Cahiers Leiris n°1

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CAHIERS LEIRIS NUMÉRO PREMIER Association des Cahiers Leiris

Édition établie par Jean-Sébastien Gallaire et Sébastien Côté


cahierS leiris NUMÉRO PREMIER

Ouvrage publié grâce au concours du Centre Régional du Livre de Franche-Comté, de la Région Franche-Comté et de la Galerie Louise Leiris Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays © Association des Cahiers Leiris, 2007 www.michel-leiris.com ISBN : en cours Dépot légal : septembre 2007


cahierS leiris NUMÉRO PREMIER

2007

FONDATEUR Jean-Sébastien GALLAIRE (France)

COMITÉ D’HONNEUR Aliette ARMEL (France) Denis HOLLIER, New York University (États-Unis) Philippe LEJEUNE, Université Paris-Nord, Villetaneuse (France)

COMITÉ DE PUBLICATION Sébastien CÔTÉ, Carleton University (Canada) Jean-Sébastien GALLAIRE

COMITÉ DE LECTURE Sébastien CÔTÉ Jean-Sébastien GALLAIRE Simon HAREL, Université du Québec à Montréal (Québec) Michel PEIFER, Lycée Henri Poincaré à Nancy (France) Annie PIBAROT, IUFM de Montpellier (France) Anne PRUNET, Université de Paris 8 (France) Anne ROCHE, Université de Provence Aix-Marseille I (France)

COMITÉ CONSULTATIF Anca GATA, Université Durănea de Jos, Galaţi (Roumanie) Juliette FEYEL, Newnham College, University of Cambridge (Angleterre) Seán HAND, University of Warwick (Angleterre) Marie-Pascale HUGLO, Université de Montréal (Québec) Kevin INSTON, University College London (Angleterre) Ruth E. LARSON, Texas A & M University (États-Unis) Julian VIGO, Université de Montréal (Québec) Thomas WILKS, chercheur indépendant (Allemagne)



L’art, sous quelque forme qu’il se présente, est-il autre chose qu’une prolifération baroque sur les dures arêtes de la vie ?



NOTE SUR LA PRÉSENTE ÉDITION Les Cahiers Leiris ont été fondés par Jean-Sébastien Gallaire. Il est l'auteur d’une thèse de doctorat sur Michel Leiris (Leiris, la poésie et la mort, 2005), le créateur et l'administrateur du site www.michel-leiris.com. Il a été assisté, dans sa tâche éditoriale, par Sébastien Côté, professeur à Carleton University (Canada). La publication de la revue a été autorisée par Monsieur Jean Jamin, exécuteur testamentaire et propriétaire des droits moraux de Michel Leiris. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié. Structure du numéro Ce numéro se divise en sept catégories : Témoignage, Autobiographie, Tauromachie, Autobiographie et voyages, Ethnologie et poésie, Hommage, Inédit. Chacun des articles critiques est précédé d’un résumé et de sa traduction en langue anglaise ainsi que d’un texte, « Leiris & moi », dans lequel le rédacteur confie les circonstances de sa première rencontre avec l’œuvre leirisienne. Les reproductions des iconographies sont pécédées ou plus généralement suivies d’un texte dans lequel l’artiste livre à la connaissance du lecteur sa démarche créatrice. En appendice sont donnés un tableau des symboles, une liste des abréviations, une table des illustrations, une bibliographie, un index des ouvrages cités et un index nominum. Suivent les remerciements adressés aux personnes sans l’aide desquelles la composition et l’édition des Cahiers Leiris n’aurait pu être entreprise. Notes et référencement Ont été insérés dans le corps de l’article, dans des parenthèses qui précèdent ou suivent directement la citation, les notes relatives au texte tiré des œuvres de Michel Leiris et leur référencement paginal. Certains titres sont désignés par des abréviations : pour identifier leur correspondance, l’on voudra bien se reporter à la liste appropriée, donnée en appendice. L’édition des œuvres de Michel Leiris citées, identique pour tout le corpus, est celle mentionnée dans la bibliographie finale. Les notes, informatives ou référentielles, sont appelées par des chiffres et mentionnées en bas de page ou en fin d’article, pour les plus longues. Pour le second ordre de celles-ci, ne sont donnés que l’auteur, le titre et le référencement paginal de l’ouvrage cité : les références complètes de ce dernier sont livrées dans la bibliographie. Michel Leiris y est désigné par les initiales « M.L. », à l’exception de sa mention dans les titres. Jean-Sébastien Gallaire, Directeur de publication


