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Cyril Dion
interview
Propos recueillis par Zoé Van Reckem Photos © CAPA Studio, Bright Bright Bright, UGC Images, Orange Studio, France 2 Cinéma, 2021
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Cas d'espèce
Après le succès du film Demain, co-réalisé avec Mélanie Laurent et César du meilleur documentaire en 2016, Cyril Dion présente Animal. Cette fois, nous suivons deux adolescents engagés dans la cause environnementale aux quatre coins de la planète, et découvrons avec eux l'ampleur de la sixième extinction de masse. Le constat est accablant, certes, mais le film montre aussi des solutions. Au fil de rencontres, des activistes, scientifiques, personnalités politiques ou militants nous invitent à repenser notre relation au monde vivant. Entretien avec un réalisateur inspirant.
Bella et Vipulan rencontrent Jane Goodall
Comment Animal est-il né ? Tandis que je m’intéressais à la génération climat, aux ados qui manifestent dans la rue pour raconter leur histoire, Walter Bouvais (coauteur d'Animal) m'a proposé de réaliser un film sur la sixième extinction de masse, à partir de sa propre enquête. Ces deux envies se sont télescopées.
Pourquoi ce titre ? Il est volontairement ambigu, rappelant que nous sommes d'abord des animaux, même si nous refusons cette idée. Et c'est sûrement le cœur du problème. On questionne ainsi notre relation avec la faune, à la fois d'élevage et sauvage.
« NOUS SOMMES D'ABORD DES ANIMAUX. »
Pourquoi avoir choisi de mettre en scène deux adolescents ? Le film témoigne d'un nouvel élan, d’une mécanique de vie qu’on oppose à des dynamiques de mort comme le changement climatique. Et les ados symbolisent l'avenir.
Comment les avez-vous choisis ? Vipulan est un Français d’origine srilankaise. Il habite dans une HLM au sein d’un milieu très modeste. Bella est anglaise, blanche et issue d’une famille plutôt aisée de la banlieue de Londres. Elle a un rapport avec les animaux très spontané tandis que Vipulan les touche du bout des doigts. Ils forment donc un bon couple de cinéma car ils sont différents et complémentaires.
La guerre est déclarée contre le plastique à Bombay
Quelles étaient vos intentions avec ce documentaire ? Avant tout remonter à la source de cette crise écologique. Tout comme le philosophe Baptiste Morizot, on observe que les hommes ont longtemps considéré être la seule forme de vie intéressante sur Terre. Suivant
« NOUS N'EXISTONS PAS EN DEHORS DE LA NATURE. »
cette logique, la forêt, la montagne ou les insectes sont réduits à de la matière bête et méchante que nous pouvons exploiter. Mon but est de changer cette conception : non, nous n'existons pas en dehors de la nature et du monde vivant. Dès lors, il faut repenser toute la société. En somme, s'agit-il de mobiliser le public ? C'est toujours mon objectif. Je souhaite que mes films redonnent de l'énergie et de l’espoir. Certes, il y a des moments accablants dans Animal, mais on ne peut en rester là. Au début, le documentaire nous balance un gros coup de poing dans l'estomac. Puis la seconde partie focalise sur les solutions.
Quelles sont justement les pistes les plus prometteuses ? L'exemple du Costa Rica est saisissant. Ce pays a pris le parti de réensauvager une partie de son territoire, de reconstituer des forêts sur des pâturages en moins de 40 ans. Plus proche de nous, dans l’Eure,
Perrine et Charles Hervé-Gruyer, à la tête de la micro-ferme du Bec Hellouin, ont développé une exploitation et une méthode novatrice. Au lieu de recourir aux produits chimiques et aux machines, ils ont recréé un écosystème alliant rendement et biodiversité. Ainsi, ils ont fait réapparaître des oiseaux, des abeilles sauvages et des vers de terre dans les sols.
Est-ce la preuve que nous avons un rôle à jouer ? Cela montre que l'humain n'est pas forcément un agent destructeur mais qu'il peut enrichir le vivant. Nous restons des êtres fascinants en termes d'intelligence, de créativité, de capacité de coopération. Quand nous plaçons ces qualités au service de la nature, nous pouvons réaliser des choses exceptionnelles.
Comment avez-vous choisi les intervenants ? On a retenu des gens avec des histoires à raconter pour créer une relation forte avec Bella et Vipulan. La journaliste et documentariste Claire Nouvian a par exemple réussi à faire interdire la pêche en eau profonde et la pêche électrique. L’avocat Afroz Shah a lui ramassé 12 000 tonnes de plastique sur les plages de Bombay. C'est magistral !
