De l'hébergement d'urgence au logement, le cas des demandeurs d'asile

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ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE : LE CAS DU DEMANDEURS D’ASILE EN FRANCE Atelier : Initiation à la recherche La recherche se base sur un corpus de retranscriptions d’interviews réalisées par des étudiants ingénieurs et architectes

De l’hébergement d’urgence à l'accès au logement: L’importance de l’espace et du lieu dans l’insertion des demandeurs d’asile aujourd’hui en France

Ascione Elsa, Bouille Leslie, Poullain Gladwys, Mussier Cécile _ Master 1 École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon

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SOMMAIRE INTRODUCTION 1. Du temps de l’hébergement A. «Effet ville» : Le cas Lyonnais a. Les institutions comme nouvelle famille b. La diaspora, premier moyen d’intégration c. L’implantation des religions sur le territoire d’asile B. Quelles conditions de vie en CADA/CPH ? Urgence et précarité a. Des espaces privés non adaptés : des espaces trop petits, pour une appropriation minime a) a. Une organisation et une législation floues Des directives étatiques flous : déchargement de responsabilités, légitimation d’un mode de vie inadapté. Exclusion spatiale et conditions de vie : héritage immobilier, la Sonacotra. a) b. L’organisation intérieure : témoignages d’une décalage entre reconstruction et insertion La répartition des chambres sur le pallier : mouvement et promiscuité Des changements de chambres répétés : difficultés d’encrage L’intérieure des chambres : difficulté d’appropriation Le vol : sentiment d’insécurité b. Une vie communautaire forcée : jamais tranquille b) a. Une vie en communauté utile pour les débuts du processus de demandes d’asile. b) b. Une vie en communauté difficile et forcée Propreté, entretien Le partage des lieux, rapport à l’autre La proxémie de cultures différentes : les problèmes de racisme b) c. Une vie en communauté qui dessert l’intégration Le rapport à soi Le problème de la promiscuité

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2. Au basculement vers le logement A. Un parcours imposé a. Un parcours imposé. Rappel de la procédure Dans l'attente d'un logement b. L’éloignement de la communauté ? L'intégration territoriale Difficulté de s'éloigner de leurs communauté et stigmatisation Une possible « désillusion »… En mauvais état Non adapté aux habitudes familiales Un futur déménagement envisageable

B. Aide à la stabilité a. b. c. d.

« Effet d’adresse » et préjugés Travail & proximité Création d’un nouveau réseau social Objet d’expression culturelle

C. Objet d’expression culturelle

CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE REMERCIEMENTS

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INTRODUCTION Le mot asile provient du grec « asylon ». L’asylon était chez les grecs un lieu dévolu au culte des dieux, leur sacralité excluait ces zones des pillages. Leur inviolabilité était d’origine religieuse. Selon la convention de l' « Article 33 » de la Convention de Genève, « Aucune des États Contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à certain groupe social ou de ses opinions politiques. » . Après avoir fuit leur pays les réfugiés arrivent sur le territoire national, parfois sans le vouloir. Le premier pays européen sur lequel le demandeur d'asile pose le pied se doit de prendre en charge selon sa politique. Ainsi le sort réservé aux demandeurs d'asile varie d'un pays à l'autre ... En France, un ressortissant d'un pays considéré comme « non-sûr » est libre de déposer sa demande d'asile. Lors de leur demande d'asile, les réfugiés sont encadrés par des associations parmi lesquelles Forum Réfugié fait parti. La procédure est très longue, les demandeurs d'asiles sont le plus souvent livrés à eux même, déboussolés, sans repère dans ce pays d'accueil qu'est la France, dont la plupart d'entre eux ne parlent pas la langue. Ainsi sur une période pouvant aller jusqu'à un an et demi, ils errent entre les centres d'hébergement, et le 115 ... parmi les Sans Domicile Fixe. Seulement 10 à 15% des demandeurs d’asiles logent dans les CADA (Centres d'accueil des demandeurs d'asile). Lors de cette procédure, les demandeurs d'asile perçoivent une allocation puisqu'ils ne peuvent pas travailler. Une fois le statut de réfugié obtenu, les statutaires logent soit chez des compatriotes, soit dans les CPH. Environ 60% des réfugiés statutaires dont le programme ACCELAIR à la charge logent chez des compatriotes ou dans des foyers classiques (d’hébergement d’urgence). S'en suit la procédure d'insertion au logement comme finalité de leur parcours d'asile. Qu'elle peut-être l’importance de l’espace et du lieu dans l’insertion des demandeurs d’asile aujourd’hui en France ?

Pour cette étude, nous avons réalisé des entretiens participatifs auprès de réfugié hébergés en CADA ou dans leur logement privé. L'association Forum Réfugié nous a permis d'entrer en contacte individuellement avec la personne interviewée. Au total notre corpus contient une trentaine d'entretiens. Ces entretiens ont ensuite été retranscrits par les étudiants puis analysés par groupe selon l'angle l'étude choisie.

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1. Du temps de l’hébergement A. L’EFFET «VILLE» LA CAS LYONNAIS La procédure administrative d'asile occulte les souffrances des demandeurs d'asile, exilés pour survivre. En habitant dans un nouveau territoire, ici la ville de Lyon et sa banlieue, il leur est nécessaire de s'approprier ces espaces inconnus. Ils réapprennent à vivre, à faire le deuil de leur vie passée. Leur avenir incertain les conduit à échanger principalement avec ceux qui partagent les mêmes conditions de vie. De plus de manière récurrente, les demandeurs d'asile interviewés font état de l'absence de choix qui les ont conduit à s'exiler. Ceci les pousse à un repli familial et à investir timidement les structures autres que les centres d’hébergement ou les lieux de reconnaissance culturel et cultuel. a. Les institutions comme nouvelle famille L’intégration des réfugiés en France passe forcement par les institutions. Il existe un parcours commun et donc un système commun de l’arrivée sur le territoire à l’intégration en logement. A partir de ce stade, les institutions seront généralement moins 1présentes. Celles-ci sont multiples et aident chacune à leur manière à l’intégration du réfugié dans l’organisation Française. Domingos, réfugié de République démocratique du Congo en CADA à Bron, nous explique que son premier hébergement à Larbrelle à 25/30 kilomètres de Lyon était soutenus par le Secours Catholiques. Étant sans abri, l’association vient en aide au plus démunis comme tout autre français. Les démarches avec Forum Réfugié et l’Ofpra sont donc compliquées vu la distance avec la ville. Ce dernier, une fois le statut obtenu dut se rapprocher de Lyon pour trouver du travail et espérer l’obtention d’un logement. L’accompagnement à l’arrivée des demandeurs d’asile est primordial (suivit psychologique, interlocuteur dans les démarches …). Tout ce dispositif institutionnel mis en place à leur arrivée est nécessaire pour prendre des marques dans le pays d’accueil, dans lequel il arrive bien souvent démunis. Un besoin de se sentir en sécurité, entouré et écouté. Forum Réfugié et les assistantes sociales sont des interlocuteurs indispensables pour l’ensemble de la vie de tous les jours (trouver du travail, un logement, comprendre des comportements ou des situations de la vie quotidienne différente du pays …). Ceux-ci permet d’aider à relativiser les réfugiés sur leur situation en les encourageant à avoir conscience que ce ne sont que des étapes vers de meilleurs jours. A Lyon, Forum réfugié est la seule association d’ampleur qui s’occupe des réfugiés, alors qu’il existe une compétition entre plusieurs associations sur Paris par exemple. Sur le territoire Lyonnais il est donc important de pouvoir être suivi par Forum réfugié. 1

Tome 2_Entretien de Domingos Fernandes

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Le réfugié est financièrement aidé par l’Etat. Il a le droit à des aides financières et un accompagnement qui ne permet que peu de mouvement. Les moyens financiers mis à disposition des réfugiés tous les mois permettent juste de quoi vivre. En effet le demandeur d’asile n’a pas le droit au travail tant qu’il n’a pas obtenu son statut. Dans le cas du demandeurs d’asile l’allocation spécifique est mise en place à hauteur de 300euros par mois. Délivrée par les ASSEDIC ainsi que quelques avantages comme une assurance maladie et une carte TCL. Le statut en main, les aides changent. Le réfugié de plus de 25 ans touche comme tout autre chômeur français : le RSA, soit 466,99 € pour l’année 2011. La recherche de travail est mise en route avec l’aide d’une assistance sociale, ainsi que la recherche de logement. Mais il est clair que cette aide comme pour le reste du territoire français n’a qu’un rôle de pallier lors de la recherche de travail, cet apport financier n’est donc pas encore un moyen de stabilité retrouvée. Secours catholiques, Forum réfugié, mais aussi foyer. Et foyer pour mineur. En effet des réfugiés arrivent mineurs sur le territoire français, et parfois seul. Ce sont alors les foyers qui les prennent en charge. Ces foyers sont en général des sites d'accueil pour jeunes français en «difficulté». Ils apportent un soutien matériel, éducatif et psychologique (aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre). Sabir Ramaji (Tome 4, p.26) mineure Albanaise est arrivé seule en France alors qu’elle avait 16ans. Elle fut accueillit en foyer à Lyon et y resta jusqu'à ce que sa mère arrive elle aussi en France. «Non, en faite j’ai mon cousin ici, il m’a amené a Forum réfugié, après la personne qui s’occupe des mineures m’a envoyé au département du Rhône la ou il y a tous les assistants et tout ça... Après ils ont décidé que je devais aller au foyer, c’est normal car j’étais mineure isolée à l’époque. Et puis après je suis allé au foyer Glissines à Lyon 5eme et j’ai pas changé de foyer jusqu'à la fin (...) Alors dans le foyer il y a des éducateurs, des mineurs et des embrouilles (rire). On mange ensemble, on est tous ensemble, quand on sort on est ensemble, c’est une vie collective. (...) Aujourd’hui se sont toujours mes amis et les éducateurs aussi.» Le fait de pouvoir être intégré à une structure regroupant aussi des français a permis à Sabir d’assimiler totalement la langue française en très peu de temps, de créer des liens sociaux amicaux avec des français... Les institutions s’occupant des demandeurs d’asiles sont multiples et sont en quelque sorte un substitut à la famille. En effet, les structures familiales des demandeurs d'asile ont très souvent été perturbées : des parents isolés débarquent avec leurs enfants, d'autres ont perdu des enfants ou des proches dans des conflits armés, ils ont été torturés, abusés etc, celles-ci ont besoin d’apprendre de nouvelles mœurs, de nouveaux repères au sein d’une société inconnu et les institutions jouent souvent ce rôle. Il est important de noter que les demandeurs d'asile isolés ou adultes ont un accès plus tortueux à la société française. La pratique spontanée d'activités associatives ou sportives est une des possibilités pour s'enquérir des normes sociales françaises. Cependant, peu de demandeurs d'asile parviennent à fréquenter individuellement ces activités. Alors que les enfants sont les premiers à découvrir activement la société française en étant scolarisés dès leur arrivée en CADA. Cette

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institution permet à des enfants marqués par «une grande vulnérabilité » à se reconstruire dans l'exil, capacité dont ils sont retrouve porteuse au sein de leur famille. Ils apprennent le français à l'école, élément fondamental à leur intégration. L'amitié entre enfants des centres et enfants du territoire permet aux familles de tisser des liens avec d'autres habitants.... Les demandeurs d'asile échangeant d'ailleurs très peu avec les habitants et acteurs du territoire, leurs relations sociales se développant plus aisément entre membres d'une même communauté ou résidents d'un même palier. b. La diaspora, premier moyen d’intégration Fraîchement débarqués de leur voyage d'exil, la rencontre avec une nouvelle société est marquée par leurs difficultés à communiquer et à comprendre cette nouvelle culture. Cela participe activement au repli sur la communauté et même si le système français essaie au moins, par ses lois mais surtout son domaine associatif d'accueillir au mieux les réfugiés, le manque de repères une fois arrivée dans un pays bien souvent inconnu après un traumatisme lié à l’exile et à ses conditions, amènent en général le réfugié à rencontrer sa communauté déjà présente sur le territoire. Le terme diaspora désigne la dispersion d'une communauté ethnique ou d'un peuple à travers le monde. Les trois caractéristiques essentielles sont, la conscience et le fait de revendiquer une identité ethnique ou nationale, l'existence d'une organisation politique, religieuse ou culturelle du groupe dispersé (vie associative) et l'existence de contacts sous diverses formes, réelles ou imaginaire, avec le territoire ou le pays d'origine. Cette présence est le premier moyen d’intégration du réfugié. L'intégration d'un groupe diasporé ne signifie pas pour autant l'assimilation dans le pays d'accueil mais représente les premières marques du réfugié dans son nouvel environnement. L'espace d'une diaspora est un espace transnational diffus, fait d'une multitude de noyaux dispersés. Le lien communautaire est essentiel pour la pérennité de la diaspora. Il s'établit à partir de différents ancrages (maison familiale, quartiers, édifices religieux, sièges d'associations) et se développe à travers de nombreux réseaux (filières et cultures régionales). La plus part des réfugiés font appel à cette communauté et nos enquêtes ont révélé que les réfugiés présent à Lyon utilise aussi cette aide. Les diasporas au sens large du terme présent sur le territoire sont essentiellement d’origine Centre Afrique, Magrheb ou des pays de l’est. La plus répandu dans nos entretiens est la diaspora Africaine.