Remarks on the present issue The Cahiers Leiris were founded by Jean-Sébastien Gallaire. He is the author of a dissertation on Michel Leiris (Leiris, la poésie et la mort, 2005), as well as the creator and administrator of the website www.michel-leiris.com. In his editorial task, he has been assisted by Sébastien Côté, Assistant Professor at Carleton University (Ottawa, Canada). The publication of this journal has been authorized by Mr Jean Jamin, who, as Michel Leiris’s executor, also owns his moral rights. We are very grateful to him. Structure of the issue The articles have been grouped in six categories: Testimony, Autobiography, Bullfighting, Autobiography and travels, Ethnology and poetry, Homage. Each of them is preceded by an abstract (both in French and English), and by a text, “Leiris & moi”, in which the author describes the circumstances of his/her first encounter with the Leirisian œuvre. The artwork reproductions are accompanied by a text in which the artist explains to the reader his/her approach to the creative process. In the appendix you will find a table of illustrations, a list of abbreviations, a table of symbols, as well as a bibliography, an index of works cited, and an index nominum. At the very end, there is an acknowledgement section in which we thank the individuals without whom neither the composition, nor the edition of the Cahiers Leiris would have been possible. Footnotes and citations Parenthetical citations (including page numbers) regarding Michel Leiris’s œuvre have been inserted in the body of the article. The titles have been abbreviated: to identify the work to which each abbreviation corresponds, please refer to the appropriate list. The exact edition of Michel Leiris’s cited works, identical within the whole issue, is mentioned in the final bibliography. As for the footnotes, whether informative or referential, they are identified by numbers. In some cases, footnotes have been replaced by endnotes. Both of them use the following system of citation: author, title, and page number. Complete citations appear in the volume’s bibliography. Michel Leiris’s name will be abbreviated “M.L.”, except when mentioned in titles. Jean-Sébastien Gallaire, Editor-in-Chief


Sommaire pages Jean-Pierre Verheggen, « Hommage au Capitaine Leiris » Ma vie par moi-même, Michel Leiris

11-12 13 14-19

Bernard Monsigny, « MICHEL LEIRIS souvenirs SOUPAULT » Louis Seye & Michel Leiris, Anthony Freestone Asako Taniguchi, « La découverte de la pseudo-règle du jeu “Ici fruit à la tête se dit : là on s’enlise”  » Recueil de reliques (Michel Leiris & Glencoe), Anthony Freestone Élise Massiah, «“Coller à son époque” : Le tournant esthétique et politique “désastreux” de Frêle Bruit (1976) et Le Ruban au cou d’Olympia (1981) » Babel’s Tower, Anthony Freestone Maricela Strungariu, « La portée des éléments paratextuels dans les écrits autobiographiques leirisiens » Michel Leiris & Patrick MacGoohan, Anthony Freestone Annie Maïllis, « Picasso et Leiris : mano a mano » Portrait de Michel Leiris (28 avril 1963 VIII), Pablo Picasso

20-21 22-42

43-45 46-67 68-69 70-104

105-107 108-128 129

Pierres de taille, Anthony Freestone

130-131

Thomas Wilks, « Les débuts et les fins dans L’Âge d’homme : commentaire sur la chronologie et la cohérence »

132-157

Venise & Glencoe, Anthony Freestone

158-159

Anthony Freestone, « Puzzles & dominos » Giulana Costa Ragusa, « Mythologies de la maison familiale dans L’Âge d’homme et dans Biffures » MC 1984, « Michel Leiris, regard sombre » Cabines téléphoniques, MC 1984

