«Aujourd’hui, le monde est à la fois intériorisé et urbanisé, tout est construit mais (presque) rien n’est architecture. Dans ce contexte, le seul que nous ayons «un champ uniformisé» - il nous faut comprendre comment produire un minimum de confort, des biens communs, des points d’ancrages, des espaces de vie, un lien avec nos traditions culturelles.» Office KGDVS
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Carnet de référence #3
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OFFICE KGDVS Kersten Geers & David San Severen
INTRODUCTION OFFICE KGDVS est né de l’association de Kersten Geers (1975) et David San Severen (1978). Ils ont tous deux étudié à l’université de Ghent, en Belgique, et à l’école d’architecture de Madrid, en Espagne. En 2002, ils fondent leur agence et s’installent à Bruxelles. Ils ont enseigné à l’université de Ghent, de Columbia à New-York, et à Mendrisio, en Suisse, pour Kersten; et à Amsterdam, Rotterdam pour David. Actuellement, le premier enseigne à l’EPFL de Lausanne, et le second est souvent un invité d’honneur à l’école d’architecture de Versailles. Chaque étape de leur parcours s’énonce de façon décimale. OFFICE 1 marque leur installation en 2002, OFFICE 2 son origine (l’aménagement de l’accueil d’une étude notariale), et ensuite chaque nouveau projet, expositions et même les publications sont marqués de cette manière. Influencés par l’enseignement et les réalisations d’Inaki Abalos et de Juan Herreros, ils ont ensuite exercé chez Neutelings Riedijk Architects à Rotterdam pour Kersten Geers, et chez Xaveer de Geyter pour David San Severen. On retrouvera alors des similitudes de leurs expériences acquises, dans leurs projets réalisés.
en 2012), pour KGDVS: la méthode fait le projet. En ressort alors des mots clés qui pourraient définir leur travail, tels que: tracer des limites, trames et grilles, clôturer, parcours, périmètre, répétition et ordre (pour n’en citer que quelques uns).Beaucoup de thèmes sont récurrents dans leurs travaux, car ils semblent découler d’une même démarche de travail pour chaque projet. Parfois, comme quelque chose d’obsessionnel. Ce qui nous amène donc à réfléchir sur leur méthode de travail qui produit un vocabulaire architectural de l’ordre de la figure. Et qu’y a t-il de complexe à concevoir des architectures simples en apparence? Pour y répondre, nous allons nous appuyer sur deux projets: After the party et Wall, qui nous permettront de nous orienter en trois axes: le premier traitant du concept d’enceinte, le suivant sur la notion de perception, et le dernier portant sur des détails techniques de leurs projets.
Comme l’expliquent Pier Paolo Tamburelli et Andrea Zanderigo dans un article nommé « Cutting holes in the trash and others stories » (publié dans la revue 2G, n°63, 04.Metlaine Léa & Pilarczyk Cécile
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OFFICE 50, AFTER THE PARTY Pavillon Belge Lieu: Biennale d’architecture de Venise, 1er prix Année: 2008 Budget: 150 000 EUR Surface: 800 m²
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OFFICE 76, WALL Scénographie pour une pièce de théâtre Lieux: Bruxelles et Gand (BE), Douai (FR) Année: 2010 Budget: 15 000 EUR Surface: 314 m²
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Planche typologique
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OFFICE 76 Bruxelles, Ghent (BE), Douai (FR) 2010
OFFICE 15 Mexique/USA 2005
OFFICE 41 Keerbergen, BE 2007
OFFICE 51 Ordos, CN 2008
OFFICE 45 Kortrijk, BE 2007
OFFICE 124 Sharjah, UAE 2013
OFFICE 73 Lommel, BE 2009
OFFICE 130 Matarrana, ES 2012
OFFICE 35 Ceuta 2007
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ENCEINTE Dans beaucoup de leurs projets, OFFICE KGDVS délimitent un périmètre clair et précis. Peu importe l’échelle à laquelle ils travaillent, qu’elle soit urbaine ou de la taille d’une maison, les deux architectes ont établit un processus systématique: ils créent une pièce à l’intérieur d’un contexte donné. Et vont connecter des fragments choisis. Cela comporte alors des inclusions, des entres-deux et des exclusions. Ils établissent un nouvel équilibre avec le contexte lorsqu’ils transforment et englobent «le déjà-là», ou bien ils agissent en autonomie et déconnexion totale de l’environnement. Dans chaque projet, ils choisissent