Entrée dans les CADA de Forum Réfugié. Rapprt d’activité 2006

La notion de « diaspora africaine » illustre l’idée que des peuples africains ou

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d’origine africaine ont, à différentes périodes, de gré ou de force, migré vers d’autres continents (Europe, Amériques, Asie) et s’y sont établis. Cette notion sous-entend l’idée d’un lieu commun de départ, qui est l’Afrique. A Lyon, on retrouve un grand nombre de Guinééns, Rwandais et Congolais suite entre autre aux conflits ethniques du milieu des années 90. La notion de diaspora, classiquement employée pour désigner la diaspora juive ou la diaspora chinoise est une expression utilisée en France par des spécialistes d’histoire africaine, comme François Durpaire et Christine Chivallon. Toutefois, elle a pu susciter la polémique. Établir un parallèle avec la diaspora juive présuppose qu’il y a unité de la diaspora ; or il y a eu en fait plusieurs origines et plusieurs vagues. Or les caractéristiques sont sensiblement les mêmes, la solidarité y compris. Les exemples de soutien ne manque pas dans les témoignages récoltés: « Oh... Si. Je suis arrivé... non mais j’avais l’idée de Lyon en tête. Et puis j’ai pris le train de Marseille pour Lyon. Et Lyon, il y avait une adresse, je suis allé à l’adresse, la personne n’y était plus,. Et puis c’est comme ça que j’ai pu rencontrer des guinéens, on a sympathisé et puis entre nous on s’entraide quoi. »; « ... Si, j’ai rencontré des guinéens quand même. Ouais j’ai rencontré des guinéens. J’ai mangé chez eux, j’ai passé quelque temps avec eux et puis je rentrais... »; « ... Je... Disons, il m’est arrivé d’aller manger chez les guinéens. Et puis de manger le peu que j’ai quoi C’est-à-dire du moment que j’ai une chambre avec du riz, des boîtes de conserve et ben je... »; « ... On tourne, on tourne et moi bon j’avais la chance d’aller chez les guinéens mais je dormais pas là-bas. C’est des personnes qui travaillent pas, qui sont un peu âgées. J’allais passer la journée, pas tout le temps, j’allais passer la journée avec eux et puis ça me faisait passer la journée, au lieu de traîner dehors, parce qu’il faisait froid. » (…) « Le reste du temps, je mangeais chez les compatriotes. C’est quand j’ai eu le foyer que j’ai commencé à me faire à manger. Parce que le foyer là-bas, ce qui était bien, la cuisine, le gaz, l’électricité était gratuit, et puis il y avait un frigo. » « ... Ça allait bien. Ouais ouais ça allait bien. En plus je suis tombé sur... dans une aile où il y avait que des sénégalais, et puis les sénégalais c’est mes voisins... on est voisins, pays limitrophes. Donc on parle tous français... » « Ouais ouais c’est eux qui m’ont dit ce qu’il fallait faire. C’est eux qui m’ont amené à la préfecture, les guinéens, ils m’ont amené à la préfecture.»2 Dans ces extraits, on note que le choix de la ville est en partie fortement guidé par l’implantation géographique de chaque diaspora. Celle ci permettant de limiter la précarité comme le témoigne l’extrait ci-dessous. Ici, l’expérience du territoire français par des compatriotes retrouvés permet d’assimiler plus rapidement le fonctionnement du nouveau système. C’est une aide précieuse. Encore plus si la langue fait barrage. Concernant la diaspora africaine, le français n’est pas souvent un problème mais pour d’autre origine, la présence d’une communauté déjà implantée dans l’espace français et ayant déjà intégré la langue française est un appui important. Que cela soit appelé diaspora ou à plus petite échelle , la simple présence d’une communauté, de compatriotes, de même origine, de même culture est un soutien nécessaire pour la plus part des réfugiés. 2 Tome

2, page 194, Abou Da Domingo, 47 ans Guinéen.

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c. L’implantation des religions sur le territoire d’asile Si on ne trouve pas de «Chinatown» dans toutes les villes, la religion peut prendre le relais. En général issu de pays où le religieux conserve une place importante au sein de la société, le réfugié redonne cette importance en réintégrant un lieu de culte en France. La religion en plus d’être une valeur refuge pour des personnes dans une situation d’instabilité et aussi bien souvent un milieu associatif dense qui vient en aide face à la précarité. L’exemple des réfugiés africains est dans ce cas aussi le plus marquant. La religion est implantée dans presque tous les domaines de la vie sociale en Afrique, et le christianisme y prospère comme nulle part ailleurs dans le monde. « Rien n'est comparable à l'expansion du christianisme en Afrique, c'est un phénomène unique », reconnaît Jonathan Bonk, éditeur du Bulletin international des recherches missionnaires (IBMR), un magazine publié aux États-Unis. Des statistiques fiables sont difficiles à obtenir, mais IBMR estime qu'il y a 389 millions de chrétiens aujourd'hui en Afrique. L'événement le plus récent est la vague évangélique, pilotée par des Africains et des Occidentaux, la plupart américains, qui balaie actuellement le continent. Nous avons donc recensé et rencontré de nombreux réfugiés africains ayant eu comme réflexe de se tourner vers l’église. Eglise français comme c’est le cas de Koffi Litatamba : « Donc vous connaissez des gens en France ? / R: Non ... (bredouille) Je vous ai dit qu'on est venu depuis 2009, juillet. Et on a été régularisés en novembre 2010. Ca fait déjà passer une année. Donc on a eu le temps de se familiariser avec les voisins, les français, tout ça, puisqu'on partait à l'église, c'était une église de français, et, et de temps en temps ils venaient nous rendre visite, y a pas de soucis. [rires] / Q: Donc vous avez rencontré des gens à l'église ? / R: Voilà, voilà. C'est ce ... surtout à l'église qu'on a fait beaucoup de connaissances. Et ils venaient de temps en temps nous rendre visite. Et nous ..., si on a des problèmes ils viennent ... nous aider, quoi ... avec les véhicules et tout ça. Pour faire les courses. / Q: Vous avez eu quelques problèmes des fois comme ça où vous avez eu besoin d'aide, déjà ? / R: Hum ... (pause) Personnellement, on n'avait pas trop de ... On n'avait pas besoin vraiment d'aide, puisque le peu qu'on nous donnait, ça nous suffisait ..., d'abord pour vivre ... à notre..., à notre niveau, donc comme, comme je vous ai dit on ne cherche pas à ... avoir des trucs qui coutent cher, on se contente d'abord de peu, et si ..., (plus bas) si le voisin il veut me prop ..., me donner un téléphone, je peux pas refuser. On ne refuse jamais un cadeau [rires]. Puisque à l'église, à l'église c'est comme une solidarité quoi. Dans leur tête ils se disent : "Donc [raclement de gorge], nous nous sommes des réfugiés. Donc, quand on est venus on avait presque rien." C'est comme ça qu'ils pensent. Et si ils veulent me donner quelque chose, moi je peux pas refuser. J'accepte volontiers [rires]. Parce que ..., et puis on n'avait pas le droit de travailler. On vous donne le titre de séjour, provisoire, dans lequel il est bien mentionné : "n'a pas le droit de travailler". On n'a pas le droit au travail, c'est ça. »3 Cette pratique est plutôt positive puisqu’elle permet de s’assurer une aide 3

Tome 3, p76 , Koffi Litatamba,.

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psychologique mais aussi du quotidien tout en s’intégrant à la société française rencontré à l’église. D’autre se tourne vers des églises françaises ou plutôt implantés sur le territoire français. En effet celles-ci ont une population essentiellement composée d'africains. C’est le cas de Lili MBoku réfugiée Congolaise, fidèle croyante évangéliste (Tome 4, p.14), qui a fuit son pays, le Congo à cause de persécutions religieuses. Il est important pour elle de pouvoir pratiquer librement sa religion en France. Grâce à l'Eglise qu'elle fréquente, elle a rencontré des amis, certains vivant dans le même CADA. Elle s'est forgé des liens sociaux, elle a nouer des contactes. C'est notamment à travers l'Eglise qu'elle est amenée a avoir certaines activités. Le jour ne notre rencontre, elle cuisinait pour un événement lié à la vie sociale de l'Eglise. Ainsi elle a rencontré d’autres personnes, s'est organisée et a une tâche à accomplir, faire à manger. Pour cela, elle a du demander le l'aide, rencontrer des gens, partager des conseils et expériences. Cependant, lors de notre rencontre, Lili MBoku a évoqué ses difficultés avec la langue française notamment dans sa recherche d'un emploi. Elle ne rencontre pas de français dans sa vie quotidienne, il n'y en a pas non plus au sein de son Eglise. Dans ses relations amicales, elle parle son dialecte congolais. De plus appartenant à une grande communauté, elle n'a pas été amené (ou obligé) de lier des liens avec les autres habitants du CADA, ayant une autre nationalité, une autre langue, avec qui elle serait alors obligée d'échanger en français. Aujourd'hui Lili MBoku n'est pas isolée socialement, mais le problème de la langue reste un obstacle dans la construction de son parcours personnel, futur. La recherche d'un travail suite à une formation de langue française l'aidera à lier socialement avec des personnes de diverses origines, peut être des français. Ainsi on peut supposer qu'une fois partie du CADA, elle ne rencontrera ses amis de l'Eglise qu'en dehors de son parcours résidentiel et professionnel. Ces églises sont généralement appelées évangélique. Le problème est qu’elles sont souvent considérées comme des sectes, qui n'hésitent pas à tirer profit des pauvres et des désespérés, augmentant ainsi leur vulnérabilité. La religion musulmane est aussi très implantée à Lyon et dans la culture d’une partie non négligeable des réfugiés. Sur Lyon et Villeurbanne, on retrouve une douzaine de mosquées qui leurs permettent de se retrouver et vivre leur culte. Dans le tome 2, p.194, Abou Da Domingo, 47 ans, Guinéen, nous parle de sa surprise de trouver une vie active de sa religion voir festive et qui regroupe. « Avant, les gens ils étaient ? parce que il y a un exemple, le mois du ramadan par exemple, les gens ils se réunissaient pour le ramadan et tout, mais maintenant chacun fait ça de son côté. Parce que il y a la misère et tout... Et contrairement, ici les gens se réunissent pour le faire. Pendant le mois du ramadan j’ai vu ici la mosquée ou autre, ils font à manger, les gens ils vont ils mangent. Tandis que chez nous, il n’y a plus ça. Les choses tournent à l’envers. » Malgré tous Lyon, grande ville de province ne représente pas au même niveau toutes les religions. Certains réfugiés ayant une religion moins répandue ne peuvent donc pas utiliser cet outil comme moyen d’intégration. L’implantation trop éloigné ou insuffisante des lieux de culte minoritaires est décisive. Ainsi les chiites par exemple on beaucoup plus de mal à se retrouver et à pratiquer leur islam que les sunnites, plus nombreux.

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L’attente empêche de faire le travail de deuil et donc de se projeter. Les demandeurs d’asile ne vivent pas qu’en France : ils pensent à des gens qui sont en dehors de nos frontières, ils les appellent, ils commandent des produits dans d’autres pays, ils regardent la télévision russe, arabe ou arménienne, ils célèbrent des fêtes chaldéennes, musulmanes ou orthodoxes. Ils sont ancrés dans un espace qui dépasse le local, que l’on pourrait appeler transnational. Ils bricolent des identités métisses entre univers proches et lointains, transnationaux souvent, imposant à la classique opposition entre être d’ici ou de là-bas. L’appartenance à d’autres territoires, à d’autres identités et d’autres cultures se manifestent en effet à des moments et endroits particuliers : à l’église ou la mosquée quand on retrouve les membres de sa communauté, quand on a son père de Kinshasa au téléphone, lorsque l’on fait un repas avec des voisins de palier de la même origine que soi, quand on regarde les informations à la télévision russe... Les réfugiés sont donc non seulement dans un espace transnational, mais vivent dans une temporalité différente de celle que peut avoir dans la société française, à Lyon, ou plutôt dans une temporalité métisse, faite de celle qui rythme le quotidien en France et de celle qu’ils amènent avec eux des différents pays et cultures.

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B. Quelles conditions de vie en CADA/CPH : urgence et précarité a. Des espaces privés non adaptés : des espaces trop petits, pour une appropriation minime. a) a. Une organisation et une législation floues Des directives étatiques flous : déchargement de responsabilités, légitimation d’un mode de vie inadapté La France dispose d’un dispositif national d’hébergement dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile. On compte aujourd’hui plus de 20600 places, effectif doublé depuis 2003. Selon, le gouvernement, ces CADA répondent parfaitement aux besoins des demandeurs d’asile puisqu’ils leur offrent un accompagnement tant sur le plan social qu’administratif pendant toute la durée de leur procédure. Financés sur le budget de l’État, ils sont gérés par des associations ou par la société d’économie mixte, ADOMA (ex : Sonacotra). Selon l’État, les CADA répondent parfaitement aux besoins des demandeurs d’asile. Sur le point de vue théorique, offrir un toit, des ressources, et une aide social et psychologique à l’insertion est en effet des points qui correspondent « parfaitement » aux besoins de cette population. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, il est clair que ce discours utopique est à relativiser, mais nous y reviendrons plus tard. Selon le gouvernement, le fonctionnement des CADA en France doit respecter quelques règles d’organisation dans la gestion de ses locaux. À savoir d’une part, les demandeurs d’asile sont hébergés soit dans des locaux collectifs ou des unités de vie, soit dans des appartements indépendants mis à leur disposition par le CADA. La cohabitation de plusieurs personnes isolées ou ménages, impliquant le partage des pièces destinées au séjour, ainsi que, le cas échéant, des pièces de service, doit être organisée lorsque la structure des places, conçue pour des familles, n’est pas adaptée à la demande de personnes isolées. Cependant, cette cohabitation doit être conçue de manière à préserver un espace de vie individuel suffisant. D’autres part, les locaux doivent être adaptés, dotés d’un équipement sanitaire et mobilier mis à leur disposition par le CADA. Dans la mesure du possible, les structures collectives prévoient des sanitaires spécifiquement dédiés aux femmes et hébergent les femmes isolées dans des espaces qui leur sont réservés. Puis, les frais liés à cet hébergement doivent être pris en charge par le centre. Le responsable du centre pouvant mettre en place des mesures restrictives en cas d’utilisation abusive ou négligente des moyens mis à la disposition des personnes hébergées (par exemple, consommation excessive d’eau ou d’électricité ou dégradation des matériels). Enfin, la préservation du cadre de vie des résidents suppose de leur part le respect des locaux mis à leur disposition. Il leur appartient d’entretenir leurs chambres ou appartements et éventuellement les espaces collectifs. Les meubles, équipements sanitaires, éléments électroménagers installés dans les chambres, unités de vie ou appartements, sont la propriété du centre et ne peuvent être emportés par les résidents à leur sortie. Les dégradations ou négligences manifestes pourront donner lieu à récupération sur la caution constituée par le gestionnaire sur

