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De la production à la borne

Comment est déterminé le prix de la recharge à une borne ? Pourquoi existe-t-il une telle différence entre les tarifs des bornes ? Existe-t-il un tarif officiel pour la recharge comme il en existe un pour les carburants ? Notre expert, Bart Massin, Managing Director de Stroohm fait le point.

par Bart Massin (Stroohm)

»Pour comprendre comment sont fixés les tarifs de l’électricité, il convient d’abord d’appréhender le marché des énergies dans le monde et son fonctionnement.

Contexte Marché de gros

Tout comme pour nombre d’autres produits du quotidien, il existe différents marchés pour l’achat et la vente d’électricité sur lesquels sont déterminés les prix fluctuants. Afin de couvrir vos besoins (baseload) dans le futur, vous pouvez acheter de l’énergie sur ENDEX. Pour les marchés à court-terme, le BELPEX permet d’acheter de l’électricité sur base horaire. Et puis, il existe aussi le marché des déséquilibres sur une base trimestrielle pour ajuster la production et la consommation d’électricité. Vous l’aurez compris, c’est un domaine assez complexe…

Tarification au coût marginal

Dans le secteur de l’énergie, le coût de l’électricité n’est pas fixé librement par les producteurs. Il s’agit d’un marché hautement réglementé dans lequel les régulateurs imposent que le prix de vente de l’élec- tricité soit généralement déterminé par le coût marginal de la centrale (combustible, exploitation et maintenance), sans tenir compte des coûts fixes (investissement et coûts fixes d’exploitation et de maintenance).

Pour les énergies renouvelables (solaire, éolienne, etc.) qui ne nécessitent pas de combustibles - à l’exception de la biomasse -, cela signifie que le coût marginal est uniquement constitué par l’entretien et l’exploitation.

Pour les autres technologies, le prix de l’électricité est principalement déterminé par le coût du combustible (le prix du charbon, de la biomasse ou du gaz naturel) et, le cas échéant, le coût des droits d’émission, comme les émissions de CO2 par exemple. Les producteurs sont donc obligés de proposer leur électricité au coût de production, sans pouvoir inclure leurs coûts fixes.

Le ‘Merit order’

Le graphique ci-dessous (source: Febeg) illustre clairement à quel point le coût de l’électricité dépend de la technologie qui est utilisée pour la produire.

Coût de l’électricité selon la technologie de production

Le prix de revient, exprimé en euros par mégawattheure produit, est classé du plus bas au plus haut et forme ainsi le ‘merit order’ - ou courbe d’offre de l’électricité. Chaque barre du graphique représente une technologie particulière. La hauteur de chaque barre indique le coût, la largeur la capacité disponible. Comme vous pouvez le constater, si l’énergie éolienne et l’énergie nucléaire produisent de l’électricité à un coût relativement faible, l’électricité produite par les centrales au gaz et au charbon (il n’y a plus de centrales au charbon en Belgique, ndlr) est plus chère.

Cependant, notre consommation d’électricité, et donc la demande d’électricité, qui est représentée par la courbe de demande sur le graphique, varie fortement. Si la demande augmente (par exemple, tôt le matin, lorsque nous nous levons et que les processus industriels démarrent), la courbe de la demande sur le graphique se déplace davantage vers la droite. Si elle diminue (par exemple, la nuit), elle se déplace à nouveau vers la gauche. Ainsi, chaque heure, nous avons un prix différent pour l’offre et la demande.

Toutes les parties qui fournissent de l’électricité obtiennent le même prix. La plupart du temps, le prix de l’électricité est déterminé par les centrales à gaz (CCGT). Les fournisseurs ne récupèrent donc presque jamais leurs coûts d’investissement, sauf si les centrales à gaz à cycle ouvert et les turboréacteurs sont utilisés en période de pointe. Ainsi, les unités de gauche du graphique gagnent plus que leur coût marginal pour récupérer leur investissement. Autre fait intéressant : le maintien des unités nucléaires ouvertes n’a pratiquement aucun effet sur le prix de l’électricité, puisque les centrales à gaz sont en grande partie responsables de la fixation des prix de l’électricité. De toute façon, l’augmentation du prix du gaz déterminera en grande partie le coût de l’électricité.

Comment est déterminé le tarif de la consommation d’électricité ?

Le tarif d’électricité pour le consommateur final se compose de plusieurs éléments, à savoir :

• Le prix de l’électricité en elle-même, basé sur le prix d’échange par le ‘merit order’ (offre et demande) ;

• Le coût du transport (Elia) ;

• Le coût de la distribution (Fluvius, Nethys, Ores, Sibelga) ;

• Les impôts et taxes ;

• La TVA.

La CREG publie les tarifs moyens par région à la fin de chaque mois. Il s’agit à la fois des tarifs les plus chers avec services et des tarifs les moins chers avec une assistance internet limitée.

