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MUSIQUE
ARLO PARKS
La délicatesse
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« Vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie », lança Paul Nizan. N'empêche, on peut faire de belles choses, à vingt ans. Prenez Arlo Parks. La Londonienne, étudiante en littérature il n'y a pas si longtemps, a mis sa solitude en musique le temps de quelques EP hautement prometteurs. Et n'a depuis jamais déçu.
La vingtaine à peine entamée, la voici en pleine lumière, voire effondrée dans les rayons du soleil, pour reprendre le titre de son premier album (Collapsed in Sunbeams, formule empruntée à l'autrice britannique Zadie Smith). Parues en début d'année, ces chansons nous auront accompagnés ces derniers mois. On y retrouve des thèmes en vogue à l'heure actuelle : la dépression post-adolescente, le trouble du genre, la solitude ou l'euphorie passagère – de tristes topiques chers à une certaine Billie Eilish, qui a d’ailleurs encensé les travaux d'Arlo Parks.
Soul à facettes
En fait, ce sont avant tout les humeurs ressenties par à peu près toute personne sensée, à un moment ou l'autre de sa vie. De plus, la Londonienne oublie souvent son nombril pour mieux observer et croquer ses contemporains, à la façon d'un Ray Davies ou d'un Jarvis Cocker – qualité britannique, toujours. La mise en son, elle, pioche dans une soul de poche : pas de grandes envolées, mais un doux crooning et des instrus pop moderne, devant autant au folk qu'au trip-hop ou à la soul orchestrale. Sur scène l'Anglaise, parfaitement francophone, envoûte en douceur. Jamais pétrifiée par l'enjeu ni dupe de la situation, Arlo Parks fait preuve d'une présence discrète, comme pour laisser toute la place aux chansons – ça tombe bien, c'est pour elles que nous sommes là. Thibaut Allemand
Tourcoing, 06.12, Le Grand Mix, complet ! Bruxelles, 12.12, Botanique, complet !
BARBARA CARLOTTI
© François Fleury
La possibilité d’une île
6 En une quinzaine d'années et une poignée d'albums, Barbara Carlotti est devenue une figure du paysage musical hexagonal. Aujourd'hui, la native de Clamart opère un retour aux racines familiales. Oh, rien de rance (l'air du temps suinte assez comme ça) mais plutôt une douce nostalgie et l'envie de redonner vie à des airs de l'enfance, en l’occurrence ceux venus du cœur de la Méditerranée, en Corse. Autour d'elle quelques figures du label Tricatel : le patron Burgalat à la basse, des membres d'Aquaserge (Julien Gasc, Barbagallo). On y retrouve donc, réarrangées, des chansons popularisées par Charles Rocchi ou Tino Rossi. Pour les nombreux insulaires, cela peut être un réconfort, des canistrelli de Proust. Pour les autres, un chouïa plus nombreux, l'occasion d'exploser ses préjugés sur la musique de l'île de Beauté. Mais pas seulement : évitant le catalogue, Carlotti reprend des titres inspirés par les lieux, telle La Ballade de chez Tao de Jacques Higelin (pas Corse pour un sou, non, mais marqué par l'endroit). Il s'agit donc, ici, de passage : de témoin, de passion, de flambeau. Nul doute que du sud au nord, de Bonifacio à Tourcoing en passant par Bruxelles, la flamme
brûle encore. Thibaut Allemand
THE BLACK LIPS
© Dani Pujalte
Chaos debout
Fonder un groupe au sortir de l'adolescence pour fuir le monde. Ou l'affronter. Finir par en arpenter tous les états (seconds). Approcher la quarantaine, avec dans sa besace quelques merveilles absolues, des souvenirs embrumés sans doute et, a priori, guère d'autre choix que celui de continuer. Telle est l'histoire de The Black Lips. Pas la pire que l'on ait entendue.