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l’allocation mensuelle de subsistance. Le CADA peut également proposer des prestations de restauration.4 Bien que l’État finance le dispositif d’asile en France, le fonctionnement des CADA est régit par des circulaires, émanant du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, sa gestion est déléguée à une association ou une entreprise choisie au terme d’une procédure d’appel d’offre. De manière générale, les circulaires admettent, comme on peut le voir au dessus, des écarts d’organisation spatiale selon les cas, donnant ainsi toutes responsabilités au gérant. Exclusion spatiale et conditions de vie : héritage immobilier, la Sonacotra La Sonacotra symbolise la politique du logement menée par les pouvoirs publics français du début des années 60 au début des années 80. En étant actionnaire majoritaire de cette société, l’État impose aux travailleurs immigrés des habitations en périphérie sous prétexte d’être plus près de leur lieu de travail. Cette dimension d’éloignement volontaire persiste aujourd’hui pour ces foyers dont la population résidente a évolué. En effet, conçut de manière quelques peu « totalitaire », les foyers sont excentrés, exigus et « démarqués » de l’espace urbain. Ils sont établis dans une forme particulière : minuscule chambre sans avoir la possibilité de se faire à manger pour avoir un espace de vie individuel. Plus ou moins conçut dans l’urgence pour éviter les constructions nomades en bordure des villes, la notion de confort ou même fonctionnel n’a pas été prise en compte à cette époque. Le contrôle d’une partie de la population à cette époque de la part des dirigeants étatiques, est le même par rapport aux demandeurs qui sont une population à diriger vers le mode de vie française. L’exclusion des CADA est spatiale mais de volonté politique et administrative. Bien qu’il offre un logement et une aide juridictionnelle, il ne s’inscrit pas dans une démarche d’échange avec la ville et même le territoire en général. a)

b. L’organisation intérieure : témoignages d’une décalage entre reconstruction et insertion

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Tiré du Circulaire n°NOR IOCL1114301C du 19 Août 2001, Objet : Missions des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et aux modalités de pilotage du dispositif national d’accueil (DNA). Ministère de l’intérieur.

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La répartition des chambres sur le pallier : mouvement et promiscuité Les paliers sont composés d’un ensemble de chambres, d’une grande cuisine, de toilettes, de douches et d’une laverie, où les résidents peuvent laver et faire sécher leur linge. Selon les CADA, les chambres vont de 7 à 10 m2 environ, il y a un ou deux sanitaires pour le pallier. La répartition des demandeurs d’asile dans les chambres dépend des CADA, chacun gère différemment leur distribution. En général, chaque CADA établit une grille : -

1 adulte = 1 chambre 1 adulte + 1 bébé = 1 chambre 1 adulte + 1 jeune enfant = 2 chambre 1 adulte + 2 enfants de sexe opposé = 3 chambres 1 couple = 1 chambre 1 couple + 1 enfant = 2 chambres 1 couple + 2 jeunes enfants = 2 ou 3 chambres 1 couple + 3 enfants = 3 à 5 chambres

Les gérants admettent ne pas toujours suivre cette grille, car selon l’urgence et l’importance de la demande elle peut devenir flexible. Par exemple pour recevoir une grande famille, il faut disposer d’un nombre important de chambres libres, et il faut qu’elle soit sur le même pallier pour éviter l’isolement. On peut dans un premier temps, rendre compte du cas d’un couple avec un jeune enfant au CADA de Bron disposant de deux chambres toutes deux de chaque côté du palier. Ainsi, l’un des parents dort avec l’enfant dans une chambre et l’autre seul dans l’autre. On remarque les concessions que doivent faire certaine famille, et la difficulté de préserver ce lien privilégié de la famille, comme moteur de l’intégration. Nous pouvons dans un second temps parler de l’exemple d’une famille originaire du Kosovo en CADA de Vaulx-en-Velin où deux frères doivent partager une chambre alors qu’ils ne s’entendent pas. Le conflit étant trop présent, l’un des deux frères s’est installé dans une chambre servant de salon privant ainsi le reste de la famille d’un lieu collectif familial. Par besoin d’intimité, les individus doivent faire des concessions pour préserver l’individualité de chacun, en desservant le lien collectif. On se rend vite compte que la distribution des chambres conduit au mouvement répéter d’un adulte isolé qui devrait sans cesse laisser sa place à une famille, ou encore des familles qui devrait partager une chambre par manque de place. Des changements de chambres répétés : difficultés d’encrage Comme on vient de le voir, le changement répété de chambres au sein même du CADA, démontre des difficultés d’encrage dans cet espace. Cependant, cette notion semble être un élément déterminant dans l’insertion spatiale d’un individu qui doit prendre des repères afin de s’approprier l’espace. C’est ce que nous avons put remarquer dans un entretien réalisé, où l’individu avant d’arriver en CADA a déjà connut les hébergements d’urgence, puis le CADA, puis le CPH. Tous ces espaces étant ponctués par des changements de chambres répétées. Il nous explique que depuis des mois, il est baladé d’hébergement en hébergement, ce qui justifie son sentiment constant d’instabilité. Je cite : « c’est difficile à vivre, parce que chaque

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jour, vous réalisez et savez pas ce qui vous attend »5. Dans ce passage nous remarquons donc dans un premier temps la difficultés premières de réaliser et de comprendre la situation de ce qui leur arrive. Puis dans un second temps, cette instabilité spatiale qui les perturbe entre plus tant il n’arrive pas à se stabiliser dans un lieu qui les sécurisait et les apaiserait. On légitimera alors la difficulté d’appropriation du logement futur, tant les bases de leur arrivée en France sont instables. L’intérieure des chambres : difficulté d’appropriation Tout d’abord, dans l’intégralité des entretiens, lorsque la chambre était mentionnée, c’est de suite sa petite taille qui était à remettre en cause. Peu d’entre eux s’en plaignait véritablement par pudeur, mais surtout car ils admettent la chance qu’ils ont sans s’autoriser à se plaindre. Mais il est clair que compte tenu de leurs situations et du temps qu’il passe dans ces locaux, la chambre est l’espace primordial de l’usager. En effet, tellement elle est petite, il faut parfois enlever du mobilier pour avoir plus de place et imaginer en rajouter devient donc impossible. Car en effet, dans quelques entretiens ce besoin matériel qui semble être difficile d’acquérir en CADA/CPH, est un marqueur important dans l’appropriation des lieux de la part de certains réfugiés. Qui décrivent le chemin de l’insertion par le travail comme élément indispensable d’acquisitions pécuniaires à but d’acquisitions matériels, synonymes de confort de donc de bien être. Cependant, leur situation leur interdit non seulement de travailler mais aussi d’aménager leur chambre avec des objets qui seraient difficile à déménager. L’appropriation des lieux devient donc minime, à l’échelle des objets qu’ils peuvent apporter. Le manque de place se caractérise par différentes formes physiques dans la chambre. Nous avons par exemple le cas d’un père et de son fils qui ont dut assembler leurs deux lits pour pouvoir espérer plus de place dans la pièce. Cela pose la question du manque d’intimité, même si cela est temporaire, la période peut perdurer. Ou un autre cas le manque de place conduit à l’empilement dans la chambre d’affaires diverses, et de les laisser dans les sacs. Cela pose la question d’appropriation, toujours face à des valises qui ne se défont pas. Car il est clair que le sentiment de pouvoir défaire ses affaires et de leurs donner une place bien distincte dans un espace, nous fait sentir ce sentiment d’appartenance à ce dernier, on est chez soi ou de retour chez soi. Ce qui produit ce sentiment de sécurité et de repos que malheureusement, les réfugiés ne disposent pas. Le vol : sentiment d’insécurité « La chambre, elle était toute petite, je ne sais pas c’est combien de mètres carrés, mais bon, comme j’étais tout seul il n’y a pas de souci ça va. Bon c’était propre, c’était bien entretenu en tout cas. Sauf que souvent il y a des gens qui venaient foutre un peu merde qui n’étaient pas du foyer ».6 L’interlocuteur poursuit 5 6

Tome 2_Entretien de Domingos Fernandes_CADA de Villeurbanne_Origine : Angola Tome 3, p.39

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avec l’explication de cette expérience. Alors qu’un résident est à la douche, des personnes extérieures sont venus le voler dans sa chambre rester ouverte. Ou encore une autre fois, des personnes ont fait sauter le compteur électrique pour voler la caméra de sécurité. La police depuis ces faits fait un tour tous les jours au CADA. L’insécurité, comme on peut le voir dans les expériences précédentes, est assez récurrente dans le CADA. On a déjà pu rendre compte dans d’autres entretiens que le sentiment règne déjà à l’intérieur même du CADA, entre résident, notamment pour les femmes isolées. Déjà faible, la population est victime d’un lieu d’aspect et de fait peu sécurisant. L’organisation spatiale des CADA décrits, met en avant la proxémie au sein des paliers et des chambres. Ces centres sont construits sur un modèle occidental, souvent en désaccord avec des cultures différentes au sein de la procédure d’asile. En effet, pour résumé, il propose un espace collectif et un espace individuel. Ce dernier étant la chambre, il est sensé préserver l’intimité d’un individu. Cependant, on remarque vite que dans son organisation, le CADA développe un sentiment d’instabilité, d’insécurité et de promiscuité qui ne permet pas d’intimité, même au sein de la chambre. b. Une vie communautaire forcée : jamais tranquille b) a. Une vie en communauté utile pour les débuts du processus de demandes d’asile. Dans un premier temps, la vie en communauté permet de se retrouver avec des personnes qui ont l’expérience similaire d’exil et de déracinement. Le partage d’expérience, de récit est un avantage psychologique d’extériorisation nécessaire au parcours d’assimilation du passé. La création d’une relation « amicale » permet au demandeurs d’asile de relativiser et d’appréhender les difficultés passés plus facilement. On remarquera dans un témoignage7, l’importance de ce lien pour évacuer et parler du passé douloureux. On peut peut-être parler à ce moment de la création d’une identité propre aux réfugiés comme entité par rapport aux autres résidents français. Ce détachement favorise l’assimilation de leur situation. Cependant, cette relation semble vite changer lorsqu’on parle d’un vivre ensemble où le rapport à l’autre tourne vite à un sentiment d’agression vis-à-vis de l’intimité nécessaire de chacun. b) b. Une vie en communauté difficile et forcée Propreté, entretien Comme on a put le voir précédemment, l’organisation des CADA est historiquement en désaccord avec la problématique d’insertion des réfugiés. Nous nous intéresserons à l’organisation des espaces communs au sein des centres. Tout d’abord, il est important de noter le manque de sanitaire, car si on admet en moyenne une ou deux personnes par chambre, on arrive vite à un sanitaire pour une cinquantaine de personne. La toilette devient moins fréquente et moins intime, d’autant que l’hygiène de ces derniers ne pas quotidiennement entretenus. Voilà un 7

Tome 1 >

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des premiers points de la vie en collectivités imposés par l’organisation des centres. Puis, nous remarquons dans les entretiens, des espaces communs souvent dégradés et sales, bien qu’un personnel d’entretien passe régulièrement dans la semaine. Lorsque la cuisine ou les sanitaires ne sont pas respectés, on peut voir apparaître des conflits, mais le plus souvent, c’est un mal-être que chacun garde pour soi. De ce fait, les traces quotidiennes des autres conduisent au refuge des réfugiés à leur chambre, laissant de côté l’utilisation des espaces collectifs comme la cuisine où la disposition forcerait les réfugiés à manger tous ensemble. « Donc vaut mieux assumer comme ça, heureusement qu’il y a des agents qui passent donc ce qui est vrai, c’est se contenter de sa chambre ». Le paradoxe est tel que l’on a vu plus au que la chambre n’est pas un espace confortable. Le réfugié ne dispose donc pas d’un espace au sein du CADA agréable et appropriable. Le partage des lieux, rapport à l’autre Les critiques sur la cuisine sont tout de même minime, alors que celles concernant les sanitaires est unanimes. Nombreux sont ceux qui se plaignent de l’hygiène. Mais ce qu’on peut remarquer c’est surtout le manque d’intimité et le rapport au corps que peu tentent de nous expliquer. Notamment concernant la pudeur qui varie selon les cultures. Nous parlerons notamment de l’exemple d’une famille albanaise qui nous explique le rapport difficile qu’ils ont avec un homme seul, qui se déplace depuis sa chambre (au bout du couloir) jusqu’au douche avec ne simple serviette autour de la taille à n’importe quelle heure. La famille trouve cette attitude déplacée vis-à-vis notamment des enfants. Mais cet homme se sert aussi de leur affaire, et il ne le conçoit pas car l’homme le fait sans gêne. De ce fait, pour le bien de la cohabitation, la famille a choisit d’éviter l’individu. Nous remarquons ainsi que la disposition des lieux rend les individus dépendant des faits et gestes des autres. En terme de pudeur, l’autre devient répulsif, car on est obligé de partager son intimité. Selon les cultures ce rapport est radicalement contradictoire avec leur mode de vie passé, de ce fait le repli sur soi en rejetant l’autre est inévitable. Concernant l’espace de la chambre, le manque d’intimité est souvent mis en avant. Alors que la chambre est le dernier rempart qu’ils possèdent, c’est aussi le seul espace qu’on leur concède pour leur individualité. La circulation dans les couloirs, le nombre de résidents par palier et la faible épaisseur des cloisons, sont autant de critères qui prouvent l’intrusion de l’autre dans leurs intimité. D’une part, on prendra par exemple, une famille se plaignant d’un résident avec la musique ou encore de tapage nocturne. D’autre part, la simple ouverture de la porte d’une chambre, tout le monde peut voir ce que vous avez peut-être voulu protéger des yeux étrangers. C’est alors impossible de « marquer » sa chambre comme espace personnel, culturel ou religieux, à part entière du reste d’un bâtiment. « Les portes marquent le lieu d’interruption d’une limite en principe non franchissable ; elles expriment le contrôle des franchissements et les renforcements de fermeture qu’exige le ménagement des ouvertures »8. Cette limite, au sein de la chambre, semble relativement respecté par les résidents. Du même titre, la porte du palier marque une limite vers leur espace où tout le monde n’a pas accès. Cependant, le personnel du CADA a accès au palier mais aux chambres. Le personnel de sécurité passe à partir de 22 heures pour vérifier que des personnes 8

L’anthropologie de l’espace, Paul-Levy et Ségaud.