160-165

166-184 185 186-187


Michel Peifer, « Le mode du comme-je-disais ou ce qu’est un(e) bif(f)ure » Les PHOTd’orthOGRAPHIES, Gabriel Fabre Anne Prunet, « De L’Afrique Fantôme à Biffures, quand l’écriture du voyage fait route aux côtés de l’écriture autobiographique »

188-244 245-261

262-284 285

Philippe Charpentier, « Connivence » Écumes de la Havane (XI), Philippe Charpentier Irène Albers, « Pour une lecture poétique de La Langue secrète des Dogons de Sanga » Portrait de Michel Leiris par Martine Le Coz

286-287 288-348 349 350

Joël Schmidt, «Sagesse trompeuse...» Toni Kleinlercher, « Alphawork ou le bruissement des signes dans les univers alphanumériques » Alphawork, Toni Kleinlercher

351-352

353

Gabriel Fabre, « Le petit actionneur de diction. Glossaire en hommage et à la manière de Michel Leiris »

354-366

Deux lettres inédites de Michel Leiris à Yannick Bellon, « J’ai trouvé le film très beau… »

368-377

Sans chaînes, Philippe Charpentier Lettre inédite de Michel Leiris à Michel Jarrety, « J’écris dans la mauvaise conscience… » Montovan, « Qui dicte son air(e)» François Lévêque, « Leiris, l’imagination laissée dans son état sauvage »

378-379 380-383

384-385 386

Littératures Leiris, François Lévêque 387 Karim El Khatabi, « Michel Leiris, “père de famille” » Appendices

388-397 398-442


préface Hommage au Capitaine Leiris Jean-Pierre Verheggen Je dois à ce cher Leiris cet éloge du voyage à travers les mots1 que j’ai, en son temps, intitulé : Nous irons à Valparaiso, du nom d’une célèbre et anonyme chanson à hisser qu’entonnaient les matelots « Hardi les gars, vire au guindeau ! » après avoir doublé le Cap Horn et dit adieu à Bordeaux ! Je dois beaucoup à sa « souple mantique et à ses simples tics de glotte en supplément » Bref ! à son magnifique dico fait d’incessants et très subtils tangages dans le langage2 qui me firent à mon tour parfois incongrûment (j’en conviens !) parler de Roulis Mariano qui roulait les R à tombeau ouvert dans Mexico Mexicoo Mexicooo Mexicoooo Mexicooooo (jusqu’à cinq ou six zéros comme il est d’usage pour désigner les huîtres géantes et les cachalots calibrés à l’aide de semblables numéros dans l’ordre chiffré de leur qualité !) pour finir in petto dans la jeune Barque de Paul Valéry où faire un petit baigneur, fruit de nos inversions de mœurs, fruit de nos interdits ! Voilà, c’est dit ! c’est dit ! Avec Leiris – avec le Capitaine Leiris ! – j’ai, en effet, appris à écouter avec l’œil et à écrire avec l’oreille ! À scruter l’horizon que nous avons là immédiatement sous le nez

1 J. P. Verheggen, « Nous irons à Valparaiso », in Ridiculum vitae précédé de Artaud Rimbur, NRF, « Poésie/Gallimard », n° 355, 2001. 2 ML, LT.


et sans hésiter à oser chanter « c’est nous les gars de la “narine” » pour mieux tenter d’élargir notre pesante – et si emprisonnante – proximité ! Avec Leiris, j’ai été à Zanzibar où, de son côté, il avait de ses yeux entendus « aux champs des chants bizarres » que j’ai moi-même reconnus en y ajoutant des danseurs noirs couleur bout de zan dansant jusqu’à plus soif – sinon jusqu’à plus zouaves ! – et bien plus tard dans les mêmes bars ! Avec lui – grâce à lui et à Booz réveillé ! – j’ai pu inventer la clef de Ruth pour donner le do(s) musical à leurs ébats ruraux et célébrer « le beau z’objet » ainsi par Leiris désigné que j’ai pour ma part nommé le zob secret pour ne plus rien vous cacher ! De Z à A, j’ai voyagé, à l’envers comme à l’endroit, tantôt voguant « insoucieux de tout équipage » tantôt écopant dur, ramant à rimes et aras – le perroquet dressé vous le confirmera ! – souquant parfois, galérant souvent, hurluberlu tout également devant tant et tant de mos abracadabras me tombant dessus sans raccourcis ou, tout à coup, hurluberloup, hurlant avec eux hourra avec lui, de l’Afrique aux « affres épiques » aux Amériques que découvrit pour nous Catastrophe Colomb en passant par les Antilles où j’aurais aimé que se situât le titillant Lac Titicaca – et celles dont la Bible fit tout un plat pour un simple repas ! – avant de pouvoir provisoirement jeter l’encre à Barbizon où tout le monde le sait naquit Crusoé qui tous les vendredis mangeait du poisson ! Qui l’aurait cru ? Que tout était écrit d’avance qui était déjà inscrit dans la chair même du récrit de notre langue !


