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Christian Durieux et son Spirou amoureux

A la fois bédéiste et professeur, Christian Durieux a eu un parcours atypique. C’est en croisant le chemin d’un scénariste, Jean Dufaux, que sa vie est chamboulée. Ainsi, s’ouvre la porte vers son univers BD. Dans cet entretien, Durieux présente sa vision de son Spirou ! Comment Pacific Palace nous amène-t-il amour et politique dans un huis-clos ?

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Quel est votre parcours jusqu’à la naissance de votre première BD ?

J’ai un parcours d'étudiant classique mais c’est vrai que depuis tout petit, je rêvais de faire de la bande dessinée depuis l’âge de 6 ans exactement. C’était quelque chose de très ancré dans mon esprit. J’ai suivi pas mal de cours du soir en bande dessinée, des académies pendant plusieurs années, dès mes 10-11 ans et ce, jusqu’à mes 18 ans. Pour rassurer mes parents, et ne pas me lancer comme ça, dangereusement, j’ai fait des études en Belgique pour devenir prof en faisant l’équivalent d’une licence en Lettres modernes. Au bout de quatre ans, je me suis inscrit dans une école de bande dessinée, Saint-Luc à Bruxelles. Et après un an et demi, je me suis lancé totalement dans la bande dessinée. Une forte envie de vie active et des contrats qui se présentent, voilà ce que ça donne ! Tout en étant prof, j’ai exercé cette activité à mi-temps pendant deux ans, le temps que ma première BD soit lancée.

Parlons de votre dernier album. Comment vous a-t-on proposé de réaliser l’histoire de Spirou ?

Alors on ne m'a pas du tout proposé, c’est moi qui ai proposé. En fait, c’est une espèce d’accident heureux. C’est une histoire que j’avais écrit en 1993 qui s'appelait déjà Pacific Palace et racontait dans les grandes lignes ce qui deviendra plus tard le Spirou ; un jeune homme qui travaille dans un hôtel et qui tombe amoureux de la fille du dictateur qui s’est réfugié. Pendant des années j’ai tenu à ce projet, j’avais vraiment très envie de le faire. Je ne sais pas ce qui m'empêchait, je n’arrivais pas à le dessiner. Je ne trouvais peut-être pas la concentration suffisante. J’étais à chaque fois sur d’autres albums. J'entamais à chaque fois quelque chose que je laissais tomber, je ne trouvais pas le bon angle. C’était étrange. Du coup, il y a eu une espèce de réveil, au sens propre d’ailleurs. Un matin pour me réveiller je me suis dit : « Mais un garçon qui travaille dans un hôtel, ça pourrait tout à fait être un groom, un groom égale Spirou ». J’ai repensé mon histoire, en fonction de Spirou, et là tout s’est débloqué. Quand j’ai pensé à Spirou, je me suis demandé qui vais-je prendre de la famille Spirou, comme si c’était un huis-clos.

Une rencontre aux yeux verts et un amour sur fond bleu, pourquoi ce choix de couleurs ?

Bon, c’est ma scène préférée ! Le fond bleu, il est particulier, c’est celui de la piscine. C’est une scène particulière parce que l’histoire se déroule en quelques jours. J’avais envie d’une scène hors couloirs de l’hôtel. Puis il y avait l’idée de ne pas trop se lasser, je voulais un autre lieu. J’ai donc pensé à la piscine. Pour moi, c'est une scène assez importante, elle est centrale. Il va y avoir un baiser entre Spirou et Elena mais il y a aussi la concurrence amoureuse entre Spirou et Fantasio. Puis de façon sousentendue, en quelque sorte, Elena fait des révélations à Spirou en lui disant que Fantasio doit se méfier, que ce qu’on voit n’est pas toujours la vérité, etc. C’est comme ça que j’ai voulu une couleur qui se détache complètement du reste du livre, qui fasse une petite enclave dans l’histoire. Cette scène-là, c’est la première scène que j’ai dessinée dans laquelle apparaît Elena. Ce qui fait que quand j’ai mis au point le bleu de mon bassin de piscine, j’avais laissé les yeux d’Elena vides. Je cherchais une couleur qui pourrait bien ressortir et le vert est venu. Je voulais quelque chose d’un peu scintillant dans les yeux, qui brille au milieu du bleu de la piscine.

Comment vous est venue l'inspiration du personnage d'Elena ?

Je m’étais mis en tête de ne pas utiliser trop de personnages, pour ne pas être distrait dans mon histoire et ne pas diminuer la pression du huisclos. Du coup, celui qui m’apparut indispensable, le compère de Spirou, c’était Fantasio. Puisqu’il y a une intrigue politico-thriller, et que Fantasio est un journaliste, je me suis demandé ce que je vais faire de Fantasio. Puis l’idée m’est venu de faire de lui un groom comme Spirou. Ça a tout changé parce que les deux personnages apparaissent comme les deux faces d’une même pièce. J’ai pu finalement donner plus de densité à l’histoire que j’avais écrite au départ. Avec le recul, ce qui se passait n’était qu’une « simple d’amour ». Elle était un peu limitée. Alors qu’ici, le fait d’avoir emmené Fantasio ajoute un autre regard. Ils sont tous deux en concurrence puisqu’ils sont amoureux de la même jeune femme, donc ça densifiait l’histoire. Ainsi qu'un autre personnage, que je ne citerais pas pour ne pas vous en dire trop.

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