Longueur d'ondes N°93

Page 49

chroNiques Biographie

Récit

Roman

livres

FLORENT MARCHET Le monde du vivant

LA PIÉTÀ La moyenne… à peine

DAVID DESVÉRITÉ CharlÉlie, poète rock

OverDoseYourLife, 330 pages, 20 €

Ed. L’Archipel, 400 pages, 24 €

On appréciait déjà les albums délicatement ciselés de l’auteur-compositeurinterprète. On le découvre ici en primo-romancier doué, livrant un texte raisonnant avec force avec l’actualité. En particulier en cet automne où, alors que la pandémie ébranle nos certitudes, nombre de citadins esseulés par le confinement songent à tout plaquer pour changer de vie. C’est ce qu’a fait Jérôme, ancien ingénieur qui a emmené sa femme et ses deux enfants à la campagne pour réaliser son rêve : posséder une ferme bio. Mais rien ne se passe aussi simplement qu’il ne l’imaginait. En particulier avec sa fille, Solène, 13 ans. La jeune fille aspire à vivre sa vie de lycéenne : les grands discours de son père devenu paysan l’exaspèrent. Lorsque Marion, l’épouse de Jérôme, se blesse, le couple fait appel à Théo, un “woofeur” (un aide agricole). Sa présence va bousculer le fragile équilibre de la ferme… En alternant les points de vue de la fille et du père, Florent Marchet livre un récit intime et engagé, dénonçant les folies d’un monde bien trop aveugle, encore, à ses propres dérives.

Sa vie, ses amours, ses ambitions, ses échecs, ses colères, Louise se livre sans retenue. Fan de Kurt Cobain, elle a tout tenté pour être comme ses idoles avant de tomber dans l’enfer des échecs et des trahisons. Soutenue dans son récit par une confidente épistolaire, Polly, la jeune fille trace sa route jusqu’à n’en plus pouvoir. Le point de rupture l’amènera jusqu’à la mer, pour se reconstruire et finalement recommencer. Une spirale infernale l’emporte en permanence, mais une forte colère intérieure lui permet de surmonter tous les obstacles. Un livre qui sent bon le vécu, jusque dans ses maladresses, et qui accompagne avec intérêt le premier album de La Piètà, un disque qui s’affirme écoute après écoute comme la meilleure sortie de l’année. Son alter ego littéraire, une plongée dans son intimité, permet d’en savoir plus. On souhaite à cette Piètà désormais apaisée le courage de continuer car sa quête n’est pas veine, loin s’en faut.

Documentaliste de métier, l’auteur a déjà signé des biographies dans les domaines de la musique ou du cinéma. Cet opus est le premier dédié à CharlElie Couture, artiste pluridisciplinaire et prolifique, tour à tour peintre, plasticien, musicien, chanteur, photographe, qui fut aussi également thésard diplômé des Beaux Arts de Nancy. C’est un plaisir de découvrir ce qui a marqué son existence rock et poétique. Sa carrière recense vingt-quatre albums (le dernier, Trésors cachés et perles rares, sort à l’automne, en même temps que cette biographie), dont plusieurs disques d’or. Il s’est installé avec sa famille un temps aux États-Unis pour ouvrir une galerie et se consacrer à l’art. Revenu en France au moment de l’élection de Donald Trump, il s’est confié à l’auteur sur son métier, ses ambitions, ses échecs, mais aussi son rôle de père et mari. De nombreux amis et proches témoignent également. On parcourt avec délice ces lignes dévoilant un artiste d’hyper créatif, inclassable et indémodable.

