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Livres

FLORENT MARCHET Le monde du vivant

Ed. Stock, 288 pages, 19 € 50

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On appréciait déjà les albums délicatement ciselés de l’auteur-compositeurinterprète. On le découvre ici en primo-romancier doué, livrant un texte raisonnant avec force avec l’actualité. En particulier en cet automne où, alors que la pandémie ébranle nos certitudes, nombre de citadins esseulés par le confinement songent à tout plaquer pour changer de vie. C’est ce qu’a fait Jérôme, ancien ingénieur qui a emmené sa femme et ses deux enfants à la campagne pour réaliser son rêve : posséder une ferme bio. Mais rien ne se passe aussi simplement qu’il ne l’imaginait. En particulier avec sa fille, Solène, 13 ans. La jeune fille aspire à vivre sa vie de lycéenne : les grands discours de son père devenu paysan l’exaspèrent. Lorsque Marion, l’épouse de Jérôme, se blesse, le couple fait appel à Théo, un “woofeur” (un aide agricole). Sa présence va bousculer le fragile équilibre de la ferme… En alternant les points de vue de la fille et du père, Florent Marchet livre un récit intime et engagé, dénonçant les folies d’un monde bien trop aveugle, encore, à ses propres dérives.

Léo

aphie r Biog

LA PIÉTÀ La moyenne… à peine PATRICE LECONTE JÉRÔME TONNERRE AL COUTELIS Ed. Grand Angle, 72 pages, 16 € 90 On le connaît pour ses films cultes, tels que Ridicule, Les bronzés ou Voir la mer. Le cinéaste Patrice Leconte est aussi dessinateur : entre 1970 et 1975, il a publié ses croquis dans la revue de bande dessinée Pilote. À l’époque, il croise Al Coutelis, lui aussi auteur de BD. Près de cinquante ans après, les deux compères se sont retrouvés, avec le scénariste Jérôme Tonnerre, pour signer cet album au léché impeccable. Paris, hiver 1943. Libérée de prison, Arlette se retrouve seule dans la capitale occupée, vêtue de sa robe d’été, errant de cabarets en caboulots clandestins. Elle y rencontre une série de personnages hauts en couleurs : racoleurs, policiers au soupçon facile, commerçants à la petite semaine et surtout, la mystérieuse Anna… Si le poids de l’Occupation n’est jamais loin, le dessin classique et superbe est prétexte à une plongée dans le Paris interlope ; celui où, en dépit de la guerre, du couvre-feu et des restrictions, les musiciens continuent de jouer du jazz (musique honnie des nazis), enflamment les cœurs, hommage à la vie vibrant malgré tout.

Ed. Le Mot et le Reste, 256 pages, 20 € Les Beatles et les Rolling Stones sont, avec d’autres groupes comme les Who, les Kinks et les Animals, les précurseurs de la vague rock britannique du début des années 1960. Les deux co-auteurs de cet ouvrage sont chefs d’entreprise. L’un passe beaucoup de temps dans les aéroports entre Paris et Madrid à écouter Bob Dylan ou du rock anglais des années 60 et 70. Le second est un musicien, collectionneur de guitares, auteur d’un roman et de nouvelles. Tous deux ont déjà co-écrit l’essai Protest song, la chanson contestataire dans l’Amérique des sixties (2012). Alors que les Beatles étaient vus comme sages et pop, les Rolling Stones étaient rebelles, turbulents et rock. Ce livre montre comment les deux groupes ont marqué leur génération par des controverses, rapprochements ou des oppositions souvent davantage médiatiques que réelles. On suit ce palpitant entre-deux qui a façonné la culture et la musique de la seconde moitié du XXème siècle jusqu’à nos jours, alors que les Stones, à l’incroyable longévité, se produisent encore. OverDoseYourLife, 330 pages, 20 € Sa vie, ses amours, ses ambitions, ses échecs, ses colères, Louise se livre sans retenue. Fan de Kurt Cobain, elle a tout tenté pour être comme ses idoles avant de tomber dans l’enfer des échecs et des trahisons. Soutenue dans son récit par une confidente épistolaire, Polly, la jeune fille trace sa route jusqu’à n’en plus pouvoir. Le point de rupture l’amènera jusqu’à la mer, pour se reconstruire et finalement recommencer. Une spirale infernale l’emporte en permanence, mais une forte colère intérieure lui permet de surmonter tous les obstacles. Un livre qui sent bon le vécu, jusque dans ses maladresses, et qui accompagne avec intérêt le premier album de La Piètà, un disque qui s’affirme écoute après écoute comme la meilleure sortie de l’année. Son alter ego littéraire, une plongée dans son intimité, permet d’en savoir plus. On souhaite à cette Piètà désormais apaisée le courage de continuer car sa quête n’est pas veine, loin s’en faut.

