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Opinion leader - Nicolas Paris (EDI « Les conducteurs surestiment les difficultés concernant l’électrique »

Nicolas Paris - Managing Director - EDI « Les conducteurs surestiment les difficultés concernant l’électrique »

Ancien gestionnaire de flotte chez Lampiris - et vainqueur du green award de link2fleet en 2018 -, Nicolas Paris est aujourd’hui passé de l’autre côté du miroir en rejoignant EDI, la start-up issue du Lab Box de D’Ieteren spécialisée dans l’installation et la gestion de l’infrastructure de recharge pour voiture électrique. Au travers d’une interview, il nous a dressé un aperçu de ce secteur en pleine évolution.

propos recueillis par Damien Malvetti

»link2fleet : Monsieur Paris, EDI, c’est quoi exactement ? Nicolas Paris : « Chez EDI (Electric by D’Ieteren, ndlr), nous proposons à nos clients, qu’ils soient particuliers ou entreprises privées - nous ne travaillons pas avec le secteur public -, des solutions pour la recharge de véhicules. Que ce soit à la maison via l’installation de bornes privées, sur des bornes publiques via la mise à disposition d’une carte de recharge, au bureau. Dans ce dernier cas, nous sommes capables d’offrir aux entreprises un service sur mesure qui va de l’installation d’une seule borne à un parc complet, avec toutes les étapes que cela nécessite. »

l2f : En quelques années chez EDI, comment avezvous vu évoluer le secteur des bornes de recharge ? N. P. : « Je suis arrivé chez EDI en 2019 au moment où la start-up passait du statut de département du groupe D’Ieteren à celui de filiale indépendante. À l’époque, on parlait encore peu de l’électrique et il n’y avait que quelques modèles sur le marché. Très peu d’entreprises osaient se lancer. Mais 2019 a justement marqué un tournant avec l’arrivée de nombreux nouveaux modèles, notamment au sein des marques importées par le groupe D’Ieteren. Pour vous donner une idée de l’évolution : en 2015, EDI avait installé plus ou moins 100 bornes sur l’ensemble de l’année. En 2021, c’est la quantité que nous en avons installée par semaine. En 2023, on estime qu’on en installera 100 chaque jour ! »

l2f : Un succès qui s’explique en grande partie par la fiscalité et notamment l’entrée en vigueur de la loi qui prévoit l’écologisation du parc fleet d’ici à 2026 ? N.P. : « Évidemment ! Pendant plusieurs années, il y avait un flou entourant la question de l’électrification. Aujourd’hui, la ligne fiscale est très claire. Les entreprises n’ont plus le choix : elles doivent se lancer. Elles bénéficient en plus d’une déductibilité fiscale de 200 % pour les bornes installées avant le 31 mars 2023, ce qui donne un gros coup de boost au secteur. Et puis, il y a aussi le fait que l’offre en matière de BEV s’est considérablement développée. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises sont déjà en train d’opérer le shift du PHEV vers une flotte full électrique. »

l2f : Est-ce un shift qui s’opère facilement ? N.P. : « Non. On voit clairement que les gens ne sont pas encore vraiment préparés à l’électrique. Et puis, quand il s’agit d’installer une borne, il y a une nouvelle notion qui entre en ligne de compte : nous devons entrer chez les gens pour aller installer cette infrastructure. Les conducteurs fleet doivent accepter de laisser entrer - de façon indirecte - leur employeur chez eux, dans leur cocon familial, dans leur maison. Certains

1 » « Les gens ne sont pas encore préparés au passage à l’électrique », estime Nicolas Paris.

