5 minute read
LE STYLE GRAPHIQUE
from Le 48 Pages
by le48pages
Trois étudiants en art graphique, Evane, Veydari et Adam, ont concocté pour le 48 pages des illustrations inédites dans lesquelles ils nous révèlent leur personnalité, leurs intérêts et leur créativité. Découvrez le processus de ces artistes nourris à la BD !
une aventure au pays des illustrateurs
Advertisement
Qu’est-ce qu’un style graphique ? C’est la patte d’un dessinateur, sa marque de fabrique, un style unique et reconnaissable ! Ça peut être un sujet qu’on aime dessiner, une palette de couleurs, des personnages récurrents ou bien un format précis. C’est ce qui fait l’artiste « lui », car ça le représente dans ses goûts, ses habitudes et ses inspirations du quotidien. C’est-à-dire, tout ce qui est agréable à dessiner pour l'artiste.
Comment se développe-t-il ? « Le style graphique est quelque chose qui évolue tout le long de notre vie », nous confie Evane. « C’est une partie de la personnalité qui ne se fige pas de la même façon chez tout le monde ; c’est un choix et un parti pris graphique sans que l’on s’en rende compte », ajoute Veydari. Il est tellement en mouvement qu’il est impossible à définir.
A la fois instinctif et conscient, le style est une zone de confort mais aussi un défi. Il demande de l’exercice mais il se copie également en mimant le travail d’autres artistes et en s’appuyant sur le réel et l’observation. Mais il peut aussi être témoin d’une mauvaise habitude du dessinateur ! Tout fait style tant que l’artiste s’y reconnaît.
Et on en fait quoi ? Le style sert à se différencier des autres dessins. C’est la voix de l’artiste. En BD, il s’adapte selon les besoins de l’histoire. Par exemple, les forts contrastes conviennent bien à l’univers corrompu de Batman tandis que Moebius dépeint son monde onirique avec une ligne claire et des couleurs pastel. En effet, le style doit toujours servir l’univers et les personnages afin d’accrocher le lecteur.
Evane Pitié ou « BDwoman »
Grande lectrice de bande dessinée, romans graphiques et mangas, Evane dessine depuis qu’elle est toute petite. Pour elle, devenir illustratrice n’est que la suite logique de son parcours. Elle rêve de faire une BD, même si personne ne la lit, car cela serait la consécration de toute sa vie. Elle aurait l’impression d’avoir bouclé la boucle. Son inspiration vient de tout et rien, mais surtout du dehors. Elle nous confie d’ailleurs que le confinement l’a empêchée de créer car elle aime être connectée au monde extérieur.
Son style se reconnaît aux couleurs qui explosent et aux corps disproportionnés. Influencée très jeune par Frida Kahlo, Henri Matisse et Fernando Botero. Elle aime l’exagération des formes et le travail des polices qui se fondent dans le sujet. Parmi les illustrateurs modernes, il y a également Kelly Anna (@kellyannalondon), Ricardo Cavolo (@ricardocavolo) et certains artistes hispaniques.
La première illustration montre l’absurdité du couvre-feu ; une jeune femme contrôlée par le temps doit se presser à 17h50 de rentrer à la maison. Pour elle, c’est marrant d’en parler car « ça fait chier tout le monde ».
Le troc parle d’amour avec un grand A. Il s’agit d’un dialogue en miroir sur une double page de deux personnes qui ressemblent mais ne sont pas les mêmes. L’échange d’émotion et de fleur est au cœur du sujet : « je te donne une fleur et tu me donnes ton cœur ». De quoi faire rougir les romantiques.
Veydari Ieng et l'expressionnisme ronchon
Veydari aime flâner dans les rayons BD et romans graphiques, véritables mines d'or pour nourrir son inspiration. Pour elle, « c'est plein d'univers différents qu'on y trouve, et c'est nous qui choisissons dans lesquels entrer d'abord selon les esthétiques qui nous parlent. Ensuite, on va se pencher sur ce qu'ils nous racontent. » En revanche, elle lit davantage pour l'histoire que les dessins concernant les mangas.
Selon elle, dessiner c’est matérialiser une autre réalité. Pour ce faire, elle s’inspire du maître des couleurs Hirohiko Araki, auteur de Jojo’s Bizarre Adventures, qui articule art et pop culture ainsi que de l’artiste Laura Callaghan pour sa maîtrise du détail. Tout comme Araki, Veydari aime utiliser les références musicales et ainsi que le monde réel pour alimenter sa créativité. Elle aime faire des personnages grincheux et chouineurs avec une certaine sensibilité ironique.
Le reflet est un Narcisse moderne et absurde. Mais ce reflet-ci est particulièrement violent puisqu’il répond à la femme avec un bras d’honneur – ce qui sert à casser une mythologie romancée. Veydari insiste sur le fait que ce n’est pas une image qui vise la dépréciation de soi, mais montre le décalage que l’on peut avoir avec soimême parfois.
Flower boy se moque lui aussi d’une scène romantique. Basée sur la chanson « See You Again » de Tyler The Creator, elle peint un homme-tournesol larmoyant d’une manière presque épique. Elle joue avec les références et les couleurs pour produire une scène saugrenue, à la limite du cartoon.
Adam Joinet au l'homme au mille styles
Adam est un éternel insatisfait. Cela se traduit par un style hétérogène et éclectique en formes et couleurs qu’il pioche partout. Pour lui, c’est impossible d’être consistant car la société nous bombarde d’images et dès lors, cela nous pousse à toujours changer. Pourtant il a toujours aimé créer des histoires et les coucher sur le papier. Il est très tôt influencé par la télévision, notamment les dessins animés et les BDs de son enfance ainsi que les comics et les mangas. Mais c’est son amour pour les personnages extravagants, les héros surpuissants et les réactions disproportionnées qui le poussent à l’illustration. L’inspiration a beau être partout, il cite Edgar Degas et Masashi Kishimoto parmi les artistes de référence.
Il ne nomme pas ses œuvres car il ne se sent pas légitime de le faire. Toutefois, il précise que s’il devenait un artiste accompli, il appellerait ses œuvres d’après des mots qu’il trouve drôle comme « suspect » ou « mortadelle ».
Il peint dans ces deux illustrations très différentes, mais complémentaires, les sentiments qu’il a pour un garçon : je t’aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout... ? Il ne sait pas.