11 minute read
p
from MEMOIRE MASTER ARCHITECTURE - Intelligence Artificielle - ENSAM - 2020 - Loïck Maire
by Loïck Maire
Vers une méthode de construction 100% autonome, utopie ou réalité ?
A l’heure où notre société tend à devenir de plus en plus robotisée et autonome, une question se pose alors dans nos futures constructions architecturales, futur moteur dans l’industrie : l’automatisation devrait bientôt apparaitre dans le paysage des chantiers, déjà bien implanté sur les marchés américain, émirati et chinois.
Advertisement
En effet, selon la Fédération japonaise des entrepreneurs de la construction, il y aura 1,28 million de travailleurs de moins dans le secteur pour l’exercice 2025 par rapport à l’exercice 2014. Les Etats-Unis font face à une problématique similaire : 200 000 postes restaient non pourvus dans le secteur fin février 2017.85 Face à cette pénurie croissante de travailleurs, les entreprises se voient dans l’obligation de s’équiper en robots et drones. Mais le gain de productivité attendu s’appuie d’abord sur la complémentarité entre l’homme et la machine, souligne un expert auprès du Japan Times. Les métiers de la construction ne vont pas disparaître. Comme dans la plupart des secteurs, ils vont se transformer à la faveur d’une montée en compétences86 .
Fig 27 Source : SHIMIZU CORP
85 https://leonard.vinci.com/drones-robots-humains 86 www.japantimes.co.jp - Japan's labor-scarce building sites automating, turning to robots, drones
ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019
Si nous faisons l’examen des technologies de construction en développement, ceci laisse entrevoir une révolution à court terme dans la façon dont nous construisons et exploitons nos installations. Quelques-unes de ces technologies résolument futuristes sont déjà disponibles sur le marché et utilisées aujourd'hui, notamment l'impression 3D, les drones autonomes (présentés p.42), les systèmes de construction robotique, et dernièrement les nanotechnologies.
Fig 28 Polibot – Source mamou-mani.com/project/the-polibot
L'un des domaines les plus réussi pour l'application de l'automatisation et de la robotique est celui de la façade du bâtiment. Certaines conceptions avant-gardistes d'enveloppe de bâtiment fonctionnent pratiquement comme une peau organique, en ajustant l’ombrage en prenant en compte les changements d'humidité ambiante, de la température et de la lumière.87
Le biomimétisme est une influence courante sur ces façades actives et/ou dynamiques, qui intègrent des pièces mobiles, des capteurs et des actions, souvent liés au système central d'automatisation du bâtiment. (Voir Chapitre : Gérer)
87 Al Bahr Towers - Abou Dabi - 2012
ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019
Impression 3D à l’échelle de la ville et du bâtiment.
La fabrication additive est présentée comme la nouvelle frontière de l’industrie. Cette révolution annoncée n’épargne pas le secteur de la construction, avec de belles promesses : réduction des délais, des coûts, de l’empreinte écologique, des risques mais aussi nouvelles possibilités techniques.
En 2019, les dépenses mondiales en équipements, logiciels et services dédiés à l’impression 3D devraient progresser de plus de 21%, selon IDC. L’impression 3D est un des moteurs de la quatrième révolution industrielle à l’œuvre. Le guide semi-annuel des dépenses mondiales édité par IDC dans ce domaine en témoigne. Cette année, les dépenses mondiales en équipements, logiciels et services dédiés à l’impression 3D devraient progresser de 21,2% par rapport à 2018.
Le marché atteindrait ainsi les 13,8 milliards de dollars à fin 2019.88
Fig 29 Source Additive Manufacturing en Millions d’Euros
Apparut en 2000, puis développée à partir de 2010, l’impression 3D frappe par son évolution. Elle est aujourd’hui au centre de l’innovation de la construction 3.0. Ainsi un seul chapitre ne pourrait pas amorcer un travail en profondeur sur cette technologie qui modifiera automatiquement les chantiers de demain. Nous ferons donc ici, un comparatif des points positifs et négatifs, et une courte présentation des dernières avancées technologiques essentiellement dans le domaine du BTP.
88 2019 Additive Manufacturing Market Outlook and Summary of Opportunities
ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019
Actuellement 3 grandes familles existent : l’extrudeuse à bras robotiques, la plus courante, est identique à son homologue de plus petite taille, les rails sont disposés de manière à laisser le bras robotique bouger ; et dans les limites des rails, le bras construira la maison couche par couche en extrudant le béton (ou autre) de la buse. Il s'agit de la technologie d'impression 3D la plus populaire utilisée pour construire des structures XL, notamment en Chine avec la société Winsun, qui est capable de produire une dizaine d’habitations en 24 heures.89 90 Son utilisation nécessite peu d’ouvriers (2 ou 3 par machine), elle est d’autant plus intéressante que son utilisation peut être couplée avec des matériaux plus respectueux de l’environnement, tel que le pisé ou les algues. 91 La première maison totalement imprimée en 3D à base de terre, est le projet Gaia de l’entreprise WASP92 en 2018, qui laisse entendre un futur prometteur entre impression 3D et matériaux biosourcés.