PATRICK AUFF RET

Ed. Delcourt, 224 pages, 20 € 50 Pour la rentrée littéraire, les éditions Delcourt ont eu la belle idée d’offrir une deuxième vie à ce roman de l’écrivain américain William Melvin Kelley (1937-2017), paru en 1965. Aveugle, noir, abandonné à la naissance, Ludlow Washington débarque dans le monde sous de mauvaises étoiles. Il grandit dans une institution où il subit des mauvais traitements mais où, par chance, il apprend la musique, pour laquelle il se révèle doué. Il parvient à se tirer de ce lieu infernal, mais devient la propriété de Bud Rodney, chef d’orchestre se produisant dans un café au sud des Etats-Unis. Ambitieux, talentueux, Ludlow se lasse vite. Il suit les pionniers du jazz à NewYork, invente une nouvelle façon de jouer et improviser, loin des standards du genre, jusqu’à devenir une étoile montante de l’avant-garde jazzy. Il refuse la condition à laquelle son handicap et sa couleur de peau l’astreignent, mais il est rattrapé, malgré tout, par les démons de son enfance brisée…

DAVID DESVÉRITÉ CharlÉlie, poète rock Ed. L’Archipel, 400 pages, 24 € Documentaliste de métier, l’auteur a déjà signé des biographies dans les domaines de la musique ou du cinéma. Cet opus est le premier dédié à CharlElie Couture, artiste pluridisciplinaire et prolifique, tour à tour peintre, plasticien, musicien, chanteur, photographe, qui fut aussi également thésard diplômé des Beaux Arts de Nancy. C’est un plaisir de découvrir ce qui a marqué son existence rock et poétique. Sa carrière recense vingt-quatre albums (le dernier, Trésors cachés et perles rares, sort à l’automne, en même temps que cette biographie), dont plusieurs disques d’or. Il s’est installé avec sa famille un temps aux États-Unis pour ouvrir une galerie et se consacrer à l’art. Revenu en France au moment de l’élection de Donald Trump, il s’est confié à l’auteur sur son métier, ses ambitions, ses échecs, mais aussi son rôle de père et mari. De nombreux amis et proches témoignent également. On parcourt avec délice ces lignes dévoilant un artiste d’hyper créatif,

Vanessa Maur y-Dubois

ssai E Roman r omancée Bio-

Deux passantes dans la nuit, tome 1: Arlette

Aena Léo

YVES DELMAS ET CHARLES GANCEL

Beatlestones, un duel, un vainqueur

Vanessa Maur y-Dubois

WILLIAM MELVIN KELLEY Jazz à l’âme inclassable et indémodable.

Aena Léo

OLIVIA RUIZ

La commode aux tiroirs de couleurs JC Lattès, 208 pages, 19 € 50 Olivia Ruiz vient de livrer un premier roman très réussi. Sur fond d’exil et de romantisme, elle s’invente par le prisme d’une vieille commode remplie de souvenirs et transmise de génération en génération, une histoire familiale aussi dramatique qu’attachante. On suit sans ennui la vie intrépide de Rita, son abuela, sa grand-mère fantasmée, dans des aventures extraordinaires. Elles vont lui faire passer la frontière jusqu’à Marseillette, terre d’asile de son clan. Dans ce roman, Olivia mêle fiction et réalité. On y retrouve le bar familial de sa chanson “J’traîne des pieds” et les références à sa véritable histoire sont nombreuses. Elle va aussi plus loin en mixant à sa biographie personnelle de nombreuses petites guerres intimes et féminines. Celles-ci se confrontent à la grande Histoire, avec, en fil rouge, la guerre d’Espagne, et la lutte sans merci ni pardon menée contre le général Franco et l’extrême-droite. Pas de doute, Olivia Ruiz fait une entrée fracassante dans le monde du livre.

PATRICK AUFF RET

ca gav E humeur et vitriol par Jean Luc Eluard

Généralement, avant de commencer la rédaction de cette tonitruante rubrique, je fais une demi-heure de méditation transcendantale en pleine conscience de moi-même et de cette légère douleur à l’épaule droite qui m’étonne puisqu’habituellement, je me pignole plutôt de la main gauche. Puis je bois une demi-théière de thé au jasmin du Sichuan. Enfin, je respire profondément en récitant des mantras bouddhistes afin de me recentrer. Non... je déconne ! Je lis les commentaires des lecteurs dans la presse régionale pour bien m’énerver, trois verres de rouge pour tout mélanger, je vais pisser un coup et je me lance. Parce qu’en fait, toutes ces conneries sur le bien-être, la détox et le lâcher-prise, ça me fait autant d’effet qu’un collyre sur l’œil de verre de Jean-Marie.