(© Jean Jamin)



. cahiers leiris n 1

MICHEL LEIRIS souvenirs SOUPAULT  Bernard MONSIGNY

Témoignage Autobiographie tauromachie Autobiographie et voyages ethnologie et poésie hommage inédit



MICHEL LEIRIS souvenirs SOUPAULT

témoignage / L'article

Responsable de la Galerie Municipale de Montreuil et organisatrice de l’exposition « Philippe Soupault, le voyageur magnétique », Mic Fabre me demande fin 1987 d’envisager la réalisation d’un film pour accompagner cette première grande manifestation entièrement consacrée au co-fondateur du Mouvement surréaliste. Je pense alors à « Wanter for murder », poème-autoportrait dans lequel Philippe Soupault se décrit comme un personnage extrêmement dangereux, à éviter à tout prix. Si par hasard on le croise, il faut l’abattre sur-le-champ sans tenter de jouer au plus fin ! Mon projet : à partir de ce texte, rechercher les personnes ayant, malgré tout, fréquenté cet homme infréquentable et recueillir leurs dépositions. Je pense notamment à Eugène Ionesco, à Edmond Jabès, à Michel Leiris, à Maurice Nadeau, à Aimé Césaire… et commence ma quête de témoignages en rencontrant Christine Chemetov, la fille de Philippe Soupault ; Lydie Lachenal, son éditrice ; André Berge, un de ses plus fidèles amis ; Maurice Nadeau, l’auteur d’Histoire du surréalisme1… En février 1988, lors d’une réception organisée au siège des Éditions JeanMichel Place à la sortie d’un numéro de la revue GRADhIVA, je rencontre Michel Leiris. Je lui fais part de mon projet de film et lui demande de bien vouloir me recevoir pour une courte interview. Il manifeste sa réticence mais me laisse entendre que peut-être, plus tard… Il doit réfléchir. J’apprends par la suite qu’il a toujours refusé de s’exprimer devant une caméra. Je lui envoie cependant une lettre pour réitérer ma demande. Ma missive est accompagnée d’un mot de recommandation de Lydie Lachenal. Michel Leiris me répond par téléphone à la mi-avril. Il est toujours hésitant. J’insiste un peu en essayant de le rassurer : il s’agit moins pour moi de réaliser un entretien à proprement parler que de recueillir un simple témoignage portant exclusivement sur sa relation avec Philippe Soupault. Il me demande de le rappeler dans une semaine.

