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Viktor And The Haters

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Musique

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«Même la consommation de sexe est devenue néo-libérale.»

Viktor and the Haters

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la rage au ventre

Dynamitant les codes rap, rock, punk, électro, ce groupe apparaît comme le reflet idéal d’une société toujours plus complexe et morcelée. Sensuel et politique, il est de ceux pour qui la rage n’est pas un vain mot et prouve que l’on peut à la fois être féministe et parler cul...

Avec son rap-punk incendiaire, Viktor and The Haters est le reflet idéal d’une société complexe, d’un monde qui change. Ce groupe sent l’asphalte, le bitume et pourrait bien devenir les Bérurier Noir ou les NTM du 21 e siècle... Rien d’étonnant à cela lorsque l’on connaît le parcours du leader avec son précédent groupe Kalash, combo

PIERRE-ARNAUD JONARD Guendalina Flamini

auteur de trois albums : «Kalash a duré quatorze ans. On avait été au bout du projet. J’ai connu à travers cette aventure le parcours initiatique du hip-hop. Notre dernier disque La valse des invisibles était orienté chanson-rap. Je voulais aller vers quelque chose de plus énervé. Après la fin du groupe, j’ai débuté une résidence à Mains d’Œuvres avec l’idée de découvrir des groupes rock ou punk, tout en gardant en tête le projet de bosser avec certains d’entre eux. J’ai été accueilli sans projet précis ce qui est extrêmement rare dans le monde de la musique. Cela m’a permis de rencontrer Cyril, l’ancien guitariste des Hush Puppies (qui a composé avec moi une partie du disque), ainsi qu’Etienne de Cheveu, Mathieu de Vox-Low et Yan Péchin... »

Avec son nouveau groupe, l’artiste dynamite les chapelles musicales : «Aux États-Unis, il y a eu des ponts très tôt entre rap et rock ou le post-punk avec Blondie notamment. Je n’ai jamais baigné dans le purisme rap parce que j’étais intéressé par plein de styles musicaux différents. Le rap n’a d’ailleurs pas toujours été intégriste. Tu trouves un gros sample rock sur “Contrat de conscience” d’IAM par exemple. Imhotep a une culture musicale très éclectique. On ne doit pas oublier que le rap vient du blues et du rock’n’roll. » Viktor veut intégrer une agressivité punk dans sa musique, réussir la rencontre entre l’énergie du rap et celle du rock: «J’adore les Beastie Boys et Run DMC. Je voulais aussi créer un mix, mais d’une manière différente d’eux. »

C’est comme cela que l’on trouve chez ce combo une certaine radicalité, y compris dans l’écriture que l’on croirait maniée à la Kalashnikov. Preuve avec le texte de “Trasher l’époque”, d’une acuité impressionnante par rapport à la période que nous vivons : «C’est un morceau sur la décadence de l’époque. Je viens du rap politique. Kalash faisait du rap conscient; nous sommes par exemple partis en

Palestine avec le groupe. Récemment, les Gilets Jaunes de la Place des Fêtes m’ont appelé pour jouer. J’y suis allé. Je me situe bien sûr plus à gauche de l’échiquier politique qu’à droite, mais même si le militantisme est important, je ne veux pas faire uniquement des textes sur l’actualité. Je veux aussi parler de sexe, de l’humain. » De sexe il en est pas mal question dans ce premier album, et à l’heure où le mouvement fémi- niste retrouve des couleurs, on se demande s’il n’y a pas danger que ses textes puissent être mal interprétés : «Je suis féministe à 100000% mais là encore je ne donne pas de leçon. Il y a des rimes sexuelles dans mon disque. C’est arrivé qu’un programmateur me dise qu’elles avaient choqué une partie de l’audience féminine. Je parle d’amour, de sexe, de fantasme. Je n’écris pas en pensant à ce que l’auditeur va ressentir, mais en m’écoutant. Je ne sais pas si en France, nous sommes entrés dans une époque puritaine. Ce qui est sûr c’est que nous ne sommes pas dans une période de fantasme. L’époque est très Tinder, sexe cash. Les gens se retrouvent dans une consommation de sexe qui est une consommation néo-libérale. » Politiquement libre, musicalement explosif, Viktor and the Haters est définitivement la bande son idéale de cette année 2020 chaotique. i

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Blackout 1 Vlad - L’autre distribution

Avec ce premier opus, il est peu de dire que le groupe frappe fort. Viktor et sa bande dynamitent ici rock, rap, électro. Le disque est sombre, moite, reflet parfait d’une ville la nuit. On sent une rage, un sentiment d’urgence qui fait mouche à tous les coups. Politique et sociétal, cet album fait l’effet d’une vraie bombe. Marier punk et rap est un pari audacieux et risqué. Viktor y parvient avec une audace qui fait plaisir à entendre. Un album coup de poing sans concession aucune.

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