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2 » EDI envisage, à long-terme, de disposer de son propre réseau de bornes publiques. sont réticents… D’autant que si dans certains cas l’installation est facile parce que le réseau électrique est aux normes, dans d’autres, il faut faire un audit de l’installation électrique, la mettre aux normes, bref, faire une offre et un travail sur mesure. Une fois l’installation effectuée, le conducteur doit aussi s’habituer à la conduite électrique. Au départ, les clients ont souvent de grandes craintes sur ce passage à l’électrique, mais ils se rendent souvent rapidement compte qu’ils avaient surestimé les difficultés. Il n’y a pas que pour les conducteurs que la transition est compliquée. Les gestionnaires de flotte ont aussi très peu de temps pour s’y accommoder et tout apprendre. Ils nous posent beaucoup de questions. »

l2f : Quels types de questions entendez-vous régulièrement ? N.P. : « Beaucoup de gens pensent par exemple qu’il suffit d’acheter un câble de type 2 pour recharger leur voiture. C’est suffisant pour une hybride certes, mais pas pour un modèle full électrique. Pour recharger une voiture électrique, il faut utiliser un câble sécurisé et de préférence, une borne. C’est notre force chez EDI : nous sommes capables de leur fournir une réponse adaptée à leur besoin. Du simple câble au parc complet de bornes, en passant par l’étude technique y afférant. Notre but, c’est d’accompagner le client au mieux dans sa transition énergétique. » l2f : Chez EDI, vous proposez aussi une carte de

« Il faut considérer la carte de recharge comme une carte bancontact. »

recharge pour le réseau public. Est-elle toujours nécessaire ? N.P. : « En fait, toute personne qui installe une borne d’EDI reçoit une carte de recharge. Mais cette carte est aussi disponible pour ceux qui n’installent pas de borne. En proposant une carte de recharge, nous avons voulu nous rapprocher au maximum de l’expérience que les clients ont avec une carte essence : avoir la liberté de recharger leur véhicule partout, à n’importe quel moment, que ce soit à la maison, au travail ou sur la route. Il faut considérer le badge de recharge comme une carte bancontact. Notre badge EDI donne accès à 95 % du réseau de bornes publiques au Benelux et à 80 % en Europe. Cela représente plus ou moins 250.000 bornes accessibles sur le territoire européen. Notre carte a en plus la capacité de pouvoir être intégrée dans une plateforme de gestion. Un gros avantage pour les gestionnaires de flotte qui peuvent ainsi centraliser le niveau de contrôle et le remboursement des frais de recharge et connaître les dépenses de chacun de leurs conducteurs en la matière, comme c’est le cas avec une carte carburant. La transparence est très importante aussi à ce niveau, même si la recharge publique ne doit pas être une habitude, mais plutôt une exception. »

l2f : Étant lié au groupe D’Ieteren, est-ce que vous travaillez également avec des clients qui disposent de véhicules électriques de marques extérieures au groupe ? N.P. : « Bien sûr. Nous avons parmi nos clients plusieurs sociétés qui n’ont même pas de véhicules des marques du groupe D’Ieteren dans leur flotte. Nos bornes sont adaptées à toutes les marques de voitures électriques. Nous sommes aussi en contact permanent avec les sociétés de leasing pour créer des partenariats. »

l2f : On entend souvent que le réseau public ne suffit pas. Allez-vous vous-même investir dans le développement de ce réseau ? N.P. : « On envisage effectivement de disposer, à long terme, d’un réseau propre de bornes publiques sur des terrains privés. Que ce soit sur des parkings de magasins, de salles de sport, etc. »

l2f : Comment voyez-vous l’avenir ? N.P. : « Le secteur va encore fortement évoluer. On en est encore qu’au début. D’ici quelques années, on verra arriver des bornes qui intégreront le tarif du réseau et le système de ‘load balancing’, autrement dit la possibilité de répartir la puissance disponible de manière équitable sur les différents points de charge en cours d’usage pour éviter les problèmes de surcharge. Ce sera inévitable de mettre cela en place au fur et à mesure que le marché automobile va s’électrifier. Il faudra forcément éviter que toutes les voitures se mettent à charger à 18 heures quand tout le monde rentre du travail et branche son véhicule. La borne devra alors être capable de déterminer le moment le plus opportun pour la recharge en fonction d’une série de critères. » n

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