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CHRONIQUES

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Laélia Véron

Laélia Véron

Karrie Fransman et Jonathan Plackett Le Bel au bois dormant

(Stock)

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Des frères Grimm à Andersen, en passant par Disney, les contes pour enfants tricotent depuis des siècles un imaginaire empli de belles princesses en détresse, de preux chevaliers et de vilaines sorcières. Et si les filles avaient la hardiesse de grimper au sommet des haricots magiques, et les garçons la peau si douce qu’un petit pois dissimulé sous vingt matelas y laisserait des marques ? Le procédé des Britanniques Karrie Fransman et Jonathan Plackett aurait pu être anecdotique, d’autant que ce recueil illustré, inspiré des histoires d’Andrew Lang (le Charles Perrault anglais) a été écrit à l’aide d’un algorithme intervertissant les marqueurs de genre. Il n’en est rien, et l’on est frappé de voir combien les néologismes inventés par les traductrices ("un reinaume"), les renversements de stéréotypes (« elle se rappela que la peur n’est pas digne d’une femme ») ou une inversion dans un titre (Gretel et Hansel) bousculent les représentations patriarcales. Comme l’écrit Marie Darrieussecq dans la préface, on apprend très jeune que « le masculin l’emporte sur le féminin ». Pas dans ce beau livre, à offrir sourire en coin à un oncle en guerre contre le "wokisme" ou à une filleule féministe. 192 p., 20,90€. Marine Durand

Riad Sattouf Le Jeune acteur - tome 1. Aventures de Vincent

Lacoste au cinéma (Les Livres du futur)

Repéré à 14 ans lors d’un casting sauvage, Vincent Lacoste fut révélé dans Les Beaux gosses, en 2008, le premier film de Riad Sattouf alors en quête de comédiens "moches" « comme dans la vie, avec des têtes bizarres ». Le cinéaste-dessinateur devient alors un pygmalion bienveillant pour le jeune Parisien (comme François Truffaut pour Jean-Pierre Léaud), lequel n’avait jamais espéré devenir acteur mais se prend vite au jeu du « babtou du ciné ». C’est cette histoire, tenant autant du conte de fées moderne que de l’aventure potache, qui est racontée ici. De ses premiers pas de collégien timide et gaffeur (pléonasme) dans le septième art, le double lauréat du Fauve d’or tire un portrait croisé franchement drôle, et pas dénué d’émotion. Vivement la suite ! 140 p., 21,50€. Julien Damien

Christian Berst & Oriol Malet Un Monde d’art brut (Delcourt)

C’est quoi l’art brut ? Bonne question, à laquelle répond la conversation animée, dans un musée, de quatre personnages : une jeune étudiante néophyte et les spectres de Hans Prinzhorn (psychiatre du début du xxe siècle et collectionneur), de Jean Dubuffet (créateur du terme "Art brut") et de Harald Szeemann, historien de l’art qui fit entrer le genre dans les musées d’art contemporain. À travers les biographies de six artistes (Henry Darger, Adolf Wölfli, Madge Gill, Mary T. Smith…), le galeriste parisien C. Berst et le dessinateur espagnol O. Malet esquissent les contours d’une catégorie mouvante et sujette à caution. Dans la forme, cet ouvrage rappelle la BD Enferme-moi si tu peux (2019) de Pandolfo et Risbjerg. Un complément

idéal, donc. 120 p., 17,95€. Thibaut Allemand L’Enfer numérique. Voyage au

bout d’un like (Les liens qui libèrent)

Attention, lapalissade : le Web fait désormais partie intégrante de nos vies. Concrètement ? Nous likons, scrollons, streamons, téléchargeons. What’sApp, Tweeter, Instagram et autres applis constituent un décor dématérialisé. Donc écologique ? Pas du tout : pour ce faire, de gigantesques datacenters ruinent la Laponie. D’immenses câbles envahissent le fond des océans. On éventre la Chine ou la Guyane à la recherche de graphite et autres métaux rares indispensables à la construction de smartphones. Dans cette redoutable enquête, G. Pitron passe en revue les dégâts de ce monde 2.0. Et propose peu de solutions. Certes, ce n’est pas son rôle. L’état des lieux n’en est que plus désespérant. La lecture en reste néanmoins indispensable.

352 p., 21€. Thibaut Allemand

Lelo Jimmy Batista Nicolas Cage, envers et contre tout (Capricci)

Nicolas Cage, franchement ? Mais c’est juste un abruti brindezingue, non ? La vérité est évidemment plus complexe : cet acteur inclassable a quand même tourné avec De Palma, Lynch, Scorsese, Herzog, Scott, Niccol et, bien sûr, son oncle F. F. Coppola. Son jeu est souvent outrancier mais Cage cherche. Essaie. Tente. Quitte à se planter. C’est ce que conte ici Lelo Jimmy Batista, conjuguant biographie et étude esthétique de son objet. Un regret : il n’a pas accès à des infos de première main. Restent un sens du rythme, de la formule, une manière de mettre en scène (voire d’inventer ?) son sujet qui forcent le respect. Ce court ouvrage achevé, une seule envie : redécouvrir et, parfois, réévaluer la filmographie complète de ce comédien (véritablement) unique. 128 p., 11,50€. Thibaut Allemand livres – 53

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