Jusqu’à une période récente, c’était une sorte de cale-page qui servait à finir de boucher les derniers espaces laissés libres par la publicité dans les magazines féminins les moins regardants. On parlait bienêtre après les vergetures et les possibilités laissées par la vie contemporaine de ressembler à une anorexique souffreteuse sur la plage. C’était chiant, mais comme je ne lis pas ce genre de magazine (je n’aime pas la plage), je n’étais pas au courant qu’il fallait se recentrer sur soi et ses désirs, penser à soi en premier lieu pour être heureux et épanoui comme un lecteur d’Anna Gavalda.

Alors, comme un con, je tenais encore la porte à la personne qui me suivait. Maintenant, comme ça m’emmerde d’attendre qu’elle ait suffisamment déplacé ses trois-quarts de quintal de chair putride et nauséeuse afin de la tenir à son tour, je ne tiens plus les portes : je ne risque plus d’attraper n’importe quelle maladie douteuse et exotique et celui qui me suit se la prend dans la gueule. Mais comme la méditation me permet de penser avant tout à mon nombril, puis à mon plexus solaire, avant de me recentrer sur ma respiration et mon trou du cul, je m’en fous royalement.

Le bien-être est devenu une sorte d’excuse mysticoscientifique (il y a toujours des bouts de science dedans, c’est un peu comme un discours de Castaner, il y a toujours des bouts d’yeux ou de mains dedans) pour ne penser qu’à sa gueule et laisser crever les autres. L’égoïsme contemporain a ceci de délicieusement faux-cul qu’il ne s’expose jamais sous son vrai nom. Personne ne vous dira «Moi, je m’en tape complet des autres, il n’y a que ma gueule qui m’intéresse. » Non bien sûr. Ce sera plutôt: «J’ai pris conscience que j’étais entouré de pervers narcissiques [toujours placer un pervers narcissique, même si on ne sait pas ce que c’est] [c’est un peu comme placer «transsubstantiation » quand on parle avec un curé, ça fait joli] alors j’ai décidé de me recentrer sur moi-même. Je tiens à me protéger. » Ce faisant, on se protège en pensant d’abord à soi, en faisant des choses pour soi, en ignorant royalement les autres puisqu’on vous le serine à longueur de pubs et de pages: «Vous êtes la personne la plus importante du monde. » Que ce soit la publicité, les bien-êtrologues ou les coachs en développement personnel, tout le monde vous le suggère; mais forcément, comme tout le monde finit par le penser, soit il y a trop de personnes dans le monde soit chacun se crée son petit monde à soi, peuplé de trous du cul, c’est à dire de soi-même.

Parallèlement, il faut savoir travailler en équipe. Sans oublier d’être bienveillant. Ce qui nous donne la formule suivante : des egos surdimensionnés tentent de s’accorder sur une manière d’avoir l’air de faire des choses ensemble sans oublier de tirer un maximum la couverture à soi en répandant des propos mielleux sur ses collègues visant essentiellement à les engluer. Bref, un monde d’ordures bienveillantes buvant du thé rooibos du Sichuan oriental pour se recentrer sur euxmêmes en pleurant sur les enfants manchots, orphelins et phtisiques qui cueillent le thé dans le Sichuan. Ces cons de gamins, ils savent même pas se recentrer sur eux-mêmes... Bien fait pour leur gueule.

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Numéro 93

Directeur - rédacteur en chef > Serge Beyer Publicité > Émilie Delaval – marketing@longueurdondes.com, Pierre Sokol – pierre@longueurdondes.com, Julia Escudero – julia@longueurdondes.com

Couverture > Création Vanessa Ganzitti Maquette - illustrations > Longueur d’Ondes / Éphémère Webmasters > Gabriel Verhaeghe, Kévin Gomby, Marylène Eytier

Ont participé à ce numéro > Patrick Auffret, Valérie Billard, Alain Birmann, Jessica Boucher-Rétif, Antoine Couder, France De Griessen, Samuel Degasne, Julia Escudero, Régis Gaudin, Marie-Anaïs Guerrier, Fanny Jacob, Pierre-Arnaud Jonard, Kamikal, Yann Le Ny, Xavier Lelièvre, Enguerrand Lavaud, Aena Léo, Vanessa Maury-Dubois, Émeline Marceau, Xavier-Antoine Martin, Clémence Mesnier, Julien Naït-Bouda, Benjamin Pascal, Amélie Pérardot, Jean Thooris, Laurent Thore, Gabriel Verhaeghe Photographes > Patrick Auffret, Sébastien Bance, Carolyn C., Christophe Crénel, Marylène Eytier, Guendalina Flamini, David Poulain, Florence Sortelle Impression > MCCgraphics | Dépôt légal > octobre 2020 | www.jaimelepapier.fr

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