu’Akademgorodok ait été construit il y a près de cinquante ans au milieu de la taïga sibérienne inhabitée, il a été conçu comme une ville futuriste sur le plan architectural. Lors de la construction, la forêt locale n’a pas été touchée : les bâtiments ont été ajoutés au paysage existant. C’était vraiment un projet sans précédent : les écovillages sont entrés en vogue dans le monde beaucoup plus tard.

LE PARC GORKI Les visiteurs de ce parc célèbre ont la possibilité de mettre en ligne leurs selfies : un accès Wi-Fi gratuit est disponible, ainsi qu’une borne dédiée au rechargement des ordinateurs et des portables. Vous pourrez également faire l’expérience des sensations particulières procurées par ce mélange de feuilles tombantes et dansantes sur les berges de la Moskova. Le parc Gorki est relié à la Colline des Moineaux par un réseau de pistes cyclables et piétonnières sur les berges hautes de la rivière, offrant une vue panoramique de Moscou. On peut aussi emprunter un funiculaire afin d’admirer les couleurs automnales depuis un point plus élevé.

LE JARDIN BOTANIQUE Le joyau de ce royaume végétal est sans conteste son jardin japonais. Une occasion idéale de pratiquer le momiji-gari, une coutume traditionnelle japonaise consistant à admirer les érables : des couleurs automnales d’érables de Mandchourie, ginkgos, fusains et châtaigniers spécialement implantés ici, avec un ciel bleu se reflétant dans les mares du parc, extraordinairement belles et couvertes de feuilles. Au centre du jardin se trouve une pagode en pierre importée du Japon, qui symbolise un temple bouddhiste, tandis que des cérémonies du thé se déroulent à intervalles réguliers dans le salon de thé Adzoumaïa.

LE PARC KOLOMENSKOÏÉ Les anciens vergers de pommiers Diakovski, Kazanski et Voznesenski sont particulièrement dignes d’intérêt. Ces vergers, situés sur le point culminant du parc Kolomenskoïé, offrent la plus belle perspective sur la rivière Moskova dans sa parure d’automne. Vous pouvez vous y rendre avec vos amis, une couverture, un panier pique-nique et passer la journée dans un univers totalement différent. À Kolomenskoïé, vous avez aussi la possibilité d’admirer la capitale en automne en utilisant les jumelles panoramiques gratuites situées sur la place Voznessenïa.

LORI/LEGION MEDIA

GRIGORI KOUBATIAN POUR RBTH

voir de Novossibirsk, énorme lac artificiel comportant des dizaines d’îlots pittoresques. Baptisé « la mer de l’Ob » par les locaux, le réservoir et son rivage constituent la principale station balnéaire de la région. On y organise des régates et accueille la pratique du kitesurf. En hiver, la glace qui recouvre l’eau du réservoir attire les adeptes du snowkite, sport de glisse avec des skis ou un snowboard en étant tracté par un cerfvolant. Si vous cherchez un endroit où passer le week-end, rendez-vous au zoo de Novossibirsk. Ce parc animalier est connu comme un centre d’élevage de félins, qui a notamment effectué avec succès le croisement du lion et du tigre. Les ligres, hybrides exotiques nés de l’union d’une tigresse et d’un lion mâle, se sentent tout à fait bien dans le climat sibérien.

RIA NOVOST I

Il y a un siècle, Novossibirsk était un petit village inconnu. C’est grâce au Transsibérien et à la cité scientifique que cette petite agglomération s’est transformée en une mégapole souvent désignée comme capitale non officielle de la Sibérie.

NIKOLAÏ ENINE

Novossibirsk ou le froid pays en pleine effervescence

Le troisième pont sur l’Ob (photo du haut), long de 5,82 km, vient d’être inauguré par le Président Poutine. Son arc de 380 mètres est le plus grand de la Communauté des États indépendants (CEI). Ci-dessus : les bébés-ligres du zoo, et à droite, le Théâtre d’opéra.

Memento mori

Le musée le plus insolite de Russie est celui ouvert auprès du crématorium de Novossibirsk, dans le village deVoskhod. L’idée d’ouvrir ce musée inhabituel est venue au propriétaire du crématorium, Sergueï Iakouchine, après qu’il eut vaincu le cancer. Consacré à la culture funéraire mondiale, il compte des chars funèbres, de la bijouterie faite avec des cheveux de défunts, des clichés « post mortem », des collections de vêtements de deuil de l’époque victorienne et une importante collection de cercueils. C’est surprenant, mais le caractère de l’endroit n’a rien à voir avec les images véhiculées par les films, ni avec l’atmosphère solennellement sinistre qui règne dans les crématoriums traditionnels.

