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…au saut du lit, au petit jour, la première pensée va vers vous. Ce n’est pas tous les jours, il y faut la mise en condition ; il y faut d’abord le rêve, celui qui va et vient et jamais ne quitte tout à fait, même en plein midi. Celui qui au long des jours accompagne en silence, comme au ciel des jours l’azur. Le rêve de tout ce qui ne sera jamais dit, jamais écrit, jamais partagé. Un nuage de rêve dans une tasse de thé virtuel, l’irréel d’une fumée sitôt évaporée.
Parfois, le matin, quand tout autour tranquille dort encore, vous êtes là, tout près, sans rien savoir. Rire, futile, de l’ignorance où vous êtes, rire pour cette chose étrange qui jamais ne sera mise en mots. Rire à bouche close, il serait mal venu de casser le silence dans le petit matin. Rire souffrant de vous vivant ailleurs quelque part sur cette boule ronde où nous nous agitons. Sans savoir. Vivant en pleine lumière lorsque ici nous dormons. Poursuivie par le rêve, dans les flonflons du bal et la nuit partagée.
Réveillée au matin, apaisée, loin des armes, vous
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retrouver en page blanche et mots noirs, vous faire vivre une seconde quelque part, dans l’intervalle de la ligne, au saut de la virgule, à travers l’interstice des points de suspension.
Parfois, le matin. __________
2013
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Souvenirs d'en France Septembre . Dès la rentrée des classes, nous nous remettons au dessin. On a découvert la sanguine, les fusains. Débauches de traits,
d’ombres
et
de
lumières.
Bientôt, nous n’avons plus assez de papier, nous dessinons
à
l’endroit,
à
l’envers et sur les
couvertures de nos cahiers de classe. Je dessine pendant les cours d’anglais, je récolte un superbe zéro. Fran dessine la silhouette de son prof de math : il frise le renvoi ; on ne badinait pas avec la discipline. On se défoule à la maison. Nos parents, que nous appelons “les grands”, sont sympas, ils nous laissent faire ce que nous voulons : le soir, nous ravageons la salle à manger, et prenons possession de toute la table, tous deux à nous toucher, chaise contre chaise ; Way-le-chien grogne, il veut jouer, il pleurniche, se fait tendre, essaie de s’insinuer entre nous. Nous l’envoyons paître ce qui est une insulte grave pour un spaniel. Les grands sont dans la cuisine, ils bavardent, ils rient, ils viennent nous voir à tout de rôle, nous portent un carré de chocolat, une
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assiette d’oreillettes, une petit coupe de mendiants. On laisse la porte ouvert entre la cuisine et la salle pour que la chaleur de la grosse cuisinière vienne augmenter celle du petit mirus bleu : on n’allumera le chauffage central que dans deux semaines, pour Toussaint. Jusque là, on porte trois pulls l’un sur l’autre, et s’il fait trop froid, on allume
un
grand
feu
cheminée.
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dans
la
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Nous nous retrouvons tous les soirs après le diner, chez l’un ou chez l’autre, à la nuit tombante, après une très courte promenade jusqu‘au phare. La mer est grise et verte, les marées d’équinoxe sont montées jusqu’à moitié dunes. Même quand il fait soleil, et c’est rare, la plage nous est interdite. Nous ne saurons jamais pourquoi jusqu’au jour où parents à notre tour, nous aurons appris le danger des sables de l’autre coté des marais.
Cramponnés à nos crayons, obstinément penchés vers nos dessins, nous nous faisons sourds au vent hurleur dans le jardin, au fracas des tuiles envolées et qui se brisent sur les dalles de la terrasse.
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Octobre
Temps d’école : entre le départ au petit matin et le retour au crépuscule, les jours rétrécissaient. Nous allions, vaillants comme tous les courageux petits humains peuvent l’être, stoïques et muets, réfrénant l’envie de nous en retourner et de courir sans nous arrêter, d’un trait, tout droit devant, direct vers les ajoncs et les cailloux, vers le sable humide et froid, et l’ourlet bleu vert de l’eau atlantique. Où trouvions-nous le courage de résister ? Au sortie de la gare, nous marchions muets sur les trottoirs de la grande ville, déjà fatigués dans la fraicheur des matins gris, trop ensommeillés pour parler, nez froncé de dégout dans les rues puantes, assourdis par les vrombissements des voitures, camions, camionnettes, motos et autres engins à moteur, dont nous avions appris à nous garer d’un bond machinal en arrière. Nous traversions au feu comme il se devait, épaules rompues par le poids d’un sac à dos dans lequel nous fourrions trop de livres, trop de cahiers, trop de choses dont nous savions que nous n’aurions pas l’usage, mais qui faisaient de nous des lycéens, honneur suprême. Les heures se trainaient, interminables. L’horloge électrique avançait par saccades, piquait chaque heure d’une sonnerie stridente, en vrille, qui nous tombait dessus de haut, libératrice et tortionnaire. Escaliers à monter, à descendre, et toujours ce sac à trainer d’une classe à l’autre. Piétinement de petit troupeau puéril et bavard, éclats de rire, bavardages. Parfois, l’après midi s’ensoleillait de quelques cours aimés, français, histoire,
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géo, dessin, musique. Cinq heures arrivaient alors comme par enchantement.