« L'ÊTRE HUMAIN PEUT ENRICHIR LE VIVANT. »
Plus qu'un "simple" documentaire, Animal est aussi très cinématographique, n’est-ce pas ? Oui, le but était de réaliser un film avec des personnages, une histoire susceptible de nous bouleverser. Étymologiquement, l'émotion est ce qui nous met en mouvement. À la fin de la projection, j’espère que les gens ne regarderont plus le monde de la même manière.
ANIMAL Documentaire de Cyril Dion. Sortie le 01.12
À LIRE / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com
THE CARD COUNTER
Cartes sur table
Toujours en colère, Paul Schrader ? Il faut croire. Avec sa nouvelle fable sur la culpabilité et la rédemption, le scénariste de Taxi Driver nous immerge dans le monde clinquant des casinos pour mieux raviver les images traumatiques de l'histoire récente. The Card Counter a la pureté d'un diamant – et son tranchant. D'un motel à l'autre, William Tell (Oscar Isaac) s'adonne au même étrange rituel. Il recouvre chaque meuble d'un drap blanc, en une installation qui évoquerait Christo si elle n'était surtout le symptôme de son besoin maladif de contrôle. Emprisonné durant près de dix ans pour avoir torturé des prisonniers irakiens à Abou Ghraib, il en a tiré une ascèse qui confine à l'effacement de soi. S'il maîtrise la science du poker, il ne l'applique que dans des casinos de seconde zone. William est le contraire d'un flambeur. Il ne se soumet à la tentation que pour mieux se retenir. Lorsqu'il croise par hasard son ancien supérieur hiérarchique (le diabolique Willem Dafoe) et le fils d'un autre soldat condamné, l'équilibre se rompt...
Derrière l'image
Marqué à vie par Pickpocket (1959) de Robert Bresson, Schrader en reprend l'ultime séquence, faisant de sa réplique finale un principe esthétique : « Pour aller jusqu'à toi, quel drôle de chemin il m'a fallu prendre ». Moral, cet itinéraire est aussi l'occasion d'une réflexion sur les images les plus obscènes. Comme pour la pornographie dans Hardcore (1979), Schrader envisage le cinéma tel un miroir avant d'entrevoir un retour en grâce. Quelques mois après l'enterrement en grandes pompes de Colin Powell, dont les mensonges avaient contribué à l'invasion de l'Irak, cette mauvaise conscience apparaît dans toute sa nécessité. Raphaël Nieuwjaer
De Paul Schrader, avec Oscar Isaac, Tye Sheridan, Tiffany Haddish, Willem Dafoe... Sortie le 29.12
LES CHOSES HUMAINES
© Jérôme Prébois / © 2021 Curiosa Films – Gaumont
Affaires sensibles
Avec Les Choses humaines, Yvan Attal signe un thriller d’une grande acuité sur les rapports entre femmes et hommes, à l’heure du mouvement #MeToo. En tête d'affiche son fils, Ben Attal, endosse avec conviction le rôle profond, complexe, d’un jeune homme accusé de viol. Un film puissant et nécessaire.
Après Mon chien stupide adapté du livre de John Fante, Yvan Attal porte à l'écran le roman de Karine Tuil, Les Choses humaines, récompensé en 2019 par le prix Interallié et le Goncourt des lycéens. Dans cette histoire, Alexandre est accusé d’avoir violé une jeune femme. Est-il coupable ou innocent ? Est-elle victime ou animée par un désir de vengeance, comme l’affirme l’accusé ? Les jeunes protagonistes et leurs proches voient leur vie et leurs certitudes voler en éclat mais… n’y a-t-il qu’une seule vérité ? À rebours de certains médias populistes et de la pensée binaire s’exprimant sur les réseaux sociaux, Yvan Attal se garde bien de tout manichéisme. Son film interroge notre époque, le consentement, les rapports de classes ou la domination masculine. Écrit et réalisé au cordeau, interprété par une distribution cinq étoiles (dont les deux révélations Ben Attal et Suzanne Jouannet), ce septième long-métrage n’a pas à rougir de la comparaison avec certains grands films de procès du cinéma américain des années 1970. Attal maintient la tension durant plus de deux heures, plaçant ainsi les spectateurs dans la position inconfortable de jurés. Quel verdict rendrons-nous ? Telle est la vertigineuse question. Grégory Marouzé
LA PANTHÈRE DES NEIGES
Admiratif du photographe Vincent Munier, Sylvain Tesson accepta de le suivre sur les hauts plateaux tibétains, dans sa quête de la panthère des neiges. Aujourd’hui, nous découvrons au cinéma ce voyage, qui inspira à l’écrivain son récit La Panthère des neiges (prix Renaudot 2019). Le documentaire retrace l’attente nécessaire à l'observation des bêtes, leurs rencontres avec de jeunes Tibétains, leurs réflexions sur notre place parmi les êtres vivants, le rêve des deux hommes d’entrevoir le fameux fauve. De ces scènes naît un film poétique, hypnotique – la voix off de Tesson n’y est pas étrangère. Les images de la faune nous réchauffent le cœur et nous glacent le sang, quand on songe aux beautés du monde que l'humanité anéantit. Grégory Marouzé
Documentaire de Marie Amiguet et Vincent Munier, avec Vincent Munier et Sylvain Tesson. Sortie le 15.12
Eric Travers © Radar Films - Solar Entertainement ma -Alpes Cin é ô ne - Gaumont - Auvergne-Rh
MYSTÈRE
Présenté avec succès lors du dernier Arras Film Festival, Mystère nous plonge au cœur des montagnes du Cantal. Stéphane (Vincent Elbaz) y emménage pour renouer avec sa fille Victoria (Shanna Keil, belle révélation), mutique depuis la disparition de sa mère. Lors d'une balade en forêt, un berger confie à la fillette un chiot nommé Mystère, qui va lui redonner goût à la vie. L’animal s’avère être en réalité un loup... Ce film d’aventure pour tous les publics a le bon goût d’éviter le manichéisme. Si Denis Imbert prend clairement le parti des loups, il n’omet pas la situation difficile des éleveurs, dont les bêtes sont décimées. Filmée délicatement dans des décors naturels somptueux, voici une proposition de cinéma idéale pour ces fêtes de fin d’année.
