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Niko Jones
NIKO JONES chef d’œuvres
Samuel Degasne
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Artiste, producteur, tourneur, programmateur de festivals… De par ses multiples casquettes, le leader des Tagada Jones et co-dirigeant de Rage Tour (organisateur des tournées d’Ultra Vomit, No One Is Innocent, Gérard Baste…) est sans doute l’un des mieux placés pour évoquer la situation du secteur musical indé: son parcours, entre engagement, sincérité et liberté, est un de ces exemples du «Do it yourself» (réussi) à la française... Ça tombe bien! 25 ans après leur premier EP et après la clôture du Bal des Enragés (supergroupe composé des meilleurs du rock alternatif), son combo punk et rennais sort son dixième album studio en fin d’année. Des chiffres ronds pour un groupe qui a su ne jamais tourner le dos à ses convictions.
TAGADA JONES
1800 concerts, 24 pays traversés, 5 disques live… Une crête de conduite dans la lignée de groupes à la The Exploited, Bad Religion, Suicidal Tendencies ou leurs amis les Bérurier Noir. Et une actualité.
Difficile d’imaginer des chiffres de carrière aussi obscènes devant la douceur de l’hôte... Le crâne a beau être rasé et les tatouages s’échapper de la manche, ses yeux bleus et son sourire franc contrastent. Son phrasé, à rebours de ses interjections scéniques, aussi... Niko Jones n’est pas un homme en colère : il est de ceux qui choisissent leurs combats. Et prouve que même le cuir tanné n’a pas besoin de s’affranchir d’humilité. Des débuts, en 93 à Rennes, il est d’ailleurs le seul survivant de la première mouture du groupe... Lui, vient pourtant de Saint-Brieuc. La capitale bretonne n’était qu’une étape des études après le lycée. Près de 30 ans plus tard : Tagada Jones est une des rares réussites locales boudées par les Trans Musicales ; sa société de concerts affiche les meilleures productions du rock indé français ; son gang band Le Bal des Enragés est réclamé ; et son festival annuel en Vendée (On n’a plus 20 ans), est chaque fois complet. Une réussite qui attise parfois les procès d’intention, fustigeant une ascension supposément contraire à l’esprit punk revendiqué. Habitué, la remarque amuse encore le leader des TG : «Je ne vois pas où est la contradiction… Il nous arrive, bien sûr, de faire des concessions, mais ce n’est pas parce que nous sommes dans le système que
nous sommes LE système... On reste tout de même 100% indépendants et, je le crois, assez intègres. » Ou comment, si le monde ne vous convient pas, le façonner à son image — et créer ainsi son propre écosystème en choisissant ses acteurs. C’est d’ailleurs sans doute ce qui rend le plus fier Niko Jones : «avoir commencé dans les squats et faire vivre aujourd’hui une centaine de familles».
Le débat de ce qui est punk (ou non) a toujours chahuté le mouvement, et ce, depuis ses premières années. Et qui mieux, donc, que l’une de ses têtes de gondole pour en réinterroger les principes ? «Que l’on dérange ne nous ne pose aucun problème!», reprend Niko qui, beau joueur, rappelle que la critique est utile, mais qu’elle ne peut pas se «substituer à une majorité silencieuse ». Lui préfère parler de sincérité, d’éthique, de cohérence dans le discours et les actes. Et à ce titre, leurs textes (en français) critiquant mondialisation, capitalisme «sauvage» (la nuance a ici son importance), fanatisme ou intolérance, ne semblent effectivement — et jusqu’à présent — pas en contradiction avec leurs engagements. Ni le désir de vouloir porter ces thèmes.
L’engagement ? Une valeur devenue rare et désertée par une majorité de la sphère musicale actuelle. Au point que l’on associe presque la caractéristique aux seuls folk des 60’s ou rock alternatif des 90’s. Soit deux courants (et communautés) qui se souciaient moins du politiquement correct, érigeant leur geste en art de vivre plutôt qu’en unique divertissement...
Si les Tagada ne craignent effectivement pas d’être déprogrammés pour leurs discours («justes et utiles»), ils notent cependant un sursaut croissant dans la réception et la reprise de certains de leurs messages : «Il y a un renouvellement du public manifeste... Et cette nouvelle génération s’intéresse de plus en plus aux groupes engagés, voire même à ceux qui chantent en français. » En cause, selon eux: un espace public «saturé par les divisions»; une frustration liée à la «récupération politique des mouvements citoyens» (gilets jaunes, bonnets rouges, Nuit debout…) ; voire un «besoin d‘essentiel et d’assumer ses idées» accéléré par l’épidémie actuelle… «Nous en parlions déjà en 2008 dans notre titre “À force de courir”! La situation (imposée) a permis de nous recentrer sur nous-mêmes, de voir la vie autrement et, finalement, de s’interroger sur nos possibilités d’action et notre capacité à reprendre le contrôle... Si, pour l’instant, les conséquences se sont traduites par un appétit pour le fond (la vague verte des municipales, la musique engagée…), espérons que l’élan se poursuivra dans un sens tout aussi positif. » Mais l’actualité ne va pas seulement alimenter les prises de conscience (et les textes de ce dixième album)… En connaisseurs des cycles musicaux, les Tagada savent qu’un retour des protest songs montre la queue de sa comète tous les 25-30 ans (soit une génération). Nous y sommes. Et ce coup-ci, ils ne s’y sont pas que préparés : ils l’ont — aussi — déjà vécu. i
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