Source : Gaia par WASP
Fig 30 Source WASP – Projet Gaia
La technique 3D suivante s'apparente davantage à l'impression 3D industrielle telle que SLS ou Jet Fusion. Le pionnier qui l'a testée est l'architecte italien Enrico Dini, qui a construit son imprimante 3D D-Shape. La machine étale une couche de sable en poudre, puis durcit la forme de la structure avec un liant.
89 WINSUN 3D printed shanghai factory – Youtube - 2019 90 https://newatlas.com/china-winsun-3d-printed-house/31757 91 https://www.wazp.io/2019/08/15/sustainable-materials-used-in-additive-manufacturing 92 https://www.dezeen.com/2019/02/27/gaia-wasp-3d-printed-house-biodegradable-video
ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019
Ces couches de sable sont déposées en fonction de l'épaisseur souhaitée avant qu'une tête d'impression ne verse des gouttelettes (le liant) pour durcir le sable. Cette machine de 4 x 4 mètres peut créer de grandes structures allant jusqu'à 6 mètres cubes. Cette technique à récemment était utilisé par le ETH Zurich pour produire leurs moules béton du toit Smart Slab.93 (ci-dessous)
Fig 31 Source : Smart Slab
La dernière technique étant l’impression par jet de métal en fusion, la société MX3D a mis au point cette méthode de construction unique, appelée WAAM (fabrication additive à l’arc filaire), qui permet d’imprimer en 3D des structures métalliques avec un robot à 6 axes permettant de déposer 2 kilos de matériau par heure. Fruit de la collaboration entre Air Liquide et ArcelorMittal, ce robot est équipé d'une soudeuse et d'une buse pour souder des tiges métalliques, couche par couche. Ce procédé est également compatible avec d'autres métaux tels que l'acier inoxydable, le bronze, l'aluminium et l'Inconel (alliage). La machine peut être assimilée à une sorte de fer à souder autonome géant. L’équipe a déclaré : « Nous avons combiné un robot industriel avec un poste à souder, pour le transformer en une imprimante 3D qui fonctionne avec notre propre logiciel interne."94
93 Smart Slab – Youtube - 2018 94 MX3D Printed Bridge Update – Youtube - 2018
ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019
Fig 32 Source : MX3D
Autre avantage à cette technologie, en termes d'utilisation de matériaux, l'impression 3D est économique. Avec des processus additifs plutôt que soustractifs, moins de matériaux sont utilisés qu’avec les procédés de fabrication traditionnels. Cela réduit évidement l'impact sur l'environnement car moins de déchets sont produits. Avantages : Nombreux matériaux utilisables.
Délais de fabrications courts : l'impression 3D ne nécessite pas d'étape de préfabrication.
Fabrication de formes qui peuvent être très complexes : formes intérieures non débouchantes, canaux ou logements étroits, profils complexe, design adaptatif, etc.
Fabrication sans frais fixes : il n'y a pas d'étapes de pré-industrialisation, de fabrication de moules, de gabarit ou d'outillage spécifique.
Cependant, une idée bloque, cette envie de construire en hauteur reste aujourd’hui à l’état d’embryon. Axel Théry de Constructions-3D explique que « les principales difficultés proviennent du fait que le processus d'impression 3D de bâtiments n'est pas aujourd'hui reconnu comme une méthode de construction par de nombreux organismes de normalisation et de codes. Les structures imprimées n'étant pas traditionnelles, les calculs de résistance et de pérennité dans le temps sont difficiles à réaliser. C'est pourquoi les travaux habitables devront être testés au cas par cas au début. »
ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019
Ces organismes de normalisation se demandent si ces structures sont vraiment aptes à supporter de lourdes charges et si elles peuvent supporter leurs environnements bâtis. (Voir projet Ricciotti)
De plus, la plupart des procédés génèrent des états de surface relativement médiocres ; il est souvent indispensable de lisser les surfaces par des techniques de polissage plus ou moins complexes. Une étape de « Tribofinition » finale permet d'améliorer considérablement l'état de surface sur tous les volumes de la pièce.
Certaines techniques d'impression tridimensionnelle sont émettrices de particules « ultrafines » (nanoparticules). Les procédés métalliques basés sur la fusion de poudre donnent des pièces relativement nocives si la poudre est mal appliquée sur la pièce finale.
