Philippe Gustin et Stephan Martens
#FranceAllemagne Relancer le moteur de l’Europe PrÊface de Bruno Le maire
Couverture : Berlin, Allemagne. La chancelière allemande Angela Merkel montre la voie à suivre au nouveau président français François Hollande le 15 mai 2012, à l’occasion de leurs premiers pourparlers sur la crise de la dette grecque. © AFP Photo / Odd Andersen ISBN 978-2-37344-044-7 © Lemieux Éditeur, 2016 11 rue Saint-Joseph – 75002 Paris www.lemieux-editeur.fr Tous droits réservés pour tous pays
Philippe Gustin et Stephan Martens
#FranceAllemagne Relancer le moteur de l’Europe Préface de Bruno Le Maire
Introduction Avril 2015, réforme du collège en France : qu’un ambassadeur intervienne dans un grand quotidien de son pays de résidence pour s ’inquiéter des conséquences d’une affaire intérieure est chose exceptionnelle, a fortiori quand les deux pays concernés sont voisins et amis. C ’est pourtant ce qui est arrivé le 23 avril 2015, quand Susanne Wasum-Rainer, ambassadeur d ’Allemagne en France, s’est exprimée de manière peu diplomatique dans le journal Le Figaro à propos de la réforme du collège français : « Depuis le traité de l’Élysée en 1963, nos deux pays se sont engagés à soutenir la langue de l ’autre, estimant que son apprentissage était crucial pour consolider notre rapprochement. Ce projet [de réforme] risque d ’affaiblir la dynamique de nos accords et projets bilatéraux… Notre langue risque d ’être une victime collatérale ». Juillet 2015, apogée de la crise grecque : sur BFM TV, le 12 juillet 2015, après avoir pointé « l’arrogance » (terme qui sert traditionnellement à
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qualifier la France, cette grande Nation !) de Wolfgang Schäuble, ministre fédéral des Finances, Jean-Luc Mélenchon, député européen, auteur par ailleurs du pamphlet antigermanique Le Hareng de Bismarck. Le poison allemand (2015), enfonce le clou : « Pour la troisième fois dans l’histoire, l’obstination d ’un gouvernement allemand est en train de détruire l’Europe ». Ces événements qui peuvent sembler très anecdotiques sont pourtant révélateurs de la détérioration des relations entre les deux pays présentés depuis des décennies comme les « moteurs » de l’Union européenne (UE). Comment en est-on arrivé à une telle situation entre la France et l’Allemagne alors même que les deux pays ont, quoiqu’il arrive, partie liée ? Alors que la France s’associe à la vague d’antigermanisme primaire régnant en Europe, résultant de la suprématie économique de l’Allemagne et amplifiée par la position de rigueur adoptée par ce pays au cours de la crise grecque, l ’Allemagne de son côté n’arrive plus à comprendre cette « Grosse Nation » imprévisible – expression dont on sait qu’elle a pris outre-Rhin, à mesure de l’affaiblissement de la puissance française, un sens moqueur – qui s ’enlise dans son incapacité à se réformer. Depuis soixante-dix ans, la relation franco- allemande a été marquée par des étapes cruciales où chaque fois l’équilibre des forces a été plus ou
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moins respecté entre les deux pays : de la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) à celle de l’Euro (contrepartie de la réunification allemande de 1990), en passant par la création de la Communauté économique européenne (CEE) et la signature du traité de coopération franco- allemand, dit traité de l’Élysée, le 22 janvier 1963, la France et l ’Allemagne ont su adopter, chacune pour ce qui la concerne, une position de consensus afin qu’aucune des deux parties ne se sente lésée par rapport à l’autre. Certes, les ambiguïtés n’ont pas manqué dans la c onstitution du « couple franco-allemand », que l’on appelle le « tandem » de l ’autre côté du Rhin, la sémantique révélant ainsi la différence radicale de c onception de part et d ’autre de la frontière : la France voyait dans la construction européenne le prolongement de sa politique par d ’autres moyens alors que pour l’Allemagne, l’Europe représentait une garantie de rupture par rapport à son passé nazi. La France a nourri l’illusion d ’un couple idéal où les mariés seraient à égalité ; l’Allemagne, elle, c onduisait le tandem, tirant à hue et à dia son passager français sur le chemin d ’une union salvatrice. Il n’empêche que la relation franco-a llemande, par sa dimension réconciliatrice (tournant le dos à la politique d ’équilibre européen), mais surtout par l’énergie dégagée au service de la construction
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européenne (le « moteur » franco-a llemand), a un caractère politique central en Europe. Elle repose sur une confiance particulière établie par plus d’un demisiècle de coopération et d ’ancrage du dialogue à tous les niveaux entre les deux pays, au-delà des alternances politiques. Cette alliance spécifique se fonde sur plusieurs dispositifs institutionnels européens, mais aussi sur des mécanismes bilatéraux définis notamment par le traité de l’Élysée et complétés depuis. Force est de c onstater toutefois que, depuis quinze ans, cette mécanique bien huilée ne fonctionne plus. La relation franco-allemande n’a cessé de se dégrader. L’unification allemande, puis l’élargissement de l’UE aux pays d ’Europe centrale et orientale (PECO), en 2004, 2007 et 2013, ont recréé pour l’Allemagne son champ de prédilection géoéconomique, déplaçant ainsi le centre de gravité de l’Union vers l’Est. C’est aussi le décalage dans les performances économiques enregistrées par la France par rapport à ses principaux partenaires européens, au premier rang desquels l’Allemagne, qui a créé le fossé actuel entre les deux moteurs de l ’Europe. De plus, sur le plan de la société civile, pour certains, le lien franco-allemand a commencé à se perdre dans les limbes de l ’Histoire, pour d ’autres, ceux qui n ’ont pas c onnu les c onflits armés entre les deux pays, il renvoie à une relation banale, sans plus.
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Le présent essai a trois objectifs majeurs : analyser les facteurs de division qui se sont multipliés au fil des ans ; rappeler en quoi le sort de la France et de l’Allemagne reste malgré tout encore a ujourd’hui intimement lié ; proposer des mesures concrètes pour relancer le « couple franco-allemand ».
Table des matières
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Fractures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un « couple » fantasmagorique . . . . . . . . . . . . . . Le « non » français au référendum de 2005 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le retour du fait national . . . . . . . . . . . . . . . . . . Divergences et décrochage économique . . . . . . . Intimement liées malgré tout . . . . . . . . . . . . . . . . . . Des différences, mais une interdépendance unique . . . . . . . . . . . Un partenariat sans alternative . . . . . . . . . . . . . . La responsabilité du tandem franco-a llemand en Europe . . . . . . . . . . . . . . . .
17 18 24 29 33 39 41 47 52
Huit mesures concrètes pour relancer le couple franco-a llemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
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Conclusion. L’avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 Pour aller plus loin. Bibliographie sélective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81