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extérieures ne soient pas dans l’établissement. Ne pouvant acquérir des personne extérieures (nous noterons l’exemple d’une jeune homme ne pouvant acquérir sa petite amie française pour la nuit), les résidents gardent à l’esprit qu’ils ne sont pas « chez eux ». La proxémie de cultures différentes : les problèmes de racisme Comme on a put le voir plus haut, les différences de cultures se font sentir dans les habitudes de vie de chacun, ce qui conduit à mettre à l’écart certaines personnes du foyer. Mais l’on voit apparaître en parallèle des formes de racisme, nous l’expliciterons par deux exemples. Ils est important de noter les réfugiés sont tous des victimes de conflits au quatre coins du monde. De ce fait, il n’est pas rare que des personnes victimes d’un même conflit se retrouve sur le même palier. Deux ennemis dans un pays peuvent ne retrouver à partager la même cuisine. Il est donc facile d’imaginer des rapports conflictuels dans un cas similaire, pouvant se traduire par un comportement raciste. « On a pas la même culture, déjà c’est assez difficile. Mais bon, on va pas en CPH pour se faire des amis ! (…) Il vaut mieux rester dans son coin ! »9. Bien que ce soit la différence de culture qui soit mis en avant dans ces propos, il nous montrera plus loin qu’en réalité il s’agit de sa couleur de peau (« Y’en a qui ne supportent pas les noirs »). Il n’est pas difficile d’imaginer qu’un climat hostile se met en place entre les deux hommes, l’un et l’autre se sentant agressé mutuellement. C’est dans un exemple d’une famille d’Azerbaïdjan victime de la désinvolture d’une autre famille (Arménie) (« De la part de nos frères … les arméniens (rires) »10). Ils faisaient comme si ils n’existaient pas. Un jour des tensions ont explosées, la direction du centre a agit pour calmer les tensions, mais leur approche est assez remarquable. « Les assistants nous ont dit : « Non, ça sert à rien de vous emporter, vous êtes là provisoirement. Vous allez bientôt partir ». En radicalisant la situation du conflit, la direction légitime ces comportements, mais aussi l’organisation du CADA, qui est le cause de cette proxémie. b) c. Une vie en communauté qui dessert l’intégration Le rapport à soi Si dans un premier temps on accepte l’autre comme confident, il n’intervient pas spatialement dans notre intimité. Il est clair de constater que la période de reconstruction est personnelle ou en famille. Il est donc nécessaire aux réfugiés d’instaurer à un moment donné une barrière avec les résidents. Mais l’on remarque que le réfugié a besoin de la reconnaissance de l’autre pour appréhender le bon comportement dans leur nouveau pays. Mais cela est à relativiser, car tous n’appréhende pas l’intégration de la même manière. On remarque alors que selon les cas, le rapport à l’autre est aléatoire. L’idée serait donc de laisser le choix du degré de pénétration des autres dans son intimité. 9

Tome 3, p.57 Tome 3, p.76

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Cependant, en décrivant la vie en CADA, on se rend vite compte d’un contexte de promiscuité peu favorable au choix de vie de chacun. Le problème de la promiscuité On parle alors de promiscuité, ce terme que nous pouvons découvrir dans le livre de Gustave-Nicolas Fischer dans La psychosociologie de l’espace, marque une très grande importance dans le rapport à l’autre et à soi de la part d’un individu qui subit ce phénomène.11 La proxémie du lieu, plus que de la proximité, semble caractériser cette idée de mélange et d’entassement qu’est la promiscuité. La proxémie varie selon la culture des individus (en terme de contacts physiques, et du besoin de distance). Le CADA regroupant de multitudes de culture différente, sa conception doit en tenir compte, ce qui n’est pas le cas. Sans faire d’analogie avec la prison, ce qui serait trop osée face à fonctionnement spatial, juridique et socialement différent, on peut se demander qu’elle pourrait être les effets de ce phénomène sur les individus. En effet, dans le livre, l’auteur démontre qu’« à l’inverse de la distance, la promiscuité peut-être interprété comme signe d’absence de pouvoir. Ceux qui vivent entassés ne peuvent établir de distance (…). Vivre entassé, c’est exister comme être indifférencié, c’est-à-dire comme quelqu’un qui n’est ni identifié, ni identifiable ». En d’autres termes, tous êtres vivants ressentent le besoin vital de marquer un territoire qui lui est propre et qui le représente. Dans un contexte où cela devient impossible, la mise à distance avec l’autre est inexistante. « Ne pas pouvoir se différencier conduit à la perte de son identité ». De ce fait, toujours être en contact avec l’autre, produit chez l’individu un sentiment d’auto-défense qui accentue l’agressivité. Bien que beaucoup d’entre eux relativisent sur leur situation, la composition de l’espace que nous tentons de mettre en avant n’est pas en accord avec les besoins des réfugiés. La situation de promiscuité ne fait qu’accentuer le sentiment de précarité et d’instabilité. On légitimerait alors le repli sur soi des individus. Entre nécessité et répulsion, la relation à l’autre, dans ce contexte de vie en communauté, est variante. Mais il est clair qu’elle est ressentit comme imposé. Et vivre avec, c’est se forcé, en relativisant sur la durée de cette contrainte.

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Analyse tirée de l’exercice passé du Rapport d’étude de Licence 3 : Le poids des murs, analyse de la prison. L.B.

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Lorsque l’on analyse la situation du demandeur d’asile, on remarque que les structures familiales des demandeurs d’asile ont très souvent été perturbées : des parents isolés débarquent avec leurs enfants, d’autres ont perdus des enfants ou des proche dans des conflits armés, ils ont été torturés, abusés … Des traumatismes psychologiques lourds ont fragilisés leur capacité à se reconstruire d’autant que leur situation est incertaine. En d’autre terme, nous dirons que le CADA est un grand espace commun où seul les tensions ou le repli sur soi sont une marque d’identité. Trop de monde dans un même lieu composé exclusivement de pièces fermées, où la seule échappatoire est notre propres chambre, d’où les bruits extérieurs nous rappelle sans cesse que nous ne sommes jamais tranquille, et jamais chez soi12. Cette constante instabilité que l’on doit partager avec d’autres, ou que d’autre induisent est tant de choses que les demandeurs d’asile s’efforcent à relativiser : des conditions de vie difficiles mais temporaires. Ces conditions d’hébergement conditionnent-elles une bonne insertion au sein du logement futur, en terme d’assurance sur ses projets d’avenir ?

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Tome 1, p.19

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2. Au basculement vers le logement a. Un parcours imposé. Rappel de la procédure Après avoir obtenu le statut de réfugié, les personnes sortent du dispositif d'accueil (CADA, CPH, CADAIR), un logement leur est proposé à travers le programme ACCELAIR. Le programme ACCELAIR, créé en 2002 par l’association Forum Réfugiés, a pour objectif « de favoriser l’insertion socioprofessionnelle des réfugiés en apportant une réponse coordonnée en termes d’accès à l’emploi, à la formation et au logement ». Il s’agit en fait d’aider les personnes ayant obtenu le statut de réfugié à trouver assez rapidement un logement autonome ainsi qu’un emploi dans le département du Rhône. « Par rapport à d'autres personnes, c'était bien. Sincèrement, moi personnellement, je dis que c'était très rapide pour avoir un logement. J'ai été bien assistée. La vérité. D'ailleurs ils ont trouvé un logement adéquat pour ma fille et moi. Et je me sens très très à l'aise et c'était très rapide je trouve. Sur ce point... » ( Hamed et Khagja Sami, environ 60 ans, Algérie. 3 enfants étudiants. 13» Le programme ACCELAIR s'inscrit tout d'abord dans une logique d'accélération de l'insertion des réfugiés. En effet quand elles libèrent ainsi des places dans les structures d'hébergement dont pourront bénéficier d'autres personnes. Ainsi plus le relogement des réfugiés est rapide plus on peut accueillir de nouveaux demandeurs d'asile. « Q: Ok. Ils vous ont donné un choix d'appartement, ou …? / R: Heu, selon ce qu'ils nous disaient, y a beaucoup de gens qui attendent. Donc, si on vous trouve un appartement, c'est que eux-mêmes ils l'on déjà apprécié, et si vous vous refusez, on va vous recaler, et vous allez encore attendre longtemps. Et, nous comme on était déjà fatigué de, de vivre confiné [rires] on voulait quand même un espace un peu plus … [Q: Grand ?] Dès qu'ils nous ont trouvé ça on est venu voir, mais, on a vu que c'est pas trop … c'est pas … (pause) trop beau ! Ni trop vilain. Ca va ! [rires] Donc on a … [Q: C'est juste entre les deux]. Voilà, entre les deux. Et puis c'est pas …, c'est pas … On a accepté. Voilà. Et puis ils nous ont dit dès que vous intégrez, le système, et bien vous pouvez prochainement, avec les aides (?) vous pouvez demander un autre appartement si vous voulez, donc c'est ça. Mais bon, pour l'instant, on est là à l'aise, y a pas de soucis. 14» Dans l'attente d'un logement Les réfugiés attendent leur logement en moyenne 10 à 12 mois. Cette attente est beaucoup moins longue que l’attente moyenne pour un logement social hors du programme ACCELAIR qui dépasse 40 mois. Cette attente relativement courte est 13 Hamed 14 Koffi

et Khagja Sami, environ 60 ans, Algérie. 3 enfants étudiants. Litatamba, RDC, 2 enfants, P76

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rendu possible par le partenariat entre les bailleurs sociaux et ACCELAIR, et par le cadre stricte du programme. En effet, en entrant dans le programme, les réfugiés signent un engagement réciproque. ACCELAIR s’engage à trouver une formation qualifiante ou un emploi et un logement aux réfugiés qui s’engagent à les accepter. Ainsi, un seul logement est proposé aux réfugiés. S’ils le refusent, ils sortent du programme et doivent se débrouiller pour trouver un logement. Cette unique proposition de logement est valable à la condition que le logement soit adapté aux réfugiés. Si la famille refuse le logement avec un motif qui est accepté par le référent, un nouveau logement plus adapté sera proposé. « Voilà. Et si vous refusez un foyer, vous allez perdre tous vos, c'est à dire, tous vos droits quoi. Entre autre là, le logement là, une fois que vous avez tous les papiers, le statut de réfugié, vous rentrez dans un programme, appelé programme ACCELAIR. [ ... ] ils vont tout faire pour vous trouver un logement, le plus tôt possible. Mais si vous refusez un foyer vous n’avez plus le droit au programme ACCELAIR. Vous allez vous retrouver à la rue. Ce qu’il s’est passé pour moi, j’ai été obligé e refuser un foyer parce qu’on m’a jeté. 15» En moyenne, 95% des logements proposés sont acceptés par les réfugiés. Toutefois, si le logement est accepté par la famille, celle-ci peut s’y installer. ACCELAIR aide les réfugiés dans les premières démarches telles que l’état des lieux, la signature du bail, l’ouverture de l’eau et de l’électricité… b. L’éloignement de la communauté ? L'intégration territoriale Contrairement aux centres d'hébergement où les réfugiés vivent entre eux, une fois dans leur logement ils sont intégrés dans l'espace urbain français sans quelconque distinction. Cette autonomie est vécue différemment selon les personnes. Elle peut être un moyen de s'éloigner de la communauté d'origine pour « se reconstruire » plus librement. « Oui, oui. Moi personnellement j'aime bien aller à l'église dirigée par… un Français, pour le dire clairement comme ça. Pas nécessairement un Français, dirigée par quelqu'un d'autre que de ma nationalité. [... ]je préfère vivre comme ça, seul. Et je préfère me faire des relations… des français plutôt que des compatriotes. [Avec des français.] Oui.16 » « Q : Vous préfériez en endroit où vous ne connaissiez personne. R : Oui ! En plus c’était mon choix ! C’était mon choix d’être un peu isolée, je voulais pas m’engager à nouveau dans la politique, je voulais faire ça à côté. [... ] Je voulais passez la page.17 » Pour d'autre cette autonomie est perçue comme une difficulté. C'est souvent les cas 15

Hamed et Khagja Sami, environ 60 ans, Algérie. 3 enfants étudiants. Koffi Litatamba, RDC, 2 enfants. 17 Isabel Veracruz réfugié colombienne, Tome 2, P123 16

