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II CHAPITRE II FABRIQUER
from MEMOIRE MASTER ARCHITECTURE - Intelligence Artificielle - ENSAM - 2020 - Loïck Maire
by Loïck Maire
II CHAPITRE II – FABRIQUER
fabbricare \fab.bri.ˈka.re\ transitif. Exécuter ou faire exécuter certains ouvrages suivant les procédés d’un art mécanique, en atelier ou en usine.
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Si le lien entre construction et intelligence artificielle semble encore loin d’être évident, le secteur de la construction a bel et bien entamé sa digitalisation. Il s’agit d’un secteur en mutation permanente. Cependant, pour rester sur le territoire français, la filière construction commence à peine à s’intéresser à l’IA, avec un premier salon dédié, qui a eu lieu à Avignon en Juin 2019 (UNTEC). 44
En témoigne, à partir de 2016, l’accroissement significatif du nombre d’investisseurs dans les startups de la « ConstructionTech » : 214 se sont créées depuis 2007, passant de 51 à 265 en 2018. 45 L’IA survient ainsi dans un contexte de mutations profondes de ces métiers, créatrices de valeur ajoutée. Elle permet, en partie grâce à cette nouvelle intelligence, de simuler et d’optimiser les performances du bâtiment.
Sommes-nous alors dans des prévisions utopiques et/ou dystopiques ? Selon Rand Hindi46, la singularité en l’état actuel des choses, n’est encore qu’un mythe. Certes l’IA est dès aujourd’hui bien plus performante que l’être humain dans les situations « standard » de classification : elle ne se fatigue jamais et reste en permanence à son optimum d’efficacité, cependant, à son stade actuel, elle n’est pas encore en capacité de prendre des décisions de son propre chef, et cela dans un domaine où tout est encore fabriqué sur mesure, dans un chantier architectural classique, cela semble très limité …
Avec son rapport « A Digital Future for the Infrastructure Industry »47 (juin 2017), Balfour Beatty a jeté un pavé (futuriste) dans la mare. Certes, l’entreprise britannique ne manque pas de citer les incertitudes liées à la matérialisation de cette vision. Mais elle prédit tout de même que la numérisation et l’automatisation vont progressivement prendre la main, jusqu’à endosser les aspects décisionnels. Le chantier 4.0 sera-t-il alors rempli de drones et de robots ?
44Débat complet - https://www.youtube.com/watch?v=NB9Sx67rT7E&t=1806s – 1h30 45 Rapport Observatoire CONSTRUCTION TECH avec XERFI – PDF - 2018 46 The impossibility of Artificial Human Intelligence - Rand Hindi – TED – Youtube - 201 47 https://www.balfourbeatty.com/media/244600/balfour-beatty-innovation-2050.pdf
ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019
Si l’automatisation totale des chantiers n’était encore qu’une vision il y a quelques années, (2017) de part l’engouement et les récentes recherches en IA et robotique, ceci laisse présumer le contraire, aujourd’hui le milieu du bâtiment évolue, certes moins rapidement que ces homologues. (Santé, transport, finances …) mais un réel désir des grands groupes de BTP se fait sentir, générant une grande masse financière et intellectuelle vers ce domaine, qui ne devrait en tout logique, pas rester immobile pour la décennie à venir. Cependant, à l’heure actuelle beaucoup de barrières sont toujours présentes.
D’une part, parce qu’il n’est pas si simple de robotiser tout un chantier. Les conditions, qu’il s’agisse de météorologie ou de la présence de poussière, exigent des robots particulièrement résistants, tandis que les tâches ne sont pas strictement duplicables de chantier à chantier. Et d’autre part, parce la robotisation du secteur s’entend d’abord en termes de collaboration et de multiplication des interfaces hommes-machines. Les robots et les drones seront progressivement amenés à prendre en charges les tâches les plus dangereuses, difficiles ou répétitives, notamment grâce au déploiement à grande échelle du BIM qui leur fournira les données nécessaires.
Le secteur de la construction est un secteur économique majeur, mais il souffre d'inefficacités et d'une faible productivité. La robotique et les systèmes automatisés ont le potentiel de remédier à ces lacunes, cependant, le niveau d'adoption dans le secteur de la construction est très faible.