Le métro-musée

En Russie, le métro n’est présent que dans sept mégapoles dépassant le mil-

Pour s’y rendre

Où se loger

Où se restaurer

La durée du vol depuis Moscou est de 4 heures pour un prix de base de 155€. En train, le voyage dure 3 jours et 3 nuits pour le même prix.

L’hôtel 4 étoiles Doubletree by Hilton propose des chambres à partir de 160€ (standard) la nuit. Le River Park côute environ 70€.

Le restaurant Sibirskaïa Troïka propose une gamme de plats locaux, comme un rôti de cerf aux champignons ou des pétoncles poêlés.

MOSCOU EST L’UNE DES MÉGAPOLES LES PLUS VERTES AU MONDE. ON Y TROUVE PLUS D’UNE CINQUANTAINE DE LIEUX POUR ADMIRER LA NATURE EN AUTOMNE. VOICI UNE SÉLECTION DES PLUS SÉDUISANTS D’ENTRE EUX.

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lion d’habitants, dont Moscou, SaintPétersbourg et Novossibirsk. Celui de Novossibirsk a été construit dans des conditions climatiques pénibles – le sol y est gelé en profondeur et la température annuelle moyenne est généralement inférieure à zéro. Mais le froid n’est pas ressenti par les passagers des stations souterraines. Des touristes venus des quatre coins du monde descendent quotidiennement dans le métro de Moscou pour visiter ce qui est le plus célèbre musée souterrain de la ville. Mais les treize stations du métro de Novossibirsk en font aussi un musée digne de ce nom. La station ultramoderne de Gagarinskaya est un véritable cosmos souterrain. La dimension délibérément technologique de son style la distingue de toutes les autres : parois en marbre, ornements métalliques, lumière bleutée et éclairages insolites dans lesquels baignent des portraits du cosmonaute Iouri Gagarine. La station Sibirskaya ressemble à une immense bijouterie souterraine que les orfèvres sibériens ont ornée de mosaïques et de pierres précieuses locales. Quant à Retchnoy Vokzal, cette station comporte dix vitraux illuminés, représentant les plus grandes villes de Sibérie, dont Novossibirsk, Omsk et Barnaoul. Ces vitraux en forme de hublots donnent à l’ensemble l’allure d’un grand navire voguant sur l’Ob.

LE PARC IZMAÏLOVSKI C’est l’endroit idéal pour une randonnée d’automne à l’intérieur des limites de la ville. Contrairement aux autres espaces verts de Moscou, le parc Izmaïlovski n’est pas aménagé ; recouvert d’arbres aux longues branches, il ressemble à une véritable forêt. C’est le seul coin de la ville où il est possible de faire bruisser les feuilles mortes et de constituer le plus beau des bouquets de feuilles d’automne. Le territoire du parc Izmaïlovski s’étend sur plus de 300 hectares ; c’est pourquoi il est préférable d’y louer un vélo afin de l’explorer entièrement. Pour le contempler d’un seul regard, on peut monter sur la grande roue qui l’équipe.

TSARITSYNO Tsaritsyno est l’unique espace paysager à l’anglaise de Moscou. Ce parc à l’allure de royaume dispose d’une gamme de couleurs unique, mêlant le rouge des briques au blanc des ornements de pierre. Palais pseudo-gothiques, pavillons, arches et ponts délicats se fondent parfaitement dans le paysage automnal. La cascade des étangs y fait office de miroir, dédoublant la beauté des lieux. La nuit tombe vite en automne. Tard dans la soirée à Tsaritsyno, il est possible d’admirer et d’écouter la fontaine illuminée et sonorisée de l’île Podkov située dans les eaux de l’étang de Tsaritsyno.

LE DOMAINE DE KOUSKOVO Un parc à la française régulier, orné d’authentiques sculptures en marbre de personnages mythologiques gardant un palais d’été aux nombreux intérieurs d’époque, et doté d’une collection de porcelaine faisant de ce domaine un lieu unique. Il n’y a pas meilleur endroit à Moscou pour admirer un tel site géométrique en automne. Il est agréable d’y faire une visite pendant le week-end, en particulier au début de l’automne, lorsque les arbres et arbustes du domaine sont parés de leurs couleurs naturelles les plus vives.