Nous nous retrouvions sur le boulevard, devant la grande porte, terreux, rassis, mais le premier regard nous redonnait vie et tendresse. Le museau dans le creux de son épaule, je remplissais mes narines de cette odeur un peu trouble qu’il rapportait avec lui, de ces heures passées loin de moi, en compagnie de trente autres garçons comme nous robustes paysans ignorants de la douche et des savons parfumés. Nous, c’était au savon de Marseille et à l‘eau froide, hiver comme été. L’after-shave, Chanel, St Laurent viendraient plus tard, certes délicieux mais pas au point d‘effacer jamais le souvenir de la grosse pierre bise. Je me hasardais parfois jusque sous l’oreille, là où la peau est douce et fragile, et il riait en s‘écartant, disait
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que je le chatouillais. Pudiques, sauvages, honteux du baiser jamais donné, jamais reçu, à peine pensé, nous nous séparions vivement. Déjà il courait à grandes enjambées vers la gare, vers le train, vers la mer, vers nos maisons ; je le suivais comme je le faisais depuis ma naissance, au pas de course, rieuse, grondeuse, essoufflée parfois, jamais vaincue. Nous grimpions dans le wagon en continuant notre conversation ou nos chamailleries, que rien, jamais, ne pourrait interrompre, pensions-nous. Il s’agissait de mésange ou de crabes, d’une partie de pêche, d’un peintre, de Colette que nous avions découverte l’été précédent ; de Ravel, pour lui ; de Bach, pour moi, qui massacrais cruellement les préludes. Ou de la télé promise pour Noel et qui fut ainsi, de mois en mois repoussée jusqu’à Pâques et à la trinité. Nous parlions encore lorsque le train se mettait en marche. Nous parlions toujours et déjà les collines s’encombraient de brumes. La pluie fouettait la vitre, chaque tour de roue nous rapprochait de nos maisons voisines, des jardins mitoyens. Les remblais devenaient clairs, les touffes d’herbes sèches blondissaient les bas-côtés, le sable blanc remplaçait la terre rouge. Au niveau de la pinède, nous passions une invisible frontière, le train s’essoufflait à grimper la dernière colline, la plénitude nacrée de la mer emplissait l’horizon et nous revenions dans l’enfance.
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Souvenirs d’en France Avril
O
n a regardé le poirier en fleurs, nous l’avions planté
avec nos pères deux ans auparavant. On s’est installés juste dessous, par terre, dans un étourdissant parfum de miel. On s’est mis à écrire ensemble à tour de rôle dans le cahier où nous racontions nos découvertes ; ça nous prenait de temps en temps, une démangeaison de mots. L‘un commençait la phrase, l‘autre la finissait. J‘en ai encore certaines , dans un vieux carnet sans couleur : “Quand on est encore un enfant, on est bien dans l’herbe nouvelle, dans l’espoir des fleurs et des feuilles, dans le sous bois qui joue pastel. Pieds nus dans l’eau qui pourtant glace, l’œil rivé sur le fond sableux, on suit le crabe qui détale, l’algue verte veinée de bleu”.
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On a collé une grande algue épaisse, on a écrit le nom latin, Ulva lactuca, aussi appelée Laitue de mer. L’algue est devenue ambrée et transparente avec les années. Les mots sont toujours là, et nos deux écritures, la sienne pointue, la mienne arrondie. Nous étions pointilleux sur l’écriture.
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Puis, nous bondissions vers la plage. Il y a des gardiens invisibles et précieux pour les enfants sauvages du printemps : nous ne sommes jamais parvenus à mémoriser les heures des marées, mais ce n’est pas Le Mont. L’eau ici ne monte pas à la vitesse d’un cheval au galop. Elle avance assez lentement pour donner aux bambins lambins le temps de grimper sur la dune. Nous en étions quittes pour un pull trempé et des bottes remplies d’eau sableuse. Nous avancions insouciants et du temps et de l’heure. Nous nous savions protégés, sans savoir ni par qui, ni pourquoi.