1 Maurice Nadeau, Histoire du surréalisme, Éditions du Seuil, Paris, 1945.


Huit jours plus tard, Michel Leiris m’annonce qu’il est d’accord pour me recevoir et me propose une date. 3 mai 1988 : l’entretien a lieu dans son appartement du quai des Grands Augustins. Michel Leiris nous fait entrer, Richard Copans, mon cameraman, et moi, dans un petit salon. « Voilà, nous dit-il en s’asseyant sur une chaise à côté d’un petit secrétaire couvert de livres, pas de mise en scène ! » Il s’est heureusement placé face à la lumière. Il pose un cendrier sur le secrétaire et allume une cigarette. Richard Copans installe sa caméra et lui apprend qu’il est le frère de l’anthropologue Jean Copans2. « Ainsi nous sommes en famille ! » lance Michel Leiris en souriant. Il s’enquiert alors de la santé de Philippe Soupault. Je lui raconte brièvement ma rencontre avec lui quelques jours auparavant. Il me demande de lui rappeler où et quand doit avoir lieu l’exposition. Je lui précise que celle-ci viendra après celles consacrées à Robert Desnos et à Breyten Breytenbach. « Alors il est en bonne compagnie ! » me dit-il en souriant. Je commence l’interview. Elle durera à peine plus d’une demi-heure. À la fin de cet entretien, Michel Leiris se tourne vers la caméra avec un large sourire : « Vous avez été très discret avec votre engin ! » Je peaufine alors mon projet de film intitulé On recherche un homme nommé Philippe Soupault et l’envoie à ARTE en précisant que j’ai déjà recueilli certains témoignages dont celui de Michel Leiris. La réponse d’ARTE me parvient en octobre 1988 : elle est négative. Un documentaire sur Philippe Soupault a déjà été réalisé par Bertrand Tavernier3… Aucune autre chaîne de télévision ne semble en mesure d’accompagner un tel projet et sans financement il m’est matériellement impossible de réaliser un film avant l’ouverture de l’exposition… Je dois abandonner, à contre cœur, mon idée initiale. Janvier 1989 : l’exposition consacrée à Philippe Soupault se déroule au sein 2 En janvier 1978, ML avait fondé avec Jean Copans et Jean Jamin la collection d’ethnologie « Les Hommes et leurs signes » aux Éditions du Sycomore, qui sera publiée jusqu’en 1984. Cf. Louis Yvert, « Chronologie » (RDJ : XCVI). 3 Bertrand Tavernier, Philippe Soupault et le Surréalisme, 1982, 3x52 min. 4 L’exposition se tiendra du 8 janvier au 28 février 1989.


MICHEL LEIRIS souvenirs SOUPAULT

du Centre des expositions de Montreuil4. J’obtiens alors une petite subvention de la Direction du Livre au Ministère de la Culture pour mettre en forme mon entretien avec Michel Leiris. J’appelle mon film « MICHEL LEIRIS souvenirs SOUPAULT » Il n’a pas de vocation commerciale. Il est diffusé par la Direction du Livre et peut être visionné gratuitement au Centre Pompidou et au Forum des images. À la mort de Michel Leiris, un magazine culturel d’ARTE me sollicite pour acquérir « quelques images ». Je refuse tout saucissonnage. Avec l’accord de Mic Fabre et de Jean Jamin, j’envoie une copie de mon film au département « documentaire » d’ARTE qui décide de le diffuser. *** Pourquoi Michel Leiris a-t-il accepté de me recevoir, lui qui fut tant de fois sollicité, mais en vain, pour s’exprimer devant une caméra ? Parce qu’il trouve là l’occasion d’évoquer son admiration pour le co-auteur des Champs magnétiques ? Pour saluer son ami de jeunesse et le remercier de nouveau de l’avoir sorti jadis d’un mauvais pas5 ? Pour qu’enfin sa retenue vis-à-vis des mass media ne puisse plus être interprétée comme un retranchement dans une tour d’ivoire ? Parce que, si réticent à l’idée de se trouver sous les « sunligths » face à un ponte de petit écran, il s’était senti en confiance, chez lui, en compagnie d’un jeune cinéaste encore plus intimidé que lui ? Je ne sais pas. Reste, après la visionnage de mon film, la réaction de Jean Jamin qui me fit extrêmement plaisir : celui-ci fut étonné de découvrir à l’écran un Michel Leiris aussi naturel, aussi à l’aise, voire aussi rayonnant que dans son quotidien… très loin du champ des caméras.

5 Le 2 juillet 1925, lors du fameux banquet Saint-Pol-Roux, qui s’était terminé en pugilat, ML, après avoir crié à tue tête « Vive Abd’el Karim ! À bas la France ! », échappa au lynchage de la foule puis fut sévèrement malmené par la police. Il fut alors secouru par Philippe Soupault qui l’emmena nuitamment se faire soigner chez son frère médecin. Les deux intrépides surréalistes ne s’étaient guère revus depuis, mais, vraisemblablement, une tenace fidélité les unissait depuis cette soirée des quatre cents coups.


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