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des réfugiés qui ne maîtrisent pas très bien le français et qui, une fois dans leur logement, se retrouvent isolés. Nous pouvons observer chez les réfugiés une volonté et un attachement à la ville d’arrivée. Ils n'ont pas envie d’être arraché aux habitudes difficilement acquises. Nombreux d'entre eux veulent rester à proximité de des connaissances rencontrées depuis leur arrivée et qui ont les mêmes racines et donc la même histoire. Beaucoup de personnes pensent que la vraie amitié, en terme de confiance et de partage d’intimité vient de l’enfance où du moins à long terme. Ainsi, les connaissances sont parfois nombreuses dans leurs parcours en France mais les amitiés sont rares. Ceci est à relativiser car ils ne mettent pas de coté le fait que cela viendra avec le temps, une fois que le temps passera et que la reconstruction personnelle soit mise en place. Difficulté de s'éloigner de leurs communauté et stigmatisation Le statut de réfugié est mal connu, dans leur quotidien, les réfugiés font fasse à des situations difficiles de la part de personnes méfiantes ou jalouses. « ... oui il y a écrit réfugié algérien sur votre titre de séjour. [ ... ] je me suis inscrit à l'auto école c'était un algérien quand il a vu réfugié il me regardait vous voyez ils sont en train de nous griller avec cette carte c'est incroyable. Maintenant on a honte.18 » L'acquisition d'un logement est d'abord synonyme de reconstruction personnelle avant de vouloir aller vers les autres. L’autre est parut comme un agresseur qui viendrait nous attirer des ennuies (« surtout ici en France, on voit dans les médias, il y a pleins de choses qui se passent, vous pouvez payer les pots cassés, vous pouvez faire la connaissances de personnes maladroites »19 ). Ce retrait avec tout le monde peu s’inverser seulement si l’on apprend a connaître l’autre et que l’on peut débattre de différentes choses, mais laisser quelqu’un entrer dans son intimité en dehors de la famille est très rare. Ainsi, l’acquisition d’un logement peut être un retour à la communauté notamment un moyen pour le regroupement familiale. c. Un logement non choisi face aux envies et besoins de la reconstruction. Les préférences d’un site ne sont pas souvent retenue mais doit rester en accord avec le train de vie du réfugié (travail, enfant …). On peut remarquer, que l’importance que l’on pourrait donner à un cadre de vie exemplaire d’un site, ne correspond pas forcément au site voulut par les réfugiés, qui privilégie souvent l’extérieur du centre ville (la périphérie), pour parfois s’écarter de Lyon pour les communes avoisinantes. On remarquera plusieurs fois que Vaulx-en-velin est le site le moins convoité ! Peutêtre est-ce l’effet de bouche à oreille qui met en avant le fait que le CADA de Vaulxen-Velin est celui qui est le plus à l’écart de l’ensemble des commodités et de la 18

Hamed et Hayet Labadi, 41 ans, réfugiés algériens. P30 t3 1, Int. 1, p10

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ville? Une possible « désillusion »… Les réfugiés ont des origines géographiques et sociales diverses et ne connaissent pas en général la réalité du logement en France. Ayant peu de moyens, ils doivent être logés dans des appartements locatifs sociaux ce qui peut parfois être difficile à accepter pour des réfugiés ayant toujours vécu dans des maisons et/ou avec un niveau social plus élevé. « le T4 en question c’est un faux T4, c’est un T3. Donc qu’est ce qui faut faire ? Il faut diviser le salon en deux pour avoir notre chambre pour nous les parents. Alors on a mis, on a mis je crois deux ou trois semaines pour qu’on se mette d’accord, pour qu’ils acceptent de financer. Et on a trouvé quand même un moyen, eux ils ont financé, une partie disons, ils ont quand même financé pour qu’on fasse le travail quoi. Parce que à la base c’était nous qui le fassions nous mêmes. Je leur ai fait comprendre que la faute n’est pas à nous. La faute n’est pas à nous, c’est à eux la faute. Mais ils nous ont dit un T4. Donc c’est juste un petit souci qu’on a eu mais on l’a résolu, on a résolu ça c’est bien passé.20 » « Voilà c'est, c'est à nous de mettre … J'ai demandé à un menuisier, il m'a dit: "ça, ça doit coûter … Il faut trouver au moins cent euros pour le faire." Mais mon épouse m'a dit :"Ca sert à rien puisque …" (montre son bébé) [Q: Elle est petite] Elle est petite, elle dort encore avec nous [rires]. [Q: Oui mais elle va grandir vite.] C'est ça ! / Q: D'accord. Et donc vous avez le droit de faire poser une cloison? / R: Oui, mais pas de, pas de cloison … [Q: Pas en brique ?] Voilà ! un truc qu'on peut démonter facilement. Ou bien on met un rideau. [Q: Ouais] [rires] [Q: D'accord] (pause) Eux ils ont appelé ça un faux …, un faux T4. Parce que, en principe, ils devaient nous proposer un T4. On a mis six mois on n'a pas trouvé un T4. Ils ont vu ça ils ont dit : "Prenez" et on a accepté. [Q: D'accord. Mais c'était pas vraiment un T4.] Un faux T4 comme ils l'appellent.21 » Dans leur nouveau logement, les réfugiés doivent s'accommoder avec un nouveau mode de vie, et à des voisins pas toujours conciliants. « Ca manque un peu là, cet espace là où tu peux faire le bruit quand vous le voulez. [rires] C'est ça. Là on est un peu …, faut faire attention, faut pas… Vous sentez, même quand on marche là, le parquet ça fait le bruit. Maintenant, mon fils je…, de temps à autre j'essaie qu'il ne puisse pas sauter sinon il va déranger les voisins. Y a un peu la discipline à respecter, sinon on va vous appeler la police et ainsi de suite… [rires] Tout cela on connait pas chez nous. [rires] Tout cela on connait pas chez nous. La musique faut jouer doucement, tout ça… 22»

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Le cas Joao Calengula, réfugié angolais et c’est 4 enfants dans un faux T4, Tome 2, p.116 Koffi Litatamba, RDC, 2 enfants, P76 22 Koffi Litatamba, RDC, 2 enfants, P76 21

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En mauvais état Par le programme ACCELAIR les réfugiés se voient proposer un logement parmi le parc locatif habituel. Cependant, face à l'unique offre qui leur est proposé sous peine de quitter le programme ils sont parfois logés dans des appartement en mauvais état qui est une embûche supplémentaire à leur intégration en France. « R (une de ses filles).- On se sent vraiment envahi par les rongeurs. Cela risque aussi d'être dangereux pour la santé. C'est très très délicat... R.- C'est pas une phobie, c'est une réalité. Quand vous êtes là et que vous avez deux trois rongeurs qui tournent autour de vos pieds... Quel que soit le logement... [Épouse] Une fois j'étais avec mon fils, et on a entendu comme s'ils étaient en train de se disputer... mais vraiment, des cris, j'ai eu peur... (rires des uns et des autres). Mais question d'hygiène, avoir des souris ou des rats à la maison, c'est pas possible.23 » « Bon c’était dans un état… de délabrement, délabré là quand je suis rentré. J’ai refait moi-même la faïence là dans le couloir, j’ai tout retapé moi-même. J’ai tout retapé moi-même, moi et mon épouse. O : Voilà, on était à deux à tout retaper là. Elle a, c’est elle qui a galéré avec moi.24 » « [soupir] bah d’abord c’est le troisième étage sans ascenseur donc difficile parce que je suis tout seule avec mon bébé, il n’y a pas de, il y a une petite salle de bains, salle de douche parce qu’il n’y a pas de baignoire et il trop petit c’est un peu difficile de laver mon bébé, il n’accepte pas les douches et … c’est trop difficile. [Elle soupire, rit un peu, je souris pour l’encourager] Quand j’entre c’est une tout petit place pour entrer, je peux pas entrer normal avec mon bébé, quand je lave lui, il, ouais ouais c’est trop trop petit ! Et y a pas de, il trop petit, 48 m2 T3 il y a pas de placards de rangements, il y a pas de place pour ranger les choses par exemple l’aspirateur je mets comme ça et mon bébé il touche c’est très difficile j’ai beaucoup de problème aussi avec le cumulus parce qu’il ne chauffe pas, il y a déjà un an j’ai dit bah changer s’il vous plait, il fait rien. [Soupir] Moi : Et du coup vous cherchez quelque chose d’autre Diana : Bah j’ai déposé déjà un dossier mais j’ai déjà un locataire d’hlm il faut attendre trois quatre mois minimum. 25» Non adapté aux habitudes familiales Les habitudes faces au logement sont différentes selon les cultures et les coutumes des différents pays. Le logement est le lieu ou la cellule familiale se retrouve, pour les réfugiés cette aspect est encore plus important, c'est l'endroit où ils peuvent enfin se poser et envisager une « reconstruction ». Parfois les logements attribués ne respectent pas les particularités culturelles, vécu comme une incompréhension les réfugiés se sentent de nouveau face à un obstacle à leur intégration. 23

Hamed et Khagja Sami, environ 60 ans, Algérie. 3 enfants étudiants. Omar Nouali, 44 a, réfugié politique algérien, arrivé en France en février 2009 25 Sergueï et Nuné Palabanyan, env 55 a, et leur fille Diana, réfugiés d’Azerbaïdjan, arrivés en France en 2007 (Diana) et 2010 24

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« En fait, dès le départ on vous a proposé deux logements séparés : un pour vous et votre fille ? On ne vous a pas proposé un logement pour tout le monde ? R (père).J'ai demandé, mais ce n'était pas réalisable. R (épouse + une fille).- C'est difficile de trouver un grand appartement pour nous tous. Donc ils ont préféré partager... (rires). Q.- En fait, dès le départ on vous a proposé deux logements séparés : un pour vous et votre fille ? On ne vous a pas proposé un logement pour tout le monde ? R (père).- J'ai demandé, mais ce n'était pas réalisable. R (épouse + une fille).- C'est difficile de trouver un grand appartement pour nous tous. Donc ils ont préféré partager... (rires). » « Pour eux, je suis majeure, c'est fini [ ... ]... on fait te donner... pour vivre toute seule. C'a été un choc pour la famille ! Le fait de dire, elle le dit pas méchamment, mais parce que l'assistante elle connaît pas cette culture. Et ça c'est très important de le mentionner. Elle dit que voilà ma fille, tu peux avoir un logement, tu peux avoir ceci... Alors là, au fond de moi, et je suis sûr au fond de sa mère, c'est quelque chose, c'est comme si... elle a poignardé cette famille.26 » Un futur déménagement envisageable Une fois dans le logement les réfugiés cherchent un emploi stable afin d'obtenir une stabilité financière. Lors de ces entretiens nous pouvons dors et déjà observer que bon nombre d'entre eux évoque un futur déménagement dans un logement en meilleur état, plus adapté ou mieux situé. Leur parcours ne s'arrête pas à ce premier logement, il n'est pas perçu comme une stabilité définitive. « l'appartement est très petit, pour deux personnes ca va mais avec le bébé ! Y’a pas de place pour mettre le lit ! Nous avons demandé depuis 6 mois, nous avons demandé pour un logement plus grand, mais il faut attendre 1ans, 2 ans !27 »

L'acquisition d'un logement par les réfugiés est tout d'abord synonyme d'une intégration sur le territoire français. Quitter le centre de réfugiés pour intégrer un logement privé marque la fin d'un parcours marqué par de nombreux déplacements en hébergements et une vie en collectivité imposée, souvent difficile. Seuls, dans un nouveau environnement urbain, les réfugiés s'appuient sur leur insertion territoriale pour s'éloigner de la communauté ethnique, religieuse ou politique et ainsi construire leur avenir en France, en faisant désormais parti d'un environnement urbain. 26 27

Hamed et Khagja Sami, environ 60 ans, Algérie. 3 enfants étudiants. P 100 Darius et Pary Hedayate, réfugiés politiques iraniens, arrivé en France en septembre 2009

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Cependant, l'acquisition d'un logement, objet sur lequel tous les espoirs de reconstruction sont posés, est souvent suivie d'une désillusion. Si dans la majorité des cas l'insertion urbaine des réfugiés récemment installés dans leur logement n'est pas contestée, les témoignages sont plus partagés lorsqu'ils relatent du logement en lui même et de son confort. Comme nous avons pu le constater, en vu de la situation du logement en France, les réfugiés subissent les conséquences la crise d'un parc locatif vieillissant et peu renouvelé. Bénéficiant du programme ACCELAIR ils se voient dans l'obligation d'accepter l'unique offre qui leur est proposée sous peine d'être de nouveau livrés à eux-mêmes. Sur un plus long terme, nous pouvons nous pencher sur les enjeux du logement dans l'insertion des réfugiés en France en étudiant leur parcours suivant leur installation. Ainsi, dans quelles mesures le logement permet aux réfugiés de construire leur parcours individuel en France ?