PATRICK AUFFRET

Vanessa Maury-Dubois

PATRICE LECONTE JÉRÔME TONNERRE AL COUTELIS

Deux passantes dans la nuit, tome 1 : Arlette

Roman

BD

Essai

Aena Léo

Bio-romancée

Ed. Stock, 288 pages, 19 € 50

YVES DELMAS ET CHARLES GANCEL Beatlestones, un duel, un vainqueur

WILLIAM MELVIN KELLEY Jazz à l’âme

OLIVIA RUIZ La commode aux tiroirs de couleurs

Ed. Grand Angle, 72 pages, 16 € 90

Ed. Le Mot et le Reste, 256 pages, 20 €

Ed. Delcourt, 224 pages, 20 € 50

JC Lattès, 208 pages, 19 € 50

On le connaît pour ses films cultes, tels que Ridicule, Les bronzés ou Voir la mer. Le cinéaste Patrice Leconte est aussi dessinateur : entre 1970 et 1975, il a publié ses croquis dans la revue de bande dessinée Pilote. À l’époque, il croise Al Coutelis, lui aussi auteur de BD. Près de cinquante ans après, les deux compères se sont retrouvés, avec le scénariste Jérôme Tonnerre, pour signer cet album au léché impeccable. Paris, hiver 1943. Libérée de prison, Arlette se retrouve seule dans la capitale occupée, vêtue de sa robe d’été, errant de cabarets en caboulots clandestins. Elle y rencontre une série de personnages hauts en couleurs : racoleurs, policiers au soupçon facile, commerçants à la petite semaine et surtout, la mystérieuse Anna… Si le poids de l’Occupation n’est jamais loin, le dessin classique et superbe est prétexte à une plongée dans le Paris interlope ; celui où, en dépit de la guerre, du couvre-feu et des restrictions, les musiciens continuent de jouer du jazz (musique honnie des nazis), enflamment les cœurs, hommage à la vie vibrant malgré tout.

Les Beatles et les Rolling Stones sont, avec d’autres groupes comme les Who, les Kinks et les Animals, les précurseurs de la vague rock britannique du début des années 1960. Les deux co-auteurs de cet ouvrage sont chefs d’entreprise. L’un passe beaucoup de temps dans les aéroports entre Paris et Madrid à écouter Bob Dylan ou du rock anglais des années 60 et 70. Le second est un musicien, collectionneur de guitares, auteur d’un roman et de nouvelles. Tous deux ont déjà co-écrit l’essai Protest song, la chanson contestataire dans l’Amérique des sixties (2012). Alors que les Beatles étaient vus comme sages et pop, les Rolling Stones étaient rebelles, turbulents et rock. Ce livre montre comment les deux groupes ont marqué leur génération par des controverses, rapprochements ou des oppositions souvent davantage médiatiques que réelles. On suit ce palpitant entre-deux qui a façonné la culture et la musique de la seconde moitié du XXème siècle jusqu’à nos jours, alors que les Stones, à l’incroyable longévité, se produisent encore.

Pour la rentrée littéraire, les éditions Delcourt ont eu la belle idée d’offrir une deuxième vie à ce roman de l’écrivain américain William Melvin Kelley (1937-2017), paru en 1965. Aveugle, noir, abandonné à la naissance, Ludlow Washington débarque dans le monde sous de mauvaises étoiles. Il grandit dans une institution où il subit des mauvais traitements mais où, par chance, il apprend la musique, pour laquelle il se révèle doué. Il parvient à se tirer de ce lieu infernal, mais devient la propriété de Bud Rodney, chef d’orchestre se produisant dans un café au sud des Etats-Unis. Ambitieux, talentueux, Ludlow se lasse vite. Il suit les pionniers du jazz à NewYork, invente une nouvelle façon de jouer et improviser, loin des standards du genre, jusqu’à devenir une étoile montante de l’avant-garde jazzy. Il refuse la condition à laquelle son handicap et sa couleur de peau l’astreignent, mais il est rattrapé, malgré tout, par les démons de son enfance brisée…

Olivia Ruiz vient de livrer un premier roman très réussi. Sur fond d’exil et de romantisme, elle s’invente par le prisme d’une vieille commode remplie de souvenirs et transmise de génération en génération, une histoire familiale aussi dramatique qu’attachante. On suit sans ennui la vie intrépide de Rita, son abuela, sa grand-mère fantasmée, dans des aventures extraordinaires. Elles vont lui faire passer la frontière jusqu’à Marseillette, terre d’asile de son clan. Dans ce roman, Olivia mêle fiction et réalité. On y retrouve le bar familial de sa chanson “J’traîne des pieds” et les références à sa véritable histoire sont nombreuses. Elle va aussi plus loin en mixant à sa biographie personnelle de nombreuses petites guerres intimes et féminines. Celles-ci se confrontent à la grande Histoire, avec, en fil rouge, la guerre d’Espagne, et la lutte sans merci ni pardon menée contre le général Franco et l’extrême-droite. Pas de doute, Olivia Ruiz fait une entrée fracassante dans le monde du livre.

Aena Léo

Vanessa Maury-Dubois

Aena Léo

PATRICK AUFFRET

LONGUEUR D’ONDES N°93 49


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