donc de rassembler ou séparer. Dans les différents cas, ils sont invasifs, et créent de nouvelles conditions, en ayant une logique de colonisateurs qui impactera le site sur lequel ils interviennent. Avec ce concept de créer une enceinte, un monde à l’intérieur d’un monde, ils choisissent ce qui est à laisser en dehors. Dans le texte de Pier Paolo Tamburelli et Andrea Zanderigo, un paragraphe explique que pour penser un projet, KGDVS use systématiquement de la figure géométrique du carré. Ce dernier, est pour eux, un outil de travail abstrait qui leur permettra par la suite de révéler des relations ou des tensions entre les espaces d’un projet ou d’un contexte donné. Par ce choix, et ce processus d’usage systématique du carré, il y a un référence à l’histoire, car pour eux: « le carré est le simple dispositif d’une architecture de murs: une architecture d’enceinte (comme l’architecture romaine), et non pas une architecture de couverture (comme à la grecque) »1. 04.Metlaine Léa & Pilarczyk Cécile
Le carré n’est pas non plus présent dans tous leurs projets. Par exemple, pour The Wall (OFFICE 76), pousse le concept d’enceinte à son extrême. En effet, ce projet qui était une commande d’une société de théâtre qui demandait des décors pour une pièce jouée en extérieur, intitulée « The Wall », n’a pas d’entrée, et donc, ni de sortie. Tout se déroule autour du mur qui est circulaire, sans que l’on ne puisse pénétrer à l’intérieur. L’espace est alors fermé, comme fortifié. Le cylindre est coupé de manière oblique, de façon à apercevoir l’intérieur depuis l’extérieur sans pouvoir l’atteindre. Ce projet rassemble tous les grands concepts du travail de KGDVS. Il est déconnecté de son contexte et peut être construit ainsi que déplacé à n’importe quel endroit. Leur travail sur les limites franches est d’autant plus marqué dans ce projet, qu’on ne peut même pas y pénétrer. C’est donc la question de périmètre travaillée à son extrême. The Wall attise la curiosité de l’usager depuis l’extérieur, ainsi que sa perception visuelle qui est également sollicitée. Ici, par l’usage d’une couleur vive: le jaune.
1- 2G, n°63, Office Kersten Geers David Van Severen, Editorial Gustavo Gili, 2012, p.22
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OFFICE 76 Wall Bruxelles, Ghent et Douai, 2010
OFFICE 76 Wall Bruxelles, Ghent et Douai, 2010
OFFICE 76, WALL
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PERCEPTION
et pensée dès le départ. Leurs projets bouleversent des perceptions, ils créent des constellations inattendues.
Pour After The Party (OFFICE 50), ce pavillon de la biennale d’architecture de Venise fait appel au savoir architectural et technique d’OFFICE KGDVS. En apparence, de simples échafaudages délimitant un carré, changent la perception d’un pavillon existant pour former un ensemble plus général. Les visiteurs traversent les deux couches de la paroi extérieure et pénètrent dans le pavillon d’origine par une entrée latérale, les désorientant alors. L’intention de ce mur et de cette rampe formant une enceinte est d’interdire aux visiteurs d’entrer dans le bâtiment depuis l’axe principal du Giardini. Cela les oblige à entrer d’une nouvelle façon dans le pavillon et de réorganiser la manière dont on le perçoit et l’expérimente. En entrant dans le bâtiment d’un côté, ils traversent les salles vides et sortent dans l’espace entre les deux pavillons. L’architecture se révèle de deux façons: tout d’abord, le pavillon démontre le pouvoir de l’architecture de rediriger votre expérience d’un bâtiment, en la façon d’encadrer et d’entrer. Deuxièmement, cela met en lumière la carcasse d’origine et son espace extérieur. Par ce travail, OFFICE KGDVS construit un nouveau pavillon qui encadre ce qu’il veut exposer: le pavillon belge. Un processus de travail rigoureux est mis en place pour chaque projet, cela crée alors une « identité à soimême »2 (titre du 6 ème paragraphe du texte de Pier Paolo Tamburelli et Andrea Zanderigo). Ils jouent avec la « réduction et la répétition d’une gamme limitée d’éléments »3. Cela permet alors des ruptures, des décalages et des évènements inattendus, mais ceci de manière très calibrée 04.Metlaine Léa & Pilarczyk Cécile
2- 2G, n°63, Office Kersten Geers David Van Severen, Editorial Gustavo Gili, 2012, p.22 3- ibid.