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B. Aide à la stabilité La notion de stabilité, avant le logement et le matériel, passe par une reconstruction personnelle et émotionnelle. S'il faut surtout accepter sa nouvelle condition et oublier les horreurs par lesquelles on a pu passer certaines choses facilitent néanmoins la reconstruction. L'OFPRA et l'OFII sont deux instances déterminantes de délivrances de titres mais alors que l’OFPRA délivre le statut de réfugié et un acte de naissance, l’OFII met en plus en place une visite médicale pour connaître l’état de santé de la personne et son aptitude à travailler, un examen du niveau scolaire, un diplôme de la langue française, et une formation civique pour rendre compte de l’histoire et des valeurs de la France. Les examens mis en place par l’OFII montre une certaine volonté d’un processus d’assimilation d’une culture française, imposée et de courte durée. Cette disparité dans l'accueil, qui se retrouve dans les différentes associations qui accompagnent les réfugiés dans leurs parcours de demande d'asile, montre la complexité qu'il y a dans la conception et les moyens mis en place pour aider à les familles à ré-créer une stabilité en France. La stabilité passe-t-elle par l'intégration? Et si oui l'intégration ne passe-t-elle pas par une compréhension du pays d'accueil? Les réfugiés accédant au statut sont certes soulagés mais c'est seulement grâce à leurs nouveaux logements qu'ils peuvent reconstruire une nouvelle vie, car le foyer est la base qui permet de se fixer, comme un point autours duquel peuvent se construire des habitudes durables. Pour la plupart de ces personnes leurs vies ont été mises entre parenthèses lorsqu'ils ont dû fuir une situation dans leurs pays devenue dangereuse. Cela Abou Da Domingo, 47 ans et originaire de Guinée le décrit très bien : « C’est après, quand j’ai eu le logement que tout a changé, que je me suis retrouvé un peu humain quoi. Parce qu’on est déshumanisé sans le logement vraiment. On est déshumanisé, on est complexé, on est… et puis ça fait beaucoup de soucis quoi. Bon il y en a ils vivent de ça mais moi, ça m’a posé énormément de problèmes. » Une certaine stabilités semble être aussi être apporté par les objets que les réfugiés décident d'acquérir avec leur argent. Les premières choses que l'on achète pour reconstruire un confort que l'on à perdu sont différentes selon les gens. Quel sont ces petit détails qui ne sont pas superflus mais vitales pour certains? Dans le cas d'Esengo réfugié de la république démocratique du Congo le premier achat est un ordinateur pour accéder à internet car elle permet de garder contact avec la famille rester au pays, de contacter des réseaux professionnels, de faire des démarches plus rapidement puis un achat nécessaire pour le travail, une voiture. « Sans ordinateur je peux pas vivre c’est la première chose que j’ai décidés d’ acheter quand j’ai reçu mon RSA je me suis battu pour trouver une voiture c’est la Clio là donc la je dois l’assurer la faire contrôler au contrôle technique et changer la carte grise je l’ai acheté depuis le 9 septembre comme je travaille pas j’ai pas de sous pour le faire la carte grise c’est 140 euros et l’assurance c’est maximum 50 euros vu que c’est une 1 litre 2 le contrôle technique c’est 73 euros ca me fait dans les 300 presque. Non mais je connais je suis habitué avec les voitures. C’est plus pour le travail. Ça m’a révolté en quelque sorte vous avez une voiture non un permis non. » Selon les priorités et la composition familiale, les priorités d’achat sont différentes mais l’acquisition de bien matériel semble être une chose primordiale dans la reconstruction personnelle du réfugié car un certain confort perdu à reconstruire. Nuné réfugiée Arménienne d'Azerbaïdjan à acheté de la vaisselle, une télé et un

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micro-onde, de l'utilitaire minimum surtout qu'en CADA les réfugiés n'ont pas le droit d'acheter du mobilier. La télé permet de mieux comprendre la France sans quitter la maison, de se tenir au courant de l'actualité politique ou de se divertir, mais surtout à apprendre le français. L'accès au logement permet-il aux réfugiés l'établissement d'une nouvelle stabilité et d'une nouvelle vie? Cela semble logique et pourtant diverses choses peuvent faire que la ré-insertion se passe plus ou moins bien. À travers plusieurs exemples nous allons voir certaines modifications dans leurs vies, lié à leurs lieux de résidence ou de travail qui permettent une reconstruction. a. « Effet d’adresse » et préjugés La localisation d'un logement influence autant sur les heures dans les transports lié à la proximité du travail ou des commerces que sur le regard que nous pouvons avoir sur les autres ou sur nous même. Il est parfois plus difficile d'obtenir un travail ou un prêt en ayant comme adresse un appartement dans un quartier « mal vu » comme Vaulx-en-Velin à une époque ou Vénissieux. C'est ce qu'on pourrai appeler l'« effet d'adresse », le fait d'avoir une boîte au lettre dans un quartier pauvre peu nous donner moins de crédibilité pour rembourser une banque ou un aura d'instabilité dans une recherche de travail. Ces quartiers populaires ont la plupart du temps une réputation de quartier « chaud » construite suite aux démêlés entre certaines catégories de leur population et la police. Quelles sont les liens entre ces préjugés et la vérité des gens qui y évoluent? Wafa originaire de la république démocratique du congo vit à Vénissieux et si on l'a mise en garde contre ce quartier ne semble pas s'y sentir mal: « Q : Et si on revient un peu à votre logement à Vénissieux, quelle est la première impression que vous avez eu quand vous êtes arrivée dans ce logement ? R : Juste, dès le départ, parce que quand je suis arrivée, bon, j’ai fait connaissance avec des amis quoi. Et du coup, quand ils m’ont dit, quand j’ai appris que c’était à Vénissieux, ils m’ont dit « Oh tu habites Vénissieux, c’est quartier chaud, c’est quartier je sais pas comment… » Mais à ma grande surprise, bon, j’ai pris la maison. Juste…j’ai pris la maison, bon, parce que je n’avais pas le choix. Mais quand je suis… Depuis que je vis à Vénissieux là où je suis, je n’ai pas eu de soucis, je trouve, c’est un quartier calme. Donc ça dépend de ce que vous êtes. Parce que bon, là où je suis franchement, il y a du calme, tout le monde respecte tout le monde… On ne se voit même pas. On se voit rarement. Q : Vous ne voyez pas vos voisins en fait ? R : Non, c’est rarement franchement que vous voyez. Q : Et ils ne vous dérangent pas avec le bruit, ni rien ? R : Non il n’y a pas de bruit. Bon il y a aussi des bruits, des fois, exemple : la personne qui est au-dessus de moi, donc des fois, s’il fait du bruit, je peux quand même lui faire signe, vraiment… « Arrêtez de déranger ». En tout cas, ça va, ça va, ce n’est pas un quartier chaud. C’est vraiment très calme, très calme. » Koffi quant à lui, originaire de la république démocratique du congo, préparé à des remarques racistes par forum réfugier, vit à Villeurbanne et ne se plaint pas non plus de sa nouvelle situation : « Sincèrement, dans ce quartier, y a pas de…, y a pas de problème. Y a pas de

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problème. Comme j'entends dans certains autres quartiers, surtout quand on suit les infos sur Paris, et on a agressé untel… Ils ont fait ceci… Ici, on n'a pas encore ce genre de soucis. Je ne sais pas, je suis encore nouveau dans ce quartier. Mais j'ai fait déjà quatre mois, et puis c'est…, durant ces quatre mois là, je n'ai pas eu de soucis. Dès fois on sort là, on rentre à huit heures du soir, neuf heures du soir, y a pas de problème. Tu vois, tu croise les jeunes, comme d'habitude ils sont là assis, mais ils sont en train de parler mais, pour qu'ils puissent t'attaquer, t'agresser ou même t'insulter, non non non. Non, y a pas de problème. (pause) Te traiter de nègre ou de noir, non non non. Pas ça. [rires] On n'a pas encore vu ça jusqu'à présent. Et j'espère que ça sera comme ça. Ben de toute façon, quand on était sur Miribel, les assistants nous ont dit: "Faut vous attendre à tout, hein. Vous êtes déjà de couleur différente, donc faut vous attendre à ce que, un jour, vous puissiez croiser quelqu'un qui puisse vous insulter de sale nègre, de trucs comme ça." Bon, on est déjà préparé. Si…, si je vois quelqu'un m'insulter moi ça me dira rien. Peut-être qu'on va me dire: "Faut aller porter plainte." Je vais porter plainte, ça va encore…, ce sera une longue procédure, ça sert à rien tout ça. Lui il me traite de nègre, c'est son affaire! » Dans l'attente d'obtenir le statut et dans l'impossiblité de travailler il est parfois dur de s'occuper. La précarité de la situation, l'arrivée dans un nouveau pays et parfois des problèmes de santé peuvent amener certains à s'enfermer chez eux. Mais pour la plupart fuyant des chambres trop petites et profitant des opportunités proposées par forum réfugiés, ceux ci préfèrent se rendre en ville comme Domingos, angolais vivant au CADAIR de Villeurbanne : « -R : Oui, le quartier, bon, souvent, quand on arrive, on connaît pas, mais petit à petit, chaque jour qu'on sort, on va découvrir certains coins, certains magasins qui existent, et puis voilà, on fait la reconnaissance du milieu, et puis voilà, après, ça se passe très bien en tout cas. Moi, j'ai pas eu de difficulté, surtout parce que bon, le temps que j'étais au centre de transit, on était 3 jeunes, disons 3 amis, on était beaucoup proches. Comme on n'avait rien à faire, eh bien on s'occupait pas mal de...de sortir, allez connaître la ville, et certains endroits. Même, vous avez des centres, ils proposent des sorties souvent, pour aller à la piscine, pour aller à la médiathèque, on a fait tous ces déplacements et toutes ces occupations là. Et ça nous permet aussi de connaître la ville, de s'adapter, et voilà. »

Voici, sur la page suivante, une carte des communes dans lesquelles vivent les réfugiés, notre échantillon n'est pas représentatif de la population de réfugiés logés à Lyon, car elle ne prend en compte que ceux avec qui nous avons pu rencontrer. De plus cette carte est approximative car elle ne met en valeur que le pourcentage de familles par communes, les adresses n'étant connues que des personnes ayant réalisées les entretiens. Il apparaît néanmoins que pour la plupart les logements se trouvent en périphérie de Lyon, ceci étant expliqué par la valeur foncière des logements de centre ville. Les logements sociaux étant pour la plupart dans des quartiers plus populaires comme Villeurbanne qui regroupe beaucoup des réfugiés rencontrés.

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Peut être que les réfugiés n'ayant que l'envie de poser leurs valise et se sentant redevable vis-à-vis de la France ne veulent pas critiquer leurs nouveaux quartiers. Échappant pour la plupart à des situations très dures et pour certains à des conditions de vies moins bonnes ils se sentent heureux dans des appartements très éloignés parfois de l'image qu'ils se faisaient de leurs futurs logements en France. L'obligation d'accepter la première proposition d'habitation à moins qu'elle ne corresponde pas à leurs besoins démystifie rapidement l'illusion d'avoir une petite maison avec un jardin au profit d'appartements dans des immeubles sociaux pour certains. Ces témoignages tendraient à montrer que l'effet d'adresse n'est lié qu'à des préjugés et pour ces réfugiés il est plus souvent noté une discrimination lié à leurs statuts qu'à leur nouvelles adresses. C'est en autre le cas de Hamed et Hayet, arrivés d'Algérie avec leurs enfants : « Elle : la pédiatre par exemple elle m'a demandée si mon père était arquis vous voyez? Moi : pourquoi elle vous a demandé ça? Lui : attends donne lui ça elle va comprendre. Moi : merci.

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Lui : je vous en prie. Moi : ah oui il y a écrit réfugié algérien sur votre titre de séjour. Lui : voilà donc le médecin elle a lu l'attestation puis elle a voulu vérifier elle nous a posé des questions on voulait pas dire qu'on était réfugiés ma femme elle a dit mon père c'était un ancien combattant alors de suite elle nous a dit ah c'était un arquis. Moi : pas forcément il y en a qui ont combattu pour la France sans être arquis. Lui : voilà mais je lui ai dit est-ce que vous connaissez l'histoire de l’Algérie et de la France au moins mais elle doit pas connaître enfin j'ai pas voulu rentrer en polémique quand je me suis inscrit à l'auto école c'était un algérien quand il a vu réfugié il me regardait vous voyez ils sont en train de nous griller avec cette carte c'est incroyable. Elle : maintenant on a honte. » D'autre craignant ce genre de réaction préfère ne pas parler de leurs statuts dans leur quartier comme Omar, algérien vivant à Villeurbanne : « O: Le quartier… J’ai pas à me plaindre. Ça se passe très très bien. C’est très calme, très convivial. Même avec les voisins ici ça se passe très très bien. A : Vous avez des relations avec vos voisins ? O : Très bien. Il y a pas longtemps j’ai circoncis mon fils, et ben j’ai donné des gâteaux pour les voisins. Avec les voisins ça se passe très très bien. Bon ils sont pas au courant de ma situation réelle. J’aime pas trop en parler, peut-être on va me voir autrement. C’est pour protéger mes enfants et me protéger moi, j’aime pas trop m’étaler sur ma situation. » b. Travail & proximité La situation d'un logement n'influe pas que sur ce que peuvent penser les gens de notre adresse, mais aussi sur la distance qu'il faut parcourir pour trouver des commerces, se rendre au travail ou seulement se divertir. Nous venons de voir que pour la plupart les familles s'installent en périphérie, cette situation permet-elle de trouver un travail et de faire ses courses facilement? Comment se passe la réinsertion quand les diplômes ne sont pas reconnus dans le pays qui nous accueille? Wafa, réfugiée de la République démocratique du Congo, travaillait dans l'humanitaire pour aider ceux dans le besoins et subit le fait d'être désormais de ceux là : « Q : Mais comparé à ce que vous aviez avant d’arriver en France, parce que c’était surement différent… R : Ah non, non. Non franchement, si je compare à ce que j’avais en France… [silence], je ne peux pas dire que je vis une vie… Non, je ne vis pas… Ouais. Q : Ici ? Vous voulez dire en France ? R : Oui en France ! Au pays, j’avais un vrai boulot. Moi je travaillais dans l’humanitaire et j’ai eu des petits soucis par rapport à mon travail, c’est pourquoi je suis ici. Donc c’est pourquoi je dis que, si je compare ma vie du pays et ma vie d’ici… donc, il y a un écart. Ouais c’est ça. Q : Et est-ce que vous pensez que vous allez pouvoir compenser cet écart avec le temps et reconstruire quelque chose ici ? R : Bon déjà pour vous dire, je ne peux pas retourner dans mon pays. Je suis obligée de m’investir pour que je m’adapte. Donc c’est ce que je fais. [...]

