DOSSIER DE PRESSE MERCREDI 25 FEVRIER 2015
19 RUE JOUVENE 13200 ARLES WWW.LEMAGASINDEJOUETS.FR
EXPOSITION DU 13/03 AU 07/04 avec les oeuvres de :
FRANCOISE BEAUGUION / DAPHNE LESERGENT MARCO BARBON / MINZAYAR OUVERT DU LUNDI AU VENDREDI : 8h30 > 19h + SAMEDI : 14h > 19h30 nicolas@lemagasindejouets.fr
EL BAHAR LES PAS PERDUS &
Photographies de Marco Barbon
EL BAHAR Ce travail, réalisé avec un appareil argentique moyen format, consiste en une série de photographies de personnes absorbées dans la contemplation de la Mer (El Bahar, en arabe), le long des côtes marocaines, de l’extrême sud du pays jusqu’à la frontière avec l’Algérie, en passant par les communautés urbaines d’Essaouira, Casablanca, Rabat et Tanger. J’ai photographié des individus de dos face à la mer. On ne voit pas leurs visages ; on voit bien, en revanche, leurs vêtements, les détails de leurs tenues. On ne voit pas leurs yeux, mais on les devine rivés à l’horizon, absorbés par l’étendue marine qui les devance. À Casablanca, entre la Grande Mosquée et le phare d’El-Hank, il y a un no man’s land qu’une rude barrière de ciment sépare de la mer. Ici, l’été comme l’hiver, les bedaouis - femmes, enfants, jeunes employés, couples, personnes âgées viennent regarder l’océan. C’est ce que les gens d’ici appellent El Bahar : «la mer» ou «la plage» (en arabe, les deux champs sémiotiques sont exprimés par le même signifiant). Drôle de plage, si différente de celles de la Corniche, plus loin, avec leurs piscines à ciel ouvert et leurs terrains de football improvisés ; si différente aussi des plages qui longent nos côtes, parsemées de transats et de parasols colorés. Ici, on ne vient pas pour se baigner ni pour jouer aux raquettes mais pour se retirer pour quelques temps dans un espace intime : celui du souvenir, de l’amour, de la peine, de l’espoir.
Ce monsieur en costume semble être venu ici en pèlerinage ; il a garé sa mobylette juste à côté du garde-fou et il est venu s’asseoir sur le rebord. Il est resté longtemps dans cette position – une demi-heure, peut-être – comme absorbé par ses pensées… Cette vieille dame en djellaba a traversé la route d’un pas agile avant de se pencher sur le parapet, au rendez-vous avec qui sait quelle nostalgie… On retrouve la même scène à Tanger, sur le lieu dit des tombeaux phéniciens, sur la corniche à Larache, à Sidi Ifni ou tout au long des remparts de la Sqala à Essaouira… La mer représente pour ces personnes un espace disponible où envoyer balader les soucis d’un quotidien difficile, où chasser leurs fantômes, retrouver leurs souvenirs, laisser libre cours à leur imagination : El Bahar est un territoire de l’âme. Mais elle est aussi le symbole d’un ailleurs rêvé et toujours présent à leur esprit : surface infranchissable, barrière cruelle qui les sépare de leurs chers, partis tenter la fortune ailleurs (c’est pourquoi, dans ces silhouettes énigmatiques et souvent solitaires, on ressent parfois une espèce d’attente, comme un espoir…). En montrant l’un des bouts de cette espèce de ‘discours amoureux’ mon travail tente aussi de dire l’entre-deux, cet espace d’échange qui a dans la mer à la fois son lieu d’élection et son symbole le plus puissant.