« On tourne environ six mois par an. Et quand je rentre, je suis maçon, je fais la plonge, nous avait un jour confié Jared Swilley, le bassiste. Sans les Black Lips, je n’ai aucune idée de ce que j’aurais fait : sans doute les mêmes jobs, mais à longueur d’année ! » Les ex-sales gosses d'Atlanta ont écumé tout ce que la planète compte de bouges, de squats et de salles vaguement légales avant de se faire un nom à peu près "bankable" comme on dit. Leur garage rock n'en est pas moins resté affreux, sale et joyeux. Alors, bien sûr, cela tourne parfois à la formule : les invasions de scène lors de l'hymne Bad Kids, par exemple. N'empêche, par-delà le bordel savamment organisé, nous avons affaire à d'authentiques songwriters, nourris aux Sonics, aux Stones et aux Kingsmen, mais aussi à GG Allin (les outrances scéniques) et, surtout, à une certaine idée du rock américain – en témoigne leur dernier LP, franchement recommandable et largement éclaboussé de country. Il y a quelque chose de revigorant ici. Cette bande a survécu à tout et donne l'impression de continuer avec grand plaisir. Pouvez-vous en dire autant ? Thibaut Allemand
re - Studio Z ô mp à &Zitü © Oihan Bri è
FRÀNÇOIS & THE ATLAS MOUNTAINS
Valeur sûre de la pop hexagonale depuis près de 15 ans, François Marry poursuit sa route loin des effets de mode et de manche. En témoigne ce septième album, Banane bleue, sorti en plein confinement sans tambours ni trompettes. Le Charentais s'est octroyé une traversée nomade de l'Europe, de Berlin à Athènes, sans les Atlas Mountains mais accompagné du producteur finlandais Jaakko Eino Kalevi. En résultent des ballades faussement légères, de petits hymnes à la douceur de vivre salutaires en cette période sinistre. Cette pop intimiste s'apprécie d'autant plus dans une salle à taille humaine comme celle des 4Ecluses. J.D.
Dunkerque, 10.12, les 4Ecluses, 20h, 13/10€, 4ecluses.com
TIM DUP
Ne vous fiez pas aux apparences. Derrière ce visage poupin et cette voix fragile se cache un artiste accompli. Salué de toutes parts dès son premier album (Mélancolie heureuse), Timothée Duperray mêle electro et instruments acoustiques, regardant vers l’avenir sans occulter le passé. Son troisième opus, Course folle, est paru cet été. Traversées de soirées et d'apéros entre copains, ces chansons solaires tombent à pic pour réchauffer notre hiver. Z.V.
Bruxelles, 09.12, W:Hall, 20h30, 25>22€, whall.be Beauvais, 10.12, L'Ouvre-Boîte, 20h30, 18/10€, asca-asso.com Tourcoing, 16.12, Le Grand Mix, 20h, 17>6€, legrandmix.com
THE JESUS AND MARY CHAIN
© DR
L'art sans larsen
Près de 40 ans après des débuts assourdissants, The Jesus and Mary Chain sont rentrés dans le rang et se prêtent, comme d'autres notables rock, à l'exercice du concert reprenant un album de A à Z. Les deux frères l'avaient déjà fait avec Psychocandy. Pour ne pas faire de jaloux, son successeur a droit, lui aussi, à son rhabillage sur les planches.
1985 : les Ecossais réussissent un grand écart improbable, mariant dans une même déflagration l’attitude du Velvet Underground au "Wall of Sound" de Phil Spector, les mélodies des Beach Boys au boucan des Stooges, les airs des Crystals à la radicalité de Suicide. En ce sens, Psychocandy est un monolithe noir, un truc indépassable qui traumatisera plusieurs générations. Comment se relever d'un tel exploit ? Ingérables, trop occupés à se taper dessus, à donner des concerts qui tournent en émeutes et à goûter à toutes les joyeusetés qui leur passent sous le nez, les frères Reid n'ont pas de réponse. Finalement, la solution s'imposera : tout débrancher. Ne plus planquer des mélodies géniales derrière le larsen. Assumer ses talents de songwriter. Le résultat, Darklands, constitue le pendant apaisé de Psychocandy. Étienne Daho, ébahi, s'en inspirera grandement – réécoutez Happy When It Rains puis Bleu comme toi. Ce concert est donc l'occasion de réentendre, outre April Skies, les plus rares Fall, Nine Million Rainy Days et ses chœurs stoniens ou Deep One Perfect Morning… En somme, Darklands est le dernier chef d’œuvre de JAMC. Les suivants ne seront "que" de grands disques. Thibaut Allemand
ZWANGERE GUY
© Ramy Moharam Fouad
L’école du micro flamand
Zwangere Guy est l’âme néerlandophone d’un rap bruxellois qui s’exporte déjà largement en langue française. Là où ses compatriotes véhiculent plutôt l’esprit frivole de la capitale belge, lui en porte la grisaille et la conscience sociale des quartiers, bien loin des vendeurs de chocolat.