Grégory Marouzé
De Denis Imbert, avec Vincent Elbaz, Shanna Keil, Marie Gillain… Sortie le 15.12
CINÉCONCERTS
En avant la musique !
Le cinéma autant que les concerts suscite de vives émotions. En associant les deux, on double la mise ! À l'exception d'Alex Vizorek, bien présent en chair et en os, notre sélection soigne les yeux (grands écrans, images 4K...) et les oreilles. En effet, de véritables orchestres réveillent ici des mélodies qui font partie de l'imaginaire collectif…
Thibaut Allemand
HARRY POTTER
Le quai 9 3/4, Poudlard, les Maisons Gryffondor, Serpentard et cie… On ne va pas vous refaire l'histoire ici. Harry Potter, c'est peut-être le dernier grand roman transgénérationnel. En voici sa fameuse adaptation par Chris Colombus. La célèbre partition, signée John "à peu près tous les classiques du divertissement américain" Williams est ici jouée par le Yellow Socks Orchestra, spécialisé depuis 2017 dans l'exécution live de musiques de films. Un ciné-concert mené à la baguette, forcément.
© Pascal Aimar, Tendance Floue © Dom-Loup Pichon
LE CARNAVAL DES ANIMAUX
Si cette composition ne vous dit rien, un tuyau : l'un des titres est utilisé comme générique officiel du Festival de Cannes. Voilà, vous situez mieux, non ? Ici Alex Vizorek (qui n'a jamais reçu la moindre palme, tiens) nous mène dans ce bal masqué imaginé par Camille Saint-Saëns en 1886. À la manière d'un Francis Blanche, le Belge a écrit de courts textes humoristiques pour introduire les différentes pièces de cette oeuvre instrumentale. Coutumier de l'exercice, l'animateur de Par Jupiter ! avait joué le récitant pour Pierre et Le Loup et, avec l'ONL, pour Carmen de Bizet. Il insuffle poésie et humour à destination de chacun, à tous âges.
Lille, 11.12, Nouveau Siècle, 16h, 14 > 6€ www.onlille.com
LES MYSTÉRIEUSES CITÉS D'OR
Simon Fache, virtuose détendu à dégaine de savant fou, avait déjà collaboré avec l'ONL (son formidable Pianistologie version symphonique). Cette fois-ci, l'érudit vulgarise son savoir avec humour en s’associant au vidéaste et amoureux des synthés vintage Nicolas Foulon. Le duo s'attaque à un morceau de bravoure que les quadras comme les plus jeunes connaissent : Les Mystérieuses cités d'or. Franchement, redécouvrir Esteban, Zia, Tao et Mendosa sur grand écran avec l'orchestre, ça vaut tout l'or du monde, non ?
Lille, 22.12, Théâtre Sébastopol, 16h & 20h 24 / 17€, www.theatre-sebastopol.fr
STAR TREK
Téléportons-nous immédiatement au 2 janvier prochain. Ici, ce n'est pas un film, mais des extraits de la série et des différents longs-métrages (13 en tout, tu entends, George Lucas ?!). Exercice de ciné-concert oblige, on en prend plein la vue (écran de douze mètres de large) et les oreilles, puisque sont jouées live les thèmes majeurs d'une fameuse saga qui tentait de conjuguer avec plus ou moins de succès science-fiction, considérations philosophiques et combinaisons lycra.