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R: Bon après je me dis que, c’est ce que je dis, soit je peux entrer dans les mises en rayon, les trucs de grande distribution, peut-être ça me donnerait une autre opportunité dans l’avenir. Ouais. Q : Mais comparé au master que vous aviez… R : Oui, c’est ça, franchement, c’est dégoutant. Dégoutant. Q : Mais là du coup vous envisagez de vous inscrire dans une formation pour avoir d’autres diplômes ? R : Non, non, c’est-à-dire, là où je travaille c’est, comment on appelle, ce sont des… Comment on appelle ça ? Les… On nous accompagne vers un emploi durable. C’est-à-dire, nous nous travaillons chez TCL comme des agents d’enquête de médiation. Mais entre temps, si vous trouvez une formation qui vous plait, vous allez travailler avec votre conseiller de l’emploi pour trouver une formation que vous aimez. Q : Et en même temps que vous travaillez en fait ? R : Donc c’est-à-dire, si vous trouvez une formation, vous allez arrêter de travailler pendant quelques temps. Vous allez faire votre formation et dès que vous terminez votre formation, vous retournez pour travailler et entre temps vous cherchez votre travail. Et ça marche, oui, parce que j’ai des résultats. Il y a des gens qui ont trouvé leur boulot, leur travail durable. Comme ça. Q : Mais là, du coup, vous êtes, vous travaillez pour TCL, c’est ça ? R : Non, non je travaille pour la boîte Médialys. Médialys, c’est eux qui travaillent pour TCL, c’est lui qui nous recrute pour travailler pour le compte des TCL. Q : D’accord. Donc en fait, finalement, les attentes que vous… Est-ce que, est-ce que quand vous êtes arrivée en France les attentes par rapport à votre, par rapport au travail que vous aviez, vous avez été déçue finalement ? R : Mais déjà je savais que ça serait difficile. Moi je savais que ça serait difficile. Dès le départ je savais. » Malgré un sentiment d'injustice devant leurs sous évaluations et la non reconnaissance de leurs diplômes, la plupart des réfugiés adoptent un comportement assez effacé lié on peu supposer à leurs soulagement d'être en sûreté en France. Certains se lancent dans de nouvelles études ou d'autre profite des système mis en place par forum réfugiés pour leur permettre d'accéder au travail ; dans tous les cas, celui ci qui ne leur était pas accessible pendant leurs démarches administratives est lié à la stabilité qu'ils aimeraient retrouver car il leur permet de payer le loyer de leurs logement. En effet certains après avoir obtenu leur statut restent dans le système hébergement car ils ne peuvent se payer un logement. L'offre de travail étant faible les réfugiés sont souvent exposés à des changements fréquents dans des branches multiples et souvent très différentes de leurs formations initiales non reconnues la plupart du temps en France. Il existe néanmoins des organisme d'aide pour ceux qui cherchent un travail tel que Envie Sud. Cet organisme permet un contrat renouvelé au maximum deux ans pour travailler avec eux et propose à l’échéance une formation dans la branche professionnelle choisit, elle est ouverte à tous ceux qui ont des difficultés à trouver du travail (réfugiés, immigrés ou français). Les réticences de la part des employeurs sont nombreuses, la barrière de la langue, l'absence de diplôme reconnus en France, des papiers de courtes durées dans l'attente du permis de séjour qui mettent le réfugié dans une posture moins fiable pour l’employeur. Ceux ci sont souvent mal informés sur ce qu’est un réfugié

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politique, de ce fait lorsque celui-ci présente ses papiers, son statut y étant inscrit ainsi que sa durée de séjour les employeurs sont alors souvent méfiants. L'exemple de Disanko réfugié de la RDC le montre bien: Dans une journée tu fais quoi ? Dans la journée la j’ai déposé mes cv dans pas mal de boite d’interim s’ il me trouve quelque chose soit un constat de travail parce que je finis je rentre chez moi j’ai des démarches des rendez vous des entretiens. T’en a déjà passé beaucoup ? Des entretiens d’embauches ? Oui [Réfléxion] 3 et t’as pas eu de retour ? le premier ils m’ont envoyé travaillé mais ça nécessitait une voiture 4 à 6 boites qui me demandaient une voiture donc j’avais pas du coup je pouvais pas travaillé vu les heures commencer à 4 h 5 h et alors je faisais Paris d’orly sud est c’est mon assistante qui demandait pour moi et lorsque je suis allé je me suis présenté à un entretien et la bas la dame à expliquer qu’ils faisaient signer pour un début un contrat de 4 mois moi j’attends une carte pour dix ans j’ai un récépissé de trois mois renouvelable on a tout rempli ils m’ont donné des questionnaires j’ai répondu alors la dame dira qu’on peut pas vous signer un contrat car le récépissé n’est valable que trois mois le contrat est de 4 mois…le récépissé est renouvelable à la fin de la période je l’aurais toujours renouvelé... Mais pour certains parfois le fait de rencontrer des gens permet d'accéder à un travail c'est le cas de Darius réfugié Iranien qui malgré le fait qu'il ne puisse pas exercer son métier, professeur de sport, à réussi à accéder à un métier plus facile que le précédent : « M : Alors, aujourd’hui, c’est une bonne journée ! J’ai trouvé un travail CDI ! (Claquement de la langue en signe de contentement) E : Bravo ! C’est une super nouvelle ! Dans votre entreprise ? M : Non dans une pharmacie en centre ville ! Je range les médicaments en rayon ! Parfait ! Parfait ! Je suis content ! Je ne crois pas encore ! (Claquement) E : (Rire) C’est dans quelle pharmacie ? Dans quel quartier ? M : Euh… Cordelier, vous connaissez ? E : Oui, j’habite à Cordelier ! M : Pharmacie Florit, le chef là-bas, c’est un ami de mon ami. Mon ami il a appelé, présenté moi, il m’a envoyé la bas. E : Un ami Français ? M : Oui il est Français, mais son parent est Iranien, Perse. E : Ben j’irai à la pharmacie Florit maintenant ! (Rire des trois, sa femme part préparer le thé en cuisine) M : Parce que ou je travaille c’est dur, très dur ! E : Vous faisiez quoi ? M : Nous cassons des télés, lever les câbles, je prend chaque jour 40 tonnes par jour ! Je porte télé cassée ! (Il fait le geste de porter une grosse télévision lourde) Voilà voilà merci dieu ! (Sourire et claquements) E : En plus vous n’êtes pas loin, c’est bien ! […] E : Et vous étiez professeur de sport avant ? M : Oui j’étais ! Maintenant… E : Maintenant vous êtes pharmacien ! (Rire des quatre !) M : J’ai 20 ans expérience de sport, pratique, j’ai beaucoup expérience de pratique, fitness ou body bulding ! 20 ans j’ai beaucoup expérience ! Avec ce travail

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pharmacie, maintenant je peux recommencer sport mais avec ce travail, fatigué ! Quand j’arrive à la maison, je dors ! 6h matin, réveil ! C’est dur ! Très dur ! Maintenant ma vie va changé j’espère ! Bientôt ! » Le fait de travailler pas loin de chez soi, n'est pas seulement plus agréable parce que l'on à moins de chemin à faire. C'est aussi moins déroutant pour les réfugiés car ils travaillent dans un quartier qu'ils connaissent, ils n'ont pas besoin de prendre les transports en communs où leurs difficultés en Français peuvent leurs compliquer la tâche. Pour les mêmes raisons certains demandent à rester dans le secteur où ils étaient en CADA parce qu'ils s'y sont plut et qu'ils ont appris à connaître ces quartiers. Cela peu aussi être lié au fait que les enfants peuvent être scolarisé dès leurs arrivé en France alors que le statut n'est pas encore obtenu, pour leur éviter de changer d'école. Isabel est réfugiée de Colombie, elle a demandé un logement à Villeurbanne car elle s'y sentait bien et pour que sa fille reste dans une classe spécialisée dans l'accueil des réfugiés : « Q : Du coup, vous vouliez être dans ce quartier, parce que lorsque vous êtes arrivés au centre de transit, votre fille a été scolarisée directement, au collège Morice Leroux là, aux Gratte ciel ? R : Euh… Au collège des Gratte ciel, il y a une classe d’accueil, et cette classe d’accueil, elle est pas partout. Alors, euh… La FAL, qui font l’accompagnement, ils m’ont dit que c’était bien pour elle parce que elle a appris le français quand elle était petite mais elle a déjà oublié, et puis euh… Bon, c’était bien pour elle commencer à faire la classe d’accueil et puis euh… Elle a fait les deux en même temps, elle a fait son troisième et puis la classe d’accueil, en même temps. Q : D’accord, dans le même établissement ? Dans le même collège ? R : Oui ! Q : Donc, c’est… France Amérique Latine qui avait monté cette classe d’accueil ? R : Non, non, c’est euh… c’est le système éducatif… Q : D’accord, je ne savais pas du tout… R : C’est le système éducatif, mais il est pas partout ! Au début ils ont dit, elle était un peu insérée dans plusieurs écoles, mais maintenant il reste que quelques classes. Q : Du coup après vous avez demandé à rester dans le quartier… R : Oui ! Q : Quand vous êtes partis à Bron, vous vouliez revenir dans ce quartier, ici. R : Ah oui, oui ! Moi j’aime bien Villeurbanne, et les familles d’amis qui m’avaient logée, ils habitaient là, à Gratte ciel… Alors, bon, on avait déjà l’habitude… » La stabilité apportée par le travail qui permet de payer le loyer du logement ainsi que ce dernier amène les familles à se fixer dans un lieu. Elle sont désormais chez elle et non plus dans l'attente d'une décision administrative et soumises au risque de devoir se déplacer. Cela leur permet de créer de nouvelles habitudes comme aller faire leurs courses dans les mêmes magasins ou de prendre toujours le même chemin pour se rendre sur leur lieu de travail. Toutes ces nouvelles activités sont autant de possibilités pour rencontrer des gens. c. Création d’un nouveau réseau social Une fois le statut obtenu et une certaine distance faites avec forum réfugiés, les familles ne sont plus en contact constant subit avec d'autres réfugiés comme

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dans les CADA. Alors que certains cherchaient de l'aide auprès de leur ethnie ou que d'autre évitaient les personnes originaires de leurs pays que se passe-t-il quand ils se retrouvent seuls dans leurs logement? Comment aller à la rencontre des Français? Diana n'étudie pas car elle trouve son Français encore trop faible, elle ne travail pas non plus et ne sait pas comment rencontrer des gens avec qui parler français et pouvoir ainsi progresser, elle est originaire d'Azerbaïdjan et vit dans le 8ème, elle s'entraine à parler français avec ses parents en regardant la télévision : Moi : D’accord et du coup vous dites, vous avez le problème de la langue pour aller au contact avec des français ? Diana : Oui, bah pour euh. Enfin, non. Avec notre assistante sociale bien sûr mais avec d’autres personnes si on ne travaille pas, on n’étude pas, on n’a pas de place pour rencontrer, pour euh… Moi : Parce que vous disiez que vous sortiez vous promener sur les quais, vous rencontrez pas de personnes, quand vous sortez vous promener ? Diana : Bah on rencontre mais on ne communique pas [éclat de rire] je peux pas aller et ah! Moi : Salut ! [Je ris aussi] d’accord Diana : Ça serait pour nous bien parce que y a pas de pratique ! [Nous rions] Moi : D’accord et… Diana : Ça sera pour nous bien parce que on a besoin pratiquer mais y a pas de personnes avec qui pratiquer avec les voisins ici mais bonjour, toi, ça va. Diana avoue ne faire que saluer ses voisins, pourtant c'est une des façon de rencontrer des gens lorsqu'on a un nouveau logement car un rapprochement peu s'opérer seulement du fait de vivre les uns à côté des autres comme Abouo, réfugié Ivoirien qui vit à Vénissieux : « Q: Ouais c'est sur. D'accord, Et t'as des relations un peu avec tes voisins ? R: Ben non, j'ai pas de relation. Ben c'est une dame qui est en haut elle m'a remarqué comme je suis tout seul machin souvent quand elle prépare elle m'amène aussi quoi. Elle est vraiment sympa, elle prépare... Comme elle est mariée tu vois, je vais pas aller taper bon parce que après souvent son mari va prendre en mal tu vois. moi je me méfie un peu quoi, pour pas avoir de problème. D'autres rencontre des gens grâce à leurs amitié avec des gens de forum réfugiés comme Darius et Pary : M : C’est meilleur notre ami. E : C’est votre ami qui vous a trouvé la place à la pharmacie ? M : Non, nous avons, nous avons, connaissez, connaissance, de notre professeur de français. C’est votre copain. Mm M: Son (elle insiste sur le mot) copain M : (Il reprend) Son copain E : (Rire) Ah oui d’accord M : Maintenant ils sont comme notre famille ! » Enfin il existe des cas isolés où des réfugiés lient des amitiés totalement extérieurs à forum réfugiés où à la communauté des demandeurs d'asile. À la bilbiothèque ou au commerces de proximité la plupart sont liés à de nouvelles habitudes liées à leurs logements. L'exemple de Nora, réfugiée Kosovar et vivant à Villeurbanne est assez touchant : « Q Et avec des familles françaises ? Donc il y a la dame que vous avez quittée