Mercredi 15 octobre 2014

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Supplément de Rossiyskaya Gazeta distribué avec Le Figaro

MAGAZINE

PORTRAITS Nadejda Mandelstam et Elena Boulgakov au service de l’œuvre de leurs époux

À L’AFFICHE

Deux muses de la littérature russe du vingtième siècle

HUITIÈME SALON DU LIVRE RUSSE DU 29 AU 31 OCTOBRE 61, RUE BOISSIÈRE, PARIS

Le Centre de Russie pour la Science et la Culture (CRSC) à Paris organise la huitième édition du Salon du livre russe, dont le but est de promouvoir la littérature russe et russophone dans l’Hexagone. Dans le cadre de cet événement, la Société historique russe présentera ses nouvelles publications consacrées aux grands événements historiques, et notamment au Centenaire de la Grande Guerre. Entrée libre. GETTY IMAGES/FOTOBANK

Derrière chaque grand homme de lettres russe, il y a une grande femme, dit l’adage. Les couples Mandelstam et Boulgakov étaient unis dans l’amour, le travail et le legs qu’ils ont laissé à la postérité. GEORGUI MANAÏEV RBTH

Gardienne de l’héritage poétique

Nadejda Mandelstam Née en 1899 à Saratov et décédée en 1980, l’écrivaine Nadejda Mandelstam, linguiste, fut aussi enseignante. Ses œuvres majeures sont ses mémoires Espoir contre espoir et Espoir abandoné, publiés initialement en anglais.

La « Marguerite » de maître Boulgakov

En 1961, la veuve de Mikhaïl Boulgakov, âgée de 67 ans, fut sollicitée par un jeune philologue qui étudiait l’œuvre de son époux. Elena Boulgakov accueillit le chercheur d’abord avec méfiance, mais finit par lui confier le manuscrit du roman écrit par son époux vers la fin de sa vie. Ainsi, vingt ans après la mort de Boul-

Femmes russes, égéries de génies Une série d’artistes de renommée mondiale doivent une partie de leur succès aux femmes qui les ont soutenus, passionnés et inspirés. Les Russes sont en bonne place dans ce panthéon des muses : citons à titre d’exemple la ballerine Olga Khokhlova, première épouse de Pablo Picasso, Lydia Delectorskaya, modèle et amour d’Henri Matisse, la romancière Elsa Triolet (née Ella Kagan), épouse de Louis Aragon et Gala Dalí. De son vrai nom Elena Diakonova, cette dernière a conquis le cœur de trois grands personnages des lettres et des arts – Paul Éluard, Max Ernst et Salvador Dalí.

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Des 80 ans de sa vie, Nadejda Hazin n’en passa que 20 auprès d’Ossip Mandelstam – jusqu’en 1938, quand le grand poète périt dans un camp près de Vladivostok (Extrême-Orient russe). Après avoir appris la mort de son époux, Nadejda, craignant l’arrestation, prit la fuite. Pendant près de deux décennies, elle mena un mode de vie quasi nomade, changeant régulièrement de résidence. Le sort la conduisit de Moscou en Asie centrale. Elle enseignait l’anglais, travaillait sur sa thèse et, pendant tout ce temps, conservait dans sa mémoire son principal trésor : des centaines de poèmes de son mari. Craignant les perquisitions et la saisie de ses biens, elle apprit ces poèmes par cœur. Les deux futurs époux s’étaient rencontrés en 1919 à Kiev, dans un café de la bohème où Mandelstam s’était aventuré par hasard. Ils se lièrent « simplement et sans réfléchir », selon ses propres dires. Nadejda écrivit : « À cette époque-là déjà, nous avons acquis deux traits que nous avons conservés toute la vie – la légèreté et le sentiment de notre perte irrémédiable ». Leur passion se transforma en amour profond. Avec la même « légèreté », Nadejda partagea les pérégrinations de son époux à travers le pays et son manque perpétuel d’argent. Elle n’allait jamais le quitter, même quand il amena une autre femme – une poétesse dont il s’éprit brièvement – dans leur énième refuge temporaire. Nadejda notait toutes ses créations. Ossip chantait ou chantonnait ses vers, tel un oiseau, et elle en composait de grands poèmes conçus hors du quotidien domestique, ne trahissant aucune confiance en l’avenir. Ossip Mandelstam ne faisait pas partie du cercle d’écrivains fidèles au pouvoir soviétique. Ami de nombre d’auteurs partis en émigration ou fusillés,

SERVICE DE PRESSE

il fut arrêté à plusieurs reprises. Mais, au grand dam de son épouse et de ses amis, il semblait s’évertuer à aggraver son cas, comme s’il le faisait exprès. Il se fâchait avec des écrivains importants et moins importants. Il quitta spectaculairement l’association des écrivains de Moscou. Enfin, il écrivit un pamphlet sur Joseph Staline, ce qui scella son sort. À la fin de sa vie, Nadejda Mandelstam s’installa à la périphérie de Moscou. Dans son appartement, elle recevait des intellectuels clandestins et des slavistes étrangers. C’est là qu’elle écrivit trois livres de mémoires – impitoyables et subjectifs – dans lesquels elle réglait ses comptes du passé. Ces livres, publiés à l’étranger, firent sensation : personne avant elle n’avait décrit aussi crûment et avec tant de détail ce que subirent les intellectuels sous Staline. Mais en écrivant ces livres, Nadejda parvint, avant tout, à conserver la mémoire de son époux. La plupart des poèmes de ce dernier ne virent le jour que grâce à elle.