LES PAS PERDUS Cela se passe de l’autre côté de la Mer Méditerranée, mais cela pourrait se passer également ici. Nous sommes à Tanger, lieu de tous les départs, ville-frontière entre le Sud et le Nord du monde. Frontière par la quelle transitent aussi bien ceux qui veulent passer de l’autre côté du détroit pour gagner l’Europe que ceux qui reviennent au pays, pour retrouver leurs proches. Les uns comme les autres ne se sentent plus chez eux, ni ici dans leur pays d’origine ni dans les villes, les villages ou les banlieues qui les ont recueillis de l’autre côté de la mer. Ici comme là-bas la même sensation d’aliénation, d’émargination, une blessure profonde et inextinguible : la perte d’un pays. «O comme se ressemblent les pays, comme se ressemblent les exils… » - écrit le poète marocain Abdellatif Laâbi. Les mots du poète résonnent dans ma tête lorsque j’arpente les rues de cette ville bénie par la lumière. Sous mes yeux, dans le viseur de mon appareil photo, des images s’imposent, telles les fragments d’un film. Je suis sur un terrain vague aux abords de la médina, mon regard surplombe le port. Cette zone franche qui n’appartient plus à la ville, qui est déjà un ailleurs : un ici qui est déjà là-bas. Les lieux, les civilisations se confondent. Aucun indice ne permet de dire que nous sommes en Afrique du Nord. Cette jetée, ces panneaux, ce sol jonché de détritus, ces présences solitaires on pourrait les retrouver aussi bien dans n’importe quel port de l’Europe du Sud : Marseille, Gênes, Patras, Brindisi… Des individus – hommes, femmes, enfants -
qui se dirigent vers les quais, vers l’embarcadère, vers les bureaux de la douane. D’autres qui traversent, simplement, se dirigeant vers l’autre versant de la côte, au-delà du môle. D’autres encore qui s’arrêtent dans ce no man’s land baigné par le soleil et balayé par le vent. Quelques rendez-vous inattendus ou secrets. Les ombres s’allongent au fur et à mesure que le soleil se couche paresseusement à l’Ouest du monde. Au dessous, le ciel, immuable terrain de chasse des nuages. L’œil photographique prend la mesure de ce vagabondage, de cette solitude, de cette lumière éblouissante… « …tes pas ne sont pas de ces pas qui laissent des traces sur le sable… » Dans le champ de l’appareil photo, transformé en caméra de surveillance, les humains finissent par perdre leur identité pour devenir des pions sur le vaste échiquier du monde, des présences sans histoire destinées à l’oubli … tu passes sans passer » C’est le destin des exilés. Le chemin du retour est sans fin. Marco Barbon
MARCO BARBON Né à Rome en 1972, il vit et travaille à Marseille. Après une maîtrise de Philosophie à l’Université de Rome La Sapienza et un Doctorat en Esthétique de la photographie à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris, il a travaillé pendant quatre ans dans le staff de Magnum Photos. Depuis 2005, il conduit une recherche artistique personnelle, utilisant comme medium la photographie et la vidéo. L’ambiguité constitutive de l’image photographique – à la fois support
documentaire et dispositif fictionnel – et ses différentes dimensions temporelles constituent les axes principaux de son travail. Auteur des livres Asmara Dream (Filigranes / Postcart, 2009), Cronotopie (Trans Photographic Press, 2010), Casablanca (Filigranes / Postcart, 2011) et Les pas perdus (Poursuite, 2014), ses photographies ont fait l’objet de plusieurs publications dans la presse internationale et sont régulièrement exposées en France et à l’étranger.
PEACE BE WITH YOU
(2015)
Photographies et film-photographique de MINZAYAR (Myanmar) Dans les camps de réfugiés à l’ouest du Myanmar les Musulmans Rohingya dépendent des «cabanes Internet» pour se connecter avec leurs proches partis sur des bateaux pour la Thaïlande et la Malaisie. Internet permet aussi aux trafiquants humains d’extorquer environs 1500$ par Rohingya migrants lors de conversations Skype. Le photographe, Minzayar a capturé la joie et la tragédie des familles réunies ou déchirées par des trafiquants face à l’écran qui les sépare et les réuni. Ce qui apparaît est un portrait intime et déchirant de ce peuple persécutés. Minzayar nous montre le portrait d’une tragédie contemporaine qui concerne près de 1.1 millions d’êtres humains. Le Myanmar les considère apatride. Minzayar témoigne avec des yeux pleins d’humanité. PEACE BE WITH YOU
MINZAYAR de son nom birman : Minzayar Oo ou Min Zayar Oo
est un photographe documentaire et photo journaliste installé à Yangon, Myanmar. Né en 1988, il se consacre dès 2011 à la photographie après avoir participé pour la première fois au workshop organisé par le Yangon Photo Festival.
Son premier reportage, lié à ses études de médecine, a été un reportage dans durant lequel il s’est glissé dans les salles d’accouchement de l’hôpital gouvernemental de Yangon. Ces images ont été les premières images d’accouchement en Birmanie. Le Yangon Photo festival l’a récompensé pour ce travail, ce qui lui a permit de quitter ses études de médecine et de devenir photographe à plein temps. En 2012, il suivra le prix nobel de la paix Aung San Suu Kyi durant toute sa campagne électorale à travers le pays. En février 2015 il gagne le premier prix du Yangon Photo Festival avec le travail : «Peace be with you». Il collabore avec de nombreux magasines, agences et journaux internationaux comme Reuters, The New York Times, National Geographic... Il travaille actuellement sur deux projets à long terme autour de l’industrie du Jade dans le nord du Myanmar ainsi que sur les communautés Rohingya dans l’ouest du pays. Minzayar a gagné de nombreux prix et reconnaissances en Asie. Il a également contribué à l’édition du livre : «7 Days in Myanmar : 30 Great Photographers» et également au livre : «Aung San Suu Kyi : A Portrait in Words and Pictures». Son travail a été présenté en Thaïlande, au Cambodge, en France, au Danemark, en Chine et au Japon.