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quand je suis arrivée. Vous l'avez rencontrée comment ? R elle maintenant c'est comme ma soeur. Ca fait longtemps c'est quand j'étais à Vaulx en Velin. Ça fait longtemps. C'était à la CAF. Elle est gentille. Elle est ma soeur. Elle m'a aidé beaucoup. Des fois des choses que je ne comprends pas. Elle m'aide. Elle m'a jamais dit non. Toujours toujours présente. Comment je l'ai contactée ? première fois je voulais prendre l'attestation à la CAF pour les aides. Je comprends pas, c'était comment je fais la première fois, comment il s'appelle le truc.... (je cherche avec elle) C'était beaucoup de cabine. Je connais pas comment rentrer pour prendre l'attestation de la CAF. Je lui dis à la dame S'il vous plait madame est ce que vous pouvez m'aider, je comprends pas c'était la première fois. Elle m'a dit pourquoi pas je vais t'aider. Après, c'était une cabine ça marche pas bien. Après on discute un petit peu elle m'a dit : quel pays ? Je parlais pas bien français (rire). Je lui dit ça fait 1 an et demi deux ans que j'habite en France. Après elle a dit : est ce que vous voulez contacter avec moi ? J'ai dit pourquoi pas j'ai besoin, j'ai pas de famille ici je suis juste avec les enfants. Elle m'a donné son adresse, j'ai donné mon numéro, elle m'a appelé elle venir chez moi à Vaulx en Velin. Maintenant on est toujours en contact. » Enfin la plupart garde des relations avec des gens rencontrés dans le système, réfugiés comme eux, comme Diana qui a accouché d'un enfant né de son union avec un réfugié russe ou d'autre comme Disanko qui se sont lié d'amitié avec des personnes de leurs âges ou originaires du même pays qu'eux. Car dans la détresse de se retrouver dans un pays étranger, en fuite à cause de chose parfois horrible, tel que des tortures ou des guerres, ils ont tous besoins de soutien. Le fait de vivre avec des gens dans des appartements collectifs, de faire des ateliers organisés par forum réfugié et d'avoir vécu des choses parfois semblables tout cela tisse des liens entre réfugiés. Néanmoins certaines personnes préfèrent éviter d'aller vers leur communauté pour des raisons parfois liés à celles qui les ont amenés en France ou simplement un rejet de certains aspects de leur culture comme Koffi qui vient de RDC et qui vit à Villeurbanne : « Oui, oui. Moi personnellement j'aime bien aller à l'église dirigée par… un Français, pour le dire clairement comme ça. Pas nécessairement un Français, dirigée par quelqu'un d'autre que de ma nationalité. Même pas par un Africain. Non! (tapant du point sur la table) Parce que l'Eglise là haut en Afrique ou quand un Congolais comme moi il est pasteur, il y a toujours les problèmes… inutiles. [Q: Ah bon ?] Et oui, c'est pas intéressant. / Q: Pourquoi ? Qu'est-ce qui change par rapport à… / R: La façon de…, de prêcher. Ils vont vous prêcher la… Moi je les appelle les commerçants. [rires] Ils vont vous dire: "Non, donnez-nous les offrandes, le Pasteur a besoin de la voiture". Moi-même je suis là j'ai besoin de la voiture, je vais l'acheter … la voiture au Pasteur, pourquoi ? Il n'a qu'à aller travailler ! Moi je cherche le travail; lui aussi n'a qu'à chercher le travail ! Maintenant moi je vais donner l'offrande pour que lui il s'achète la voiture ? Mais non, ça ne marche pas comme ça à l'église. Donc c'est pour ça j'ai dit: "les églises de nos frères, non non non", ils sont… Ils ne viennent pas pour prêcher la Parole. Ils sont des commerçants, c'est comme ça que je les qualifie. Et puis y a toujours des…, des… Si l'église est dirigée par… un compatriote, tu verras y a plein de…, de Congolais aller là-bas, et y a plein de conflits. / Q: Entre les… / R: Entre nous les Congolais. Parce que nous on aime les trucs futiles. "Tu as vu comment lui il est habillé ? Il est habillé en ceci.", "Non non non, moi je veux porter telles chaussures qui coutent 500€". Des trucs comme ça, ça

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ne mène nulle part. C'est pas intéressant. Mais… à l'église, quand le pasteur lui c'est un Français, lui il se contente de vous prêcher rien que la parole. Il ouvre la Bible, (inaudible) dès qu'on dit Amen c'est à midi, chacun sort, on se dit bonjour, et puis comme ici en France on aime bien manger à midi [rires], tout le monde rentre déjà à midi. Mais, avec nos…, nos compatriotes, vous commencez à 10h jusqu'à 16h, vous êtes encore à l'église. Non, ça c'est plus l'Eglise. [rires] Y a trop de conflits. C'est pour ça je préfère vivre comme ça, seul. Et je préfère me faire des relations… des français plutôt que des compatriotes. [Avec des français.] Oui. » Il existe cependant d'autre exemple où la religion et plus particulièrement le fait de se rendre à l'église et de pratiquer permet de rencontrer des gens.

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C. Objet d’expression culturelle Voici une différence d'utilisation d'un appartement T3, par un couple d'Arméniens réfugiés d'Azerbaïdjan, Sergueï et Nuné, l'entretien s'est déroulé en présence de leur fille Diana qui à réalisé un petit plan de leurs futurs appartements qu'ils n'avaient visité qu'une fois (elle vit quand à elle dans un autre appartement).

Diana : « Là les toilettes [Diana n’est pas sure pour la suite et regarde sa mère, Nuné : da,da,da, oui, oui, oui puis grande terrasse] à côté il y a un salon et là c’est une… [Nuné dit un mot en russe] Moi : Une terrasse Diana : Non une salle à manger, non, c’est comme ça [Nuné dit quelques mots en russe] c’est comme ça, les toilettes je pense qu’il est là [elle raye là où elle l’avait mis et le déplace] ça c’est euh le chambre, une porte, et on sorte de le chambre, on va comme ça et ça c’est le porte pour entrer dans le salon Moi : D’accord Diana : On entre dans le salon et dans le salon il y a aussi, il est pas trop, trop grand mais on peut sortir dans le salle à manger Moi : D’accord Diana : Là c’est le salle à manger [Nuné dit un mot en russe] et on peut sortir sur le terrasse [Sergueï dit quelque chose en russe] j’ai dit, [elle rit] il y a problème… [le dessin est un peu faux] Moi : Non, non, c’est bien et là, la cuisine, d’accord [elle rajoute le nom, sa mère dit quelque chose en russe] on était pendant cinq minutes on a vu une fois, une fois Moi : Et ça vous a plu ? Diana : Ah, et il y a un petit placard de rangement, là. [nous rions] Moi : D’accord Diana : Il est grand, 75 je pense mètres carré. » Ce qui apparaît dans cet exemple c'est que ce couple à besoin de vivre dans un T3, alors qu'un couple français vivrait dans un T2, parce qu'il a besoin d'avoir un

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salon et une salle à manger, c'est à dire on peu supposer de séparer l'action de manger avec celle de se poser dans un espace commun. Or le salon est petit parce qu'il a la taille d'une chambre c'est à dire, imaginons, entre 9 et 12 m2, alors que cet espace est adéquat à l'accueil d'un lit et d'un bureau, il devient plus restreint lorsqu'il s'agit d'y mettre un canapé et peut être une télé pour se réunir en famille. C'est un exemple assez concret d'une différence culturelle qui impact sur la disposition du logement. De même Diana précise que du salon l'on peu sortir dans la salle à manger, si l'on en revient à la disposition française c'est un fait assez rare car la chambre s'ouvrirait plutôt sur le couloir d'ordinaire pour préserver un espace de distribution entre l'espace nuit et l'espace jour. On remarque que sur le plan la cuisine est représentée assez petite, ceci expliquant un peu la nécessité d'avoir une salle à manger séparé, la cuisine ne serait donc qu'un endroit de préparation. Enfin la terrasse élément important pour certains français ne semble pas être très importante pour cette famille. Autre exemple, un couple d’Iranien, réfugiés depuis 2009 en France, ils vivent actuellement dans un logement à Villeurbanne, dans le quartier des Gratte Ciel. Ce couple est assez bien intégré, travaille et attende un enfant. On peut le citer comme un modèle de réussite dans l’intégration des réfugiés dans la société Française. Malgré tous ils conservent leurs racines, leur culture et mode de vie grâce au privée. En effet leur appartement est aménagé comme rarement on peut le voir en France, entièrement recouvert de moquette au sol, comme dans un grand nombre de maisons en Iran. De ce fait il faut se déchausser pour accéder à celui-ci. De plus la couleur qui prime sur leur intérieur est le vert. Vert est la couleur qui représente l’opposition en Iran, celle-ci est d’ailleurs interdite. Leur exil lié au politique explique cette prédominance. Enfin une grande table basse dans le salon sert de table de manger. Cela s’explique par le manque de place dans l’appartement mais aussi par le mode des repas. Concernant cela ils ont totalement conservé leur mode d’alimentation. Cet exemple nous montre bien l’importance du décalage entre le privée et le public, entre ce que l’on montre ou pas et ce qui est conservé de la terre d’origine.

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CONCLUSION Nous avons vu que l'insertion des demandeurs d'asile aujourd’hui en France est à contraster, c'est une étape plus ou moins périlleuse selon ses origines, sa langue et sa condition sociale avant l'asile. Ainsi il est plus commode de venir d'un milieu aisé, d'être éduqué avant de fuir. Tome 4, page 61, Omar Nouali 44 ans , père algérien, 3 enfants. «Je menais une vie royale ! J’étais cadre dans une grande entreprise, j’étais chef de service, parce j’étais un ingénieur en statistiques. J’étais chef de service des études statistiques dans une très grande société de communication et de publicité. Mon épouse elle était prof de maths. Je vous jure je me suis jamais imaginé qu’un jour je quitterais le pays et venir en France, refaire… Parce qu’à l’âge de 43 ans je vais refaire toute ma vie. C’est impossible. Je vais redémarrer à zéro ? Alors que, alors que j’ai fait mon chemin en Algérie c’était bon, je vais pas refaire toutes ma vie moi. D’accord. Mais vous avez l’impression du coup que si vous n’aviez pas eu cette motivation…. Ce capital intellectuel, qui vous permettez de bien parler français, la force d’aller frapper à toutes les portes, vous seriez encore à la rue ? » [ ... ] « Bon c’est que moi quand j’entends des gens dire « intégration » je rigole. Parce que moi j’ai pas à m’intégrer : je parle le français, je connais ce que c’est que la télé, je connais ce que c’est que l’électricité, … » Individus persécutés, les demandeurs d'asile arrivés sur le territoire français sont ceux qui ont eu les moyens et les opportunités de fuir. Ils sont favorisés. Le statut de réfugié est une situation envieuse et parfois difficile à accepter. Certains français sont méfiant face à ce statut méconnu. De plus les réfugiés se sentent privilégiés en percevant des aides que les autres immigrés n'ont pas. Tome 2, page 194, Abou Da Domingo, 47 ans Guinée. « ... Il est vrai que je suis dans une bonne situation ici par rapport aux autres guinéens, depuis que j’ai trouvé mon logement, que je peux travailler, je peux suivre les formations, je suis instruit, parce que chez moi j’étais cadre, j’étais cadre supérieur dans la boite où j’étais, et ici je me retrouve rien quoi. Mais bon, c’est normal ça, tu viens dans un pays où tu ne connais rien c’est normal ! Mais, depuis que ma situation a évolué, depuis que j’ai eu une maison, que j’ai eu les documents pour travailler et tout, je connais les démarches qu’il faut pour ?, pour la formation par exemple, j’ai fait les démarches, j’ai trouvé la formation. Mais bon manque de pot, je suis tombé malade, j’étais obligé d’arrêter la formation parce que… » Cependant l'intégration est un processus du temps et degré d’appropriation. Réfugié ou non, le logement reste un des principaux facteurs d'intégration dans la société. Même si les demandeurs d'asile sont déracinés, le logement est le point de départ d'une reconstruction Aujourd'hui des études sont réalisés pour améliorer l'architecture dans les maisons de retraites, les centres de soin, ... pour rechercher une amélioration des conditions

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de vie à travers l'habitat. Pourquoi n'y a-t-il pas de telles recherches pour les centres d'accueil de demandeurs d'asile ? En arrivant sur le territoire ils sont livrés à euxmêmes ou hébergés dans ces centres non appropriés. Du plus, imposer un seul choix de logement est difficile surtout pour les ressortissants habitués à de meilleures qualités de vie dans leur pays d'origine. Cependant de nombreux français vivent aussi dans des logements où l'état de salubrité est critiquable. Cette étude replace l'architecture à une échelle humaine, proche des gens et de leur quotidien qui influe sur leur intégration dans la société mais aussi sur leur capacité à se reconstruire après un traumatisme.

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BIBLIOGRAPHIE -

Corpus d’entretiens, situé en début de rapport. Corpus de textes mise en relation durant les cours L’anthropologie de l’espace, Paul Lévy & Ségaud. Sites internets de Forum Réfugié, du Gouvernement, du Ministère de l’Intérieur.

Lecture de deux thèses : - http://www.samdarra.fr/documents/Memvl-DB-10.pdf - http://doc.sciencespolyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyberdocs/MFE2008/flam ant_a/pdf/flamant_a.pdf

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REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier l’ensemble des personnes réfugiés qui nous on accorder du temps leur des entretiens. Nous admirons surtout la confiance qu’ils ont eu en nous pour nous confier leur histoire, souvent douloureuse à faire ressurgir. Nous tenons aussi à remercier l’ensemble du corps enseignants qui nous ont entouré lors de ce cours. Saluer tout particulièrement la démarche de cette expérience qui nous fit découvrir depuis le début, la singularité de ce rapport entre étudiant et réfugié, non seulement en tant que futur professionnel, mais aussi en tant que citoyen d’un pays historiquement d’accueil. Cette expérience nous aura permis de découvrir ce monde peut connut, afin d’appréhender dès aujourd’hui les enjeux politiques et spatiales d’un corps social trop longtemps laissé en marge. Enfin, nous remercions aussi tout particulièrement nos amis iraniens, rencontrés lors d’un entretien, pour nous livrer à chaque rencontre un espoir d’humanité. Témoignage touchant d’une expérience douloureuse que nous retrouvons dans leur livre : « J’ai dut fuir mon pays pour survivre ».

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