Big Data Enterprise and Artificial Intelligence Laboratory de Université de Bristol a récemment publié une étude48 développée par 7 chercheurs sur l’adoption de l’IA et des systèmes automatisés dans la construction, mettant en exergue les différentes postures à ce sujet. 5 points forts en ressortent :
48 ScienceDirect.com - Robotics and automated systems in construction – for adoption - PDF
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• La robotique peut remédier à la faible productivité dans la construction, mais l'adoption est très faible. • Étude des facteurs spécifiques à l’industrie limitant l’adoption de la robotique dans la construction. • Les analyses de fiabilité, de composants et de corrélation permettent de comprendre les facteurs mis en jeu. • Quatre catégories de facteurs limitants ont été définies, classées et expliquées.49
•Les résultats aident les parties prenantes à concevoir des stratégies d'atténuation pour faire face aux futurs défis.
Nous pouvons facilement avancer50 , que comparé à d’autres industries (en France) le
domaine du bâtiment souffre d’un certain retard sur l’acte de construire 3.0 et sur
l’utilisation des nouvelles technologies (robotique, IA, automatisation …)
Fig 14 Densité de robots travailleurs / pays
49 Chap 2 - Robotics and automated systems in construction – PDF (voir 33) 50 Source : International Federation of Robotics
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Comme l’explique Philippe Dessertine, économiste, si nous replaçons l’histoire économique dans son contexte, l’humanité est confrontée à un immense défi environnemental, d’ailleurs aujourd’hui une vague de protestation des jeunes est à l’œuvre contre ce dérèglement climatique. En clair ce modèle économique doit changer et/ou évoluer en profondeur. Nous devons donc changer de logiciel économique, or ce procédé n’est arrivé que très rarement dans l’histoire, hormis lors d’une rupture technologique.
Cette première étape qu’a été le digital il y a 20 ans a bien fait évolué le métier, or l’IA va, toujours selon M.Dessertine, changer et structurer la société humaine d’une manière plus approfondie. Un changement de paradigme puissant doit être fait.
En outre l’intelligence artificielle est comparable à une General Purpose Technology, tout comme l’électricité l’a fait au xix siècle, il s’agit d’une longue adoption, qui changera fondamentalement notre manière de vivre.
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Fig 15 Source : hackernoon.com
Outre sa formidable capacité à exercer une activité pénible et répétitive, l’IA doit donc s’axer sur un autre grand thème de notre époque : cette question environnementale reste en effet, une variable très sensible en 2019.
Une question se pose alors, quel sens doit-on donner à l’intelligence artificielle et la robotisation dans les métiers de la construction pour que celle-ci soit d’un réel intérêt pour les générations futures ?
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II.1.a.1 Les nouveaux outils de projection et d’anticipation numérique. Virtual Reality, l’architecte et cette techno-réalité.
L’émergence d’applications de réalité virtuelle pour l’architecture est l’une des grandes révolutions de ces dernières années. Dans l’avenir, la réalité virtuelle deviendra une partie intégrante non seulement de la présentation d’un projet, mais aussi du processus de conception. Pour de nombreuses industries axées sur le design, le plus gros défi consiste souvent à convaincre le client que le projet fini ressemblera (ou sera supérieur) à la représentation 2D ou 3D. Un tel changement de méthode de représentation a le potentiel de modifier ce qui est possible dans le domaine de l'architecture, comme l'a fait la CAO au début de ce siècle.
Selon une enquête de CGarchitect51, c’est en Europe qu’on se sert le plus de la réalité virtuelle pour la visualisation architecturale (40 % des personnes interrogées), ainsi qu’aux États-Unis (21 %). Certains participants estiment que la technologie va révolutionner le secteur. Près de 70 % d’entre eux font appel à des appareils de réalité virtuelle, augmentée ou mélangée, ou prévoient de le faire à partir de 2017, et 77 % disent tester cette technologie ou prévoient de le faire.52
Quel que soit le talent du concepteur, il faut un acte de foi et une imagination débordante de la part du maitre d’ouvrage pour le convaincre de l'idée et l’enthousiasmer. L’architecture n’est pas différente et c’est pourquoi la réalité virtuelle pour l’architecture et le design pourrait aider à transformer ce secteur. Nous examinerons les possibilités offertes par cette nouvelle technologie des plus passionnantes issue du jeu vidéo, les avantages de la conception dans un monde virtuel (pour le concepteur et le client), et la manière dont nous prévoyons que le secteur se développera et évoluera en tant que tel, afin de savoir si la réalité virtuelle (VR) sera acceptée et mis en œuvre dans toutes les agences.