Biographie

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gakov, ce roman, Le Maître et Marguerite, fut redécouvert pour devenir l’un des livres russes les plus célèbres du XXème siècle. Elena – la troisième et dernière épouse de Mikhaïl Boulgakov - est celle qui tapa le livre dicté par l’écrivain. Par ailleurs, elle est la « Marguerite » du roman. Selon une légende, le comte Alexis Tolstoï, auteur de renommée, aurait dit à Boulgakov qu’il fallait se marier trois fois – c’était la clé du succès littéraire (le comte, lui, eut quatre épouses). D’après une autre légende, une gitane rencontrée à Kiev lui avait prédit ses trois mariages. Boulgakov raconta qu’à leur première rencontre, Elena lui demanda de nouer un nœud sur ses vêtements et ainsi, le « lia » pour la vie. Quoi qu’il en fût, les deux partageaient la conviction que leur hymen était prédestiné. Ce mariage était également la troisième union d’Elena. Pour Boulgakov, elle abandonna un commandant militaire soviétique riche et influent, troquant ainsi la prospérité contre le destin de l’épouse d’un écrivain en disgrâce. Malgré le fait que Staline aimait beaucoup sa pièce Les Jours des Tourbine, à partir de 1930, Boulgakov ne fut plus publié, ni produit sur scène. Il tenta de quitter le pays, mais essuya un refus de l’administration. Le couple se réfugia dans le travail : lui écrivit son grand roman, conscient qu’il ne serait jamais publié de son vivant ; elle édita le manuscrit, négocia avec les théâtres, obtint des honoraires – et tint un journal détaillé de sa vie avec l’écrivain. « Je fais tout mon possible pour qu’aucune ligne qu’il écrit ne soit perdue. C’est le but, le sens de ma vie. Je lui ai tant promis avant sa mort, et je suis convaincue que je tiendrai toutes mes promesses », avoua-t-elle dans une lettre adressée au frère de l’écrivain. Leur vie fut difficile. Pourtant, en dix ans de vie commune, les époux semblent n’avoir connu aucune querelle sérieuse. Elena a laissé ces lignes : « Malgré nos moments sombres, effrayants, moments non de tristesse, mais d’horreur face à cette vie littéraire ratée, si vous me dites que j’ai vécu une vie tragique, je vous répondrai : non ! Pas une seconde. C’était la plus belle vie que l’on pouvait choisir, la plus heureuse … ».

Biographie Elena Boulgakov Elena Sergueïevna Chilovskaïa, née Nürnberg en 1893 dans la famille d’un professeur et journaliste, a traduit des auteurs français (Jules Vernes, Gustave Aimard et André Maurois). Elle est décédée en 1970.

› www.russiefrance.org

FESTIVAL DE LA CULTURE RUSSE À NANTES DU 15 OCTOBRE AU 2 NOVEMBRE ESPACE COSMOPOLIS, MUSÉE JULES VERNE ET MÉDIATHÈQUE J. DEMY Le Festival de la culture russe vous propose de partir à la découverte d’un pays-continent pendant 19 jours. Au programme : des “voyages” musicaux, littéraires, linguistiques, artistiques, gastronomiques et autres. Entrée libre. › www.russiesetonnantes.fr

PREMIÈRE : « LE RENOUVEAU DE LA LITTÉRATURE RUSSE » DU 7 AU 9 NOVEMBRE 48 RUE VIEILLE DU TEMPLE, PARIS

En librairie

Auteur : Nadejda Mandelstam Titre : Sur Anna Akhmatova Édition : Le Bruit du temps

En ligne

La première édition du Salon Russkaya Literatura, sur le thème “Le renouveau de la littérature russe”, donnera la parole à une jeune génération d’auteurs qui a repris le flambeau pour raconter les bouleversements que connaît la Russie depuis 20 ans. Un large éventail de livres d’auteurs russes mais également des ouvrages d’écrivains français inspirés par la Russie y sera présenté. Entrée libree. › www.russkayaliteratura.fr

Le compte rendu du livre sur

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