Et pour aller plus loin, cette fabrication additive pourrait aussi être un moyen pour l'humanité d'explorer l’espace. La NASA a lancé le « 3D Printed Habitat Challenge »95, qui examine les technologies utilisées pour construire des maisons dans l'espace, comme sur la Lune ou Mars. Bien qu’ambitieux, il est trop tôt pour dire si cette « additive manufacturing » est une solution viable. Nous pouvons toutefois affirmer que l’impression 3D dans la construction doit devenir une véritable force mondiale. SmarTech Publishing96
a récemment publié un rapport prévoyant que les revenus mondiaux du secteur atteindraient 40 milliards de dollars en 2027. Passer de quelques millions de dollars à 40 milliards de dollars en 10 ans est surprenant. Par conséquent, nous devrions rapidement voir comment le monde réagira à cette technologie.
Fig 33 Source : NASA
95 https://www.nasa.gov/directorates/spacetech/centennial_challenges/M19-012.html 96 https://www.smartechanalysis.com 97 Ci-dessus : NASA – Virtual Construction of 3D-Printed Habitat Challenge
ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019
gerere \ ʒɛs.tjɔn \ feminin Action et effet de gérer, d’administrer. Diriger pour le compte d’un autre.
Les changements organisationnels, technologiques et sociétaux des villes actuelles sont induits par leur volonté d’être une partie de la réponse au changement climatique. La ville intelligente cherche, ainsi, à concilier les piliers sociaux, culturels et environnementaux à travers une approche systémique qui allie gouvernance participative et gestion éclairée des ressources naturelles afin de faire face aux besoins des institutions, des entreprises et des citoyens.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC – domotique, capteurs et compteurs intelligents, supports numériques, dispositifs d’information, etc.) seront au cœur de la ville intelligente de demain. Le développement des NTIC permettra une meilleure gestion urbaine grâce à l’obtention et à l’analyse d’informations clés (fonctionnement des installations de production d’électricité renouvelable, état en temps réel des réseaux de distribution public, surveillance du trafic routier, mesure des niveaux de pollution, etc.) au travers d’un système d’exploitation urbain et d’une nouvelle infrastructure de gestion des connaissances.98
La ville intelligente est d’abord une ville mieux gérée grâce aux NTIC, cependant, cette utilisation ne crée pas en soi une ville intelligente. Ces technologies doivent être déployées en complément d’une stratégie plus globale pour la ville consistant à bâtir une cité répondant aux besoins des citoyens sur le long terme. Il s’agit d’une véritable mission de planification, à la fois pour les architectes et urbanistes, mais aussi et surtout pour les collectivités territoriales : les technologies devront être associées à des choix judicieux en matière de gouvernance.99
Cette gouvernance reposera sur une utilisation juste des informations recueillies, appelé Hard Data. À ce titre, certaines questions se posent. Jusqu’à quel niveau d’information aller ? À quel coût ? et qui sera en charge de la collecte et de l’analyse de toutes ces informations ?
98 https://fr.wikipedia.org/wiki/technologies de l'information et de la communication 99 Sciences & Technologie D – N°26, Décembre (2007), pp.43-50
ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019
C’est la raison pour laquelle cette gouvernance renouvelée appelle à une plus grande transparence et une plus grande ouverture envers les citoyens-acteurs qui participent pleinement au développement urbain. Il s’agit de mettre le citoyen au cœur du processus de planification et, donc, de créer d’autres liens démocratiques entre les gouvernants et les usagés.
Ainsi, la ville doit être construite en fonction des préoccupations des habitants dans tous les domaines (forte demande sociale pour une meilleure santé, des modes de déplacement doux, plus de nature en ville, des circuits courts pour l’alimentation, une plus grande proximité entre les lieux de travail, de loisirs et d’habitation, une moindre vulnérabilité aux crises économiques mondiales et la création durables).100 d’emplois locaux et
La ville intelligente est alors celle qui se reconstruit autour des besoins de ses habitants qui ne sont plus considérés comme des consommateurs des services mais comme des partenaires et des parties prenantes de son développement. Cette place nouvelle leur est accordée grâce à la démocratisation des moyens d’information permettant plus de participation.
La ville intelligente doit se définir donc, comme celle qui lie le développement urbain au développement humain. Cette planification urbaine : en particulier celle portant sur les infrastructures collectives reste ainsi déterminante pour la bonne évolution de la ville du futur.
Fig 34 Source : Google – Sidewalk Labs
100 http://europia.org/HyperUrbain1/HU1/paoli Ci dessus : Sidewalk Labs / Google
ENSAM – Mémoire Master – Loïck Maire - 2019