La technologie de la réalité virtuelle a un fort potentiel pour les architectes et les designers. Des maquettes de conception initiale à la collaboration de projet, en passant par les finitions, qui font passer une conception de bâtiment de bonne à excellente. La réalité
51 http://www.cgarchitect.com/features/category/industry-surveys 52 https://www.autodesk.fr/redshift/la-realite-virtuelle-et-larchitecture
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virtuelle possède la capacité de vendre une idée mieux que tout autre support. Comme mentionné au début du paragraphe, l'un des plus grands défis des architectes est de travailler avec un client pour le convaincre qu'un projet fonctionne avant de recevoir un retour d'information précieux - et réalisable - pouvant être intégré dans un projet fini.
Et plus le projet est important, plus il impliquera forcément de parties prenantes. Il est peu probable qu’il y ait un seul décideur ; plusieurs personnes seront plutôt invitées à donner leur avis sur divers aspects de la conception d’un bâtiment. Il peut être extrêmement difficile de réunir toutes ces personnes dans une seule pièce pour discuter de ces décisions de conception, sans parler de sa perte de temps et de son inefficacité.
Les plans d'étage, les rendus 3D et les modèles sont souvent utilisés pour véhiculer une idée d'un espace particulier dans une conception. Même ces approches (élément essentiel de la conception architecturale) peuvent ne pas permettre de communiquer efficacement les idées aux clients.
C’est là que la réalité virtuelle prendra toute son ampleur. En tant que technologie immersive, elle transportera les utilisateurs dans un environnement 3D totalement interactif, leur permettant d'explorer une représentation virtuelle d'une pièce, d'un étage ou d'un bâtiment donné, avec un réaliste toujours plus poussé.
Cependant, cette description de la réalité virtuelle pour l'architecture peut paraître assez superficielle. Cela fonctionnera sans aucun doute comme un outil de présentation, permettant aux clients de comprendre à quoi un design ressemblera à l’échelle et à un niveau plus viscéral. Mais quel en sera l’impact sur le flux de travail d’un architecte ?
Virtual Reality and the Built Environment53 54 de Jennifer Whyte et Dragana Nikolic publié en 2017 développe cette idée de l’utilisation des ressources de la VR dans l’environnement du bâti. Le livre vise à examiner trois questions clés. Quels sont les facteurs opérationnels pour l'utilisation de la réalité virtuelle ? Quelles sont ses limites ? Comment implanter la réalité virtuelle au sein des agences d’architecture, et de toutes les organisations en lien avec le BTP ? En utilisant des études de cas internationales, il répond
53 Virtual Reality and the Built Environment - Jennifer Whyte – 165p - 2002 54 Disponible en OpenSource : https://archive.org/details/Virtual_Reality_and_the_Built_Environment
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à ces questions tout en abordant la croissance de l’utilisation récente de la modélisation des informations de construction et le regain d’intérêt pour la réalité virtuelle pour visualiser et comprendre les données afin de prendre des décisions le plus clairement possible.
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Fig 16 « Cités Millenaires » - Eglise Notre-Dame de l’heure - Iconem - 2019
Étant donné qu'une grande partie de la technologie intégrée à l'intelligence artificielle a été développée à partir de l'industrie du jeu vidéo, sa capacité à produire des formes de "réalité augmentée" a un potentiel intéressant pour changer la perception et l'engagement envers les conceptions architecturales, tant pour les architectes que pour les non architectes qui participent à un projet.
Il est également possible que de nombreux projets d'architecture restent également dans cette zone non construite, dans une réalité numérique parallèle, que la majorité des futurs citoyens du monde habiteront simultanément, à l’image du film « Ready Player One » sortie en mars 2018 et réaliser par Steven Spielberg, tiré lui-même du roman de Ernest Cline.55
55 Player One – Roman - Ernest Cline – USA - Crown Publishing Group - 2011
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