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Rodolphe Burger

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Musique

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Rodolphe Burger la carte et le territoire

La carte sur la pochette d’Environs, sorti en juin, est le point de départ d’un voyage à travers un territoire que Rodolphe Burger façonne sans relâche depuis les années Kat Onoma, où se croisent musique, poésie, et surtout beaucoup d’amis, de Bashung à Higelin...

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Pas forcément programmé, Environs est né d’une suite d’heureuses rencontres qui, petit à petit, lui ont donné forme. «Beaucoup de choses sont arrivées pendant la tournée Good, mon précédent album. J’ai pris l’habitude de faire plusieurs choses en parallèle, ainsi lors d’un cinéconcert sur les indiens Navajo, le titre “Le Chant des Pistes” a surgi tout d’un coup. De même, quand on m’a prêté la maison de Jean-Jacques Rousseau à Chambéry, ce qui est incroyable, j’ai embarqué dans un projet autour du livre de Buchner, Lenz. Puis est venue l’idée de chanter Schubert, chose qu’on s’interdit plutôt d’habitude. À la fin de la tournée Good avec Sarah et Christophe, des musiciens extraordinaires, je me suis dit que l’on ne pouvait pas s’arrêter là et nous nous sommes retrouvés rapidement en studio avec 8 ou 9 titres. J’ai suivi le fil de mon désir, sans me demander si ça allait faire un album. C’est le grand luxe de mon indépendance... que j’ai chèrement acquise. »

La carte

Xavier -Antoine MARTIN DAVID POULAIN

perdu... « Un jour Fred Poulet trouve cette carte aux Puces et me l’offre : c’est exactement la vallée où j’ai mon studio ! La première fois que l’on s’est vus, Higelin [NDLR : Alsacien par son père] avait flashé dessus. En attendant, je ramais sur le titre et le visuel, remplissais des cahiers, rien ne s’imposait et j’avais la pression de la sortie. J’étais d’abord parti sur “Le rêve de la femme du pêcheur” d’Hokusai qui vend un truc érotique, ce qui aurait pu être décevant. Des tentacules du tableau j’étais arrivé à “Tentation”. J’en étais là quand j’en ai parlé à Simon, mon fils, qui m’a dit : “C’est nul”. Il s’est baladé dans l’appartement, a cadré la toile : “Voilà et au verso tu mets les noms des morceaux.” Le problème du titre et de la pochette étaient résolus. »

Environs, Verlaine & Co

Envirer: tourner sur soi-même jusqu’à l’ivresse... «Je ne sais plus comment je suis tombé sur ce verbe: envirer. Ça a été une découverte, si tu l’entends comme un impératif “Environs !” c’est encore mieux. Cet après-coup, cette heureuse coïncidence, ça se produit souvent. » Comme souvent, le musicien a convoqué la fine fleur de la poésie et de la musique : Schubert, Buchner, Shakespeare, Verlaine. Rock intello ? «John Greaves qui faisait un disque sur Verlaine m’avait demandé de venir en studio —j’y avais d’ailleurs rencontré Jeanne Added—pour le coacher sur son accent, ce qui m’a remis en mémoire ce texte. Spontanément je n’irais pas mettre en musique ni Verlaine, ni Rimbaud, ni Baudelaire, je trouve que ça se suffit. Le fait que je le fasse est assez étrange. Si je pouvais virer le nom Verlaine pour que ça ne crée pas cet effet intello ou rock cultivé qui est un malentendu... je ne fais absolument pas ça pour mettre des garanties culturelles!»

Les am is Christophe et Bertrand

chanter “La chambre” au Trianon et on a eu envie de l’enregistrer. Quand tu penses que ça clôt l’album, c’est dingue quand même, ça prend un sens incroyable. “La Man” c’est la dernière chose que l’on ait faite. Je lui ai envoyé l’enregistrement le jour où il est parti à l’hôpital... Quant à Bertrand Belin, on l’a invité plusieurs fois sur la tournée, c’est quelqu’un d’extraordinaire, un très beau musicien, devenu écrivain signé chez P.O.L. ! Avec lui, il y a un truc qui se passe, un peu comme avec Bashung : il n’y a pas de discussion, tout se met en place immédiatement dans une limpidité totale. »

Le Couscous Clan

Le mixage des genres est une seconde nature chez Rodolphe Burger. En mélangeant raï et rock, le Couscous Clan, groupe créé avec Rachid Taha, sort une fois de plus des sentiers battus. « On s’est dit avec les musiciens qu’on allait poursuivre l’aventure en continuant à monter sur scène et que Rachid en aurait été content. L’idée de départ n’était pas de tourner mais de jouer dans des endroits, comme au bar Chez Ali à Nanterre ou dans un foyer de femmes algériennes, c’était génial. Quand on a joué à SainteMarie-aux-Mines où avait vécu Rachid, ça a été une sorte d’insurrection, il y avait du monde partout, les gens ne pouvaient plus rentrer! »

Le festival C’est dans la Vallée

Environs a été enregistré à Sainte-Marie-auxMines où a été créé le festival C’est dans la Vallée. « Je n’ai pas dit “Je veux faire un festival”. Ça a commencé par des concerts de Kat Onoma dans une chapelle. Comme ce fut un succès, on a continué sous forme de festival. Hortense Archambaud, co-directrice du Festival d’Avignon pendant 10 ans jusqu’en 2013, m’a dit “Ça devait être un peu comme ça Avignon au début...”, avec une vraie mixité dans le public. Ainsi, naturellement, c’est làbas que j’ai décidé de faire les premiers concerts d’Environs fin septembre. »

Comment rencontrer Rodolphe Burger et ne pas parler de Kat Onoma, groupe majeur de la scène underground des 90’s dont la flamme n’est pas éteinte, au contraire. «Ce n’est pas complètement du passé puisque je reprends régulièrement les morceaux de Kat Onoma, notamment avec Philippe Poirier. On a cette chance d’être fiers de nos disques. C’est l’unique groupe, il n’y en aura pas d’autres. Tu ne peux pas avoir deux groupes dans la vie, ça sera d’autres histoires. »

Après les 3 dates à Sainte-Marie-aux-Mines, la tournée Environs commencera réellement à Strasbourg le 5 décembre pour se terminer en apothéose à l’Olympia un an plus tard. i

drodolpheburger.com

Dernière bande

Soucieux de garder son indépendance artistique, Rodolphe Burger crée dès 2002 son propre label au nom à double sens, Dernière Bande, inspiré par son amour pour l’œuvre de Samuel Beckett. Outre les disques signés sous son nom et ceux de Kat Onoma, le catalogue propose nombre de créations issues de collaborations comme Blood and Burger avec James Blood Ulmer, Psychopharmaka avec Olivier Cadiot ou bien encore La ballade de Calimity Jane avec Alain Bashung et Chloé Mons, complétées par les albums de Fred Poulet, Beau Parleur, Valère Novarina et Jeanne Balibar, des affiches de Charles Berberian, sans oublier quelques DVD dont le film Good, sorti fin 2018, qui permet de plonger dans l’envers du décor.

«Cet effet intello ou rock cultivé est un malentendu...»

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