2017 fut l’année de l’explosion de Gorik van Oudheusden alias Zwangere Guy ("Guy enceinte"). Son premier album paru, le natif de la commune bilingue de Ganshoren remplit rapidement le VK, temple des musiques de la voisine Molenbeek. La même année, des émeutes éclatent en plein cœur de Bruxelles et notre homme est propulsé émissaire de la rue à la télévision aux côtés du ministre de la Justice. Son expertise dans le domaine, il l’a puisée dans les logements sociaux des quartiers ouest de Bruxelles, à l’opposé de l’avenue Louise et de son opulence. Il y a aussi trouvé l’inspiration pour un rap sombre et frondeur qui contraste avec une certaine nonchalance de la scène francophone menée par Roméo Elvis. Dans le même temps, il figure néanmoins à l’affiche du plateau "Bruxelles Arrive" du festival de Dour, qui scelle l’avènement des lyricistes belges. Avec Zwangere Guy, le plat pays complète son excellence en matière de hip-hop. Ainsi, ZG s’exprime en flamand, glisse des rimes et des featurings francophones et fait plus pour l’unité du royaume que dix ans de volontarisme politique. La rime paye : le ket se produit partout à guichets fermés. Son idiome natal lui permettra-t-il de conquérir la France ? Mathieu Dauchy
MICHEL JONASZ
© DR
Les mots blues
6 Joueurs de blues, Je voulais te dire que je t'attends, La Boîte de jazz, Lucille... On ne compte plus les tubes de Michel Jonasz, dont le phrasé plaintif, inimitable, a trusté les ondes durant cinq décennies. Révélé en 1974 avec son "blues des cités" et le morceau Super Nana, "Mister Swing" a creusé un sillon à part dans l'Hexagone, mariant pop, jazz et chanson française, mélancolie et sens du groove – un peu à la façon d'un Claude Nougaro. Après huit ans d'absence, celui qui se rêvait d'abord peintre défend lors de cette tournée (intitulée Groove !) un 17e album, La Méouge, le Rhône, la Durance. Accompagné par quelques fidèles, dont Manu Katché à la batterie, le jeune septuagénaire parvient une nouvelle fois à se réinventer en injectant de la bossa nova dans son jeu (le titre Nuits tropicales). L'année prochaine, on le retrouvera aussi en duo avec son vieux complice Jean-Yves d'Angelo, lors d'une formule piano-voix plus intimiste, mais pas moins généreuse. J.D.
GROOVE ! Roubaix, 30.11, Le Colisée, 20h30, 60 > 15€, www.coliseeroubaix.com Lille, 16.12, Théâtre Sébastopol, 20h30, 63 > 47€, www.theatre-sebastopol.fr
PIANO-VOIX La Louvière, 18.01.2022, Le Théâtre, 20h, 33/30€, www.cestcentral.be Le Touquet-Paris-Plage, 17.02.2022, Palais des Congrès, 20h, 44 > 36€, www.letouquet.com Mons, 04.03.2022, Théâtre Royal, 20h, 49 > 35€, surmars.be
© Valerian
ARNAUD REBOTINI
Sans revenir sur l'étendue de la carrière du colosse moustachu, on distingue plusieurs périodes : la recherche musicale tous azimuts des 90's, au sein de Zend Avesta ou dans l'ombre de Denez Prigent. Les années acid techno ensuite, avec Ivan Smagghe et l'alias Black Strobe. Sous son nom, depuis 2008, le Parisien s'est plongé dans l'analogique et, parallèlement, a signé une poignée de BO house et marquantes : Eastern Boys, Le Vent tourne, Curiosa… et donc la césarisée 120 Battements par minute, rejouée à Béthune en compagnie des sept instrumentistes du Don Van Club (violoncelle, violon, flûte, harpe…) dans une relecture orchestrale. T.A.
AVEC LE DON VAN CLUB : Béthune, 18.12, Théâtre municipal, 20h30, 22 > 11€, theatre-bethune.fr Mons, 22.01.2022, maison Folie, 20h, 20 > 15€, surmars.be
STEREO MC'S
Pionnier de carambolages fantastiques entre hip-hop, electronica, acid-jazz et house au milieu des années 1980, Stereo MC's régna en maître discret sur les nineties. Près de trente ans après, on pourrait s'interroger sur sa pertinence. Mais les faits sont là : ses hymnes (Connected, Step It Up, Deep Down & Dirty…) tiennent toujours la corde. En attendant des nouvelles d'EMF, au hasard, on n'est pas mécontents de retrouver ces Anglais gouailleurs ! T.A.
Bruxelles, 05.01.2022, Ancienne Belgique 20h, 28 / 27€, www.abconcerts.be