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OFFICE 50, AFTER THE PARTY
Perception frontale du pavillon belge avant l’intervention de KGDVS
Perception latérale du pavillon belge après l’intervention de KGDVS
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DETAILS TECHNIQUES Des qualités constructives et techniques sont mises en place dans leurs projets. La complexité d’un bâtiment peut se résumer dans un de ces détails techniques auxquels KGDVS accordent une réelle importance. Pour After the party, les échafaudages qui font le projet sont des standards italiens revisités. Le nouveau mur créé est fait de parois en acier galvanisé. Les visiteurs se promènent alors entre les deux couches, découvrant les cadres métalliques qui les accompagnent et les accueillent dans le pavillon belge. Concernant le projet Oasis, l’objectif était d’introduire des jardins publics dans une zone urbaine, et cela avec des ressources minimales. Les trois pavillons ont donc été réduits à seulement une ligne, une peau mince encadrant chaque jardin. Tout l’enjeu pour KGDVS dans ce projet était une question de travail sur la peau, et à quel point elle était lourde ou légère. Ils ont alors étudié la matérialité et, dans le même temps, l’économie, ce qui leur a permis de se concentrer sur une performance minimale. La structure a été fabriquée en acier simple, recouverte de murs en treillis en acier transparent. Les sites des trois pavillons étant tous différent, et jamais complètement horizontaux, les architectes ont décidé de ne pas adapter la forme au site mais de construire les pavillons sur la même donnée : des plans de 25 x 25 mètres, et des rideaux de 3 mètres de haut. En conséquence, les rideaux pendaient parfois de vingt à trente centimètres au-dessus du sol. Cette décision, au départ pragmatique, a permis de montrer les particularités de chaque site, comme une mise en scène de la négociation entre la perfection de l’idée architecturale et l’espace lui-même, qui n’est jamais parfait. 04.Metlaine Léa & Pilarczyk Cécile
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OFFICE 50, AFTER THE PARTY
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OFFICE 124, OASIS
Elévation
Détail axonométrique 04.Metlaine Léa & Pilarczyk Cécile
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OFFICE 124, OASIS
Coupes séquentielles poteau / mur / sol
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Le projet XPO, à Kortrijk, illustre précisément cette notion de « détail qui fait le projet »4. A l’origine se trouvait un complexe d’exposition typique, une collection multiple de salles, couloirs et espaces verts. Comme un geste unificateur, les architectes vont placer un cadre autour de cette entité chaotique. Il est constitué d’une grille en acier modulaire qui fait office de galerie et se prolonge pour devenir l’enveloppe structurelle du nouveau bâtiment d’entrée. On peut alors lire en façade deux entités indépendantes : la grille blanche en premier plan s’élève de deux modules et se place en décalage sur le bâtiment existant, et une boite noire de trois niveaux qui disparait presque derrière la trame régulière. C’est le dessin d’un détail qui a permis de régler toute la difficulté de faire un bâtiment avec une structure à l’extérieur. L’élément qui se situe à la rencontre des deux entités est constitué des mêmes poutres en acier (IPN) que la galerie, mais combiné à d’autres poutres en acier de même dimension, permet le transfert des charges de la boite noire à la structure tout en assurant la rupture de pont thermique. C’est donc finalement la mise en place de ce détail complexe qu’est l’isolation qui permet l’expression et la lecture d’une architecture simple visuellement.
4- 2G, n°63, Office Kersten Geers David Van Severen, Editorial Gustavo Gili, 2012, p.23 04.Metlaine Léa & Pilarczyk Cécile
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OFFICE 45, XPO
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BIBLIOGRAPHIE 2G, n°63, Office Kersten Geers David Van Severen, Editorial Gustavo Gili, 2012, 176 pages. El croquis n°185, editeurs Fernando Márquez Cecilia et Richard Levene, 2016, 262 pages. AA L’architecture d’aujourd’hui, n°381, 2011, 178 pages. AA L’architecture d’aujourd’hui, n°413, 2016, 144 pages.
SITES INTERNET http://www.officekgdvs.com http://www.arcenreve.com/Pages/2016/office-kgdvs-02.html https://www.franceculture.fr/conferences/ecole-nationalesuperieure-darchitecture-et- de-paysage-de-lille/office-kersten-geers
CONCLUSION OFFICE KGDVS a su mettre en place une méthode de travail rigoureuse dans leur processus de projet. L’agence réduit souvent l’architecture à sa forme la plus simple : un ensemble limité de règles géométriques de base, utilisé pour créer un cadre dans lequel la vie se déploie. Les propositions spatiales sont directes et précises, l’élément architectural est choisi et positionné.
https://www.architonic.com/en/project/office-kersten-geersdavid-van-severen-after-the-party-venice-biennale-2008/5100053
«Vous pourriez dire que la plupart de nos projets impliquent une idée géométrique et un détail » Kersten Geers
Leurs plans sont sans fards ni subterfuges, ils ne mentent pas et assument les trames et grilles. Et quand la figure du projet peut paraître d’une simplicité absolue, c’est le détail qui fera toute sa complexité.
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