De justesse échappés de l’hiver, deux poulains jetaient les rênes aux quatre sables. Un peu plus et on aurait pu nous entendre hennir. Deux jeunes chevaux, crinières au vent, frappant sec le sol dans la course, le rire aigu, l’œil flamboyant, fiers de nos ombres jumelles, galopants aux crêtes d’écumes.
Déjà, fin mars, au moment où nous changions d’année et fêtions nos ans nouveaux à cinq jours de distance, nous commencions à piaffer d’impatience. En avril, nous entrions en printemps pour une longue période de
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lumière et de liberté qui durerait jusqu’aux premières gelées. En mai, c’était l’apothéose : des clochettes parfumées aux roses joufflues, les jardins nous parlaient de beauté, de douceur. Quand nous baissions la garde, une espèce de somnolence nous prenait soudain devant tant de bleu. Nous nous allongions dans l’herbe courte, livre en main, auprès des hortensias.
On avançait tous les jours un peu plus vers les vacances, les grandes, celles pour lesquelles nous acceptions la malédiction de vivre à l’ombre neuf mois sur douze. Le soleil devenait plus chaud, plus brillant ; les jours allongeaient.
Nous ne résistions pas toujours au clin d’œil complice des vagues. Nous plongions malgré l’interdiction formelle et les trente six mille recommandations de nos mères, qui, sur ce chapitre, s’entendaient à merveille. Nous revenions vers le repas du soir au moment où le soleil se couche, lèvres bleues, grelottants, heureux, et salés des cheveux aux orteils. Nous attendions l’algarade, plantés dans la cuisine, mains derrière le dos, collés l’un à
l’autre
par
l’épaule
comme
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deux
coquilles
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Saint-Jacques, comme deux siamois. Le verdict tombait : nous serions privés de bateau, nous serions consignés dans nos maisons respectives sans nous voir pendant trois jours. Les mères s’y entendent en tortures raffinées.
Mais les nôtres étaient de la race des tendres qui ne savent pas punir. Devant nos airs chagrins, ne sachant plus quoi faire, et toutes deux au bord des larmes, elles appelaient les pères à la rescousse : ils arrivaient, silencieusement fiers de nous, rire frémissant au coin des lèvres ; ils fronçaient un sourcil de circonstance, élevaient la voix, tonnaient un peu et levaient la punition. Nous prenions l’air contrit, promettions tout ce qu’on voulait nous faire promettre et plus encore. Nous revenions ruisselants trois jours plus tard. Nos parents se lassèrent les premiers.
Dans le ciel, les bébés mouettes apprenaient à voler en rond.
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Souvenirs d’en France Juillet / La chasse aux pénombres On se levait avant l’aube, dans le clair-obscur de la fin de la nuit. Il fallait se couler dans le silence des champs, loin des maisons et des aboiements canins. La pluie parfois nous accompagnait, sereine et dure. Quand il faisait brouillard, c’était de bonne guerre: il nous absorbait en même temps que les froufrous étouffés de nos respirations.
Nous marchions sans parler l’un près de l’autre, à nous toucher, besaces en dos, bâton en main. Nous traversions les marais, à l’odeur creuse, verte, sauvage. Un vol de canard partait à notre gauche, et nous nous arrêtions un instant, l’œil suivant l’aile sombre, le cou tendu, la tête noire. C’étaient des malards chatoyants dont les couleurs s’effaçaient dans ce qui restait de nuit.
Nous devinions le sentier aux pierres blanchâtres qui le bordaient, d’un seul coté : là où un faux pas nous aurait entrainés dans l’eau glauque. Il fallait suivre le passage étroit et entrer dans les roseaux sans peur et sans bruit. La
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bas, devant nous, se dessinaient enfin la ligne pale des dunes.
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Déchaussés, nous grimpions en zigzag parmi les herbes sèches, cherchant précautionneusement, de l’œil et de l’orteil, la place douce et froide du sable entre les gaillets et les euphorbes. Arrivés en haut, nous nous couchions en attente parmi les épervières et les lotiers, dans un parfum de menthe sauvage et d’algues fraiches.
Autour de nous, la nuit était encore dense et sombre, si le ciel, au-dessus de nos têtes commençait à pâlir. Les mouettes dormaient en petits tas clair sur le sable. Loin devant nous, l’horizon restait noir d’encre ; c’est au bord de la plage, à quelques mètres de nous, que les vagues commençaient à prendre couleur.