NI SOUMISE Photographies de FRANCOISE BEAUGUION 2012 Coup de coeur/ Bourse du Talent #50 Portrait Prix du public, Vichy Expo 201 2 1 er Prix du Jury, MyProvence Festival 2012
L’Islam en France. Un thème actuel. Identité nationale et autres débats sur la laïcité sont au coeur des médias et de la vie politique française. La place de la religion musulmane, la prière de rue, l’interdiction du port du niqab, l’intégration. Un réel problème ? Le résultat y est en tout cas radical : une partie de la population française se ferment et est inquiète. En découle de nombreux amalgames entre niqab et hijab ou encore entre islamistes et musulmans.» Nous avons des préjugés.» Quelle attitude prendre quand nous croisons une femme voilée dans la rue ? Pourquoi avons- nous peur que nos filles rencontrent un musulman ? Pourquoi pensons-nous que le port du voile signifie soumission ? NI SOUMISE est une série de portraits de femmes musulmanes portant le hijab (voile musulman recouvrant les cheveux et le cou). Une lumière est orientée et axée sur le voile. Dans un premier temps, des formes colorées ou à motif se dégagent d’un fond noir. Des masses. C’est ce que nous voyons si l’on ne s’arrête pas un peu sur les images. Ne voir que des voiles représente nos idées préconçues. Pourtant pourquoi tant de couleur ? Si nous sommes attentifs, nous distinguons des visages, dans l’ombre. Des visages souriants et épanouis. Car le port du hijab est un choix, une religion, une tradition voire une coquetterie. Ces femmes ont choisi. Car elles sont libres.
La liberté prend différents visages. Nos idées ne sont pas une vérité pour d’autres cultures. Car nous ne les connaissons pas. Nous avons peur. Cette série n’est pas uniquement une suite de portraits de femmes musulmanes ou de voiles mais bien une confrontation avec nos préjugés.
FRANCOISE BEAUGUION est photographe auteur documentaire. Diplômée en 2009 de l’École Nationale de la Photographie d’Arles, elle continue ses recherches photographiques autour du monde arabe et musulman, entre presse et milieu artistique. Elle vit à Arles et travaille entre la France et le Proche et Moyen Orient. Depuis 2012 elle écrit et publie ses premiers articles dans la Revue des Temps Modernes en mai et septembre 2013. - Formation 2006-2009 Photographie, Ecole Nationale Supérieure de la Photographie, Arles. 2003-2006 Photographie, Icart Photo, Paris.
24 CLICHES QUE J’AI OCCUPES VIDEO 8 min, DE DAPHNE LESERGENT (2010) 24 clichés se succèdent les uns aux autres à la manière de différents moments d’une journée, chacun consacré à une action particulière. Ces clichés ont été recueillis dans le Sud de l’Espagne, dans la région d’Almeria, où s’étend «El mare del plastico», mer de plastique formée par 17 000 hectares de cultures sous serres et dont le développement spectaculaire repose, entre autres, sur la surexploitation de la main d’oeuvre immigrée. Reléguée à l’extérieur des villes, marginalisée, cette population n’a souvent de possibilité d’intégration et d’inscription sur le territoire que dans l’espoir qu’elle projette d’un mode de vie occidental. La force d’une projection semble en effet ce qui leur permet de tenir. C’est pourquoi la question du cinéma (le cinéma est selon Godard «ce qui projette en grand» l’Histoire, les histoires) et en l’occurrence l’iconographie du western se constituent ici comme matériau de la vidéo: espaces désertiques, idée d’une frontière constamment reportée (pionnier), bande son d’Enio Morricone ralentie à l’extrême. Les clichés (en noir et blanc) se constituent d’incrustations vidéo (couleur) dans des photographies comme si les unes venaient prolonger les autres, rendant - grâce à leur temporalité-, ces espaces momentanément «habitables».
DAPHNE LESERGENT Plasticienne et théoricienne, Daphné Le Sergent est une « intellectuelle sensible». Elle a développé pendant plusieurs années une réflexion sur les frontières en toute connaissance de cause puisqu’elle est originaire d’un pays divisé, la Corée,et qu’elle a été adoptée et éduquée par une famille française. Son interrogation sur les rapports que les coréens entretiennent avec la ligne de partage entre les deux Corées et la nature de leur regard sur l’autre Corée a induit son analyse du paysage frontalier comme phénomène de perception sans point de vue, assimilable à un écran où ne sont projetées que des images subjectives. C’est dans ce va-et-vient de l’approche de la réalité géopolitique et idéologique de la frontière / charnière que Daphné Le Sergent a dégagé des figures d’absence de l’autre. Daphné Le Sergent construit son travail plastique sous la forme de dessins, photographies, films-vidéo. Elle rapporte le thème de la frontière à l’espace de l’oeuvre dans lequel le pouvoir de la main fabrique un ordonnancement des formes qui seront ou pas validées par le public, la légitimation des artistes et des formes traçant la frontière entre les oeuvres magistrales diffusées et les autres oubliées. Ses derniers travaux en cours portent sur les notions d’acquisition par le corps collectif social : comment / pourquoi des gestes, des convictions, des images, des formes artistiques passent du statut de nouveau - dérangeant - à celui d’évidences culturelles constitutives de l’identité. Marie Guilhot-Voyant