Il est aussi possible d’acheter son électricité à l’avance à un prix fixe plus élevé ou à un prix variable qui n’est connu qu’à la fin de chaque mois parce qu’il est basé sur les cours quotidiens de la bourse du mois écoulé.

Les tarifs de l’énergie pour les consommateurs résidentiels sont très réglementés et se trouvent donc dans les fiches produits fixes qui ont été soumises à la CREG pour validation. Les entreprises, cependant, ne relèvent pas de cette approche réglementée et concluent directement leur contrat avec les fournisseurs d’énergie sans que ces tarifs soient accessibles au public. Des systèmes plus complexes sont également souvent utilisés, dans lesquels l’énergie est bloquée pour plusieurs années à l’avance. Les gros clients paient généralement moins cher leur électricité notamment parce qu’ils ne paient pas une partie des tarifs de distribution de la basse tension via une cabine de moyenne tension.

Prix de la recharge selon le type d’infrastructure

A chaque type de borne son tarif

Tarifs de la recharge publique

Maintenant que nous connaissons la structure du coût de l’électricité, nous savons que l’électricité est une partie importante du tarif d’une borne de charge. Il y a quelques coûts supplémentaires qui déterminent le prix final :

• Coût d’investissement de la borne et de son installation ;

• Entretien de la borne et réparation en cas de vandalisme ;

• Le système de gestion pour pouvoir communiquer avec la borne et rendre possible les contrôles et updates à distance ;

• La possibilité de facturer les transactions via le badge de l’utilisateur ;

• Les frais éventuels au propriétaire pour l’utilisation de l’emplacement.

Ainsi, il y a toute une série de coûts qui doivent être ajoutés au coût de l’électricité afin de les récupérer auprès des utilisateurs.

Infrastructure de recharge AC

D’une part, il y a des bornes de recharge publiques dans les zones résidentielles, d’une capacité allant jusqu’à 22 kW, qui ne nécessitent qu’un coût d’installation matériel assez limité (entre 4.000 et 5.000€). Les opérateurs de réseau ont été chargés de lancer des appels d’offres pour l’installation de cette infrastructure de recharge publique, et aujourd’hui, nous voyons également de plus en plus de villes - et communes - prendre l’initiative de faire installer des bornes de recharge via un modèle de concession.

En raison du coût d’investissement limité, les tarifs légèrement plus élevés que le modèle résidentiel, autour de 0,4 à 0,5 €/kWh. Cependant, il y a eu, dans le passé, plusieurs appels d’offres auprès de fournisseurs de bornes afin qu’ils proposent un tarif énergétique fixe. Certains ont proposé un tarif très compétitif, comme à Anvers, Bruxelles et Gand, où le tarif est de 0,25 €/kWh (TotalEnergies).

La plupart des bornes de recharge sont exploitées par Allego, qui applique un tarif de 0,39 €/kWh.

Infrastructure de recharge DC

Les infrastructures de recharge rapide sont d’un tout autre ordre de grandeur en termes d’investissement. Elles ne fournissent pas 22 kW mais vont de 150 à 350 kW et chargent votre voiture à 80 % en moins d’une demi-heure. Cela nécessite des investissements de 50.000 à 150.000 euros par borne de recharge rapide. L’électricité fournie provient d’une cabine de moyenne tension et nécessite donc des investissements plus importants, qui sont en partie réduits par les coûts énergétiques plus faibles pour les grands utilisateurs.

Dans la pratique, on arrive ainsi à des tarifs autour de 0,7€/kWh. A l’avenir, ce montant devrait probablement diminuer, notamment si les bornes sont utilisées de façon plus intensives. Une utilisation plus importante permettra en effet de mieux amortir l’investissement, et donc de réduire les tarifs de recharge.

Y-a-t-il des limites de prix ?

Actuellement, il n’y a que peu, voire aucune, limitation sur la tarification des infrastructures de recharge (semi-)publiques. Le fournisseur est libre de déterminer et d’imposer le tarif qu’il souhaite appliquer à sa borne, pour autant que ce tarif y soit mentionné de manière transparente et claire. Les prix déraisonnables et la tricherie ne sont évidemment pas autorisés, mais il n’existe pas non plus de prix maximum pour les tarifs d’électricité des bornes rapides ou des bornes de charge traditionnelle, comme c’est le cas pour le prix des carburants par exemple.

Tarif pour l’usage de badges/cartes de recharge

Pour être tout à fait exact, nous devons également inclure les coûts associés aux cartes de paiement. Il y a en effet toujours des coûts de transaction imputés pour la facturation et l’itinérance entre l’opérateur de la borne de recharge (CPO) et celui de la carte ou du badge de paiement (MSP). Différents tarifs sont possibles. A savoir un abonnement, un tarif par transaction et un tarif par kWh pour l’électricité rechargée. Chaque opérateur de carte de paiement est libre de déterminer ces taux et de les proposer sur le marché. Retrouver notre comparatif des différents badges et cartes de recharge disponibles sur le marché belge en page 114 de ce guide. n

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