Nous suspendions nos souffles, muets, mains liées, doigts emmêlés, épaule contre épaule, le regard fixé au loin sur la ligne qui devenait bleu marine en même temps que le ciel se nacrait de tendresse. De toute la force de nos regards, nous poussions l’ombre loin de nous, hors de nous, vers le fond du monde là-bas, à mille miles de toutes terres habitées. Nous tendions notre volonté toute entière vers l’inexorable matin, promis en cadeau unique, vers la journée qui suivrait, radieuse, vers chaque minute
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de nos vies d’enfants encore ignorants des noirceurs du monde.
Nous regardions en soupirant de bonheur le soleil se lever à notre droite, un peu en biais, et l’ombre portée des barrières à nos pieds, en bâtonnets tortueux.
La pénombre était vaincue, et une fois de plus, les peurs dissipées, les rancunes abolies, les malheurs effacés : tout nous était redonné. Nous pouvions rentrer vers la maison
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Souvenirs d'en France Janvier
De l’aube tendre jusqu’à la fin du jour, je t’aime encore, tu sais, je t’aime.
Lequel de nous deux fredonnait Brel, en ce début d’hiver? Ce temps, dans ma mémoire comme un long fil gris, ténu, cotonneux. On préparait un déménagement, mes parents partaient, je suivais, c’était bête et tout simple, il n’y avait pas de questions, pas de larmes. C’était, comme on dit, comme ça et puis c’est tout. La vie, paraissait-il : ” Et oui, soupirait ma mère, les yeux rouges, c’est la vie …” C’est ainsi que j’appris, au milieu de l’adolescence, que la vie n’était rien d’autre qu’un enchainement de séparations.
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De l’aube tendre jusqu’à la fin du jour, c’était très court. A peine le temps de se réveiller et c’était déjà le soir. Il y a eu un noël dans cette longue période grise. Je ne le situe pas. Il s’est effacé avec tout le reste.
Pendant un mois, cet hiver là, on a chanté Brel, qui chantait Aragon. On a chanté Brassens qui chantait Villon. On a chanté n’importe quoi, pour éviter de parler. Parce que nous savions que nous n’avions plus le temps d’échanger tout ce que nous avions encore à mettre en mots. C’est resté par terre quelque part, balayé avec les détritus, amoncelé avec les choses inutiles dont on ne s’encombrerait pas, dans un coin de l’une ou l’autre
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maison, ou peut-être dans un creux de dune, à l’abri des vents. Disparu un soir de tempête. Envolées au vent du large, cendres de l’enfance.
La plage était peuplée de tous les hivers du monde, de tous les vents et pluie des cinq continents. L’herbe d’aout s’était séchée sur place, courbée sous la neige. Les mouettes devinrent stupides, leurs cris ne touchait pas plus loin que mes oreilles ; l’odeur du varech ne remplissait plus mes soirées. Je m’abrutissais de lectures. Puis, on a rangé les livres dans les cartons, avec les coquillages. Les pièces se vidaient peu à peu. Les choses se détachaient de moi heure après heure. Hiver de désastre, déchirement silencieux dans le froid. Comme si le brouillard ne suffisait pas pour annoncer la fin d’un monde. Sur la plage, nous marchions sans rien dire, ou en nous disputant, dents serrées.
On a pris des photos ridicules, je suis méconnaissable sous un bonnet de marin tricoté enfoncé jusqu’aux yeux, col roulé et caban noir, déguisée en pêcheur, le pantalon dans les bottes, les mains dans les poches et l’air furibond sous une mèche qui a réussi à s’échapper du bonnet pour
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barrer mon visage d‘une longue éraflure sombre. Je me souviens qu’il faisait si froid que les vagues ont gelé.
Le cri des mouettes, un an plus tard, je l’aurai oublié. La douceur du sable, le sel sur mes lèvres, le vent dans mon cou, le soleil froid de janvier sur mes bras, le regard tragique de la mer en hiver, tout aura disparu. De plus en plus ténu, de plus en plus floue, l’image de mon ami aux yeux pales s’effacera jusqu’à disparaitre totalement. Quand nous nous reverrons, plusieurs années plus tard, nous ne nous reconnaitrons pas.
Mais que je m’appuie un instant sur le piquet fence qui protège aujourd’hui les dunes de Barnstable, et la tendresse, la paix, la certitude, tout ce qui fait l’amitié vraie et la magie des amours enfantines m’est redonné en un instant.
De l’aube tendre jusqu’à la fin du jour… ____________________
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Mots du matin Compilation de textes de Lise M. Genz 2012/2013
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